INST Rapport du Comité
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CHAPITRE 1 : LE RÉGMIME DE CONCURRENCE
DU CANADA EN CONTEXTE
L'interaction entre la concurrence et la politique de concurrence Linteraction entre le processus, dune part, et la politique et le droit de la concurrence, dautre part, présente de lintérêt. La concurrence est un moyen et non une fin en soi. Elle fait en sorte que les entreprises puissent offrir aux consommateurs le meilleur choix de produits aux meilleurs prix. Pour le consommateur, la meilleure conjoncture découle dun marché libre et ouvert, qui comporte le moins possible dobstacles à laccès de nouveaux concurrents, et le moins possible dobstacles à la sortie2, notamment dobstacles imposés par les pouvoirs publics, comme les règlements sur les produits, les investissements ou les échanges3. De fait, certaines politiques gouvernementales (autres que celles qui visent la concurrence) entravent le jeu de la concurrence, délibérément ou par inadvertance, et il faut utiliser des politiques de la concurrence (controversées parfois, il est vrai) pour rétablir léquilibre. Toutefois, même lorsquil nexiste aucun obstacle attribuable aux pouvoirs publics, il est possible que la libre concurrence à elle seule ne suffise pas. Il faut donc instaurer des règles juridiques supplémentaires lorsque des obstacles technologiques empêchent le jeu de la concurrence de sexercer de façon automatique et immédiate. |
[I]l est nécessaire de reconnaître que la politique de concurrence ne se limite pas à la seule Loi sur la concurrence. Il convient douvrir la politique de concurrence afin quelle sattaque au large éventail de restrictions à la concurrence qui sont le fait des gouvernements fédéral, provinciaux et municipaux. Au total, ces dernières pénalisent beaucoup plus les consommateurs, les petites et grandes entreprises que toutes les entraves privées combinées. [Paul Crampton, Davies, Ward, Phillips & Vineberg, 59:11:20]
Je pense que le thème ou le principe qui sous-tend la Loi sur la concurrence, à savoir que la concurrence offre dénormes avantages, est universellement valide. [Tim Kennish, Osler, Hoskin & Harcourt, 59:09:55] |
2 | Depuis quelques années, cette dernière condition est particulièrement vraie dans le secteur du détail, avec lentrée en scène des « grandes surfaces » de vente, notamment pour ce qui touche lessence, compte tenu des obstacles à la sortie que présentent les lois environnementales sur la mise hors service des réservoirs dessence souterrains. |
3 | Parmi ce type dobstacles, on peut citer diverses politiques gouvernementales par exemple : les règlements du CRTC sur les télécommunications, la câblodistribution et la télévision par satellite; les systèmes de quota sur les produits laitiers et la volaille; les restrictions concernant la propriété des lignes aériennes et les services de cabotage; le système de distribution de la bière et des alcools en Ontario; le courrier postal de première classe; et les restrictions sur le commerce interprovincial. |
Les marchés réglementés, ou déréglementés (lorsquon omet de mettre en place les institutions qui seraient nécessaires pour encourager laccès de la concurrence pendant la transition), peuvent également entraîner une distorsion de la concurrence. Le fait daltérer les règles juridiques sur la concurrence pour mettre en place un contexte réglementaire anticoncurrentiel risque de compromettre voire de corrompre les lois sur la concurrence. Au cours des années 80, les Canadiens ont assisté à lintervention de lautorité responsable de la concurrence dans une fusion de laiteries (Palm Dairies Ltd.) qui aurait pu savérer profitable sur le plan de lefficience, à cause de divers quotas de production et obstacles interprovinciaux au commerce qui limitaient la concurrence dans le secteur daval. Au cours des années 90, les Canadiens ont encore une fois vu lautorité responsable de la concurrence intervenir dans le secteur de la librairie de détail (fusion en 1995 de SmithBooks et Coles Book Stores Ltd. pour former Chapters Inc., puis fusion en 2000 de Chapters et Indigo), en raison dobstacles à laccès résultant de restrictions sur la propriété imposées par le gouvernement. Aujourdhui, les Canadiens assistent à ladoption de « dispositions spéciales pour un secteur spécial celui du transport aérien dans une loi cadre, rendue nécessaire par labsence dun cadre de déréglementation adéquat. Un cadre concurrentiel optimal Tout cadre concurrentiel, pour pouvoir améliorer le bien-être des consommateurs et lefficience de léconomie, doit reposer sur une analyse économique aussi récente que possible. La marge de manoeuvre dans le choix de ce cadre reste néanmoins considérable, et le droit de la concurrence reflète généralement les particularités nationales : culture, coutumes commerciales, histoire juridique, philosophies politiques, géographie et démographie. Par
exemple, lorganisme antitrust des États-Unis la U.S. Federal Trade
Commission commence à sopposer aux fusions à des niveaux de
concentration industrielle beaucoup plus bas que le Bureau de la concurrence du Canada.
Pourquoi? Parce que léconomie américaine étant beaucoup plus importante, les
entreprises courent des risques moindres de ne pas réaliser les économies
déchelle et de gamme nécessaires pour être efficientes. De plus, la législation
canadienne en matière de concurrence est unique en ceci quelle prévoit une
défense fondée sur lefficience qui exige explicitement que, dans lexamen
dune fusion, les autorités comparent les effets anticoncurrentiels et les
« gains en efficience ». Selon que lun ou lautre type
deffets lemporte, le projet de fusion est jugé acceptable ou inacceptable4. Cette disposition semble plus souple que
celle en vigueur aux États-Unis, où les gains en efficience doivent être assez grands
pour nentraîner aucune hausse de prix. Certains témoins ont néanmoins affirmé
devant le Comité que même la façon dont le Canada envisage les efficiences nest
pas adéquate. |
[L]a Loi sur la concurrence est destinée à protéger le processus concurrentiel et devrait le faire, cest-à-dire assurer des conditions telles quune bonne entreprise [ ] puisse survivre et prospérer [ ]. Elle ne doit pas protéger telle ou telle entreprise. [Donald McFetridge, Université Carleton, 59:10:00] [U]ne politique douverture au commerce international constitue à bien des égards un meilleur moyen de susciter la concurrence que le fait dappliquer ses lois propres en matière de concurrence. Je devrais ajouter une politique douverture aux investissements étrangers. [Roger Ware, Université Queens, 59:13:05] Il y a au moins deux affaires qui ont accaparé les ressources du Bureau de la concurrence et du Tribunal de la concurrence au cours des cinq dernières années et qui nen seraient peut-être pas arrivées là si nous avions eu à légard de ces industries une approche plus ouverte à léchelle du continent. Je veux parler, bien sûr, des lignes aériennes et de la vente au détail de livres. [Roger Ware, Université Queens, 59:11:35] Lorsquon déréglemente, il importe de façon générale que lautorité de réglementation intervienne activement et mette en place les politiques appropriées pour faciliter la concurrence. Cela na pas été le cas dans le secteur aérien. Je ne pense pas quil faille attendre du commissaire quil sauve les consommateurs canadiens [ ]. Il faut se tourner [ ] vers Transports Canada. [Jeffrey Church, Université de Calgary, 59:10:30] [L]a loi reste une loi économiquement sophistiquée et est reconnue comme telle dans le monde. [Lawson Hunter, Stikeman Elliott, 59:10:50]
Personnellement, je ne pense pas que le système soit irréparable. Je pense quil sagit dun système que nous pouvons sans cesse améliorer [ ]. Nous devrions faire cela de façon continue. [George Addy, Osler, Hoskin & Harcourt, 59:12:55] |
4 | Cette interprétation a été mise en doute lors dévénements récents, à savoir la décision de la Cour fédérale dans lappel de laffaire Superieur Propane. |
Sil est vrai que léconomie canadienne, beaucoup plus petite, dicte un cadre dapplication moins sévère en matière de fusions que celui qui existe aux États-Unis, on pourrait soutenir que le Canada devrait avoir un cadre dapplication plus strict en matière de complots que les États-Unis, pour en arriver à des résultats comparables. Cette opinion découle des deux faits suivants : le Canada est un marché plus petit qui est davantage affecté par les obstacles technologiques à la concurrence; de plus, son économie est assujettie à un plus grand nombre dobstacles à la concurrence découlant de règlements gouvernementaux. En ce sens, les souplesses que comporte le processus canadien dexamen des fusions peuvent être compensées ailleurs : notamment par des dispositions plus sévères sur les complots, les pratiques anticoncurrentielles en matière de prix, la restriction de marché, les ventes liées et labus de position dominante. Un bon cocktail de facteurs sera la garantie dune politique de concurrence aussi équilibrée que possible. De fait, cet équilibre peut savérer subtil, notamment à létape de lapplication. Par exemple, lun des témoins entendus par le Comité au début de 2000, un ancien directeur des enquêtes et recherches au Bureau de la politique de concurrence (ainsi se nommait lorganisme avant le milieu des années 90), a déclaré que lon navait pas suffisamment reconnu limportance du regroupement qui sest opéré dans lindustrie pétrolière au cours des années 80. Le Bureau a autorisé les fusions, et cest ce qui explique en partie les problèmes actuels dans le secteur des produits daval5. Si cette opinion est juste, cela pourrait signifier que la structure organisationnelle de lindustrie pétrolière pose un problème de concurrence pratiquement impossible à résoudre et qui dépasse de loin en complexité les dispositions de la Loi sur la concurrence concernant la fixation abusive des prix. En revanche, le Comité reconnaît que le gouvernement a tenté et tente encore daméliorer cette situation. Quoi quil en soit, cette hypothèse, correcte ou non, confirme quil importe de moduler correctement le cadre de concurrence qui doit être adapté aux circonstances économiques particulières du Canada. |
En 1986, nous pouvions fièrement brandir la Loi sur la concurrence et vanter un certain nombre déléments de cette loi qui nous mettaient en avance sur dautres pays. Mais [ ] lune des déficiences qui perdurent est larticle 45, qui nest pas adapté dans le cas des cartels caratérisés, flagrants. Nous ne sommes pas alignés à cet égard avec les autres pays [ ]. [Calvin Goldman, Davies, Ward & Beck, 59:09:40]
Vous pourriez accorder au Bureau autant de ressources que vous le voulez, mais cela ne réglerait pas le problème fondamental posé par le fait quil est très difficile détablir hors de tout doute raisonnable quil y a eu pratique de prix déviction. Si une personne choisissait de faire une contestation en vertu de larticle 45 on parle ici de comportement flagrant [ ] [Paul Crampton, Davies, Ward, Phillips & Vineberg, 59:12:50] |
5 | Toutefois, il est possible que ces événements soient eux-mêmes les conséquences non désirées de limposition dune réglementation fédérale sur les formules de composition des produits, pour des motifs liés aux émissions de gaz dans lenvironnement ou encore aux contrôles sur lexportation du pétrole brut en vigueur au cours des années 80, qui auraient forcé les raffineurs canadiens à compter davantage sur les réserves plus coûteuses de pétrole brut lourd. Les niveaux de productivité plus bas qui en ont résulté pourraient ainsi avoir signifié quil fallait compter davantage sur les rationalisations pour continuer de soutenir la concurrence avec les producteurs américains, sur ce qui est dorénavant un marché nord-américain des produits du pétrole. |
Selon de nombreux juristes et experts de la politique de concurrence, le problème que nous venons dévoquer est plus répandu quon ne le croit généralement. Certains témoins ont demblée cité en exemple les industries des journaux et de lépicerie au détail. Quils soient vrais ou non, leurs commentaires donnent à penser que le Canada pourrait bien avoir une stratégie dapplication en matière de concurrence qui ne réponde pas bien aux besoins dune économie de petite taille, réglementée ou mixte. De nombreux experts du droit de la concurrence répètent depuis longtemps les trois mêmes critiques au sujet de la Loi sur la concurrence. Premièrement, notre droit en matière de complots est inefficace au regard dautres droits nationaux, en raison principalement des termes exagérément restrictifs de la disposition de la Loi (article 45) à ce sujet. En conséquence, le commissaire à la concurrence affiche de piètres résultats en ce qui concerne les affaires de complot, par comparaison avec les autorités responsables de la concurrence dans dautres pays. Deuxièmement, la disposition canadienne relative aux complots est trop exhaustive à légard de certaines ententes commerciales et de certaines circonstances, et elle ne lest pas assez ailleurs. Autrement dit, cest un instrument très grossier (voir le Chapitre 4). Troisièmement, le Bureau de la concurrence se concentre trop sur lexamen des fusions et pas assez sur lapplication des règles en matière de complots6. |
Lorsque
vous administrez un organisme de ce genre [le Bureau de la concurrence], vous êtes sans
cesse préoccupé par deux choses. Vous vous inquiétez [
] des erreurs de « type 1
», où vous navez pas pris les mesures dapplication que vous auriez dû
prendre. Vous vous inquiétez également des erreurs de « type 2 », où vous avez pris,
dans une affaire tout à fait bénigne, des mesures dapplication susceptibles de
nuire à ces parties ou de refroidir le marché. Ce sont là des défis extrêmement
difficiles à relever dans le contexte actuel du monde des affaires. [George Addy,
Osler, Hoskin & Harcourt, 59:13:00] [L]e Bureau examine trop de fusions. Si vous regardez les statistiques, au regard de celles des États-Unis, avec laffaire Hart-Scott, nous passons davantage de temps sur les cas, nous en révisons davantage et procédons à un examen plus approfondi. Cela accapare énormément de temps. Or, une très petite proportion de ces fusions pose réellement des problèmes. [Tim Kennish, Osler, Hoskin & Harcourt, 59:10:55] |
6 | Toutefois, si les deux premiers reproches sont effectivement justifiés, il est possible que le troisième ne le soit pas. |
Loi cadre et dispositions spéciales La Loi sur la concurrence est une loi cadre; elle sapplique uniformément à toutes les industries (à lexception des monopoles qui sont créées en vertu dune loi fédérale ou provinciale). Il y a de bonnes raisons à cela, aussi bien économiques que juridiques. Les raisons économiques tiennent à lidée bien établie selon laquelle, dans lensemble, des marchés libres et ouverts permettent dacheminer aux consommateurs les meilleurs produits et services aux meilleurs prix. À quelques exceptions près, notamment lorsque la Loi sur la concurrence ou une autre loi (généralement axée sur une seule industrie) est nécessaire, le processus de la concurrence suffit à discipliner les fournisseurs, en les incitant à répondre aux besoins des consommateurs de la façon la plus économique. Dans le jeu impitoyable de la concurrence, les entreprises rentables survivent et prospèrent, tandis que les autres échouent et disparaissent. Cette dynamique a pour résultat que seuls les intérêts des consommateurs et des fournisseurs efficients sont protégés. Quant aux raisons juridiques, elles se résument au fait que, pour des motifs constitutionnels, la plupart des industries relèvent de la compétence provinciale. Dune façon générale, la Loi sur la concurrence entre en jeu uniquement lorsque : 1) le marché ne répond pas aux attentes évoquées ci-dessus; et 2) le fait dappliquer la Loi permet dobtenir un meilleur résultat. De telles situations ne surviennent que de temps à autre, lorsque, à cause dobstacles technologiques et/ou réglementaires, les conditions préalables à une concurrence saine ne sont pas en place. Dans ces cas, le commissaire à la concurrence ne réglemente pas le résultat, mais établit des conditions de base susceptibles de faciliter une bonne concurrence. Dune manière générale, les entreprises qui appartiennent à des secteurs spéciaux, pour lesquels des exceptions particulières doivent être faites à certaines dispositions de la Loi, ou au jeu de la concurrence lui-même, ne trouvent pas refuge dans des règles spéciales de la Loi. Au contraire, les lois et régimes réglementaires spécifiques, qui concernent habituellement une industrie ou une entreprise précise, sont autorisées pour passer outre à la Loi sur la concurrence. Cest ainsi quest née la défense fondée sur des actes réglementés. Les frontières de cette défense ne sont toutefois pas claires. Avec le temps, la jurisprudence permettra peut-être de les préciser. Du moins, cela est resté vrai pendant les 111 années où les lois antitrust ont été en vigueur au Canada. Toutefois, en 2000, le gouvernement sest écarté de ce principe pour adopter des dispositions spéciales qui donnaient au commissaire le pouvoir de rendre une ordonnance provisoire (article 104.1), parfois appelée ordonnance de cessation, contre un fournisseur de services de transport aérien, selon la définition de la Loi sur les transports au Canada, afin dempêcher tout comportement anticoncurrentiel (fixation de prix abusifs, alinéa 50(1)c), et abus de position dominante, article 79). Le projet de loi C-23 prolongerait la durée de cette ordonnance (au-delà dun maximum de 80 jours, si toutes les prolongations sont appliquées), afin de permettre les échanges dinformation, de bonne foi mais tardifs, entre les parties à la contestation; le projet de loi assujettirait aussi toute société aérienne coupable de ce genre dinfraction à une sanction administrative pouvant atteindre 15 millions de dollars. Le gouvernement justifie ces mesures en invoquant la crise que traverse actuellement la structure concurrentielle de lindustrie aérienne au Canada. Les spécialistes des politiques et du droit de la concurrence ne sont pas convaincus par les arguments du gouvernement. Selon eux, les dispositions relatives au transport aérien ne sont pas crédibles, pour plusieurs raisons : 1) la crise découle en partie de lattitude même du gouvernement, à savoir que les restrictions sur la propriété étrangère ont empêché laccès dune concurrence qui aurait forcé Air Canada à se discipliner sur le plan des prix; de plus, le gouvernement ne sest pas occupé de créer un cadre institutionnel approprié pendant la transition de la déréglementation; 2) il est vrai que les structures des coûts et des prix dans les services aériens sont sujettes aux rabais saisonniers et aux autres réductions qui servent à équilibrer loffre et la demande, ce qui risque (quoique rarement) dentraîner des réductions abusives des prix, mais les autres services de transport trains, autobus, bateaux de croisière sont dans la même situation et ils sont également assujettis à lorgane de réglementation canadien en matière de transports, lOffice des transports du Canada; 3) cette position dominante presque absolue dAir Canada, dont la part de marché dépasse 80 %, nest pas sans rappeler celle des sociétés locales de téléphone et de câblodistribution, qui sont actuellement en cours de déréglementation, sous la surveillance du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC); et 4) le précédent que ces mesures ont établi risque dentraîner des dérapages, car dautres industries, à savoir lépicerie et les journaux, souhaitent aussi obtenir un traitement spécial. Et ces objections très convaincantes ne sont pas les seules. Dans son Rapport intérimaire, le Comité prend position contre les dispositions spéciales concernant les journaux et il propose une autre solution inspirée des lois spéciales visant les fournisseurs de services banquiers et financiers. Le Comité propose également au gouvernement dautres moyens datteindre ses objectifs, à savoir attribuer au commissaire le pouvoir de prendre des ordonnances de cessation à légard de lindustrie du transport aérien et de toutes les autres industries dailleurs en élargissant les pouvoirs dévolus au Tribunal de la concurrence en vertu de larticle 100, de manière à couvrir labus de position dominante et les prix déviction. Cette solution permettrait au moins de préserver lapplication générale de la Loi. Bien que le gouvernement nait pas répondu au Rapport intérimaire du Comité, sa décision de ne pas révoquer larticle 104.1, alors que le projet de loi C-23 allait généraliser ce pouvoir aux mains du Tribunal de la concurrence, donne à penser que dautres considérations entrent en jeu. Par exemple, même le court délai nécessaire pour permettre au commissaire dobtenir une ordonnance provisoire peut entraîner un retard décisif. De toute façon, le gouvernement semble fermement opposé à tout rétablissement dune réglementation directe des services et des tarifs aériens ou à une libéralisation unilatérale du commerce dans le domaine du transport aérien, et il maintient solidement sa décision de tenter de corriger les problèmes structurels de lindustrie par le truchement de la Loi sur la concurrence. À lheure actuelle, le Comité reconnaît que les dispositions spéciales touchant le transport aérien sont temporaires et quelles seront supprimées lorsquune compétition saine aura pris place dans lindustrie. Mais, dun autre côté, il craint beaucoup que cela ne se fasse pas de sitôt, car même les États-Unis (dont la population est environ dix fois celle du Canada) semblent capables de soutenir seulement cinq ou six sociétés de transport aérien servant de plaques tournantes. Faute du retrait des restrictions sur la propriété et sur les services de cabotage, il se pourrait bien que lindustrie soit dominée par Air Canada pendant fort longtemps. Aussi, le Comité a-t-il des doutes concernant le passage, par le gouvernement, dune loi dapplication générale à une loi comportant des dispositions spéciales visant une industrie précise, alors que dautres solutions tout aussi efficaces pourraient être possibles dans le cadre dune réforme axée sur lavenir. De plus, il se peut que lorientation prise par le gouvernement ternisse la crédibilité de notre régime de concurrence. De nombreux spécialistes de la concurrence y compris des organisations internationales comme lOrganisation pour la coopération et le développement économiques (OCDE) commencent à mettre en question lindépendance du Bureau de la concurrence par rapport au Parlement et au gouvernement. Le Comité traitera ce problème de façon plus détaillée dans le prochain chapitre. Dans ce rapport, le Comité proposera de modifier les dispositions sur labus de position dominante et les prix déviction (article 79 et alinéa 50(1)c), respectivement), ce qui devrait satisfaire le gouvernement, les juristes spécialistes de la concurrence et les économistes, tout en assurant aux entreprises et au public consommateur une application équilibrée des dispositions sur la concurrence. Ces changements permettront de rétablir la Loi sur la concurrence en tant que loi dapplication générale ne contenant pas de « dispositions spéciales pour des industries spéciales ». |
Le Bureau a décidé de consacrer une bonne part de ses ressources à la révision des fusions. Cest en partie compréhensible. [ ] Sur le plan de lapplication, jaimerais que le Bureau prête davantage attention aux autres dispositions de la Loi [ ]. [George Addy, Osler, Hoskin & Harcourt, 59:11:15]
[C]omme on la souvent souligné, la Loi sur la concurrence est une loi dapplication générale. Je ne sais pas si cest toujours exact, avec les dispositions spéciales touchant les agences de voyages, etc., mais je pense quelle devrait lêtre. [Tim Kennish, Osler, Hoskin & Harcourt, 59:09:55]
Certes, certaines industries requièrent un traitement spécial. Dans la mesure où elles sont réglementées, entre en jeu le principe de lactivité réglementée, dont le fonctionnement est plutôt flou. Je pense quil serait bon den préciser le champ dapplication, mais, dans la mesure où une industrie est réglementée, elle nest pas assujettie à la Loi. [Tim Kennish, Osler, Hoskin & Harcourt, 59:09:55]
[L]e gouvernement a jugé bon de mieux définir les dispositions en ce qui a trait au secteur du transport aérien en raison des caractéristiques particulières de ce secteur, qui est unique en son genre. Ce secteur est dominé par un transporteur; la propriété étrangère est limitée; les actifs peuvent être déplacés assez rapidement et servir à déloger les nouveaux arrivants. [André Lafond, Bureau de la concurrence, 64:09:40]
Chaque secteur présente des caractéristiques propres [ ], mais dans lensemble les problèmes de concurrence sont assez génériques. Vous avez des problèmes de fixation des prix et vous avez des problèmes dabus de position dominante. Dans tous les secteurs, il faut sinquiéter des fusions, et donc en principe ces problèmes pourraient surgir dans nimporte quelle industrie. [Tom Ross, Université de la Colombie-Britannique, 59:10:15]
[L]a législation en matière de concurrence, telle quelle existe dans de nombreux pays du monde, est conçue pour protéger le libre marché pour arbitrer, en quelque sorte et non pas pour réglementer. La réglementation est le fait de lois sectorielles et lorsquon mélange les deux, on risque de créer non seulement un méli-mélo, mais aussi une série de matrices qui ne remplissent pas leur objectif. [Calvin Goldman, Davies, Ward & Beck, 59:10:35]
Je pense que cest très dangereux [ ], car on transforme cette loi cadre en un régime réglementaire confié à une autorité qui non seulement na pas les ressources voulues, mais qui, franchement, est très mal équipée pour faire ce travail. [Stanley Wong, Davis and Company, 59:11:30]
Nous avons un scénario qui nest ni tout à fait le modèle cadre ni celui de la réglementation, et nous demandons au commissaire, dexercer ses pouvoirs assis entre deux chaises. [George Addy, Osler, Hoskin & Harcourt, 59:12:00]
[S]oit il faut intervenir et
réglementer le secteur et si lon veut réglementer, il ne faut pas
réglementer seulement Air Canada soit il faut dégager le terrain,
laisser faire le marché et nous dire « advienne que |