SINT Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 19 mars 2003
¹ | 1545 |
Le président (M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.)) |
M. Robert Greenhill (président-directeur-général, Bombardier International) |
¹ | 1550 |
Le président |
M. Ken Bee (président, Les producteurs de grains du Canada) |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
º | 1605 |
Le président |
Mme Wendy Dobson (professeur de commerce international, directeur, «Institute for International Business», Université de Toronto) |
º | 1610 |
Le président |
º | 1615 |
M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne) |
Le président |
Mme Wendy Dobson |
Le président |
Mme Wendy Dobson |
Le président |
Mme Wendy Dobson |
M. John Duncan |
Le président |
M. Ken Bee |
º | 1620 |
M. Robert Greenhill |
Le président |
M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.) |
º | 1625 |
M. Ken Bee |
M. Murray Calder |
M. Ken Bee |
M. Cam Dahl (directeur exécutif, Les producteurs de grains du Canada) |
M. Murray Calder |
M. Robert Greenhill |
º | 1630 |
M. Murray Calder |
Mme Wendy Dobson |
M. Murray Calder |
Mme Wendy Dobson |
M. Murray Calder |
Mme Wendy Dobson |
º | 1635 |
Le président |
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ) |
Le président |
M. Robert Greenhill |
º | 1640 |
M. Stéphane Bergeron |
M. Robert Greenhill |
Le président |
M. Ken Bee |
Le président |
Mme Wendy Dobson |
º | 1645 |
Le président |
M. Stéphane Bergeron |
º | 1650 |
Mme Wendy Dobson |
º | 1655 |
Le président |
M. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.) |
Mme Wendy Dobson |
M. Mark Eyking |
Mme Wendy Dobson |
M. Mark Eyking |
Mme Wendy Dobson |
» | 1700 |
Le président |
M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.) |
Le président |
Mme Wendy Dobson |
» | 1705 |
Le président |
M. Robert Greenhill |
Mme Wendy Dobson |
» | 1710 |
M. Cam Dahl |
Le président |
M. John Duncan |
M. Cam Dahl |
M. John Duncan |
» | 1715 |
Mme Wendy Dobson |
M. John Duncan |
» | 1720 |
Mme Wendy Dobson |
M. John Duncan |
Mme Wendy Dobson |
Le président |
CANADA
Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 19 mars 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1545)
[Traduction]
Le président (M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.)): Nous avons le quorum.
Conformément à la disposition 108(2) du Règlement, nous poursuivons aujourd'hui notre étude pour le renforcement des relations économiques entre le Canada et l'Asie et nous recevons plusieurs témoins : M. Robert Greenhill de Bombardier International, M. Ken Bee et M. Cam Dahl qui représentent les Producteurs de grains du Canada et Mme Wendy Dobson de l'Université de Toronto.
Chers collègues, j'ai pensé que nous pourrions commencer par entendre brièvement nos trois témoins, après quoi nous lancerons la discussion avec un échange de questions, réponses et commentaires.
Deux de nos témoins doivent nous quitter à 16 h 45, de sorte que si nous pouvions condenser nos questions, nous pourrions tous terminer suffisamment tôt pour leur permettre de rentrer chez eux.
Nous avons également dans la salle un groupe de jeunes Canadiens qui viennent assister à nos réunions. Au nom du comité, je leur souhaite la bienvenue et aussi bonne chance dans leur mission.
Monsieur Greenhill, nous allons commencer par vous en vous donnant cinq minutes pour faire un rapide exposé. Je crois savoir que vous avez déjà soumis un mémoire écrit au comité, et nous allons donc faire en sorte de l'annexer à notre compte rendu. Pour ceux d'entre vous qui ne l'ont pas fait mais qui souhaiteraient nous faire parvenir un mémoire ultérieurement, nous procéderons de la même façon.
M. Robert Greenhill (président-directeur-général, Bombardier International): Merci beaucoup, monsieur le président.
Mesdames et messieurs les députés, la compagnie Bombardier est très heureuse de pouvoir ainsi intervenir devant vous aujourd'hui.
Permettez-moi de commencer en vous donnant une idée de mon rôle. En ma qualité de président de Bombardier International, il m'appartient expressément d'intensifier l'intervention de Bombardier sur les marchés situés hors de l'Amérique du Nord et de l'Europe occidentale, ce qui comprend donc la région Asie-Pacifique qui revêt une très grande importance.
Pour Bombardier, il est évident que le commerce international est le moteur de notre compagnie. Actuellement, nous réalisons entre 90 et 95 p. 100 de notre chiffre d'affaires à l'étranger. Depuis 10 ans, nous avons exporté pour 50 milliards de dollars de produits manufacturés de pointe dans le domaine aérospatial, le secteur du transport ferroviaire et celui des produits de consommation, ce qui nous a permis de faire passer de 15 000 à 25 000 le nombre de nos employés au Canada.
Une partie importante, et qui le devient de plus en plus, de ce chiffre d'affaires, nous le réalisons dans la région Asie-Pacifique qui représente d'ores et déjà plusieurs milliards de dollars d'exportations réalisées chaque année par Bombardier à partir du Canada. Il s'agit par exemple des avions de transport régionaux Canadair et des avions d'affaires Challenger que nous exportons à la Chine, et notamment le Q400 que nous construisons à Toronto, des turbopropulseurs à la fine pointe de la technologie que nous exportons au Japon, mais également certains services que nous exportons suite par exemple à la décision qu'avait prise Singapour l'an dernier de participer au système d'entraînement des pilotes de l'OTAN que nous avons implanté en partenariat avec les Forces armées canadiennes dans l'ouest du pays.
La région Asie-Pacifique est donc déjà importante pour nous, mais elle va devenir absolument essentielle dans l'avenir. Selon le secteur de production dont il s'agit, nous estimons que d'ici 10 ans, entre 25 et 50 p. 100 de notre chiffre d'affaires mondial, tous produits confondus, sera réalisé dans la région Asie-Pacifique.
Aujourd'hui, c'est la Chine qui est le principal marché mondial pour les motrices et les wagons de métro. D'ici 10 ans, elle devrait devenir le deuxième marché par ordre d'importance après les États-Unis pour les avions de ligne régionaux.
Nous envisageons également un créneau très porteur pour nos matériels de transport ferroviaire dès lors que les grandes métropoles de cette région font face au problème de l'urbanisation massive dont les retombées en matière d'environnement et de transport les interpellent. Nous envisageons également un rôle très important pour nos avions de ligne régionaux, à réaction et à turbopropulseur, qui permettront d'homogénéiser davantage le développement économique entre les différentes régions.
À mesure que des pays comme la Chine s'emploient à étendre leur développement à d'autres régions que celles du Shanghai et du delta de la Rivière des Perles en ouvrant les régions plus occidentales, ou que des pays comme l'Inde tentent d'avoir un développement économique plus homogène, l'efficacité et l'efficience des dessertes aériennes deviendront selon nous de plus en plus importantes.
Pour Bombardier, la présence du Canada dans la région Asie-Pacifique revêt une importance extrême. Nous sommes également convaincus que la présence du Canada, la présence des compagnies canadiennes, doit représenter davantage que l'exploitation d'un marché, mais qu'elle doit également être un partenariat auquel nous participons pleinement, notamment en offrant à la région les services et le soutien nécessaires, en y achetant également et en intervenant au niveau des transferts de technologie avec cette région.
À l'heure actuelle, il y a la japonaise Mitsubishi, l'AIDC taiwanaise et plusieurs autres partenaires asiatiques qui interviennent directement dans la fabrication d'un grand nombre de nos produits aéronautiques. À l'heure actuelle, rien qu'en Chine, les installations de Bombardier et les entreprises auxquelles nous sommes associés comptent près de 1 000 employés.
À plus long terme, nous voyons trois secteurs dans lesquels le Canada a déjà montré qu'il présentait un avantage tout à fait distinct et qu'il conviendrait d'exploiter davantage.
Pour commencer, chose qui mérite d'être soulignée, il y a notre réputation d'honnêteté et de transparence. Le Canada se place régulièrement très haut dans l'échelle de Transparency International. Mais plus important encore, lorsque nous traitons avec des États et avec le secteur privé, notre réputation d'honnêteté et de transparence est pour nous un véritable atout.
En second lieu, le Canada a toujours été présent à un très haut niveau au moins dans certaines régions clés de cette partie du monde. Et je pense qu'il faut ici signaler le rôle que joue le premier ministre Chrétien en vue de renforcer les relations sino-canadiennes.
Je pense qu'on peut admettre que dans l'état actuel des choses, le Canada et son gouvernement font plus que leur poids en Chine en raison de l'engagement à très haut niveau manifesté par le premier ministre à l'endroit de ce pays. Ce sera-là un facteur extrêmement important étant donné que la Chine a changé de dirigeants et donc les liens personnels avec les anciens dirigeants ne sont plus les mêmes, mais aussi lorsque le Canada aura changé de dirigeants d'ici quelques mois.
Le troisième point fort du Canada a été le rôle directeur qu'il a assumé pour la défense de l'état de droit sur la scène internationale et l'ouverture des frontières. Le Canada, multilatéraliste bien connu non seulement sur le plan politique mais également sur le plan économique, a en effet joué un rôle déterminant dans la création de l'Organisation mondiale du commerce, la montée en puissance de l'APEC ainsi que dans l'examen de plusieurs accords bilatéraux. C'est là un de nos points forts et c'est un point fort que nous devons exploiter davantage.
Pour ce qui est de mes recommandations, je vais vous en soumettre trois après quoi je terminerai mon intervention.
Pour commencer, il faut continuer à insister sur l'ouverture des frontières. Bien entendu, les accords commerciaux multilatéraux et bilatéraux s'inscrivent dans cette perspective, mais il y a une chose en particulier, qui relève en fait du droit commercial, qui mérite d'être portée à l'attention du comité, et c'est la Convention relative aux garanties internationales portant sur des matériels d'équipement mobiles, mieux connus sous le nom de Convention du Cap.
Cette Convention a été signée en 2001 à l'initiative de plusieurs pays dont le Canada et de certains organismes internationaux comme l'Organisation de l'aviation civile internationale et l'Association du transport aérien international, l'IATA. Cette Convention a pour but de clarifier le droit commercial concernant la vente de matériels d'équipement mobiles comme les wagons de chemin de fer et les avions. Sa ratification aurait selon nous pour effet de réduire considérablement les risques associés au financement des ventes d'avion par le secteur privé dans de nombreuses régions du monde Asie-Pacifique, ce qui aurait pour conséquence de réduire les coûts d'acquisition par les acheteurs et, dans certains cas aussi, de permettre à des compagnies aériennes d'obtenir du financement du secteur privé auquel elles n'ont pas accès actuellement.
Il s'agit de quelque chose qui figure déjà à l'agenda du gouvernement canadien et qui reçoit en règle générale un accueil favorable. Ce qu'il faut maintenant, c'est insisté pour que la ratification ait lieu dans les meilleurs délais. Voilà donc une première suggestion.
La deuxième suggestion découle du fait que notre réussite en Asie va au bout du compte dépendre des liens qui se tisseront entre les peuples. Il ne s'agit pas des gouvernements, pas plus que des entreprises, il s'agit des liens personnels noués par des gens qui comprennent les différentes économies et qui veulent vraiment que le Canada soit présent dans cette région du monde. Et à cet égard, nous avons la chance d'avoir chez nous beaucoup de gens d'origine asiatique ou océanienne, des Canadiens de la première génération qui se sont établis dans nos villes et un peu partout au pays, mais également beaucoup d'étudiants très doués qui ont choisi de venir étudier chez nous. Gardez nos frontières ouvertes à ces gens-là sera l'une des bases de notre réussite future par rapport à tous nos autres concurrents commerciaux étrangers.
Si je devais faire une suggestion précise, ce serait de faire en sorte que les jeunes gens les plus brillants viennent étudier dans nos universités, parce que cela nous donnera d'extraordinaires dividendes. Nombre de ces étudiants voudront d'ailleurs rester. Mais ceux qui retourneront dans leur pays seront pour nous d'excellents émissaires qui feront valoir tout ce que le Canada peut faire. S'il y avait par exemple un genre de bourse qui serait offerte chaque année aux mille meilleurs diplômés des universités chinoises pour leur permettre de venir étudier au Canada, cela aurait à la longue un impact énorme au niveau du pouvoir humain que cela nous donnerait.
Troisièmement, et pour conclure, je pense que le Canada est un cas de réussite exemplaire et qu'il doit le faire savoir. Nous sommes depuis toujours un cas de réussite sous l'angle socio-politique et de plus en plus, nous le sommes également sous l'angle économique. Mais cette réalité économique est encore mal connue et mal comprise. Et lorsqu'elle sera mieux connue, elle encouragera en plus grand nombre les compagnies à envisager de venir investir chez nous, de commercer avec nous et au bout du compte, c'est ce que j'espère, de songer à faire du Canada leur base d'opérations en Amérique du Nord.
Je vous remercie.
¹ (1550)
Le président: Merci beaucoup.
Monsieur Bee.
M. Ken Bee (président, Les producteurs de grains du Canada): Merci, monsieur le président et merci à vous, mesdames et messieurs les membres du comité.
Je vous remercie au nom des Producteurs de grains du Canada de m'avoir ainsi donné l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui pour parler de l'importance du commerce agricole canadien, de nos relations commerciales avec l'Asie et de la façon dont nous pourrions améliorer les perspectives de cette composante essentielle de l'économie du Canada.
Les Producteurs de grains du Canada représentent environ 80 000 producteurs de céréales et d'oléagineux répartis dans tout le Canada. Notre chiffre d'affaires représente environ 10 milliards de dollars par an. Dans mon exposé, je commencerai par souligner l'importance du commerce agricole canadien en insistant sur la nécessité de libéraliser le plus possible les échanges commerciaux dans le domaine agricole. Dans un deuxième temps, je changerai de sujet pour vous entretenir plus précisément de certaines problématiques et potentialités de nos échanges commerciaux avec l'Asie. Je conclurai en passant en revue ce que les producteurs canadiens de céréales et d'oléagineux considèrent être les principaux objectifs de la politique commerciale.
S'agissant de la nécessité de libéraliser le commerce dans le domaine agricole, les producteurs agricoles canadiens continuent à devoir payer le prix de l'ingérence étrangère dans les marchés mondiaux. On a chiffré ce prix à environ 1,3 milliard de dollars par an rien que pour le secteur des céréales et oléagineux. Le caractère artificiel des prix mondiaux a un effet néfaste qui ne cesse de s'aggraver à mesure que nos partenaires commerciaux continuent à enrichir leurs mesures de soutien, un bon exemple étant le Farm Bill américain de 2002.
L'aide offerte aux producteurs agricoles canadiens a diminué malgré les augmentations des subventions accordées par les pays concurrents qui ont pour effet de déformer le marché et d'influer sur la production. Cette tendance est devenue intolérable. Le fossé qui se creuse de plus en plus entre les dépenses canadiennes pour l'agriculture et les subsides versées par les autres pays signifie que nos producteurs sont de plus en plus laissés à eux-mêmes dans ce combat contre les trésors publics étrangers, et ce combat, nous ne pourrons plus continuer à le mener seul.
Pour que l'agriculture canadienne ait un avenir viable et sûr, il faudra absolument que les États arrêtent d'intervenir en ayant pour effet de déformer les marchés. Les producteurs canadiens de céréales et d'oléagineux ont besoin de cette libéralisation du commerce agricole.
Il ne faut jamais oublier l'importance des secteurs agricoles du Canada qui travaillent pour l'exportation. Les produits agricoles d'exportation représentent environ 80 p. 100 du chiffre d'affaires des entreprises agricoles canadiennes, il représente une valeur de plus de 40 milliards de dollars par a n et donne du travail à près de 500 000 Canadiens dans le secteur primaire et secondaire.
Les échanges agricoles avec l'Asie se caractérisent par des barrières tarifaires et non tarifaires ainsi que par des niveaux de subvention extrêmement élevés. Car ces obstacles représentent une entrave majeure pour l'expansion de nos échanges commerciaux avec l'Asie dans le domaine agricole.
Par contre, il y a également d'excellentes potentialités qui, si elles se concrétisent, seraient porteuses de croissance pour l'agriculture canadienne et nos industries à valeur ajoutée. Ces potentialités sont la résultante à la fois d'une augmentation de la demande en Asie et de certaines mesures, toutes modestes encore, visant à libéraliser davantage le commerce agricole.
D'autres avant moi vous ont peut-être dit qu'il était futile d'insister sur les échanges commerciaux avec l'Asie dans le domaine agricole étant donné le niveau de protectionnisme et la paperasserie réglementaire qui existe dans ce secteur. Nous devons toutefois insister vigoureusement sur le fait qu'on ne devrait plus tolérer cet état de chose. L'avenir de nos producteurs agricoles dépend de la libre circulation des produits.
Même si les États-Unis demeureront le principal marché d'exportation pour nos produits agricoles, l'expansion de nos échanges commerciaux avec l'Asie est indispensable à la croissance. En fait, pour l'agriculture canadienne, l'Asie conserve la deuxième place derrière les États-Unis.
Cet exposé était donc axé sur les problèmes et les potentialités que représentent trois pays: le Japon, la Chine et l'Inde, qui sont présentés comme des études de cas.
Le Japon demeure l'un des pays les plus protectionnistes au monde dans le domaine agricole. Les restrictions imposées aux importations, les droits de douane et le niveau excessif de subvention accordé à l'industrie nationale limitent les exportations des producteurs canadiens. Mais malgré cela, le Japon a quand même ouvert des portes intéressantes.
Le cas du canola est un bon exemple de ce qu'on peut parvenir à faire lorsque les droits de douane disparaissent. Par contre, le faible taux de pénétration de l'huile de canola montre à quel point les barrières commerciales, et en particulier l'escalade des droits de douane, peuvent limiter l'expansion de l'industrie de transformation à valeur ajoutée au Canada. Pour qu'un accord commercial soit probant, il faut qu'il apporte une solution à ce problème.
¹ (1555)
En ce qui concerne la Chine, ce pays constitue un marché potentiel croissant pour les producteurs canadiens pour deux raisons. Tout d'abord, les barrières commerciales en Chine tombent en raison de l'accession de la Chine à l'OMC. Ensuite, la demande de produits agricoles augmente rapidement en Chine.
Lorsque la Chine est devenue membre de l'OMC, elle a accepté d'éliminer le contingent tarifaire actuel de 879 000 tonnes pour les importations de canola d'ici 2006. Après 2006, les exportations de canola vers la Chine seront toujours assujetties à une restriction tarifaire, mais la barrière tarifaire sera beaucoup moins élevée qu'elle ne l'est aujourd'hui. Cela représente donc un potentiel important pour les agriculteurs canadiens, en plus du fait que la demande d'huile végétale en Chine a doublé au cours des 10 dernières années.
Les possibilités d'exportation d'autres céréales et oléagineux comme l'orge de brasserie et le malt devraient elles aussi augmenter. Cependant, les restrictions commerciales imposées aux produits de transformation sont plus élevées que celles imposées aux denrées non transformées. Encore une fois, si l'on corrigeait ce problème, cela améliorerait les possibilités de transformation des produits à valeur ajoutée au Canada. Pour vous donner un exemple de ce problème, le tarif à l'importation sur le malt est de 10 p. 100, comparé à un tarif d'importation sur l'orge de brasserie de 3 p. 100, et il y a une taxe à valeur ajoutée de 17 p. 100 qui est imposée aux importations de malt.
L'Inde constitue une étude de cas très intéressante pour de nombreuses raisons. Sa demande croissante et importante est attrayante pour les exportations agricoles canadiennes. Par exemple, l'Inde est le plus grand importateur d'huile comestible, mais l'imposition d'importantes barrières commerciales, notamment le tarif de 75 p. 100 sur les importations de canola ont limité ces possibilités. Il est clair que la libéralisation des échanges commerciaux profitera à l'agriculture canadienne.
L'explosion des exportations canadiennes de légumineuses, notamment les pois secs et les pois chiches, montre bien ce qui peut être accompli lorsqu'on réduit au minimum les obstacles commerciaux. En 2000, le Canada a exporté pour une valeur de 103 millions de dollars de ces deux cultures. Cela représente 95 p. 100 des exportations agricoles canadiennes en Inde. Que pourrions-nous accomplir si la libéralisation des échanges s'étendait à d'autres denrées? Beaucoup, je pense. Cependant, la libéralisation des échanges commerciaux en Inde doit être considérée dans le contexte de sa condition comme nation en développement.
Des mesures de protection spéciales pour les pays en développement doivent être mises en place si nous voulons obtenir des résultats positifs dans le cadre des négociations commerciales actuelles. Cependant, avant de pouvoir régler cet aspect crucial de la ronde de développement de Doha, l'OMC doit régler un certain nombre de questions difficiles. Il est nécessaire de définir clairement le terme «pays en développement», et l'entente doit préciser clairement quelles seront les conditions qui permettront à un pays de ne plus être assujetti aux mesures de protection spéciales lorsque son économie aura progressé.
Ces questions pourraient fort bien déterminer le succès ou l'échec des négociations, étant donné l'importance des pays en développement au cours des négociations actuelles.
Qu'est-ce que les producteurs de grains et oléagineux attendent du gouvernement? Les familles d'agriculteurs canadiens dépendent de nos négociateurs commerciaux pour renforcer les possibilités commerciales, y compris les possibilités avec l'Asie, en obtenant davantage de mouvement vers des échanges libres et équitables en agriculture. Selon certaines estimations, la libéralisation des échanges commerciaux en agriculture aurait des retombées d'environ 2,5 milliards de dollars par an pour l'économie canadienne. Ajoutez à cela l'avantage d'une augmentation de la transformation à forte valeur ajoutée qui en résultera dans un mouvement plus libre des échanges commerciaux au niveau des produits agricoles transformés.
Les Producteurs de grains du Canada sont d'avis que le document rédigé récemment par le président du comité d'agriculture de l'OMC constitue un bon départ pour en arriver à une libéralisation des échanges nécessaire. Cependant, les agriculteurs qui dépendent des marchés mondiaux attendent davantage de ces négociations. Si le document Harbinson devient l'entente finale, les producteurs de grains et d'oléagineux du Canada continueront d'être désavantagés parce que l'écart sur le plan des subventions entre nos agriculteurs et leurs compétiteurs continuera d'être trop important, l'accès aux marchés étrangers continuera de leur être refusé et les subventions à l'exportation demeureront en place pendant beaucoup plus longtemps.
Il est essentiel de comprendre que les avantages de la libéralisation des échanges agricoles ne se limiteront pas aux régions rurales. Plus de 500 000 Canadiens travaillent dans le secteur de la production agricole et de la transformation à valeur ajoutée. Ces emplois, qui se trouvent tant dans nos villes que dans les localités rurales, augmenteront lorsque nous aurons procédé à une réelle réforme des échanges commerciaux agricoles. L'expansion économique et la création d'emplois qui en résultera profiteront à tous les Canadiens.
º (1600)
En résumé, monsieur le président, le commerce agricole en Asie et dans le monde se caractérise par une lourde intervention des pouvoirs publics et par les obstacles au commerce. Ces politiques constituent une entrave significative pour les agriculteurs canadiens qui dépendent du commerce international.
La réforme du commerce se traduira par une expansion considérable des débouchés pour les producteurs canadiens. Ceux-ci seront la conséquence de l'augmentation de la demande en Asie et d'une libéralisation des règles commerciales. Ces avantages ne se limiteront pas aux trois cas mentionnés dans mon exposé. Les mêmes difficultés et les mêmes possibilités existent dans toute la région Asie-Pacifique.
Les bienfaits de la libéralisation des échanges ne se feront pas sentir uniquement sur les denrées agricoles à l'état brut; des échanges plus libres et plus justes en agriculture pourront aussi multiplier considérablement les possibilités de la transformation à valeur ajoutée au pays.
Les producteurs de grains et d'oléagineux comptent sur le cycle actuel des négociations commerciales de l'OMC pour faire disparaître toutes les entraves au commerce des grains et des oléagineux et de leurs produits à valeur ajoutée, pour faire disparaître toutes les subventions aux exportations ainsi que toutes les mesures de soutien intérieures qui viennent fausser les échanges et la production.
Je vous remercie de l'occasion d'avoir pu comparaître aujourd'hui. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
º (1605)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Bee.
Nous accueillons également Mme Dobson. Vous avez la parole.
Mme Wendy Dobson (professeur de commerce international, directeur, «Institute for International Business», Université de Toronto): Merci.
Je vous remercie de votre invitation à comparaître. Je vois que 5 minutes, ça signifie en fait 15 mais je vais essayer de m'en tenir à cinq minutes.
Je vous ai remis un mémoire. Le thème principal s'inscrit dans un sujet plus vaste, à savoir que notre politique économique étrangère devrait dorénavant avoir une orientation stratégique plus nette. Les questions que les Canadiens se posent et les objectifs qu'ils se fixent relèvent davantage de l'intendance que de la stratégie. Il y a à long terme, à mon avis, un prix à payer pour ce que j'appelle une vision étriquée.
Cela tient en partie aux particularités et au dynamisme des économies asiatiques qui seront notre lot non seulement jusqu'à la fin de nos jours nous qui sommes assis autour de la table et avancés en âge, mais aussi de celle des jeunes derrière nous.
Vous trouverez dans mon mémoire un certain nombre de faits stylisés. Je ne vais pas les commenter, mais je vais insister sur le dynamisme qui a été rétabli, malgré la crise extrêmement grave de la fin des années 90 et la caractéristique d'une nouvelle économie chinoise et d'un leadership économique qui sera la marque de la décennie actuelle et sans doute au-delà.
Hormis donc la relation du Canada avec les États-Unis, qui à mon sens doit demeurer prioritaire, je dirais qu'en seconde place de nos objectifs stratégiques devrait se situer la Chine. Il y a deux raisons à cela, d'abord évidemment à cause de son émergence comme leader économique en Asie—sans compter qu'elle deviendra un leader mondial—et ensuite parce que nous avons une relation spéciale avec la Chine, à laquelle le premier intervenant a fait allusion.
Je dirais que 30 p. 100 de mes étudiants à la School of Business de l'Université de Toronto viennent de Chine. Leur âge moyen est de 27 ans. Ils connaissent tous Norman Bethune. Ce n'est pas Équipe Canada, c'est Norman Bethune qui a été l'un des héros de la révolution et on parle encore de lui dans les écoles chinoises.
Par-delà la Chine, notre objectif devrait être la région dans son ensemble parce que des germes remarquables ont été semés et des changements sont en cours qui amènent des pays et des économies très diversifiés, et naguère rivaux, à converger autour d'une vision régionale et des institutions régionales naissantes. Le chemin sera cahoteux. Quand je parle d'institutions régionales, je ne pense pas d'abord à l'APEC mais surtout aux institutions commerciales et financières en voie d'élaboration.
Le Canada ne peut pas s'attendre à jouer de rôle efficace en se contentant de considérer individuellement chaque économie. Il faut comprendre la dynamique de la région. C'est pourquoi la stratégie que je préconise pour nos rapports avec l'Asie se divise en trois volets. Toutefois, comme je le dis dans mon mémoire, cela ne vaut même pas la peine de s'y attaquer si nous ne sommes pas prêts à nous y engager pour une longue période.
Je m'intéresse à l'Asie depuis mon premier voyage en Inde dans les années 60. À la fin des années 80, j'ai constaté un virage vers l'Asie dans le programme Pacifique 2000. Hélas, les rivalités pour l'obtention de fonds au sein du gouvernement ont sonné le glas du programme et les crédits sont allés ailleurs, jusqu'au jour où nous avons reçu les dirigeants de l'APEC, ce qui a permis de débloquer des fonds. C'est inadmissible. Ou bien on est sérieux ou bien on oublie tout.
Mon message, donc, est qu'il faut bien jouer son jeu et, comme l'a dit le premier témoin, tirer parti de nos atouts pour promouvoir nos intérêts à long terme.
Je ne vais pas rappeler les considérations générales et je vais plutôt passer aux trois recommandations. Comme l'a signalé encore une fois le premier témoin, il s'agit d'abord d'investir dans le capital humain canadien. Je ne pense pas ici surtout aux immigrants. C'est un avantage immense, qu'il ne faut toutefois pas surestimer.
º (1610)
Ce qui manque au Canada, ce sont des centres d'excellence de calibre mondial. Pas seulement en ce qui concerne l'Asie. Pour moi, c'est une des grandes faiblesses de notre politique étrangère et de notre stratégie d'ensemble à l'étranger. Encore une fois, nous finançons sporadiquement les universités et les centres de réflexion. Cela semble encore être le fruit d'une toquade politique puisqu'avec le temps les priorités changent.
Nous pourrions faire beaucoup mieux et je peux vous citer des exemples. Je pense à l'Australie, qui aligne beaucoup mieux l'investissement dans son capital humain et ses centres d'excellence sur sa stratégie de politique étrangère. Aux États-Unis, il existe ce que l'on appelle le financement en vertu du titre VI, qui relève de la National Defense Education Act, et qui a permis de constituer un noyau imposant de très grands spécialistes dans 115 centres. Je ne dis pas qu'il nous faut ne serait-ce que le dixième de ces 115 centres, mais aujourd'hui nous n'avons même pas de centre que je qualifierais de calibre mondial.
La deuxième recommandation est plus spécifique. En reconnaissance du fait que nous arrivons sur le tard sur les marchés asiatiques et sommes donc loin d'être les premiers arrivés bien souvent, misons sur nos succès. D'autres ont évoqué les endroits où nous avons réussi. Le Japon, par exemple, est notre deuxième partenaire commercial en importance. A long terme, la Chine est sans doute l'un de nos meilleurs espoirs et notre plus solide tête de pont à cause de notre histoire. Le reste est plus hypothétique. Nous avons eu du succès en Indonésie mais le pays a du mal à se relever de la crise. La Corée a peut-être beaucoup plus de points en commun avec nous que l'Indonésie, si bien que c'est peut-être kif-kif. Mais surtout, je préconise une plus grande concentration et un objectif stratégique.
Le troisième point, c'est que comme puissance moyenne et en raison du fait que nous vivons la porte à côté des États-Unis, nous traversons une période très mouvementée et incertaine actuellement à cause des décisions que nous avons prises; mais nous sommes voisins et nous devons gérer nos rapports avec les États-Unis et il faut que ces rapports soient amicaux et positifs à long terme.
Nous avons des liens historiques avec la Chine et pour conclure je dirai qu'au cours des 25 ou 30 prochaines années, il se pourrait que le facteur déterminant soit la rivalité entre Pékin et Washington. Même si nous ne pouvons pas être un pont—nous ne pouvons même pas faire semblant de l'être et, de toutes façons, on marche sur les ponts —nous pouvons être un facilitateur, quelqu'un qui organise les tables et encourage la compréhension et des démarches communes face aux grandes questions d'actualité. Cela, nous pouvons le faire, mais il faut investir.
Merci beaucoup.
Le président: Merci beaucoup.
Chers collègues, il nous reste exactement une demi-heure en compagnie de deux de nos témoins. Essayez donc de résumer vos questions et de les poser à un témoin en particulier; cela nous aidera à finir à temps.
Commençons par M. Duncan; ce sera ensuite au tour de M. Calder et de M. Bergeron.
º (1615)
M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Alliance canadienne): Je voudrais une précision. Posons-nous les questions uniquement aux témoins qui doivent nous quitter à l'instant?
Le président: Je pense que ce serait une bonne idée.
Dans ce cas, madame Dobson, si vous n'êtes pas pressée et si vous voulez rester un peu plus longtemps avec nous...
Mme Wendy Dobson: On m'a dit que ce serait une table ronde qui durerait jusqu'à 17 h 30.
Le président: Oui, c'est juste.
Mme Wendy Dobson: Vous me dites maintenant quelque chose de tout à fait différent.
Le président: Non. Un des témoins doit nous quitter à 16 h 45, malheureusement, en raison d'un autre engagement.
Mme Wendy Dobson: Je vais rester.
M. John Duncan: Ma première question va donc s'adresser aux Producteurs de grains du Canada. Sur le marché asiatique, le producteur canadien a-t-il du mal à trouver de nouveaux débouchés en raison de l'existence de la Commission canadienne du blé?
Ma deuxième question au même témoin est la suivante. Vous parlez constamment de subventions en ce qui concerne l'Asie, mais vous n'essayez pas vraiment de définir quel niveau est nécessaire. Pourriez-vous nous comparer aux États-Unis ou à l'Europe? C'est évidemment dans ce cadre qu'il faut voir les choses.
Pour M. Greenhill de Bombardier, il y a trois choses que j'aimerais savoir. D'abord, pourriez-vous nous dire où vous avez des représentants dans la région de l'Asie-Pacifique? Deuxièmement, qu'est-ce qui bloque la ratification de la convention du Cap? J'imagine que ce sont d'autres pays qui se font tirer l'oreille.
Vous avez dit que le Canada est un endroit tout désigné pour installer un siège en Amérique du Nord, sauf que vous n'avez pas parlé du tout du fait que notre régime fiscal est perçu comme un gros obstacle, d'après ce que je lis, en tout cas. Auriez-vous une recommandation à nous faire à ce propos?
Le président: Évidemment, M. Dahl, ainsi que Mme Dobson, peuvent aussi répondre à la question. Je ne dis pas qu'il n'y aura pas de dialogue, mais je veux m'assurer... malheureusement, j'ignorais qu'ils devaient nous quitter plus tôt.
M. Ken Bee: En réponse à votre première question concernant la structure de commercialisation, le fait que la Commission canadienne du blé cherche des marchés à l'étranger pour nos grains, d'une manière ou d'une autre cela favorise la vente des oléagineux. La Commission canadienne du blé est un des mécanismes qui essaie de créer des relations et de satisfaire les besoins des consommateurs.
Le secteur du canola et celui du soja procèdent un peu différemment, sans guichet unique, et nous le faisons grâce à la coopération de l'industrie, des producteurs et en essayant de répondre aux besoins de nos clients et de renforcer ces relations à long terme. Les deux mécanismes sont des façons d'atteindre le même objectif.
En ce qui concerne les subventions, pour donner une idée simple, je pense que les subventions agricoles canadiennes représentent à peu près 0,75 p. 100 du PIB. Au Mexique et aux États-Unis, elles représentent plus de 1 p. 100 du PIB. De plus, dans notre mémoire nous montrons, à partir des chiffres de l'OCDE, que les producteurs de blé européens, par exemple, reçoivent 44 p. 100 de leur revenu de l'État, ceux des États-Unis 40 p. 100 et ceux du Canada 18 p. 100.
Ce que nous essayons surtout de montrer dans notre mémoire, c'est qu'il faut mettre un terme à cette absurdité le plus possible de manière à égaliser les chances pour que les producteurs de grains et d'oléagineux du pays n'aient pas à soutenir la concurrence du Trésor des États-Unis, de l'Europe, du Japon ou de quelque autre pays que ce soit.
º (1620)
M. Robert Greenhill: Merci.
En réponse à la première question concernant les endroits où nous avons des bureaux, en Chine nous en avons à Pékin, Shanghai, Wonju, Shenzhen, Qingdao sur la côte Est, où nous avons aussi une entreprise de wagons, Changchun plus au nord, où nous construisons des voitures de métro, et aussi évidemment Hong Kong.
En Inde, une de nos usines de produits de locomotives électriques se trouve à Baroda. Nous avons aussi une usine à Delhi.
En Thaïlande, nous avons des bureaux et aussi une installation de création de logiciels où une centaine de personnes réalisent des logiciels de pointe dans le domaine du transport.
Dans la plupart des autres pays de la région, y compris en Australie et ailleurs, nous avons au moins un bureau de représentation. Dans la région, nous avons sans doute entre 1 500 et 2 000 employés propres ou qui travaillent pour nos entreprises de coparticipation.
Pour ce qui est de la convention du Cap, le Canada ne l'a pas encore ratifiée. Il y a un large appui de la part des intéressés en faveur de l'intervention des compagnies aériennes, des avionneurs et des financiers. Honnêtement, le problème est tout simplement de lui accorder la priorité qui lui permettra de vaincre l'inévitable inertie des divers gouvernements face à son adoption. Au Canada, les choses se compliquent du fait que cela fait intervenir des domaines de compétence provinciale. Il s'agit de se coordonner et de se concentrer.
Le Canada a offert, dans le cadre de la structure de l'APEC, de jouer le rôle d'éclaireur mais il est difficile d'être éclaireur tant qu'on ne l'a pas adopté soi-même. C'est pourquoi il s'agit pour nous d'un secteur qui en fait facilitera le financement par le secteur privé dans ces domaines.
Troisièmement, en ce qui concerne les sièges et le régime fiscal, je pense qu'aucune société, personne, ne se déclarera jamais satisfait du régime fiscal, par définition. En revanche, il faut noter qu'en termes d'impôt sur le capital, en termes d'impôt sur les bénéfices des sociétés, le Canada est devenu beaucoup plus concurrentiel ces dernières années.Par ailleurs, le coût et la qualité de notre capital humain, dont Mme Dobson a parlé, est en fait très élevé à certains niveaux d'expertise en génie aérospatial et ainsi de suite.
Le fait que nous ayons un régime d'assurance-maladie universel financé par l'État signifie également que le coût des employés, dont les coûts de santé, est en fait considérablement meilleur au Canada qu'aux États-Unis.
Il y a évidemment plus qui peut et qui doit être fait mais, honnêtement, quand vous examinez sous l'angle économique l'éventuelle implantation au Canada, surtout si vous avez besoin d'un effectif multilingue et multiculturel, et surtout si c'est, par exemple, une entreprise familiale, comme c'est le cas pour beaucoup, qui serait prête à s'établir à un endroit où elle se sentirait chez elle, le Canada a un gros avantage économique et un gros avantage existentiel en ce sens que l'on peut venir de n'importe où au monde et se sentir chez soi dans les grandes villes du Canada.
Le président: Madame Dobson, avez-vous quelque chose à ajouter?
Monsieur Calder.
M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Ce qui va être très intéressant dans le cas de la Chine notamment, et qui aura un effet sur tous les témoins qui sont ici aujourd'hui, c'est que d'ici à 2008 environ, on aura vraisemblablement mis en service le barrage des Trois Gorges sur le Yangtze. Cela nous vaudra des débouchés extraordinaires, par exemple, du côté des trains à grande vitesse en Chine, et de la technologie.
À mon avis, on assistera à un important exode de la campagne vers la ville en Chine, si bien qu'il y aura des avantages du côté de la technologie agricole. En raison de cette transition, il y aura également pour nous des possibilités énormes en ce qui a trait à l'éducation et à la technologie canadienne.
Dans le cas des Producteurs de grains, je me demande... Je sais, par exemple, qu'en Chine... J'étais à Winnipeg en janvier, et j'ai visité quelques installations là-bas. Les Chinois se servent de beaucoup de nos installations de recherche pour les produits de la bière, par exemple. Ils en ont consommé 20 millions de tonnes l'an dernier, et ils ont utilisé 3 millions de tonnes d'orge de brasserie. Il semble qu'il y ait une augmentation d'environ 5 ou 6 p. 100 par an. J'aimerais savoir ce que les Producteurs de grains en pensent.
Pourriez-vous nous parler également des céréales génétiquement modifiées, notamment du canola, et nous dire s'il pourrait, d'après vous, y avoir des problèmes? Pourriez-vous également nous dire ce que vous pensez du rapport Harbinson? J'ai lu dans le document ici que vous avez des réserves au sujet de ce rapport. Vous êtes d'avis que l'écart entre les subventions à l'exportation et les subventions à la production intérieure est encore trop grand, et je suis d'accord avec vous, mais j'aimerais que vous nous parliez un peu de l'accès au marché puisqu'il y aura quelques problèmes de ce côté-là.
º (1625)
M. Ken Bee: Murray, en ce qui a trait à l'orge de brasserie, nous savons effectivement que la Chine est un marché en croissance pour l'orge et le malt. Ce que nous voulons faire comprendre, c'est que nous préférerions que la transformation de l'orge en malt se fasse ici au Canada pour que ces emplois-là soient créés chez nous.
C'est pourquoi il faut obtenir une réduction de l'escalade des tarifs et de la taxe à la valeur ajoutée que la Chine impose actuellement sur le malt. Nous estimons qu'il est plus avantageux tant pour nos producteurs que pour le Canada dans son ensemble d'avoir ces emplois-là ici au lieu d'exporter simplement la matière première. Nous reconnaissons cependant qu'il s'agit là d'un marché en croissance, et tant les producteurs que les responsables canadiens du marketing veulent certainement profiter de ce marché.
Pour ce qui est des OGM, certains clients achètent des céréales génétiquement modifiées, mais d'autres préfèrent s'abstenir. Le meilleur exemple que je puisse vous donner, celui que je connais le mieux, c'est celui du soja. Nous nous efforçons de donner au client ce qu'il veut, de répondre à ses besoins, qu'il s'agisse de produit génétiquement modifié ou non.
À mon avis, notre industrie, dans l'Ouest canadien, aurait intérêt à avoir de meilleurs systèmes IP et de repérage pour qu'elle puisse mieux répondre aux besoins des clients, que ce soit pour des produits génétiquement modifiés ou pour ce qu'on qualifierait de produits traditionnels.
M. Murray Calder: [Note de la rédaction: Inaudible]
M. Ken Bee: Je dirais plutôt un protocole de garantie identitaire. Je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'aller jusqu'à l'ARMPC.
M. Murray Calder: Très bien.
M. Ken Bee: Pour ce qui est de l'accès au marché, je vais m'en remettre à Cam.
M. Cam Dahl (directeur exécutif, Les producteurs de grains du Canada): Ils me laissent toujours les questions faciles.
Sur ce plan-là, et surtout dans certains des marchés asiatiques... Cela revient à ce que nous disions au sujet de l'Inde qui impose un tarif de 75 p. 100 sur notre huile de canola; l'Inde est le premier importateur d'huile comestible au monde, et ce serait extrêmement intéressant pour nous de pouvoir obtenir une réduction de ce tarif, même s'il n'était ramené qu'à 40 p. 100. Nous aurions ainsi la possibilité d'accroître nos exportations de produits transformés. Les producteurs canadiens de fèves soja et de canola en profiteraient parce qu'ils obtiendraient un prix plus élevé pour leurs produits, mais le secteur de la transformation en profiterait aussi. Il en va de même pour toute l'Asie notamment et pour l'Europe aussi : ce serait extrêmement avantageux pour nous de pouvoir accroître la pénétration de certains de nos produits.
La croissance phénoménale du secteur des oléagineux en Inde, en l'espace de moins de cinq ans, montre bien ce qu'il est possible d'accomplir. Il s'agit là aussi d'un exemple de ce que nous pouvons obtenir du côté des produits à valeur ajoutée. Non seulement les débouchés pour nos oléagineux ont connu une croissance phénoménale, si bien que 95 p. 100 de nos exportations agricoles sont destinées à l'Inde, mais cela a également engendré une croissance phénoménale de la transformation, surtout dans l'Ouest canadien, où les collectivités rurales ont pu mettre sur pied des usines de transformation qui satisfont à cette demande de produits à valeur ajoutée. Il y a aussi des avantages pour nous de ce côté-là.
Voilà un exemple de ce qu'on peut accomplir quand les barrières commerciales sont abaissées.
M. Murray Calder: Au sujet des trains et de l'éducation...
Robert, je me demande ce que vous envisagez pour Bombardier, par exemple, et la possibilité qu'il y ait beaucoup plus de débouchés dans le domaine hydroélectrique. Envisage-t-on un système de trains à grande vitesse semblable à celui que vous avez mis sur pied en Europe? Quelle est la situation?
M. Robert Greenhill: La Chine a effectivement un programme colossal de développement ferroviaire dont la valeur s'élève à plusieurs milliards de dollars et qui comporte deux volets.
Le premier consiste à relier les villes et les régions, par l'électrification dans certains cas. Il y a donc le X2000, qui est un modèle suédois du train Bombardier, qui assure la liaison entre Hong Kong, Shenzhen et Guangzhou. Cela se fait de plus en plus.
Mais ce qui est encore plus fondamental, c'est que le besoin en Chine se fait surtout sentir dans le domaine du transport urbain, où les possibilités sont énormes. Des villes comme Pékin et Shanghai se retrouveront bientôt avec des millions de voitures pour une population de 15, 20 ou 25 millions, et la formule actuelle ne fonctionnera plus. Le défi est énorme sur le plan tant écologique qu'économique, car si la circulation commence à paralyser ces villes, cela se répercutera sur beaucoup des composantes économiques de leur chaîne d'approvisionnement. Aussi, à l'heure actuelle, les investissements, qui s'élèvent à près de 10 milliards de dollars pour la seule ville de Pékin, se font surtout dans le domaine du transport urbain, pour des réseaux de métro et des réseaux surélevés.
º (1630)
M. Murray Calder: Wendy, en ce qui concerne l'éducation et le fait que la Chine est en train de passer des produits de qualité médiocre qui étaient sa marque de commerce—elle a pris le virage de la technologie de pointe et fabrique maintenant des produits de meilleure qualité—, que pensez-vous de ce qu'on peut accomplir grâce au système d'éducation, du fait qu'ils viennent étudier ici au Canada?
Mme Wendy Dobson: Je ne pense pas qu'on puisse faire des généralisations comme celle-là au sujet de la Chine. Il reste encore des millions de personnes qui n'ont accès qu'à des produits de qualité médiocre, et il faut se dire que la Chine, c'est en fait six pays différents, ou au moins deux pays—un arrière-pays et un pays plus avancé.
Je ne sais pas trop ce que vous voulez dire au sujet de l'éducation. Il y a des étudiants qui viennent ici grâce à des bourses. Il y en a dont les familles les envoient ici. Il est plus intéressant, d'après moi, d'examiner le lien entre l'éducation et l'immigration.
M. Murray Calder: Quand vous avez présenté votre rapport, vous avez fait allusion à quelque chose qui est d'un intérêt vital pour nous, le fait que ces étudiants qui viennent faire leurs études et acquérir leur formation au Canada, ceux qui rentrent ensuite en Chine—et il y en a beaucoup qui ont un pied dans chacun des deux continents—sont des émissaires très précieux pour faire la promotion de la technologie canadienne. C'est là une occasion dont nous pourrions profiter pour nous mettre en valeur beaucoup plus que nous ne le faisons à l'heure actuelle.
Mme Wendy Dobson: Je crois que c'est plutôt M. Greenhill qui disait cela.
Pour ma part, je dirais que, à ma connaissance, 40 p. 100 de tous les immigrants qui arrivent au Canada à l'heure actuelle, viennent de Pékin et de Shanghai. Les démographes canadiens qui étudient ce phénomène et les tendances qui se dessinent, arrivent à deux constatations : la première, c'est que faire ses études au Canada et immigrer au Canada sont considérés comme un moyen d'obtenir un visa NC, un visa ALENA, et d'acquérir un certain droit de mobilité au Canada, mais le gouvernement chinois s'est rendu compte de ce qui se passait et a entrepris de mettre au point son propre système de carte verte pour les ressortissants chinois à l'étranger, afin de se saisir de cette matière grise.
Je n'ai pas vu d'étude sur la question, même si la Fondation Asie-Pacifique a sans doute fait des travaux au cours des 10 dernières années sur cette espèce d'avantage caché, le lien humain dont M. Greenhill a en fait parlé.
Nous nous sommes penchés là-dessus dans une certaine mesure, nous avons examiné les liens entre l'IED, le commerce et l'immigration, et nous avons conclu qu'ils ne sont pas très forts.
Quand je demande à mes étudiants dans le cadre de conversations que je peux avoir avec eux, ce que font la plupart des Chinois qui sont ici pour établir des liens commerciaux, ils répondent que ce ne sont pas vraiment eux qui sont en mesure de faire ce genre de chose. Ils ont des petits commerces d'importation-exportation, et ils n'aspirent pas à plus que cela.
C'est donc un domaine assez complexe. Il y a des années que nous sommes conscients du potentiel que ces Chinois représentent en principe, mais je n'en ai guère vu de manifestation concrète.
M. Murray Calder: Avez-vous des suggestions à nous faire quant à la façon dont nous pourrions passer à l'étape suivante?
Mme Wendy Dobson: Les propos que M. Greenhill a tenus à ce sujet m'ont rappelé l'expérience des Australiens, qui, eux, se sont dotés d'une stratégie. Ils ont dit essentiellement: nous allons exporter des services, et ce sont des services d'éducation que nous allons exporter.
Ils sont allés partout en Asie. Un des principaux rôles de leurs missions à l'étranger était de vendre ou d'exporter des services d'éducation. Ainsi, un très grand nombre d' Asiatiques qui font partie des réseaux avec lesquels je suis en contact ont fait leurs études en Australie, si bien qu'ils ont des liens avec l'Australie. Ces réseaux sont des réseaux d'intellectuels et de décideurs.
Je suis sûr que M. Greenhill est mieux renseigné que moi sur cette question, mais c'est le genre de choses qui me vient à l'esprit. Il s'agit de se doter d'une stratégie et de l'appliquer pour finalement obtenir des résultats.
Je sais qu'il a été question d'essayer d'imiter les Australiens et que certaines mesures en ce sens ont été prises, mais ils ont été les premiers, et il n'est pas facile de rattraper quelqu'un en l'imitant. Il faut plutôt mettre au point une approche bien à nous qui soit vraiment canadienne.
º (1635)
[Français]
Le président: Monsieur Bergeron.
M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Merci, monsieur le président.
J'ai un certain nombre de questions et je crains fort de ne pas pouvoir revenir un peu plus tard pour toutes les poser. Enfin, je vais commencer tout de suite pour qu'on puisse commencer à y répondre.
M. Greenhill et M. Bee ont tous les deux abordé un élément qui m'apparaît à la fois dramatiquement simple et énormément compliqué: c'est la question de l'ouverture des frontières. Vous savez autant que moi que l'ouverture des frontières passe par des négociations et que, le cas échéant, lorsqu'il y a contravention aux règles du droit international existantes, on fait appel aux différents organismes de règlement des différends de l'OMC.
Qu'est-ce que le Canada peut faire de plus que ce qu'il fait actuellement en termes de pression pour ouvrir les frontières, puisque depuis un certain nombre d'années, c'est justement la stratégie du gouvernement du Canada que d'accélérer autant que faire se peut, aux niveaux bilatéral et multilatéral, l'ouverture des frontières?
Voilà qui m'amène à une deuxième question sur la négociation et la conclusion probablement prochaine d'un accord de libre-échange avec Singapour. Je pose cette question plus spécifiquement à Mme Dobson, quoique MM. Greenhill, Bee et Dahl voudront peut-être répondre à ma première question. Mme Dobson semblait nous suggérer qu'il fallait avoir une vision d'ensemble de la région et non pas une vision morcelée ou segmentée de la région. Est-ce que la stratégie du gouvernement canadien, qui consiste à conclure des ententes bilatérales avec certains États en espérant que ces ententes bilatérales rayonnent et aient un effet domino sur les autres économies régionales, est la bonne stratégie dans votre perspective, selon laquelle il faut une vision globale et non pas une vision locale ou sous-régionale de la région de l'Asie-Pacifique?
[Traduction]
Le président: Quelqu'un veut répondre?
[Français]
M. Robert Greenhill: Je peux faire un commentaire sur la première question.
Je pense qu'il est de plus en plus important d'ouvrir les marchés, mais il est essentiel d'assurer la mise en vigueur des ententes déjà conclues, parce que chaque fois qu'on fait une négociation, on donne quelque chose en espérant gagner quelque chose d'autre. Par exemple, à l'OMC, on a donné beaucoup, et il est clair que le Canada a parfois perdu devant l'OMC. On a décidé de respecter la décision parce qu'on croit que ce faisant, on va gagner ailleurs. Cela est possible seulement si on a la volonté politique et les compétences juridiques nécessaires pour gagner quand on a le droit de gagner.
Par exemple, dans le cas de PROEX, qui a été soumis à l'OMC, à l'étape où on en est rendu maintenant, j'espère qu'on va en arriver à une entente négociée entre le Brésil et le Canada, mais cela a été dur. Cela a pris des années et nous a coûté cher. Une des raisons pour lesquelles cela a été tellement difficile, c'est que le rôle que le MAECI doit jouer dans cette situation est très différent de celui qu'il a joué historiquement.
Sur le plan politique, le Canada a joué, doit jouer et va jouer un rôle d'honest broker, de middleman entre deux groupes qui s'opposent. Un peu comme l'a dit Mme Dobson, il pourrait à l'avenir jouer un peu ce rôle entre les États-Unis et la Chine. C'est très important, mais c'est surtout du domaine politique.
Toutefois, pour assurer le respect de nos droits acquis au plan économique, il faut parfois être tough. Il faut protéger les droits acquis dans les négociations, que ce soit dans le domaine de l'aéronautique, dans celui de l'agriculture ou dans d'autres domaines. Il faut une stratégie un peu différente de celle de Pearson, qu'on avait depuis des années. Il n'est pas question de mettre cela de côté, car c'est très important, mais il est important d'ajouter du muscle et de la compétence pour la mise en vigueur.
º (1640)
M. Stéphane Bergeron: [Note de la rédaction: inaudible].
M. Robert Greenhill: À mon avis, c'est toujours un défi et c'est une question de volonté. On en est là. Je pense que le ministre actuel est un bon champion des intérêts du Canada, mais il faut aussi avoir les ressources nécessaires pour le faire. Le MAECI a actuellement des avocats en droit international de classe mondiale, mais il n'y a pas suffisamment de gens là.
Pour terminer, je dirai que la négociation d'autres ententes est très importante, mais que la mise en vigueur des ententes actuelles est primordiale.
Le président: Madame Dobson ou monsieur Bee, avez-vous des commentaires?
[Traduction]
M. Ken Bee: Oui, monsieur le président.
Le Canada doit poursuivre de façon énergique les négociations en vue d'obtenir l'accès aux marchés tout en cherchant à obtenir l'élimination ou la réduction des subventions à l'exportation, de même que l'élimination ou la réduction des subventions à la production intérieure, surtout celles qui faussent les échanges. Tout cela va de pair. On ne peut pas obtenir l'accès aux marchés sans travailler aussi sur les deux autres fronts, sinon nous n'améliorerons pas du tout notre situation.
Pour ce qui est des défis que nous avons à relever, je dirais qu'il faut s'attaquer de façon énergique à l'élimination des barrières non tarifaires. Prenons l'exemple du canola canadien qui ne peut pas accéder au marché européen à cause d'une barrière non tarifaire imposée par l'Union européenne. Nous devons, en tant que pays, lutter de façon énergique pour obtenir l'élimination de ces barrières non tarifaires.
Je suis d'accord avec M. Greenhill pour dire que nous devons veiller à ce que les accords commerciaux que nous négocions, qu'il s'agisse de l'OMC ou d'un autre accord commercial, comprennent un mécanisme disciplinaire efficace pour qu'ils puissent être appliqués comme il se doit.
Le président: Madame Dobson.
Mme Wendy Dobson: Oui, je voudrais dire trois choses.
Tout d'abord, si l'on songe aux différentes économies de cette région—surtout celle du Japon, notre plus important partenaire commercial dans la région... Au fait, j'ai effectué une étude dans laquelle nous proposions un accord de libre-échange Canada-Japon. Le Conseil canadien des chefs d'entreprises a ensuite repris l'idée, mais les Japonais n'étaient pas intéressés, essentiellement parce qu'ils cataloguent les pays en fonction de leur position sur certaines questions agricoles, et le Canada n'a pas la cote à cet égard.
En gros, les Japonais affirment que l'OMC doit primer. Nous devons aller à Doha, et tout le monde doit s'attaquer aux problèmes de l'agriculture dans la perspective la plus large possible parce qu'il faudra faire des concessions; ce sera donnant, donnant. Les Coréens ont à peu près la même attitude face au Canada.
Le défi central, qui consiste à s'attaquer réellement au dossier de l'agriculture—défi que le Canada, tout comme l'Europe, le Japon et les États-Unis, devra relever, aura probablement lieu lors de la conférence ministérielle de l'OMC à Doha. Tant que cette étape n'aura pas été franchie, il ne sera guère utile de proposer des accords de libre-échange, des idées ou d'autres projets à plusieurs de ces pays.
Vous avez mentionné Singapour. Voilà un pays—une cité-État de trois millions d'habitants—qui a entamé des pourparlers avec nous avant de le faire avec les Américains, et les négociations avec les Américains sont déjà terminées. Les gens de Singapour se demandent encore pourquoi le processus est si lent avec le Canada. Personnellement, je ne connais pas la réponse à cette question, mais peut-être quelqu'un d'autre la connaît.
Singapour se sent un peu laissé pour compte à cause des pays voisins. Ce pays a pour stratégie de conclure des accords de libre-échange; il en a environ 12 soit déjà achevés, soit en cours de négociation, notamment avec l'Union européenne. Il espère ainsi améliorer ses perspectives, étant donné qu'il est situé à côté de l'Indonésie et entre deux États musulmans.
Par ailleurs, nous devons comprendre ce qui se passe en Asie. L'an dernier, Zhu Rongji a lancé des idées à l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est (l'ANASE) lors d'un sommet regroupant les pays de cette association et trois autres. Il a commencé par proposer une entente de libre-échange pour l'Asie, puis il s'est ravisé et a proposé, de façon plus réaliste, une entente de libre-échange entre les pays de l'ANASE et la Chine.
Ces pays se sont entendus et ont rédigé un document extrêmement intéressant sur la libéralisation de leur commerce et de leurs relations économiques; ils prévoient entamer les négociations devant mener à une entente de libre-échange entre la Chine et l'ANASE d'ici 10 ans. Cela est très révélateur quant aux intentions de la Chine dans la région, si révélateur en fait, que pratiquement dès le lendemain, le Japon s'est empressé de présenter sa propre proposition. Il se peut également que l'Inde ait soumis sa proposition même avant le Japon.
À présent, l'ANASE envoie essentiellement le message suivant au monde: «Regardez, nous sommes la plaque tournante et les rayons que sont la Chine, l'Inde, le Japon». Ce n'est pas vrai, mais c'est leur perception. Perception qui est en voie de transformer leur perception de la région, tandis que nous demeurons invisibles.
º (1645)
Le président: Merci, monsieur Bergeron.
M. Bee doit partir, mais M. Dahl restera avec nous. Et je viens d'apprendre que M. Greenhill restera lui aussi jusqu'à la fin de la réunion. J'espère que cela vous rassure, madame Dobson.
[Français]
Avez-vous une autre question, monsieur Bergeron?
M. Stéphane Bergeron: J'en ai deux autres.
Madame Dobson, vous avez parlé de la question des centres d'excellence et dit à quel point le gouvernement du Canada devait investir dans les centres d'excellence afin de faire en sorte--dans la foulée de la suggestion de M. Greenhill, j'imagine--que non seulement ces centres puissent rayonner en Asie, mais que des étudiants asiatiques puissent venir étudier ici et rapporter chez eux une meilleure connaissance de ce que le Canada peut leur apporter éventuellement.
De quelle façon souhaitez-vous que le gouvernement procède? Étant entendu que le Canada est un État fédéral et que l'éducation est de juridiction provinciale--je pense que je ne vous apprends rien en disant cela--, comment doit-on procéder pour permettre au gouvernement canadien d'atteindre cet objectif de création de centres d'excellence qui puissent rayonner au niveau international, particulièrement en Asie, dans la perspective de percer les marchés? Est-ce qu'on doit procéder par des chaires d'excellence comme le fait le gouvernement actuellement? Est-ce qu'on doit procéder par des ententes bilatérales avec les gouvernements provinciaux? Qu'est-ce que vous proposez à cet égard?
Mon autre question est plus d'actualité. La Fondation Asie-Pacifique a mené une enquête auprès d'un certain nombre d'entreprises canadiennes. En décembre 2002, 116 entreprises sondées sur 521 ne semblaient pas particulièrement préoccupées par l'éventualité d'un conflit armé en Irak ou par la peur du terrorisme.
J'ai trouvé ce résultat pour le moins surprenant, dans la mesure où on sait que plusieurs États en Asie sont à très forte majorité musulmane. D'ailleurs, l'État musulman le plus important du monde est en Asie. Qu'est-ce qui peut expliquer, selon vous, qu'un grand nombre d'entreprises canadiennes ne sentent pas qu'il peut y avoir un impact? Comment expliquer également, et c'est toujours la Fondation Asie-Pacifique qui nous rapportait cela, que la plupart des États asiatiques--peut-être est-ce le premier élément que je viens d'évoquer sur l'importance des populations musulmanes dans plusieurs pays d'Asie--aient préféré se tenir en marge de ce qui se passe actuellement ou de ce qui risque de se passer dans les prochaines heures en Irak?
Parmi les 45 pays de la Coalition of the Willing, on retrouve très peu d'États asiatiques. Qu'est-ce qui explique, selon vous, que les États asiatiques cherchent à se tenir en retrait de la situation qui prévaut actuellement sur la scène internationale?
Ces questions ne sont sans doute pas très faciles.
º (1650)
[Traduction]
Mme Wendy Dobson: Pour répondre à votre première question, je dirais qu'il faut éviter de mêler différents objectifs, sinon on ne peut en atteindre aucun correctement.
L'idée d'exporter des services d'éducation est tout à fait distincte de ce que je préconise, soit essentiellement la restructuration du financement existant. Dans mon mémoire, je déplore non seulement le fait que les priorités changent, ce qui compromet la stabilité des ressources indispensables à une planification sérieuse, mais aussi le fait que le gouvernement s'en remet de plus en plus à l'ACDI pour financer les universitaires et les établissements d'enseignement canadiens. En mêlant différents objectifs, il brouille les cartes. Cela explique que notre programme d'aide n'a pas de réalisation digne de mention, ces ressources étant trop éparpillées. Je ne pense pas que l'ACDI devrait financer des recherches canadiennes, mais bien des bourses d'études pour des étudiants du tiers-monde, ce qu'il a toujours fait.
À la lumière de l'expérience considérable que nous avons acquise avec la Fondation canadienne pour l'innovation et le financement des centres d'excellence, je recommanderais que les universités et les centres de recherches interdisciplinaires soient forcés de rivaliser périodiquement pour les fonds disponibles. Il faudrait par ailleurs relever sensiblement le niveau de financement. Ils devraient se faire concurrence pour l'obtention de ces fonds et être tenus de répondre de l'excellence des candidats qu'ils recrutent et des résultats qu'ils obtiennent, à l'échelle mondiale. Nous avons beaucoup d'expérience et de savoir-faire dans ce domaine, mais nous n'avons jamais réussi à accorder nos flûtes sur le plan international.
J'aimerais souligner, comme je l'ai fait dans mon mémoire, que l'Association des universités et des collèges a exprimé des inquiétudes au sujet de l'absence de stratégie dans le domaine de l'éducation et de la recherche internationales.
Quant à la guerre en Irak et à ses conséquences, je ne suis pas au courant de l'enquête que vous mentionnez. Il y a beaucoup d'entreprises et d'après l'évolution récente de la Bourse, on semblerait s'attendre à une guerre de courte durée sans grande conséquence. Nous essayons tous de saisir les répercussions géopolitiques des événements qui sont sur le point de se produire, et je reconnais avec vous, mais ce n'est que mon opinion personnelle, qu'il y a parmi les économies de l'Asie certains pays musulmans à tendance libérale où les femmes sont instruites et participent activement à toutes les sphères d'activité.
En ce qui concerne les conséquences de la guerre en Irak, et on ne peut exclure qu'elle dure et qu'elle ait de vastes conséquences, je pense qu'une scission économique apparaîtra entre les pays musulmans et le reste de l'Asie. C'est cette inquiétude, entre autres, qui explique le silence de la Chine. Ces dirigeants ont été très bien renseignés par les Américains et ils ont leurs propres problèmes avec les Musulmans.
Je ne veux pas en dire plus long pour l'instant, parce que je ne ferais que spéculer.
º (1655)
Le président: Monsieur Eyking, suivi de M. O'Brien, puis M. Duncan.
M. Mark Eyking (Sydney—Victoria, Lib.): Merci, monsieur le président.
Ma question d'adresse à Mme Dobson. Vous avez dit que d'ici une vingtaine d'années, les rapports entre les États-Unis et la Chine pourraient s'intensifier et même devenir très actifs, ou que nous pourrions essayer de jouer un rôle dans cette dynamique.
Première question : la Chine nous distingue-t-elle bien des États-Unis à différents égards, par exemple notre attitude face à Taiwan, aux questions relatives aux droits de la personne et à la protection de l'environnement? Nous perçoit-elle comme une nation complètement différente?
Si nous continuons à nous démarquer des États-Unis au cours des 10 prochaines années, est-ce que cela nous procurera un avantage en tant que point d'entrée et point de sortie des produits expédiés par la Chine aux États-Unis et vice-versa, parce que nous faisons partie de l'ALENA?
Comment vont se dérouler les choses?
Mme Wendy Dobson: Si, pour reprendre votre formule, nous continuons à nous démarquer des États-Unis au cours des 10 prochaines années, c'est que nous aurons perdu la raison. Nous devons nous entendre avec nos voisins du sud et entretenir des rapports harmonieux avec lui, dans notre intérêt mutuel. Cet objectif doit figurer en tête de nos priorités en matière de politique extérieure, à mon avis.
M. Mark Eyking: Vu vos travaux sur la Chine, partagez-vous la position des États-Unis relativement à ce pays?
Mme Wendy Dobson: Vous me demandez à présent d'analyser la politique étrangère des États-Unis vis-à-vis de la Chine. Sans me lancer dans une longue analyse politique, parce que je suis économiste et non politicologue, c'est que tant que l'école de pensée des responsables actuels de la politique étrangère des États-Unis, ceux qu'on appelle de plus en plus les « faucons », maintiendront leur influence, on peut s'attendre à ce que la politique étrangère américaine vise à préserver l'hégémonie exclusive des États-Unis; si c'est à nous, personne d'autre ne peut l'avoir. Or, qu'elle le veuille ou non, le poids de la Chine s'accroîtra sur l'échiquier international, elle exercera forcément une certaine hégémonie, que les Américains percevront comme une menace.
Sans vouloir commenter la politique extérieure de la Chine, je ne serais pas étonnée que les États-Unis soient perçus comme une menace. Il s'agit peut-être d'un jeu à somme nulle. Je pense qu'il faudrait essayer de créer un jeu à somme positive, comportant la paix et la prospérité pour tous, plutôt qu'un jeu à somme nulle où il n'y aurait qu'un gagnant et où tous les autres pays seraient les perdants.
M. Mark Eyking: Nous pourrions nous engager sur un terrain miné et je ne dis pas qu'il faille choisir un camp ou l'autre, mais si la Chine et les États-Unis se disputent à propos du commerce des vêtements ou d'autres choses... Vous semblez dire que nous devons nous ranger du côté des États-Unis, mais croyez-vous que cela doit être notre priorité?
Mme Wendy Dobson: Je ne sais pas si j'emploierais l'expression «se ranger du côté» des États-Unis... Je préconise un resserrement constant de nos relations économiques avec les États-Unis, mais d'une façon qui préserve notre indépendance politique. À mon sens, il peut y avoir deux façons différentes de se ranger du côté des États-Unis, dont l'une serait de garder quand même nos distances. Nous devons cependant agir en connaissance de cause et de façon très intelligente. Pour cela, il faut faire l'effort nécessaire pour définir une stratégie et la mettre en application.
Je ne pense pas que nous devenions l'arbitre à la petite semaine des différends entre les États-Unis et la Chine. Comme je l'ai souligné, il s'agit pour le Canada d'adopter une stratégie, de nous positionner de manière à favoriser les rapprochements entre les Chinois et les Américains afin qu'ils puissent centrer leurs discussions sur leurs intérêts communs plutôt que sur leurs divergences de vues.
» (1700)
Le président: Monsieur O'Brien.
M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je signale que je partage habituellement les opinions de mon collègue M. Eyking, mais que je ne suis pas d'accord avec lui sur ce point. Nous ne nous démarquons pas des États-Unis. Ce que beaucoup de gens trouvent inquiétant en ce moment, c'est que les États-Unis semblent vouloir se démarquer du reste du monde et ce, sur un grand nombre de plans. Et je ne pense même pas à l'Irak. Je pense plutôt à différentes mesures que l'administration Bush a prises et qui traduisent une tendance dangereuse à l'unilatéralisme. Je suppose que certains pourraient dire que c'est également ce que l'on voit en Irak.
Il est bien évident que, vu que les États-Unis sont nos voisins, et que nos échanges commerciaux avec eux sont énormes... Murray a peut-être les dernières statistiques, mais lorsque je m'occupais davantage du commerce, la valeur totale des échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis s'élevait à près de deux milliards de dollars par jour. Dans 95 p. 100 des cas, les transactions se faisaient sans problème. Je pense qu'il ne faut pas perdre cela de vue. Il est évident que les États-Unis continueront à être notre principal partenaire. Sauf le respect que je dois aux personnes qui ne partagent pas ce point de vue, je pense que les Canadiens et d'autres s'inquiètent de la nette tendance de l'administration Bush à faire cavalier seul.
J'ai remarqué que peu de témoins ont fait mention de l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique, l'APEC, et j'aimerais entendre ce qu'en pensent tous les témoins. Mme Dobson a évoqué très brièvement l'APEC, mais je pense qu'elle est la seule à l'avoir fait. Le deuxième volet de la Stratégie commerciale canadienne—et il y en a une, qui est du reste très efficace même si elle est susceptible d'amélioration—consiste à conclure des accords commerciaux régionaux. Je suis un peu étonné que l'APEC soit si peu mentionnée, et j'aimerais savoir pourquoi, monsieur le président. Je demanderais aux témoins de nous décrire les forces et les faiblesses de l'APEC. Quelles mesures pourrions-nous prendre pour faire de l'APEC un outil plus efficace pour accroître nos échanges commerciaux avec cette partie du monde?
Le président: Très bien. N'importe lequel d'entre vous peut répondre.
Mme Wendy Dobson: L'APEC a décidé, je pense, de se définir comme un forum de discussion parce qu'elle a été incapable de jouer un rôle vraiment efficace dans ses négociations en vue d'obtenir une libéralisation des échanges. L'APEC repose sur trois piliers, dont la facilitation des affaires. L'assistance technique ou—quel est le nom qu'on donne—l'éco-tech en est un autre. Ce sont-là les piliers qui, à mon avis, définissent actuellement l'APEC. Il y aura des négociations commerciales qui engloberont toutes les économies de la région, et on préfère que cela se fasse dans le cadre de l'OMC.
Qu'en est-il alors de l'APEC? Elle se retrouve en quelque sorte dans la même situation que la politique d'aide canadienne, en ce sens qu'elle est beaucoup trop clairsemée ou trop éparpillée. Les Asiatiques espèrent—et je crois que c'est là ce qui importe pour l'avenir de l'APEC—qu'elle deviendra un mécanisme nord-sud plus efficace de transfert des ressources et d'assistance technique. Pourtant, une fois la poussière retombée après une crise financière ou économique, quelle est la leçon la plus importante—de la crise après «n'établissez pas votre taux de change» ou «n'optez pas pour un arrimage souple»? C'est de renforcer votre système financier intérieur et de le moderniser. Or, l'APEC n'a aucun rôle à jouer à cet égard. Ce sont le FMI, la Banque mondiale, le Canada—le centre torontois—qui interviennent alors de façon concrète.
Il y a eu de nombreuses occasions au cours des cinq dernières années où l'APEC aurait pu jouer un rôle, mais elle n'a pas réussi à atteindre le consensus, à profiter de ces occasions pour se donner une orientation ferme.
» (1705)
Le président: Monsieur Greenhill.
M. Robert Greenhill: Permettez-moi de vous faire part de mes observations, dont le ton sera légèrement différent.
Je siège actuellement comme membre suppléant au conseil consultatif des entreprises de l'APEC. Ce conseil regroupe trois représentants du milieu des affaires de chacune des 21 économies membres. La conversation porte souvent sur l'angoisse quasi existentielle relative à la raison d'être de l'APEC et à l'utilité de faire venir des quatre coins du globe tous ces gens d'affaires très occupés pour qu'ils puissent bavarder ensemble pendant trois jours.
Mais ayant été témoin des rencontres des dirigeants de l'APEC, je trouve que Churchill n'avait pas entièrement tort de dire qu'il vaut mieux faire la conversation que faire la guerre. Je dirais même qu'une des grandes réussites de l'APEC dont on ne parle pas—et ce ne sera une réussite que tant qu'on en discutera pas—, c'est qu'il s'agit d'un contexte assez informel où les dirigeants de ces économies clés peuvent se réunir pour parler de questions importantes. Le G-8, par exemple, prend des allures de réunion où tout est préordonné. Nombre des autres groupes ou bien ont des rencontres très diffuses ou bien ne peuvent pas être efficaces faute de participation à un niveau assez élevé.
La rencontre des dirigeants de l'APEC qui a eu lieu à Shanghai immédiatement après le 11 septembre a été importante parce qu'elle a permis aux Américains, aux Russes et aux Chinois de se rendre compte qu'ils pouvaient travailler ensemble pour essayer de régler une question. La rencontre de l'APEC à Los Cabos, au Mexique, qui a eu lieu immédiatement après l'attentat à la bombe de Bali a aussi été une occasion d'établir un consensus quasi mondial, parce qu'elle a permis d'inclure un certain nombre d'États musulmans modérés, notamment l'Indonésie et la Malaisie, dans la guerre contre le terrorisme.
Ce consensus a été détruit depuis par la décision du gouvernement américain de s'attaquer en priorité à l'Irak. Mais les rencontres de l'APEC réunissent chaque année, les dirigeants de certaines des entités politiques les plus volatiles qui sont quand même parmi les plus importantes du monde actuel. En tant que forum de discussion, l'APEC joue effectivement un rôle important.
Une voix: Pour vendre des avions.
M. Robert Greenhill: Éviter la guerre, c'est favoriser la vente d'aéronefs civils.
Je suis d'accord avec Wendy pour dire que ce n'est pas là où les grands accords commerciaux vont être conclus. L'APEC réunit trop de pays ou pas assez de pays, selon le point de vue qu'on adopte. Il y a toutefois un domaine où elle n'a pas encore donné toute sa mesure, à savoir la facilitation des échanges. Elle pourrait jouer un rôle important dans l'établissement des modalités qui pourraient accroître l'efficacité, l'efficience et la sûreté des échanges conteneurisés entre les ports de l'Asie-Pacifique. Elle pourrait ainsi intervenir de façon très concrète pour régler de façon multilatérale les problèmes de piratage.
J'ai évoqué la Convention UNIDROIT ou la convention du Cap. Il s'agit-là en quelque sorte d'une question technique que le conseil consultatif des entreprises de l'APEC a proposé comme priorité aux gouvernements de l'APEC. Ces gouvernements ont indiqué qu'ils n'avaient qu'à agir sur ce front-là. Si l'APEC arrivait avec le temps à se tailler une réputation de groupe capable d'obtenir des résultats concrets sur le terrain et qu'elle continuait en même temps à servir de forum d'interaction à un niveau élevé, elle jouerait un rôle utile. Si elle tentait de se donner un rôle ambitieux dans les négociations commerciales comme telles, elle se heurterait sans doute à un échec.
Mme Wendy Dobson: J'en conviens, le sentiment général est qu'il est préférable que les dirigeants se rencontrent régulièrement. On ne sait jamais, quelque chose peut toujours se produire qui leur donne la possibilité de se comprendre mieux que s'ils ne se rencontraient pas. Il n'empêche que deux fois sur trois, cela reste un problème pour l'APEC.
Ce qui mitige un peu mon optimisme, c'est ce que je constate actuellement au sein de l'ANASE plus trois— la Chine, la Corée, le Japon et les 10 économies de l'ANASE—qui ont de plus en plus tendance à conclure des accords commerciaux entre pays membres et à tenir des sommets entre eux. Ces pays sont véritablement résolus à poursuivre sur la voie de la coopération financière, de la coopération monétaire, pour finir à arriver à un genre de devise unique. C'est une vision qu'il leur prendra peut-être 50 ans à réaliser, mais c'est vraiment ce qui les anime à l'heure actuelle. C'est leur priorité numéro un.
» (1710)
M. Cam Dahl: Pour abonder dans le même sens, lorsqu'il s'agit de négocier l'ouverture de marchés commerciaux, de marchés moins biaisés et aussi de prix moins artificiels, je pense que c'est à l'OMC qu'il faut le faire. À mon avis, je ne pense pas que l'APEC ait un rôle tant soit peu important à jouer à cet égard.
Du point de vue du monde agricole, ce que nous aimerions, ce sont des initiatives sectorielles. Ainsi, nous abordons brièvement dans le mémoire l'initiative zéro pour zéro dans l'industrie du pétrole, mais ici aussi, je ne conçois pas que l'APEC puisse jouer un rôle important dans cette initiative.
Le président: Merci beaucoup.
Et pour terminer, Monsieur Duncan.
M. John Duncan: J'aimerais poser ma première question à Cam Dahl parce qu'il s'agit de quelque chose qui figure dans son texte. Monsieur Dahl, vous parlez d'un problème que pose la définition actuelle que l'OMC donne aux pays en développement. J'aimerais savoir quelle est la partie de cette définition qui semble vous poser problème. Peut-être pourriez-vous essayer de nous préciser cela.
M. Cam Dahl: Le problème, c'est qu'il n'y a pas vraiment de définition de ce qu'est un pays en développement. Un pays en développement l'est s'il le dit lui-même. Il ne fait absolument aucun doute que pendant ces négociations-ci, la question des garanties spéciales et des mesures particulières pour les pays en développement va revêtir une importance cruciale.
Par contre, il faut également admettre que les grands protagonistes sur le marché de l'exportation ne peuvent pas invoquer cela pour protéger des industries dans lesquelles ils ont de gros intérêts. Le Brésil sera un cas patent. Ce pays produit 60 millions de tonnes de soja par an. Mais il ne devrait pas pouvoir invoquer les garanties spéciales pour protéger ou subventionner une industrie de cette envergure.
La question est donc fort difficile, mais il va être extrêmement important et difficile à la fois pour l'OMC d'arriver à définir qui est admissible, combien de temps durera cette admissibilité et quand les mesures spéciales vont cesser de s'appliquer dans tel ou tel cas.
M. John Duncan: C'est une question très importante.
Ma question s'adresse à Wendy Dobson. Je saisis peut-être mal ce que vous dites dans votre document, mais vous semblez supposer qu'il y aura discorde entre la Chine et les États-Unis. Je crois que cette supposition est dangereuse car elle pourrait amener le Canada à ne pas faire ce qu'il devrait faire.
En effet, les États-Unis embrassent actuellement la Chine, le Vietnam et Taiwan. J'ai récemment rencontré des membres du Congrès représentant le Parti républicain et ils étaient très enthousiastes à l'égard des accords commerciaux conclus avec le Vietnam et la Chine, des accords qui seraient élargis pour inclure Taiwan. Le seul obstacle semblait être la question de la propriété intellectuelle.
Si vous considérez l'investissement étranger direct dans cette région, surtout en Chine, en provenance des États-Unis et d'autres pays, vous comprendrez que j'y vois un engagement énorme. Ils sont d'abord et avant tout des gens d'affaires. Nous connaissons nos voisins du Sud assez bien pour le savoir.
C'est le passage de votre document avec lequel je ne suis pas d'accord; cependant je reconnais avec vous que le Canada rate le coche alors que les États-Unis parlent de conclure des ententes de libre-échange. Il y a 40 Américains qui sont en train de conclure rapidement une entente commerciale en Australie avec des gens qui sont membres de la coalition—des gens qui faisaient partie de l'alliance militaire au Vietnam. Ils ouvrent la voie, en collaboration avec les Américains, à une restructuration complète des liens avec le Vietnam. Je m'imagine facilement le Canada qui continue aveuglément dans la même voie et qui accorde toujours la priorité à l'Europe, à l'Amérique latine, à tout sauf l'Asie.
Pourriez-vous développer ce point? Peut-être ai-je mal compris ce que vous disiez sur cet affrontement naturel entre la Chine et les États-Unis.
Aurai-je le temps de poser une autre question?
Le président: Oui.
M. John Duncan: Très bien. Je m'en tiendrai à cela pour l'instant.
» (1715)
Mme Wendy Dobson: Je vous remercie de m'avoir posé cette question.
Je suppose que je répondrai en disant pour commencer que vous n'avez pas vraiment mal interprété ce que j'ai dit. Même s'il semble que nous ne soyons pas d'accord, je vais insister sur ce que j'ai dit dans ce document en envisageant le court terme et le long terme. À court terme, il est clair que les États-Unis et la Chine ont des intérêts communs, mais si l'on étudie les tendances économiques et démographiques sur une période de 50 ans, on constate que l'émergence de la Chine fait vraiment époque. Comme le diraient les Chinois «Nous sortons d'un marasme qui a duré 700 ou 800 ans»—ce qui était plutôt navrant dans une histoire vieille de 5 000 ans.
Mon opinion est mitigée par ce qui est d'après moi, la tournure d'esprit des Chinois et par ce que sais de la politique étrangère des Etats-Unis en ce moment et aux relations qui existent entre les grandes puissances. Elles s'entendent quand c'est logique, mais elles peuvent se nuire si elles ont une perception différente de leur rôle respectif dans le monde. Nous vivons actuellement dans un monde unipolaire dans lequel personne ne conteste la position des États-Unis. Vous savez bien...
Comme je l'ai dit dans mes commentaires, la Chine contestera cette position de nombreuses façons qu'elle le veuille ou pas. Il y aura donc des tensions. Comme vous le savez probablement, il y a des ouvrages qui prédisent la guerre et qui se sont très bien vendus aux États-Unis. Le monde n'est pas assez grand pour ces deux puissances; c'est un jeu à somme nulle, comme je le disais tout à l'heure. Je ne suis pas d'accord avec cette position, mais c'est une situation qui doit nous inquiéter compte tenu de l'autre raisonnement présenté dans mon argument, soit que nous avons des liens historiques avec la Chine—qui pourrait devenir une des économies les plus importantes et les plus dynamiques du monde. À long terme, nous devrions investir beaucoup dans cet atout.
Je ne veux pas me répéter.
M. John Duncan: Je sais, mais je veux revenir à cette partie de votre document parce que je viens de la Colombie-Britannique...
» (1720)
Mme Wendy Dobson: Moi aussi.
M. John Duncan: Il y a beaucoup de Chinois de souche qui vivent dans la vallée du bas Fraser et nombre de Chinois viennent d'Asie pour étudier dans la région. Cela pose maintenant un problème parce qu'ils viennent acquérir une formation en anglais dans un contexte canadien. Certaines familles chinoises se disent «Si nous envoyons nos enfants à Richmond, ils vont finir par passer leur temps en Chine»—ce qui est vrai—«et ils n'apprendront pas ce que nous voulons qu'ils apprennent». Cela ouvre des possibilités pour d'autres coins de la province.
Je suppose que je fais un peu comme Stéphane Bergeron en vous donnant un exemple de ce qui se passe chez nous, où il y a de moins en moins de gens qui vivent dans les régions rurales ou dans les districts scolaires ruraux. Il s'agit de communautés fort chaleureuses qui veulent intéresser des étudiants d'Asie à venir étudier dans leurs écoles, mais ils ne disposent pas des ressources nécessaires pour faire connaître leurs atouts. Il s'agit souvent d'écoles primaires et secondaires.
Nous avons un exemple pratique. Des Taïwanais ont créé par pur hasard des liens avec une communauté. Leurs enfants ont fréquenté les écoles de la localité et tout cela a mené à la création d'une communauté entrepreneuriale, à une industrie de fabrication axée sur les exportations, à des investissements taïwanais, à la création d' emplois au Canada, et j'en passe. Ça s'est fait par pur hasard, mais c'est un modèle de la formule que vous encouragez, je crois.
Pour que cet exemple se répète, quel rôle le gouvernement fédéral pourrait-il jouer, tout particulièrement dans le domaine de l'éducation aux niveaux primaire et secondaire? Je sais que l'éducation relève des provinces, mais il y a gros en jeu. Je pense que nous acceptons probablement tous votre opinion, soit que nous devrions faire plus aux niveaux collégial et universitaire, mais je pensais tout particulièrement aux niveaux primaire et secondaire—
Mme Wendy Dobson: Je ne suis pas spécialiste de la politique en matière d'enseignement ni de la façon d'éviter les dangers que présente le partage des compétences entre les paliers fédéral et provinciaux.
Je ne peux que vous offrir une suggestion pratique. Les Australiens ont très bien réussi, et nous pourrions nous inspirer de ce qu'ils ont fait... même s'il est trop tard à mon avis pour les imiter. Mais nous pouvons certainement tirer une leçon de l'expérience australienne. En fait, je crois que nous pourrions beaucoup apprendre de l'Australie en ce qui a trait à notre stratégie internationale générale. Les Australiens ont très bien su vendre l'exportation de leurs services d'éducation postsecondaire.
Le président: Chers collègues, il ne nous reste plus de temps. Je tiens à remercier nos témoins, tout particulièrement M. Greenhill, qui a modifié ses plans pour pouvoir rester avec nous jusqu'à 17 h 30, ainsi que M. Dahl et Mme Dobson.
Vous nous avez certes donné matière à réflexion et vos exposés d'aujourd'hui feront partie des délibérations du comité. Nous nous pencherons sur les comptes rendus de ces délibérations lors de la rédaction de notre rapport définitif. N'hésitez pas à nous faire parvenir tout commentaire ou suggestion supplémentaire. Nous les ajouterons volontiers.
Il est 17 h 25; la séance est donc levée.