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INST Rapport du Comité

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CHAPITRE 3 : LE TRIBUNAL DE LA CONCURRENCE

Organisation et composition du Tribunal

Le Tribunal de la concurrence a été créé en 1986 lorsqu’on a procédé à une réforme en profondeur du droit de la concurrence canadien et remplacé la Loi relative aux enquêtes sur les coalitions par la Loi sur la concurrence. Le Tribunal est une cour spécialisée à la fois en matière d’économie et en matière de droit, qui entend et tranche toutes les demandes présentées sous le régime des parties VII.1 et VIII de la Loi sur la concurrence (en ce qui concerne notamment les fusions, l’abus de position dominante et d’autres pratiques commerciales susceptibles d’examen). Organisme décisionnel indépendant de tout ministère, le Tribunal se compose d’au plus quatre membres provenant de la magistrature et d’au plus huit autres membres. Les membres juristes sont choisis parmi les juges de la Section de première instance de la Cour fédérale, les autres étant nommés par la gouverneur en conseil sur la recommandation du ministre de l’Industrie.

Le Tribunal examine des questions complexes d’économie et de droit, et il rend des décisions qui ont une incidence non seulement sur les droits et le bien-être économique des parties, mais également sur les entreprises et les consommateurs au Canada et de l’étranger. Afin de pouvoir résoudre ces questions, le Tribunal est investi des mêmes pouvoirs qu’une cour supérieure d’archives, y compris le pouvoir d’entendre des preuves, de convoquer des témoins, d’ordonner la production et la consultation de documents, d’assurer l’exécution d’ordonnances et, de façon générale, de faire ce qui est nécessaire pour exercer sa compétence. Toutes ces procédures visent un seul objectif : permettre au Tribunal de recueillir les preuves dont il a besoin pour rendre une décision judicieuse et équitable sur les faits du litige. Le Tribunal ne rassemble pas d’éléments de preuve; il s’en remet plutôt aux parties (ou, habituellement, à leurs avocats), pour assembler et présenter les preuves dont il a besoin pour rendre une décision. Les parties produisent leurs éléments de preuve, chacune essayant de démontrer qu’elle a raison. Les parties ont également l’occasion de « tester » les preuves de la partie adverse lors d’un contre-interrogatoire. Ce système — appelé le modèle « adversatif » ou « contradictoire » — est utilisé de manière courante par les tribunaux canadiens et d’autres organismes d’arbitrage.

Dans le système « adversatif » du Tribunal, le commissaire de la concurrence est l’une des parties et il engage des procédures en présentant une demande au Tribunal. Par conséquent, le Tribunal et le Bureau fonctionnent de manière totalement indépendante l’un par rapport à l’autre. Il n’y a aucun partage des ressources ni consultation sur les instances en-dehors du processus officiel de règlement des différends. De fait, cette stricte séparation des fonctions est jugée essentielle pour préserver l’intégrité du processus décisionnel. Le Comité est au courant que d’autres administrations (notamment l’Union européenne) utilisent un modèle différent, en vertu duquel les rôles d’enquêteur et d’arbitre sont fondus en un seul. Le Comité est d’avis que notre modèle actuel est adéquat, compte tenu à la fois de la dynamique fonctionnelle de notre système de droit et des exigences liées à la Charte canadienne des droits et libertés. En outre, la séparation des fonctions au sein du système adversatif donne généralement des résultats sensés et équitables. Néanmoins, le système peut s’avérer passablement lent et lourd sur le plan de la procédure. Sans compter que les instances sont souvent rendues plus complexes par la présence de parties et d’intervenants multiples, ainsi que par la présentation de requêtes interlocutoires sur des questions de procédure. Les affaires contestées portent souvent sur des considérations économiques très complexes, par exemple la définition du marché, l’emprise sur le marché, les barrières à l’entrée, etc. Les parties font souvent appel à de nombreux experts pour mettre en lumière toutes les facettes du débat économique. Ces experts peuvent produire des rapports et présenter au Tribunal des preuves qui feront l’objet d’un contre-interrogatoire. Dans une certaines mesure, à tout le moins, les coûts élevés des instances dont est saisi le Tribunal sont attribuables à ce qui semble une tendance croissante à engager de plus en plus d’experts. Par ailleurs, certains témoins ont fait observer que les témoins experts ont de plus en plus tendance à intercéder en faveur de leurs clients, c’est-à-dire à affirmer des conclusions de droit plutôt que de se cantonner à leur rôle qui est d’aider le Tribunal à juger correctement des faits.

Le Comité est particulièrement conscient du fait que les frais élevés des procédures engagés devant le Tribunal peuvent décourager les petites et moyennes entreprises de soumettre à ce dernier des causes légitimes. Peu d’éléments de preuve ont été présentés au Comité sur les attributions des dépens, mais le Tribunal semble disposer d’un vaste pouvoir discrétionnaire à cet égard; de fait, le Tribunal n’est aucunement obligé d’attribuer les dépens. Le public aurait peut-être intérêt à disposer d’une politique explicite sur le sujet. Par conséquent, le Comité recommande :

6. Que le Tribunal de la concurrence élabore une politique visant une attribution juste et équitable des dépens, compte tenu des ressources dont disposent les parties à l’instance. Qu’une telle politique tienne compte des avantages qu’il y aurait à exempter les petites entreprises des frais de contentieux devant le Tribunal.

De nombreux témoins qui ont comparu devant le Comité, tant dans le contexte de l’étude de juin 2001 qui a mené au Rapport intérimaire que lors de nos tables rondes récentes, ont exprimé un certain mécontentement à l’égard du processus d’arbitrage. Par contre, ils n’ont pas hésité à dire que, dans l’ensemble, le système est très efficace et ne nécessite aucune réforme majeure. Deux des problèmes invoqués étaient le temps nécessaire pour les mesures de redressement provisoires et pour rendre les décisions. En outre, beaucoup considèrent que les coûts liés à l’instruction d’une affaire par le Tribunal sont prohibitifs, ce qui est attribuable en partie, semble-t-il, à une démarche trop procédurière de communication préalable ainsi qu’aux longues listes de témoins experts que les parties peuvent appeler à témoigner.

Délais

Pour ce qui est de la critique selon laquelle le Tribunal ne prend pas assez rapidement des mesures de redressement provisoires, le Comité prévoit que ce problème sera réglé en grande partie grâce aux nouveaux pouvoirs dont le projet de loi C-23 investit le Tribunal, à l’article 103.3 de la Loi. Ces nouveaux pouvoirs permettront au Tribunal de rendre une ordonnance provisoire afin d’empêcher certaines pratiques anticoncurrentielles. Le critère du droit pour la délivrance de l’ordonnance est très faible — le commissaire n’a pas à démontrer que la concurrence sera irrémédiablement compromise, mais simplement que quelqu’un sera probablement éliminé en tant que compétiteur, ou qu’une personne subira vraisemblablement un revers important pour ce qui est de sa part du marché ou de ses revenus, ou un autre préjudice irrémédiable.

Le Comité croit que le fait d’accorder un redressement — provisoire ou définitif — pour le simple motif qu’un compétiteur perd des revenus (ce qui ne cesse de se produire et ne constitue pas, en soit, la preuve d’une activité anticoncurrentielle) est une mesure qui s’écarte considérablement du principe important et bien établi selon lequel la Loi sur la concurrence vise à protéger la concurrence elle-même, et non les compétiteurs. Toutefois, le redressement dont il est question ici est temporaire et vise à aider le commissaire à empêcher qu’un compétiteur ne subisse un préjudice immédiat et irréparable, c’est-à-dire qu’il soit éliminé du marché. Ainsi, bien qu’une ordonnance provisoire puisse à l’occasion s’avérer inefficace en protégeant un compétiteur non concurrentiel, cet effet sera de toute façon temporaire. Au bout du compte, le commissaire ou le demandeur devront quand même prouver les éléments de fond de l’article pertinent afin d’obtenir une ordonnance définitive.

Néanmoins, le Comité craint que le fait d’abaisser ainsi la barre pour le redressement provisoire peut amener le commissaire à réclamer de telles mesures dans des cas dont le bien-fondé est douteux, ce qui serait nuisible à la concurrence. Dans une poursuite normale au civil, cela risque moins de se produire car la partie réclamant l’injonction va en justice en sachant que si elle perd en dernier recours, elle devra payer des dommages-intérêts à l’autre partie à cause du préjudice résultant de l’injonction. Cette règle vise à forcer la partie qui réclame l’injonction à bien examiner la validité de sa demande. Toutefois, cet important facteur de dissuasion ne semble pas exister dans la Loi sur la concurrence. En outre, même si elle existait, une telle règle ne produirait pas nécessairement l’effet escompté, car les dommages-intérêts payables par le commissaire à la partie lésée seraient puisés dans les deniers publics et non dans le portefeuille du commissaire (comme ce serait le cas pour un plaideur privé dans une action normale au civil). Dans ces conditions, presque rien ne dissuade le commissaire de réclamer une ordonnance provisoire, ce dernier n’ayant guère à rendre de comptes quant à sa décision de présenter une telle demande.

Outre la question du temps nécessaire pour les mesures de redressement provisoires, il y a celle du temps nécessaire pour les mesures définitives, c'est-à-dire l’ordonnance finale du Tribunal. Dans l’affaire dont est actuellement saisi le Tribunal par suite de l’allégation du commissaire concernant un abus de position dominante par Air Canada, nous constatons que les mesures provisoires n’ont pas tardé. Toutefois, le règlement définitif ne semble pas pour demain. Le commissaire a rendu une ordonnance en vertu de l’article 104.1 le 12 octobre 2000, et il l’a prolongée pour une période supplémentaire de 30 jours le 31 octobre 2000. Puis, le Tribunal l’a prolongée de nouveau jusqu’au 31 décembre 2000. Le Comité s’inquiète de constater que l’audience ne doit pas débuter avant l’automne 2002. Justice différée est justice refusée. Nous croyons que le règlement de cette question est important pour tous les Canadiens.

Équité procédurale

En raison des enjeux considérables des affaires traitées, le Tribunal s’efforce d’assurer aux plaideurs une équité procédurale suffisante. L’«équité procédurale » s’entend des droits et obligations inhérents au droit d’une partie à l’application régulière de la loi (« due process », comme on le dit aux États-Unis) dans un cadre d’arbitrage quasi judiciaire. À tout le moins, l’équité procédurale correspond normalement au droit d’une partie de donner sa version des faits à un arbitre impartial (c’est-à-dire sans parti pris), et au droit de s’attendre à ce que cet arbitre agisse en conformité des lois applicables. S’il n’agit pas conformément à ses compétences légales, la partie devrait pouvoir demander un contrôle judiciaire (c’est-à-dire un réexamen du dossier) à une cour de justice.

La question essentielle qui s’applique à cette notion est la suivante : jusqu’où va l’équité procédurale? Donne-t-elle à l’arbitre (en l’occurrence le Tribunal) la possibilité d’établir des règles limitant la portée de l’interrogatoire préalable, ou le délai imparti à cet égard? Qu’en est-il des délais impartis pour la présentation d’une argumentation? Ou des limites au nombre de témoins experts qu’on peut appeler à témoigner? De fait, peut-on « arrondir les coins » sans empiéter sur les droits des parties?

En veillant à l’équité procédurale, le Tribunal veut s’assurer que les parties qui comparaissent devant lui peuvent présenter leur cause de manière adéquate. Traditionnellement, chaque partie a le droit de déterminer quelle est la meilleure façon de procéder à cet égard et, en règle générale, les cours sont réticentes à intervenir sauf en cas de nécessité absolue.

Pour ce qui est de la protection procédurale, on ne peut pas dire qu’il existe de réponse définitive à la question : « qu’est-ce qui est suffisant? » De manière générale, plus les enjeux sont considérables pour les parties, plus ces dernières devraient être protégées sur le plan de la procédure. Par exemple, une instance pouvant mener à un emprisonnement devrait offrir la meilleure protection possible (c’est-à-dire celle d’une cour pénale, avec les procédures pénales, les règles de la preuve pertinentes et le fardeau de la preuve « hors de tout doute raisonnable »). À l’autre extrémité, les affaires de moindre importance au civil (p. ex., des décisions touchant l’attribution de permis) comporteraient une protection procédurale beaucoup moins rigoureuse. Toutefois, de « petits enjeux » pour une grande société peuvent constituer de très « gros enjeux » pour une petite entreprise. Il s’ensuit que la protection procédurale doit également répondre aux préoccupations des petites entreprises.

Il n’est guère facile de déterminer ce qui est suffisant en matière d’équité. Par exemple, il semblerait raisonnable d’avancer qu’une personne a le droit d’être avertie si une instance judiciaire est entamée contre elle. Il nous semble injuste en effet qu’une poursuite judiciaire puisse aller de l’avant — et qu’une ordonnance soit rendue contre quelqu’un — sans que cette personne en ait été informée ou ait eu la possibilité de réagir. De fait, le droit d’être informé est un principe important que les tribunaux civils ont souvent réitéré. Pour cette raison, les tribunaux n’autorisent généralement les demandes faites sans avis (ex parte) que dans des circonstances exceptionnelles.

Toutefois, si l’on pousse un peu plus loin l’idée du « droit à un avis », la situation devient un peu moins claire. Premièrement, donner « avis » d’une procédure n’a aucune signification si la personne ainsi avisée (le défendeur) ne peut rien faire pour influer sur le résultat de l’instance. Pour que le droit à l’avis ait une signification ou une utilité quelconque, on doit au moins avoir la possibilité d’agir sur l’issue du recours. On crée cette possibilité en permettant au défendeur de contester la preuve sur laquelle le requérant entend s’appuyer. Pour cela, le défendeur doit pouvoir d’une certaine façon « découvrir » l’argumentation du requérant, de sorte que la communication préalable devient nécessaire. Et qu’advient-il si une partie refuse de divulguer l’information réclamée par l’autre? Il faut qu’il y ait un moyen d’obliger les parties à divulguer leur preuve documentaire. De même, une procédure doit exister pour que les parties puissent régler leurs différends quant à la marche à suivre appropriée. Cela s’effectue au moyen de motions. Une décision doit être rendue sur chacune de ces motions, en fonction de sa valeur intrinsèque. En outre, le défendeur devrait avoir la possibilité de présenter des éléments de preuve en son propre nom, ce qui l’obligera vraisemblablement à engager des témoins experts. Il s’ensuit que le simple droit à un avis peut donner lieu à toute une ramification de droits réels et procéduraux. Le processus adversatif produit des résultats généralement justes et équitables, mais souvent à un coût très élevé.

Compte tenu des principes de l’équité procédurale, le Tribunal cherche plutôt à élargir les protections qu’à les restreindre. Cela signifie que, normalement, les parties disposent de la période qui leur est nécessaire pour clore la question « en temps et lieu », sans que le Tribunal ne soit trop directif. De même, les parties s’entendent souvent sur un calendrier pour le déroulement des activités, la production de documents, etc., et ces cadres d’action peuvent nécessiter beaucoup de temps dans les cas compliqués.

Gestion des instances

Le Comité partage les préoccupations de ceux qui trouvent que les procédures du Tribunal sont longues et onéreuses. Les intervenants ont indiqué plusieurs secteurs où elles pourraient être améliorées :

  • le délai à l’intérieur duquel les différentes étapes des procédures doivent être achevées;
  • le temps accordé aux interrogatoires préalables, et la portée de ceux-ci; et/ou
  • la quantité de témoignages d’experts que les parties peuvent produire.

À l’heure actuelle, le Tribunal a le pouvoir, en vertu de l’article 16 de la Loi sur le Tribunal de la concurrence, d’adopter (sous réserve de l’approbation du gouverneur en conseil) des règles d’application générale régissant la pratique et la procédure devant lui. À l’heure actuelle, ces règles sont énoncées dans les Règles du Tribunal de la concurrence11, qui définissent un code complet de procédures pour l’arbitrage des conflits dont est saisi le Tribunal, y compris les mesures concrètes que les parties doivent prendre et le délai à l’intérieur duquel elles doivent l’être. Les mesures en question englobent l’échange de plaidoiries, la communication préalable, la conférence préparatoire à l’audition, le redressement provisoire, les demandes des intervenants, les motions interlocutoires et l’audience elle-même.

 

Vous devriez envisager d’ouvrir le système afin de permettre aux participants un meilleur accès au Tribunal. Je trouve extrêmement ironique que dans une loi consacrée à la concurrence, le commissaire ait un monopole ou quasi-monopole au chapitre de l’accès. [John Rook, Osler, Hoskin & Harcourt, 65:10:45]



Dans l’ensemble, presque tous les travaux du Tribunal ont trait à la partie VIII, en particulier les fusions. On doit se rappeler qu’en vertu des modifications de 1986, les fusions ont été décriminalisées et placées sous la compétence exclusive du Tribunal de la concurrence [Stanley Wong, Davis & Company, 65:09:10]




Le Tribunal n’a pas énormément d’expérience. Il a été créé en 1986 et n’a réellement commencé à fonctionner qu’en 1987. Ce n’est qu’en 1990 qu’il a instruit les premières contestations relatives à des fusions. Il n’a pas eu tant d’affaires à juger. Comparativement à l’expérience des États-Unis ou même de l’Union européenne, nous n’avons pas eu énormément de causes, de sorte que l’importance de chacune se trouve amplifiée. [Stanley Wong, Davis & Company, 65:09:10]

Lorsqu’il est question de tronquer les procédures ou d’instaurer des procédures spéciales pour le Tribunal, nous ne devrions pas oublier qu’il est question ici de litiges commerciaux dans un certain domaine. Nous avons beaucoup d’expérience dans notre système judiciaire, sinon dans notre Tribunal, sur la façon de gérer ces affaires, et nous disposons de différents modèles, non seulement au Canada, mais dans d’autres administrations comme les États-Unis, où l’on a commencé à gérer les litiges commerciaux de manière plus efficace et plus efficiente. [Robert Russell, Borden, Ladner & Gervais, 59:09:10]






Dans toute la réflexion au sujet du genre de processus que nous voudrions avoir au Tribunal, typiquement, il y a l’idée d’imposer un modèle de procès traditionnel à part entière. Ce genre d’activité d’application n’est pas approprié dans un contexte de droit public. [Jack Quinn, Blake, Castles & Graydon, 59:12:30]






J’ai été l’un des seuls à déplorer le caractère formel et judiciaire de la procédure suivie par les juges de ce tribunal. Je préférerais un tribunal du type administratif, qui pourrait rendre les décisions plus rapidement sur la base d’avis d’experts. [Neil Campbell, McMillan Binch, 59:11:25]











[U]ne bonne application de la loi, sur le plan des procédures formelles, dépend en partie d’une rationalisation et amélioration des procédures du Tribunal de la concurrence, sans pour autant priver la partie incriminée de ses moyens de défense. […] Une structure de type tribunal administratif, tribunal expert, serait beaucoup plus utile. [Neil Campbell, McMillan Binch, 59:11:25]




[L]es décisions du Tribunal prennent beaucoup trop longtemps […] La plus récente affaire de consentement, pour laquelle il y a eu des déclarations de faits convenues et un degré élevé de collégialité entre les avocats de part et d’autre, a demandé environ 18 mois, et ce sur la base du consentement. Il fallait compter 18 à 20 mois pour une fusion. [Stanley Wong, Davis & Company, 59:11:30]
















Il est impératif de rationaliser et d’améliorer très considérablement [la procédure du Tribunal]. […] LeTtribunal de la concurrence a entendu quatre affaires de fusion contestées. Le temps moyen mis par le Bureau à rendre une décision dans ces transactions était d’environ huit mois et demi. La procédure du Tribunal […] a duré en moyenne 19 mois, du début jusqu’au jugement. [Margaret Sanderson, Charles River Associates, 59:11:20]











S’il existe un comité des règles, il n’est pas nécessaire de rédiger tout un ensemble de règles, ce qui peut nécessiter jusqu’à cinq ans car il s’agit d’un domaine complexe. On modifie sans cesse les règles en fonction de l’évolution de la loi, des procédures et de la technologie, de façon à s’adapter. [Robert Russell, Borden, Ladner & Gervais, 59:09:35]




Les litiges dont a été saisi le Tribunal ont souvent été acrimonieux parce qu’on sent un déséquilibre de l’information et des pouvoirs entre le commissaire […] et les défendeurs […] C’est très significatif en ce moment, ou ce le sera en raison des modifications au projet de loi
C-23, car le Parlement a cru bon de donner au commissaire le pouvoir de demander une ordonnance provisoire pour des motifs très limités, ex parte […]
[John Rook, Osler, Hoskin & Harcourt, 65:09:45]

 

Les avocats réclament toujours davantage de protection, de mesures de sauvegarde, d’audiences et de réexamen. [Jack Quinn, Blake, Castles & Graydon, 59:12:30]

Peu imprte de quel côté nous nous trouvons dans une affaire, le résultat peut nous décevoir. C’est ce qui se passe dans le système judiciaire, mais personne ne propose jamais d’abolir les cours ou de limiter leurs pouvoirs dans leur secteur de compétence. Il semble que nous ayons tendance, chaque fois que quelqu’un n’aime pas une décision du Tribunal, à dire immédiatement qu’il faudrait réduire son champ d’action? [Stanley Wong, Davis & Company, 65:09:15]


Comme n’importe quelle cour, le Tribunal devrait pouvoir gérer son registre comme il le juge bon. C’est le cas à l’heure actuelle, mais il semble qu’on veuille de plus en plus fixer des limites aux différentes activités qui précèdent la phase du litige. Mais c’est au Tribunal qu’il devrait revenir de déterminer l’équilibre approprié entre la rapidité d’exécution et l’équité. [John Rook, Osler, Hoskin & Harcourt, 65:09:45]

La difficulté survient si nous insistons trop sur la pleine et régulière application de la loi, ce qui demande énormément de temps et pour laquelle nous avons ce modèle judiciaire. […] Vous vous demandez parfois si le processus a pour véritable objet de déterminer la vérité. Si nous pouvions régler ce côté-là des choses, cela ferait beaucoup pour régler les questions d’indépendance et ainsi de suite. [Margaret Sanderson, Charles River Associates 59:12:00]



Traitement des affaires signifie également limitation du nombre de témoins. Cela vous intéresserait peut-être de savoir que dans l’affaire Microsoft […] il n’y a eu que 24 témoins et la décision n’a fait que 46 pages. Dans l’affaire de Superior Propane, dont vous avez beaucoup entendu parler, il y a eu 91 témoins et une décision de 109 pages. Je considère, bien franchement, que cela ne constitue pas de la gestion dynamique d’affaires. [George Addy, Osler, Hoskin & Harcourt, 59:11:35]



Franchement, nombre de mes collègues […] ont lutté avec acharnement, disant : « Ce n’est pas cela la justice. La justice c’est pouvoir convoquer autant de témoins que vous le voulez, faire un plaidoyer aussi long que vous le voulez et obtenir tous les ajournements que vous voudrez. » Je pense que l’hésitation de la part du tribunal à faire plus est attribuable à cette impression de barreau privé disant que le modèle est comme une cour. [Stanley Wong, Davis & Company, 59:12:20]

La tendance est toujours de dire, remanions un peu les règles de procédure du Tribunal et espérons que cela réglera le problème. Ce n’est pas toujours vrai. Cela peut aider, mais il faut également une gestion des affaires agressive de la part du Tribunal. Par exemple, une affaire récente, mettant en jeu Air Canada, a été ajournée pendant six mois sans qu’aucune raison ne soit donnée. [George Addy, Osler, Hoskin & Harcourt, 59:11:30]



J’exhorte le Tribunal à conserver un pouvoir discrétionnaire large et souple pour la gestion des cas, dans l’intérêt tant des parties que du public. Je m’inquiète de voir que des membres du Tribunal ont tendance à penser — et les règles vont dans ce sens — que cela peut s’accomplir au moyen de modalités fixes, lesquelles concernent essentiellement le moment où certaines pièces devraient être déposées et ainsi de suite. À mon avis, on ne fait que du rafistolage qui ne porte pas vraiment sur la substance. [John Rook, Osler, Hoskin & Harcourt, 65:10:45]

À mon avis, le Tribunal de la concurrence gère avec beaucoup d’efficacité sa charge de travail, et les affaires récentes dont il a été saisi en fournissent la preuve. Cela ne veut pas dire que certaines affaires ne s’étireront pas en longueur; en fait, cela va se produire. Dans cette éventualité, je ne crois pas que le Comité devrait entreprendre un débat déchirant sur le processus. C’est dans la nature du contentieux. [John Rook, Osler, Hoskin & Harcourt, 65:10:45]


11 DORS/94-290, modifié par DORS/96-307; DORS/2000-198.

 

Le Tribunal est au courant de ces critiques et il a dépoyé, et déploie encore, des efforts constructifs en vue d’y répondre. En particulier, il a établi en 1997 un Comité de liaison Tribunal/Barreau formé de membres du Tribunal, de membres de la Section du droit de la concurrence de l’Association du Barreau canadien et de l’avocat général de la Section du droit de la concurrence du ministère de la Justice (qui représente le commissaire de la concurrence). Le Comité de liaison passe en revue les façons de procéder du Tribunal afin de déterminer s’il est possible de les raffiner et de les améliorer. Au moment de la rédaction du présent rapport, on prévoyait l’option d’un certain nombre d’améliorations sur le plan de la procédure. Entre autres, on remplacera les modalités actuelles du processus de communication préalable — la partie du processus qui, depuis toujours, nécessite le plus de temps et donne lieu au plus grand nombre de questions interlocutoires — par les procédures suivantes :
de stimuler l’adaptabilité et l’efficience de l’économie canadienne;
une obligation réciproque des parties de fournir un document déclaratoire contenant une liste des dossiers qu’elles ont l’intention d’invoquer à l’audience;
des énoncés de ce que « vont dire » les témoins non-experts qui comparaîtront à l’audience;
un énoncé concis de la théorie économique qui sous-tend la demande.

En outre, les nouvelles procédures permettront de déposer certains renseignements fournis par le défendeur comme éléments de preuve, plutôt que d’obliger le témoin à se présenter en personne.

Autre modification tout aussi importante, les nouvelles procédures s’écarteront du modèle habituel qui permet aux parties de produire toutes leurs preuves d’expert à tour de rôle. Au lieu de cela, le Tribunal regroupera en comité les experts d’une question particulière. Chacun exposera son point de vue dans une déclaration, laquelle fera ensuite l’objet d’un contre-interrogatoire par les autres experts plutôt que par des avocats. Les avocats auront encore le droit d’interroger les experts, mais de façon limitée. Apparemment, on a utilisé cette approche en Australie et elle a donné de bons résultats.

Le Comité est également au courant du fait que le Comité de liaison Tribunal/Barreau est en train de rédiger un document de travail sur la possibilité de créer des règles similaires concernant les fusions. Ces modifications porteraient sur l’utilisation d’équipement électronique pour le dépôt des documents et les audiences, la limitation du nombre des témoins appelés à témoigner et la fixation d’échéances (au plus quatre mois à partir de la date du dépôt de l’avis de requête) pour la délivrance des motifs et des ordonnances du Tribunal. Les nouvelles procédures visent non seulement à réduire le délai nécessaire pour régler le dossier, mais également à rendre la démarche moins incertaine, ce qui en fin de compte aidera les parties à administrer leurs affaires.

Le Comité félicite le Tribunal pour ses réformes sérieuses et opportunes, et il l’encourage à poursuivre le processus. Toutefois, le Comité tient à préciser que, lorsqu’on songe à imposer des limites au droit d’une partie de faire valoir son point de vue complètement et équitablement, on doit toujours accorder une considération spéciale aux principes établis en matière d’équité et de justice. Par exemple, si l’on restreint le nombre de témoins qu’une partie peut appeler, ou le délai à l’intérieur duquel les parties doivent terminer leur argumentation, on court toujours le risque de créer une injustice réelle ou apparente.

Le Comité a évalué plusieurs options pour remédier aux lacunes perçues dans les façons de procéder du Tribunal. Par exemple, nous pourrions recommander que le gouvernement modifie la Loi sur le Tribunal de la concurrence de façon à imposer des limites procédurales aux travaux du Tribunal; ou nous pourrions recommander que le gouvernement modifie la Loi afin d’exiger que le Tribunal lui-même modifie ses règles afin de créer de telles limites.

Toutefois, le Comité estime que la première option est problématique pour plusieurs raisons. Le Comité n’a ni expérience directe ni expertise particulière de la conduite des travaux du Tribunal. En outre, dans la Loi sur le Tribunal de la concurrence, il est clair que le Parlement avait l’intention à l’origine de permettre au Tribunal de déterminer ses propres procédures, ce que ce dernier semble en train de faire de façon active. Pour ces raisons, le Comité ne considère pas qu’il est impératif de s’écarter de ce modèle.

La deuxième option serait d’imposer au Tribunal l’obligation de modifier les règles, tout en lui laissant la latitude de déterminer exactement dans quelle mesure. Mais, encore une fois, il est clair que le Tribunal possède déjà, en vertu de la Loi, la compétence nécessaire pour imposer une procédure de gestion des cas et qu’il examine activement des moyens de le faire.

Finalement, le Comité croit que le Tribunal est le mieux placé pour énoncer les règles régissant son mode de fonctionnement. Pour cette raison, le Comité recommande :

7. Que le Tribunal de la concurrence, en consultation avec le Comité de liaison Tribunal/Barreau, poursuive son examen continu des procédures afin de créer un régime d’arbitrage capable d’assurer des « résultats justes » rapidement et en temps voulu. L’objectif devrait être de réduire les délais et les coûts pour les parties dans les affaires contestées, tout en prenant dûment en considération les principes d’équité procédurale et d’apparence de la justice.

Équilibrer les facteurs incitatifs :

Dommages-intérêts, frais de contentieux et amendes

L’indemnisation que peut recevoir un requérant éventuel est un facteur d’importance critique lorsque vient le moment de décider d’introduire une instance devant le Tribunal. Avec l’adoption du projet de loi C-23, le droit d’intenter une action privée devant le Tribunal existera dans une certaine mesure, mais ce texte de loi est de toute évidence conçu davantage pour décourager plutôt qu’encourager un requérant à entamer des poursuites à titre privé. L’absence de recours en dommages-intérêts est l’élément dissuasif le plus évident. Si l’on refuse au demandeur ce qui, dans la plupart des affaires civiles, constituerait la mesure de redressement la plus importante, on peut raisonnablement s’attendre à ce que cela ait une incidence sur la décision d’aller ou non de l’avant avec une requête; autrement dit, est-ce que la solution (une ordonnance) vaut le temps, les efforts et les frais consentis? La possibilité de devoir verser des dommages-intérêts constitue aussi un important facteur dissuasif pour les comportements anticoncurrentiels. À l’heure actuelle, la seule mesure dont peut profiter le requérant est une ordonnance du Tribunal, c’est-à-dire une ordonnance de cesser et de s’abstenir, ou, dans certains cas, une ordonnance de cession d’actifs. Mais il ne peut réclamer de dommages-intérêts.

Partout dans le monde, le droit de poursuivre en dommages-intérêts est un droit fondamental accordé aux demandeurs dans des poursuites au civil. Il est injuste que les requérants devant le Tribunal se voient refuser un droit fondamental de tout autre plaideur, c’est-à-dire celui de réclamer la restitution des pertes subies du fait du comportement anticoncurrentiel d’une autre personne. La justification prétendue de cette politique est que la possibilité d’obtenir des dommages-intérêts provoquerait une avalanche de litiges comme cela s’est produit aux États-Unis, ainsi que le départ du Canada d’entreprises devant consacrer des sommes énormes à se défendre contre des poursuites vexatoires.

Le Comité connaît très bien les nombreuses différences qui existent entre le Canada et les États-Unis pour ce qui est de l’application des règles antitrust, et il est d’avis que ces différences sont si fondamentales qu’il ne sert à rien d’essayer de les comparer. En plus de permettre le versement de triples dommages-intérêts au demandeur qui obtient gain de cause, la formule américaine prévoit d’autres mesures qui encouragent l’introduction d’instances, par exemple des procès devant jury au civil et l’attribution des dépens, qui favorisent dans la grande majorité des cas le demandeur. Pour cette raison, le Comité est fermement convaincu qu’il n’y a aucun fondement à l’argument selon lequel la création d’un droit à des dommages-intérêts dans les procédures du Tribunal aurait une incidence néfaste sur le climat des affaires. De fait, c’est le contraire qui pourrait se produire. La création d’un système où toutes les personnes et entreprises sont en mesure de protéger leurs droits et intérêts économiques aurait plutôt tendance à attirer l’investissement qu’à l’éloigner. Cette conclusion est corroborée par l’expérience des États-Unis où, malgré qu’on y trouve le régime antitrust le plus litigieux du monde, les investissements continuent d’affluer dans le secteur commercial, davantage que partout ailleurs dans le monde.

Du reste, l’argument n’est pas confirmé par l’expérience des tribunaux civils ordinaires au Canada. Nos tribunaux accordent constamment des dommages-intérêts dans des causes civiles et il n’y a absolument aucune raison de croire que la disponibilité de ce recours a entraîné une avalanche de litiges stratégiques à ce niveau. Pour la même raison, rien ne laisse croire que le fait d’autoriser les requérants à réclamer des dommages-intérêts devant le Tribunal augmenterait considérablement les litiges, en particulier si l’action donne lieu à une « simple réparation », correspondant à la perte véritable et prouvable. La menace de litiges stratégiques serait également écartée par les nouvelles règles du Tribunal concernant les frais ainsi que par son pouvoir de rendre des jugements sommaires et de refuser l’autorisation de présenter une demande.

Le Tribunal est formé de membres très expérimentés de la magistrature et d’experts en économie, qui ont certainement les compétences nécessaires pour évaluer des dommages-intérêts. Le Comité ne recommande aucunement les triples dommages-intérêts que peuvent réclamer les plaideurs aux États-Unis et qui seraient à l’origine de l’énorme croissance de l’industrie des procès antitrust dans ce pays.

Jusqu’à ce qu’on autorise les dommages-intérêts en vertu de la Loi sur la concurrence, il est probable que l’équilibre des facteurs d’incitation et de dissuasion ne pourra être optimal. Il est probable que certaines causes valables ne se matérialiseront pas à cause de l’impossibilité d’obtenir une telle compensation. Ces requérants potentiels décideront simplement que les mesures injonctives limitées que peut prendre le Tribunal ne compensent tout simplement pas les coûts élevés qu’implique une procédure. Par conséquent, du point de vue du requérant, il est amplement justifié de créer un droit de poursuite en dommages-intérêts.

Par ailleurs, les dommages-intérêts constitueraient un excellent agent dissuasif. La possibilité de devoir payer des dommages-intérêts créerait certainement pour les entreprises dominantes une motivation supplémentaire à s’abstenir de pratiques anticoncurrentielles, le coût éventuel d’un tel comportement s’en trouvant haussé. Bien entendu, si la Loi était davantage respectée, le contribuable canadien économiserait les dépenses liées au fait que le Bureau est seul responsable de la faire exécuter. À l’heure actuelle, une entreprise en position de dominance n’a guère d’incitation à ne pas abuser de son emprise. Elle sait que le pire qui peut lui arriver, à la fin de l’instance, est de faire l’objet d’une ordonnance de cessation de son comportement anticoncurrentiel, et peut-être de devoir payer une partie des frais juridiques du requérant. Elle n’aura pas à verser des dommages-intérêts, peu importe les sommes que sa ou ses victimes pourront avoir perdu. Il suffit de comparer cela aux énormes profits que l’entreprise abusive peut réaliser pendant que la cause est devant le Tribunal. L’absence de dommages-intérêts constitue pour elle une incitation très forte à prolonger le litige; ce faisant, elle fait bien entendu augmenter quelque peu ses propres frais juridiques, mais elle n’accentue pas sa vulnérabilité du point de vue des dommages-intérêts. Entre temps, la victime de sa conduite continuera de subir des pertes (et sera de plus en plus pressée d’arriver à un règlement), tandis qu’elle-même continuera de toucher ses profits mal acquis sans s’inquiéter de devoir un jour payer.

Avec l’adoption du projet de loi C-23, le Tribunal aura maintenant la possibilité d’adjuger les dépens au plaideur qui obtient gain de cause. On s’attend à ce que cette disposition ait également une incidence sur la décision d’un éventuel requérant d’aller de l’avant, bien qu’on ne puisse considérer qu’il s’agit là d’une forte incitation dans un sens ou dans l’autre. En effet, l’éventualité de devoir assumer les dépens d’un défendeur victorieux aurait tendance à dissuader un requérant qui n’est pas fermement convaincu du bien-fondé de sa requête, tout comme, à n’en point douter, la perspective d’un recouvrement des frais aurait tendance à l’encourager. Qui plus est, on prévoit que dans certains cas, à tout le moins, le Tribunal ne fera pas droit à une demande de permission de présenter une demande en vertu des articles 75 et 77, ce qui peut également dissuader un demandeur d’engager une démarche.

Le Comité a aussi constaté que les témoins étaient fortement en faveur d’autoriser le Tribunal à imposer des sanctions administratives pécuniaires afin de décourager davantage les comportements anticoncurrentiels flagrants. La menace des dommages-intérêts constitue certainement un élément dissuasif efficace, mais l’imposition d’amendes serait un remède additionnel utile : 1) dans les situations où le versement de dommages-intérêts à lui seul ne serait pas suffisant; 2) si les victimes du comportement en question ne pouvaient être facilement identifiées, par exemple en cas de perte répartie parmi un grand nombre de consommateurs; 3) ou si la perte de chacun était trop minime pour que l’attribution de dommages-intérêts soit une solution efficace.

Afin d’être efficaces, les sanctions administratives doivent être suffisamment lourdes pour décourager les pratiques anticoncurrentielles. De fait, pour prévenir un tel comportement à l’avenir, la sanction doit être supérieure aux profits que l’entreprise abusive peut réaliser grâce à son comportement anticoncurrentiel. C’est pourquoi il ne devrait pas y avoir de plafond à l’amende éventuelle que le Tribunal peut imposer. Ce dernier devrait avoir toute la latitude voulue à cet égard, compte tenu des profits réalisés par la partie abusive et des autres facteurs qu’il juge pertinents dans les circonstances particulières de l’espèce.

En conséquence, la Loi doit instituer une combinaison optimale de mesures incitant à son observation et favorisant la matérialisation des causes valables. Deux options ont été présentées au Comité :

1.     Que le gouvernement modifie la Loi sur la concurrence afin de permettre au Tribunal, outre les autres recours dont il dispose dans des poursuites au civil, d’ordonner d’indemniser une partie au moyen de dommages-intérêts et d’imposer des sanctions administratives pécuniaires en vertu de l’article 79, afin de décourager les pratiques anticoncurrentielles et de favoriser le règlement juste et rapide des instances dont il est saisi.

2.     Attendre de voir quel sera l’impact des réformes du projet de loi C-23 (c’est-à-dire le droit privé d’accès, les renvois) sur le fonctionnement du Tribunal et ses procédures.

On ne peut dire avec certitude si la création du nouveau droit d’accès privé ainsi que les nouvelles procédures du Bureau concernant les renvois et les jugements sommaires produiront effectivement le résultat escompté d’encourager les litiges constructifs. Le Comité n’est pas convaincu que ces réformes limitées permettront à elles seules d’établir un juste équilibre. Pour cette raison, le Comité recommande :

8. Que le gouvernement du Canada modifie la Loi sur la concurrence et la Loi sur le Tribunal de la concurrence de façon à étendre les droits privés d’action aux situations d’abus de position dominante (article 79) ainsi qu’à autoriser le Tribunal à accorder des dommages-intérêts dans les actions intentées à titre privé (articles 75, 77 et 79).

Jurisprudence — Encourager les causes légitimes

Il y a un vaste consensus parmi les témoins sur le fait qu’il n’y a tout simplement pas assez d’affaires soumises au Tribunal. Cela ne revient pas à dire qu’il faut encourager les litiges comme une fin en soi; toutefois, le fait de porter des causes devant le Tribunal aura pour effet, au fil du temps, de développer une interprétation judiciaire qui servira à clarifier le sens de la Loi ainsi qu’à améliorer son observation et son exécution. Le défi des législateurs est d’établir un système grâce auquel les causes légitimes seront portées devant le Tribunal. Parallèlement, il faut prendre garde de ne pas encourager les litiges à caractère frivole, vexatoire ou stratégique.

Le Comité est convaincu que les nouveaux pouvoirs du Tribunal institués par le projet de loi C-23 sont bien conçus de manière à écarter les litiges futiles. Toutefois, il est loin d’être évident que les réformes constitueront une incitation suffisante à soumettre au Tribunal les affaires bien fondées.

Il ne fait guère de doute que de nombreux conflits pourront être réglés grâce au nouveau pouvoir du Tribunal d’entendre des renvois12. En même temps, il est raisonnable d’anticiper que certaines affaires seront réglées par voie sommaire en vertu des nouveaux pouvoirs de jugement sommaire du Tribunal. Les affaires manifestement dénuées de fondement seront « tuées dans l’œuf » grâce au droit du Tribunal de refuser la permission de présenter une demande.

Le Comité s’attend à ce que le nouveau droit d’accès privé à l’arbitrage des différends en vertu des articles 75 et 77 créé par le projet de loi C-23 ajoute à la charge de travail du Tribunal, car des particuliers voudront obtenir sa protection lorsqu’ils estiment faire l’objet de pratiques commerciales anticoncurrentielles. Toutefois, étant donné qu’il n’est pas possible de réclamer des dommages-intérêts, le Comité ne s’attend pas à l’avalanche de litiges que certains opposants à l’accès privé ont prédite. On prévoit néanmoins — de fait, on espère — que les parties prenantes utiliseront le texte de loi de bonne foi afin d’affirmer leurs droits devant le Tribunal, de protéger leurs droits civils et, de façon plus générale, d’assurer une saine compétition.


[I]l faut être en mesure de dire aux parties : « Je veux des experts sur cette question-ci et sur cette question-là, et vous feriez mieux de trouver des experts dans ce domaine »; au lieu de dire : « Faites ce que vous voulez, faites ce que vous voulez, et vous pourrez ensuite répondre et vous pourrez répondre aussi ». Dans ce domaine, ce n’est pas de cette façon que l’on traite les affaires. Dans ce domaine, il faut être extrêmement agressif, poussant à la roue dès le premier jour où l’affaire arrive au Tribunal. Le Tribunal peut faire cela sans qu’il soit nécessaire de modifier le processus. Chaque fois que vous avez une modification, cela crée davantage de jurisprudence sur son sens réel. Le cadre est assez bon pour que le Tribunal apporte ces changements. [Stanley Wong, Davis & Company, 59:12:20]


[A]u fur et à mesure du renforcement du processus du Tribunal et de l’amélioration du mécanisme d’arbitrage par le biais du Tribunal, nous ne devrions pas en même temps donner au commissaire le pouvoir d’éviter le Tribunal. Je pense que les pouvoirs d’injonction provisoire qui ont été accordés au commissaire dans le contexte des lignes aériennes sont un cas spécial, mais si l’on veut séparer l’enquête de l’arbitrage, alors il faudrait avoir unTtribunal revitalisé. Cela ne sert à rien de conférer en même temps au commissaire des pouvoirs qui lui permettent d’éviter le Tribunal. [Margaret Sanderson, Charles River Associates, 59:12:30]

Je crois que des sanctions administratives et des dommages-intérêts sont des éléments nécessaires pour améliorer l’efficacité de la Loi. À l’heure actuelle, l’abus de position dominante peut s’interpréter comme suit : faites-le jusqu’à ce qu’on vous dise de ne plus le faire. Et quel en est le coût? Le conseil que nous devons donner est que ce n’est pas illégal jusqu’à ce que le Tribunal en décide autrement. Bien entendu, les clients peuvent lire la même chose, c’est-à-dire, faites-le jusqu’à ce qu’on vous dise non. [Robert Russell, Borden, Ladner & Gervais, 65:09:35]


Mais à moins de disposer de sanctions importantes, ces dispositions ne font peur à personne. Nous intentons simplement une poursuite, et la poursuite peut elle-même devenir un outil pour faire traîner les choses en longueur jusqu’à ce que le dommage soit fait et que le compétiteur disparaisse du paysage. Dans ces conditions, seule la menace de sanctions importantes aura un véritable effet dissuasif dans notre économie. [Robert Russell, Borden, Ladner & Gervais, 65:09:35]



Il devrait y avoir des sanctions administratives et des dommages-intérêts pour les parties lésées. Sans cela, le texte de loi est inefficace pour ce qui est de mettre au jour d’importantes questions susceptibles d’examen. Si vous réussissez à évincer une entreprise du marché aujourd’hui, tout ce qu’on vous dira, c’est que vous n’auriez pas dû le faire. Ce n’est pas une mesure dissuasive suffisante. Si vous abusez de votre position dominante dans le pays, on devrait vous obliger à payer des dommages-intérêts à la partie lésée, à assumer les frais de l’instance et à verser une amende parce que vous avez nui à l’intérêt public. Nous avons besoin de ces moyens coercitifs. [Robert Russell, Borden, Ladner & Gervais, 65:10:45]

Comme nous avons pu l’observer à l’époque des grands cartels, même une amende de 10 millions de dollars peut être insuffisante. Je sais que lorsque j’étais au Bureau de la concurrence, dans un cas particulier, nous avions calculé que les prix excessifs atteignaient les centaines de millions de dollars, ce qui fait que même une amende de 10 millions de dollars n’aurait représenté qu’une fraction des profits. Si l’on introduit une sanction administrative pécuniaire pour abus de situation dominante, je pense qu’on voudra en fait donner au Tribunal le plus de latitude possible afin qu’il impose une peine à sa discrétion. Il pourra ainsi la fixer à n’importe quel niveau. [Paul Crampton, Davies, Ward, Phillips & Vineberg, 65:10:55]

 

Historiquement, la législation antitrust du Canada a surtout été axée sur l’intérêt du public au chapitre de la concurrence, plutôt que sur les intérêts privés des compétiteurs à titre individuel. Si l’on modifie la loi […] de façon à donner à un plaideur le droit d’obtenir des dommanges — intérêts, je crois que cela aurait des répercussions très profondes […] Je pense qu’inévitablement, le Tribunal finirait par devenir une cour comme une autre, sauf qu’il s’agirait d’une cour spécialisée. Il faut donc bien examiner s’il est dans l’intérêt du public de faire évoluer la loi dans cette direction. [John Rook, Osler, Hoskin & Harcourt, 65:10:55]

J’estime qu’il peut être très utile d'examiner d'autres modèles de gestion de l’instance lorsqu’un juge est chargé non seulement d’établir le calendrier des audiences, mais de déterminer les questions qui seront entendues par le Tribunal. Je crois que nous en avons un très bon exemple dans la liste commerciale qui existe à Toronto […] Il y a des juges, en moyenne six à la fois, qui sont assignés à la liste — trois membres relativement permanents, et trois membres qui font un roulement tous les six mois. Un protocole particulier est prévu pour traiter des litiges commerciaux, de même qu’un système très serré de gestion de l’instance, selon lequel un juge non seulement gère les audiences préalables au procès, si on peut dire, mais aussi oblige les parties à recourir aux méthodes de médiation, habituellement avant l’étape du procès. […] La gestion efficace de l’instance par un juge […] serait effectivement utile pour nos procédures devant le Tribuna. [Robert Russell, Borden, Ladner & Gervais, 65:09:25]

 

Je pense qu’il est nécessaire d’examiner de façon exhaustive ce que nous voulons faire […] En vertu du projet de loi C-23, il y a maintenant une amende de 15 millions de dollars dans la situation du transport aérien. Je pense qu’on va trop vite. Je sais qu’il y a toutes sortes de considérations politiques à prendre en compte, mais […] il faut examiner de manière plus générale les principes qu’on veut inscrire dans la loi relativement aux pratiques susceptibles d’examen […] Il ne s’agit pas de déterminer ce qu’on peut faire pour arrêter les grandes entreprises. Une fois que ces sanctions seront en place, elles s’appliqueront également aux petites entreprises. [Stanley Wong, Davis & Company, 65:10:15]

 

[…] si nous adoptons une approche holistique et réfléchissons aux structures institutionnelles et aux incitations mises en place […] cela atténuera largement les problèmes de coût. [Margaret Sanderson, Charles River Associates, 59:11:25]

Le Parlement devrait se demander quelle part des ressources publiques il peut se permettre de répartir parmi de nombreux objectifs tout à fait louables pour ce genre de dossier. [Jack Quinn, Blake, Castles & Graydon, 59:12:30]

Il nous faut tout simplement ouvrir la possibilité d’actions privées, incluant possiblement des dommages ou en tout cas le remboursement des coûts occasionnés par certains de ces autres délits. [Tom Ross, Université de la Colombie- Britannique, 59:12:45]

[N]ous devrions donc nous concentrer […] sur la question de savoir quels sont les instruments légaux justes et économiquement indiqués, et la jurisprudence devrait découler de là. [Neil Campbell, McMillan Binch 59:12:15]

Pourquoi voudriez-vous présenter une demande au Tribunal en tant que plaideur privé si vous pouvez convaincre le commissaire de présenter une demande ex parte afin d’empêcher votre compétiteur de mener son activité au sein du marché? Pourquoi dépenser son propre argent lorsqu’on peut dépenser les deniers publics […]? [John Rook, Osler, Hoskin & Harcourt, 65:09:45]

Le Parlement a érigé autour de ce droit d’accès du public un certain nombre de barrières […] et il reste à voir si la méthode est applicable et sera utilisée […] Je ne vois pas trop ce qui pourrait inciter un plaideur privé à aller de l’avant. [John Rook, Osler, Hoskin & Harcourt, 65:10:45]


Une décision motivée est avantageuse pour tout le monde. Non seulement est-ce à l’avantage du plaignant, mais c’est également utile au public qui comprend ainsi comment le Bureau applique la loi dans une situation donnée. Le fait de voir ce que le Bureau a fait ou n’a pas fait est un garant de transparence. [Neil Campbell, McMillan Binch 59:11:25]


Dans le contexte d’actions privées, les parties ont la liberté de dépenser autant d’argent qu’elles le veulent pour défendre leurs intérêts, alors il y a une concurrence naturelle à ce niveau-là. Une partie de la résistance du Bureau à l’idée de la multiplication des affaires est attribuable au montant d’argent que celles-ci consomment. Le processus devient ainsi un genre de perle qui n’a pas de prix affiché. [Jack Quinn, Blake, Castles & Graydon, 59:12:30]


12 Le Tribunal pourra entendre toute question de droit, question mixte de droit et de fait ou question de compétence, de pratique ou de procédure liée à l’application ou à l’interprétation des parties VII.1 (Pratiques commerciales trompeuses) ou VIII (Affaires que le Tribunal peut examiner), qu’une demande ait été présentée ou non en vertu de l’une de ces parties. De même, le commissaire peut, de son propre chef, soumettre au Tribunal toute question de droit, de compétence, de pratique ou de procédure (mais non une question mixte de droit et de fait) liée à l’application ou à l’interprétation des parties VII.1, VIII ou IX (transactions devant faire l’objet d’un avis, c’est-à-dire les fusions).

 

Au sujet des renvois, le Comité a entendu plusieurs critiques du projet de loi C-23. Celui-ci stipule que le commissaire, de son propre chef, ou les deux parties d’un commun accord, peuvent soumettre au Tribunal toute question de droit, question mixte de droit et de fait ou question de compétence, de pratique ou de procédure. Le commissaire peut, de son propre chef, soumettre ces questions au Tribunal (sauf une question mixte de droit et de fait), alors qu’une partie intimée ne le peut pas. Ne trouvant aucune justification convaincante pour cette iniquité apparente, le Comité recommande:

 

9. Que le gouvernement du Canada modifie l’article 124.2 de la Loi sur la concurrence pour qu’une partie à une affaire contestée aux termes des parties VII.1 ou VIII puisse soumettre au Tribunal toute question de droit, de compétence, de pratique ou de procédure liée à l’application ou à l’interprétation de l’une ou l’autre de ces parties.

Ressources du Tribunal

Le Comité n’a pas entendu beaucoup de témoignages sur le caractère adéquat ou non des ressources du Tribunal. Toutefois, certains témoins ont signalé une pénurie d’économistes dans certains cas, ce qui aurait entraîné des retards dans le traitement de dossiers. Nous prévoyons qu’une augmentation du budget actuel du Tribunal puisse être nécessaire afin de traiter les affaires soumises par des parties privées après l’adoption du projet de loi C-23. On ne peut cependant déterminer l’ampleur de cette augmentation. Parallèlement, il est possible que le pouvoir de rendre des jugements sommaires et d’entendre des renvois donne lieu à un plus grand nombre de règlements des différends sans qu’une audience complète ne soit nécessaire, d’où une possible économie de ressources.

Quoi qu’il en soit, le Comité est d’avis que le Tribunal lui-même est le mieux placé pour déterminer ses besoins en ressources et qu’on peut régler cette question au moyen du processus budgétaire actuel. Pour cette raison, le Comité ne croit pas nécessaire de se prononcer sur la question de savoir si le budget actuel du Tribunal est suffisant. Le Comité a l’intention de suivre les opérations du Tribunal dans le cadre de la surveillance qu’il exerce sur le fonctionnement de la législation canadienne en matière de concurrence.

La Loi sur le Tribunal de la concurrence

On a fait valoir au Comité que le paragraphe 12(1) de la Loi, dans son libellé actuel, ne reflète pas les pratiques du Tribunal. Cet article stipule que les questions de droit ne peuvent être résolues que par les membres juristes, alors que les questions mixtes de droit et de fait peuvent l’être tant par les juristes que par les autres membres.

Distinguer entre les questions de droit et les questions mixtes de droit et de fait présente souvent des difficultés, en particulier dans un régime législatif déterminé par l’économie et les forces du marché. En pratique, le Tribunal n’empêche pas les autres membres d’exprimer leur point de vue sur les questions de droit. De fait, dans un cas particulier, la Cour d’appel a confirmé l’opinion dissidente d’un membre non juriste sur une question relevant de la compétence du Tribunal.

Le Comité croit qu’il n’y a aucune raison impérieuse de maintenir la distinction artificielle et quelque peu encombrante entre les questions de fait et les questions de droit, ou les questions mixtes de fait et de droit, dans les procédures du Tribunal. En conséquence, le Comité recommande :

10.  Que le gouvernement du Canada modifie l’article 12 de la Loi sur le Tribunal de la concurrence pour que tous les membres qui instruisent une affaire puissent se prononcer sur les questions de droit.

Droit automatique d’appel

L’article 13 de la Loi sur le Tribunal de la concurrence crée un droit automatique d’appel13 de toute décision ou ordonnance du Tribunal, y compris les ordonnances provisoires14. Il existe cependant une exception à ce droit automatique : un appel d’une question de fait seulement ne peut être interjeté qu’avec la permission de la Cour. Cette formule reflète un principe qu’il est convenu d’appeler la retenue judiciaire. L’idée qui le sous-tend est que le Tribunal, avec son expertise spécialisée et l’audition complète de la preuve, est mieux placé que la Cour d’appel pour établir les faits à partir d’éléments de preuve. Mais devrait-on étendre également aux questions de droit le principe de la retenue?

 

Je pense qu’on appuie généralement l’idée que les instances du Tribunal ne prennent pas plus de six mois du début à la fin, y compris une période de quatre mois pour rendre la décision et deux mois pour la rédiger. Mon sentiment est que le Tribunal lui-même est prédisposé à le faire et qu’il a de toute évidence besoin de la coopération des parties ainsi que de ressources suffisantes. Je crois comprendre que, par le passé, l’un des problèmes liés aux retards était que les ressources juridiques étaient insuffisantes. [Stanley Wong, Davis & Company, 65:09:25]

Je ne pense pas que lui jeter davantage d’argent vienne régler le problème. Si nous conservions le modèle que nous avons aujourd’hui […] vous pourriez avoir une situation comme l’affaire de Superior Propane où le commissaire peut diriger dix économistes en tant qu’experts. […] Je pense qu’il nous faut changer ce processus, sans quoi la quantité de ressources dont nous disposons à cette fin l’emportera […] sur ce que le contribuable moyen considérerait comme étant un budget raisonnable, étant donné les objectifs très louables en matière de politique gouvernementale qui se font concurrence. [Margaret Sanderson, Charles River Associates, 59:12:35]


À mon avis, un élément qui ajouterait énormément de transparence, en particulier dans le cas des fusions, serait de modifier le pouvoir de renvoi qui existe dans le projet de loi C-23 de façon à permettre au défendeur, lorsqu’un tel cas examiné par le Tribunal, de demander à celui-ci de rendre une décision sur un point sommaire. […] Si le défendeur […] pouvait se présenter au Tribunal et dire « ceci dépasse le mandat du commissaire dans les circonstances actuelles et vous devez prendre des mesures en conséquence », cela aurait un effet sain et disciplinaire sur l’exercice de la discrétion [ …] [John Rook, Osler, Hoskin & Harcourt, 65:10:45]


Les membres juristes ont le droit exclusif de décider des questions de droit, après quoi toutes les autres questions sont décidées par l’ensemble du groupe. […] Il est peu commode pour le Tribunal de fonctionner de cette façon […] en réalité, les membres du Tribunal étudient probablement toutes les questions ensemble. [Stanley Wong, Davis & Company, 65:09:15]


13 Devant la Section d’appel de la Cour fédérale.
14 Toutefois, les ordonnances provisoires prévues à l’article 103.3 (projet de loi C-23) ne seraient pas sujettes à révision.

 

Les membres juristes du Tribunal sont des juges de la Cour fédérale. Il est évident pour le Comité qu’avec une telle somme d’expérience et de connaissances juridiques, le Tribunal est extrêmement compétent dans les questions de droit. De plus, il a été clairement démontré que les membres non juristes du Tribunal pouvaient faire des observations judicieuses, et le font, sur des questions de droit. Pour cette raison, le Comité croit que le principe de la retenue judiciaire devrait s’appliquer au Tribunal non seulement pour les questions de fait, mais également pour les questions de droit d’application générale et de droit particulier aux dossiers de concurrence.

Il importe de préciser que l’obligation faite à une partie d’obtenir la permission d’en appeler ne la prive pas de son droit d’appel. Cela implique simplement que l’appelant doit d’abord convaincre la Cour d’appel du bien-fondé de sa démarche. Si elle considère que l’appel n’est pas fondé, la Cour peut rejeter la demande de façon sommaire, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une instance complète d’appel. De cette manière, on pourrait abréger de nombreuses instances sans sacrifier les principes d’équité procédurale. Par conséquent, le Comité recommande :

11.  Que le gouvernement du Canada modifie l’article 13 de la Loi sur le Tribunal de la concurrence pour exiger qu’on ne puisse interjeter appel de toute ordonnance ou décision du Tribunal qu’avec l’autorisation de la Cour d’appel fédérale.

À l’heure actuelle, il existe un droit automatique d’appel, sauf à l’égard des questions de fait. Je ne connais aucun avocat habile qui ne puisse à tout le moins trouver une question mixte de fait et de droit pour interjeter appel. Je crois que cela retarde inutilement le processus d’arbitrage étant donné que le Tribunal est censé être une cour spécialisée. [Stanley Wong, Davis & Company, 65:09:15]

Il ne sert à rien que le processus d’appel soit aussi long surtout dans le cas des fusions étant donné que cela n’empêche pas les fusions de se réaliser. En fait, on n’a jamais reporté une fusion pendant un appel. [Stanley Wong, Davis & Company, 65:09:15]