SRID Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 8 avril 2003
º | 1620 |
Le président (M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.)) |
Mme Anne-Marie Bourcier (directrice générale à la Direction générale de l'Afrique, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international) |
º | 1625 |
Le président |
º | 1630 |
M. Jean-Marc Métivier (vice-président, Direction générale des programmes multilatéraux, Agence canadienne de développement international) |
º | 1635 |
º | 1640 |
Le président |
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne) |
º | 1645 |
Le président |
M. Deepak Obhrai |
Mme Anne-Marie Bourcier |
º | 1650 |
M. Louis-Robert Daigle (directeur adjoint pour l'Afrique centrale et francophone à la Direction de, l'Afrique centrale et occidentale, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international) |
º | 1655 |
M. Jean-Marc Métivier |
Le président |
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ) |
Le président |
M. Yves Rocheleau |
» | 1700 |
Mme Anne-Marie Bourcier |
» | 1705 |
M. Louis-Robert Daigle |
Le président |
Mme Louise Marchand (directrice générale, Assistance humanitaire internationale, Direction générale des programmes multilatéraux, Agence canadienne de développement international) |
» | 1710 |
M. Yves Rocheleau |
M. Louis-Robert Daigle |
Mme Louise Marchand |
M. Yves Rocheleau |
Le président |
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca) |
» | 1715 |
Mme Anne-Marie Bourcier |
» | 1720 |
M. Louis-Robert Daigle |
M. Keith Martin |
M. Louis-Robert Daigle |
M. Keith Martin |
M. Louis-Robert Daigle |
M. Keith Martin |
M. Louis-Robert Daigle |
M. Keith Martin |
M. Louis-Robert Daigle |
M. Keith Martin |
M. Louis-Robert Daigle |
M. Keith Martin |
M. Louis-Robert Daigle |
M. Keith Martin |
» | 1725 |
M. Louis-Robert Daigle |
M. Keith Martin |
M. David Angell |
Le président |
M. Jean-Marc Métivier |
M. Ernest Loevinsohn (directeur général, programme de lutte contre la faim, la malnutrition et la maladie, Agence canadienne de développement international) |
» | 1730 |
Mme Louise Marchand |
M. Deepak Obhrai |
» | 1735 |
M. Jean-Marc Métivier |
» | 1740 |
M. David Angell |
M. Deepak Obhrai |
Mme Anne-Marie Bourcier |
» | 1745 |
M. Deepak Obhrai |
M. David Angell |
Le président |
M. Yves Rocheleau |
» | 1750 |
M. Jean-Marc Métivier |
M. Ernest Loevinsohn |
Le président |
M. David Angell |
» | 1755 |
Le président |
M. Jean-Marc Métivier |
M. John Deyell (directeur régional, Afrique de l'Est et de la Corne, Afrique et Moyen-Orient, Agence canadienne de développement international) |
¼ | 1800 |
M. David Angell |
Le président |
M. Jean-Marc Métivier |
Le président |
M. Jean-Marc Métivier |
M. Ernest Loevinsohn |
¼ | 1805 |
Le président |
M. Keith Martin |
Le président |
M. David Angell |
Le président |
CANADA
Sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international |
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l |
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 8 avril 2003
[Enregistrement électronique]
º (1620)
[Traduction]
Le président (M. Irwin Cotler (Mont-Royal, Lib.)): Je vous souhaite à tous la bienvenue aux audiences permanentes du Sous-comité des droits de la personne et du développement international. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions la question urgente d'une catastrophe humanitaire dans plusieurs États africains.
Je suis ravi de l'occasion qui nous sera donnée d'entendre des témoins du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ainsi que de l'Agence canadienne de développement international.
Nous allons commencer l'audition des témoins. Je crois comprendre que c'est Anne-Marie Bourcier qui commencera le témoignage du MAECI.
Merci et bienvenue aux audiences du comité. Je tiens à vous présenter mes excuses pour le retard. Une succession de motions ont été déposées à la Chambre. Nous avons également souligné les 40 années du premier ministre à titre de député. J'imagine que les membres du comité vont arriver peu à peu, au fur et à mesure qu'ils descendront de la Colline. Je vous remercie.
Madame Bourcier.
Mme Anne-Marie Bourcier (directrice générale à la Direction générale de l'Afrique, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Monsieur le président, merci de nous avoir invités à témoigner devant le comité.
Par souci de concision, je vais présenter une version abrégée de mon mémoire, lequel a été distribué.
[Français]
Monsieur le président, au cours de la dernière décennie, le continent africain a été plus souvent qu'à son tour le théâtre de guerres violentes. Les conflits ont tué, blessé et déplacé plus de civils en Afrique que dans toute autre région du monde. De fait, les combattants ont cherché délibérément, dans les conflits, à faire des victimes parmi les civils.
[Traduction]
Bien qu'il faille encore instaurer la paix et la sécurité dans de nombreuses régions de l'Afrique, monsieur le président, il serait erroné de conclure que la situation ne fait que se dégrader. En fait, des progrès énormes ont été réalisés ces dernières années. En Angola, nous avons vu se terminer l'une des guerres civiles les plus longues et les plus meurtrières qui ont ravagé l'Afrique. Le Canada a joué un rôle de premier plan dans la mise en application des sanctions du Conseil de sécurité, qui a contribué à instaurer les conditions nécessaires pour faire régner la paix.
Au Mozambique, dix ans après la fin de la guerre civile, le pays offre un exemple du succès de la reconstruction et de la réconciliation: la démocratie se porte bien, la primauté du droit est instaurée, et une politique économique vigoureuse est mise en oeuvre.
La Sierra Leone a été le théâtre de certaines des pires atrocités ciblant des civils commises à l'échelle planétaire, mais la stabilité a été rétablie—bien que la situation demeure précaire. Le Tribunal spécial pour la Sierra Leone a procédé à ses premières mises en accusation et arrêté des dirigeants politiques et militaires appartenant aux deux camps opposés lors de la guerre civile. Le Canada joue un rôle important, grâce au soutien qu'il apporte au Tribunal spécial et à la Commission de la vérité et de la réconciliation.
En outre, sur un autre front, la paix continue de régner entre l'Éthiopie et l'Érythrée. De plus, par le truchement de son programme pour la sécurité humaine, le Canada oeuvre en vue de renforcer la protection des civils et celle des réfugiés.
Le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) reconnaît que la prévention et le règlement des conflits sont des conditions préalables au développement durable. De plus, grâce au NEPAD, les pays d'Afrique ont admis que les Africains doivent jouer le rôle principal et consacrer la volonté politique nécessaire pour atteindre cet objectif. Sous la conduite du Canada et par l'intermédiaire du Plan d'action pour l'Afrique adopté à Kananaskis, le G-8 a également reconnu que la paix et la sécurité sont des éléments clés de l'avenir de l'Afrique.
Le NEPAD a déjà des répercussions dans la région. En décembre, les Kenyans ont participé à des élections libres et justes. Ils ont changé le régime pacifiquement.
[Français]
Par ailleurs, monsieur le président, il faut également faire preuve de réalisme face aux problèmes encore irrésolus. Bien que le processus de paix au Congo ait connu d'importantes et encourageantes avancées, la situation dans l'est du pays connaît, au contraire, une très sérieuse dégradation. La situation des droits de la personne connaît également une dégradation sévère, avec des massacres de populations civiles et des violations souvent impensables des droits fondamentaux.
La nomination par le Canada, en novembre 2001, de M. Marc-André Brault comme envoyé spécial a été déterminante dans notre action. M. Brault a suscité une meilleure coordination de la communauté internationale et obtenu la nomination de Moustapha Niasse, le représentant du secrétaire général des Nations Unies, lequel a conduit le processus de dialogue intercongolais à son terme. Il a apporté le soutien nécessaire aux différentes parties et finalement assuré une visibilité et une crédibilité réelles à l'action canadienne.
Tout au long des six mois de crise en Côte-d'Ivoire, le Canada a maintes fois exhorté toutes les parties à respecter les droits de la personne. Tout particulièrement inquiétants sont les rapports faisant état de fosses communes et d'escadrons de la mort. Le Canada, de concert avec les Nations Unies, a demandé la mise en place dans les meilleurs délais d'une commission d'enquête internationale afin que les faits soient établis et les responsables traduits en justice. Par ailleurs, nous nous sommes engagés à appuyer le processus de postconflit.
º (1625)
[Traduction]
En ce qui concerne le Soudan, monsieur le président, l'Envoyée spéciale du Canada chargée d'appuyer le processus de paix au Soudan, la sénatrice Jaffer, vient de terminer une visite au Soudan—à Khartoum et dans partie méridionale du pays. Elle s'est aussi rendue au Kenya, en Ouganda et en Égypte.
Les deux parties au conflit croient qu'elles pourraient conclure un accord de paix dès cet été. L'accès à l'assistance humanitaire est quelque peu facilité vers le sud; ces améliorations sont liées aux progrès du processus de paix. En revanche, certaines régions demeurent inaccessibles. La progression du processus de paix devrait s'accompagner d'un élargissement correspondant de l'accès à l'aide humanitaire.
Grâce à la visite de la sénatrice, le Canada est bien positionné pour contribuer à la consolidation de tout accord de paix en facilitant la participation des ONG, et des associations féminines et d'autres groupes aux discussions. D'autres considérations ont trait à la surveillance du cessez-le-feu, au déminage, à la création de capacités et au renforcement de la planification centrée sur les droits des personnes déplacées à l'intérieur de leur propre pays.
La dégradation de la conjoncture politique, sociale et économique au Zimbabwe préoccupe encore le Canada. Le Canada est particulièrement inquiet face à la violence à l'endroit d'un segment important de la population zimbabwéenne, qui semble s'être intensifiée après les récentes élections partielles. Ces élections ont été remportées par le parti de l'opposition malgré une vaste campagne de harcèlement et d'intimidation. L'usage de la torture par les services publics de sécurité et leurs efforts en vue de priver de nourriture les sympathisants des partis de l'opposition continuent de nous alarmer. Le Canada insiste pour que toute l'aide alimentaire canadienne soit distribuée par la voie d'organismes impartiaux et neutres.
Le Canada se réjouit des efforts déployés par le Secrétaire général du Commonwealth pour réprimer la corruption au Zimbabwe et trouver un compromis en permettant le maintien de la suspension du Zimbabwe jusqu'à ce que les chefs de gouvernement du Commonwealth puissent engager une discussion approfondie en décembre 2003.
[Français]
Monsieur le président, ce tour d'horizon des crises humanitaires qui sévissent en Afrique présente un éventail complet des situations, des plus encourageantes aux plus déprimantes. Les crises en Afrique sont profondes, étendues et complexes. Leur règlement ne sera pas facile et le succès n'arrivera pas soudainement. La route sera très cahoteuse, et les gouvernements des États africains et ceux des pays développés devront faire preuve de patience, de persévérance et d'engagement à long terme.
La situation recèle pourtant des espoirs et des promesses. Le mois dernier, le premier ministre a réaffirmé son engagement personnel à faire tout son possible pour veiller à ce que l'actualité mondiale n'éclipse pas le développement de l'Afrique et ne fasse pas oublier les besoins des Africains. Nous continuerons d'appuyer nos partenaires africains en essayant de mettre en valeur l'énorme potentiel de l'Afrique.
Monsieur le président, permettez-moi de vous présenter mes collègues et collaborateurs, M. David Angell, qui agit comme adjoint du représentant personnel du premier ministre pour l'Afrique et qui est également le directeur pour l'Afrique orientale et l'Afrique australe, et Louis-Robert Daigle, qui est notre directeur par intérim pour l'Afrique occidentale et l'Afrique centrale. Ils pourront intervenir également dans les réponses aux questions qui pourraient être d'intérêt pour le comité.
Merci.
[Traduction]
Le président: Je vous remercie.
J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue aux membres de la délégation du MAECI en général. Nous vous savons gré d'être ici pour partager avec nous votre expérience et votre expertise dans ces domaines.
M. Jean-Marc Métivier est ici, et je crois que c'est lui qui va commencer le témoignage de l'ACDI.
º (1630)
M. Jean-Marc Métivier (vice-président, Direction générale des programmes multilatéraux, Agence canadienne de développement international): Merci, monsieur le président.
Je suis heureux d'avoir l'occasion aujourd'hui de vous entretenir des crises humanitaires en Afrique. Bien que l'attention de la communauté internationale soit naturellement centrée sur l'Irak, nous ne devons pas oublier les crises humanitaires moins visibles, qui frappent surtout l'Afrique. La ministre Whelan s'engage à ce que notre réponse à l'Irak ne soit pas aux dépens des autres crises humanitaires.
J'aimerais vous parler principalement des conflits qui secouent l'Afrique et de leurs terribles conséquences sur la population civile et de manière plus générale sur le développement du continent africain.
Depuis le début des années 80, pas moins de 28 des 50 pays africains ont connu un conflit. L'Afrique se distingue des autres régions en développement par le nombre considérable de conflits qui y éclatent et par les lourdes conséquences qu'ils ont sur la vie de la population et les moyens de subsistance. Parmi ces conséquences, mentionnons le déplacement massif de populations, dont 13,5 millions de personnes déplacées à l'intérieur des pays et 3,6 millions de réfugiés, surtout des femmes et des enfants.
Les conflits armés ont également retardé et renversé la marche du développement socio-économique de l'Afrique, contribuant à des niveaux de pauvreté alarmants. Ce n'est pas une simple coïncidence si les pays touchés par un conflit sont en général les pays les plus pauvres de la planète. La pauvreté est à la fois une cause et une conséquence des conflits armés.
Les causes profondes de ces conflits sont complexes, mais incluent l'inégalité socio-économique entre les groupes, la mauvaise gouvernance et la concurrence pour des ressources rares ou d'une grande valeur comme les diamants ou le pétrole. Les conflits sont alimentés par une prolifération des armes légères. De plus en plus, ils ont une envergure régionale, comme nous le voyons très clairement dans les pays comme le Liberia, la Guinée et la Sierra Leone.
Lors de ces conflits, qui sont souvent des conflits internes plutôt qu'interétatiques, d'ordinaire, la distinction entre les civils et les combattants s'estompe. Fréquemment, les protagonistes sont des acteurs non étatiques, qui font peu de cas du droit humanitaire international. Les femmes, les enfants et les personnes âgées sont souvent des cibles, dans le cadre d'une stratégie politique. Les enfants sont utilisés en tant que combattants, qu'esclaves sexuels, ou sont contraints au travail. Les femmes et les filles sont vulnérables à la violence sexuelle et au trafic de personnes.
Les agences humanitaires se voient souvent refuser l'accès aux populations dans la détresse, et la sécurité des travailleurs humanitaires est fréquemment mise en danger.
[Français]
Les conséquences des conflits apparaissent nettement dans un pays comme l'Angola. Bien que la guerre civile qui sévissait depuis 30 ans ait pris fin en avril 2002, la crise humanitaire demeure une des plus sérieuses de la planète. Le conflit a entraîné le déplacement du quart de la population. L'Angola enregistre certains des taux de mortalité maternelle et infantile parmi les plus élevés du monde. L'espérance de vie à la naissance est de 45 ans. La présence de mines, le mauvais état des routes et le délabrement des ponts ont empêché les agences humanitaires de venir en aide à 40 p. 100 de la population rurale.
Il en est de même en République démocratique du Congo. Malgré les progrès timides du processus de paix, les Nations Unies estiment que 16 millions de personnes ont un besoin urgent d'aide humanitaire. En deux ans et demi, plus de 3 millions de personnes sont mortes en raison de la malnutrition et de la maladie dans la région est de ce pays. Celui-ci vient au neuvième rang dans le monde pour ce qui est du taux de mortalité des enfants, et son taux de mortalité infantile dépasse de 50 p. 100 la moyenne enregistrée en Afrique. La situation reste dangereuse dans certaines zones situées dans l'est du pays, des violations généralisées des droits de la personne continuant d'être commises.
En Somalie, plus de 10 ans de conflit ont laissé la majorité des Somaliens dans une situation de vulnérabilité socio-économique perpétuelle. La malnutrition chez les enfants de moins de cinq ans est devenue un problème chronique dans le sud et le centre du pays, alors que la moitié de la population n'a pas accès à des équipements sanitaires et que plus des trois quarts de la population n'ont pas accès à une eau salubre.
Les complications qu'entraînent la sécheresse et les pénuries de vivres lors d'un conflit et après un conflit viennent augmenter la difficulté. Les crises au chapitre de l'approvisionnement alimentaire en Afrique ont toujours été attribuées à la sécheresse. Cependant, les crises alimentaires associées à la sécheresse et aux inondations que connaissent présentement l'Afrique australe et la Corne de l'Afrique sont aggravées par les bouleversements dans les secteurs agricole et économique et parfois par la violence et l'instabilité politique.
C'est le cas, par exemple, au Zimbabwe où, comme vous le savez, les politiques gouvernementales et la corruption continuent de nuire à la reprise économique. C'est aussi le cas en Érythrée, où des milliers de personnes déplacées à l'intérieur du pays, d'expulsés et de réfugiés de retour au pays n'ont aucune maison sûre où retourner. La majorité des terres agricoles en Érythrée est inaccessible en raison des mines terrestres qui s'y trouvent. L'absence d'échanges commerciaux entre l'Éthiopie et l'Érythrée se répercute sur la population frontalière et les pasteurs qui dépendent de la vente de leur bétail en période de pénurie.
Les mécanismes d'adaptation traditionnels des pauvres s'érodent encore davantage en raison des sérieuses répercussions du VIH-sida qui a des effets sociaux et économiques dévastateurs sur les familles et les communautés à tous les niveaux. La pandémie du VIH-sida pèse lourd sur les systèmes de soins de santé africains, qui ne peuvent pas répondre aux besoins du nombre accru de personnes souffrant d'infections associées au VIH. Les groupes les plus touchés sont les femmes et les filles, qui sont aussi les principales victimes de l'exploitation sexuelle.
Malgré le sombre tableau que j'ai peint des crises humanitaires, au cours de l'année passée, trois des crises africaines les plus longues ont connu une évolution positive. Après 30 ans de guerre civile, il y a eu un regain d'espoir pour le processus de paix au Soudan. Vingt-cinq ans de conflit civil en Angola ont pris fin en avril 2002. En République démocratique du Congo, des progrès dans la mise en oeuvre de l'accord de Lusaka inspirent un optimisme prudent. En outre, en Sierra Leone, malgré une situation encore fragile, on assiste à une consolidation continue de la paix. Le défi pour la communauté internationale consistera donc à maintenir son engagement à l'égard de ces pays ainsi que le soutien qu'elle leur apporte pendant la transition de la situation de conflit au redressement et finalement à la paix et au développement à long terme.
º (1635)
[Traduction]
J'aimerais maintenant vous faire part de certaines mesures prises par l'ACDI pour faire face à ces crises.
Par le truchement des Nations Unies, de la Croix-Rouge et d'organisations non gouvernementales partenaires, nous appuyons des programmes qui allègent la souffrance causée par les conflits et les catastrophes naturelles. Au cours de l'exercice 2002-2003, nous avons décaissé plus de 160 millions de dollars canadiens pour répondre aux besoins humanitaires immédiats des populations africaines touchées par les crises. Certaines de nos plus importantes contributions ont été utilisées pour venir en aide aux populations touchées par un conflit en Angola, en République démocratique du Congo et au Soudan.
L'ACDI a fourni 15 millions de dollars au titre de l'assistance humanitaire à l'Angola depuis juin 2002, et elle est le principal donateur pour la campagne nationale de vaccination contre la rougeole menée actuellement en Angola, avec le concours du gouvernement angolais, de l'Organisation mondiale de la santé et du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF). La rougeole est la principale cause de mortalité pouvant être prévenue par un vaccin et une des principales causes de mortalité chez les enfants en Angola.
La contribution du Canada à la campagne de vaccination devrait permettre de réduire le nombre de cas de rougeole et de décès attribuables à cette maladie d'au moins 75 p. 100 au cours des cinq prochaines années. La campagne inclut aussi la distribution de vitamine A, mesure qui, comme le montre l'expérience, réduit la mortalité juvénile d'environ 23 p. 100. L'ACDI a également versé plus de deux millions de dollars pour des programmes d'alimentation thérapeutique destinés aux personnes les plus vulnérables et à celles qui souffrent de malnutrition.
En République démocratique du Congo, l'ACDI soutient le Comité international de la Croix-Rouge pour qu'il fournisse, entre autres, des secours d'urgence, mais aussi des semences et des outils aux collectivités touchées par le conflit. Le CICR joue également un rôle déterminant dans la protection des civils et la promotion du droit international humanitaire auprès de toutes les parties au conflit. En outre, nous avons soutenu des crises africaines de moindre envergure et qui ont suscité moins d'attention, comme celles dans le nord de l'Ouganda, au Liberia et en Somalie.
Par ailleurs, l'ACDI ne réagit pas uniquement aux symptômes de crises humanitaires. Nous appuyons également les efforts déployés pour trouver des solutions pacifiques aux conflits. L'ACDI reconnaît que la consolidation de la paix la meilleure et la plus rentable qui soit réside dans la prévention des conflits, et la prévention des conflits la plus efficace repose sur le développement durable qui s'attaque aux causes profondes du conflit; autrement dit, il faut s'efforcer d'intégrer à notre programmation un développement sensible aux conflits. Il nous faut aussi fournir un soutien qui cible les initiatives favorisant la prévention des conflits et les activités visant la résolution des conflits et la réconciliation après les conflits. Par exemple, au Soudan, l'ACDI soutient le processus de paix officiel grâce aux pourparlers de paix menés par l'Autorité intergouvernementale pour le développement. Nous soutenons aussi la capacité des groupes de femmes et de jeunes à organiser des campagnes de promotion de la paix et des initiatives communautaires de résolution des conflits.
En Sierra Leone, l'ACDI appuie la réadaptation et la réinsertion socio-économique des femmes et des filles touchées par la guerre grâce à des traitements médicaux, des services de consultation, une formation professionnelle et des campagnes de sensibilisation communautaire. Le Fonds canadien pour l'Afrique, créé à l'appui du Plan d'action pour l'Afrique du G-8, permet à l'ACDI de cogérer, en collaboration avec le MAECI, l'Initiative de l'Ouest pour la paix et la sécurité. Celle-ci vise à fournir une aide stratégique, en particulier à la Communauté économique des États de l'Afrique de l'Ouest qui joue un rôle majeur au niveau de la sécurité régionale, et à renforcer les capacités locales, nationales et régionales à relever les défis en matière de paix et de sécurité.
Dans son énoncé de politique en faveur d'une aide internationale plus efficace, l'ACDI s'est engagée à élaborer une stratégie en deux volets en faveur de l'Afrique. D'une part, pour raffermir son engagement à l'égard des pays pauvres de l'Afrique qui ont réalisé des progrès remarquables sur les plans de la gouvernance et de l'engagement à l'égard des réformes et, d'autre part, pour organiser une intervention en faveur des pays qui sont toujours aux prises avec un conflit et une instabilité.
Pour concrétiser le premier volet de la stratégie, l'ACDI a ciblé six pays de concentration en Afrique—Éthiopie, Ghana, Mali, Mozambique, Sénégal et Tanzanie—où nous concentrerons de nouvelles ressources à l'appui du développement. Pour ce qui est du deuxième volet de la stratégie, nous avons engagé des discussions à l'Agence pour trouver des moyens de renforcer notre intervention face aux conflits et à l'instabilité, en ciblant particulièrement l'Afrique. Les enjeux en cause et les interventions nécessaires sont complexes, à multiples facettes et exigent des ressources importantes. Non seulement des interventions d'aide humanitaire et de développement s'imposent, mais tout aussi importantes seront les interventions diplomatiques et parfois militaires du Canada.
º (1640)
L'ACDI fait partie à cet effet d'un dialogue interministériel par rapport à la mise en oeuvre d'une approche qu'on appelle trois-D—développement, diplomatie et défense—en réponse à des situations de conflits en Afrique. Le Canada est aussi engagé dans ces discussions au niveau international avec nos partenaires multilatéraux incluant le Comité d'aide au développement de l'Organisation pour la coopération et le développement et les Nations Unies. L'ACDI doit faire des choix difficiles quant aux crises auxquelles elle peut répondre efficacement, au-delà d'une intervention purement humanitaire, c'est-à-dire fournir un soutien pendant une période prolongée et souvent fragile de rétablissement, de réadaptation et de développement.
Monsieur le président, j'ai tenté de vous donner aujourd'hui un bref aperçu des défis humanitaires auxquels fait face l'Afrique et les mesures que prend le gouvernement du Canada, par l'entremise de l'ACDI, pour les relever. Essentiellement, et cet argument a été établi très clairement par les dirigeants africains, les solutions aux crises humanitaires de l'Afrique doivent prendre leur source dans les pays africains mêmes.
La communauté internationale, y compris le Canada, ne joue qu'un rôle de soutien. Néanmoins, je peux vous assurer que l'Afrique demeurera au premier rang des priorités de l'ACDI en matière de développement et d'aide humanitaire. C'est la raison pour laquelle une tranche de 50 p. 100 de l'augmentation de 8 p. 100 du budget d'aide au développement sera allouée à l'Afrique.
Je vous remercie, monsieur le président
Je tiens à préciser que j'ai à mes côtés Mme Louise Marchand, directrice générale, Assistance humanitaire internationale, de même que M. Ernest Loevinsohn, qui est
[Français]
directeur général du Programme de lutte contre la faim, la malnutrition et la maladie, et M. John Deyell, qui est directeur régional du Programme d'Afrique de l'Est et de la Corne de l'Afrique.
Je vous remercie.
[Traduction]
Le président: Merci à M. Métivier et à sa délégation de s'être libérés pour nous faire profiter de leurs informations et de leur expertise.
C'est mon collègue, Deepak Obhrai, qui va ouvrir la période de questions.
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Je tiens à vous remercier tous d'être venus et de l'aperçu que vous nous avez donné
Un détail me chicote. J'aimerais soulever un enjeu plus vaste—et je m'adresse au MAECI de même qu'à l'ACDI; vous pouvez intervenir d'un côté comme de l'autre. Pendant la moitié de ma vie, j'ai grandi en Afrique à l'époque où les pays accédaient à l'indépendance du point de vue de leur situation économique et le reste. Aujourd'hui, je suis assis ici, et je ne constate aucun changement sur le continent africain. Je dirais qu'on a perdu une bonne décennie.
J'ai vu des projets de l'ACDI. J'ai vu l'argent affluer vers des pays. J'ai été témoin de tentatives. Lorsque j'examine la situation et que je constate la crise humanitaire qui frappe le sud de l'Afrique, je constate que, dans l'ensemble du continent, rien n'a changé.
Au vu de l'exposé de l'ACDI, de toutes les sommes qui sont dépensées et ainsi de suite, la nouvelle augmentation prévue constitue, à mes yeux, une solution symbolique. On n'atténue pas la gravité de la crise; on ne fait que tenter de ralentir la chute. Voilà tout ce qu'on fait. Voilà à quoi sert l'argent. A-t-il un effet sur la crise humanitaire que connaît l'Afrique? Non.
En ce qui concerne le NEPAD, dont il a été question à Kananaskis, et ce que dit le gouvernement, la plus grave lacune du programme, à mes yeux, a trait au mal qui déchire le continent, à savoir que personne n'oblige les dirigeants africains à rendre des comptes—jamais de la vie.
Le système d'examen par les pairs instauré dans le cadre du NEPAD équivaut encore une fois à donner un chèque en blanc aux leaders africains qui, par le passé, n'ont rendu de comptes à personne.
Le sentiment de culpabilité—pardonnez ma virulence, mais il s'agit de questions de vie et de mort. Il y a environ un an et demi, j'étais en Afrique, et ce que j'ai vu—des gens qui mouraient—m'a causé un véritable choc, dans le continent où j'ai grandi.
Mugabe au Zimbabwe et Khadafi occupant la présidence de la Commission des droits de l'homme, une vraie farce—autant d'éléments qui me font croire que la situation est toujours la même sur le continent africain. Quand allons-nous nous réveiller et dire aux dirigeants africains...?
Votre témoignage était tout à fait juste. Je suis d'accord avec vous pour dire que l'Afrique est aux Africains et que c'est aux dirigeants africains de décider de ce qu'ils veulent faire. Mais, je vous le demande, quels dirigeants africains? Celui de l'Algérie? Non. Il y a un gros problème en Algérie. Je suis allé en Algérie. Je ne peux même pas arpenter les rues en Algérie.
De quoi parlons-nous? De la Côte d'Ivoire? Il y a eu une crête de stabilité, laquelle est maintenant terminée.
Sommes-nous—et je m'adresse au MAECI...
º (1645)
Le président: Je tiens simplement à rappeler au député qu'il doit laisser du temps pour la réponse.
M. Deepak Obhrai: Pardonnez-moi. Je conclus.
Du point de vue du développement de l'Afrique, que faisons-nous sur le front de l'agriculture, où on subventionne davantage l'Union européenne que l'aide au développement pour tout le continent africain? On dépense plus pour venir en aide aux agriculteurs qui, en contrepartie, érigent les obstacles qui empêchent les pays africains de sortir de...
Tel est le portrait d'ensemble. Je ne cherche nullement à minimiser la portée de vos efforts. Seulement, je suis déprimé, triste.
Que s'est-il passé là-bas? Que s'y passe-t-il aujourd'hui? Cela ne me dit absolument rien. J'ai entendu la même chose il y a 20 ans, le portrait que vous avez brossé. Ce que je veux, c'est du neuf. Je veux qu'on intervienne en force pour obliger les intéressés à rendre des comptes. En viendra-t-on à cela?
Quelles sont vos vues à ce sujet?
Mme Anne-Marie Bourcier: Je vais répondre en premier puis inviter mon collègue qui était associé, et est toujours associé au suivi du plan d'action dans l'Afrique adopté par les dirigeants du G-8 à Kananaskis en réponse à l'initiative du NEPAD.
Monsieur le président, j'invite les membres du comité à ne pas perdre de vue ce que nous avons dit dans notre exposé, à savoir que les dirigeants du monde en développement et des pays africains devront demeurer engagés. La route sera cahoteuse. Malheureusement, nous allons faire face à certaines difficultés mais aussi à des réussites.
Les réussites dont nous avons fait état dans notre exposé sont significatives et marquent peu à peu la vie des Africains. Hélas, le continent est confronté, comme M. Métivier l'a dit, à d'autres problèmes, par exemple le VIH/sida, des problèmes de santé causés par la situation alimentaire ou, dans certains cas, la qualité de l'eau.
Je vais peut-être inviter mon collègue, David Angell, à dire un mot du point de vue du NEPAD.
º (1650)
M. David Angell (adjoint pour le représentant personnel du Premier Ministre pour l'Afrique et, directeur à la Direction de l'Afrique orientale et australe, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci beaucoup.
L'une des nouveautés du nouveau partenariat que représente le NEPAD, c'est l'engagement des dirigeants africains à s'obliger mutuellement à rendre des comptes. Il est simplement trop tôt pour dire s'ils seront en mesure de donner suite à cet engagement.
Le Comité des chefs des États et de gouvernement du NEPAD s'est réuni à Abouja le 9 mars. On a convenu du mécanisme africain d'examen par les pairs. Dix pays ont avalisé le mécanisme en question.
Des partenaires du G-8 se réuniront avec des partenaires africains les 14 et 15 avril à Bamako, et une bonne partie des discussions porteront sur la question d'examen par les pairs et la mise en application, comme les dirigeants africains s'y sont engagés, du mécanisme au cours du mois ou peu après.
Vous avez fait référence à un certain nombre de leaders africains. Vous savez sans doute que le Canada s'est opposé à l'élection de la Lybie à la présidence de la Commission des droits de l'homme.
En ce qui concerne M. Moy, le changement survenu au Kenya à la suite des élections du 27 décembre est plutôt radical. Je me suis rendu dans ce pays peu de temps après. L'enthousiasme de la population est palpable, et le nouveau gouvernement aligne ses politiques sur ce qu'on appelle le volet étranger du NEPAD. Dans le cas du Kenya, nous avons donc affaire à un pays africain majeur qui, en ce qui concerne le NEPAD, prêche par l'exemple, et nous verrons s'il s'agit d'un signe avant-coureur de ce que font d'autres pays.
Dans le contexte du plan d'action pour l'Afrique, les leaders du G-8 se sont d'abord et avant tout engagés à entretenir un vaste partenariat avec des pays africains de tout le continent, en fonction des besoins et de la dignité humaine, mais aussi à conclure des partenariats plus poussés, plus approfondis, avec les pays qui ont fait la preuve de leur volonté de mettre en oeuvre tous les aspects du NEPAD. Une fois de plus, il s'agit d'un processus qui en est à ses premiers balbutiements, et nous verrons où cela mène.
En ce qui concerne les subventions agricoles, le premier ministre n'a pas mâché ses mots, notamment dans le cadre des discussions du G-8 auxquelles participaient les membres du G-8 et les partenaires du NEPAD, et, avec beaucoup de fermeté, a fait connaître ses vues sur la question. À l'occasion du sommet du G-8 qui se tiendra à Evian du 1er au 3 juin, je pense, on discutera abondamment de cette question, en partie dans le cadre des négociations de Doha, mais il s'agit d'un enjeu relativement central de l'engagement pris par le G-8 envers, dans les faits, une voie distincte de celle de Doha.
Merci, monsieur.
M. Louis-Robert Daigle (directeur adjoint pour l'Afrique centrale et francophone à la Direction de, l'Afrique centrale et occidentale, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Si je puis me permettre d'intervenir, je m'intéresse à la question de l'Afrique depuis des années. Certains matins, j'éprouve les mêmes sentiments que vous, et il est normal de penser ainsi. En même temps, comme vous le dites, nous ne devons pas perdre de vue le portrait d'ensemble.
L'un des arguments que j'utilise pour inviter les gens à ne pas perdre espoir pour l'Afrique, c'est que la paix durable ne s'est instaurée en Europe qu'après 1945, à la suite de siècles de guerres, de massacres et de génocides—vous voyez de quoi je parle. Laissons donc une chance à l'Afrique.
Cela prend du temps, comme Mme Bourcier l'a dit à la fin de son exposé; ces choses exigent du temps et de la patience. Je suis d'accord pour dire que c'est extrêmement frustrant, mais on ne peut se permettre d'abandonner parce qu'il y a de l'espoir. De nombreux pays sont à l'heure actuelle en très mauvaise posture, et certains autres remontent la pente : nous ne pouvons donc pas abandonner. Je suis d'accord avec vous pour dire que c'est parfois extrêmement frustrant, mais nous ne pouvons tout simplement pas lancer la serviette.
º (1655)
M. Jean-Marc Métivier: Avec votre permission, je vais ajouter un commentaire. La première chose que j'aimerais dire, c'est que l'aide humanitaire est la conséquence de l'échec du développement. Si le développement avait fonctionné, nous n'aurions pas besoin d'aide humanitaire. C'est là un point de départ important.
Si, par ailleurs, nous examinons les 30 dernières années, nous nous rendons compte qu'il y a une leçon à tirer des efforts de développement. Il y a, outre les échecs, des histoires de réussite. Parmi les éléments qui s'imposent à titre de facteurs majeurs de réussite, mentionnons l'investissement dans la santé et l'éducation de la population, institutions dont un pays a certes besoin, l'engagement d'un pays envers son propre développement, des institutions démocratiques ou politiques grâce auxquelles une population peut faire connaître ses vues, de bons régimes de gouvernance et, enfin, de bonnes politiques macro-économiques et sociales. Les pays qui ont suivi ces approches ont obtenu de bons résultats. Bien entendu, nous avons tendance à cibler certains pays d'Asie de l'Est en particulier.
En ce qui concerne l'Afrique, nous constatons que le processus est beaucoup moins avancé. Du point de vue de la démocratisation, par exemple, des progrès considérables ont été réalisés, je dirais, au cours des 10 à 15 dernières années : on a délogé des leaders qui étaient en place depuis longtemps, et les processus démocratiques se sont lentement mis en branle. La démocratie met du temps à s'imposer et à s'exprimer clairement. Comme nos collègues l'ont vu, nous devons faire preuve d'un peu de patience et laisser à ces processus le temps de prendre racine.
Du point de vue des conflits, il est certain que nous faisons face à une situation des plus critiques en Afrique. De ce point de vue, les choses sont beaucoup plus graves aujourd'hui qu'elles ne l'étaient il y a 15 ans. Les conflits sont plus nombreux que jamais. Par conséquent, on a porté une attention toute particulière à la compréhension des causes des conflits et tenté de concerter nos actions en amont de ces situations, de manière à intervenir et à désamorcer des situations tendues avant qu'elles n'aient des conséquences tragiques.
C'est un domaine, je pense, où nous pouvons, à titre de membre de la communauté internationale, jouer un rôle clé en favorisant la compréhension de ce qui doit être fait et en nous montrant plus proactifs.
Le président: Monsieur Rocheleau.
[Français]
M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Compte tenu de la situation, est-ce qu'il va y avoir plusieurs tours ou est-ce qu'on va poser toutes nos questions? On va pouvoir revenir?
Le président: Oui, à mon avis, on peut procéder de cette façon.
M. Yves Rocheleau: Merci. Disons que j'ai deux ou trois questions pour commencer; ça va dépendre.
Premièrement, merci de vos témoignages. Je suis surpris que vous n'ayez pas fait mention du cas du Burundi où, à ce qu'on me dit, il y aurait eu 300 000 décès depuis 1996. Je ne sais pas si on peut parler de génocide, mais en tout cas, c'est une situation qui m'apparaît dramatique. Si vous pouviez la qualifier, ça m'aiderait dans ma réflexion.
Vous n'avez pas non plus parlé du cas de l'Algérie. J'aimerais connaître votre point de vue comme observateurs de l'extérieur.
Deuxièmement, vous dites, à la page 2:
Le Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique (NEPAD) reconnaît que la prévention et le règlement des conflits sont des conditions préalables au développement durable. |
Comment concevoir une telle affirmation compte tenu du stratagème qu'on a mis en place en Côte-d'Ivoire, selon moi, pour morceler ce pays avec la complicité évidente d'un pays pour lequel on a par ailleurs beaucoup d'affection, mais qui, à mon avis, sent ses intérêts visés directement, contrôlant encore 75 p. 100 de l'économie, se sentant attaqué--c'est ma perception--par les politiques de prise en main du gouvernement Gbagbo pour dégager la Côte-d'Ivoire de l'emprise française en faisant affaire avec d'autres pays?
Quand on parle de prévention et de règlement des conflits, comment concilier ça avec le fait qu'on invite les rebelles à la table, qu'on force le gouvernement démocratiquement élu à négocier et à transiger avec les rebelles, et qu'on se permet d'imposer au gouvernement démocratiquement élu la présence de rebelles qui vont, dans un premier scénario, avoir les postes de ministre de l'Économie et des Finances, de ministre de la Défense, de ministre de la Communication et de ministre de l'Intérieur? Si ma mémoire est bonne, c'était les postes de ministre de la Défense et de ministre de l'Intérieur qui auraient été occupés par les rebelles. Comment concilier ça avec le texte du NEPAD, avec la prétention du NEPAD?
Ce sont mes deux premières questions.
» (1700)
Mme Anne-Marie Bourcier: Merci, monsieur Rocheleau.
En ce qui a trait à l'Algérie, je dirai tout de suite que je ne me suis pas permis de faire des commentaires sur des pays situés à l'extérieur de la zone de l'Afrique subsaharienne, dans la mesure où nous sommes responsables de l'Afrique subsaharienne. Par contre, l'Algérie a été signataire et ardente participante dans la formulation de l'initiative du Nouveau partenariat pour le développement de l'Afrique et elle est partie prenante, dans ce contexte-là, des préoccupations émises par les Africains sur le développement du continent et le développement de leur pays.
Pour revenir à votre question sur la Côte-d'Ivoire et sur le Burundi d'abord, mon collègue Louis-Robert Daigle pourra compléter, mais de fait nous n'oublions pas ce conflit ou cette situation préoccupante. La situation est d'autant plus préoccupante qu'il s'agit d'une situation qui touche toute la région des Grands Lacs, qui touche à la fois la République démocratique du Congo, le Burundi, le Rwanda, qui est dans une situation plus stable présentement, mais il n'en demeure pas moins que c'est une région qui était intimement liée, de même que celle de l'Ouganda également.
Au Burundi, nous sommes présentement dans une situation ou nous serons bientôt dans une situation de transition où le gouvernement au pouvoir, par accord, a accepté de partager ses responsabilités avec le groupe d'opposition. Cette transition avait été annoncée pour le mois de mai. Nous surveillons de très près comment cette situation pourra évoluer, dans la mesure où il y a encore des difficultés avec une faction des groupes d'opposition qui sont en négociation.
En ce qui a trait à la Côte-d'Ivoire, ce pays a effectivement vécu une situation dramatique au cours des six derniers mois. La Côte-d'Ivoire est le poumon de l'Afrique de l'Ouest, et cette situation qui a été vécue finalement est fort malheureuse et, dans une certaine mesure, elle continue une situation qui avait été devancée par le coup d'État de 1999. Le gouvernement en place présentement a tenté, par un effort de réconciliation, de ramener toutes les parties dissidentes ou les partis d'opposition après une élection à faire un effort de réconciliation nationale, mais il s'avère que cela n'a pas été possible. Les six derniers mois ont d'abord été marqués par des situations excessivement difficiles en ce qui a trait aux négociations qui ont été engagées au niveau des Africains eux-mêmes.
La CEDEAO a été très présente dans la négociation par le biais du président Wade et également par le biais du doyen des Africains, en l'occurence le président du Togo. Et pour nous qui connaissons l'Afrique, les doyens ont habituellement une possibilité d'influencer les résultats. Les difficultés venaient du fait qu'il n'y avait pas de résolution de conflit, et c'est à l'invitation de la France que la CEDEAO, les partis d'opposition, le parti au pouvoir et les rebelles, deux groupes rebelles de la partie du nord et également des mutins qui avaient provoqué cette première crise en septembre, se sont tous retrouvés à une table pour tenter, en fait, de développer un accord de fonctionnement.
» (1705)
Les accords de Marcoussis ont été endossés par le Canada. Le Conseil de sécurité s'est également prononcé sur ces accords. Ces accords de Marcoussis touchent plusieurs domaines. En ce qui concerne les responsabilités de l'équipe de transition qui a été désignée par un premier ministre qui a émergé de l'accord de Marcoussis, l'agenda est significatif. Que ce soit en matière de réforme foncière, de naturalisation, de citoyenneté ou autre, les dossiers sont considérables.
Les groupes rebelles feront partie du nouveau gouvernement. M. Daigle pourra développer la question des postes qu'ils occuperont. Il avait été question qu'ils obtiennent des postes de défense et de l'intérieur, mais cela n'a pas été retenu et ce ne sera pas retenu. Un comité de sécurité a été mis en place et il est en train de désigner ceux qui seront les responsables à ce chapitre-là.
Louis-Robert, est-ce que tu veux compléter?
M. Louis-Robert Daigle: Je pense que c'est assez complet.
D'après ce que vous disiez, c'est comme si on acceptait le fait de la rébellion. Malheureusement, avec la rébellion, en Afrique, c'est un peu comme ça. Si vous regardez au Congo, il n'y a personne de légitime. En Côte-d'Ivoire, il y a une carence de légitimité et un processus politique qui piétinait depuis avant les événements de 1999. Cela durait depuis longtemps.
Mais à partir du moment où vous vous retrouvez avec un groupe qui contrôle un tiers du territoire, il faut bien finir par négocier. On doit négocier avec la réalité, et c'est ce qui est arrivé. Personne ne pouvait les déloger, et tout le monde a été obligé de se résigner à l'obligation de négocier.
Mais tout ça est le résultat d'une très longue histoire. Cela n'a pas démarré en septembre. Septembre est le résultat d'une très longue histoire. Vous parliez d'un pays qu'on ne nommera pas, mais qui a été très présent dans cette histoire-là. Personne ne le nie et lui-même, ce pays-là, ne le nie pas.
Par contre, il y a quand même une volonté, chez les Ivoiriens, de s'affranchir un peu de ces périodes-là. Mais l'affranchissement est encore un processus qui peut durer longtemps. La volonté est là, et je pense que les pays dont vous avez parlé sentent eux aussi le besoin de s'affranchir, car les poids deviennent très lourds à porter à la longue. Ils n'ont plus les moyens de faire ce qu'ils faisaient avant parce que le monde a changé, l'Afrique a changé, et il y a une dynamique qui s'est enclenchée.
Malheureusement, c'est très boiteux, c'est très tortueux. Ça a causé des dommages, mais ça va se régler petit à petit.
Le président: Oui, allez-y.
Mme Louise Marchand (directrice générale, Assistance humanitaire internationale, Direction générale des programmes multilatéraux, Agence canadienne de développement international): J'aimerais peut-être faire quelques commentaires pour répondre à votre question sur le Burundi.
Comme vous le savez peut-être, le Canada a beaucoup participé au processus d'Arusha, dans lequel M. Mandela a été très impliqué, ainsi que Carolyn McAskie, une Canadienne qui est aux Nations Unies également, à New York. On s'attend à ce qu'il y ait une transition par rapport au gouvernement. C'est prévu pour le début du mois de mai. Donc, le processus se poursuit.
En ce qui concerne les besoins en aide humanitaire, lors de l'année financière qui se termine, on a fourni 3,4 millions de dollars, surtout pour les personnes déplacées, en donnant des contributions au CICR et à des ONG internationales ainsi qu'à des ONG canadiennes. La protection des civils est aussi une activité qu'on a beaucoup financée, encore une fois via les ONG. C'est une question qui nous préoccupe, en particulier la situation des réfugiés qui sont en Tanzanie. Vous savez qu'il y a à peu près 500 000 réfugiés qui sont encore en Tanzanie. Nous travaillons donc de concert avec la Croix-Rouge et le HCR pour traiter de ces questions.
Je réalise que c'est une réponse un peu décousue à votre question. Alors, ce qu'on pourrait peut-être faire, c'est vous envoyer un complément d'information par rapport au Burundi, si vous pensez que ça pourrait vous aider.
» (1710)
M. Yves Rocheleau: Ce qui est frappant--et vous en êtes une belle illustration--, c'est que le Burundi n'intéresse personne. J'ai appris de l'ambassadrice, il y a peut-être deux ou trois mois, qu'il y avait eu 300 000 morts. Est-ce qu'on peut parler de génocide? Est-ce que c'est une révolution? Comment pourrait-on qualifier ce qui cause la mort de 300 000 personnes, de façon violente à ce qu'on m'a dit? Entre autres, une des informations que j'ai retenues, c'est que sur 65 députés, 28 ont été assassinés.
M. Louis-Robert Daigle: Il faudrait remonter au début de l'indépendance. Certains vont faire des parallèles avec le Rwanda. Il y a eu, effectivement, une histoire tragique. Depuis l'indépendance, un groupe a pris le pouvoir et contrôle le pays, et ce groupe constitue une majorité ethnique. Ce sont les mêmes dénominations qu'au Rwanda, mais ce n'est pas la même histoire, ce n'est pas le même contexte.
Il y a eu des massacres récurrents au fil des ans. On parle de ces 300 000 personnes, mais il y a eu des massacres en 1972, entre autres. Il faut aussi faire attention aux chiffres, parce qu'il y a beaucoup de chiffres qui sont lancés. Mais cela a été considérable, et le problème n'est toujours pas réglé. Il a éclaté de nouveau en 1993 et depuis lors, un processus a été lancé qui n'est toujours pas terminé.
Entre-temps, la rébellion continue. Il y a eu des accords de paix, mais ce n'est pas parce que vous avez un accord que tout est terminé. Il y avait des accords de paix, mais il n'y avait pas de cessez-le-feu. Il y a eu des accords séparés qui ont été conclus avec certains rebelles, mais il reste toujours des récalcitrants, des irréductibles. C'est pour cela que le processus prend autant de temps. Il y a des accords de paix entre les formations politiques, mais sur le terrain, il y aura toujours des rebelles qui n'étaient pas partie dans le processus de paix et qui continuent à se battre.
Alors, le processus avance, progresse péniblement. Il avance, recule, fait des pas de côté, mais il progresse. Le 1er mai, si l'accord est respecté, on devrait passer d'un président tutsi à un vice-président hutu. Le président qui occupe le poste actuellement a déclaré récemment qu'il allait le faire, mais il reste à voir si le 1er mai, les choses vont se passer comme ça.
C'est vrai qu'on n'en entend pas parler parce que c'est un petit pays; c'est grand comme une cabine téléphonique plantée en plein coeur de l'Afrique. On en parle très peu, mais ça dure depuis 30 ans. C'est malheureux qu'on n'en entende pas parler, mais c'est comme ça. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
Mme Louise Marchand: Ce que mon collègue vous a donné vous satisfait-il, ou avez-vous toujours besoin d'un complément d'information?
M. Yves Rocheleau: Ça va aller, merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Martin.
M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca): Merci, monsieur le président, et merci à vous tous d'être ici aujourd'hui. Les échanges ont été des plus intéressants.
Dans le traitement des problèmes qui se posent sur ce continent, nous avons besoin, me semble-t-il, d'un changement majeur d'orientation, et les commentaires que je vais formuler ne s'adressent pas à vous directement.
Si j'étais un Africain vivant dans l'un des pires pays du continent, je reviendrais à la conclusion, je vous le dis franchement, que l'Occident s'intéresse plus au processus qu'aux effets. Il est certain que nous semblons plus intéressés à traiter un problème qu'à le prévenir.
Je pense, monsieur Métivier, que vous avez indiqué avec beaucoup d'éloquence que, au bout du compte, le développement passe obligatoirement par l'absence de conflit et une bonne gouvernance; sinon, nous ne faisons que jeter notre argent à l'eau.
Dans le pire des scénarios, je dirais que nous avons affaire à une brute, un voyou, un kleptocrate et un meurtrier, intéressé à promouvoir et à induire les conflits pour son profit personnel et celui des membres de sa coterie.
Je vais d'abord invoquer le cas du Congo: 3,3 millions de morts, sept pays engagés—qui se retirent, reviennent et ainsi de suite—, et ils ont constitué sept groupes qui, indirectement, cherchent à s'enrichir en pillant les ressources colossales de ce pays. Comme vous le savez tous, 1 000 personnes ont été tuées à coups de machette il y a à peine quelques jours. Voilà la question que je vous pose. À titre de représentants d'un groupe qui formulent de très bonnes suggestions à l'intention du gouvernement, proposerez-vous au gouvernement de demander l'imposition de sanctions unilatérales ciblées contre certains des sept pays à l'origine du bain de sang continuel au Congo et même d'aller de l'avant en imposant de telles sanctions?
J'ajoute que l'article 2 de la Loi sur les mesures spéciales d'importation nous autorise à agir de façon unilatérale. Nous ne sommes pas tenus de le faire sous les auspices de l'ONU ni de l'une ou l'autre des organisations multilatérales auxquelles nous appartenons. L'article 2 de la loi confère au gouverneur en conseil le pouvoir de prendre une telle mesure. Le ferez-vous?
Le deuxième enjeu a trait à la famine en Afrique subsaharienne. À l'heure actuelle, 40 millions de personnes risquent de mourir. Le Canada a fait de l'excellent boulot, vous le savez mieux que moi, en donnant beaucoup de nourriture aux régions en crise de ce coin du monde.
Il faut cependant que quelqu'un sonne l'alarme. James Morris a tenté de le faire par tous les moyens possibles, mais ses appels sont en partie tombés dans l'oreille de sourds. Il faut qu'un pays sonne l'alarme relativement à deux aspects: premièrement, l'aide alimentaire; deuxièmement, des politiques agricoles structurelles à long terme qui, nous l'espérons, seront adoptées, lesquelles répondront aux besoins des pays en proie à de tels problèmes. Allons-nous plaider en faveur, premièrement, d'une augmentation massive de l'aide alimentaire, pour un total de un milliard de dollars, et, deuxièmement, mobiliser les pays pour leur permettre d'adopter les pratiques agricoles qui leur permettront d'accéder à la sécurité alimentaire à long terme, de façon que nous puissions éviter ce terrible manège?
Et finalement, je l'ai déjà dit en faisant allusion aux voyous qui interviennent dans le pire des scénarios, parfois, vous le savez mieux que moi, il n'y a pas de place pour la négociation. La négociation est terminée. Ces personnes agissent dans leur intérêt personnel. Allez-vous demander au gouvernement de demander la constitution de tribunaux spéciaux chargés d'instruire le procès pour crime contre l'humanité des personnes suivantes: premièrement, Robert Mugabe du Zimbabwe, deuxièmement, Joseph Kony de l'Armée de résistance du Seigneur dans le nord de l'Ouganda; et, troisièmement, Charles Taylor du Liberia? Je n'arrive pas à comprendre comment de telles créatures vénales parviennent à se tirer d'affaire après ce qu'elles ont fait subir à leurs régions et au voisinage.
En dernier lieu, j'espère que vous allez proposer la solution que constitue un Fonds canadien élargi aux hauts-commissariats et aux ambassades relevant de la compétence de nos ambassadeurs. Je pense que, ce faisant, nous obtiendrions un rendement énorme en contrepartie de notre investissement. Nos ambassadeurs et nos hauts-commissaires auraient des comptes à rendre à ce sujet. Si nous augmentons ce fonds—que nous le doublons et même le triplons, si vous voulez—je pense que nous obtiendrons un effet majeur sur le terrain, à certains égards des plus importants.
Je vous remercie.
» (1715)
Mme Anne-Marie Bourcier: Je vais laisser à mon collègue le soin de répondre à la question touchant la famine. Je vais commencer par la question qui porte sur le Fonds canadien d'initiatives locales, plus proche des responsabilités de l'ACDI, et je vais tenter, monsieur le président, de répondre aux autres préoccupations soulevées.
En ce qui concerne les chiffres publiés au cours de la fin de semaine au sujet du Congo, nous sommes d'avis qu'il faut faire preuve de prudence dans l'utilisation des chiffres avancés. Pour cette raison, Louis-Robert Daigle a communiqué avec l'organisation internationale à l'origine de ces accusations, et je vais lui demander de nous en toucher un mot.
» (1720)
M. Louis-Robert Daigle: Nous établissons une distinction entre les personnes qui, d'une part, ont été massacrées, et le rapport du Comité international de secours, publié aujourd'hui, dans lequel il était question de quelque trois millions de personnes.
Il s'agit d'un problème des plus épineux car il s'agit du même groupe qui, il y a deux ans et demi, a avancé le chiffre de 2,5 millions de personnes. J'ai toujours mis ce nombre en doute parce qu'il s'agit d'une région du monde où les chiffres doivent être traités avec la plus grande prudence. Dans le cas du génocide au Rwanda, par exemple, le nombre de victimes a oscillé entre 500 000 et 1,2 million. Où donc se situe la vérité? Nous ne le savons pas.
En ce qui concerne les victimes du conflit au Congo, nous devons situer les choses en perspective. Il faut tenir compte des 30 ou 35 années du régime de Mobutu, un régime inepte à l'origine d'un pays en déliquescence, à l'infrastructure très limitée, voire inexistante. Le peu d'infrastructure qu'il y avait s'est effondrée.
Le problème, il est vrai, a été aggravé par la guerre. La guerre a fait de nombreuse victimes, mais pas nécessairement des victimes directes puisqu'il ne s'agit pas d'une guerre conventionnelle classique comme on en voit en Afrique. Ce qu'il y a plutôt, ce sont des personnes qui souffrent, qui meurent faute d'aide alimentaire et de médicaments, faute de moyens d'acheminer les biens vers les régions dépourvues de routes.
Je ne sais pas si vous connaissez la région. Lorsqu'on la survole, on constate qu'il n'y a tout simplement pas de routes. L'hélicoptère ou l'avion, vous voyez le genre, sont les seuls moyens d'acheminer de l'aide alimentaire, des médicaments ou d'autres produits de ce genre vers ces immenses régions.
Il est vrai que le conflit a fait de nombreuses victimes, mais il faut interpréter les chiffres avec beaucoup de prudence. Vous savez, 3,3 millions de personnes, c'est beaucoup, et nous n'avons aucun moyen de vérifier. Nous devons donc faire preuve de la plus extrême prudence dans l'utilisation d'un tel chiffre. Pour ma part, je le conteste depuis les tout débuts.
Je me souviens d'un autre voyage. Je me suis rendu à Genève pour discuter de ce chiffre avec des gens. Pendant qu'on y pense, comment a-t-on pu accoucher d'un tel chiffre. Comment est-on arrivé à un tel chiffre? Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu de victime—c'est une question différente—, mais il faut faire preuve de prudence.
Vous avez soulevé la question de sanctions ciblées vis-à-vis des sept pays. De façon unilatérale, je ne crois pas que quiconque a pour tâche... et je vais vous parler franchement. Il y a peut-être une loi, mais je n'étais pas au courant d'une loi à ce...
M. Keith Martin: Pardonnez-moi de vous interrompre, mais il y a une disposition de la Loi sur les mesures spéciales d'importation qui nous autorise à le faire.
M. Louis-Robert Daigle: Peut-être, mais je doute que... et je veux expliquer pourquoi cela, dans le cas présent, ne fonctionnerait pas. Une chose est certaine, nous ne pourrions pas agir seuls.
M. Keith Martin: Je suis désolé...
M. Louis-Robert Daigle: Nous ne pouvons pas agir seuls. Ce que nous avons tenté de faire... Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il s'agit d'une flambée grave et que de nombreuses personnes ont fait des tas de mauvaises choses, mais tout dépend de la façon dont on souhaite aborder le problème.
Comme je l'ai indiqué plus tôt, le pays est dépourvu, pour commencer, de tout dirigeant politique légitime, et la façon dont nous avons...
M. Keith Martin: Monsieur, je fais référence aux sept pays concernés qui ont, eux, des dirigeants politiques...
M. Louis-Robert Daigle: Très bien, mais, comme je l'ai dit, je ne pense pas que le Canada puisse agir seul, et nous ne recommanderions pas au système, à nos maîtres politiques, de...
M. Keith Martin: Pourquoi?
M. Louis-Robert Daigle: Parce que ça ne marchera pas.
M. Keith Martin: Commencez déjà par me dire pourquoi.
M. Louis-Robert Daigle: Je ne pense pas que cela fonctionnerait. Il y a de nombreux précédents dans d'autres pays. Les sanctions sont très délicates.
M. Keith Martin: Je parle de sanctions ciblées contre les leaders.
M. Louis-Robert Daigle: Donnez-moi un exemple.
M. Keith Martin: Eh bien, on peut geler les actifs personnels de dirigeants particuliers. On peut leur interdire de voyager. En d'autres termes...
» (1725)
M. Louis-Robert Daigle: On l'a fait. Au Zimbabwe, par exemple, on l'a fait.
M. Keith Martin: N'entrons pas là-dedans parce qu'il y de si nombreuses échappatoires qu'on pourrait faire passer des éléphants par les mailles du filet. Cela dit, je pensais surtout à des sanctions contre les leaders. Les sanctions ne viseraient pas le peuple parce que je suis tout à fait d'accord pour dire qu'il faut à tout prix éviter une situation comme celle qu'on a connue en Irak, où ce sont les citoyens qui ont souffert des sanctions, instruments trop grossiers. Mais si on fait payer les intéressés, peut-être pourrait-on amorcer un changement d'orientation, puisque ce que nous avons fait par le passé n'a pas donné de résultats.
Vous savez mieux que moi qu'on n'a pas affaire à de menus problèmes. Couper les bras et les jambes de bébés et d'adultes et les abandonner sur le sol pour que d'autres soient témoins des effets, ce n'est pas un menu problème.
M. David Angell: Monsieur le président, docteur Martin, à propos des sanctions ciblées, lorsque, en 1999-2000, le Canada était membre du Conseil de sécurité, Paul Fowler et Paul Heinbecker, qui se sont succédé à la présidence du Comité du Conseil de sécurité responsable de l'imposition de sanctions à la force rebelle de l'Angola, l'UNITA, ont joué un rôle clé en rendant efficaces des sanctions qui, jusque là, s'étaient révélées totalement inefficaces. Grâce à leur travail, ils sont parvenus à faire en sorte que les sanctions ciblées signifient quelque chose, au point où le gouvernement de l'Angola et l'UNITA ont admis que le rôle que le Canada a joué en concrétisant ces sanctions avait eu un impact considérable sur l'avènement du cessez-le-feu en Angola.
En ce qui concerne la République démocratique du Congo, le conseil a désigné un comité d'experts chargé d'examiner les cas de violation et d'exploitation illégale des ressources. Le comité en question a été créé à l'époque où le Canada était membre du conseil.
À l'époque, on n'a pas discuté de la possibilité d'imposer des sanctions, en partie parce qu'il y avait—et qu'il y a toujours, je crois—des divergences de vues prononcées entre les membres du conseil en ce qui a trait aux parties de la région qui contribuaient à la défense légitime de la RDC et celles qui étaient du mauvais côté—qui avait été invité et qui ne l'avait pas été. Parmi les cinq membres élus, les points de vue différaient considérablement sur la question de savoir quel rôle jouaient certains de ces sept pays.
Je pense qu'il est peu probable que le conseil impose des sanctions. L'attitude générale du gouvernement du Canada a été de militer fortement en faveur d'une approche multilatérale des sanctions: il s'agit, selon nous, du moyen le plus efficace d'aller de l'avant, des sanctions unilatérales imposées par le Canada étant peu susceptibles d'avoir des effets. On peut effectuer des comparaisons entre des situations, mais telle a été l'approche générale du gouvernement.
En ce qui concerne le problème de la famine, mes collègues de l'ACDI pourront vous en dire beaucoup plus. J'ai bien peur qu'on en soit revenu à la procédure, mais le G-8 a créé un groupe de personnes-ressources chargé de se pencher expressément sur la question de la famine en Afrique, d'examiner en particulier la dimension à long terme et de voir ce qu'on peut faire pour renforcer la capacité des pays africains de réagir de façon plus efficace en cas de sécheresse. Cette question constituera un des points importants à l'ordre du jour de la réunion du G-8 à Evian.
En ce qui concerne la question des tribunaux spéciaux, je dirais, après l'énergie et la créativité diplomatique considérables dont nous avons fait preuve pour la création de la Cour pénale internationale (CPI), que nous sommes réticents à l'idée de voir des tribunaux spéciaux créés en marge de la CPI, mesure que certains pourraient interpréter comme un affaiblissement de l'institution. Évidemment, il y a des cas où la CPI n'a pas juridiction.
En ce qui concerne les personnes auxquelles vous avez fait allusion, docteur Martin, notamment M. Taylor, de nombreuses sanctions ciblées ont été imposées au Liberia à l'époque où le Canada était membre du Conseil de sécurité. Nous avons joué un rôle important à cet égard, et le comité d'experts nommé par le Conseil de sécurité pour faire appliquer ces sanctions et les rendre plus efficaces a de multiples façons servi de modèle à ce que le Canada a fait relativement à l'UNITA. Sur la question du Liberia, nous avons joué un rôle actif en tentant de répondre au problème qui nous préoccupe.
En ce qui touche l'Armée de résistance du Seigneur, je crois comprendre que le gouvernement de l'Ouganda n'a pas demandé la création d'un tribunal spécial. Il faudrait probablement obtenir son aval. D'ordinaire, les tribunaux s'appliquent à tous les aspects d'un conflit donné, et pas simplement à un seul, en l'occurrence, M. Koni. S'il était possible d'accéder à M. Koni, les Ougandais l'auraient déjà fait. Dans ce cas particulier, je ne crois pas que nous pourrions avoir accès à la direction de l'Armée de résistance du Seigneur.
Pour ce qui est de M. Mugabe, le gouvernement canadien centre toujours ses efforts sur le Commonwealth dans l'espoir qu'un consensus se dégage au sein de l'organisation. On n'a pas encore épuisé cette possibilité.
Je vous remercie, monsieur.
Le président: Monsieur Métivier.
M. Jean-Marc Métivier: En ce qui concerne la famine, j'aimerais demander à M. Loevinsohn de vous fournir certaines informations.
M. Ernest Loevinsohn (directeur général, programme de lutte contre la faim, la malnutrition et la maladie, Agence canadienne de développement international): Comme mon collègue du MAECI, David Angell, l'a laissé entendre, un processus actif est engagé au G-8. Mais, docteur Martin, je sais que vous vous préoccupez davantage de la situation sur le terrain. C'est donc à cet aspect particulier que je vais m'intéresser.
D'abord et avant tout, en ce qui concerne le grave problème de malnutrition qui sévit en Afrique, l'aide alimentaire massive a certes été un élément de solution. Il n'y a donc pas là beaucoup de place à la controverse.
Cependant, on doit aller au-delà de l'évidence. À titre d'exemple, en cas de malnutrition, de nombreuses personnes meurent d'infection. Ces cas ne font pas la manchette, étant donné que ces questions ne sautent pas aux yeux des journalistes, mais, en réalité, on a affaire à des situations où la majorité des décès sont imputables à une infection, la mauvaise alimentation faisant office de facteur sous-jacent. Il faut donc lutter contre la malnutrition au moyen de l'aide alimentaire et contre l'infection par des mesures sanitaires, des sources d'eau potable et des choses de ce genre.
Fait encore plus important, et David Angell y a aussi fait allusion, on doit aller au-delà du problème de la malnutrition et se demander: «Quelle est la situation du développement agricole et rural qui fait que les populations sont si vulnérables?» Lorsque nous avons vu une sécheresse, ici, au Canada, le secteur agricole est touché, mais les citoyens ne meurent pas de faim. Nous devons doter les pays en développement de la même résistance au moyen de mesures économiques vigoureuses, en particulier dans le secteur agricole. Il s'agit à coup sûr d'une des principales priorités du ministre et de l'Agence.
» (1730)
Mme Louise Marchand: Monsieur Martin, j'aimerais peut-être ajouter quelques mots au sujet du Congo. Je suis rentrée il y a à peine deux semaines d'une visite annuelle sur le terrain avec le CICR. Une fois par année, les membres du comité invitent des responsables des processus comme moi à se rendre sur le terrain pour constater de visu l'application de l'aide humanitaire.
Je dois dire que je partage votre sentiment au sujet du Congo. Quiconque a visité le pays récemment ne peut penser autrement. Je suis allée à Goma et à Bikoro, et je me suis rendue dans de nombreuses collectivités échelonnées le long du lac, où les récits sont absolument horribles. Lorsque nous sommes rentrés à Kinshasa, un groupe international composé de représentants des différents pays donateurs—ce qui est en soi très intéressant—a organisé des réunions avec des organisations des NU ainsi qu'avec des intervenants de la scène de l'aide humanitaire, du développement et de la défense.
J'aimerais revenir au point soulevé par M. Métivier au sujet de l'approche des trois D—diplomatie, défense et développement. Sur le terrain, le fait que c'est l'approche qui s'impose ne suscitait aucun doute parmi les représentants de la communauté internationale. On doit agir sur la scène diplomatique et déployer des efforts concertés dans les domaines du développement et de la défense.
Au cours des prochains mois, je pense donc que nous aurons la possibilité de tenir, au niveau interministériel, des pourparlers sur la RDC relativement à cette approche. Nous avons reçu de notre ministre l'autorisation de mettre au point un cadre de programme pour la RDC que nous allons soumettre à son attention. Elle n'a encore rien reçu, mais nous avons l'occasion de travailler au niveau interministériel et peut-être d'envisager l'imposition de sanctions. Je ne sais pas, mais nous avons l'occasion d'adopter une approche plus fraîche, si je peux me permettre l'expression.
Je tenais donc à vous faire part de mes vues au retour de la mission à laquelle j'ai participé et à vous dire que nous allons poursuivre les discussions sur la RDC. Avec un peu de chance, nous allons réussir à établir des approches et des investissements plus efficaces et créatifs.
Je vous remercie.
Le président: Monsieur Obhrai.
M. Deepak Obhrai: Dans le même ordre d'idées, j'aimerais soulever deux petits points.
Le premier a trait à la culture de la dépendance. Ce que je crains, c'est que, dans le grand ordre des choses, c'est-à-dire l'élaboration de ce petit plan de développement, on semble avoir créé une culture de la dépendance, en vertu de laquelle il suffit de jeter de l'argent pour régler les problèmes. Croyez-moi, nous savons tous que l'argent ne réglera rien. Ce genre de situation me préoccupe donc dans la mesure où on ne s'attaque pas aux véritables problèmes, c'est-à-dire le changement structurel requis.
En réponse à mes questions, nombre d'entre vous avez fait ressortir certains points. Je suis d'accord pour dire qu'il y a de l'espoir; il faut bien qu'il y en ait. Je suis d'accord pour dire que certains changements ont été apportés. Mais, dans l'ensemble, pour quelqu'un qui a grandi là-bas et qui sait quelle était la situation et quelle est la situation d'aujourd'hui, la question se pose de façon un peu différente. Il faudra un long moment pour me convaincre.
Je veux aussi savoir si le Canada a recours à d'autres moyens multilatéraux. Je ne veux pas parler des Nations Unies, où je suis parfaitement conscient de l'engagement du Canada. Nous semblons cependant avoir mis tous nos oeufs dans le même panier, c'est-à-dire le G-8, en disant que c'est le G-8 qui fera ceci ou cela. Très bien, mais nous sommes aussi membres d'autres organisations riches d'une grande expérience. Voilà à quoi je veux en venir : utilisons-nous aussi le Commonwealth ou d'autres pays? De nombreux pays du G-8 ont une histoire coloniale derrière eux et ne sont pas, croyez-moi, considérés comme des partenaires du développement. Pour dire les choses crûment, je suis encore surpris de voir ce que la France fait à la Côte d'Ivoire. Avec ses troupes sur place, elle semble vouloir réaffirmer son pouvoir colonial. Je ne sais pas pourquoi elle est là-bas.
Néanmoins, de votre point de vue, le Canada est-il d'avis qu'il a d'autres partenaires dont il pourrait utiliser l'expertise afin de voir ce qui pourrait probablement donner de bons résultats en Afrique? Envisage-on quelque chose de cette nature? Quelque chose se prépare-t-il à cet égard?
» (1735)
M. Jean-Marc Métivier: Lorsque nous avons affaire à des urgences complexes, les approches traditionnelles auxquelles nous avons eu recours dans le domaine de l'aide humanitaire ou du développement sont insuffisantes, comme le montre bien notre dialogue d'aujourd'hui. Comme nous l'avons indiqué, nous devons, sur le plan théorique, aller bien au-delà d'une telle approche pour envisager des dimensions auxquelles nous n'avions jamais songé auparavant. Je pense notamment à la conciliation du développement et de la défense, à ce genre de notions. Sur le plan conceptuel, nous devons donc nous efforcer de comprendre ces urgences complexes et voir comment nous pouvons mettre au point des approches qui, avec un peu de chance, s'attaqueront au coeur des problèmes. Beaucoup reste à faire dans ce domaine, non seulement au G-8, sur lequel j'aimerais revenir dans un moment, mais aussi, comme je l'ai indiqué, au Comité d'aide au développement (CAD) et aux Nations Unies. En fait, tous les pays partenaires font les mêmes constats que nous et font face à des difficultés et à des défis identiques. Nous nous rapprochons donc pour tenter de comprendre, d'analyser et de mettre au point de nouvelles approches.
En ce qui nous concerne, nous avons cette aide humanitaire qui répond à des besoins immédiats, et nous avons aussi une aide au développement, qui s'inscrit à plus long terme. Mais que s'est-il passé entre les deux? Nous sommes confrontés à une crise, par exemple en Sierra Leone, et nous allons apporter une aide immédiate. Après, ces situations de crise ont tendance à ne plus faire la une des journaux. On y accorde moins d'attention, et on y consacre moins de ressources. On risque de créer un cercle vicieux d'instabilité continue. Il faut donc résister sur le plan du déploiement des efforts, mais aussi du type d'effort requis. Bien entendu, il faut d'abord et avant tout pouvoir compter sur l'engagement des institutions du pays concerné.
Pour répondre à votre question, on déploie des efforts au niveau international qui vont au-delà du G-8 pour tenter de comprendre et mettre au point de nouvelles approches face à ces situations.
Prenons, par exemple, le cas de l'Afghanistan. Il est intéressant de voir comment un si grand nombre de ces facteurs ont été réunis pour la première fois—l'élément de la sécurité, l'élément des institutions, politiques et économiques et, enfin, l'aide humanitaire et les facteurs liés au développement. Les modalités qui ont été mises en place et qui sont aujourd'hui appliquées en Afghanistan sont nouvelles: il y a donc des leçons à tirer de cette situation. Mais, bien entendu, dans ce cas, on pouvait miser sur le déploiement d'efforts massifs. La situation est toute différente dans le cas de problèmes à plus petite échelle à demi oubliés, comme celui du Burundi.
À l'époque de la mise au point du NEPAD, nous étions tous d'avis que la démarche représentait une percée très importante en ce sens que, pour la toute première fois, une très importante communauté africaine se réunissait pour discuter de la création d'un partenariat avec plus de donateurs traditionnels, en même temps qu'on reconnaissait la nécessité du changement et de la collaboration de part et d'autre, en particulier en ce qui touche la reddition de comptes et la responsabilité des partenaires africains. Par le passé, on avait tendance, comme vous l'avez déclaré plus tôt, à mobiliser plus de ressources dans l'espoir de régler le problème. Nous avons constaté l'échec de cette approche. Il faut donc en inventer de nouvelles. Je pense que les concepts qui sous-tendent le NEPAD sont très importants. Je pense que nous souhaitons tous que le NEPAD soit effectivement mis en oeuvre et procure les résultats que nous escomptons.
» (1740)
M. David Angell: Monsieur le président et monsieur Obhrai, j'aimerais, avec votre permission, revenir sur les points soulevés par M. Métivier sur la question de la dépendance. Essentiellement, le NEPAD est une initiative de mise en valeur du potentiel. Le programme a pour but de renforcer la capacité des Africains de relever les défis auxquels le continent est confronté. Le plan d'action pour l'Afrique que nous avons contribué à préparer et les initiatives canadiennes annoncées par le premier ministre le 27 juin de l'année dernière visent effectivement à renforcer les efforts déployés par l'Afrique pour consolider la capacité africaine, directement au moyen de l'aide, par exemple à la Fondation africaine pour le renforcement des capacités, et indirectement grâce à l'ouverture de nos marchés et à la prestation d'une aide à nos partenaires africains pour qu'ils améliorent leur capacité de participer aux négociations de l'OMC. Il s'agit donc essentiellement d'une tentative de réduire la dépendance, en particulier grâce au soutien des efforts déployés en ce sens par les Africains.
En ce qui concerne le G-8, je pense que le fait que le débat public sur l'Afrique ait si lourdement misé sur ce groupe particulier s'explique peut-être par trois raisons. Une d'entre elles est économique : en effet, les pays du G-8 comptent pour près de 75 p. 100 de l'aide au développement destinée à l'Afrique. Il s'agit d'un groupe important pour l'avenir du continent africain.
Deuxièmement, fait peut-être encore plus important, le G-8 a, à l'instigation du premier ministre Chrétien, assumé la responsabilité internationale de la réponse au NEPAD. La réponse à cette initiative est aujourd'hui relativement extraordinaire. Kofi Annan a proposé—et l'Assemblée générale des NU a donné son appui, que le NEPAD soit le prisme par le truchement duquel le système des NU s'engage en Afrique. Il s'agit d'une nouvelle extraordinaire pour une initiative vieille d'à peine deux ans. Mais le leadership du G-8 est en grande partie responsable de ce phénomène.
De plus, naturellement, il y a le fait que nous avons accueilli la conférence de Kananaskis et que le Canada y a proposé un certain nombre d'initiatives des plus importantes. Voilà ce qui fait que l'engagement du G-8 en Afrique occupe une place toute particulière dans l'actualité. Le fait est que nous travaillons par l'intermédiaire de la Francophonie, du Commonwealth et d'institutions africaines comme la Fondation africaine pour le renforcement des capacités. Il s'agit d'une approche très large que nous avons traditionnellement suivie et que nous continuons de suivre.
Je vous remercie.
M. Deepak Obhrai: Se passe-t-il quelque chose sur le front du Commonwealth, et les autres ne sont-ils pas...? Le Canada prend-il l'initiative à ce chapitre? Ce que je veux savoir, c'est où va le Canada sur ces questions. Là-bas, faisons-nous la même chose ou non?
Mme Anne-Marie Bourcier: Monsieur le président, la Francophonie et le Commonwealth s'inspirent, comme nous l'avons souligné, de l'initiative de NEPAD dans leurs relations avec le pays. La Francophonie, notamment, s'intéresse de très près aux questions touchant la gouvernance, en particulier dans le contexte de la Déclaration de Bamako. Des représentants se réuniront d'ici quelques jours pour poursuivre cette avenue. Dans les faits, comme nous l'avons indiqué, le NEPAD fait office de stratégie pour l'Afrique, et des institutions réagissent par le truchement de ce prisme. L'Union africaine s'engage elle aussi...
» (1745)
M. Deepak Obhrai: Quel est votre point de vue sur l'Union africaine?
M. David Angell: Avant de répondre à la question sur l'Union africaine, monsieur, j'aimerais, avec votre permission, faire suite à celle qui concernait la Francophonie et le Commonwealth, deux organisations auxquelles participe un fort contingent africain. En ce qui concerne la Francophonie, à titre d'exemple, on a déployé beaucoup de créativité dans la définition d'un rôle pour la Francophonie à l'appui du NEPAD. Boutros Boutros-Ghali, secrétaire général de la Francophonie, a récemment visité le Canada pour tenir des consultations avec M. Paradis sur ce que la Francophonie pourrait faire à l'appui du NEPAD. Nous prenons donc une part très active à ces initiatives également.
En ce qui concerne l'Union africaine, l'initiative du NEPAD constitue officiellement une initiative tributaire de l'Union elle-même. À l'heure actuelle, le premier président en poste à l'Union africaine, Thabo Mbeki de l'Afrique du Sud, est aussi le parrain, et à mains égards, l'architecte intellectuel du NEPAD. Le successeur du président Mbeki, à la présidence de l'Union, sera le président Chissano, du Mozambique, que le Parlement a accueilli récemment et qui est lui aussi un membre clé de la direction du NEPAD.
Si les idées que renferme le NEPAD en viennent effectivement à définir la nouvelle Union africaine, cette dernière est susceptible de devenir une organisation extrêmement efficace pour l'avenir de l'Afrique. Cependant, l'Union n'a que dix mois. Il y a toujours de grandes décisions à prendre en ce qui concerne ses institutions, et il est tout simplement trop tôt pour dire si elle deviendra l'institution robuste que ses fondateurs espèrent.
Le président: Merci.
Monsieur Rocheleau.
[Français]
M. Yves Rocheleau: Merci, monsieur le président. Premièrement, j'aimerais faire un commentaire au sujet de la Côte-d'Ivoire. Comme observateur étranger éloigné, je trouve que le message lancé aux Africains est très négatif et dévastateur. En outre, on peut constater une mauvaise attitude de la part des deux parties.
D'abord, il se dégage de ce dossier un relent clairement colonialiste et ensuite, il y a un manque évident de solidarité entre les pays africains eux-mêmes face à ce phénomène. Or, ces derniers ne dénoncent pas la situation, étant bien conscients que ce genre de comportement, s'il est présentement profitable à la Côte-d'Ivoire, pourrait aussi l'être à n'importe quel pays africain ayant fait l'objet de colonialisme dans le passé.
On banalise le fait qu'il s'agit d'un gouvernement démocratiquement élu, ce qui est quasiment un phénomène d'exception en Afrique. Ce n'est pas parce qu'un des partis les plus importants est absent de la scène politique qu'on doit invalider et banaliser le résultat de ces élections. À mon avis, ce parti n'a qu'à payer le prix de sa décision de ne pas être présent aux élections. La structure démocratique dans son ensemble ne devrait pas être pénalisée, notamment son président qui, pour l'avoir rencontré personnellement, me semble être un démocrate, un homme qui aime son peuple, qui a souffert pour lui et qui veut son bien.
Ainsi, on peut attaquer et remettre en question l'intégrité territoriale d'un des pays africains, le tout étant rapidement banalisé. Or, on sait que les armes utilisées par ceux qu'on appelle les mutins n'appartiennent pas à l'armée ivoirienne. Ce sont donc des armes fournies par des sources extérieures. Un mutin, le mot le dit, vient de l'intérieur des forces armées. On peut donc ici parler de rebelles financés de l'extérieur, mais comment et par qui? Voila qui est encore plus mystérieux.
À mon avis, n'eût été de la crise américano-irakienne, ce dossier aurait pris beaucoup plus d'ampleur. Il n'y a peut-être pas que Cuba--dont on dit qu'il profite de la crise américano-irakienne pour faire des mauvais coups, si mauvais coups il y a--qui profite de la situation; il y en a peut-être d'autres également.
J'aimerais poser deux questions. Monsieur Métivier, vous traitez rapidement de la pandémie du VIH-sida dans votre document. J'aimerais savoir ce que vous pensez du fait qu'un très grand nombre de pays ont l'intention d'opter pour les médicaments génériques et du refus américain de collaborer à cette initiative.
Ma dernière question est la suivante. Le printemps passé, si mes souvenirs sont exacts, six ambassadeurs africains sont venus rencontrer le Comité permanent des affaires étrangères, et l'un d'eux a affirmé que si les produits africains réussissaient à pénétrer les marchés occidentaux, on cesserait assez rapidement de parler des problèmes africains; la situation pourrait alors évoluer normalement. On avait alors abordé la question des barrières tarifaires et de la coopération réelle de l'Occident face aux problèmes africains. En outre, il a été dit que si on favorisait davantage l'achat par les Africains de leurs propres produits--si vous connaissez la question, j'apprécierais que vous me donniez quelques éclaircissements--, nombre de problèmes seraient réglés.
J'aimerais entendre vos commentaires sur le bien fondé d'un tel raisonnement.
» (1750)
M. Jean-Marc Métivier: Pour ce qui est du VIH-sida, j'aimerais que M. Loevinsohn nous en parle. Il est très engagé à l'égard de cette question.
M. Ernest Loevinsohn: Il faut admettre que la question du VIH et des médicaments est très compliquée et qu'à ce chapitre, au sein du gouvernement, l'ACDI n'est pas le leader.
[Traduction]
Ce que je dis, c'est donc essentiellement qu'il s'agit du point de vue d'une partie du gouvernement du Canada, qui ne rend pas compte de l'ensemble des programmes commerciaux, auxquels certains de nos collègues voudront peut-être s'intéresser.
Il est essentiel que des médicaments contre le sida et d'autres maladies soient immédiatement offerts. Or, le régime commercial international dont nous avons convenu permet la prise d'une série de mesures extraordinaires pour faire face aux problèmes touchant les droits de propriété intellectuelle en cas d'urgence nationale.
Je pense donc que nous devons nous hâter de tirer pleinement avantage du régime commercial, qui tient compte de ces facteurs sanitaires, et aussi d'étudier la question du simple versement d'argent en échange de médicaments. C'est plus directement le rôle qui nous échoit à titre d'organisme d'aide. Dans de nombreux cas, des médicaments sont offerts, mais même un médicament bon marché selon les normes canadiennes est hors de prix pour la majorité de la population d'un pays africain.
Je suis heureux de dire que le Canada a joué un rôle déterminant en ce qui concerne la disponibilité des médicaments. Nous sommes le pays donateur fondateur du dispositif mondial pour l'approvisionnement en médicaments pour la tuberculose. Comme vous le savez, on assiste présentement à une co-épidémie tuberculose-sida. Nous avons joué un rôle important du point de vue du traitement d'infections opportunistes liées au sida en fournissant des médicaments pour le traitement des maladies transmises sexuellement. Nous avons joué un rôle significatif.
Pouvons-nous faire davantage? Oui. Ferons-nous davantage? Oui. Nous avons au moins connu un bon début.
Le président: Allez-y, monsieur Angell.
M. David Angell: Monsieur le président, à propos des barrières tarifaires, il ne fait aucun doute que le retrait des barrières tarifaires revêt de l'importance pour l'avenir de l'Afrique.
À Kananaskis, le premier ministre a annoncé que le Canada allait supprimer la quasi-totalité des obstacles aux importations en provenance des pays les moins avancés (PMA).
On dénombre aujourd'hui 49 PMA, dont 34 en Afrique.
La décision est entrée en vigueur le 1er janvier. Le marché canadien a été effectivement ouvert. On a noté trois exceptions mineures, qui n'ont pas eu d'impacts véritables sur les importations en provenance d'Afrique.
Outre l'ouverture de nos marchés, le premier ministre a également annoncé, par l'entremise du Fonds canadien pour l'Afrique, que Mme Whelan était responsable d'une aide majeure visant à accroître la capacité de partenaires africains de tirer profit de l'accès accru au marché ainsi que de participer aux négociations de l'OMC. On s'assurera ainsi de donner plus efficacement suite aux préoccupations des Africains.
Bien entendu, ce sont les négociations de Doha qui servent de toile de fond à la mobilisation du G-8 pour l'Afrique depuis un an et demi. On tiendra sous peu à Evian une importante conférence ministérielle à l'occasion de laquelle on débattra non seulement de questions touchant les barrières tarifaires, mais aussi, comme l'a soulevé M. Obhrai, des questions cruciales que représentent les subventions agricoles, à l'endroit desquelles le premier ministre s'est montré extrêmement critique. Nous verrons les progrès qui peuvent être accomplis, mais le Canada, dans le dossier, prêche par l'exemple.
» (1755)
Le président: Je me demandais si, avec la permission des membres du comité, je pourrais poser certaines questions à nos témoins. J'aimerais profiter de votre expertise pendant que vous êtes ici.
J'aimerais commencer par interroger Anne-Marie Bourcier et Jean-Marc Métivier sur la question du Soudan. Je sais que nous allons tenir des audiences à ce sujet, mais, dans votre témoignage, vous avez tous les deux tenus des propos quelque peu encourageants sur le processus de paix en cours au Soudan
Madame Bourcier, vous avez indiqué que les deux parties croient possible la conclusion d'un accord de paix dès cet été.
Quant à vous, monsieur Métivier, vous avez évoqué un espoir renouvelé envers le processus de paix au Soudan.
Récemment, je me suis rendu à Washington, et encore aujourd'hui, par hasard, j'ai rencontré certains représentants d'ONG présentes au Soudan, et j'ai obtenu certaines informations contradictoires. Or, la sénatrice Mobina Jaffer m'a fait part de points de vue conformes aux vôtres.
Certaines des informations contradictoires que j'ai obtenues, et j'aimerais vous entendre à ce sujet, ont trait au fait qu'il existe bel et bien un processus de paix, mais qu'il s'agit en réalité d'un processus moins la paix. Le cessez-le-feu est plus souvent violé que respecté.
On n'a pas assuré au groupe de surveillance de la protection civile constitué pour contrôler le cessez-le-feu l'accès dont il a besoin pour faire son travail.
On freine le flot de l'aide humanitaire. On utilise toujours tous les revenus à des fins militaires, et j'en passe.
Voilà certaines des préoccupations dont on m'a fait part. La conclusion qui s'impose à ce sujet, c'est qu'on utilise le processus de paix pour voiler ce qui pourrait bien être une tempête en formation, le signe avant-coureur d'une recrudescence non pas du processus de paix, mais bien d'opérations militaires soutenues de la part des gouvernements.
Je me demandais si vous aviez des commentaires à faire à ce sujet.
M. Jean-Marc Métivier: Monsieur le président, peut-être pourrais-je commencer par demander à M. Deyell de répondre à la question.
M. John Deyell (directeur régional, Afrique de l'Est et de la Corne, Afrique et Moyen-Orient, Agence canadienne de développement international): Merci, monsieur le président.
La visite de la sénatrice Jaffer, étant donné qu'elle a rencontré plus de 80 groupes, non seulement au Soudan, mais aussi dans les pays avoisinants, a certainement fait ressortir pour nous une vaste diversité d'opinions et de points de vue qui ont approfondi notre compréhension de bon nombre d'enjeux soudanais. Je pense qu'il est clair à nos yeux que le processus en place est imparfait.
La question que nous devrions probablement nous poser est la suivante : ce processus est-il préférable à la situation qui régnait au préalable? Étant donné qu'on a affaire à l'une des guerres civiles les plus longues d'Afrique, et dont les résultats ont été particulièrement sanglants, il est clair que la situation actuelle est préférable à celle d'auparavant, même si le cessez-le-feu, par exemple, est rempli de trous et que, comme toujours, les parties à un cessez-le-feu utiliseront le calme ainsi créé à leur avantage.
De la même façon, même si on peut prêter des intentions au gouvernement soudanais et aux groupes du Sud qui dialoguent sur ce qu'ils peuvent attendre du processus, on doit admettre que ni le gouvernement du Soudan, ni les groupes du Sud ne représentent des entités homogènes. Comme la sénatrice Jaffer l'a constaté, de nombreuses forces sont en jeu au Soudan, au sein du gouvernement et dans le Sud.
Je pense que l'objectif du processus de paix que pilote de façon très compétente le Kenya du général Sumbeiywo est d'accentuer les aspects positifs, de dégager un consensus sur les éléments où un accord est possible et d'aller de victoire en victoire. Ce faisant, on renforcera les éléments du gouvernement du Soudan et des rebelles du Sud prêts au compromis, tout en minant les positions des groupes qui cherchent à accentuer et à allonger le processus.
À la lumière de la réaction non seulement des nations visées par l'initiative pour la croissance économique et le développement agricole, mais aussi de celles qui sont visées par une entente bilatérale, par exemple la Norvège et les États-Unis, qui montrent un intérêt extraordinaire, on doit conclure que nous bénéficions d'une occasion unique peu susceptible de se répéter. Il s'agit clairement d'une des conséquences du 11 septembre et de la guerre contre le terrorisme. Essentiellement, nous devons convenir qu'il s'agit d'une occasion historique, tout en ne perdant pas de vue l'ensemble des difficultés auxquelles fait face la procédure diplomatique, et soutenir du mieux que nous pouvons, de façon très nuancée, les deux parties au processus de paix.
¼ (1800)
M. David Angell: Monsieur le président, j'aimerais revenir sur ce qu'a dit M. Deyell. Des personnes raisonnables peuvent diverger d'opinion dans leur analyse de ce qui pourrait être amélioré jusqu'à ce que le processus de paix réussisse ou avorte. Au ministère des Affaires étrangères, nous partageons certes l'analyse de l'ACDI et celle offerte par les parties au conflit, la semaine dernière aux Pays-Bas, selon laquelle il s'agit du meilleur espoir dont nous ayons été témoins pour le Soudan. Les reculs font partie inhérente de tous les processus de paix auxquels j'ai été personnellement associé, notamment en Irlande du Nord. Il y a de bons et de mauvais jours, et il est parfois difficile de discerner les progrès, ce qui peut se révéler passablement décourageant.
À la lumière de ce que nous observons depuis six ou huit mois, malgré les très graves problèmes qui demeurent au Soudan—certaines régions du pays sont toujours en proie à de très graves épisodes de violence—, le mouvement laisse croire pour l'essentiel que l'analyse des parties, selon laquelle on pourrait conclure un accord de paix dès cet été, est exacte.
Comme M. Deyell l'a laissé entendre en réponse à votre question sur le voile que constituerait le processus de paix, monsieur, je pense que la réponse est non. Dans tout processus de paix d'une telle complexité, on retrouve, des deux côtés ou de tous les côtés, des parties plus ou moins favorables au mouvement vers la paix. Des deux côtés, on retrouve probablement des particuliers qui essaient de faire dérailler le processus de paix. Nous avons observé le même phénomène en Irlande du Nord; nous l'avons aussi observé au Moyen-Orient. Cela fait partie inhérente des processus de paix. Ce que nous constatons, c'est que les personnes favorables à la paix semblent avoir un certain ascendant, et c'est ce que nous tentons d'exploiter.
Le président: Dans un autre ordre d'idées, monsieur Métivier, vous avez dit dans votre exposé que 50 p. 100 de l'augmentation de 8 p. 100 du budget alloué au développement ira à l'Afrique. Est-ce pour l'exercice en cours, ou l'engagement de 50 p. 100 s'applique-t-il aussi aux augmentations futures?
M. Jean-Marc Métivier: Il s'applique aussi aux augmentations futures. Il va donc au-delà de l'exercice en cours.
Le président: Puisque vous avez répondu si brièvement à la question, je vais poser une dernière question de suivi très brève.
La semaine dernière, M. Lewis a comparu à l'occasion de l'audience conjointe tenue par le Comité des affaires étrangères et le présent sous-comité à propos de la crise du VIH/sida que connaît l'Afrique sans oublier la famine, qui aggrave ce problème, et ainsi de suite. Pourriez-vous nous dire un mot de la contribution du Canada pour la lutte contre le VIH/sida en Afrique?
Si je pose la question, c'est parce qu'il s'inquiétait principalement du fait que ni les pays membres de la communauté internationale ni nous ne fournissons les ressources nécessaires pour combattre ce qui, à son avis, constitue la principale menace internationale à laquelle nous sommes confrontés.
M. Jean-Marc Métivier: M. Loevinsohn répondra à la question.
M. Ernest Loevinsohn: Oui, avec plaisir, et je vais demander à mon collègue, John Deyell, du programme pour l'Afrique, s'il souhaite ajouter quelque chose, parce que le Canada réagit par quelque moyen à la crise du sida.
L'une des mesures que nous avons prises et dont les Canadiens en général peuvent être fiers, c'est le rôle que nous avons joué dans le fonds mondial contre le sida, la tuberculose et le paludisme, l'essentiel des fonds étant consacrés au sida et, par voie de conséquence, à l'Afrique.
Nous en sommes aux tout premiers balbutiements du processus. La première réunion des pays donateurs invités à discuter d'un tel fonds a été tenue à Ottawa, à l'instigation de l'ACDI. Nous comptons au nombre des pays donateurs, à hauteur de nos moyens. Nous sommes le septième pays donateur en importance. D'autres nous considèrent, à juste titre, me semble-t-il, comme une force capable d'orienter ce fonds sur les résultats, du point de vue de la protection effectivement assurée. C'est un des domaines où nous avons fait preuve de leadership.
Nous avons également joué un rôle clé dans la prévention de la transmission de cette terrible maladie d'une mère à son enfant. La quasi-totalité des cas de sida sont à fendre le coeur, mais celui qui contracte le sida de sa mère ou du lait de sa mère est à coup sûr l'une des plus terribles illustrations de cette maladie, étant donné surtout qu'on peut la prévenir au moyen d'un médicament bon marché appelé névirapine. Une fois de plus, nous avons joué un rôle de premier plan en mobilisant les efforts de prévention de la transmission de la mère à l'enfant au moyen de ce médicament abordable et efficace.
Nous avons donc pris un certain nombre de mesures valables. Bien entendu, le problème, c'est qu'il s'agit d'une épidémie, d'une pandémie si énorme, que nos efforts n'ont pas suffi à renverser la tendance. Il est certain que la communauté internationale dans son ensemble doit faire davantage.
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Le président: Nous allons entendre une dernière question, à supposer que M. Martin souhaite intervenir.
M. Keith Martin: Merci beaucoup d'être parmi nous aujourd'hui. Je ne vais pas poser de question. Je vais plutôt formuler quelques commentaires.
Si, une fois de plus, nous pouvions sonner l'alarme pour réunir plus d'argent pour le fonds mondial auquel M. Cotler a fait référence, si nous pouvions sonner l'alarme pour une aide alimentaire et immédiate... Et, monsieur Loevinsohn, comme vous l'avez bien dit en reprenant les mots de M. Morris, il s'agit du médicament le plus important que nous puissions utiliser au profit des personnes immuno-déficientes.
Je me demandais simplement si nous pourrions exercer des pressions en vue de l'établissement d'un registre des armes légères. Il pourrait s'agir d'une première étape en vue de contrer la vague de ce qui, selon le Comité international de la Croix-Rouge, est l'une des principales causes de mortalité dans le monde en développement.
Inutile de répondre; merci d'être venus.
Le président: Monsieur Angell, je crois que vous avez un commentaire à formuler.
M. David Angell: Pardonnez-moi de prendre la parole une fois de plus. Je voulais simplement répondre très brièvement.
Ce sont tous des problèmes, docteur Martin, à l'égard desquels le Canada joue un rôle de premier plan au sein du G-8. Ce que nous tentons de faire au sein du G-8, c'est non seulement de faire avancer nos propres initiatives, qui, en ce qui concerne le VIH/sida, par exemple, comprennent les 50 millions de dollars alloués à la recherche d'un vaccin contre le sida dont le premier ministre a fait l'annonce à Kananaskis, mais aussi mobiliser le soutien d'autres partenaires du G-8.
En ce qui concerne la question des 50 p. 100, par exemple, monsieur, permettez-moi de dire ceci. À l'instigation du Canada pour une large part, les leaders du G-8 ont collectivement convenu à Kananaskis d'allouer à l'Afrique 50 p. 100 ou plus des engagements au titre de l'aide publique au développement (APD) annoncés à Monterrey le mois de mars précédent. Outre l'augmentation annuelle de 8 p. 100 annoncée par le Canada, qui a l'intention de doubler l'APD canadienne d'ici 2010, d'autres partenaires du G-8 se sont également engagés à augmenter leurs nouveaux engagements au titre de l'APD et à réserver la moitié de ces sommes à l'Afrique. Pour l'ensemble du G-8, il pourrait s'agir d'une augmentation de l'aide au développement destinée à l'Afrique de 6 milliards de dollars US par année dès 2006 : sur une période de dix ans, il s'agit donc d'une nouvelle APD d'une valeur totale de 60 milliards de dollars qui s'ajoute aux prêts de 75 p. 100 de l'aide au développement que les pays du G-8 accordent déjà à l'Afrique.
Nous tentons de favoriser une mobilisation relativement spectaculaire des ressources au profit de l'Afrique.
Le président: Voilà qui conclut la séance sur une note très positive.
Au nom du sous-comité, je vous remercie tous les deux de vos déclarations liminaires, des points de vue que vous y faites valoir et des réponses complètes que vous donnez aux questions des membres du sous-comité. Nous avons vu des délibérations des plus éclairées, et nous vous sommes reconnaissants d'être venus nous prêter main-forte dans ce que nous considérons comme une étude des plus urgentes de ces questions. Merci encore une fois.
L'audience est levée.