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SRID Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 22 mai 2002




¹ 1545
V         La présidente (Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.))
V          Mme Lois Wilson (témoigne à titre personnel)
V         

¹ 1550

¹ 1555

º 1600
V         La présidente
V         M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne)
V         Mme Lois Wilson
V         M. Deepak Obhrai
V         Mme Lois Wilson
V         M. Deepak Obhrai
V         Mme Lois Wilson
V         M. Deepak Obhrai
V         Mme Lois Wilson

º 1605
V         M. Deepak Obhrai
V         Mme Lois Wilson
V         M. Deepak Obhrai
V         Mme Lois Wilson
V         M. Deepak Obhrai
V         Mme Lois Wilson
V         M. Deepak Obhrai
V         Mme Lois Wilson
V         M. Deepak Obhrai
V         Mme Lois Wilson
V         M. Deepak Obhrai
V         Mme Lois Wilson
V         M. Vellacott
V         La présidente
V         Mme Lois Wilson
V         M. Maurice Vellacott
V         La présidente
V         M. Maurice Vellacott
V         Mme Lois Wilson
V         La présidente
V         M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ)
V         

º 1610
V         
V         Mme Lois Wilson
V         M. Antoine Dubé
V         Mme Lois Wilson
V         M. Antoine Dubé
V         Mme Lois Wilson

º 1615
V         La présidente
V         Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.)
V         Mme Lois Wilson
V         Mme Colleen Beaumier
V         Mme Lois Wilson
V         Mme Colleen Beaumier
V         La présidente
V         Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.)
V         Mme Lois Wilson
V         Mme Marlene Jennings
V         Mme Lois Wilson
V         Mme Marlene Jennings

º 1620
V         Mme Lois Wilson
V         La présidente
V         Mme Lois Wilson
V         La présidente
V         Mme Lois Wilson
V         La présidente
V         Mme Lois Wilson
V         La présidente
V         Mme Lois Wilson
V         La présidente
V         Mme Lois Wilson
V         La présidente
V         Mme Lois Wilson
V         La présidente
V         Mme Lois Wilson
V         La présidente

º 1625
V         Mme Lois Wilson
V         La présidente
V         M. Maurice Vellacott
V         Mme Lois Wilson
V         M. Maurice Vellacott
V         Mme Lois Wilson
V         M. Maurice Vellacott
V         Mme Lois Wilson
V         M. Maurice Vellacott
V         Mme Lois Wilson
V         M. Maurice Vellacott
V         Mme Lois Wilson
V         M. Maurice Vellacott
V         Mme Lois Wilson
V         M. Maurice Vellacott
V         Mme Lois Wilson
V         La présidente
V         Mme Lois Wilson
V         La présidente
V         Mme Lois Wilson
V         La présidente
V         Mme Lois Wilson
V         La présidente
V          M. John Harker (témoigne à titre personnel)
V         

º 1630

º 1635

º 1640
V         La présidente
V         M. Deepak Obhrai
V         M. John Harker
V         M. Deepak Obhrai
V         M. John Harker

º 1645
V         M. Deepak Obhrai
V         La présidente
V         M. Antoine Dubé
V         M. John Harker

º 1650
V         La présidente
V         Mme Colleen Beaumier
V         M. John Harker

º 1655
V         Mme Colleen Beaumier
V         M. John Harker
V         Mme Colleen Beaumier
V         M. John Harker
V         Mme Colleen Beaumier
V         M. John Harker
V         Mme Colleen Beaumier
V         M. John Harker
V         Mme Colleen Beaumier
V         La présidente
V         M. Maurice Vellacott
V         M. John Harker
V         M. Maurice Vellacott
V         M. John Harker
V         M. Maurice Vellacott

» 1700
V         M. John Harker
V         M. Maurice Vellacott
V         M. John Harker
V         M. Maurice Vellacott
V         M. John Harker
V         M. Maurice Vellacott
V         M. John Harker
V         M. Maurice Vellacott
V         M. John Harker
V         M. Maurice Vellacott
V         M. John Harker
V         M. Maurice Vellacott
V         M. John Harker

» 1705
V         M. Maurice Vellacott
V         M. John Harker
V         La présidente
V         M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.)

» 1710
V         M. John Harker
V         M. Irwin Cotler
V         M. John Harker
V         M. Irwin Cotler

» 1715
V         M. John Harker
V         La présidente
V         M. John Harker

» 1720
V         La présidente
V         M. Irwin Cotler
V         La présidente
V         M. Maurice Vellacott
V         M. John Harker
V         M. Maurice Vellacott
V         M. John Harker
V         M. Maurice Vellacott
V         M. John Harker

» 1725
V         M. Maurice Vellacott
V         M. John Harker
V         La présidente










CANADA

Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 025 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 22 mai 2002

[Enregistrement électronique]

¹  +(1545)  

[Traduction]

+

    La présidente (Mme Beth Phinney (Hamilton Mountain, Lib.)): Ceci est la 25e réunion du Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international et nous sommes le mercredi 22 mai.

    Nous allons entendre deux témoins aujourd'hui, l'honorable Lois Wilson, ancienne représentante spéciale pour le processus de paix au Soudan, et John Harker, spécialiste de l'Afrique et auteur de l'édition 2000 du rapport Harker sur le Soudan. Lois Wilson doit prendre un avion assez tôt, de sorte que je vais la laisser commencer et poursuivre aussi longtemps qu'il y aura des questions à son intention. J'imagine qu'elle pourra rester jusqu'à la dernière minute. À son départ, nous demanderons ensuite à M. Harker de prendre la parole.

    Je vous en prie, madame.

+-

     Mme Lois Wilson (témoigne à titre personnel): Je vous remercie.

    Je vais être aussi brève que possible en résumant deux ans et demi d'activités, et je suis d'autant plus heureuse d'être ici que, lorsque j'étais en fonction, les députés n'ont guère manifesté d'intérêt. Pour une raison ou pour une autre, c'est tout d'un coup le contraire.

+-

     J'ai été nommée en octobre 1999 représentante spéciale pour le processus de paix au Soudan par le ministre des Affaires étrangères Lloyd Axworthy et la ministre de la Coopération internationale Maria Minna. En vidant mon bureau, je suis tombée sur mon mandat et j'ai pensé qu'il serait intéressant de vous le lire. Le ministre m'avait donc nommée pour:

piloter la participation du Canada au Forum international des partenaires de l'Autorité intergouvernementale pour le développement, l'IGAD. Composée de représentants des gouvernements de la région, l'IGAD a été mandatée par l'Organisation pour l'unité africaine pour résoudre le conflit au Soudan. Le forum, composé de représentants des pays développés et présidé actuellement par l'Italie et la Norvège, appelle l'attention internationale sur le processus de paix et lui apporte son concours.

Il s'agissait donc d'un mandat relativement limité. Je devais représenter personnellement le ministre et parler en son nom aux réunions internationales concernant l'appui donné au processus de paix au Soudan, c'est-à-dire les réunions du forum et de l'IGAD. L'autre volet consistait à écouter les interventions de la société civile canadienne, les représentants du monde universitaire et ceux des ONG sur place. Voilà tout. Je ne devais nullement intervenir dans les relations bilatérales entre le Canada et le Soudan, ni diffuser de compte rendu de réunions. Mon rôle était donc fort limité.

    Sur le plan international, je représentais le Canada auprès du ministre des Affaires étrangères. Je me suis rendue deux fois au Soudan, j'ai rencontré le président Moi, les pouvoirs publics égyptiens, ainsi que des représentants du Kenya et de l'Éthiopie. Ce que j'ai surtout fait, je pense, c'est offrir mes services d'intermédiaire entre le gouvernement du Canada et les principaux protagonistes, dont le Canada ne faisait pas partie, en l'occurrence les États-Unis, la Norvège, l'Union européenne et le Royaume-Uni. Comme j'étais sénatrice, j'imagine que j'ai ainsi profité de facilités d'accès que nous aurions sinon été, je crois, bien en panne d'obtenir.

    Pendant ces deux ans et demi, j'ai assisté à 13 réunions du Forum international des partenaires et autres conférences liées au Soudan. Pendant cette période, le forum finançait un secrétariat kényan qui était censé être extrêmement autonome et faciliter le processus de paix, chose que le forum ne pouvait pas faire. Le président Moi a récemment nommé un général, de sorte que nous sommes un peu en situation d'interrègne. Apparemment, il occupe toujours ses fonctions normales et il se débrouille, mais des élections s'annoncent également au Kenya, de sorte qu'il n'y a pas grand-chose qui se passe.

    Au fil du temps, il est devenu évident que l'IGAD était relativement inefficace, de sorte qu'en septembre 2001, lorsque les partenaires se sont réunis en Norvège, il fut convenu que nous pouvions tous nous dégager, c'est-à-dire que nous continuerions à appuyer l'IGAD et le forum, malgré l'inefficacité de celui-ci, mais sans pour autant espérer qu'il puisse porter seul le processus de paix, et que les pays devaient se sentir tout à fait libres d'intervenir bilatéralement avec d'autres parties prenantes, ou encore dans un cadre multilatéral. C'est au même moment que ce déroula l'initiative Libye-Égypte que certains voulaient intégrer à l'IGAD, mais cette initiative n'alla pas très loin. Depuis lors, il y a eu les propositions Danforth dont je parlerai dans un instant.

    Voilà donc la toile de fond internationale. Pour moi, cela signifiait énormément de déplacements. Au Canada, je travaillais auprès d'un groupe mixte du ministère des Affaires étrangères et de l'ACDI parce que les deux ministères travaillaient sur ce dossier. J'ai pris la parole un peu partout au Canada à de très nombreuses réunions d'organisation de la société civile et d'ONG, mais les attentes de ces dernières étaient généralement bien supérieures à mes pouvoirs et à mes possibilités, du moins c'était mon avis. J'ai également essayé, souvent en vain, de pousser les ministres des Affaires étrangères Axworthy puis Manley, à faire davantage de déclarations dans ce dossier; le ministre Graham ne m'a pas reconduite dans mes fonctions, et je ne le lui ai d'ailleurs jamais demandé. Tout cela donc, c'est de l'histoire. Mais en fait, depuis le mois de janvier, je n'ai guère été active.

    J'ai constaté que les ONG et la communauté soudanaise au Canada étaient à la fois hostiles et très critiques à l'endroit du gouvernement, surtout en ce qui concerne la Talisman Oil, et quelles étaient obnubilées par le dossier du pétrole. Très rare furent les parlementaires qui décidèrent d'intervenir ou qui se sont mis en relation avec moi. J'ai fait rapport aussi régulièrement que possible au Sénat et aux ministres, j'ai tenté de faire ouvrir une enquête par le Sénat, mais la chose a fait long feu. J'ai rencontré la plupart des diplomates arabes en poste au Canada ainsi que des représentants de la communauté arabe, et j'en ai été très heureuse parce que cela m'a permis de commencer à comprendre que leurs perspectives étaient fort différentes de celles que nous livrent habituellement les journaux canadiens. J'ai rencontré deux fois Jim Buckee de Talisman Oil, et j'ai également rencontré son responsable du développement communautaire.

¹  +-(1550)  

    À toutes ces réunions, j'ai pu me rendre compte qu'on connaissait mal toute la complexité de la réalité soudanaise, on savait peu qu'il ne s'agissait pas simplement d'un conflit religieux entre les chrétiens et les musulmans, même si ce conflit faisait partie de l'équation, qu'il ne s'agissait pas uniquement d'une opposition entre le sud et le nord, entre les Africains et les Arabes. Il y avait un peu de tout cela, mais il y avait également bien plus. Toute aussi importante était la question de l'avenir politique du Soudan. Y aurait-il autodétermination? Y aurait-il sécession? Il y aurait également la question de l'utilisation des ressources, des ressources pétrolières extrêmement riches, le contentieux du Nil et l'exploitation de tous les autres minéraux qu'on trouve dans ce pays. Ce que je me demandais surtout, c'était si les deux camps voulaient vraiment la paix. Je me pose la question parce qu'à mon avis, les deux factions n'ont pas vraiment montré leur volonté dans ce sens. L'une et l'autre pensent pouvoir gagner sur le plan militaire, même si l'une et l'autre disent constamment le contraire. Le processus de paix est donc tombé en panne et l'énoncé des principes, que vous connaissez j'imagine, a été dans une certaine mesure abandonné. Cet énoncé était la base d'un accord de paix, mais ces principes ont été en fait mis sur la touche.

    Quel est donc le rôle que le Canada pourrait jouer et quelles sont les ressources qu'il apporte à la table? J'ai signalé qu'un élément de l'équation est, comme vous devez le savoir, qu'il y a eu successivement Axworthy, Manley, puis Graham, et qu'en fin de compte l'issue d'un dossier dépend toujours en grande partie de l'intérêt et de l'engagement du ministre qui en est chargé. Les fonctionnaires avec lesquels je traitais se sont succédé à plusieurs reprises au ministère des Affaires étrangères. Je ne vais pas tous les nommer, mais c'était un véritable carrousel. S'agissant de la continuité de la politique, c'est là l'un des aspects dont vous devriez être conscients.

    Pour ce qui est de Talisman, mon avis personnel est que si cette compagnie n'avait jamais été au Soudan, nous ne serions probablement pas réunis ici aujourd'hui, quoique ce soit une supposition de ma part. Il n'y a pas vraiment d'autres gros investissements dans ce pays. Lorsque le ministre Axworthy avait parlé de mesures à l'encontre de Talisman, ces propos sont restés lettre morte. J'ai travaillé avec un certain nombre de gens sur la possibilité qu'il y aurait eue de modifier la Loi sur les mesures économiques spéciales, et je savais qu'il y avait eu dans le cas de la Birmanie la Area Controls Act, mais d'après ce que je pouvais en juger, si rien n'avait été fait par le gouvernement dans ce dossier, c'était par manque de volonté politique parce que le conseil des ministres savait fort bien que s'il était intervenu contre Talisman, il aurait dû également s'en prendre à toutes les autres compagnies dans toutes les autres régions du monde.

    Je voudrais ajouter qu'à mon sens, le Canada est un protagoniste de deuxième ordre dans ce dossier, c'est-à-dire qu'il se situe sur un plan inférieur à celui des grands ténors. Je ne saurais par exemple faire de rapprochement avec l'Afrique du Sud, où nous avions vraiment joué un rôle de premier plan. Avec l'Afrique du Sud, le Canada avait l'avantage du Commonwealth, nous avions des liens commerciaux et nous avions également des liens culturels. Nous n'avons rien de cela avec le Soudan. La situation est tout à fait différente et je pense donc que le rôle que nous pouvons le mieux jouer ici, c'est un rôle de collaborateur qui s'efforcerait d'appuyer le processus de paix tout en demeurant attentif pour en faire davantage si c'est possible.

    À l'heure actuelle, nous travaillons avec la Suisse. L'ambassadeur suisse est lui-même venu et nous avons eu en mars deux journées de travail consacrées au partage de la richesse. J'ai personnellement l'impression que les Suisses veulent avancer avec prudence pour pouvoir faire bien les choses. Ce n'est pas quelque chose de facile. À qui appartient l'appareil administratif dans le Sud? Avec qui devez-vous traiter dans le Sud? Qui gouverne dans le Sud? Comment arriver à une formule qui soit équitable pour l'ensemble du pays? Il n'y a encore eu aucun accord sur une formule un pays-deux systèmes, et comment donc arriver à partager la richesse tant qu'un tel système n'est pas en place? C'est donc un dossier extrêmement complexe, mais j'ai été impressionnée par l'engagement des Suisses qui sont convaincus, comme le Canada aussi, c'est ce que je crois, que c'est de cette façon qu'on pourra favoriser le partage des recettes pétrolières.

    Ainsi donc, le Canada ne joue pas un rôle prépondérant. Nos ressources humaines et financières sont limitées. Je pense que le ministère des Affaires étrangères manque de ressources, de personnel et de moyens financiers, ce qui veut dire qu'il a dû se confiner à un rôle de collaborateur et de catalyseur. Nous avons accédé à la demande des États-Unis qui voulaient notre aide dans les monts Nuba. Nous avons envoyé dans les monts Nuba des moniteurs du Centre Pearson pour la formation en maintien de la paix, et ils y ont fait oeuvre fort utile. Nous en avons envoyé une quarantaine, et cette dépense a été prise en charge par le budget de la sécurité humaine. Par contre, nous n'avons pas été consultés au préalable. On nous a demandé d'intervenir après que la décision ait été prise.

¹  +-(1555)  

    Au sein de la communauté internationale, le Canada n'a pas été le premier partenaire de choix pour les États-Unis, la Norvège, le Royaume-Uni et l'Union européenne—je pense l'avoir déjà dit. Nous faisons donc de notre mieux pour être utiles à ces pays qui partagent nos idées.

    Vous connaissez sans doute le rapport Danforth qui a été publié le 14 mai dernier. Je suis allée à Washington—c'était l'un des voyages que j'ai dû faire—pour rencontrer le sénateur Danforth avant qu'il n'entreprenne son étude. Comme vous le savez sans doute, il avait pour mandat d'établir dans quelle mesure les parties au conflit du Soudan voulaient la paix, et de recommander ensuite au président que les États-Unis interviennent résolument ou qu'ils s'en abstiennent. J'ai lu son rapport. Même si je reconnais ses efforts dans les quatre secteurs où il a évalué la crédibilité des parties au conflit--souhaitent-elles vraiment la paix, sont-elles sérieuses--, j'ai trouvé son rapport très ambigu. Il ne déclare pas à la fin qu'on devrait s'engager de façon énergique, pas plus qu'il ne recommande qu'on se retire de cette région. Il a signalé que le cas le plus concluant est celui des montagnes Nuba, où l'on semble obtenir des résultats. Je doute que ce soit applicable au reste du pays. On ne peut pas se contenter de prendre une petite partie du pays en disant qu'on va refaire la même chose ailleurs. À propos de la journée de tranquillité, il a dit qu'il régnait une grande. Les bombardements de civils ont pris fin pendant un certain temps, mais je crains qu'ils n'aient déjà repris. On s'est penché sur la question de la lutte contre l'esclavage.

    C'est pourquoi je trouve ce rapport ambigu, et je ne savais pas si le sénateur cherchait ou non à fournir aux États-Unis une porte de sortie au cas où ils ne veulent pas s'engager à fond. Une chose est certaine, la communauté internationale a déclaré l'automne dernier que les États-Unis doivent prendre l'initiative; les autres pays n'ont pas l'influence voulue et les États-Unis doivent donc faire quelque chose. C'est ainsi que les choses se sont passées et je pense que cela valait la peine.

    Quant au rôle futur du Canada, nous allons continuer à appuyer l'Autorité internationale pour le développement et le Forum des partenaires internationaux, mais également chercher des contributions complémentaires. Telle a été notre politique depuis que j'ai pris ce dossier en main. Nous avons, je pense, des contributions éventuelles à faire au Soudan à certains égards, et c'est là que la collaboration entre nous pourrait se manifester. Nous savons plus ou moins à quoi peut ressembler un pays pluraliste, nous savons ce qu'est un État laïc tout en tenant compte de la multiplicité des religions, et nous connaissons assez bien le fédéralisme, ce qui n'est pas toujours utile, mais nous en avons fait l'expérience de toute façon. Nous pouvons faire une contribution utile, mais le moment n'est pas encore venu pour cela.

    J'ai parlé du partage des richesses, où l'on s'efforce d'internationaliser la question du partage des ressources et à ce chapitre, c'est la Suisse qui a été le chef de file. J'ai constaté que parmi les pays du Sud, on ne respectait pas beaucoup le Canada à cause de l'affaire Talisman. Cela nuit à la réputation du Canada, selon eux, car notre pays est complice de ce qui se passe.

    À mon avis, le Canada va continuer de jouer son rôle extraordinaire dans l'aide humanitaire, alimentaire et autre, et dans ses projets axés sur la population, dans le cadre de Project Ploughshares, Alternatives, avec les ONG, les femmes, car c'est là que notre contribution est la plus importante. Rares sont les Canadiens qui savent que nous faisons ce genre de choses. Ils sont au courant de l'affaire pétrolière, mais ils ne savent pas qu'il existe une infrastructure très solide, où nous essayons de consolider la trame sociale, au cas où un accord de paix soit signé.

    Nous devons chercher de meilleures façons d'obliger les particuliers, les groupes et les sociétés, ainsi que les gouvernements à rendre compte des violations des droits de la personne. Le Canada a fait sa part en prenant l'initiative de la déclaration faite devant la 58e session de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, en mars et avril 2002. Je suis sûre que vous avez pris connaissance de cette déclaration. Le Canada a joué un rôle crucial et cela en dit long sur nos activités et notre politique.

    Je souligne encore une fois, toutefois, que nous n'avons pas suffisamment de ressources au ministère pour en faire plus, et que tout dépend en grande partie de l'engagement du ministre, qui pour l'instant est complètement débordé par la situation au Moyen-Orient; tant que cette question ne sera pas réglée, je ne sais pas ce qui va se produire.

    Voilà qui met fin à mon exposé. Je répondrai volontiers à vos questions.

º  +-(1600)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup, madame Wilson.

    La parole est à M. Obhrai.

+-

    M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne): Merci.

    Je suis heureux de vous voir, madame la sénatrice. Avez-vous dit que vous n'assumez plus vos fonctions?

+-

    Mme Lois Wilson: Oui, mes responsabilités ont pris fin avec la nomination du ministre Graham.

+-

    M. Deepak Obhrai: Au cours de cette période, je suis certain que vous nous avez régulièrement présenté des rapports, mais je n'en ai vu aucun. Avez-vous fait une recommandation finale en tant que chef de mission au Soudan?

+-

    Mme Lois Wilson: Non, je n'ai pas présenté de recommandation finale. J'ai présenté des rapports au fur et à mesure.

+-

    M. Deepak Obhrai: Très bien.

    Il y a quelque temps, il y a eu un rapport—et je me sens obligé de vous poser la question, en votre qualité d'envoyée spéciale du Canada—au sujet d'un Canadien qui travaillait comme conseiller en matière de sécurité auprès du gouvernement soudanais et qui était recherché au Canada. Êtes-vous au courant de cette affaire? Que s'est-il passé?

+-

    Mme Lois Wilson: J'étais au courant. La GRC est venue me voir et j'en ai été informée, mais c'est tout.

+-

    M. Deepak Obhrai: C'est tout. Nous n'en savons pas plus sur cette affaire.

    Comme vous l'avez dit, c'est un dossier complexe. La chose n'est pas simple. Je me demande parfois si le Soudan devrait adopter un type de gouvernement fédéré comme le nôtre, avec des provinces au nord et au sud et un gouvernement central, ainsi qu'un partage des pouvoirs établi dans la Constitution. Est-ce là l'avenir du Soudan, selon vous? Le conflit actuel pourra-t-il un jour prendre fin et se régler enfin? Quel est votre sentiment profond à cet égard?

+-

    Mme Lois Wilson: Selon toute vraisemblance, la seule chose qui pourra mettre fin à ce conflit, c'est que l'une des parties l'emporte sur l'autre, car, je le répète, je n'ai constaté de part et d'autre, lorsque j'étais sur le terrain, aucun engagement réel à l'égard du processus de paix. Qui plus est, personne ne sait avec qui traiter au sud, ce qui complique encore les choses. L'ALPS est présente, mais ce n'est pas elle qui gouverne le pays et personne ne sait vraiment ce qu'il en est, car le sud est très partagé. Il est vrai que le projet de constitution d'un État fédéré a été mis de l'avant. Lors des discussions de l'IGAD, on a essayé de réunir les parties à plusieurs reprises, et c'est l'une des propositions qui a été faite, mais la déclaration de principe prévoit le droit à l'autodétermination du sud, si tout le reste échoue. Depuis quelques années, je ne pense pas qu'on envisage la création d'un Éat fédéré. Certains groupes pensent plutôt à la séparation ou à la sécession.

º  +-(1605)  

+-

    M. Deepak Obhrai: Ah bon?

+-

    Mme Lois Wilson: J'ai reçu au fil des ans une foule de propositions sur la façon d'établir la paix au Soudan. Tout le monde au Canada avait une solution à proposer pour ramener la paix au Soudan. C'est une chose de jeter tous ces beaux projets sur le papier depuis un bureau du Canada, mais s'en est une autre de vivre la situation au jour le jour sur le terrain, car elle est complexe. Ce que j'ai apprécié au sujet de l'IGAD, même si à la fin elle s'est révélée être peu efficace, c'est ce que les Africains eux-mêmes ont déclaré, à savoir qu'ils voulaient négocier la paix au Soudan et qu'ils souhaitaient que nous, de l'Occident, les soutenions dans cette initiative mais sans leur dire quoi faire. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai appuyé sans réserve cette initiative, même s'il s'avère que ces groupes n'avaient pas assez d'influence pour changer les choses.

+-

    M. Deepak Obhrai: Ce processus est-il toujours en cours?

+-

    Mme Lois Wilson: Oui.

+-

    M. Deepak Obhrai: En effet.

+-

    Mme Lois Wilson: Et nous allons offrir notre concours dans l'état actuel des choses.

+-

    M. Deepak Obhrai: Vous avez fait remarquer, chose intéressante, que si Talisman Oil n'était pas au Soudan, nous ne serions pas ici aujourd'hui pour étudier ce dossier et nous n'aurions aucun rôle à jouer. La compagnie Talisman nous dit que sa présence au Soudan profite à la population alors que d'autres prétendent bien entendu que cette compagnie aide le gouvernement et ne respecte pas les droits de la personne. Qu'en dites-vous? Lorsque M. Harker est venu nous livrer son rapport, j'étais là. Je sais ce qu'il a recommandé et j'aimerais voir ce que vous auriez à dire à ce sujet.

+-

    Mme Lois Wilson: Au sujet du rôle de Talisman?

+-

    M. Deepak Obhrai: Au sujet des investissements canadiens au Soudan.

+-

    Mme Lois Wilson: Cela n'était pas de mon ressort, du moins au début, et je m'en suis donc remise au rapport Harker et au suivi qui en a été fait. Mon intervention concernait le processus de paix au sens plus large, et comme je n'ai guère trouvé d'intérêt de leur côté, je n'ai pas vraiment suivi la piste de Talisman. Je pense toutefois que le code international de déontologie que Talisman était censée respecter ne l'a pas été. J'étais de ceux que Talisman a interrogés dans le cadre de l'étude qu'elle a faite de ses responsabilités, et je l'ai vertement critiquée. Voilà ce que je vais dire.

+-

    M. Deepak Obhrai: Je vous remercie.

+-

    Mme Lois Wilson: Il y a beaucoup d'ONG qui ont demandé pourquoi le gouvernement canadien n'oblige-t-il pas Talisman à quitter le Soudan. Immanquablement, je leur demandais comment il fallait s'y prendre? Comment faire? Cela mettait immédiatement un terme à la discussion.

+-

    M. Maurice Vellacott (Saskatoon—Wanuskewin, Alliance canadienne): Madame la présidente, pourrions-nous avoir copie de ce rapport dont nous parle le témoin et qui concerne Talisman?

+-

    La présidente: L'avons-nous?

+-

    Mme Lois Wilson: Lequel?

+-

    M. Maurice Vellacott: Le rapport que vous avez produit au sujet de Talisman.

+-

    La présidente: Son rapport à elle ou celui...

+-

    M. Maurice Vellacott: Non, elle en a fait un concernant la responsabilité de Talisman.

+-

    Mme Lois Wilson: C'est un rapport qui appartient à Talisman et qui est confidentiel. D'ailleurs, j'avais demandé aux gens de Talisman de ne pas me citer de crainte qu'ils ne déforment mes propos.

+-

    La présidente: Je vous remercie.

    Monsieur Dubé.

[Français]

+-

    M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Madame Wilson, je suis un député du Bloc québécois.

+-

     Il n'est pas dans les habitudes du Bloc québécois de parler des gens qui travaillent au Sénat, mais j'ai participé à des activités que vous avez organisées, notamment à des comités mixtes, et à chaque fois que j'y ai participé, j'ai constaté une chose: la rigueur, le sérieux et beaucoup d'intérêt. Les gens qui sont en politique sont souvent critiqués, mais à titre personnel, je veux vous louanger et vous dire que j'ai beaucoup de respect pour ce que vous avez fait.

º  +-(1610)  

+-

     Je sais aussi que vous avez une grande expérience et que vous êtes rigoureuse.

    Notre sous-comité, qui s'appelle le Sous-comité des droits de la personne et du développement international, est appelé à entendre des témoins à qui il pose des questions sur les droits de la personne et le développement international, mais cela nous amène souvent sur le terrain politique. On se demande quelle forme de gouvernement il devrait y avoir et des choses semblables.

    Vous comprenez que je suis un politicien et que j'aimerais parler de cela, mais je vais plutôt me limiter à l'aspect des droits de la personne et vous poser la question suivante. Quand on parle des droits de la personne, on devrait normalement surveiller les gouvernements, qui devraient respecter les droits de la personne. Lorsqu'on est en situation de guerre civile, des factions s'opposent les unes aux autres. De votre point de vue, dans une telle situation, doit-vous considérer le respect des droits de la personne en fonction des mêmes balises ou des même critères? Est-ce qu'on se trompe en faisant cela?

    J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Je me fie à votre grande expérience.

[Traduction]

+-

    Mme Lois Wilson: Dans toute guerre civile, il y a immanquablement des violations graves des droits de la personne. Il n'empêche qu'à mon avis, les pays doivent respecter les conventions de Genève, surtout en ce qui concerne les prisonniers de guerre, mais on ne peut pas exiger d'eux les mêmes critères que lorsqu'il n'y a pas de conflit. D'après ce que j'ai pu voir au Soudan, les deux factions ont commis des atrocités, mais on n'en entend guère parler au Canada.

[Français]

+-

    M. Antoine Dubé: Je connais très peu le Soudan, mais je veux m'occuper de cette chose avec autant de sérieux que je me suis occupé du dossier de la Colombie. Soit dit en passant, je vois là une certaine analogie, puisqu'il y a là un gouvernement et une ou des factions qui s'opposent au gouvernement. Entre les deux, il y a une ou des populations.

    Jusqu'à maintenant, j'ai l'impression qu'on a plus de difficulté à voir ce qui se passe dans une partie du pays que dans l'autre. On peut voir relativement clair dans le cas de celle qui est sous le contrôle gouvernemental, mais à qui peut-on se fier pour avoir l'autre version? Est-ce qu'on peut se fier aux comptes rendus de toutes les ONG, ou si certaines ONG pourraient avoir un point de vue biaisé en la matière?

[Traduction]

+-

    Mme Lois Wilson: Vous pensez au Sud, sur lequel il n'y a pas grand-chose qui filtre, n'est-ce pas?

[Français]

+-

    M. Antoine Dubé: J'ai l'impression qu'on reçoit effectivement moins d'information du sud, mais aussi de certaines sous-régions du pays. Je vous crois. Vous avez suivi la situation mieux que nous et nous sommes donc chanceux d'entendre votre témoignage. Si j'ai besoin de conseils d'une personne d'expérience en matière de droits de la personne, à qui dois-je me fier? Au gouvernement? Aux factions ou aux groupes qui s'opposent les uns aux autres? Aux ONG? À qui peut-on se fier? Aux représentants de l'Église catholique et aux missionnaires? Aux représentants de l'ONU? J'ai l'impression que dans certains cas, on est pris avec l'information qu'on a.

[Traduction]

+-

    Mme Lois Wilson: Lorsqu'on est au tribunal, on jure de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité, mais je ne pense pas que toute la vérité soit un concept qui existe vraiment. Aucune faction, aucun témoin ne va jamais vous dire toute la vérité. Pour avoir toute la vérité, je pense qu'il faut écouter tout le monde, puis trier tout ce qu'on a entendu en utilisant son propre entendement. Il est évident que dans le Nord, l'information est contrôlée. Dans le Sud, il y a les ONG et les églises par exemple. Il y a également le rapporteur spécial des Nations Unies, mais lui non plus n'a pas toute la vérité. Je pense qu'il appartient au comité de faire le tri dans tout cela et de porter lui-même un jugement de valeur, est-ce que je me trompe? C'est cela que le gouvernement du Canada doit lui aussi faire. Moi, je suis allée deux fois au Soudan. Je n'ai rien appris de plus que ce que j'aurais pu apprendre en restant ici, parce que tous ces rapports sont disponibles et, si vous les lisez, si vous en discutez, vous parvenez petit à petit à former un jugement.

    Je crains que cette réponse soit fort peu satisfaisante, mais c'est ma réponse. Ne faites jamais implicitement confiance à une seule source.

º  +-(1615)  

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Colleen.

+-

    Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.): Une chose qui tracasse beaucoup de gens au Canada, c'est la loi coranique, la sharia, avec toutes ses amputations, ses lapidations et ainsi de suite. J'ai ici une lettre du chargé d'affaires du Soudan qui demandait au Canada d'aider son pays à rédiger une constitution après les élections. Nous avons refusé, mais maintenant nous condamnons le Soudan parce qu'il applique la sharia. Pouvez-vous nous dire pourquoi nous avions refusé cela?

+-

    Mme Lois Wilson: J'imagine que c'est parce que le Canada avait pour politique d'essayer d'accommoder à la fois le Nord et le Sud, mais je ne saurais vous donner d'autre réponse que celle-là.

+-

    Mme Colleen Beaumier: Mais moi, j'avais l'impression que le Canada acceptait et reconnaissait n'importe quel gouvernement officiellement élu, peu importe la façon dont il l'a été.

+-

    Mme Lois Wilson: Vous savez, en cas de conflit, nous faisons vraiment le maximum pour rester neutres de manière à pouvoir offrir notre concours à ceux qui négocient un accord de paix car, si vous prenez fait et cause pour l'un des deux camps, vous perdez rapidement toute crédibilité. C'est une conjecture de ma part, mais je pense qu'elle est fondée.

+-

    Mme Colleen Beaumier: Merci.

+-

    La présidente: Madame Jennings.

+-

    Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Je vous remercie.

    Je voudrais commencer par m'excuser d'avoir été absente pendant la première partie de votre exposé. En fait, je donnais un coup de main à la Fondation Paul Gérin-Lajoie qui oeuvre pour le développement en Afrique ainsi qu'en Haïti, dans le domaine de l'éducation, et qui fête son 25e anniversaire. On m'avait demandé d'assister à la cérémonie et, comme il y a eu un vote, tout a fini par être chamboulé.

    D'après ce que nous vous avez dit, vous vous êtes rendue deux fois au Soudan mais vous avez néanmoins le sentiment de n'avoir rien appris que vous auriez pu apprendre en lisant simplement les documents qui sont déjà dans le domaine public et qui concernent la situation et le conflit au Soudan, et en en discutant avec des gens bien au fait de la situation.

+-

    Mme Lois Wilson: Pas simplement des documents publics. Par exemple, nous avons Nick Coghlan, un Canadien à Khartoum qui envoie des renseignements confidentiels au ministère des Affaires étrangères et ses dépêches m'ont beaucoup appris. Il existe beaucoup de renseignements. Ce que j'ai appris, c'est que le Soudan est un pays où il fait très chaud en juin.

+-

    Mme Marlene Jennings: Étant donné que ces renseignements habituellement seraient accessibles au comité, auriez-vous des commentaires à faire sur le fait que le comité souhaite se rendre au Soudan, étant donné que d'après votre propre expérience, cela ne vous a pas permis d'en savoir plus?

+-

    Mme Lois Wilson: C'est au comité d'en décider, mais j'ai de sérieuses réserves à propos de la valeur d'une telle visite—je suppose que c'est un parti pris de ma part. Lorsque vous voyagez, vous voyez ce que vous voulez voir, et vos préjugés se trouvent renforcés ou atténués selon les personnes que vous voyez. Ma visite différait légèrement de la vôtre. J'ai rencontré deux fois le ministre des Affaires étrangères du Soudan. La deuxième fois n'a vraiment mené à rien parce qu'il a commencé à me reprocher le fait que le Canada n'appuie pas l'entrée du Soudan dans la Francophonie et je me suis demandée ce que cela avait à voir avec le processus de paix au Soudan. Il s'agissait de toute évidence d'une manoeuvre de diversion.

    Je tiens simplement à dire que ce sont des choses dont vous devez être conscients si vous décidez d'y aller. Je doute sérieusement que cette visite vous rapporte autre chose que la confirmation de vos propres parti pris, mais je pourrais me tromper. Personne ne détient toute la vérité.

+-

    Mme Marlene Jennings: Non, mais il est intéressant de prendre connaissance de vos observations sur cette question.

    Mon autre question concerne Talisman. On a beaucoup parlé de Talisman ici dans les journaux. Vous avez vous-même dit que vous avez participé à la vérification interne de la responsabilité sociale de leur entreprise. Vous avez demandé que votre rapport demeure confidentiel et de toute évidence je ne vais pas vous demander d'enfreindre cette confidentialité. Mais on a fait grand cas de la responsabilité sociale manifestée par Talisman au Soudan, en investissant dans des écoles, des cliniques de santé locales et autres initiatives de ce genre. Parallèlement, il existe d'autres informations qui semblent indiquer que certaines de ces infrastructures communautaires qui ont été mises sur pied sont à la disposition des militaires. Au cours de vos voyages au Soudan ou dans l'information à laquelle vous avez eu accès, êtes-vous tombée sur des renseignements qui permettraient de tirer une conclusion dans un sens ou dans l'autre à propos de la responsabilité sociale de l'entreprise Talisman?

º  +-(1620)  

+-

    Mme Lois Wilson: Je tiens à dire deux choses. À mon avis, le Canada n'a pas vraiment élaboré de lignes directrices ou d'interdictions pour ces entreprises à l'étranger, que ce soit le Soudan ou la Colombie ou un quelconque autre pays. Nous avons le Code international de conduite des entreprises, et si vous parlez au professeur Mendes de l'Université d'Ottawa, qui en a assuré la rédaction, il considère que ces lignes directrices sont très faibles.

    J'ai fait la promotion pendant quelque temps d'une initiative mise sur pied par la Norvège, le KOMpakt, qui consiste à réunir afin de les consulter de façon permanente des groupes de l'industrie, du gouvernement, des ONG et des milieux universitaires . C'est ce qu'ils ont fait pour leur politique sur le Soudan aussi, et j'ai trouvé qu'il s'agissait d'une initiative très constructive. J'ai d'abord entendu parler de cette idée par Gerry Barr du CCCI, et l'ambassadeur de Norvège est venu ici muni de toute la documentation voulue, et je n'ai cessé d'en faire la promotion mais personne ne s'y est intéressé. J'en parle parce que je pense que c'est une des initiatives que nous devrions examiner ici au Canada, non seulement pour le processus au Soudan mais pour ce qui se passe avec les entreprises dans n'importe quel autre pays. Est-ce qu'elles reçoivent simplement carte blanche là-bas?

    J'aimerais dire aussi qu'à mon avis Talisman en a appris un peu plus à propos du développement depuis ses débuts. Il est normal que ces personnes ne comprennent pas la théorie du développement—et vous connaissez la théorie du développement, vous revenez tout juste d'une réunion à ce sujet. Établir un hôpital et une école, ce n'est pas du développement. Cela peut faire les manchettes et s'avérer un bon exercice de relations publiques, mais il ne s'agit pas de développement. Je crois comprendre que l'hôpital surtout a attiré tant de gens parce qu'ils sont tellement dans le besoin que cela a suscité un plus grand nombre de problèmes parce que soudainement un village s'est créé sans l'infrastructure nécessaire. Et les problèmes recommencent.

    Donc, ce que je reproche à Talisman, c'est qu'il s'agit d'une entreprise qui s'y connaît très peu en développement et qui ne devrait pas essayer de s'en mêler.

+-

    La présidente: Votre temps est écoulé.

    Le Canada a mis sur pied un bureau à Khartoum. Y êtes-vous allée?

+-

    Mme Lois Wilson: Oui.

+-

    La présidente: Avons-nous quelqu'un là-bas?

+-

    Mme Lois Wilson: Oui.

+-

    La présidente: Croyez-vous que ce serait une bonne idée d'accroître l'effectif?

+-

    Mme Lois Wilson: Le problème c'est que si nous augmentons l'effectif, cela donne plus de crédibilité au gouvernement du Soudan. Ils ont un chargé d'affaires ici, donc nous devons réfléchir sérieusement avant d'augmenter l'effectif de ce bureau. Nous obtenons de très bons services, à mon avis, pour ce qui est de l'information.

+-

    La présidente: De cette personne?

+-

    Mme Lois Wilson: Oui.

    Mais si nous augmentons l'effectif, cela conférerait au gouvernement du Soudan plus de prestige que le Canada ne veut en accorder.

+-

    La présidente: Très bien.

    Si notre comité devait se rendre là-bas, y a-t-il des choses que vous n'avez pas faites lors de vos deux visites—car on a l'impression que vous avez fait la même chose lors de vos deux visites—que vous feriez si vous y retourniez? Y a-t-il des endroits où vous iriez ou des choses que vous feriez?

+-

    Mme Lois Wilson: Je ne peux pas vous répondre tout de suite, j'aimerais y réfléchir et communiquer par la suite avec vous.

+-

    La présidente: Très bien. Vous n'aurez qu'à nous communiquer cette information.

+-

    Mme Lois Wilson: Nous n'étions que deux ou trois. Combien d'entre vous y vont? La situation est tout à fait différente s'il s'agit d'une tournée.

+-

    La présidente: Ils seront neuf.

+-

    Mme Lois Wilson: Eh bien, c'est toute une troupe. Il va falloir que quelqu'un gère tous ces gens qui veulent aller ici et là, je suppose.

+-

    La présidente: Mais parfois, avec un groupe de cette taille, on arrive à faire des choses qu'on ne pourrait pas faire seule. Donc nous aurons peut-être un peu d'influence de cette façon-là.

º  +-(1625)  

+-

    Mme Lois Wilson: Inversement, si vous êtes seule, vous pouvez découvrir bien des choses autour d'une tasse de café que vous ne pourriez pas découvrir si vous êtes un groupe de neuf personnes.

+-

    La présidente: Eh bien nous y irons peut-être un par un.

    Monsieur Vellacott.

+-

    M. Maurice Vellacott: En ce qui concerne l'interruption de la production de pétrole jusqu'à l'établissement d'un accord de paix juste, à votre avis cette proposition a-t-elle du mérite? C'est souvent une possibilité proposée par ceux qui veulent régler la situation là-bas. Si la production de pétrole était interrompue, est-ce que cela permettrait de faire des progrès en ce sens?

+-

    Mme Lois Wilson: Est-ce possible? Comment va-t-on procéder? Est-ce réaliste?

+-

    M. Maurice Vellacott: En théorie, dans un monde idéal où les rêves des gens pourraient...

+-

    Mme Lois Wilson: Mais politiquement, non.

+-

    M. Maurice Vellacott: Mais si c'était possible, considérez-vous que cette proposition a du mérite?

+-

    Mme Lois Wilson: Je serais peu disposée à le croire.

+-

    M. Maurice Vellacott: Vous ne croyez tout simplement pas que...

+-

    Mme Lois Wilson: Je ne veux pas répondre à une question hypothétique qui me semble impossible sur le plan politique et irréaliste. L'exploitation pétrolière est une bonne chose pour un pays car elle produit de l'argent. Le problème consiste à déterminer comment l'argent est utilisé. C'est pourquoi le Canada travaille à assurer le partage des profits et non à suspendre les activités mais à voir si nous pouvons négocier un règlement afin que la richesse soit partagée.

+-

    M. Maurice Vellacott: Le seul moyen d'y parvenir, à mon avis, serait d'obtenir l'intervention de la communauté internationale. De cette façon seulement peut-on espérer obtenir des résultats.

+-

    Mme Lois Wilson: Nous y travaillons, comme je l'ai dit dans mon exposé. Les Suisses prennent l'initiative et ils travaillent avec le Canada, le Royaume-Uni, les États-Unis et la Norvège.

+-

    M. Maurice Vellacott: Vous devez donc obtenir l'intervention d'une force internationale.

+-

    Mme Lois Wilson: Mais c'est très compliqué. Les Suisses procèdent avec prudence. Ils ne veulent pas commettre d'erreurs, parce que cela pourrait nous faire reculer.

+-

    M. Maurice Vellacott: Avez-vous le sentiment que la SPLA et les États-Unis font semblant. Ils affirment vouloir la paix, comme vous l'avez dit vous-même, mais la veulent-ils vraiment?

+-

    Mme Lois Wilson: Je n'en ai vu aucune indication. Danforth a suggéré une journée de tranquillité pour que l'on puisse vacciner les enfants, et ils n'ont même pas réussi à obtenir cela. Il y a beaucoup de confusion. J'en conclus qu'il n'y a pas vraiment d'engagement sérieux. Les deux parties pensent encore pouvoir gagner militairement, mais cela ne peut pas aller très loin, je ne sais trop. Je pense que Danforth dit trois ou quatre fois dans son rapport qu'il n'a pas décelé lui non plus un engagement très solide de faire la paix de part et d'autre. Donc, quand on est en présence de deux parties qui refusent de s'engager, on est vraiment impuissant.

+-

    La présidente: Merci beaucoup. Je sais que vous devez partir et nous vous remercions d'être revenue. Nous sommes ravis de vous accueillir de nouveau à la Chambre. J'espère que vous avez une belle retraite.

+-

    Mme Lois Wilson: Merci. C'est comme avoir fini l'école. J'adore ça.

+-

    La présidente: Ah, très bien.

+-

    Mme Lois Wilson: Je vous remercie pour vos questions.

+-

    La présidente: Vous allez nous écrire quand vous aurez réfléchi à cela?

+-

    Mme Lois Wilson: Oui, je vais le faire.

+-

    La présidente: Bon, très bien. Merci beaucoup.

    Notre témoin suivant aujourd'hui est John Harker et je vous l'ai déjà présenté. Je pense que la plupart des députés ici présents connaissent ses antécédents. C'est un expert sur l'Afrique et l'auteur du rapport Harker 2000 sur le Soudan.

    Vous avez la parole. Je suis certaine que nous aurons beaucoup de questions à vous poser.

+-

     M. John Harker (témoigne à titre personnel): Merci, madame la présidente.

    Je vous ai fait parvenir des documents il y a quelques semaines. Je ne vais pas les lire. J'y aborde un certain nombre de points. Je pense vraiment qu'il ne faut pas perdre de vue que le Soudan fait partie intégrante d'une région très instable et déchirée par les conflits, et je pense donc que vous devez envisager la question dans une optique régionale. Les États de la région s'affrontent depuis des années par dissidents interposés. Tout cela a vicié le processus de paix de l'IGAD. Je vais donc me reporter à ce que j'ai écrit dans ces notes, mais je ne vais pas les lire.

    Depuis que j'ai écrit ces documents, le sénateur Danforth a bien sûr remis son rapport, comme Lois l'a dit. Je n'étais pas au pays à l'époque, mais j'ai vu diverses réactions. J'ai trouvé intéressant de voir la réaction de Human Rights Watch au rapport Danforth. Je ne veux pas anticiper sur une question que l'on voudrait me poser, mais c'est une excellente source d'information que vous devriez suivre de près. Human Rights Watch a dit qu'il faut garder à l'esprit que la cause profonde de la guerre, ce sont les violations généralisées des droits de l'homme. Il vaut la peine de garder cela à l'esprit parce qu'en fait, c'est vraiment simplifier à outrance que de dire que le conflit au Soudan est causé par le pétrole, par exemple. C'est une simplification très tentante mais qui n'est pas du tout productive. C'est un peu comme les gens qui s'imaginent que tout le conflit au Sierra Leone se ramène aux diamants, ce qui est tout à fait improductif.

+-

     Toutefois, le pétrole est important. Je l'ai dit en février 2000 quand j'ai déclaré que les investissements pétroliers canadiens exacerbaient la guerre civile, sans en être la cause, mais en la relançant. Je suis toujours du même avis. J'ai remarqué que lors d'une séance antérieure, quelqu'un a mentionné devant vous l'article du Globe and Mail rédigé par Gary Kenny intitulé «Canada's silence on Sudan is a vote for oppression». Cela m'a rappelé une manchette aussi accrocheuse il y a quelques années lorsque quelqu'un a reproché au Canada sa politique, ou son absence de politique, au sujet de la guerre en République démocratique du Congo. À ce moment-là, le titre était: «L'Afrique brûle pendant que le Canada joue du violon». Je me souviens avoir pensé que c'était plutôt injuste parce que le Canada était très occupé, et souvent de manière utile, mais on était trop peu au courant. Un des échecs de notre politique à l'époque c'est que même si nous étions très actifs, la population sait très peu de choses, ce qui ne lui permet pas de comprendre la politique ou de la dynamiser. Or, c'est ce qu'il faut.

    Je ne dis pas qu'il faut en savoir davantage pour se rassurer. Une des choses que j'ai apprises dans le dossier Talisman, c'est qu'il y a des Canadiens qui sont profondément offensés par les effets de l'activité pétrolière au Soudan sur les droits de l'homme de la population. Certains m'ont dit qu'ils aimeraient que Talisman parte et que peu leur importe qui remplacerait l'entreprise pourvu qu'eux aient les mains propres. À mon avis, ce qui compte, ce n'est pas que nous nous sentions bien ou moraux mais d'essayer d'influer sur la vie des gens. C'est pourquoi à mon avis il faut que notre politique soit beaucoup plus connue qu'actuellement. La population du sud du Soudan a besoin que notre politique soit mieux connue et appuyée plus vigoureusement.

    Il y a donc ce profil bas, que certains disent très utile, mais je me souviens des origines de l'opération Danforth dont une grande partie a été déterminée à Washington par le Center for Strategic and International Studies. Le Centre avait un groupe de travail qui se consacrait au Soudan. L'avant-projet initial du groupe de travail affirmait que le Canada était un problème au lieu d'être un pacificateur comme le Royaume-Uni ou la Norvège, ce qui fait sourire quand l'on sait que le Royaume-Uni est aussi présent dans le secteur pétrolier au Soudan que le Canada, et que la Norvège, même si elle ne favorise pas le pétrole ou le gouvernement du Soudan, a beaucoup fait grâce à l'aide de la population norvégienne pour soutenir le SPLM/A. En décembre 2000, nous étions perçus comme un élément du problème au lieu d'un élément de la solution, ce que je trouve très déplorable.

    Cela vient sans doute du fait que l'on perçoit le conflit à travers le prisme de Talisman et que nous n'arrivons pas à assurer un suivi. Ce n'est pas tant que c'est mauvais pour le Canada—là n'est pas la question—mais cela nuit beaucoup aux perspectives d'une paix durable. Quant à ceux qui pensent que la paix est plus probable aujourd'hui qu'il y a un an, j'aimerais bien savoir de quelle paix ils parlent car on peut prévoir des arrangements diplomatiques quand la paix semble s'être installée, mais peu de temps après cela va disparaître. Au Soudan, les initiatives et les accords de paix foisonnent. Lors d'une rencontre avec les Soudanais, j'ai appris qu'il y a eu 30 initiatives de paix distinctes, les unes après les autres, certaines simultanément.

º  +-(1630)  

    J'ai parlé de cet institut à Washington. Lois parle de l'initiative des Suisses dans le processus de partage de la richesse. Le CSIS américain et l'autre institution américaine, le Carter Center, examinent beaucoup la question du pétrole. Ils étudient le partage des recettes et consacrent beaucoup de talent et d'énergie à la question. Paradoxalement, le tout premier véritable accord entre le gouvernement du Soudan et le SPLM a été signé il y a moins de deux ans à l'issue d'une session sur le partage des recettes lancée et facilitée par le Canada. Nous avons fait les premières contributions et il est dommage que nous restions trop en retrait et laissions les autres dominer sans que l'on reconnaisse notre contribution pour ce qui a été accompli et pourrait l'être. Je pense que nous pourrions nous affirmer davantage, même sur ce point précis.

    Et puis, si vous allez au-delà du partage des recettes, il y a la question du pétrole. Faut-il l'inclure ou l'exclure? Lois a rappelé le défi qu'elle avait lancé: comment exclure Talisman et que se passerait-il si elle partait? Ce qu'on a peut-être oublié, et j'en parle dans mon rapport, c'est qu'on pourrait peut-être faire davantage non seulement en se concentrant sur Talisman, mais en examinant l'industrie pétrolière dans le monde, l'influence des Chinois et d'autres, pour voir si le pétrole ne peut pas être transformé en levier qui amène les deux parties à réfléchir plus sérieusement à la paix. Personnellement, je ne pense pas que les deux soient convaincues de pouvoir gagner militairement. Dans les deux camps, beaucoup pensent sans doute qu'un conflit bruyant de faible intensité sert leurs desseins de toute façon. Ils ne sont pas à la recherche d'une solution militaire—il n'y en a pas—mais ni l'un ni l'autre ne risquera la paix. Enfin, c'est ainsi que je vois les choses.

    J'ai parlé du pétrole. C'est un des points actuellement en discussion dans d'autres pays, comme la question de l'autodétermination, dont Lois a parlé. Comme elle, j'ai le sentiment d'avoir beaucoup à dire sur le sujet. Contrairement à elle, je pense qu'il est maintenant temps pour nous de plancher sur la question. Au Caire, par exemple, on dit que l'autodétermination ne viendra jamais parce qu'on ne veut pas que le Sud se sépare. Dans certaines régions du Sud, on dit que l'on n'acceptera pas un système fédéral—quelqu'un a posé cette question. Ils ont essayé cela, mais jamais avec détermination pour s'assurer que la gouvernance était pour la population et non pour son oppression. Je pense que nous avons beaucoup à apporter. Je suis certain qu'il se fait beaucoup de choses; par contre, moi et peut-être moi seul je ne sais pas bien ce que le Canada fait et voudrait être et je pense que cela vaut pour l'ensemble.

    Tout ce travail qui se fait peut avoir des effets négatifs. Le groupe de la crise internationale s'est élevé récemment contre la multiplicité des processus de paix, soutenant que cela permettait les dérapages. En fait, cela permet effectivement aux parties, comme je l'ai dit, de préserver le conflit des affres de la paix. Il faut donc absolument une coordination, mais aussi une revitalisation. Je pense que cela s'applique à IGAD.

    Il y a quelques mois, un groupe de très grandes ONG a publié un rapport sur les processus de paix au Soudan. Je l'ai ici, si quelqu'un veut le titre: The Key to Peace: Unlocking the Human Potential of Sudan. Ils disent que IGAD a en fait été huit ans de négociations inefficaces que personne n'essayait de faire réussir. On peut à juste titre dire, je crois, qu'à une certaine époque les États-Unis cherchaient davantage à faire du Kenya un bouc émissaire pour son manque d'énergie plutôt que d'essayer de relancer le processus. Le 11 septembre les a peut-être aidés à vouloir le relancer. Et maintenant Walter Kansteiner, le principal officiel américain, a déclaré que malgré l'initiative égypto-libyenne, IGAD est à la tête. Eh bien, je me souviens il y a un an et demi, le secrétaire général de l'ONU a déclaré qu'il fallait internationaliser et revivifier le processus IGAD pour aller au-delà de la capacité des États régionaux de déterminer le rythme du progrès. À mon avis, c'est tout à fait nécessaire, mais ce que je veux dire c'est que si nous revitalisons tout ce processus, en ne le laissant être qu'un dialogue entre élites, ça ne marchera pas. Beaucoup plus doit être fait pour enraciner le processus IGAD dans les préoccupations locales de la population du Soudan, au moyen d'information et d'interactions avec quantités de préoccupations et de mesures locales de paix. Tout cela se fait. Parfois, cela vous prend par surprise, mais elles sont toutes justifiées et méritent d'être appuyées.

º  +-(1635)  

    J'ai remarqué que Lois a dit qu'il est bon de renforcer ces mesures en prévision du jour où la paix viendra. Il faut bien savoir qu'en les renforçant, il se peut bien que nous accélérions le mouvement en faveur de la paix. Ici, le Canada peut jouer un très grand rôle, que la population comprendra, et appuyer les meneurs—et je ne veux pas laisser entendre que le Canada est du nombre pour toutes ces mesures. Il faut qu'il fasse ces choses. Je pense qu'il ne pourra le faire s'il n'affronte pas plus efficacement la question du pétrole. Je ne suis pas sûr d'avoir plus de réponses que je n'en avais en février 2000 sur la façon de faire, mais je veux terminer en citant ce que j'ai dit il y a quelques semaines dans mon mémoire:

Nous ne pourrons pas surmonter les abus des droits de l'homme au Soudan si nous n'essayons pas vigoureusement de mettre fin à la guerre civile; la guerre du Soudan ne peut être remplacée par une paix durable si l'on ne tient pas compte du contexte régional. La Corne et l'Est de l'Afrique doivent être considérés comme une région d'une grande importance pour le Canada, aussi bien pour sa réputation de bâtisseur de la paix que pour son rôle de leader de grands pays du G8.

    Lorsque nous nous sommes rendus à Nairobi en novembre, le premier ministre Blair a dit qu'il allait s'assurer que le Sommet du G8 à Kananaskis porterait sur le conflit du Soudan. Il faut éviter de nous laisser emporter, qu'on le veuille ou non, par d'autres. Essayons de nous assurer que lorsqu'il y a de la volonté politique à appliquer à un conflit, le Soudan est bien en tête. Il semble que ce soit plus qu'une perspective. Rien n'est jamais sans risque. D'autres ont essayé d'instaurer la paix au Soudan avant et ont échoué et j'espère que cela n'empêchera pas le Canada de faire un effort plus déterminé qu'il n'y paraît pour un observateur de l'extérieur, peut-être mal informé.

    C'est tout ce que je voulais dire. Merci.

º  +-(1640)  

+-

    La présidente: D'abord Deepak, cinq minutes.

+-

    M. Deepak Obhrai: J'ai des questions. D'abord, le rapport sur les recommandations que vous avez présentées en 2000, à votre avis, à quoi cela a-t-il mené? Qu'est-il arrivé de ce rapport? Le gouvernement l'a-t-il examiné? A-t-il eu des effets? Quelle est votre évaluation?

+-

    M. John Harker: Oh, ça tout changé.

+-

    M. Deepak Obhrai: Nous sommes aujourd'hui en 2002, deux ans ont passé, et c'est un rapport volumineux. Qu'est-ce que le rapport a permis d'accomplir selon vous?

    Ma seconde question est liée à la première. Après les événements tragiques du 11 septembre, le gouvernement du Soudan a apporté des changements et s'est joint à la coalition de lutte contre le terrorisme dans l'espoir qu'il ne sera pas isolé dans les affaires internationales et fera partie de la communauté mondiale, etc. Quelles répercussions tenez-vous à souligner au comité?

+-

    M. John Harker: Ce sont deux questions difficiles.

    J'ai effectivement fait beaucoup de recommandations et j'ai de loin dépassé le mandat qui m'a été confié, comme Lois le dirait, en ce sens que le ministre Axworthy, je crois, ne s'attendait pas à des recommandations mais uniquement à un énoncé des faits. J'en ai fait plusieurs; il s'est attardé à certaines d'entre elles, il en a mentionné quelques-unes et en a écarté d'autres. À l'époque, j'ai dit que c'était pour moi une réponse provisoire du gouvernement parce que nous nous étions retrouvés avec le dossier sur les bras sans pouvoir nous en départir. Oui, si Talisman vendait ses intérêts demain, beaucoup de gens n'auraient plus rien d'autre à dire ou à penser à propos du Soudan, ce qui je crois serait un drame et une farce.

    Pour ce qui est des répercussions, je sais qu'un certain nombre d'ONG ailleurs ont trouvé le rapport utile et leur a permis de concentrer leurs campagnes de façon plus déterminée. Je n'ai participé à aucune campagne et je ne le fais toujours pas. J'essayais seulement d'exposer les choses telles que je les voyais. J'espère donc que cela les a aidées à se concentrer sur le Soudan et je sais que c'est le genre d'organisations qui, au bout du compte, finiront par apporter des changements dans ce pays. Je ne peux pas vraiment vous en dire plus sur les effets que nous avons eus.

    Pour ce qui est de la deuxième question, j'étais au Soudan en juin de l'an dernier et j'ai discuté entre autres choses des entretiens que les Américains avaient à l'époque avec les Soudanais au sujet du terrorisme. Je pense que le 11 septembre a ouvert une porte aux Soudanais et ils savent très bien profiter d'occasions comme celle-là. Ce que tout cela a fait pour moi, surtout après avoir appris ce que le rapport Drudge a révélé à propos de l'échec des Américains qui n'ont pas réussi à profiter des offres antérieures de collaboration sur le terrorisme, c'est que nous devons avoir certains principes, essayer de les respecter et ne pas nous laisser distraire par une avalanche de besoins ou de gesticulations d'autrui. J'ai parlé du ICG. Je suis heureux qu'il ait obtenu aujourd'hui les services de John Prendergast, que vous allez peut-être entendre. Je ne peux m'empêcher de penser, par contre, que John Prendergast faisait partie d'un gouvernement qui a lancé un missile de croisière par suite de ces hypothèses à propos du Soudan et que c'est une politique qui n'allait mener personne nulle part.

    Le monde a donc changé un peu. Les Soudanais vont l'exploiter. Assurons-nous de garder les yeux sur le problème de fond, c'est-à-dire qu'il s'agit d'un conflit amer très long et très compliqué. Nous pouvons apporter une contribution, mais il n'y a pas de solution miracle.

º  +-(1645)  

+-

    M. Deepak Obhrai: Merci.

+-

    La présidente: Monsieur Dubé.

[Français]

+-

    M. Antoine Dubé: Quand j'ai lu votre document, je me suis intéressé au dernier paragraphe. C'est un peu à l'opposé de la question que j'ai posée plus tôt à Mme Wilson. Vous semblez dire qu'on peut bien parler de violations des droits de la personne, mais qu'on ne pourra pas mener d'action efficace si on ne règle pas le processus.

    Vous avez parlé d'autodétermination, et j'aimerais vous donner l'occasion de clarifier cette notion, parce que cela peut prendre différentes formes. Quelles formes les gens chargés de cela, incluant ceux du comité, devraient-ils envisager?

[Traduction]

+-

    M. John Harker: Vous abordez deux choses ici. L'une, c'est la question des droits de la personne. L'organisme Human Rights Watch a très bien décrit la situation qui existe en matière des droits de la personne au nord et au sud du Soudan et a proposé de nombreuses façons efficaces d'améliorer la situation. Le seul argument que je ferais valoir, c'est que tant que ce pays est en guerre, il est difficile d'assurer pleinement le respect des droits de la personne, en partie parce qu'on invoquera la guerre comme prétexte pour ne pas améliorer la situation, et en réalité, il est très difficile de garantir des droits pendant que ce conflit fait rage. Mais le gouvernement du Soudan a violé les droits des femmes du Nord, déplacées, qui vivent à Khartoum et qui, pour survivre, vendent illégalement de l'alcool. Ils ne peuvent pas sérieusement attribuer cela à la guerre.

    En ce qui concerne votre question à propos de l'autodétermination et les moyens d'y parvenir, je crois effectivement que des moyens existent. Le problème, c'est qu'au Soudan on est devenu convaincu que l'autodétermination signifie établir un nouvel État pour le sud du Soudan. Je ne crois pas franchement que quiconque appuie cette ambition. Je ne suis pas sûr qu'il s'agisse d'une ambition vraiment claire, mais cela ne fonctionnera tout simplement pas. Il serait plus productif à mon avis d'essayer de trouver des moyens d'assurer une gouvernance pour le peuple, par le peuple. Il ne s'agit pas de lieu commun; c'est une chose difficile.

    J'ai pris la parole devant le comité permanent à Halifax en février et je crois qu'un membre de votre parti m'a demandé s'il fallait prévoir une nouvelle architecture pour l'intervention à l'échelle internationale, et j'ai dû répondre que si les gouvernements, particulièrement en Afrique, parce que c'est là que je passe mon temps, disons le Soudan, considéraient la souveraineté comme une responsabilité envers la population plutôt que la délimitation des frontières, toutes les interventions dont nous sommes témoins à l'heure actuelle ne seraient plus nécessaires.

    Donc pour résumer, oui , il existe des moyens. Je ne crois pas qu'il soit productif d'envisager parmi ces moyens comment établir un État pour le sud du Soudan. C'est tout simplement impossible. Mais autrement, nous ne pouvons simplement leur imposer un régime fédéral parce qu'il fonctionne assez bien ici. Notre culture, notre histoire et notre perception publique sont extrêmement différentes. Dans le sud du Soudan—et d'ailleurs le Sud n'est pas le seul problème du Soudan car il y a des gens à l'extrême ouest et au nord-est qui connaissent eux aussi de réels problèmes—, il n'y a rien dans leur histoire récente qui semble indiquer qu'ils devraient se faire confiance, et c'est un obstacle important à surmonter. Donc si nous trouvons un moyen de discuter de l'autodétermination en tant que forme réelle de gouvernance, c'est peut-être possible. Je considère que nous sommes tout à fait en mesure de les aider à envisager toutes ces possibilités.

º  +-(1650)  

+-

    La présidente: Madame Beaumier.

+-

    Mme Colleen Beaumier: Monsieur Harker, j'ai fait partie des députés qui sont allés au Soudan et qui sont revenus avec l'idée relativement controversée... Cependant, ce que j'ai constaté lorsque j'étais là-bas, et que nous avons traité de la question de Talisman, parce que tout le monde... Nous avons fait l'objet de nombreuses pressions à cet égard. Vous devez exiger le départ de Talisman, son départ. Donc compte tenu du fait que Talisman n'a pas une mission de travailleur social, l'important, c'est le résultat. Il s'agit d'une multinationale installée au Canada et non de travailleurs sociaux.

    J'aimerais faire quelques observations. Lorsque nous étions à Khartoum, la participation des États-Unis était très apparente. À l'époque, le gouvernement américain cherchait des terrains. Il envisageait d'y ouvrir une ambassade et de reprendre ses activités dans le secteur pétrolier. J'aimerais demander à tous ceux qui ont condamné Talisman combien d'autres entreprises qu'ils connaissent fonctionnent là-bas. On s'en est pris à Talisman parce qu'on le peut. Pour l'instant, il n'y a aucune participation américaine au secteur pétrolier là-bas.

    Lorsque nous étions là, nous avons rencontré un certain nombre d'ONG. Certaines d'entre elles nous ont dit que si nous répétions ce qu'elles nous avaient appris et que nous les nommions, elles le nieraient, parce qu'elles avaient peur de leur organisation mère et craignaient de perdre leur emploi. L'une des choses que nous avons demandée à un groupe d'ONG, dont certaines l'ont depuis nié, mais nous étions huit ou neuf là-bas et nous pouvons en témoigner, s'il serait préférable pour la population du Soudan que Talisman parte, et la réponse a été non, cela n'améliorerait pas le sort de la population car on abandonnerait les préoccupations en matière d'environnement. Indépendamment des nombreuses lacunes manifestées par Talisman, c'était au moins un début. L'autre question que nous avons posée concernait le gouvernement. Était-ce un mauvais gouvernement? Avaient-elles constaté une amélioration? On a répondu qu'il y a cinq ans—nous étions là il y a deux ans—c'était un mauvais gouvernement, aujourd'hui c'est un gouvernement qui compte certains mauvais éléments. Êtes-vous d'accord avec ces déclarations?

+-

    M. John Harker: Je répondrai à la dernière question en premier. Je ne crois pas qu'il soit très souvent possible de considérer que tout un gouvernement ou tout un régime est bon ou mauvais. Il ne fait aucun doute que les violations des droits de la personne constatées par Humans Rights Watch ont été plus nombreuses peu de temps après le coup d'État qui a porté le Front national islamique au pouvoir. Cela ne veut toutefois pas dire que le gouvernement respecte ses engagements ou le fait volontairement. Cela ne veut pas dire qu'il est crédible à bien des égards. J'ai d'ailleurs pu le constater moi-même lorsque j'ai révélé que les militaires utilisaient les terrains d'aviation au Soudan, qui entouraient les concessions pétrolières. Sept des ministres de leur cabinet ont tenu une conférence de presse à laquelle ils ont invité les journalistes canadiens pour dénoncer mes propos en disant que je ne savais pas de quoi je parlais. Je me trouve très souvent dans cette situation, mais en ce qui concerne cette question, je sais très bien ce qui se passe. C'était tout à fait indéniable—c'est l'expression que j'ai utilisée, et j'en ai la preuve irréfutable de diverses sources. Donc ils ne sont pas particulièrement honnêtes, fiables ou dignes de confiance. Il s'agit toutefois d'un gouvernement divisé dont les membres doivent toujours rester sur leur garde. Je suis parti le jour où Bashir a fait arrêté Turabi. Mais que peut-on dire? Je ne dirais jamais qu'il s'agit d'un bon gouvernement. Un mauvais gouvernement? Il n'en a pas fait suffisamment pour être considéré comme un bon gouvernement. C'est tout ce que je dirais à ce sujet.

º  +-(1655)  

+-

    Mme Colleen Beaumier: Je crois que personne n'a dit qu'il s'agissait d'un bon gouvernement.

+-

    M. John Harker: Très bien.

+-

    Mme Colleen Beaumier: Il y a eu des améliorations. Essentiellement, il s'agit maintenant d'un gouvernement qui comporte certains mauvais éléments.

+-

    M. John Harker: Oui, mais ces mauvais éléments sont très souvent ceux qui contrôlent la façon dont fonctionne l'appareil de sécurité.

+-

    Mme Colleen Beaumier: Vous considérez donc qu'il n'y a pas eu d'améliorations?

+-

    M. John Harker: Il y a eu un certain nombre d'améliorations à certains égards, mais lorsque l'appareil de sécurité le juge approprié, il semble avoir le pouvoir de retarder quelque peu le progrès ou de causer une déstabilisation.

    En ce qui concerne la première question, je ne voudrais pas répéter toutes mes observations au sujet d'un hôpital ou d'une école. Toutes ces choses sont très bien, mais le pétrole a-t-il apporté une grande amélioration? Nous avons rencontré bon nombre de sudistes qui étaient d'avis que la présence de Talisman était une bonne chose et ils voulaient être en mesure d'en profiter plus directement. Je ne parle pas nécessairement des ONG ou des civils. Le fait est que les commandants militaires qui sont maintenant associés à l'APLS étaient auparavant associés au gouvernement du Soudan. Ils étaient contre le pétrole lorsqu'ils ont eu l'impression que les rapports ne seraient pas aussi bons qu'ils le croyaient. Le fait est que le sud du Soudan ne récolte pas tellement d'avantages du pétrole. Encore une fois, je ne fais que raconter les choses telles qu'elles le sont. Est-ce que ce sera toujours le cas à l'avenir? Espérons que non. D'aucuns diraient que si aucune activité pétrolière n'avait été entreprise, la guerre ne serait pas aussi féroce. Elle ferait sans doute rage le long de la ligne ferroviaire à Bahr Al Ghazal. Ce serait différent, mais il y aurait sans doute quand même la guerre.

    C'est donc difficile à dire. Est-ce important? Le fait est qu'on produit du pétrole là-bas, qu'on ne peut revenir en arrière, qu'on ne va pas couper les approvisionnements. Nous devons faire davantage cependant pour tenter de mettre fin à la guerre et de s'assurer que la production de pétrole aide les gens. C'est une erreur de croire—et l'histoire de l'Angola le montre bien—que le pétrole signifie nécessairement que les gens en profiteront.

+-

    Mme Colleen Beaumier: Oui. Je pense que je n'ai pas très bien posé ma question. Si, en fait, le gouvernement s'est amélioré, ce que je veux savoir, c'est si à votre avis c'est un gouvernement avec lequel nous pouvons travailler?

+-

    M. John Harker: À ma connaissance, le gouvernement du Canada et le gouvernement du Soudan ont des relations diplomatiques. Je ne sais pas à quoi on s'attend de ces relations. Je pense que très peu de représentants canadiens qui traitent avec leurs homologues soudanais leur font automatiquement confiance. C'est sans doute le cas en ce qui concerne d'autres gouvernements également. À ma connaissance, le Soudan n'est pas traité par le Canada comme un pariah. Nous avons des relations, il faut donc tout simplement tenter de s'assurer que les rapports que nous entretenons avec ce pays reflètent le plus possible nos valeurs et nos intérêts.

+-

    Mme Colleen Beaumier: Très bien. Merci.

+-

    La présidente: Monsieur Vellacott.

+-

    M. Maurice Vellacott: Merci d'être ici, monsieur Harker.

    Pour mettre les choses en contexte, à un moment donné le gouvernement fédéral vous a demandé de rédiger le rapport, ce que vous avez fait au cours de cette période.

+-

    M. John Harker: Oui.

+-

    M. Maurice Vellacott: Quelle est donc votre relation avec le gouvernement à l'heure actuelle?

+-

    M. John Harker: Je paie des impôts.

+-

    M. Maurice Vellacott: Merci. Eh bien, il y a donc un lien, monsieur.

    Avant de rédiger vos rapports, vous avez travaillé comme expert-conseil? C'est en quelque sorte de cette façon que vous gagnez votre vie.

»  +-(1700)  

+-

    M. John Harker: Oui. Essentiellement, je survis en rédigeant, en enseignant et en analysant.

+-

    M. Maurice Vellacott: Vous insistez pour que le pétrole serve de point de pression. J'en conclus donc que vous n'êtes pas d'avis que la suspension du pétrole va résoudre quoi que ce soit. Que voulez-vous dire lorsque vous parlez d'utiliser le pétrole comme point de pression afin d'en arriver à une solution?

+-

    M. John Harker: Je répète ce que Lois Wilson vous a dit. Il serait peut-être très bien idéalement de pouvoir dire que l'on va suspendre la production de pétrole, mais ça ne va tout simplement pas passer.

+-

    M. Maurice Vellacott: Alors comment utiliseriez-vous cela comme moyen de pression? Comment peut-on utiliser le pétrole comme moyen de pression?

+-

    M. John Harker: Il y a deux choses qu'il vaudrait la peine d'examiner à mon avis. Je ne sais pas jusqu'à quel point le pétrole a fait baisser le prix des actions de Talisman. Certains disent que c'est un cauchemar, mais personnellement, cela me semble être une énorme mine d'or. Ils n'ont pas l'air d'avoir hâte de partir. Lorsque j'ai présenté mon rapport, on m'a demandé de me rendre à Calgary pour rencontrer le comité exécutif de Talisman. Il y a une carte ici sur cette table, et lorsque j'ai comparu devant leur comité exécutif, il y avait également une carte et ils voulaient que je leur dise où j'étais allée au Soudan, mais il ne leur a pas fallu beaucoup de temps pour me montrer des endroits sur cette carte où je n'étais jamais allée, près de la frontière entre le Nil supérieur et Equatoria. Ils me disaient que c'était là où se trouvaient d'importants gisements de pétrole et que c'était là où il y aurait vraiment de l'argent à faire.

    Si on envisage l'avenir, beaucoup plus de pétrole sera produit au Soudan qu'à l'heure actuelle. Je suis d'avis qu'en ce moment des gouvernements forts devraient parler à d'importantes entreprises industrielles de l'avenir du pétrole au Soudan si on veut régler le problème actuel du pétrole dans ce pays. C'est à ce niveau—je ne peux être plus précis que cela—où il serait peut-être possible d'exercer des pressions de part et d'autre pour s'assurer que ce soit à leur avantage s'ils veulent résoudre quoi que ce soit, de sorte qu'on pourrait exploiter des réserves encore plus grandes qu'à l'heure actuelle.

+-

    M. Maurice Vellacott: N'est-ce pas ce que le gouvernement du Soudan tente de faire avec sa politique de la terre brûlée, en chassant les gens de certaines régions car il s'y trouve de plus grandes réserves de pétrole. N'est-ce pas, à leur manière, ce qu'ils tentent de faire?

+-

    M. John Harker: Peut-être. Ils ne m'ont pas fait part de leur motif profond. Cela n'a pas nécessairement rapport avec la question que je soulève. J'espère que vous ne voulez pas dire qu'il faut les laisser poursuivre cette politique de la terre brûlée et du déplacement des gens.

+-

    M. Maurice Vellacott: Non, certainement pas. Ce que nous disons, c'est que vous devriez aller les voir et leur dire: écoutez, cela pourrait profiter à votre pays merveilleusement en services et en toutes sortes de bonnes choses, grâce aux recettes provenant du pétrole, plutôt que d'avoir cette horrible guerre. Est-ce ce que vous dites, qu'il faut les convaincre des deux côtés, qu'il faut brosser un tableau des avantages que cela comporte pour tous les gens là-bas?

+-

    M. John Harker: Ce doit être à un élément seulement. Il ne sert à rien d'aller voir ce gouvernement ou tout autre gouvernement et de tenter de leur brosser un tableau et de leur demander de voir ce qui est dans leur intérêt. À l'heure actuelle, il est possible que les États-Unis et les autres pays du G-8 s'organisent pour exercer des pressions, diplomatiques ou autres, ou peut-être même des sanctions, mais je pense que cette possibilité nous a sans doute échappée. Il s'agit donc de trouver le plus possible des moyens de négociation pour faire progresser la dynamique vers la paix. C'est à peu près tout ce que je peux dire.

+-

    M. Maurice Vellacott: Vous dites ici qu'il faut avoir une attitude de tolérance zéro à l'égard de l'ethnicisme, du racisme et de toute autre forme d'exclusion. Certaines de mes sources indiquent qu'il y a à peine quelques semaines, le gouvernement du Soudan a parrainé une manifestation anti-américaine, anti-israélienne pour demander que des camps d'entraînement soient organisés afin d'aider le jihad palestinien à libérer Jérusalem de la saleté zioniste, etc. Lorsqu'on leur a posé la question, ils ont répondu que c'était plutôt pour leurs propres gens. Mais j'ai l'impression que le Soudanais ordinaire n'est pas particulièrement anti-américain et ne milite pas pour le jihad, de sorte que je serais porté à croire que le gouvernement se sert de cela pour attiser la ferveur. Vous en avez entendu parler?

+-

    M. John Harker: Bien entendu.

+-

    M. Maurice Vellacott: Qu'est-ce que vous en dites? J'imagine qu'il y a manifestement des sentiments profondément favorables au jihad, et le gouvernement joue là-dessus pour continuer à alimenter le conflit.

+-

    M. John Harker: Je pense que cet incident a probablement trait davantage à des luttes très localisées pour décrocher le pouvoir à Khartoum qu'à toute autre chose. Il y a un conflit permanent entre les différentes factions qui entourent Bashir, et je suis certain que c'est probablement l'une des raisons.

»  +-(1705)  

+-

    M. Maurice Vellacott: D'aucuns ont laissé entendre que cette mise en quarantaine de Turabi comme on l'a appelée était un canular, assez bien monté d'ailleurs. Avez-vous une opinion à ce sujet? Plusieurs anciens fonctionnaires qui ont quitté les rangs le croient également. La junte de Bashir est pas mal mobilisée à la cause d'un jihad islamique, à la cause du Soudan et de l'Afrique, comme l'était Turabi. Ce marché qui est proposé par certains présente-t-il un intérêt quelconque?

+-

    M. John Harker: Je ne sais pas vraiment pouquoiTurabi et sa famille participeraient à ce jeu énigmatique qui dure depuis un ou deux ans. Turabi lui-même est un type assez complexe qui prône toutes sortes de valeurs louables quand ç lui chante et qui se conduit à d'autres moments avec obstination. Il m'a dit que le sud pourrait avoir un référendum demain, qu'il serait heureux de l'organiser, et que tout le monde voterait pour son gouvernement.

    Dans un sens, il est vain de penser que c'est un jeu compliqué qui se déroule. Turabi a, ou avait, beaucoup plus d'influence parmi les jeunes professionnels, surtout dans les branches non-combattantes des forces armées, et il a fallu longtemps à Bashir pour trouver le moyen d'écarter très gentiment certaines personnes qui risqueraient de porter atteinte à son pouvoir. Je pense néanmoins que ni l'un ni l'autre ne suit un genre de grand plan pour déclencher un jihad. En fait, Bashir essaie plutôt de diriger un gouvernement et de rester au pouvoir d'une façon ou d'une autre. Je ne pense pas qu'il faille en conclure qu'ils sont engagés dans cette voie actuellement. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle, si on les aiguillonne et les presse un peu, ils seraient probablement un peu plus enclins à envisager la paix. Je pense néanmoins que le problème de Bashir c'est que sans cette guerre, et avec une nouvelle constellation de politiques autour de lui, pourquoi resterait-il au pouvoir? Pourquoi l'un des chefs de ces importants partis bien implantés au Soudan depuis de l'ère moderne ne redeviendrait-il pas puissant et il serait ainsi évincé du pouvoir? Je pense que c'est cela sa principale motivation pour l'instant.

+-

    La présidente: D'accord.

    Monsieur Cotler.

+-

    M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.): Je voudrais à mon tour vous souhaiter la bienvenue. Excusez-moi, mais j'avais un autre engagement qui ne m'a pas permis d'entendre votre exposé dans son intégralité. Par contre, j'ai lu votre témoignage antérieur avant notre réunion.

    Je voulais simplement vous interroger au sujet de ce qui semble être une convergence d'éléments que nous constatons depuis quelques semaines, dès lors que de nombreuses ONG actives dans le domaine des droits de la personne, et d'autres intervenants encore, sonnent l'alarme pour nous en avertir. D'abord, Talisman a encore découvert du pétrole dans la partie occidentale du cours supérieur du Nil. En second lieu, les ONG comme Action contre la femme ont envoyé ce qu'elles appellent un signal d'alarme urgent concernant le prix des produits alimentaires et la famine au Soudan. En troisième lieu, le gouvernement empêche les secours humanitaires de se rendre à destination, si l'on en croit le témoignage des groupes de défense des droits de la personne, afin de sécuriser le secteur pour Talisman et les autres compagnies, ce qui se solde par des déplacements de population et tout ce qui s'ensuit, à tel point qu'un chercheur a même qualifié cette situation de génocide par attrition. La professeur Kathleen Mahoney, présidente de Droits et Démocratie, a donné publiquement préavis à Talisman et à d'autres compagnies que celles-ci risquaient d'être traduites devant le TPI pour complicité.à commettre des crimes internationaux. En deux mots, ils prétendent qu'en sonnant l'alarme, nous sommes peut-être arrivés au point où une intervention humanitaire est nécessaire non seulement pour sauver les gens de la famine, et pas seulement les populations déplacées, mais également pour arrêter les massacres qui risquent de dégénérer en un génocide par attrition.

    Je partage toutes les recommandations que vous avez faites au sujet de l'enclenchement du processus IGAD, de l'aide à apporter à ceux qui prennent l'initiative sur le terrain, les ONG etc., et du fait aussi que le Soudan devrait être au coeur de l'agenda du G-8 et ainsi de suite. Mais pensez-vous que nous devions envisager l'option d'une intervention humanitaire, ce que nous étions prêts à faire au Kosovo, par exemple, ou au Timor oriental? La situation au Soudan réclame peut-être le même genre d'intervention, et peut-être le G-8 pourrait-il être un vecteur, pour une recommandation comme celle-là, si du moins elle ne survient pas d'ici là.

»  +-(1710)  

+-

    M. John Harker: Au Soudan, malheureusement, jamais un signal d'alarme ne se fait entendre sans raison. Nous avons déjà vu le gouvernement adopter pour politique d'utiliser l'aide alimentaire et la sécurité comme arme de guerre. J'ai vu des preuves que le gouvernement déplaçait des populations par la force dans certaines régions. Je peux en attester et je ne vois pas pourquoi le gouvernement renoncerait à cette politique.

    S'agissant de la réponse à donner, je pense qu'il ne faut pas oublier que depuis 1983, l'Occident a dépensé plus de deux milliards de dollars américains en l'aide humanitaire au Soudan. Dans un sens, nous maintenons les gens en vie, mais tout juste, sans nous attaquer aux problèmes qui les amènent au bord de la tombe, que ce soit la famine encouragée par le gouvernement ou aggravée par une action militaire. Le Canada a pris l'initiative en contribuant à créer et à financer cette commission internationale sur l'intervention pour trouver un cadre de référence afin de déterminer les raisons et les moyens d'intervenir dans l'avenir. Après tout, il s'agit de protéger des êtres humains. J'ai donc dit à votre collègue qu'il fallait un panachage de mesures incitatives, à la fois une carotte et un bâton, et toutes sortes d'autres choses. Je pense également qu'il faudrait réfléchir à toute une série de scénarios sur la façon dont on pourrait intervenir d'une façon ou d'une autre.

    Mais laissez-moi vous dire ceci, j'ai témoigné à Washington devant le comité du CSIS sur le Soudan, et à cette époque, il y avait des Américains très proches de la Maison-Blanche qui demandaient ce qu'il faudrait encore de plus pour que nous envoyons des troupes au Soudan. D'après ce que je vois, l'Occident ne semble guère préparé à faire ce genre de choses pour le Soudan, il faudrait donc peut-être réfléchir sérieusement à toutes les façons possibles de faire pression. Vous avez parlé des tribunaux. Pourquoi ne pas essayer cela aussi? Il me semble qu'il faut être prêt à toutes les éventualités, sachant fort bien que de nombreux milieux privilégieront l'attentisme.

+-

    M. Irwin Cotler: Pensez-vous que la conférence de Kananaskis pourrait être pour le G-8 l'occasion de s'engager à demander, mettons, une intervention humanitaire aux termes du chapitre 7 des Nations Unies, un peu comme ce qui avait été fait pour le Kosovo?

+-

    M. John Harker: Je pense que ce qu'on peut espérer de mieux, c'est que le G-8 affirme que c'est une possibilité qui n'est pas exclue, qu'il y a des gens qui réfléchissent sérieusement à la façon d'intervenir, si cela doit devenir nécessaire, mais je ne pense pas que le G-8 aille beaucoup plus loin parce que beaucoup de gens considèrent encore que cette nouvelle initiative de recherche de la paix annoncée par les États-Unis, le Royaume-Uni et la Norvège en est encore à ses débuts. Le sommet de Kananaskis aura lieu dans trois semaines seulement, et le G-8 ne va certainement pas s'engager comme vous l'envisagez.

+-

    M. Irwin Cotler: Mais s'il a été clairement prouvé que Talisman aggrave le conflit par l'extraction du pétrole, comme vous l'avez vous-même signalé, mais qu'elle pourrait aussi faciliter le déplacement des gens et nuire à l'effort humanitaire et, du coup, aggraver la famine, ce que de nombreuses ONG qui sont allées sur place ont déclaré, le Canada ne devrait-il pas au moins appliquer les lois canadiennes à cette entreprise, invoquer tous les mécanismes législatifs dont ils disposent?

»  +-(1715)  

+-

    M. John Harker: Je vous ai décrit le rôle de Talisman tel qu'il m'est apparu il y a un an et demi. Je ne suis pas en mesure d'affirmer le rôle que joue cette société en ce moment. J'ai fait l'impossible pour pouvoir étayer mes affirmations. Aujourd'hui, je ne suis plus en mesure de le faire. Je ne veux pas mettre en doute les témoignages d'autres gens, mais c'est dans ce contexte que j'ai fait cette remarque. Ainsi, j'ai constaté que des poursuites avaient été intentées contre Talisman devant un tribunal new-yorkais. La poursuite intentée au nom de Soudanais du Sud semble se fonder en partie sur un document qui prouverait la complicité de Talisman dans les événements de mai 1999. Je ne sais trop ce qu'il en est,maintenant mais je sais qu'en mai 1999 j'étais convaincu qu'il y avait eu alors une attaque militaire visant le déplacement des populations. Vous avez dit que Talisman aurait «facilité» le déplacement des personnes. Selon qu'on est en mesure d'établir que cette société ou toute autre facilite le déplacement des personnes à l'heure actuelle, il m'apparaîtrait tout à fait indiqué de la part du Canada—je ne suis pas avocat, je ne sais donc pas quelles sont les exigences du point de vue juridique—de voir s'il n'y a pas des preuves juridiques de ce dont vous avez parlé et, dans l'affirmative, de prendre les mesures qui s'imposent. Pendant mon séjour dans le sud du Soudan, en 1999, on ne voulait pas tenir compte du fait qu'il s'agissait d'une entreprise privée. Ces agissements étaient considérés comme ceux du Canada, et nous payons le prix de notre inaction.

    Nous devons donc être très prudents quand des Canadiens travaillent à l'étranger, que ce soit avec ou sans notre permission... Le ministère des Affaires étrangères vous fera remarquer à juste titre qu'il n'a donné aucune autorisation ou encouragement à Talisman. En fait, c'est plutôt le contraire. Les entreprises à l'étranger sont considérées comme des représentantes du Canada, et cela devrait nous importer et nous devrions tenter d'en apprendre le plus possible sur ce que font ces entreprises à l'étranger. Comment le faire? Pour l'instant, je l'ignore encore.

+-

    La présidente: Merci beaucoup.

    Je vais permettre encore une intervention, mais je poserai d'abord moi-même deux ou trois questions avant de lever la séance. J'ai aussi posé ces questions aux témoins précédents. Croyez-vous que notre bureau à Khartoum devrait compter plus d'employés? Si notre comité se rend dans cette région, que devrions-nous faire, où devrions-nous aller, et serait-ce, à votre avis, un voyage utile?

+-

    M. John Harker: Je répondrai d'abord à votre question sur les effectifs du bureau de Khartoum. À l'époque, j'étais quelque peu craintif, car je me demandais quelle impression cela donnerait si l'on se contentait d'ouvrir un bureau? Nos ONG réclament un meilleur contrôle dans le Sud. L'ouverture de ce bureau n'ye contribuerait pas. Certaines ONG réclament une amélioration de la capacité législative du Canada d'agir à l'égard d'entreprises comme Talisman. Cela n'a pas été fait. Si la seule mesure possible, c'est l'ouverture d'un bureau, est-ce que ce bureau sera vu comme un consulat pour les employés de Talisman ou un poste d'écoute? Je n'ai rien contre les postes d'écoute, ils sont très utiles, mais ils m'apparaissaient souhaitables seulement dans le cadre d'un ensemble d'activités pleinement intégrées. Si on adopte enfin ces mesures pour appuyer les efforts de paix, il faudrait probablement plus d'une personne à ce bureau. En temps voulu, s'il semblait qu'un effectif plus important ou même une ambassade contribuerait davantage à assurer une paix durable, je serais certainement pour. Toutefois, pour l'instant, je n'ai pas assez de détails sur ce qu'on attend de ce bureau pour vous dire s'il devrait compter un plus gros effectif.

    En ce qui a trait à un voyage éventuel j'ai trouvé très intéeressant ce qu'a dit Lois. J'ai moi-même dirigé une délégation de sept personnes au Soudan et j'ai dû gérer ce qui s'est avéré tout un défi. Les membres de la délégation n'étaient là que parce qu'ils étaient les mieux en mesure d'observer la situation au Soudan, d'y réfléchir et d'en témoigner ensuite. C'est une tâche difficile, mais ce que nous avons accompli et le rapport que j'ai rédigé n'aurait pas été possible si nous ne nous étions pas rendus sur place. Nous sommes mêmes allés à des endroits dont avait parlé le rapporteur spécial de l'ONU mais où il n'avait pas été. Nous sommes allés à des endroits même si certains ont voulu nous en empêcher—soit dit en passant, ce n'était pas le gouvernement soudanais. Nous nous sommes efforcés de rencontrer tous ceux qui pouvaient nous donner des informations. Cela n'a pas été facile. Je crois que nous nous en sommes assez bien tirés, mais avant notre départ, nous avons communiqué avec toutes sortes de gens, parfois de notre propre initiative, parfois de la leur, afin de savoir qui nous devrions voir sur place. Nous avons probablement omis certaines personnes, mais nous avons eu suffisamment de contacts pour brosser un tableau complet et détaillé de la situation.

    Je ne vois donc pas pourquoi vous ne devriez pas envisager ce voyage et j'espère que tous le feront avec sérieux. Il faut surtout que ce voyage ne renforce pas simplement vos préjugés. Comme je l'ai dit dans mon rapport, moi, j'avais l'esprit ouvert mais pas complètement vide, et il me semble qu'il devrait en être de même pour nos législateurs.

    Je vous encourage donc à vous rendre au Soudan, et je vous conseille d'aller à Khartoum et Nairobi. J'ai indiqué plus tôt à votre attaché de recherche que, bien que Lokichokio, la base d'opération survie Soudan dans le nord du Kenya n'est plus ce qu'elle était auparavant, il vaut quand même la peine d'y aller. Il serait bon que vous ayez des contacts avec les jeunes personnes enthousiastes qui travaillent à Lokichokio, qui font régulièrement la navette entre cette ville et le Soudan et qui pourraient vous donner toutes sortes d'informations que vous n'obtiendrz pas autrement. Il serait bon que vous y passiez deux ou trois jours.

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    La présidente: Merci beaucoup. Je suis certaine que nous communiquerons avec vous pour obtenir des idées plus précises. Peut-être que les membres du comité qui sont présents aimeraient savoir que nous avons obtenu ce matin l'approbation pour notre voyage.

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    M. Irwin Cotler: Les dates sont-elles fixées?

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    La présidente: Oui, du 12 au 22 novembre.

    Monsieur Vellacott.

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    M. Maurice Vellacott: Pour revenir à l'affaire Talisman, certains ont prétendu qu'il y a actuellement une «offensive du charme» mettant en cause une compagnie pétrolière du Canada ou Lundin Petroleum d'un pays scandinave. Accordez-vous la moindre foi à cette allégation; ou bien affirmez-vous que tel est bien le cas? Il peut y avoir d'autres sociétés pétrolières de Chine ou d'autres pays du monde où les droits de l'homme ne sont pas vraiment prioritaires, mais si la bonne réputation du Canada est en jeu, n'est-ce pas un peu différent? Ne peut-on pas dire que c'est la bonne réputation du Canada qui est traînée dans la boue, pour ainsi dire, à cause de la présence de Talisman ou de Lundin? Le gouvernement soudanais semble avantagé puisqu'il peut leur dire: venez chez nous, nous avons des gens de bonne réputation comme la compagnie Talisman du Canada ou Lundin d'un pays scandinave. Ne peut-on pas dire que c'est un peu la stratégie qu'uilise le gouvernement du Soudan?

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    M. John Harker: J'ai constaté qu'ils ont fait grand cas, quand ils en ont senti le besoin, du fait qu'ils ont réussi à attirer des investissements du Canada, mais ne perdez pas de vue qu'ils attirent des investissements beaucoup plus considérables de France, d'Italie, d'Allemagne et de toute l'Europe, autant dans le secteur pétrolier que dans les autres secteurs de l'économie.

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    M. Maurice Vellacott: C'est un peu un effet de dominos. Si l'on a déjà la présence du Canada et que l'on en attire d'autres, cela enclenche un mouvement.

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    M. John Harker: Peut-être bien, mais si Talisman partait demain, ce qu'ils n'hésiteraient pas à faire s'ils y trouvaient leur profit, n'allez pas vous imaginer que les compagnies françaises diraient: un instant, nous n'investirons plus chez vous. Ce n'est pas du tout le cas. On a dépassé ce stade.

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    M. Maurice Vellacott: D'accord, mais si un ou deux investisseurs se retiraient, cela pourrait-il amorcer un mouvement de repli?

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    M. John Harker: Je ne pense pas que cela arrive. Si Talisman vendait sa part dans Gempot, celle-ci serait sans doute rachetée par d'autres investisseurs. Ceux-ci seraient peut-être moins attrayants à certains égards que les étincelants gestionnaires conscients de leur responsabilité sociale chez Talisman, mais ils seraient présents. Ce consortium Gempot est considéré par bien des gens comme une valeur sûre.

»  -(1725)  

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    M. Maurice Vellacott: La situation pourrait-elle être pire?

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    M. John Harker: J'ai seulement dit à l'époque que, tant que Talisman sera présent là-bas, il nous incombe à tous de profiter du fait que cette présence suscite beaucoup d'intérêt pour revenir constamment à la charge sur la nécessité de la transparence, du respect des droits et de tous les autres dossiers, alors que le pays ne sera peut-être pas tout à fait aussi ouvert aux ONG canadiennes et autres si la société pétrolière nationale de Chine augmente sa participation en remplacement de Talisman. Mais c'est une autre question. Cela en revient au fait que pendant qu'ils sont là, c'est très encourageant que notre société civile s'efforce de jeter le plus de lumière possible sur la situation. Mon commentaire vous apparaîtra peut-être insuffisant, mais je pense que c'est le seul qui s'impose à l'heure actuelle.

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    La présidente: Merci beaucoup, monsieur Harker. Comme je l'ai dit, nous communiquerons probablement avec vous pour bénéficier de vos idées.

    Merci à tous de votre participation aujourd'hui. Je pense que la réunion a été très fructueuse.

    La séance est levée.