SNAS Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Sous-comité sur la Sécurité nationale du Comité permanent de la justice et des droits de la personne
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 24 septembre 2003
¹ | 1530 |
Le président (M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)) |
M. Paul E. Kennedy (sous-solliciteur général adjoint principal, Sécurité nationale, ministère du Solliciteur général) |
¹ | 1535 |
¹ | 1540 |
Le président |
M. Ward Elcock (directeur, Service canadien du renseignement de sécurité) |
Le président |
¹ | 1545 |
Mme Claudette Deschênes (directrice générale de renseignement, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration) |
¹ | 1550 |
Le commissaire adjoint Richard Proulx (Direction des renseignements criminels, Gendarmerie royale du Canada) |
¹ | 1555 |
Le président |
M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne) |
Mme Claudette Deschênes |
M. Vic Toews |
Mme Claudette Deschênes |
M. Vic Toews |
Mme Claudette Deschênes |
M. Vic Toews |
M. Paul E. Kennedy |
º | 1600 |
Le président |
M. Vic Toews |
M. Paul E. Kennedy |
M. Vic Toews |
M. Paul E. Kennedy |
M. Vic Toews |
M. Paul E. Kennedy |
Comm. adj. Richard Proulx |
M. Vic Toews |
Mme Claudette Deschênes |
M. Paul E. Kennedy |
M. Vic Toews |
M. Paul E. Kennedy |
M. Vic Toews |
º | 1605 |
Le président |
M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ) |
Mme Claudette Deschênes |
M. Mario Laframboise |
M. Paul E. Kennedy |
M. Mario Laframboise |
Mme Claudette Deschênes |
M. Mario Laframboise |
Mme Claudette Deschênes |
º | 1610 |
M. Mario Laframboise |
Mme Claudette Deschênes |
Le président |
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.) |
M. Ward Elcock |
M. John McKay |
M. Ward Elcock |
M. John McKay |
M. Ward Elcock |
M. John McKay |
M. Ward Elcock |
M. John McKay |
M. Ward Elcock |
M. John McKay |
M. Ward Elcock |
M. John McKay |
M. Ward Elcock |
M. John McKay |
M. Ward Elcock |
M. Paul E. Kennedy |
º | 1615 |
M. John McKay |
M. Ward Elcock |
M. John McKay |
M. Ward Elcock |
Le président |
Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC) |
M. Ward Elcock |
M. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
M. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
M. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
M. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
M. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
º | 1620 |
M. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
M. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
M. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
M. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
M. Joe Clark |
Mme Claudette Deschênes |
M. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
M. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
M. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
M. Paul E. Kennedy |
Le président |
M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD) |
M. Ward Elcock |
º | 1625 |
M. Lorne Nystrom |
M. Paul E. Kennedy |
M. Lorne Nystrom |
M. Ward Elcock |
M. Lorne Nystrom |
M. Ward Elcock |
M. Paul E. Kennedy |
M. Lorne Nystrom |
M. Paul E. Kennedy |
M. Lorne Nystrom |
M. Ward Elcock |
M. Lorne Nystrom |
M. Ward Elcock |
M. Lorne Nystrom |
M. Paul E. Kennedy |
º | 1630 |
M. Lorne Nystrom |
M. Ward Elcock |
Le président |
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne) |
Le président |
M. Kevin Sorenson |
M. Ward Elcock |
M. Kevin Sorenson |
M. Ward Elcock |
M. Kevin Sorenson |
M. Ward Elcock |
M. Kevin Sorenson |
M. Ward Elcock |
M. Kevin Sorenson |
M. Ward Elcock |
M. Kevin Sorenson |
º | 1635 |
M. Ward Elcock |
M. Kevin Sorenson |
M. Ward Elcock |
Le président |
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.) |
Mme Claudette Deschênes |
Mme Marlene Jennings |
º | 1640 |
Mme Claudette Deschênes |
Mme Marlene Jennings |
Le président |
M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.) |
M. Paul E. Kennedy |
M. Tom Wappel |
M. Ward Elcock |
M. Tom Wappel |
M. Ward Elcock |
M. Tom Wappel |
Mme Claudette Deschênes |
M. Tom Wappel |
M. Ward Elcock |
M. Tom Wappel |
M. Ward Elcock |
M. Tom Wappel |
M. Ward Elcock |
M. Tom Wappel |
M. Ward Elcock |
M. Tom Wappel |
M. Ward Elcock |
M. Tom Wappel |
M. Ward Elcock |
º | 1645 |
M. Tom Wappel |
Mme Claudette Deschênes |
M. Tom Wappel |
Mme Claudette Deschênes |
M. Tom Wappel |
Mme Claudette Deschênes |
M. Tom Wappel |
M. Ward Elcock |
M. Tom Wappel |
M. Ward Elcock |
M. Tom Wappel |
Mme Claudette Deschênes |
M. Tom Wappel |
Le président |
M. Mario Laframboise |
M. Ward Elcock |
M. Mario Laframboise |
M. Ward Elcock |
M. Mario Laframboise |
M. Ward Elcock |
º | 1650 |
M. Mario Laframboise |
Le président |
M. Joe Clark |
M. Paul E. Kennedy |
M. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
M. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
M. Joe Clark |
Mme Claudette Deschênes |
M. Joe Clark |
Mme Claudette Deschênes |
M. Joe Clark |
Mme Claudette Deschênes |
M. Joe Clark |
Mme Claudette Deschênes |
M. Joe Clark |
Le président |
M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.) |
º | 1655 |
M. Ward Elcock |
M. David Pratt |
M. Ward Elcock |
M. David Pratt |
M. Ward Elcock |
M. David Pratt |
M. Ward Elcock |
M. David Pratt |
M. Ward Elcock |
M. David Pratt |
Le président |
M. Ward Elcock |
Le président |
M. Ward Elcock |
Le président |
M. Ward Elcock |
Le président |
M. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
» | 1700 |
Le président |
Mme Claudette Deschênes |
Le président |
Mme Claudette Deschênes |
Le président |
Mme Claudette Deschênes |
Le président |
Mme Claudette Deschênes |
Le président |
Mme Claudette Deschênes |
Le président |
Mme Claudette Deschênes |
Le président |
M. Vic Toews |
» | 1705 |
M. Paul E. Kennedy |
M. Joe Clark |
M. Paul E. Kennedy |
M. Vic Toews |
M. Paul E. Kennedy |
Mme Claudette Deschênes |
Le président |
M. John McKay |
» | 1710 |
M. Ward Elcock |
M. John McKay |
Mme Claudette Deschênes |
M. John McKay |
Mme Claudette Deschênes |
M. John McKay |
Mme Claudette Deschênes |
M. John McKay |
Mme Claudette Deschênes |
M. John McKay |
Mme Claudette Deschênes |
M. John McKay |
Le président |
M. Tom Wappel |
Mme Claudette Deschênes |
M. Tom Wappel |
» | 1715 |
Mme Claudette Deschênes |
M. Tom Wappel |
M. Paul E. Kennedy |
M. Tom Wappel |
Le président |
Comm. adj. Richard Proulx |
Le président |
Comm. adj. Richard Proulx |
Le président |
Comm. adj. Richard Proulx |
Le président |
Comm. adj. Richard Proulx |
Le président |
» | 1720 |
Mme Claudette Deschênes |
Le président |
Mme Claudette Deschênes |
Le président |
M. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
M. Joe Clark |
M. Ward Elcock |
Le président |
CANADA
Sous-comité sur la Sécurité nationale du Comité permanent de la justice et des droits de la personne |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 24 septembre 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1530)
[Traduction]
Le président (M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)): Notre Sous-comité sur la sécurité nationale se réunit aujourd'hui pour examiner ce que j'appellerais l'éventail des détentions sécuritaires au Canada. Dans bien des cas, mais pas tous, il s'agit de questions de sécurité résultant du 11 septembre.
Nous accueillons aujourd'hui quatre témoins des ministères pertinents du gouvernement canadien : Mme Claudette Deschênes, directrice générale du renseignement au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, M. Paul Kennedy, sous-solliciteur général adjoint principal, Sécurité nationale, du ministère du Solliciteur général, qui revient devant nous en tant que témoin, M. Ward Elcock, directeur du Service canadien du renseignement de sécurité, et M. Richard Proulx, commissaire adjoint suppléant de la Gendarmerie royale du Canada, responsable des renseignements criminels. Bienvenue.
Notre comité a toujours eu deux axes principaux : l'efficacité de la recherche de renseignements et l'enveloppe du renseignement au gouvernement canadien, et les libertés civiles des Canadiens et des personnes au Canada. Je pense qu'on peut dire qu'aujourd'hui nous nous concentrons surtout sur l'enveloppe des libertés civiles, bien qu'il y ait aussi certaines préoccupations liées à la sécurité.
Cela dit, la Bibliothèque du Parlement a donné une documentation sur la question à nos collègues et je remercie notre attaché de recherche. Nous avons aussi bénéficié d'une contribution du côté de l'immigration, et j'en remercie Margaret Young.
Monsieur Kennedy, je crois que vous allez nous faire un bref exposé pour nous présenter le contexte, et si c'est le cas, je vous invite à commencer.
M. Paul E. Kennedy (sous-solliciteur général adjoint principal, Sécurité nationale, ministère du Solliciteur général): Merci, monsieur le président.
Je voudrais vous faire un exposé sur l'immigration et les questions de sécurité. Nous avons pensé qu'en vous donnant un cadre, nous vous aiderions à orienter votre débat. Je vais vous donner un aperçu du processus du certificat de sécurité lui-même. Ward Elcock, du Service canadien du renseignement de sécurité, vous expliquera son mandat et le rôle qu'il joue dans ce domaine. Mme Claudette Deschênes, du ministère de l'Immigration, vous parlera du processus du certificat de sécurité et le commissaire adjoint de la GRC, M. Proulx, vous parlera de l'appui de son service dans ce contexte.
Comme vous le savez, nous avons depuis le 28 juin 2002 la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés qui a en fait remplacé la Loi sur l'immigration. Elle comporte diverses dispositions qui permettent à l'État de renvoyer des individus du Canada. Mon exposé va porter essentiellement sur le processus du certificat de sécurité.
La presse a récemment donné beaucoup de publicité à plusieurs affaires retentissantes. Nous avons la liste complète des certificats émis depuis 1991. Je crois que nous avons cette liste et qu'elle a été mise à la disposition du comité.
L'article pertinent de la loi actuelle est l'article 77, c'est-à-dire la disposition qui permet au solliciteur général et au ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration de cosigner un certificat stipulant qu'une personne est membre d'une catégorie d'individus interdits de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée. Le régime prévoit un cadre de contrôle judiciaire. Toutes les questions de cet ordre sont soumises à la Cour fédérale qui se prononce sur le caractère raisonnable de ces certificats.
En vertu de cette procédure, le gouvernement peut chercher à renvoyer un individu du Canada pour les motifs énoncés dans la loi, mais aussi, ce qui est plus important, vu le caractère exceptionnel de cette mesure, en raison de renseignements classifiés.
En vertu de l'article 78 de la loi, le juge de la Cour fédérale examine en profondeur tous les éléments de la preuve. C'est lui qui détermine si les renseignements sont pertinents ou non. S'il estime qu'ils ne le sont pas, la Couronne ne les reçoit pas.
Le juge qui examine les renseignements classifiés détermine dans quelle mesure ils peuvent être communiqués à l'individu concerné sous forme de résumé non classifié. Ce résumé est remis à la personne concernée.
La loi stipule que le résumé doit permettre à l'individu d'être suffisamment informé des circonstances ayant donné lieu au certificat mais ne doit comporter aucun élément dont la divulgation porterait atteinte, selon le juge, à la sécurité nationale ou à la sécurité d'autrui.
Il est important de souligner que les renseignements exclus du résumé de la preuve sont traditionnellement exclus dans les procédures judiciaires. Autrement dit, si nous avions une affaire criminelle, nous présenterions une requête en vertu de la Loi sur la preuve, ou si nous avions une affaire dans le cadre de la Loi sur l'accès à l'information, les informations en question ne seraient pas divulguées au public en raison des torts qu'elles risqueraient de causer.
Le genre de choses dont nous parlons, ce sont des détails concernant des sources humaines, des sources techniques, des techniques ou des méthodes de recueil de renseignements et des informations communiquées par des tiers au Canada à condition qu'elles restent strictement confidentielles. Il est donc essentiel pour la sécurité nationale que ces renseignements soient protégés.
Les renseignements non classifiés, qu'on appelle le résumé, sont communiqués à l'individu, mais comportent, comme je l'ai dit, suffisamment de précisions sur les motifs, ces précisions étant déterminées par le juge de la Cour fédérale qui examine l'affaire.
¹ (1535)
Il a été beaucoup question de ces certificats récemment, et souvent à propos des événements du 11 septembre et de la loi antiterroriste. Je crois qu'il est important de bien préciser que le recours à ces certificats date d'avant les événements du 11 septembre 2001. De fait, le gouvernement se sert de cet instrument depuis plus de dix ans. Nous vous avons remis un tableau récapitulant ces affaires, et comme vous le constaterez, les premiers certificats ont été émis en 1991.
Il est particulièrement important de souligner que, comme tout ce que nous faisons au Canada doit être conforme à la Charte des droits et libertés, ces certificats et toute la procédure qui les entoure ont été validés par les tribunaux. La Cour suprême du Canada a évidemment examiné la question et confirmé cette validation.
L'une des premières affaires remonte à 1992. À l'époque, la Cour suprême, dans l'affaire Chiarelli, a examiné la question sous l'angle de l'immigration. Il s'agissait à l'époque de l'article 39 de la Loi sur l'immigration et du renvoi d'un résident permanent du Canada, en raison des activités criminelles auxquelles il était censé s'être livré.
Une bonne partie de la procédure suivie à l'époque se retrouve dans l'article 40.1 de la Loi sur l'immigration et l'article 77 de la loi actuelle sur l'immigration. En particulier, puisqu'on a parlé de procès secrets et de choses de ce genre, la Cour suprême du Canada a examiné la question à huis clos, à l'occasion de délibérations ex parte et jugé que cette procédure était justifiée.
Je précise que, quand on a contesté plusieurs de ces décisions du Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité, on a demandé à un juge de la Cour fédérale de les examiner. C'est pourquoi par la suite nous avons directement soumis ces affaires à la Cour fédérale, puisque c'était elle qui allait trancher en définitive. C'est pour cela que vous pouvez constater qu'à l'article 40.1 et à l'article 77, nous avons retiré les affaires concernant des résidents permanents de manière à laisser à un juge de la Cour fédérale le soin de se prononcer.
La Cour suprême du Canada qui a examiné la situation à la lumière de la Charte a souligné alors que la situation n'était pas la même pour les individus qui n'étaient pas citoyens du Canada. Quelqu'un qui entre au Canada comme visiteur et n'a pas le statut de citoyen n'a pas le droit d'être dans ce pays. L'État peut dans ce cas déterminer qui est autorisé à demeurer au Canada et traiter de façon différente ces individus.
La Cour suprême a jugé en l'occurrence qu'il n'était pas nécessaire d'expliquer à l'individu concerné les techniques d'enquêtes ou les sources utilisées pour obtenir les renseignements sur lesquels les deux ministres s'étaient fondés pour émettre le certificat. La Cour suprême du Canada a clairement dit qu'il existait des raisons d'État justifiant la protection de ces sources et de ces techniques. La Cour a déclaré qu'il fallait trouver un équilibre entre les intérêts de l'État et ceux de l'individu et qu'il n'était pas nécessaire pour respecter les principes de la justice fondamentale de donner à l'individu concerné tous les détails des techniques d'enquête ou des sources de renseignements utilisées pour obtenir les informations en question.
Autrement dit, la Cour suprême a eu l'occasion de se pencher depuis 1992 sur les critiques qui ont parfois été formulées à l'égard de cette procédure. Depuis, la Cour a eu l'occasion de réexaminer la procédure et de rappeler qu'il s'agissait d'un équilibre entre les intérêts divergents de l'État et de l'individu, en précisant que les principes de la justice fondamentale avaient été respectés en l'occurrence.
Depuis, en janvier 2002, nous avons eu les affaires Suresh et Ahani. Il y avait d'autres questions en jeu à ce moment-là. Il s'agissait de savoir si quelqu'un qui était interdit de territoire devait être renvoyé dans un pays où il risquait d'être torturé, car le Canada est signataire de la convention interdisant la torture.
Lorsqu'elle a examiné la question, la Cour s'est reporté au processus décrit à l'article 40.1 de la loi, qui est maintenant devenu l'article 77. Elle a déclaré que les dispositions de la loi étaient détaillées et visaient à garantir l'application équitable des certificats prévus dans cet article en permettant une participation réelle de la personne concernée. Donc, pas plus tard qu'en 2002, la Cour suprême du Canada a réaffirmé que nous avions une procédure équilibrée.
Non seulement les tribunaux canadiens ont pris cette position en l'occurrence, mais la Cour européenne des droits de l'homme a déclaré en 1996 que le modèle d'immigration de l'article 39—le modèle canadien de contrôle judiciaire dans les affaires de renvoi liées à la sécurité nationale—était un exemple de procédures tenant compte des préoccupations légitimes de sécurité concernant la nature et la source des renseignements tout en garantissant à l'individu une mesure de justice substantielle. Dans la mesure où l'on a des intérêts qui s'opposent, c'est un peu la quadrature du cercle.
¹ (1540)
J'ai appris aussi que le Royaume-Uni avait ensuite modifié sa législation et s'était inspiré considérablement du modèle canadien pour le traitement de ces intérêts divergents.
Étant donné que le processus du certificat de sécurité s'est révélé être un outil efficace pour la sécurité nationale et a résisté aux contestations constitutionnelles, ces dispositions ont été reprises dans le projet de loi C-36, la Loi antiterroriste. On y trouve des dispositions concernant la radiation des organismes de bienfaisance susceptibles de financer des activités qu'on soupçonne d'être des activités terroristes. Ce modèle a donc été repris et vous en retrouverez la trace dans diverses dispositions du projet de loi C-36.
Ce sont là les commentaires que je souhaitais faire pour l'instant. J'aimerais maintenant laisser la parole au directeur du Service du renseignement.
Le président: Monsieur Elcock, allez-y.
M. Ward Elcock (directeur, Service canadien du renseignement de sécurité): Le SCRS joue un rôle bien précis dans le processus du certificat de sécurité. Le renvoi d'individus considérés comme une menace pour la sécurité nationale est parfois la meilleure solution pour diverses raisons, notamment le fait qu'il n'y a pas nécessairement suffisamment de preuves pour porter des accusations criminelles, même si l'on dispose de preuves suffisantes pour considérer l'individu en question comme une menace pour la sécurité nationale. Il n'a pas nécessairement déjà commis un acte criminel, mais il risque de le faire. On peut disposer d'assez d'information et de preuves pour conclure que ces individus sont une menace pour la sécurité nationale et que leur renvoi aura pour effet de bloquer leur réseau et/ou leurs projets.
La préparation et la présentation des cas prévus à l'article 77—c'est-à-dire concernant l'émission d'un certificat—relèvent en général du SCRS, mais pas toujours. Le SCRS remet aux deux ministres, le ministre de l'Immigration et le solliciteur général, un rapport sur les renseignements de sécurité ou RRS qui expose les raisons pour lesquelles l'individu doit être interdit de territoire en vertu de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Si les ministres sont d'accord, le certificat de sécurité signé, le RRS et le résumé non classifié sont alors remis à la Cour fédérale du Canada. Les agents du SCRS témoignent à l'appui du certificat de sécurité à la fois lors de séances à huis clos ex parte et en audience publique.
Étant donné la gravité des répercussions du certificat de sécurité, les agents du SCRS qui préparent les documents à l'appui le font de manière réfléchie et rigoureuse. Plusieurs conditions doivent être réunies avant que le SCRS envisage même de préparer un RRS, compte tenu tout particulièrement des ressources considérables que cela exige. Chacune de ces affaires coûte largement plus d'un million de dollars. Il faut que l'individu soit perçu comme une menace grave pour la sécurité du Canada. Le SCRS doit avoir suffisamment d'information et de renseignements sur cette menace pour donner suite. Ces informations doivent à notre avis être à la fois fiables et de sources multiples. Le renvoi doit avoir une valeur stratégique compte tenu des priorités d'enquête du SCRS. Autrement dit, on ne s'occupe pas du menu fretin.
Le SCRS doit avoir suffisamment de renseignements communicables de sources ouvertes pour étayer le résumé de la preuve non classifié. Le RRS doit aussi évidemment contenir des motifs raisonnables expliquant pourquoi le SCRS estime que l'individu est interdit de territoire au sens de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Pour préparer le RRS, il faut procéder à un examen exhaustif de tous les renseignements recueillis par le SCRS de toutes sortes de manières. Ce RRS est un document extrêmement détaillé dont le contenu est méticuleusement établi—et cela signifie, monsieur le président, que tout ce que nous écrivons concerne des faits que nous avons de solides raisons de considérer comme exacts.
Le RRS est préparé en consultation avec les directions opérationnelles et les services juridiques du SCRS et il est approuvé par la haute direction et par moi-même. Depuis 1991, 27 certificats de sécurité seulement ont été émis. Ce n'est manifestement pas une procédure de routine, mais c'est au contraire une procédure ciblée qui permet au gouvernement d'appliquer les critères d'interdiction de territoire de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés lorsqu'on est en présence de renseignements délicats liés à la sécurité nationale.
Depuis le 11 septembre, cinq certificats de sécurité seulement ont été émis, y compris celui qui concerne M. Ernst Zundel. On ne saurait donc parler d'une intervention démesurée.
L'examen de tous les certificats de sécurité montre que, bien qu'un certain nombre d'entre eux aient visé des extrémistes terroristes islamiques, il y en a eu d'autres aussi qui visaient des espions russes, des terroristes sikhs, des terroristes hindous, des terroristes laïcs arabes et un individu d'extrême droite. On peut donc difficilement prétendre que ces certificats de sécurité ne sont utilisés que contre un groupe ethnique particulier.
J'ajoute aussi, monsieur le président, comme l'a déjà dit M. Kennedy, je crois, qu'il ne s'agit pas de procès secrets comme on a pu le prétendre. Ce n'est pas l'Inquisition. Ce sont des procès où l'on présente des informations qui doivent demeurer secrètes, mais qui ne sont nullement des procès secrets. Le processus prévoit un équilibre entre les droits de l'accusé et la nécessité de préserver les sources et méthodes de protection du Canada tout en permettant au Canada de s'occuper d'individus qui, sans être citoyens du Canada, cherchent à l'intérieur de nos frontières à se servir du Canada comme refuge ou comme base pour commettre d'autres actes.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Elcock.
Madame Deschênes, c'est à vous.
¹ (1545)
Mme Claudette Deschênes (directrice générale de renseignement, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration): Merci.
[Note de la rédaction : Difficultés techniques]... le remet à Citoyenneté et Immigration. Nous le soumettons à notre ministre pour signature; les deux ministres ont donc lu le document et l'ont signé. Le certificat peut être émis contre des résidents permanents ou contre des ressortissants étrangers, au sens de la LIPR, c'est-à-dire des gens qui ne sont pas résidents permanents au Canada.
Une fois que les deux ministres ont signé le document, les ressortissants étrangers sont automatiquement placés en détention jusqu'à ce qu'un juge de la Cour fédérale ait décidé du caractère raisonnable du certificat. Les résidents permanents peuvent également être placés en détention en vertu d'un mandat signé par le solliciteur général et par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration. Dans le cas d'un résident permanent, il ou elle doit comparaître dans les 48 heures devant la Cour fédérale qui examine le mandat de détention et, par la suite, tous les six mois, jusqu'à ce que le caractère raisonnable du certificat ait été examiné.
Si un juge de la Cour fédérale estime qu'il n'y a pas lieu de garder un résident permanent en détention, celui-ci est remis en liberté. Pour déterminer le caractère raisonnable du certificat, un juge de la Cour fédérale examine tous les renseignements classifiés fournis par le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et par le solliciteur général en l'absence de la personne visée. Le juge veille à la confidentialité de cette information s'il estime que sa divulgation serait préjudiciable à la sécurité nationale ou à celle de certaines personnes.
La personne visée reçoit ensuite un résumé des renseignements classifiés. Ce résumé est alors du domaine public. Le juge recueille également le témoignage de la personne dont le nom figure sur le certificat avant de se prononcer sur son caractère raisonnable.
Lorsqu'un certificat de sécurité est émis, toutes les autres procédures d'immigration en cours sont suspendues jusqu'à ce que la Cour fédérale se soit prononcée sur le caractère raisonnable du certificat. La personne désignée sur le certificat peut demander un examen des risques avant le renvoi, appelé ERAR dans la nouvelle loi. Ensuite, le juge peut suspendre les procédures sur demande afin que le ministre se prononce sur l'examen des risques avant le renvoi. Lorsqu'il étudie une demande d'ERAR, le ministre ou son délégué, selon les circonstances, prend en compte les éléments fournis par le requérant ainsi que son évaluation du risque auquel il s'expose en cas de retour dans son pays; le danger que représente le requérant pour la population ou la sécurité du Canada est aussi pris en compte.
Pendant les procédures d'ERAR, le ministre peut demander au pays de nationalité du requérant l'assurance que les droits de celui-ci seront respectés lors de son renvoi. Le juge examine ensuite la légalité de la décision du ministre sur l'ERAR et le caractère raisonnable du certificat. S'il en conteste le caractère raisonnable, il annule le certificat et la personne est remise en liberté. Cependant, si le juge reconnaît le caractère raisonnable du certificat, celui-ci devient automatiquement une ordonnance de renvoi. La décision de la Cour fédérale n'est pas susceptible d'appel, et tout est mis en oeuvre pour assurer le renvoi dans les plus brefs délais. Un ressortissant étranger peut demander sa remise en liberté à la Cour fédérale s'il n'a pas été renvoyé du Canada dans les 120 jours de la décision sur le caractère raisonnable de le certificat.
En conclusion, du point de vue de CIC, le certificat de sécurité n'est que l'un des outils de protection de la sécurité et de l'ordre dans la société canadienne. CIC peut aussi procéder par voie d'audience sur l'admissibilité devant la division de l'immigration de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. Le certificat de sécurité n'est émis à des fins de renvoi que lorsque certains renseignements doivent être protégés pour des motifs de sécurité.
Je cède maintenant la parole au commissaire adjoint Richard Proulx, qui va évoquer le rôle de la GRC en matière d'application de la loi.
¹ (1550)
[Français]
Le commissaire adjoint Richard Proulx (Direction des renseignements criminels, Gendarmerie royale du Canada): Merci. Monsieur le président, membres du comité, je ferai ma présentation en français.
Je vais vous parler du rôle de la GRC en ce qui a trait à l'immigration et à la sécurité nationale du Canada. La GRC joue deux rôles. À titre d'organisme responsable au plan national de l'application de la loi, sa principale responsabilité consiste à enquêter sur les crimes qui constituent une menace à la sécurité du Canada. Elle est également responsable de recueillir des renseignements sur des activités criminelles, ce qui l'aide à mener ses enquêtes et à remplir son mandat au chapitre des missions de protection. La GRC est déterminée à recueillir et à analyser les renseignements sur des activités criminelles, à prévenir et à réagir aux actes terroristes, ainsi qu'à intégrer ses ressources d'enquêtes techniques et scientifiques à celles de ses principaux partenaires nationaux et internationaux au plan de l'application de la loi et au plan gouvernemental. Dans l'exercice de ses fonctions, la GRC travaille en étroite collaboration avec Citoyenneté et Immigration Canada.
Voyons maintenant en quoi consiste la relation entre nos deux organismes. Nous enquêtons sur des activités criminelles liées à l'immigration et à l'exécution des mandats. Nous sommes responsables d'enquêter sur les infractions à la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, à la Loi sur la citoyenneté et au Code criminel, notamment celles qui sont reliées à la citoyenneté, aux passeports, aux fraudes, aux faux et aux complots. Nous travaillons en partenariat avec Citoyenneté et Immigration Canada; j'élaborerai sur cette relation dans quelques instants. Nous travaillons également avec des partenaires internationaux importants; Interpol en est un bon exemple.
Au fil des ans, la relation de travail entre la GRC et Citoyenneté et Immigration Canada a évolué pour devenir un partenariat réellement intégré. L'évolution des événements au cours des dernières années a donné lieu à une plus grande convergence d'intérêts entre Citoyenneté et Immigration Canada et la GRC, notamment dans les domaines du crime organisé, du terrorisme, des crimes de guerre, de la fraude commerciale et des renseignements criminels. La GRC et Citoyenneté et Immigration Canada partagent la responsabilité d'appliquer la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur la citoyenneté. Leur partenariat a évolué pour comprendre ce qui suit: échange de renseignements, communications, recherche, prise d'empreintes digitales et vérification, renseignements et faux documents, enquêtes et poursuites judiciaires ainsi que la présence de la GRC aux cérémonies de la citoyenneté.
Un rapport récent du vérificateur général a fait état de la nécessité de renouveler la relation entre la GRC et Citoyenneté et Immigration Canada. Le protocole d'entente définit la relation de travail entre nos deux organismes. Il fournit un cadre de travail pour la coopération et la communication sur les activités et les intérêts communs, et comprend un mécanisme servant à l'examen régulier de la relation et à la résolution des conflits. Le protocole d'entente se doit d'être flexible pour permettre aux ententes régionales et locales de répondre aux réalités opérationnelles distinctes.
Un comité national mixte composé d'un nombre égal de membres de la GRC et de Citoyenneté et Immigration Canada a été mis sur pied en vertu du protocole d'entente. Les membres du comité agiront et prendront des engagements au nom de leur organisme respectif. Des comités régionaux et locaux mixtes ont également été créés en vertu du protocole d'entente. Ces derniers sont responsables des politiques et de la mise en oeuvre des programmes dans leur secteur géographique respectif. Le comité national mixte se réunit au moins une fois tous les 12 mois, ou plus souvent au besoin, afin d'examiner et d'évaluer les activités. Le rapport de cette année sera terminé sous peu.
Grâce aux fonds attribués à l'initiative sur la sécurité publique et l'antiterrorisme, la GRC et Citoyenneté et Immigration Canada ont mis sur pied des équipes intégrées d'exécution de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés à Montréal, à Vancouver et à Toronto. Le mandat de ces équipes consiste à atténuer la menace qui pèse sur la sécurité du Canada en classant par ordre de priorité des mandats d'immigration non exécutés, en appréhendant les personnes recherchées et en déterminant les menaces à la sécurité nationale. Les équipes sont réparties dans trois différents secteurs géographiques et dans chaque secteur, il y a des enjeux particuliers. Les équipes communiquent activement les unes avec les autres si un problème ou une situation en matière d'immigration risque d'excéder les limites de leur territoire de compétence. Tout renseignement opérationnel pertinent sera partagé rapidement et consigné dans les bases de données appropriées.
¹ (1555)
L'objectif global des équipes intégrées d'exécution de la Loi sur l'immigration consiste à détecter, à localiser, à interroger et à appréhender les personnes qui pourraient représenter une menace à la sécurité nationale après être entrées au Canada de façon illégale. Ces unités ont une grande capacité de générer et de recueillir des renseignements utiles à l'élaboration de renseignements essentiels sur des activités criminelles qui peuvent servir aux enquêtes liées à la sécurité nationale ou au crime organisé. Tout renseignement utile sera consigné dans les bases de données appropriées. Ces équipes sont polyvalentes et exercent plusieurs fonctions, tel qu'énoncé dans leur mandat.
Ceci termine ma présentation, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup. Voilà de très utiles explications quant au processus du certificat de sécurité et quant au rôle de vos ministères et organismes respectifs.
J'ajoute que sur la liste actuelle des personnes placées en détention, on compte sept personnes qui font l'objet d'un certificat de sécurité et 23 personnes placées initialement en détention en vertu des articles 55 et 58. Vos exposés n'ont pas vraiment évoqué les procédures prévues aux articles 55 et 58. Les membres du comité souhaiteront peut-être se renseigner à leur sujet à l'occasion des questions.
Nous allons commencer, comme d'habitude, par l'opposition officielle. Il y aura un premier tour de sept minutes pour chacun des partis, puis nous passerons à des tours de cinq minutes.
Monsieur Toews, c'est à vous.
M. Vic Toews (Provencher, Alliance canadienne): Merci, et je tiens à remercier les témoins de participer à nos travaux.
J'aimerais avoir une idée précise du processus. L'un des témoins a déclaré qu'au début du processus du certificat de sécurité, les procédures concernant les éventuelles demandes d'immigration ou de statut de réfugié sont suspendues. Est-ce bien exact?
Mme Claudette Deschênes: C'est exact.
M. Vic Toews: Une fois le processus du certificat de sécurité terminé, est-ce que les procédures concernant les demandes d'immigration ou de statut de réfugié peuvent reprendre?
Mme Claudette Deschênes: Si le caractère raisonnable du certificat est reconnu, il y a automatiquement une ordonnance de renvoi et les autres procédures ne peuvent pas reprendre. On entreprend donc le renvoi.
M. Vic Toews: La personne visée par le certificat de sécurité ne peut donc pas poursuivre ses démarches.
Mme Claudette Deschênes: C'est exact.
M. Vic Toews: Voilà pour les demandes d'immigration et de statut de réfugié. Mais qu'advient-il des poursuites pénales en cours lors de l'émission d'un certificat de sécurité?
M. Paul E. Kennedy: Ce sont deux domaines distincts. Les procédures pénales se poursuivent. Normalement, il faut décider de la procédure qu'on va suivre. Dans le cas d'une infraction pénale mineure, si le ministère peut obtenir un renvoi, c'est sans doute cette procédure qu'il va choisir.
Mais il arrive aussi qu'un individu qui se trouve illégalement au Canada se soit livré à des activités criminelles qui l'exposent à une lourde peine. Il sera alors jugé, condamné et incarcéré. Normalement, lorsqu'il peut demander sa libération conditionnelle, on l'expulse du pays, mais seulement après qu'il ait purgé sa peine.
Nous avons eu le cas de Charles Ng, qui était recherché par une autre juridiction et qui a été jugé, condamné et emprisonné au Canada. Je crois qu'il a été extradé aux États-Unis.
Il faut donc un jugement de valeur quant au degré de gravité des activités criminelles et quant à l'objectif que l'on veut atteindre.
º (1600)
Le président: Si vous me permettez d'intervenir sur une question tout à fait technique, voire logistique, on me signale que les micros actuellement utilisés par les témoins ne peuvent pas toujours être actionnés de façon indépendante. Notre technicien tient donc à vous faire savoir que vous devez vous considérer comme étant à l'antenne en permanence. Deuxièmement, n'essayez pas d'éteindre votre micro, car vous risqueriez d'éteindre aussi les autres. C'est le technicien qui allume et éteint les micros. Merci.
M. Vic Toews: Merci beaucoup.
Ainsi, d'après vos réponses, si l'individu qui fait l'objet d'un certificat de sécurité est condamné pour une infraction pénale, le certificat et l'ordonnance de renvoi restent indéfiniment valides.
M. Paul E. Kennedy: Je ne pense pas qu'il y ait eu de cas où on ait émis un certificat de sécurité dans les circonstances dont vous parlez. Je ne me souviens que d'un cas, l'affaire Chiarelli, où un membre présumé de la pègre, qui n'était pas accusé d'activité criminelle au Canada, a été reconnu en tant que membre de la pègre et a été considéré comme interdit de territoire au Canada. On s'était servi d'un certificat de sécurité parce qu'il fallait protéger des renseignements classifiés. Dans ce cas, le certificat a été maintenu et il a été renvoyé du pays.
M. Vic Toews: Il n'y a donc pas eu d'accusations criminelles.
M. Paul E. Kennedy: Non, parce qu'il ne s'était pas livré à des activités criminelles au Canada.
M. Vic Toews: La question est peut-être sans intérêt, mais selon quel critère est-ce que vous décidez d'engager ou non des poursuites pénales? Faut-il être en présence de trafic de drogue, d'une agression sexuelle grave, d'une agression violente?
M. Paul E. Kennedy: Je ne sais pas. Est-ce que vous le savez, Richard?
Comm. adj. Richard Proulx : Si l'individu a commis une infraction, nous consultons le procureur de la Couronne qui décide s'il y a lieu ou non de porter des accusations criminelles.
M. Vic Toews: Je voudrais poser une autre question. Une fois que le juge a reconnu le caractère raisonnable du certificat, l'ordonnance, comme vous l'avez dit, n'est pas susceptible d'appel, mais cela n'empêche pas le contrôle judiciaire, n'est-ce pas?
Mme Claudette Deschênes: Si, cela empêche le contrôle judiciaire dans le cadre de la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés.
M. Paul E. Kennedy: Je pourrais peut-être ajouter quelque chose, car j'ai fait référence à plusieurs arrêts de la Cour suprême du Canada.
On peut toujours contester la constitutionnalité des décisions prises, et certaines personnes se sont prévalues du droit de le faire. Dans l'un de ces cas, il s'agissait de savoir si les procédures relevaient effectivement de la justice fondamentale. Un autre cas faisait suite à la décision de la ministre de l'Immigration. Après l'émission d'un certificat de sécurité, on lui a demandé d'exercer ses pouvoirs discrétionnaires pour empêcher qu'un individu soit renvoyé dans un pays où il risquait d'être torturé. La procédure suivie et la décision prise ont fait l'objet d'une contestation en vertu de la Charte. Il est donc toujours possible d'invoquer la Charte, et on l'a fait parfois jusqu'au niveau de la Cour suprême du Canada.
M. Vic Toews: Mais de façon générale, dans ces procédures, il n'y a jamais d'ordonnances ni de brefs de certiorari, de mandamus ou d'habeas corpus.
M. Paul E. Kennedy: J'ai bien du mal à dire « il ne faut jamais dire jamais ». Le régime ne prévoit pas de procédure de ce genre, mais il y a déjà eu des pourvois accessoires qui ont amené la cause devant un autre tribunal. En tant qu'ancien avocat, vous savez comme il est difficile d'empêcher un avocat d'exercer tous les recours. La loi n'a donc pas prévu d'appel de la décision du juge de la Cour fédérale qui se prononce sur le caractère raisonnable du certificat, mais un pourvoi accessoire est toujours possible.
M. Vic Toews: Parfait; j'en resterai là pour l'instant et peut-être pourra-t-on poursuivre avec quelqu'un d'autre.
º (1605)
Le président: Merci, monsieur Toews. Nous sommes presque dans les temps
Monsieur Laframboise, vous avez sept minutes.
[Français]
M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.
Vous avez beaucoup insisté sur le fait qu'il faut protéger les droits de l'État lorsqu'ils sont en opposition avec les droits de l'individu, probablement parce que certaines personnes se sont adressés aux tribunaux. Vous avez insisté là-dessus, monsieur Kennedy, dans votre exposé. Quelque chose m'inquiète. Dans votre texte, vous prenez la peine de souligner qu'il ne s'agit pas de procès secrets, mais ces ressortissants sont des individus! Cette procédure, l'émission d'un certificat de sécurité, affecte des ressortissants étrangers ou des résidents permanents. Ma question, qui porte sur les droits de l'individu, est la suivante: à quelle étape du processus interroge-t-on l'individu? Est-ce qu'on l'interroge? Est-ce qu'on parle à l'individu?
Mme Claudette Deschênes: Je vais répondre à cette question au plan de l'immigration. Lorsqu'une cause est débattue en cour fédérale, un sommaire est préparé et est présenté à l'individu une fois que le juge a étudié l'information classifiée et a décidé si l'information doit rester confidentielle pour des raisons de protection de sources ou à cause de la façon dont l'information a été recueillie. Le juge a l'occasion de parler à l'individu, et l'individu peut faire comparaître des témoins pour présenter sa version des faits. Le sommaire qui est remis à l'individu explique pourquoi on pense que cette personne constitue un danger pour la sécurité du Canada.
M. Mario Laframboise: Étant donné que nous avons tous droit à une défense pleine et entière, l'individu peut-il se faire accompagner par un avocat qui peut interroger et contre-interroger le témoin et même poser des questions à la GRC? La procédure est-elle identique à ce à quoi tout citoyen a droit? S'agit-il d'une procédure semblable?
[Traduction]
M. Paul E. Kennedy: Oui, le régime de la défense est très complet. Je voudrais citer en référence l'arrêt Suresh de la Cour suprême du Canada. À la page 9 de ce document, il est question de 50 jours d'audiences en août 1997. C'est donc l'équivalent d'un véritable procès devant un tribunal. La personne visée est représentée par un avocat, qui contre-interroge les témoins présentés par l'État, et qui peut présenter ses propres preuves. Il peut intervenir longuement. Dans ce cas particulier, les audiences ont duré 50 jours.
C'est comme un procès ordinaire. La seule différence, c'est que nous nous adressons au juge à huis clos pour lui dire : « Il y a ici certains renseignements qui sont classifiés et qui, en cas de divulgation, risquent d'être préjudiciables à nos informateurs, à une enquête en cours, à certaines techniques ou à certaines relations confidentielles. Pouvez-vous en faire un résumé judiciaire qu'on pourra remettre à la partie adverse? »
Voilà donc le compromis que l'on fait. Ensuite... Les témoins sont convoqués, ils témoignent sous serment et sont contre-interrogés; l'individu et son avocat peuvent intervenir aussi vigoureusement qu'ils le souhaitent au cours des procédures.
[Français]
M. Mario Laframboise: Si je comprends bien, il y a détention automatique après l'émission d'un certificat de sécurité dans le cas d'un ressortissant étranger et c'est du cas par cas pour un résident permanent. Pouvez-vous donner des exemples concrets de cas s'appliquant à des résidents permanents? Quels sont les types de détention? Pouvez-vous donner des exemples de la façon dont on peut procéder?
Mme Claudette Deschênes: Je ne suis pas sûre de comprendre votre question.
M. Mario Laframboise: Je me réfère à la page 7 de votre rapport.
Mme Claudette Deschênes: Je ne peux pas donner d'exemple concret. Depuis que je travaille à ce genre de cas, on a toujours réclamé la détention lorsqu'il s'agissait d'un résident permanent. Par contre, même si un certificat de sécurité a été émis dans le cas de Suresh, il n'est pas détenu présentement; il est en liberté, mais à la condition de se rapporter au service d'immigration.
º (1610)
M. Mario Laframboise: Suresh est-il résident permanent?
Mme Claudette Deschênes: Oui.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Laframboise.
Il reste encore trois périodes de sept minutes. Je vais donner la parole à M. McKay, à M. Clark et à M. Nystrom.
Monsieur McKay, c'est à vous.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier nos témoins.
Au cours de la présente législature ou de la précédente, on a adopté le projet de loi C-36, qui nous a causé bien des angoisses, et pourtant, dans ce cas, vous choisissez de ne pas recourir aux dispositions de cette loi et d'appliquer plutôt les dispositions de la Loi sur l'immigration. Par quel raisonnement en arrivez-vous là?
M. Ward Elcock: Je ne sais pas exactement à quoi vous faites référence. S'agit-il des certificats de sécurité, des 27...?
M. John McKay: Oui, de tous ces gens-là.
M. Ward Elcock: Ce sont tous des ressortissants étrangers ou des immigrants reçus. Aucun d'entre eux n'est citoyen canadien.
Dans bien des cas, nous avons des renseignements qui nous permettent, comme je l'ai dit dans mon exposé, de conclure que l'individu menace la sécurité nationale d'après ce que nous savons de lui, de ses rapports avec différentes personnes ou divers organismes, etc. Mais il se peut qu'il ne se soit livré à aucune activité criminelle. Si l'on pense aux 19 terroristes auteurs de l'attentat contre le World Trade Center, aucun d'entre eux ne s'était sans doute livré à des activités criminelles avant qu'ils ne précipitent les avions sur les bâtiments visés. Dans certains cas, quand on a affaire à des gens dont on sait qu'ils constituent une menace, en particulier s'ils ne sont pas citoyens du Canada ou qu'ils n'ont pas encore obtenu de statut au Canada, on peut les renvoyer.
M. John McKay: Je vais poser ma question différemment. S'il s'agissait de citoyens du Canada, est-ce que vous auriez recours au projet de loi C-36?
M. Ward Elcock: S'ils étaient tous citoyens canadiens, à moins qu'on ne puisse prouver qu'ils avaient obtenu leur citoyenneté par des moyens frauduleux, il faudrait obligatoirement appliquer les dispositions du projet de loi C-36.
M. John McKay: Rien ne vous empêche donc d'appliquer le projet de loi C-36 contre des personnes qui sont des réfugiés ou des immigrants reçus, des non-citoyens, si l'on veut.
M. Ward Elcock: Non.
M. John McKay: Est-ce qu'en optant pour la Loi sur l'immigration, on a davantage de recours qu'en optant pour le projet de loi C-36?
M. Ward Elcock: Non, on a simplement un recours contre quelqu'un qui n'est pas encore citoyen canadien. Bien des gens cherchent à acquérir la citoyenneté canadienne. Celui qui ne l'a pas encore acquise ne bénéficie pas des protections qu'elle confère, et le Parlement du Canada a considéré que ceux qui sont vus comme une menace pour la sécurité ou qui sont membres d'une organisation criminelle, par exemple, peuvent être renvoyés du pays.
M. John McKay: Est-ce que l'évaluation des risques ou la préparation du certificat peuvent être différents selon qu'on a affaire à quelqu'un qui a ou n'a pas la citoyenneté?
M. Ward Elcock: Il y a effectivement des différences importantes entre cette procédure et les poursuites pénales prévues dans le projet de loi C-36.
M. John McKay: La norme fixée par le projet de loi C-36 est donc peut-être supérieure à celle de la Loi sur l'immigration.
M. Ward Elcock: Dans le cas d'un citoyen canadien, la norme concernant les poursuites en vertu du projet de loi C-36 est effectivement plus élevée.
M. John McKay: En un sens, il n'y a guère à se poser de questions : quand vous avez affaire à quelqu'un qui n'a pas la citoyenneté, vous invoquez la Loi sur l'immigration.
M. Ward Elcock: Cela dépend, comme l'a dit M. Kennedy à propos de certains criminels, et l'on pourrait dire la même chose à propos de certains individus qui ont des liens terroristes. On peut considérer dans certains cas qu'ils doivent être jugés au Canada. Parfois ils ont commis des crimes ailleurs et sont recherchés ailleurs, ou ils sont soupçonnés de crimes dans des pays vers lesquels on ne veut pas les déporter. Il n'y a pas de réponse absolue. Il faut examiner chaque cas individuellement pour se prononcer.
M. Paul E. Kennedy: Puis-je ajouter quelque chose pour vous aider un peu?
L'une des choses que nous avons essayé de faire quand nous avons présenté le projet de loi C-36 a été de donner à l'État un éventail d'outils, dont la poursuite criminelle. Il y avait aussi des outils visant le financement du terrorisme et aussi, naturellement, la procédure de renvoi.
Il y a cependant une chose qu'on ne peut pas criminaliser rétroactivement, ce sont les activités. À partir du 24 décembre 2001, on a défini les activités terroristes et établi une certaine mens rea qui nous permettait de dire qu'une infraction était de nature terroriste et justifiait des poursuites. Mais ce n'était pas le cas avant, et ce genre d'activité échappait donc à cette catégorisation.
D'autre part, on peut renvoyer quelqu'un qui n'a pas encore commis d'acte criminel au Canada en vertu de la Loi sur l'immigration, et c'est donc un outil proactif. Les niveaux et normes de preuve sont différents. Dans le cas du Code criminel, on doit procéder au-delà de tout doute raisonnable; dans celui-ci, il s'agit de savoir s'il existe ou non des motifs raisonnables de croire.
Les preuves présentées au tribunal sont énoncées de vive voix et sont des preuves prima facie. Nous avons permis ici aux ministres de s'appuyer sur des preuves par ouï-dire, non classifiées et non assujetties aux techniques normales. Il y en a tout un éventail car les intérêts ne sont pas les mêmes quand on a un procès criminel et le stigmate de l'incarcération et quand il s'agit de renvoyer quelqu'un du pays.
Les tribunaux eux-mêmes ont examiné la question et décrété qu'il y avait des échelles différentes et que même si l'on est citoyen, le régime en place n'est pas le même pour quelqu'un qui n'a pas le droit de se trouver au pays que pour quelqu'un qui y est. Il y a donc des normes différentes, des règles de preuve différentes et des recours différents sur lesquels on peut s'appuyer selon les circonstances.
º (1615)
M. John McKay: Donc, si vous aviez le choix, vous choisiriez presque automatiquement le recours de l'immigration plutôt que celui du projet de loi C-36.
M. Ward Elcock: Pas nécessairement.
M. John McKay: Non? Donnez-nous un exemple de cas où vous préféreriez...
M. Ward Elcock: Le problème des exemples hypothétiques, monsieur le président, c'est que tout est possible. On peut imaginer toutes sortes de situations hypothétiques et je ne vais pas commencer à me lancer dans des hypothèses parce qu'on peut toujours chipoter sur des hypothèses. Ce qui nous intéresse, ce sont des cas réels, des individus concrets, des liens réels et des organisations terroristes réelles, et nous déterminons la meilleure marche à suivre en fonction de chaque cas.
Je ne me fais pas une opinion en fonction d'une liste de cas hypothétiques et je ne cherche pas à voir si l'affaire correspond à tel ou tel modèle pour déterminer la marche à suivre. C'est en fonction de l'examen de chaque cas que nous déterminons la meilleure façon d'agir en l'occurrence.
Le président: Merci, monsieur McKay.
Monsieur Clark, vous avez sept minutes.
Le très hon. Joe Clark (Calgary-Centre, PC): Merci.
Monsieur Elcock, vous avez répondu à M. McKay de façon catégorique. Il doit bien y avoir quelque chose qui vous guide lorsque vous choisissez le recours que vous allez utiliser. Pourriez-vous développer votre réponse? Je ne vous demande pas de spéculer, je cherche simplement à comprendre ce qui vous permet d'être aussi catégorique.
M. Ward Elcock: La réponse que j'ai donnée avec beaucoup d'insistance était simplement qu'il est impossible de dire que nous préférerions toujours procéder par voie d'expulsion que par voie pénale. En réalité, tout dépend des circonstances de l'affaire et des conclusions qu'on est amené à tirer de ces circonstances, des preuves qu'on a pu réunir ainsi que de la justification qu'on peut donner à l'une ou l'autre option.
M. Joe Clark: Je pense que le comité voudrait savoir quels sont les critères à partir desquels ce genre de décisions sont prises, et si vous pouvez nous aider à un moment donné en nous éclairant sur les éléments qui peuvent conduire à ce genre de décisions, je vous en saurais gré.
Je crois vous avoir entendu dire que la majorité des dossiers ouverts en vertu de l'article 77 provenait du SCRS. Qui d'autre pourrait en faire ouvrir un?
M. Ward Elcock: Je pense que la GRC en a probablement ouvert quelques-uns en vertu du code pénal et il est d'ailleurs tout à fait possible que ce soit le cas.
M. Joe Clark: Depuis 1991, est-il arrivé qu'un ministre ait refusé de donner suite à une demande d'émission de certificat?
M. Ward Elcock: Pas que je me souvienne.
M. Joe Clark: Si cela était arrivé, vous vous en souviendriez.
M. Ward Elcock: Sans doute, monsieur le président.
M. Joe Clark: Bon, cela ne s'est donc jamais produit.
Pour revenir à la page 5 de votre texte, vous dites que vos informations proviennent de sources fiables et multiples. Par sources multiples, qu'entendez-vous au juste? Ce que je veux dire, c'est qu'il doit bien y avoir des sources différentes, et pas nécessairement des membres différents de la même famille.
M. Ward Elcock: Non, monsieur le président. Il peut s'agir d'informations qui nous proviennent des services étrangers, de nos propres écoutes électroniques ou d'autres opérations que nous conduisons. Il peut s'agir de sources humaines, ou encore d'informations qui sont la résultante d'enquêtes que nous menons nous-mêmes à l'étranger. Il y a donc toute une série de sources possibles.
M. Joe Clark: Et vous ne bougez pas tant et aussi longtemps qu'une information n'a pas été corroborée par une autre source, n'est-ce pas?
M. Ward Elcock: En effet. On s'imagine, et j'ai assisté à d'autres séances de comité où certaines personnes semblaient croire que nous fonctionnons sur la base de dénonciations secrètes un peu comme les comités de citoyens à l'époque de la Révolution française. Ce n'est pas cela du tout. Si nous n'avons pas suffisamment d'informations qui justifient d'intenter des procédures à l'encontre de quelqu'un, nous ne bougeons pas.
º (1620)
M. Joe Clark: Mais le fait de devoir avoir suffisamment d'informations communicables pour justifier une demande de certificat représente-t-il une limite suffisante?
M. Ward Elcock: Cela est important, monsieur le président, parce que les juges veulent, ce n'est pas nouveau, pouvoir donner autant d'informations que possible à la personne en cause. Ils veulent que le processus soit aussi ouvert que possible, et nous avons assurément fait le maximum pour respecter cette condition sur laquelle les juges insistent.
Mais la réalité est qu'il arrive que nous ne puissions pas le faire. La réalité est que dans certains cas, nous parvenons néanmoins à le faire en dépit de toutes les difficultés. La réalité est que dans certains cas, nous trouvons parfois le moyen de le faire. Jusqu'où nous pourrions aller, encore une fois cela dépend de la nature du dossier, du poids de la preuve et de la gravité de la chose mais, ici aussi, c'est le genre de jugement de valeur qu'il faut porter au cas par car.
M. Joe Clark: Vous est-il déjà arrivé de renoncer à procéder par voie de certificat parce que vous n'aviez pas découvert suffisamment...?
M. Ward Elcock: Non.
M. Joe Clark: Je ne veux pas pinailler sur les mots, mais je constate néanmoins une petite différence entre ce qu'on peut lire à la page 6 et ce que vous avez dit oralement, en l'occurrence lorsque vous avez parlé des terroristes sikhs et des terroristes arabes laïcs, après quoi vous avez parlé d'un « extrémiste de droite ». L'avez-vous fait par inadvertance ou cette mention a-t-elle du poids? L'extrémiste de droite, c'est M. Zundel, j'imagine.
M. Ward Elcock: En effet.
M. Joe Clark: S'agissait-il d'un cas exceptionnel? Envisagez-vous la possibilité d'autres actions du même genre animées par le même type d'extrémisme, et comment définissez-vous l'extrémisme?
M. Ward Elcock: Il serait facile de qualifier de terroristes ou d'extrémistes certains de ces individus, les deux sont possibles, car le mot « extrémiste » peut valoir pour toutes sortes de péchés différents.
M. Zundel est assurément célèbre et c'est également un extrémiste fervent de la droite. Je ne sais pas si j'irais jusqu'à lui donner le qualificatif de terroriste, mais il est certain que c'est un extrémiste.
M. Joe Clark: Madame Deschênes, vous avez dit qu'il arrivait que ces certificats soient signés par le substitut du ministre. De qui s'agit-il?
Mme Claudette Deschênes: Je voulais parler de l'évaluation des risques avant le renvoi. Le certificat quant à lui doit toujours être signé par le ministre.
M. Joe Clark: Il semblerait que trois de ces certificats de sécurité aient été annulés. Sont-ce les trois seuls qui aient été annulés depuis 1991?
M. Ward Elcock: C'est exact. Je pense que l'un de ces trois certificats est celui qui a découlé de la première audition de Jaballah. En réalité donc, deux certificats seulement ont été annulés.
M. Joe Clark: Lorsqu'un juge décide d'accueillir ou non une demande, doit-il se fonder sur certains critères et, si oui, ces critères sont-ils rendus publics ou peuvent-ils l'être?
M. Ward Elcock: Que je sache, il n'y a pas...
M. Joe Clark: Vous ne souhaitez pas deviner les intentions des juges?
M. Ward Elcock: Non, je ne suis pas là pour cela. Mais que je sache, il n'y a pas de critères qui s'appliquent à ce genre de dossiers, hormis ce qu'on peut trouver dans les jugements précédents, c'est-à-dire essentiellement des textes qui sont du domaine public.
M. Paul E. Kennedy: En passant, il n'y a pas qu'ici que ce soit le cas. Dans un procès pénal, lorsque nous faisons une demande d'écoute électronique, le juge de première instance peut examiner le dossier. Il prend connaissance de l'affidavit présenté à l'appui de la première demande, et en l'occurrence il fait la même chose : il oblitère des passages et décide au bout du compte de ce qui pourra être divulgué ou non. Il y a donc cette fonction de censure. Le projet de loi C-36 modifie également la Loi sur la preuve au Canada pour donner précisément ce genre de pouvoir aux juges. Jusqu'à présent, nous disions que cette information ne pouvait pas être divulguée pour des raisons de sécurité nationale. Le résultat était que personne n'avait accès à ce genre d'information. Dorénavant, nous donnons aux juges le pouvoir de composer ce genre de résumé qui pourra donc être utilisé lors d'un procès pénal faisant intervenir des renseignements classifiés. Nous faisons donc toute confiance à la magistrature.
Le président: Merci, monsieur Clark.
Nous allons maintenant passer à M. Nystrom qui dispose de sept minutes.
M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci beaucoup, monsieur le président.
Combien de temps s'écoule-t-il en moyenne entre le moment où un ressortissant étranger est mis en garde à vue sous couvert d'un certificat de sécurité et le moment où la cause est entendue par un juge fédéral?
M. Ward Elcock: Je ne saurais vous donner un chiffre précis, mais dans le grand ordre des choses, la durée de détention est relativement courte. Ce n'est pas très long. Et à partir de là, à tout le moins lorsque le dossier est instruit par un tribunal, tout dépend du rôle de celui-ci mais également de l'avocat de la défense qui a évidemment besoin d'un certain temps pour préparer sa cause.
º (1625)
M. Lorne Nystrom: Est-ce qu'il y a quelqu'un d'autre qui pourrait ajouter quelque chose?
M. Paul E. Kennedy: Je crois que la loi prévoit sept jours. Lorsque la demande est présentée, les documents sont renvoyés immédiatement au juge. Quant au moment de l'arrestation, je crois que la personne doit comparaître dans les sept jours. Ainsi le tribunal peut commencer à étudier le dossier assez rapidement. M. Elcock a bien décrit ce qui se produit par la suite. Puis, tout dépend de l'avocat s'il demande l'ajournement pour se préparer ou pour trouver d'autres témoins, comme c'est le cas pour toute procédure accusatoire.
M. Lorne Nystrom: Vous dites qu'on attend donc peu de temps avant le procès. Combien de semaines ou combien de jours?
M. Ward Elcock: Encore une fois, cela dépend du temps qu'il faudra à l'avocat de la défense pour se préparer et cela ne dépend absolument pas de nous.
M. Lorne Nystrom: Vous connaissez assez bien les affaires où des certificats ont été déposés et où il y a eu procès; avez-vous eu des problèmes à l'égard des droits conférés par la Charte en raison de la rapidité du processus?
M. Ward Elcock: Je ne me souviens pas d'une affaire où l'on ait soulevé la question d'un procès rapide. D'aucuns ont demandé à l'occasion si le certificat était bien raisonnable après que la décision ait été rendue lors de la procédure d'expulsion. Si je me souviens bien, on parlait du caractère constitutionnel, mais à ma connaissance cela n'a pas été soulevé lors des procès.
M. Paul E. Kennedy: Si on remonte loin en arrière, je suis convaincu qu'il y a eu des cas où quelqu'un a demandé un bref d'habeas corpus parce qu'il n'y a pas de cautions prévues ou de jurisprudence qui indiquent si le juge doit relâcher le prévenu sous caution.
C'est justement le cas de M. Ahani, qui était supposément un assassin iranien. Et il était au Canada depuis un très grand nombre d'années. Le certificat a été confirmé puis il a demandé à la Cour suprême du Canada de se prononcer en demandant des auditions sur divers sujets. Je crois que l'affaire Ahani est le seul cas où une longue période s'est écoulée, et dans cette affaire c'était attribuable aux contestations présentées par le prévenu qui désirait rester au Canada et ne pas être renvoyé en Iran.
M. Lorne Nystrom: Le délai de traitement de ces affaires est-il à votre avis raisonnable?
M. Paul E. Kennedy: La loi vise à forcer l'État, une fois le certificat signé et le prévenu arrêté, à confier l'affaire le plus rapidement possible à un juge pour qu'il y ait audience le plus rapidement possible. Puis, le reste de l'affaire se déroule un peu comme si vous aviez été arrêté pour acte criminel grave, si vous étiez traduit devant les tribunaux. Ce sont les tribunaux qui décident de la façon dont se dérouleront les choses et ils attendront que l'avocat soit prêt. Évidemment, les tribunaux ne forceront pas un avocat à intervenir avant qu'il ne soit prêt afin de ne pas porter préjudice à ses droits. C'est la façon dont les tribunaux fonctionnent habituellement.
M. Lorne Nystrom: Je crois que vous avez dit que certains renseignements demeuraient confidentiels et n'étaient pas divulgués. Comment déterminez-vous ce qui doit demeurer confidentiel?
M. Ward Elcock: Il suffit que nous disions à un juge qui entend une affaire que certains renseignements doivent rester confidentiels. Il peut s'agir de renseignements qui permettraient d'identifier nos sources humaines. Il peut s'agir de renseignements qui permettraient d'identifier d'autres enquêtes. Il y a plusieurs raisons pour lesquelles nous pouvons dire au juge que la divulgation de cette information serait inappropriée et pourrait nuire à la sécurité nationale. Il appartient ensuite au juge de décider s'il est ou non d'accord avec nous. Nous discutons périodiquement de ces questions avec le juge. S'il est d'accord avec nous, nous présentons un résumé de cette information à l'individu. Ces renseignements pourraient se retrouver dans les documents qu'il a et qui pourraient lui donner une idée de ce que nous savons sans qu'il puisse identifier, par exemple, une source humaine.
M. Lorne Nystrom: Vous avez donc une liste de critères. C'est le juge qui décide. Avez-vous établi une jurisprudence au fil des années ou est-ce que chaque cas est un cas individuel?
M. Ward Elcock: Non, voici comment nous procédons, monsieur le président. Il y a certaines choses qui doivent rester confidentielles. Or, si les juges commencent à décider qu'il n'est pas nécessaire d'assurer la confidentialité de certains renseignements, il est évident que notre opinion à cet égard changera légèrement. De façon générale, ce que nous devons protéger ce sont nos sources et nos méthodes.
M. Lorne Nystrom: Ma dernière question concerne le droit à un procès public. Est-ce qu'il y a atteinte à ce droit en raison des critères ou est-ce que le juge protège ce droit lorsqu'il rend sa décision?
M. Paul E. Kennedy: Eh bien, comme je l'ai déjà mentionné, nous avons bien sûr déjà comparu devant le Parlement. Ce sont la Cour suprême et le Parlement qui nous ont accordé ces pouvoirs il y a déjà assez longtemps. Ces pouvoirs ont été contestés jusqu'en Cour suprême du Canada. La Cour suprême dit qu'ils sont compatibles avec la Charte et ils ont servi de modèles à d'autres autorités. Je ne sais pas à quelle autre instance nous pourrions nous adresser pour être assurés que nous avons trouvé le juste équilibre entre des intérêts opposés. Il n'y a plus personne à qui nous pourrions demander de nous donner son sceau d'approbation.
Il est évident que les personnes qui ne sont pas d'accord avec ces décisions s'en plaindront. Les personnes qui veulent un renseignement qui n'a pas été fourni diront : « Mon procès ne sera pas équitable à moins que vous me donniez ce renseignement. ». Les tribunaux ont reconnu et ont déclaré qu'il y a des raisons d'État opposés. Les raisons d'État sont celles qui permettent aux organismes de l'État de protéger le public. Si certaines choses étaient divulguées, nous ne pourrions plus faire enquête et la sécurité du public serait compromise.
C'est ce que les tribunaux ont reconnu. Certaines choses ne doivent pas être divulguées. Les tribunaux ont dit qu'il n'était pas essentiel que ces personnes sachent ces choses pour savoir de quoi on les accuse et pour pouvoir se défendre. Les tribunaux se sont prononcés explicitement sur cette question.
º (1630)
M. Lorne Nystrom: Monsieur le président, j'aimerais poser une dernière question au directeur du SCRS.
Dans de nombreuses années, lorsque vous serez à la retraite et que vous vous bercerez dans votre fauteuil, lorsque vous réfléchirez au passé, penserez-vous que le SCRS avait trop de pouvoir à cet égard ou pas assez de pouvoir? Pouvez-vous nous révéler le fond de votre pensée? Nous promettons de ne pas le répéter.
M. Ward Elcock: Monsieur le président, c'est un processus très lourd pour nous. Nous avons un processus pour nous assurer que les documents que nous produisons reposent sur des faits, sur les preuves les plus solides que nous puissions trouver et je pense que mes employés ont fait un travail extraordinaire dans chacun de ces cas. Comme je le disais, ces affaires exigent énormément de ressources. Au bout du compte, il nous en coûte plus d'un million de dollars pour une seule de ces affaires. Ce ne sont pas des dossiers que nous montons à la va-vite sur la foi d'une seule accusation. Cela coûte très cher. C'est difficile. C'est un processus très lourd.
Lorsque nous sommes allés de l'avant c'est parce que nous avions jugé que les personnes en cause présentaient de graves menaces et que nous devions les poursuivre.
Le président: Merci, messieurs Elcock et Nystrom.
Je donne maintenant la parole à M. Sorenson. Pour rendre service à l'opposition officielle, je permettrai à M. Toews d'utiliser une partie du temps de M. Sorenson.
Cela vous va?
M. Kevin Sorenson (Crowfoot, Alliance canadienne): Je ne savais pas que j'avais du temps. Il allait terminer, mais je peux bien poser une question.
Le président: C'est comme vous voulez, monsieur Sorenson.
M. Kevin Sorenson: Pouvez-vous m'expliquer pourquoi vous devez affecter un million de dollars de ressources avant d'émettre un certificat. Je vois déjà par votre réaction que j'ai mal compris.
M. Ward Elcock: Non. Au bout du compte, bon nombre de ces affaires...
M. Kevin Sorenson: [Note de la rédaction : Inaudible]
M. Ward Elcock: Chaque cas est différent et le coût varie de l'un à l'autre.
M. Kevin Sorenson: En général, quel est l'échéancier lorsque vous décidez qu'un ressortissant étranger qui se trouve au pays constitue un risque et que vous devez émettre un certificat?
M. Ward Elcock: Il n'y a pas d'échéancier rigide. Cela prend quelques semaines. Mais rappelez-vous que dans la plupart des cas nous recueillons des renseignements pendant un certain temps. Il nous faut parfois des années pour monter un dossier contre une cible particulière, un individu ou un groupe. Dans ce sens, on pourrait dire que cela commence bien avant la décision de préparer un rapport sur les renseignements de sécurité (RRS) au sujet d'un individu. La rédaction du RRS se fait assez rapidement, en fonction de ce que nous avons dans nos dossiers, des renseignements que nous détenons, du nombre d'endroits où nous devons faire des vérifications, etc.
M. Kevin Sorenson: Vous arrive-t-il d'hésiter...
M. Ward Elcock: Chaque cas est très différent. Lorsque j'ai parlé d'un million de dollars, je songeais aux affaires très importantes et dans bien des cas nous devons affecter des ressources considérables qui nous coûtent très cher.
M. Kevin Sorenson: Est-ce qu'il vous arrive d'hésiter avant d'émettre un certificat—si vous savez que vous devez agir aussi rapidement que possible mais que vous avez l'impression de ne pas avoir les ressources nécessaires pour porter l'affaire devant un juge?
M. Ward Elcock: Non. Dans les cas où nous croyons devoir procéder par voie de certificat de sécurité, nous le faisons; nous n'avons jamais renoncé à le faire sous prétexte de ne pas avoir assez d'argent. Je pense que le processus est efficace. Bien qu'il soit lourd et dispendieux, il est efficace et c'est donc un processus important.
M. Kevin Sorenson: Tout à l'heure—et je ne me souviens plus au juste qui a soulevé cette question—vous disiez que vous devez parfois décider si des accusations seront portées au Canada ou si l'individu sera renvoyé dans un autre pays. Il s'agissait peut-être d'accusations au pénal, qui ne sont pas à confondre avec les certificats de sécurité. Est-ce bien de cela dont vous parliez?
º (1635)
M. Ward Elcock: Non. Je pense plutôt qu'on m'a demandé si, dans le cas d'un immigrant ou d'un ressortissant étranger, nous procéderions toujours par voie de certificat de sécurité, avec pour aboutissement l'expulsion de la personne en question, au lieu d'essayer, avec la GRC, de monter un dossier sous le coup du projet de loi C-36, le projet de loi antiterrorisme, afin de poursuivre devant les tribunaux, et j'avais simplement dit qu'il n'y avait pas de réponse toute faite. Effectivement, très souvent nous aurons recours au certificat de sécurité. Mais il est également concevable qu'il y ait des cas dans lesquels nous préférerions porter des accusations au pénal et, s'il s'agit de quelqu'un qui a la citoyenneté canadienne, nous devrions de toute évidence aller devant les tribunaux.
M. Kevin Sorenson: Le genre de peine auquel la personne en question pourrait être condamnée à l'étranger par rapport à ce qui serait le cas au Canada est-il un élément qui est pris en considération? Est-ce en fonction de cela qu'on décide de juger cette personne ici ou de la renvoyer?
M. Ward Elcock: Dans certains cas, il n'y aurait peut-être même pas crime à l'étranger, de sorte qu'il ne pourrait pas y avoir condamnation non plus. La question est de savoir s'il faut simplement les expulser.
Le président: Merci, monsieur Sorenson.
Madame Jennings, vous avez cinq minutes.
[Français]
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie pour les présentations. Je pense que mes collègues ont assez bien couvert la question des certificats de sécurité, du nombre de personnes, du nombre de certificats de sécurité qui ont été émis depuis 1991, du nombre de certificats maintenus par la cour, dans quelles conditions cela a été fait, etc.
Il y a eu beaucoup de couverture médiatique du Project Thread, et il semble qu'aucun des individus arrêtés et détenus ne l'ont été en vertu d'un certificat de sécurité, puisque leurs noms ne figurent pas sur la liste qu'on nous a remise et qui a été mise à jour le 23 septembre. Cela a donc été fait en vertu des dispositions de la Loi sur l'immigration et de la protection des réfugiés.
En plus d'alléguer que la loi n'est pas juste et de s'y opposer, les conseillers juridiques de certains de ces détenus ont prétendu qu'il y a eu application abusive de certains pouvoirs. Je suis très au courant du système qui existe sur le suivi des plaintes d'abus d'autorité.
Dans le cas de la GRC, il existe la Commission des plaintes du public contre la GRC, ainsi que le Comité externe d'examen de la GRC. Il existe un autre comité, appelé CSARS, qui a tout un pouvoir de contrôle. J'aimerais savoir ce qui existe au niveau de l'immigration. À quoi peut faire appel quelqu'un qui pense que les pouvoirs d'arrestation ont été utilisés de façon abusive ou de façon contraire à la loi, peu importe que la loi soit juste ou qu'il y ait une preuve? Quel système de contrôle indépendant existe-t-il permettant aux gens de porter plainte?
Mme Claudette Deschênes: Je répondrai que le système qui existe présentement est toujours réexaminé par des décideurs indépendants.
[Traduction]
Si nous arrêtons quelqu'un et si nous mettons cette personne en détention, nous devons nous justifier devant un membre indépendant, devant la Commission de l'immigration et du statut de réfugié, ce qui garantit que nous agissons bien selon la loi.
Personne ne contrôle les agissements de Citoyenneté et Immigration Canada de façon indépendante. Si donc nous donnons l'impression d'avoir arrêté quelqu'un injustement, ce quelqu'un peut toujours nous poursuivre au civil pour abus de pouvoir. Il n'y a pas de contrôle...
Mme Marlene Jennings: Il n'a jamais été question de mettre en place un mécanisme de contrôle indépendant au ministère puisque ce ministère a, comme on peut le prétendre, des pouvoirs policiers, le pouvoir de faire appliquer la loi, alors que le SCRS et la GRC ont chacun leur mécanisme de contrôle indépendant, n'est-ce pas? Voilà le problème. C'est ce qu'on peut lire tous les jours dans les journaux.
Oubliez donc l'argument selon lequel nous serions contre le projet de loi C-36 ou simplement contre le fait que les fonctionnaires de l'immigration aient des pouvoirs policiers, oubliez tout cet argument. Mais pour ce qui est de l'application de ce genre de pouvoir, les médias et le public ne se privent pas de clamer que les gens du ministère de l'Immigration font une utilisation abusive de ce genre de pouvoir.
Le ministère s'est-il jamais demandé s'il ne serait pas utile de créer un mécanisme de contrôle indépendant précisément pour contrer ce genre de perception—qui n'a peut-être pas de fondement réel—comme c'est le cas au SCRS et à la GRC?
º (1640)
Mme Claudette Deschênes: Je voudrais que nous comprenions tous bien que, pour les cas qui nous occupent ici, ces gens ont été arrêtés par la GRC et que donc il a pu y avoir contrôle. Pour nous au ministère, chacune de nos décisions peut faire l'objet d'un examen judiciaire, d'un examen par un organisme indépendant. Je pense qu'à l'heure actuelle, nous estimons qu'il existe déjà suffisamment de garanties, suffisamment de poids et de contrepoids.
Mme Marlene Jennings: Je vous remercie.
Le président: Merci, madame Jennings.
Je donne maintenant la parole à M. Wappel pour cinq minutes.
M. Tom Wappel (Scarborough-Sud-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président.
Est-ce que les témoins nous ont bien remis cette liste? Oui. D'accord, merci.
J'aurais quelques questions à poser à ce sujet, si vous voulez bien, avant de passer à autre chose. Que veut dire l'expression « en cours d'instance »?
M. Paul E. Kennedy: De quoi voulez-vous parler?
M. Tom Wappel: « En cours d'instance ». Il s'agit des trois cas...
M. Ward Elcock: Tout ce que cela veut dire, monsieur le président, c'est que le processus d'expulsion n'est pas encore terminé.
M. Tom Wappel: Mais toutes les requêtes, toute la procédure judiciaire sont terminées, et il ne reste donc plus qu'à expulser la personne en question.
M. Ward Elcock: Et dans les deux cas, le certificat a été jugé raisonnable.
M. Tom Wappel: Il y en a encore trois qui sont devant la Cour, plus celui qui est réexaminé par le ministère. Pourquoi le dossier de M. Suresh fait-il ainsi l'objet d'une révision étant donné ce qu'on peut lire dans le jugement de la Cour suprême?
Mme Claudette Deschênes: Parce que cet arrêt disait que nous devions donner au requérant la possibilité de dire pourquoi il avait peur de rentrer dans son pays.
M. Tom Wappel: C'est d'ailleurs l'une des causes les plus anciennes.
Peu importe, ce que je constate, c'est que trois de ces décisions ont été invalidées, de sorte que 10 p. 100 environ ont été invalidées et que 90 p. 100...
M. Ward Elcock: En fait, il n'y en a eu que deux, monsieur le président.
M. Tom Wappel: Je vous demande pardon?
M. Ward Elcock: Deux décisions seulement ont été invalidées.
M. Tom Wappel: Effectivement, vous avez dit quelque chose dans ce sens un peu plus tôt, monsieur Elcock. Pourriez-vous préciser? Vous parliez de la première affaire, Sarah Smith ou Joseph Smith, je pense?
M. Ward Elcock: Non, le premier certificat établi à l'encontre de M. Jaballah a été invalidé. Nous en avons émis un second à son encontre, et cette fois-ci, le tribunal l'a jugé raisonnable.
M. Tom Wappel: Il figure donc deux fois sur la liste, n'est-ce pas?
M. Ward Elcock: En effet.
M. Tom Wappel: J'avais cru en compter 27, mais dans ce chiffre, son nom revient deux fois. J'ai compris. Merci.
Est-ce que ces gens auraient pu tomber sous le coup de l'article 55?
M. Ward Elcock: Monsieur le président, l'article 55 n'a rien à voir avec nous.
M. Tom Wappel: Est-ce que quelqu'un pourrait répondre à cette question?
M. Ward Elcock: En fait, nous avons invoqué à leur endroit les dispositions de l'article 77—probablement le paragraphe 40(1), c'est-à-dire le texte initial—parce que nous pensions que ces gens représentaient une menace grave et que nous voulions absolument pouvoir les expulser. Dans une certaine mesure, nous avons donc invoqué la disposition la plus efficace. La loi contient d'autres dispositions qui permettent au ministère d'intervenir, mais je ne puis me prononcer davantage quant à ce qu'il aurait dû faire.
º (1645)
M. Tom Wappel: Mais sans doute y a-t-il ici quelqu'un du ministère qui pourrait dire quelque chose à ce sujet.
Mme Claudette Deschênes: Effectivement, nous aurions pu invoquer l'article 55 en alléguant que ces gens représentent un danger pour le public ou qu'ils auraient été interdits de territoire au Canada.
M. Tom Wappel: De sorte que, à chaque fois, vous devez déterminer si vous allez invoquer l'article 55 ou l'article 77, n'est-ce pas?
Mme Claudette Deschênes: Excusez-moi?
M. Tom Wappel: Vous pouvez porter un jugement lorsqu'il s'agit de choisir l'article à invoquer, le 55 ou le 77, n'est-ce pas?
Mme Claudette Deschênes: Oui, le genre d'information que nous allons utiliser appelle effectivement un jugement de valeur.
M. Tom Wappel: C'est cela que j'essayais de vous faire dire. Le fait que vous tenez ou non à révéler l'information que vous allez utiliser entre-t-il en ligne de compte lorsque vous portez ce jugement?
M. Ward Elcock: Je pense qu'il y a une certaine confusion, monsieur le président. L'article qui nous intéresse est l'article 77 qui concerne le certificat de sécurité. Lorsqu'on opte pour l'article 77, c'est soit que nous envisageons le renvoi, soit encore, si nous avons suffisamment d'informations ou de preuves, des poursuites pénales, ou alors des poursuites aux termes des dispositions du projet de loi C-36, mais certainement pas aux termes de la Loi sur l'Immigration.
Il y a des dispositions qui permettent au ministère d'intervenir dans le cas de réfugiés ou d'immigrants reçus mais dans d'autres cas, à la frontière par exemple, mais ce n'est pas cela que... Lorsqu'on opte pour des poursuites pénales ou le recours à l'article 77, c'est une décision qui est très différente du genre de décision que le ministère est amené à prendre dans le cas de sa propre loi habilitante.
M. Tom Wappel: Dans le cas de sa propre loi habilitante. Mais tout cela représente une seule et même loi, n'est-ce pas?
M. Ward Elcock: Oui, mais comme c'est nous qui avons les renseignements pour lancer le processus—comme je l'ai dit tout à l'heure, cela peut être aussi la Gendarmerie royale—c'est nous qui généralement lançons toute procédure en vertu de l'article 77. Pour cela, il faut les signatures et du ministre de l'Immigration et du solliciteur général, mais généralement, c'est nous qui lançons le processus.
M. Tom Wappel: Donc, pour le SCRS c'est l'article 77 et pour Citoyenneté et Immigration l'article 55. C'est comme ça que ça marche généralement?
Mme Claudette Deschênes: Normalement, le recours à l'article 55 c'est sur la base d'une enquête. Nous pouvons agir avec l'aide de nos partenaires pour trouver quelque chose, mais généralement, oui, c'est Citoyenneté et Immigration qui recourt à l'article 55.
M. Tom Wappel: Merci.
Le président: Merci, monsieur Wappel. Malheureusement, nous sommes au bout des cinq minutes.
Monsieur Laframboise, cinq minutes.
[Français]
M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président.
Monsieur Elcock, quelle est l'importance du volet immigration de vos services? Y a-t-il un nombre désigné d'employés? En termes de pourcentage de votre budget des opérations, que représente le volet immigration?
[Traduction]
M. Ward Elcock: Une grosse composante de notre service, la Direction du filtrage de sécurité, a la responsabilité des attestations de sécurité pour les fonctionnaires et les agents du gouvernement, mais aussi, au nom de Citoyenneté et Immigration, elle examine les demandes d'immigration de même que celles des réfugiés qui arrivent au Canada. Donc une grande partie de nos activités vient directement épauler Citoyenneté et Immigration pour certaines demandes particulières d'immigration, pour les réfugiés, etc.
[Français]
M. Mario Laframboise: Qu'entendez-vous par une grande partie? S'agit-il de la moitié, de 50 p. 100, de 60 p. 100?
[Traduction]
M. Ward Elcock: Non. Je ne peux pas vous donner de chiffre exact, mais cela ne représente pas la moitié de nos activités. Cela n'atteint même pas les 30 p. 100, je pense. Au moins 60 p. 100 de nos activités sont liées au contre-terrorisme, ce n'est donc certainement pas aussi élevé.
[Français]
M. Mario Laframboise: Savez combien d'individus sont sous enquête à l'heure actuelle? Je ne parle pas de ceux pour qui on a émis des certificats. Combien d'individus surveillez-vous présentement? Vous êtes en train de monter des dossiers. En connaissez-vous le nombre exact?
[Traduction]
M. Ward Elcock: Je ne peux pas vous donner de chiffres. Je vous ai déjà dit dans le passé, monsieur le président, que nous avions sous surveillance quelque 350 cibles et à peu près 50 organisations différentes. J'ai ajouté depuis parce qu'on avait eu tendance à donner trop de crédit à ces chiffres qui fluctuent tous les jours, toutes les semaines ou tous les mois. En réalité, nous nous intéressons toujours à de nouvelles cibles, nous continuons à nous intéresser à d'anciennes pour déterminer définitivement qu'elles ne posent plus une menace, les éliminer et nous intéresser à d'autres. Donc, certains jours, cela peut monter à 500 ou 600 et d'autres, tomber à 250.
On peut dire que ces chiffres ont un certain intérêt, mais il ne faut pas leur donner trop de pertinence.
º (1650)
[Français]
M. Mario Laframboise: Merci.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Laframboise.
Monsieur Clark et ensuite monsieur Pratt.
M. Joe Clark: Merci beaucoup.
Permettez-moi de profiter de la présence de M. Kennedy et de M. Elcock pour me rappeler s'il y a des opérations de renseignement ou de sécurité au Canada qui ne sont pas soumises à l'examen du CSARS. La Défense mène-t-elle de telles opérations? Les Affaires étrangères?
M. Paul E. Kennedy: Oui. Le SCARS a pour mandat d'examiner les activités de l'organisation de M. Elcock parce qu'elles relèvent du portefeuille du solliciteur général. Et comme le président l'a rappelé, c'est une autre organisation qui examine les activités de la Gendarmerie royale. Il y a d'autres organisations de renseignement au Canada. Bien évidemment, il y a le commissaire pour le Centre de la sécurité des télécommunications, et c'est un ancien juge en chef de la Cour suprême du Canada qui est le commissaire qui examine leurs activités. Il y en a donc d'autres.
Je crois que le Bureau du Conseil privé a publié une sorte de petite brochure sur tous les services de renseignement de sécurité du Canada. Je ne l'ai pas avec moi, mais elle indique ce que font ces différents services dans tel ou tel domaine particulier.
M. Joe Clark: Y a-t-il une raison pour qu'il n'y ait pas d'organisme de supervision plus global de type CSARS?
M. Ward Elcock: Il ne nous appartient pas vraiment, monsieur le président, de formuler un avis sur cette question. En créant le SCRS, le Parlement a prévu que le service devait faire l'objet d'un examen. On peut se demander si le genre d'examen qu'effectue le CSARS pourrait aussi s'appliquer à d'autres services qui n'ont pas les mêmes fonctions ou les mêmes pouvoirs que nous, mais c'est une question à laquelle doivent répondre les ministres et le Parlement et pas nous.
M. Joe Clark: J'aimerais revenir au projet Thread si vous me le permettez. Corrigez-moi si j'ai tort, mais il semblerait que cette opération ait été lancée tout simplement en réaction à l'information recueillie au sujet du Ottawa Business College. Ai-je tort de penser cela? Si ce que je dis est juste, le service compte-t-il désormais recueillir des renseignements au sujet des écoles canadiennes accréditées?
M. Ward Elcock: Nous n'avons participé d'aucune façon, monsieur le président, au projet Thread.
M. Joe Clark: Quelqu'un y a participé.
Mme Claudette Deschênes: Si nous avons des raisons d'avoir des inquiétudes au sujet d'une école, nous ferons certainement enquête et prendrons les mesures nécessaires. Si un demandeur demande, par exemple, à fréquenter une école et que nous nous interrogeons sur ses motifs, nous n'avons qu'à nous reporter aux procédures en place. Le projet Thread n'est pas le fruit du hasard et cette enquête s'est déroulée dans un cadre bien précis. Ces personnes ont été emprisonnées aux termes de la Loi sur l'immigration parce que nous avions des raisons de croire qu'elles l'avaient enfreinte et qu'elles étaient interdites de territoire. Elles ont été emprisonnées parce que nous craignions qu'elles ne se présentent pas à leur audience. Après l'émission du mandat d'arrestation et en raison des renseignements dont nous disposions, nous avons aussi conclu qu'il fallait faire enquête du point de vue de la sécurité.
M. Joe Clark: Vous avez donc surveillé ces personnes. Surveillez-vous aussi des institutions ou comptez-vous surveiller des institutions semblables à ce collège commercial?
Mme Claudette Deschênes: Nous nous efforçons avec les gouvernements provinciaux, les universités et les milieux universitaires de mettre sur pied les systèmes voulus. Nous discutons des façons d'assurer un suivi lorsque certains problèmes se posent.
M. Joe Clark: Comment travaillez-vous avec les universités ou les provinces? S'agit-il simplement de fixer des critères s'appliquant aux diverses institutions? Faites-vous enquête sur des institutions particulières?
Mme Claudette Deschênes: Lorsque nous avons des raisons de le faire, nous faisons aussi enquête sur des institutions et collaborons à cet égard avec les autorités provinciales.
M. Joe Clark: Les institutions sont-elles tenues de vous faire part de renseignements qui éveillent leurs soupçons?
Mme Claudette Deschênes: Elles ne sont pas tenues de le faire pour l'instant.
M. Joe Clark: Je vous remercie.
Le président: Je vous remercie, monsieur Clark.
Monsieur Pratt, vous avez cinq minutes.
M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.
Ma question a trait à la liste de personnes à l'égard desquelles des certificats de sécurité ont été émis. J'aimerais savoir si, dans le cadre de ce genre d'enquêtes, vous avez comme pratique de consulter les services de renseignement des États-Unis, de la Grande-Bretagne ou de l'Australie pour savoir de quels renseignements ils disposent sur les personnes qui vous intéressent. Est-ce une pratique courante?
º (1655)
M. Ward Elcock: Nous échangeons régulièrement de l'information avec plusieurs services dont certains de ceux que vous avez mentionnés. Je ne suis pas sûr que nous les consultions nécessairement au sujet d'un RRS précis. Dans la plupart des cas, nous disposerions déjà de renseignements que nous aurions recueillis dans le cadre de nos propres enquêtes, soit au Canada ou à l'étranger, et grâce aux communications que nous aurions pu intercepter et qui proviendraient de diverses sources dans le monde.
M. David Pratt: Ne souhaitez-vous pas recueillir autant de renseignements que possible sur chacune de ces personnes? N'est-ce pas la raison d'être des services de renseignement alliés, c'est-à-dire de recueillir autant d'information que possible, en particulier sur les terroristes?
M. Ward Elcock: Si nous avions besoin de renseignements supplémentaires, monsieur le président, nous nous adresserions à ces services. Lorsque nous sommes prêts à faire une fouille, nous disposons habituellement de renseignements suffisants qui proviennent d'une vaste gamme de sources.
M. David Pratt: Qui entre habituellement en contact avec les autres services de renseignement alliés? Est-ce le SCRS, le ministère de l'Immigration ou la GRC?
M. Ward Elcock: Nous le faisons habituellement.
M. David Pratt: Comment décririez-vous l'échange d'information entre les services de renseignement alliés et le Service canadien du renseignement de sécurité lorsque des gouvernements alliés prennent des mesures contre des personnes en vertu de lois semblables à celles qui sont en place au Canada? Recevons-nous plus d'information que celle que nous donnons ou est-ce l'inverse?
M. Ward Elcock: Je ne peux pas vraiment répondre à cette question. Je ne pense pas que nous ayons jamais vraiment fait cette évaluation, mais nous transmettons à nos alliés une quantité énorme de renseignements recueillis soit au Canada, soit à l'étranger.
M. David Pratt: Vous devez certainement avoir une impression générale après avoir examiné les dossiers.
M. Ward Elcock: Le fait est, monsieur le président, que certains services sont plus gros et ont un rayon d'action plus important que nous, mais il y a certains domaines où nous pouvons jouer un rôle plus important qu'eux et vice versa.
M. David Pratt: Je vous remercie, monsieur le président.
Le président: Je vous remercie, monsieur Pratt.
Si vous me le permettez, chers collègues, j'aimerais moi-même poser deux ou trois questions. M. Toews a demandé qu'il y ait un autre tour et d'autres députés voudront peut-être aussi poser des questions supplémentaires.
Pourrais-je vous demander de nous donner quelques brèves explications sur les acronymes qui figurent en regard du nom de chaque personne pour laquelle un certificat de sécurité a été émis? Nous reconnaissons bon nombre de ces acronymes, mais que signifie, par exemple, GIA à la quatrième ligne? M. Elcock connaît sans doute tous ces acronymes.
M. Ward Elcock: Le GIA est une organisation algérienne.
Le président: Je vous remercie.
PKK.
M. Ward Elcock: Le PKK est une organisation kurde. Elle porte en fait un autre nom maintenant. J'oublie maintenant quel est son nom exact, mais il s'agit d'une organisation terroriste kurde.
Le président: Je vous remercie.
Il y a aussi le MEK et le SVR.
M. Ward Elcock: Le MEK est une organisation iranienne qui avait l'appui du gouvernement irakien et qui menait ses activités surtout à partir de l'Irak. Vous vous souviendrez que des représentants de cette organisation ont déjà attaqué l'ambassade de l'Iran au Canada. Il s'agit d'une organisation terroriste qui s'oppose au gouvernement de l'Iran.
Le SVR est le service du renseignement russe.
Le président: Je vous remercie.
M. Joe Clark: Et Force 17?
M. Ward Elcock: Force 17 appartient à l'OLP.
» (1700)
Le président: Merci.
Je vais maintenant passer à ce que l'on a fait pour la deuxième série de détenus, ceux qui sont détenus en vertu des articles 55 et 58 dans le contexte du projet Thread.
M. Elcock a comparu devant le comité à diverses reprises et le SCRS aussi, mais d'après ce que nous savons, les renseignements que glane le SCRS font l'objet de contrôles de qualité continus. Au sein du service lui-même, il y a des démarches précises, puis il y a le CARC, ensuite la Cour fédérale, puis la signature du solliciteur général et ensuite le CSARS et enfin ce comité et l'inspecteur général, etc. Nous pouvons donc avoir une assurance raisonnable que le SCRS produit du renseignement de sécurité de qualité.
Aux articles 55 et 58, arrestations et détentions, on exige des mandats. Les renseignements utilisés pour obtenir ces mandats ne viennent pas tous nécessairement du SCRS; ça peut venir d'Immigration Canada ou de la GRC. Il n'y a donc pas forcément les mêmes contrôles de qualité et c'est là que je veux en venir. Je ne sais pas à qui poser la question, mais comment les Canadiens peuvent-ils savoir si les renseignements obtenus sont suffisamment fiables pour justifier l'émission de ces mandats?
Je suppose que ces mandats ont été signés par un juge de paix quelque part. Vous pourriez peut-être nous le préciser aussi, parce que c'est le seul point de contrôle; le seul pour les arrestations en vertu de l'article 55.
Pourriez-vous donc s'il vous plaît nous décrire un peu comment on assure la qualité, surtout quand on sait que la GRC recourt maintenant aux équipes intégrées de la sécurité nationale, qui reposent sur la police locale et provinciale. Il y a donc des renseignements qui viennent de partout.
Mme Claudette Deschênes: Je veux simplement préciser que les mandats de l'immigration pour le projet Thread ont été émis parce que nous estimions que ces gens étaient interdits de territoire.
Le président: Avez-vous émis les mandats ou est-ce un juge qui les a émis?
Mme Claudette Deschênes: Il s'agit de mandats de l'immigration.
Le président: Émis par qui?
Mme Claudette Deschênes: En ce qui concerne la détention?
Le président: Qui a signé les mandats?
Mme Claudette Deschênes: De détention?
Le président: Oui.
Mme Claudette Deschênes: Les agents de l'immigration.
Donc pour ce qui est de la question de la détention, ils ont été détenus parce que nous estimions qu'ils ne devaient pas être admis au Canada et qu'il était peu probable qu'ils se présentent à une audience en ce sens. C'est la seule raison pour laquelle ces mandats ont été émis.
Le président: Et s'ils sont toujours détenus, évidemment, c'est parce qu'on les soupçonne d'être un danger pour la sécurité, d'après ce qu'en dit la presse. C'est bien cela?
Mme Claudette Deschênes: On continue à les détenir parce qu'il est peu probable qu'ils comparaissent, certains d'entre eux parce que nous avons des doutes quant à leur identité et d'autres, parce qu'il y a des motifs raisonnables de soupçonner qu'ils ne sont pas admissibles pour raison de sécurité et qu'il faut ainsi poursuivre l'enquête. Ce sont là les motifs invoqués.
La question a été présentée à un arbitre qui examine la situation indépendamment de nous et rend une décision. Dans trois de ces cas, il a été décidé qu'ils devraient être libérés sous conditions et dans le cas des autres, qu'ils devraient être maintenus sous garde.
Le président: Malheureusement, mon temps est écoulé, mais vous savez ce qu'aurait été ma prochaine question.
Nous allons passer à un autre tour. Monsieur Toews.
M. Vic Toews: Merci.
À propos de la décision du ministre sur la demande d'ERAR, on a dit que le ministre peut demander au pays dont l'intéressé a la nationalité l'assurance que ses droits seront protégés à son retour.
Nous avons évidemment entendu parler d'autres choses tout récemment dans les journaux alors que le ministre de la Justice avait reçu certaines assurances, si je ne m'abuse, de la Trinité-et-Tobago, selon lesquelles une personne qui devait être renvoyée là-bas pour meurtre ne serait pas assujettie à la peine de mort. C'est évidemment le résultat d'une décision de la Cour suprême du Canada qui veut que le ministre demande cette assurance au pays pour que le renvoi soit légal.
Dans ce contexte, d'après ce que l'on comprend, on peut être assuré que les droits de cette personne seront protégés. Quel degré de protection demande-t-on en matière de droits de la personne? Nous savons que pour la peine de mort, c'est très facile : l'intéressé est pendu ou non. Toutefois, pour les droits de la personne, c'est peut-être un peu plus délicat, parce que ce que l'on pourrait considérer comme des normes acceptables ici au Canada ne correspond pas forcément à ce que l'on juge acceptable dans un autre pays. Alors, non seulement il faut savoir quel genre de garanties nous demandons mais également quel genre de suivi nous faisons après coup.
» (1705)
M. Paul E. Kennedy: J'essaierai de répondre à une partie de cette question. Évidemment, l'immigration ne relève pas de mon secteur, mais, hier soir, je n'ai pas regardé la télévision parce que je voulais lire un jugement de la Cour suprême du Canada.
M. Joe Clark: Vous n'avez pas regardé le débat en Ontario?
M. Paul E. Kennedy: Non, mais je voterai. J'exercerai mon droit démocratique de voter.
Pour ce qui est de Suresh—j'ai la décision ici—la cour alors s'est occupée de savoir si M. Suresh serait renvoyé au Sri Lanka et s'il risquait la torture. La cour, dans ce cas particulier, a examiné la question dans le contexte de la justice fondamentale et de sanctions cruelles et inhabituelles.
Évidemment, dans le contexte de la peine de mort, par exemple, ou de la torture, parce que le Canada a signé les conventions contre la torture et que la torture n'est pas autorisée par la loi au Canada, ce que nous n'acceptons pas au Canada, la torture, la peine de mort, etc., est pris en ligne de compte dans les garanties que nous demandons à un autre pays.
Cette cause, si vous voulez passer une de vos soirées à la lire, traite de certains de ces facteurs. Toutefois, en fin de compte, c'est tout de même au ministre que revient la décision, même dans les cas rares où une personne peut risquer la torture en rentrant dans son pays. Et il est possible qu'en considérant tous les facteurs dont il doit tenir compte, le ministre, pour le Canada, renvoie tout de même cette personne. Ce serait assez exceptionnel mais c'est possible, car sa responsabilité première est le Canada.
Si l'on considère le facteur, je crois que je me demanderais si les Canadiens jugeraient inacceptable la sanction cruelle et inhabituelle à laquelle s'expose l'individu. Ce peut être un critère. Après cela... et je reviens à ce que disait M. Elcock, à savoir qu'il faut toujours considérer les autres facteurs, reconnaître, comme je l'ai dit, dans certains cas exceptionnels, que, finalement, on doit renvoyer cette personne parce que l'on ne peut pas faire autrement dans l'intérêt du Canada.
M. Vic Toews: Je sais qu'au Canada nous avons des interprétations judiciaires, les principes de justice fondamentale, mais afin de rassurer les Canadiens ou les juges sur le fait que les droits de la personne seront protégés, le ministre suit-il une norme quelconque, dit-il par exemple : « Et, au fait, j'espère que vous suivez certaines lignes directrices ou normes ou conventions des Nations Unies ». En est-il question d'une façon ou d'une autre?
Là encore, la question est de savoir comment on peut savoir ce qui se passe ensuite? Une fois qu'une personne disparaît dans un pays de 100 ou de 200 millions d'habitants, qui sait ce qui lui arrive?
M. Paul E. Kennedy: Eh bien, je ne suis pas au courant. Je sais qu'il est certain que les Affaires étrangères et le ministre de l'Immigration—et l'affaire que vous avez mentionnée découlait de la décision de la Cour suprême concernant Burns et Rafay au sujet de la procédure d'extradition demandée par le ministre de la Justice—doivent s'assurer qu'ils vont effectivement respecter les engagements qu'ils ont pris envers nous.
Je ne sais pas si Mme Deschênes peut ajouter quelque chose au sujet du ministre dont elle relève.
Mme Claudette Deschênes: Je pense que ce que nous dirions, c'est que nous cherchons à obtenir des assurances que nos obligations internationales seront respectées. Par exemple, il est surprenant que dans le cas de Hani nous soyons parvenus à... Nous n'assurerions pas systématiquement le suivi de chacun de ces cas, et je pense que nous aurions été au courant si cela s'était produit.
Je veux dire, nous tenons compte des deux. S'il y a un risque de torture, nous nous montrerions très prudents à ce sujet, mais nous tiendrions compte aussi de l'intérêt national. Actuellement, l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Suresh constitue une indication de ce que nous pourrons ou ne pourrons pas être en mesure de faire. C'est donc un tout nouveau domaine.
Le président: Merci, monsieur Toews.
Monsieur McKay vous avez cinq minutes, puis ce sera au tour de M. Wappel.
M. John McKay: Merci, monsieur le président.
Je croyais avoir entendu M. Elcock dire qu'il n'avait rien à voir avec le projet Thread. Est-ce exact?
» (1710)
M. Ward Elcock: C'est juste, monsieur le président.
M. John McKay: Alors Immigration Canada détient toutes ces personnes, 23 au total—je pense que quelques-unes ont depuis été relâchées—et on les détient comme suite à votre propre enquête, à vos propres éléments de preuve, n'est-ce pas?
Mme Claudette Deschênes: Encore là, j'aimerais préciser que dans ce cas nous n'avons pas délivré le mandat pour raison de sécurité. Nous avons délivré le mandat parce que ces gens se trouvaient illégalement au pays et n'avaient pas le droit d'y être admis. Ils avaient diverses identités et avaient été mêlés à de cas de fraude à l'école.
Après cela, compte tenu d'une enquête conjointe menée avec la GRC, des renseignements mis au jour nous ont paru suffisants pour soupçonner qu'il pourrait y avoir un risque pour la sécurité au sujet duquel nous devions faire enquête. C'est l'argument que nous avons mis de l'avant pour les garder en détention pendant que nous travaillions avec la GRC et le SCRS pour voir si nos inquiétudes étaient fondées ou non. Ce que nous avons tenté de faire, je pense, c'est de faire la part des choses entre le droit de la personne et la protection de la sécurité publique du Canada. Nous ne sommes pas allés les arrêter pour des raisons de sécurité.
M. John McKay: C'est simplement qu'il était assez curieux que ces personnes soient détenues alors que le SCRS n'avait jusque-là rien eu à voir avec une enquête les concernant. On les arrête pour des questions d'immigration plutôt que des questions de sécurité.
Mme Claudette Deschênes: Vous permettez que je vous donne un autre exemple...
M. John McKay: Puis après coup, vous dites, eh bien, nous pensons qu'il pourrait y avoir là des aspects problématiques quant à la sécurité, alors vous la GRC et vous du SCRS allez faire enquête.
Mme Claudette Deschênes: Non, nous avons obtenu des renseignements et nous avons décidé que nous allions les détenir et que nous allions faire valoir qu'on les détenait pour des raisons d'identité, dans certains cas, et compte tenu d'un risque de fuite; c'est-à-dire qu'ils pourraient ne pas se présenter à leur audience. En outre, dans le cas de certains, il se posait certaines questions, et nous avons dit qu'il y avait là un doute raisonnable et que nous voulions donc pousser l'enquête plus loin. C'est ce que dispose la Loi de l'immigration et c'est ce que nous avons tenté de...
M. John McKay: Mais est-ce qu'il ne serait pas plus rassurant sur le plan de la sécurité qu'avant d'arrêter ces personnes le SCRS et la GRC soient informés du fait que ces personnes—comment dirais-je—« se comportent de façon suspecte » d'une façon ou d'une autre? Les Canadiens n'auraient-ils pas davantage l'assurance que les trois organisations entretiennent un dialogue?
Mme Claudette Deschênes: Eh bien, je dirais que quand un cas se présente, nous devons prendre une décision en fonction de l'information dont nous disposons. En l'occurrence, certaines informations nous sont parvenues après coup, et c'est pourquoi nous avons décidé de les détenir un peu plus longtemps pendant nous faisions enquête.
M. John McKay: Après coup signifiant que vous les déteniez déjà.
Mme Claudette Deschênes: En raison des graves questions de non-admissibilité en matière d'immigration.
M. John McKay: D'accord. L'ironie, bien sûr, c'est qu'à Scarborough, le Ottawa Business College se situe à trois kilomètres environ des bureaux d'Immigration Canada. En fait, un bon frappeur pourrait lancer une balle de base-ball qui atteindrait le bureau. Il est étonnant de voir que cela se passe juste sous votre nez.
Merci.
Le président: Merci, monsieur McKay.
Monsieur Wappel, vous avez cinq minutes.
M. Tom Wappel: Monsieur le président, j'aimerais revenir sur quelque chose.
Madame, vous faites une distinction au sujet de la sécurité. Si je comprends bien l'article 77—mais je ne le comprends peut-être pas—, la sécurité n'est pas la seule raison pour laquelle on pourrait demander un certificat aux termes de l'article 77. Ce n'est pas nécessairement pour des raisons de sécurité. Ce peut être en raison de l'appartenance à la Mafia, dont certains pourraient dire que cela relève automatiquement de la sécurité. Mais vous, à Immigration Canada, pouvez aussi épingler des gens pour des raisons de sécurité comme le dit l'article 55, qui parle de « danger pour la sécurité publique ». Et certains pourraient soutenir que cela constituerait un motif touchant la sécurité, soit qu'on veut protéger la population canadienne.
Alors dans le projet Thread, vous souteniez précisément que la personne n'était pas admissible et qu'il y avait des raisons de croire qu'elle ne se présenterait pas à son audience. Et il est également possible que vous puissiez les épingler parce qu'ils ne sont pas admissibles et parce qu'ils peuvent représenter une menace pour le Canada.
Mme Claudette Deschênes: En évaluant le danger pour la sécurité publique, souvent nous tiendrions compte de questions de criminalité.
M. Tom Wappel: Oui, mais l'expression c'est « danger pour la sécurité publique ». C'est assez large, et cela peut être interprété de bien des façons. Encore là, je reviens à la première question que j'ai posée. Évidemment, très rares sont les cas qui concernent l'article 77—il y en a 27, en fait—et pourtant il doit y avoir de nombreux cas qui ont trait à l'article 55, de nombreux mandats d'immigration, qui permettent de repérer des gens. Alors quelqu'un doit évaluer que les 27 cas sont si graves qu'ils justifient la délivrance d'un certificat.
J'essaie de comprendre ce qui justifie principalement cette décision? Est-ce parce que vous voulez garder l'information secrète ou parce qu'il s'agit d'une question de criminalité? Vous pouvez épingler un patron de la Mafia en vertu de l'article 55, n'est-ce pas?
» (1715)
Mme Claudette Deschênes: Oui.
M. Tom Wappel: Vous pouvez aussi épingler un patron de la Mafia en vertu de l'article 77, n'est-ce pas? Il faut donc décider lequel de ces deux articles on va invoquer, et manifestement, la plupart du temps on invoque l'article 55. Je présume que la raison pour laquelle on recourt à l'article 77 c'est pour garder l'information confidentielle, ce qui est sensé, puisqu'à la section 9 de la loi il est question des « renseignements à protéger. » On ne parle pas de la « protection du Canada », en ce sens, ni de « protection de l'individu », on parle des « renseignements à protéger. »
Alors est-il raisonnable de dire—et c'est tout ce que je demande—que l'article 77 est d'abord et avant tout utilisé quand on veut garder l'information secrète?
M. Paul E. Kennedy: Oui. Comme je l'ai dit tout à l'heure, il y a eu l'affaire Chiarelli entendue en Cour suprême du Canada; on alléguait que cette personne appartenait au crime organisé. Il fallait donc protéger les renseignements divulgués. Il nous fallait un jugement afin de savoir ce qui pouvait être divulgué dans le résumé de la preuve qu'on allait préparer. C'est la seule fois où cela s'est produit.
Dans la plupart des cas de criminalité, on cherche à procéder en séance publique. Normalement, les renseignements sont recueillis en tenant compte de cela. Ainsi, l'affaire peut être entendue lors d'une audience d'immigration normale ou encore lors d'une audience d'extradition, car dans un tel cas, l'objectif est que la personne soit traduite devant les tribunaux du pays d'où elle vient.
Manifestement, les renseignements étant publics, il en est ainsi dans la plupart des cas de criminalité, il n'est pas nécessaire d'invoquer l'article 77. Toutefois, il peut arriver—et ce sera sûrement le cas à l'avenir à cause de l'existence désormais d'activités terroristes criminelles—que l'on souhaite y avoir recours. Ainsi, il pourra s'agir d'une personne actif d'une organisation, et on voudra invoquer les dispositions précises qui figurent à l'article 78, avec résumé de la preuve, etc.
Comme je l'ai dit, nous avons légèrement modifié la Loi sur la preuve au Canada pour obtenir ici un certain pouvoir également mais, en l'occurrence, ces dispositions sont spécifiques au contexte de l'immigration, le niveau de la preuve étant plus bas, etc.
M. Tom Wappel: Merci beaucoup de votre réponse.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci.
Je voudrais vous poser une question. Nos recherches nous ont révélé qu'avec le début des détentions dans le cadre du projet Thread, des biens personnels ont été saisis. Je voudrais vous demander... Pardonnez-moi de fouiller ainsi ce dossier. Vous comprenez qu'un des objectifs du comité est de promouvoir la primauté du droit et de veiller au respect de la loi. En vertu de quel pouvoir ces biens personnels ont-ils été saisis? Qui les a saisis? Qui a signé le mandat? Et que se passe-t-il ensuite?
À qui dois-je poser ma question? À la représentante d'Immigration Canada ou à la GRC? Je voudrais également savoir quel rôle la GRC a joué dans l'élaboration du projet Thread.
Comm. adj. Richard Proulx: Dans le cadre de ce projet, monsieur le président, une enquête est actuellement en cours si bien que je dois peser mes mots. Dans cette affaire, des accusations criminelles seront peut-être portées très bientôt, au besoin, de sorte que je dois être très très prudent.
Nous avons utilisé un mandat de perquisition signé par un juge.
Le président: En vertu du Code criminel.
Comm. adj. Richard Proulx: Oui.
Le président: Pour des accusations précises...?
Comm. adj. Richard Proulx: Je pense qu'il s'agissait d'une infraction en matière d'immigration, le fait d'être au Canada clandestinement. Je vais devoir me renseigner car je n'ai pas la réponse exacte, malheureusement. Si je me suis trompé, je vais me rétracter et vous envoyer les bons renseignements.
Ainsi, en effet, munis d'un mandat, nous avons saisi des documents, et l'affaire est en train d'être examinée en ce moment.
Le président: Des documents et d'autres choses?
Comm. adj. Richard Proulx: Et d'autres choses.
Le président: D'accord. Eh bien, il ne sert à rien de fouiller davantage étant donné que l'enquête se poursuit actuellement.
Je reviens aux questions d'immigration, dans la même ligne que mes questions précédentes. La mise en oeuvre du projet Thread s'est faite sans qu'un juge d'un tribunal quelconque ne donne son aval. Toutefois, le ministère de l'Immigration décerne couramment des mandats et procède à des détentions, n'est-ce pas? Je comprends cela. Vous dites que le principal souci dans cette initiative en matière d'immigration n'était pas la sécurité—et il se peut que je vous fasse dire des choses ici—mais la non-admissibilité.
» (1720)
Mme Claudette Deschênes: C'est cela. Nous cherchions des gens qui n'étaient pas admissibles au Canada, qui avaient employé des moyens frauduleux pour obtenir des visas d'étudiant. Nous avions appris qu'il se pouvait qu'ils aient utilisé des identités multiples. C'est parti de là.
Le président: Pouvez-vous nous donner la source, la source générale, de cette information sur les identités multiples qui ont amené le ministère de l'Immigration à conclure que c'étaient des cas de non-admissibilité?
Mme Claudette Deschênes: Eh bien, cela faisait partie d'une enquête qui a démarré quand un de nos agents dans une mission à l'étranger a interviewé un candidat, a commencé à avoir des doutes... et a posé la question. Alors, nos agents d'exécution ont suivi l'affaire et ils ont procédé à une enquête, de concert avec la GRC.
Le président: D'accord. Très bien, merci.
Y a-t-il d'autres questions?
Monsieur Clark.
M. Joe Clark: Très brièvement. Le SCRS s'occupe-t-il actuellement des affaires qui découlent du projet Thread?
M. Ward Elcock: Nous avons examiné certaines choses qui avaient été saisies.
M. Joe Clark: Vous en tenez-vous à cela ou continuez-vous de vous en occuper?
M. Ward Elcock: Non, nous ne nous occupons pas de ces dossiers-là.
Le président: Je constate qu'il n'y a pas d'autres questions.
Au nom des membres du comité et de la Chambre, je tiens à remercier chacun d'entre vous d'être venu aujourd'hui. Nous comprenons tous que vous avez de lourdes responsabilités et que votre temps est précieux. Merci d'être venus aujourd'hui nous renseigner sur cette importante question d'actualité.
La séance est levée.