SFIS Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Sous-comité sur le déséquilibre fiscal du comité permanent des finances
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le vendredi 18 février 2005
À | 1035 |
Le président (M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)) |
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.) |
Le président |
M. David Chaundy (économiste principal, Conseil économique des provinces de l'Atlantique) |
À | 1040 |
À | 1045 |
Le président |
M. Brian Crowley (économiste, Atlantic Institute for Market Studies) |
À | 1050 |
À | 1055 |
Á | 1100 |
Á | 1105 |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Á | 1110 |
M. Brian Crowley |
Á | 1115 |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
M. David Chaundy |
Á | 1120 |
Le président |
Le président |
M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ) |
Á | 1125 |
M. Brian Crowley |
Á | 1130 |
M. Guy Côté |
M. Brian Crowley |
M. Guy Côté |
M. Brian Crowley |
Á | 1135 |
M. Guy Côté |
M. Brian Crowley |
Le président |
M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD) |
M. Brian Crowley |
M. Peter Stoffer |
Á | 1140 |
M. Brian Crowley |
Le président |
M. Brian Crowley |
Á | 1145 |
M. Peter Stoffer |
M. Brian Crowley |
Á | 1150 |
Le président |
M. Brian Crowley |
Á | 1155 |
Le président |
M. Brian Crowley |
Le président |
M. Brian Crowley |
Le président |
M. Brian Crowley |
Le président |
M. Brian Crowley |
Le président |
M. Brian Crowley |
Le président |
M. Charles Hubbard |
 | 1200 |
Le président |
M. Brian Crowley |
Le président |
M. Guy Côté |
M. Brian Crowley |
Le président |
M. Peter Stoffer |
 | 1205 |
M. Brian Crowley |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Brian Crowley |
Le président |
M. David Chaundy |
 | 1210 |
Le président |
Le président |
L'hon. Mitchell Murphy (trésorier provincial, Gouvernement de l'île-du-Prince-Édouard) |
· | 1330 |
· | 1335 |
· | 1340 |
· | 1345 |
· | 1350 |
· | 1355 |
Le président |
M. Charles Hubbard |
L'hon. Mitchell Murphy |
¸ | 1400 |
M. Charles Hubbard |
L'hon. Mitchell Murphy |
¸ | 1405 |
M. Charles Hubbard |
M. Peter Stoffer |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Charles Hubbard |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Charles Hubbard |
L'hon. Mitchell Murphy |
Le président |
M. Guy Côté |
¸ | 1410 |
L'hon. Mitchell Murphy |
¸ | 1415 |
M. Guy Côté |
L'hon. Mitchell Murphy |
Le président |
M. John Palmer (directeur , Économie et statistiques, relations fedérales fiscales, Gouvernement de l'Île du Prince-Édouard) |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Guy Côté |
L'hon. Mitchell Murphy |
¸ | 1420 |
M. Guy Côté |
Le président |
M. Peter Stoffer |
Le président |
M. Peter Stoffer |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Peter Stoffer |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Peter Stoffer |
L'hon. Mitchell Murphy |
¸ | 1425 |
M. Peter Stoffer |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Peter Stoffer |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Peter Stoffer |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Peter Stoffer |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Peter Stoffer |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Peter Stoffer |
L'hon. Mitchell Murphy |
¸ | 1430 |
Le président |
M. John Palmer |
L'hon. Mitchell Murphy |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
¸ | 1435 |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Charles Hubbard |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Charles Hubbard |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Charles Hubbard |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Charles Hubbard |
M. John Palmer |
M. Charles Hubbard |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Charles Hubbard |
M. John Palmer |
M. Charles Hubbard |
M. John Palmer |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Charles Hubbard |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Charles Hubbard |
L'hon. Mitchell Murphy |
¸ | 1440 |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
M. Charles Hubbard |
Le président |
L'hon. Mitchell Murphy |
Le président |
M. Guy Côté |
L'hon. Mitchell Murphy |
¸ | 1445 |
M. Guy Côté |
L'hon. Mitchell Murphy |
Le président |
M. Peter Stoffer |
¸ | 1450 |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Peter Stoffer |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Peter Stoffer |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Peter Stoffer |
L'hon. Mitchell Murphy |
M. Peter Stoffer |
L'hon. Mitchell Murphy |
¸ | 1455 |
Le président |
L'hon. Mitchell Murphy |
¹ | 1500 |
Le président |
L'hon. Mitchell Murphy |
Le président |
CANADA
Sous-comité sur le déséquilibre fiscal du comité permanent des finances |
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TÉMOIGNAGES
Le vendredi 18 février 2005
[Enregistrement électronique]
À (1035)
[Français]
Le président (M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ)): Bienvenue.
[Traduction]
Bonjour à tous. Je voudrais vous remercier d'être venus à la réunion du Sous-comité sur le déséquilibre fiscal.
Je vous donnerai 20 minutes pour vos exposés, puis nous donnerons l'occasion aux députés de poser quelques questions.
Nous allons commencer avec M. David Chaundy, économiste principal du Conseil économique des provinces de l'Atlantique.
Monsieur Chaundy, vous avez la parole.
M. Charles Hubbard (Miramichi, Lib.): Monsieur, avant de commencer, pour le compte rendu, il serait bon qu'en tant que président, vous expliquiez le but de ce comité. Les médias sont ici et il serait également bon que les autres sachent exactement quel est le nôtre, pourquoi nous sommes à Halifax et ce que nous faisons lors de nos voyages relativement à ce que nous appelons le déséquilibre fiscal. Tout particulièrement, j'ai lu le journal local ce matin et je pense que les municipalités sont tout aussi préoccupées par le déséquilibre des revenus, des impôts et des dépenses que les provinces.
Nous devrions peut-être dire à la population du Canada atlantique quel est le but de notre comité et ce que nous espérons faire.
[Français]
Le président: Monsieur Hubbard, votre remarque est très pertinente.
Le sous-comité a été créé après que la Chambre ait ordonné au Comité permanent des finances de se pencher sur la question du déséquilibre fiscal. Il s'agit d'une forme d'iniquité qui s'est installée entre les deux paliers de gouvernement, entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, sur le plan de la capacité fiscale de chacun d'entre eux.
L'année dernière, en Ontario, il y a eu un premier déficit assez important de 10 milliards de dollars. Plusieurs provinces sont dans une situation précaire, comme l'Ontario. Au Québec, par exemple, on prévoit un déficit de 2,5 milliards de dollars cette année. Les provinces sont confrontées à des dépenses incompressibles et croissantes au niveau de la santé et au niveau de l'éducation, par exemple. Dans le domaine de la santé, les dépenses augmentent en moyenne de 7 ou 8 p. 100 chaque année à cause du vieillissement de la population.
On a beau conclure tous les ans ou tous les deux ans des ententes particulières avec le gouvernement fédéral à l'égard des transferts, on n'arrive jamais à rattraper les besoins des citoyens et des citoyennes de l'ensemble du Canada, surtout pour des services fondamentaux comme la santé et l'éducation.
La Chambre nous a demandé de parcourir le Canada et de tenir des séances à Ottawa pour recueillir des témoignages de spécialistes et de gens qui, au jour le jour, vivent le problème du déséquilibre fiscal. Ce sont des gens qui sont impliqués dans le secteur de l'éducation, dans celui de la santé. Nous devons aussi, au premier chef, recueillir les témoignages des gouvernements provinciaux. Nous devons de cette manière essayer de trouver des solutions à long terme à cette question.
Dans l'histoire du Canada, il y a eu plusieurs conférences, entre autres celle de 1964 à Québec et celle de 1971 à Victoria, où un nouveau pacte fiscal a été négocié avec le gouvernement fédéral. La conférence de 1964 a donné lieu à un transfert important de points d'impôt du gouvernement fédéral vers les provinces pour financer des initiatives dans les domaines de l'éducation et de la santé.
Il est peut-être temps aujourd'hui de reprendre cet exercice au lieu de conclure des accords ponctuels qui n'ont aucune durabilité. C'est l'objet de nos consultations.
Si cela vous satisfait, monsieur Hubbard, je vais maintenant donner la parole à M. David Chaundy.
Monsieur Chaundy, vous disposez de 20 minutes.
[Traduction]
M. David Chaundy (économiste principal, Conseil économique des provinces de l'Atlantique): Merci de me donner l'occasion de vous parler ce matin.
Mme Elizabeth Beale, la PDG du Conseil économique des provinces de l'Atlantique s'excuse de ne pas pouvoir être ici ce matin, des raisons familiales la retiennent.
Certains d'entre vous ne sont peut-être pas familiers avec le Conseil économique des provinces de l'Atlantique, alors je commencerai par vous expliquer exactement qui nous sommes.
Le CEPA est un établissement de recherche et d'enseignement indépendant et non partisan qui a pour objectif de promouvoir le développement économique du Canada atlantique. Le CEPA s'acquitte de ce mandat en analysant les tendances et les politiques économiques existantes et nouvelles, en communiquant les résultats de ces analyses à un large public, en le consultant, et en encourageant les secteurs public et privé à prendre des mesures pertinentes.
Le CEPA a été fondé en 1954 et célébrait, l'an dernier, son 50e anniversaire. Nous sommes un organisme sans but lucratif constitué en vertu d'une loi fédérale dont le financement provient principalement des cotisations de ses membres, de contributions de donateurs, de subventions de recherche et de conférences.
Le CEPA compte 400 membres dans la région de l'Atlantique et au Canada, la majorité provenant principalement du milieu des affaires, des universités, ainsi que des gouvernements fédéral et provinciaux.
Notre siège est à Halifax et nous disposons d'un personnel de recherche peu important, mais nous collaborons souvent avec des universitaires de la région et d'ailleurs à l'examen de divers sujets de recherche.
Comme je l'ai déjà dit, nous avons célébré l'an dernier notre 50e anniversaire et, pour l'occasion, nous avons produit une stratégie économique--dont j'ai distribué quelques exemplaires--intitulée « Un agenda pour la croissance et la prospérité au Canada atlantique », qui mettait en évidence certains des progrès réalisés par la région ces dernières années ainsi que certains des défis en cours. Des références précises sont faites, dans ce contexte, à la situation budgétaire et au rôle des transferts du gouvernement fédéral.
Par la suite, nous avons tenu à Moncton, à la fin septembre, une conférence de deux jours sur les politiques économiques, suivie du Sommet économique de l'Atlantique pour stimuler encore davantage le débat et les discussions à propos des politiques nécessaires pour aider notre région à progresser.
Je voulais donc commencer mon exposé en inscrivant ce sujet dans le contexte de la conjoncture économique du Canada atlantique. Comme je l'ai dit, la plus grande partie de ce que je vais dire, si vous voulez vous y reporter, se trouve dans le document sur la stratégie.
Les provinces de l'Atlantique ont fait d'immenses progrès au cours des dix dernières années. Certaines firmes ont profité d'un accès plus facile aux marchés internationaux. Nous avons vu de nouveaux investissements, et de nouveaux résultats, plus particulièrement dans les secteurs de l'exploitation pétrolière et gazière en mer, mais ces industries restent très volatiles et les perspectives pour l'instant, tout particulièrement pour la Nouvelle-Écosse, sont passablement incertaines.
Suite à une amélioration de l'économie, le marché du travail s'est redressé en ce qui concerne la croissance de l'emploi et les taux de participation. Comme conséquence de l'amélioration générale de la situation économique, nous avons moins dépendu des transferts du gouvernement fédéral aux particuliers, aux sociétés et aux gouvernements, bien que certains de ces transferts résultent également de changements au niveau des politiques.
Pourtant, la région fait encore face à des défis économiques importants. Elle présente des niveaux d'innovation et de commercialisation plutôt bas, des investissements relativement faibles dans la recherche et le développement, un nombre très limité d'entreprises spécialisées dans les technologies de l'information et de la communication, les sciences et d'autres secteurs axés sur le savoir. Bien que certaines de nos entreprises soient très novatrices et des chefs de file mondiaux dans leur domaine, nous n'avons pas de grappes importantes d'activités dans ces secteurs.
La croissance de l'emploi dans notre région s'est très concentrée dans des secteurs industriels à bas salaires, qui comprendraient notamment les centres d'appels, le tourisme et la vente au détail. Encore une fois, dans chaque secteur, il y a des activités à forte valeur ajoutée et à faible valeur ajoutée. En conséquence, la productivité du Canada atlantique est nettement inférieure à la moyenne nationale. Elle se situe à près de 80 p. 100 de la moyenne canadienne pour le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse et nous avons en réalité constaté une baisse du rendement relatif depuis le milieu des années 80. Terre-Neuve-et-Labrador serait l'exception dans ce cas, car le secteur de l'exploration pétrolière et gazière a réellement stimulé sa productivité, mais en dehors de ce secteur, des défis importants doivent être relevés.
Pour faire écho à cette perspective d'activité économique, nous avons observé une importante migration de sortie de nos jeunes les plus instruits. Les prévisions que nous et d'autres organisations telles que Informetrica avons faites parlent d'une croissance économique faible pour la région de l'Atlantique au cours des deux prochaines décennies par rapport au reste du pays.
À (1040)
De plus, comme dans l'ensemble du pays, certaines pressions démographiques viennent s'ajouter, tout particulièrement du fait du vieillissement de la population. Nous avons une croissance démographique très faible dans les provinces de l'Atlantique, historiquement et pour l'avenir. Ceci ajoute à un important vieillissement de la population, qui a des répercussions énormes, particulièrement en ce qui concerne les coûts des soins de santé.
Nous avons également une importante population rurale dans ce coin du pays, ce qui soulève des problèmes aigus de prestation des services publics, tels que les soins de santé. Les gouvernements font des efforts considérables dans cette région pour regrouper certains de ces services—à Terre-Neuve et au Nouveau-Brunswick tout récemment. Cependant, cela soulève une opposition assez importante dans les collectivités rurales et nécessite également d'autres dépenses en immobilisations afin de construire de nouveaux hôpitaux régionaux.
En conséquence de cette croissance économique plus faible et des pressions attribuables à l'augmentation des coûts, nous pouvons déjà en constater l'incidence sur les finances provinciales. Les quatre provinces de l'Atlantique, avec le Québec, ont les niveaux d'endettement et les coûts de service de la dette les plus élevés au pays par rapport au PIB, les niveaux les plus élevés se trouvant à Terre-Neuve-et-Labrador et en Nouvelle-Écosse.
L'an dernier, dans les budgets provinciaux, les recettes autonomes ont augmenté ou devaient augmenter de moins de 3 p. 100 en valeur nominale. Cependant, cela inclut également l'effet de mesures prises pour annuler les réductions de l'impôt sur le revenu des particuliers en Nouvelle-Écosse, ainsi que diverses mesures pour amasser environ 53 millions de dollars en tickets modérateurs dans l'ensemble de la région.
Ainsi, la croissance des revenus est inférieure à celle du PIB nominal. Mais du côté des dépenses, la plus grande partie de l'augmentation a été consacrée aux soins de santé, les dépenses ayant augmenté de 4,5 p. 100; les dépenses au chapitre de l'éducation ont augmenté de moins de 2 p. 100 et toutes les autres dépenses actuelles du gouvernement ont diminué de 1,7 p. 100 dans l'ensemble de la région. Cette baisse serait encore plus importante si nous ne tenions pas compte de la Nouvelle-Écosse. Sans cette province, la diminution aurait été de presque 3 p. 100. Et ce chiffre comprenait des compressions d'emplois importantes au niveau des gouvernements du Nouveau-Brunswick et de Terre-Neuve-et-Labrador. D'ailleurs, les examens des dépenses qui se poursuivent sont conçues pour créer d'autres économies.
Les projections du Conference Board et d'autres laissent entendre que ces situations budgétaires, particulièrement entre les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral, iront en s'intensifiant. Le comité a déjà fait référence au travail du Conference Board du Canada, mais cette analyse s'est concentrée sur les gouvernements provinciaux dans leur ensemble.
Le travail que M. Joe Ruggeri a effectué pour le CEPA, il y a quelques années, indiquait que le déficit serait beaucoup plus grave dans les quatre provinces de l'Atlantique qu'ailleurs au Canada. Une étude plus récente effectuée par M. Ruggeri sur le Nouveau-Brunswick indique que c'est une situation continue, même si l'on prend en compte les récents accords signés l'automne dernier en ce qui concerne la péréquation et les soins de santé. Son analyse indique que le Nouveau-Brunswick se trouve face à un déséquilibre structurel grave, qu'il devra faire face à des déficits de plus en plus importants, qu'il risque d'avoir d'avoir de la difficulté tout au long de la prochaine décennie, mais qu'il fera face à des déficits sans cesse croissants par la suite, en grande partie à cause de ses dépenses en soins de santé de plus en plus importantes attribuables principalement au vieillissement de sa population. On prévoit que les recettes fédérales vont augmenter plus vite que les recettes provinciales, mais ce n'est là qu'un élément plus petit du problème.
Étant donné la conjoncture économique et la situation budgétaire, nous craignons que la compétitivité économique dans la région pourrait être minée par une baisse des niveaux des services publics, tout particulièrement en ce qui concerne les immobilisations scolaires et le capital humain, qui sont tellement essentiels si nous voulons développer le potentiel de la région et pouvoir fournir les travailleurs qualifiés nécessaires pour soutenir une nouvelle croissance et de nouvelles industries. En revanche, l'économie de la région peut être compromise par des niveaux plus élevés d'imposition, ce qui minera sa position concurrentielle par rapport à d'autres parties du Canada.
Nous avons souligné ces enjeux dans la stratégie et je vous demande de vous reporter aux pages 15 et 19 de la version française, qui traitent particulièrement des enjeux liés aux transferts fédéraux et de nos recommandations, à savoir que ces enjeux doivent être étudiés.
Il est certain que les transferts canadiens en matière de santé et de programmes sociaux, ainsi que d'autres transferts, jouent un rôle clé dans la réduction du déficit fiscal vertical. Les transferts fédéraux, y compris la péréquation, représentent approximativement 35 p. 100 des recettes des provinces de l'Atlantique. Il s'agit d'une baisse considérable depuis le début des années 80, mais cela représente toujours une somme importante sur laquelle les administrations de notre région comptent pour fournir leurs services publics.
Comme je l'ai déjà mentionné, il est manifeste qu'il existe un déséquilibre et il y a des indications selon lesquelles la situation va empirer au fil du temps. À cet effet, nous devons examiner des options qui pourraient apporter une solution, ce qui pourrait comprendre la base sur laquelle ces transferts se font et la question de savoir si une base par habitant suffit pour prendre en compte les besoins différents à l'intérieur de ces différents groupes de dépenses, ou si nous devons une fois de plus examiner l'assiette fiscale et les paliers de gouvernement qui ont reçu des recettes fiscales pour subventionner certains de ces services publics.
À (1045)
Il est important d'inclure la péréquation dans ce contexte, mais comme je ne suis pas un spécialiste des finances publiques, je ne présenterai pas les mêmes arguments très convaincants comme ceux qui ont été faits pour expliquer l'importance du programme de péréquation; cependant, il s'agit d'un programme qui doit fonctionner aux deux paliers de gouvernement et d'aucuns sont préoccupés par les changements apportés unilatéralement par le gouvernement fédéral, qui a imposé des solutions et un nouveau cadre aux provinces qui peut ne sont peut-être pas dans leur intérêt.
Sans doute y a-t-il eu des problèmes importants dans le programme de péréquation précédent en ce qui concerne l'institution de cette norme des cinq provinces, divers problèmes liés aux champs d'application, aux mesures dans le cadre de ce programme, ainsi que la volatilité et l'incertitude des versements, qui créent des problèmes appréciables, tout particulièrement pour les petites provinces, comme celles de notre région. Une fois de plus, les révisions des estimations démographiques et les exigences de remboursement peuvent créer de graves problèmes aux gouvernements provinciaux.
Si l'on se tourne vers l'avenir, compte tenu du nouveau cadre que le gouvernement a l'intention d'utiliser, il existe également d'importantes préoccupations à savoir si la somme fixe et l'augmentation de 3,5 p. 100 intégrée seront suffisantes pour égaliser les disparités budgétaires dans l'ensemble du pays. La façon dont ces affectations seront faites et le processus en cours sont très incertains. Il existe donc encore des préoccupations légitimes, à savoir si le programme de péréquation va pouvoir remplir son but initial.
Pour conclure, les transferts fédéraux sont une source essentielle de recettes pour les gouvernements de l'Atlantique, leur permettant de fournir des services publics tels que la santé et l'éducation. Les provinces de l'Atlantique, malgré les progrès de leur économie, font face à des défis économiques et des problèmes budgétaires graves qui pourraient certainement être minés par une réduction des transferts fédéraux ou des changements dans la façon dont ces programmes sont attribués. Nous devons étudier des moyens novateurs pour corriger ces problèmes en ce qui concerne les dépenses et les recettes des deux paliers de gouvernement.
Il ne fait aucun doute que ces questions sont importantes, qu'elles sont complexes, et qu'elles nécessitent une analyse minutieuse des solutions proposées. Nous souhaitons bonne chance au comité dans son examen de cette question et dans la formulation de ses recommandations.
Je vous remercie.
[Français]
Le président: Merci beaucoup, monsieur Chaundy.
Nous allons maintenant passer à M. Crowley .
Bienvenue, monsieur Crowley. Vous disposez de 20 minutes.
M. Brian Crowley (économiste, Atlantic Institute for Market Studies): Monsieur le président, je vous remercie, ainsi que les membres de votre comité parlementaire, de m'avoir invité à témoigner devant vous aujourd'hui.
À (1050)
[Traduction]
Je vais prendre quelques minutes pour parler de l'institut que je représente.
L'Atlantic Institute for Market Studies est un centre d'études et de recherches sur les politiques publiques qui se trouve à Halifax. Nous célébrons notre dixième anniversaire cette année. Nous avons commencé il y a 10 ans avec un chèque de 15 000 $. Cette année, notre budget est de 1,3 million de dollars. Nous recevons un soutien énorme de la part des communautés des affaires, des professionnels et des universitaires de partout au Canada atlantique.
À l'institut, le président émérite s'appelle Purdy Crawford, notre président actuel s'appelle David Mann, qui vient de prendre sa retraite en tant que président du conseil d'administration de Emera, la société de portefeuille pour la Nova Scotia Power, entre autres. Vous connaissez sans doute un grand nombre des membres de notre conseil d'administration; ce sont des personnes éminentes du milieu des affaires et de celui des professionnels.
Nous avons un conseil consultatif de recherches, composé d'éminents universitaires d'un peu partout au pays, y compris un lauréat canadien du Prix Nobel, Bob Mundell, qui enseigne à l'Université Columbia.
Nous avons commencé comme centre d'études et de recherches traitant presque exclusivement des enjeux concernant le Canada atlantique, mais au fil des ans nous avons élargi nos horizons pour traiter d'enjeux nationaux. Pour ma part, j'ai été membre du comité Mazankowski en Alberta, du Conseil consultatif du premier ministre sur la santé,
[Français]
qui était l'équivalent de la commission Clair au Québec.
[Traduction]
Nous avons beaucoup publié sur la péréquation, la santé, l'éducation, la reddition de comptes et la responsabilité dans la prestation de services publics et sur un éventail d'autres questions.
Je dirai simplement que dans le milieu des centres d'études et de recherches, notre travail a été reconnu. Nous sommes l'un des trois centres d'études et de recherches au monde à avoir gagné la bourse commémorative Sir Anthony Fisher, qui est la récompense la plus prisée au niveau international parmi les centres d'études et de recherches, et qui est un prix d'excellence pour les publications et les activités de ces centres de recherches.
Maintenant que j'en ai fini avec nos antécédents, monsieur le président, permettez-moi de dire quelques mots sur cette question du déséquilibre fiscal qui est le sujet de notre rencontre aujourd'hui. J'ai distribué un document que nous avons rédigé relativement vite, après avoir reçu votre invitation pour aujourd'hui, et je vais résumer ce qui, d'après moi, sont les points essentiels de mon exposé.
Il a été démontré, monsieur le président, par plusieurs commentateurs sur le gouvernement provincial, qu'il existe un déséquilibre fiscal entre Ottawa et les provinces, ce qui veut dire, d'après moi, qu'ils considèrent qu'il existe un décalage entre ce que les deux paliers de gouvernement sont appelés à faire en vertu de la Constitution, d'une part, et les ressources budgétaires dont ils disposent actuellement pour s'acquitter de ces responsabilités, d'autre part. En d'autres termes, Ottawa dispose de trop d'argent par rapport à ses responsabilités et les provinces de trop peu. De plus, les surplus d'argent du fédéral sont la cause de l'écart budgétaire au niveau des provinces.
Avant de se précipiter et de trouver des solutions à ce problème, il est important de savoir si les prémisses définissant ce problème sont exactes, et j'ai l'intention de le prouver ce matin, monsieur le président, c'est-à-dire que ces prémisses sont erronées, que les provinces ont des ressources suffisantes à leur disposition, y compris la possibilité de lever des impôts, que les excédents d'Ottawa sont la récompense normale de la vertu budgétaire du gouvernement fédéral et que l'amélioration de la position budgétaire d'Ottawa ne s'est aucunement faite sur le dos des provinces. S'il ne fait aucun doute qu'Ottawa nous impose trop lourdement, ce n'est pas un argument pour qu'Ottawa transfère cette recette fiscale excédentaire aux provinces, mais plutôt pour qu'Ottawa arrête de prendre autant d'argent aux contribuables. Si les provinces souhaitent recevoir plus d'argent de la part des contribuables, elles devraient pouvoir l'obtenir par l'intermédiaire d'impôts et rendre compte de cette décision à la population.
Voici l'argument qui sous-tend ce que je viens de dire.
Regardons tout d'abord les transferts budgétaires du gouvernement fédéral. Il me semble que notre point de départ dans cette discussion serait de constater qui sont les gagnants et qui sont les perdants dans cet arrangement budgétaire actuel au Canada. Dans le tableau qui se trouve dans le document que j'ai distribué, nous avons comparé la contribution de chaque province aux recettes fédérales, puis nous avons contrebalancé cette contribution en recettes fédérales par rapport aux transferts fédéraux et à d'autres dépenses effectuées dans chacune de ces provinces. Cela nous a permis de déterminer les provinces qui sont des contributeurs nets et celles qui sont des payeurs nets. Nous fondant sur la proportion du produit national brut de chaque province, nous pouvons faire une estimation exacte de la contribution relative aux recettes fédérales provenant de chaque province.
Si vous cherchez ce tableau, monsieur le président, il se trouve à la page 3, en haut.
L'Ontario, l'Alberta et la Colombie-Britannique ont pratiquement toujours été des contributeurs nets au fédéralisme, avec l'ajout de la Saskatchewan de temps à autre. Toutes les autres provinces, Québec y compris, ont été des gagnants nets.
Parlons maintenant un peu du Québec, parce que le Québec est l'une des provinces qui se soucie particulièrement de ce problème du déséquilibre fiscal.
Si nous comparons les versements de péréquation faits au Québec d'abord—par habitant, donc nous comparons les versements de péréquation par habitant faits au Québec—avec les recettes fiscales nettes du Québec, selon le calcul que nous avons présenté ici, puisque le gouvernement fédéral a équilibré son budget en 1997, ils ont pratiquement été les mêmes. En d'autres termes, le statut du Québec de gagnant fiscal net, en vertu du régime courant, est entièrement dû à ces versements de péréquation. Dans tous les autres transferts fédéraux, les gains et les pertes s'équilibrent. Maintenant, ce cas est différent de celui des quatre provinces de l'Atlantique ou de celui du Manitoba, provinces qui subissent la même tendance mais qui ont toujours un gain fiscal net par habitant supérieur aux versements de péréquation à ces provinces.
À (1055)
Soyons clairs, le bénéfice net complet du Québec en vertu des transferts du fédéral aux provinces provient de ces versements de péréquation. Tous les autres versements s'annulent. À l'exception de la Saskatchewan, les autres provinces qui reçoivent des versements de péréquation, obtiennent des bénéfices nets supérieurs aux versements de péréquation qui leur sont faits.
Alors, cela illustre-t-il l'existence d'un déséquilibre fiscal qui nuit au Québec? Considérons la chose.
Cela ne signifie pas un déséquilibre fiscal qui nuit au Québec en vertu du TCSPS. Depuis que le TCSPS a été adopté en 1996-1997, le Québec a été la seule de deux provinces du pays, le Manitoba étant l'autre, à avoir en fait reçu plus que la moyenne nationale des versements par habitant, malgré le fait que ces versements sont censés être strictement par habitant. Ainsi, Québec est l'une des deux provinces du pays qui a obtenu plus que la moyenne nationale par habitant en ce qui concerne les versements du TCSPS.
Considérons les transferts aux particuliers--principalement l'assurance-emploi et le Régime de pensions du Canada. Dans ce cas, toutes les provinces, sauf les quatre provinces de l'Atlantique, sont sous la moyenne nationale. En d'autres termes, les quatre provinces de l'Atlantique obtiennent plus que la moyenne nationale en transferts aux particuliers aux chapitres de l'assurance-emploi et du Régime de pensions du Canada. Les six autres provinces obtiennent moins que la moyenne nationale. Mais, parmi ces six provinces, le Québec est le plus proche de la moyenne nationale. Ainsi, loin d'être pénalisé par ce système, si l'on exclut les quatre provinces les plus pauvres du pays, le Québec est le plus grand bénéficiaire de ces transferts aux particuliers.
De toute façon, il serait difficile de soutenir qu'une province faisait les frais de transferts d'avantages définis tels que les pensions, l'assurance-emploi ou le soutien du revenu pour les personnes âgées. Certaines provinces ont plus de personnes âgées que d'autres ou ont une proportion plus importante de prestataires de l'assurance-emploi. Ce genre de déséquilibre fiscal ne résulte pas des relations fédérales-provinciales, il résulte de réalités sociales, démographiques et économiques. Chaque société provinciale est, jusqu'à un certain point, distincte.
Regardons le fardeau fiscal que les gouvernements provinciaux infligent à chaque économie provinciale. Par définition, nous allons exclure les coûts du gouvernement provincial, qui sont couverts par les transferts d'Ottawa. Nous considérons uniquement le fardeau fiscal direct du gouvernement provincial et de l'administration locale sur le contribuable de chaque province. Pour cela, nous considérons les sources qui appartiennent aux provinces et les recettes locales en tant que pourcentage du PIB.
Je pense que vous trouverez cela à la page 4 du grand mémoire.
En fonction de cette mesure, il existe une différence claire entre les provinces plus développées et celles qui le sont moins. Le fardeau fiscal des deux provinces les plus riches, l'Ontario et l'Alberta, sont inférieurs à 20 p. 100 du PIB. Vous trouverez une note de bas de page ici, que j'aimerais que vous regardiez pour ce qui est de Terre-Neuve, qui correspond à une circonstance particulière. La plupart des autres provinces qui se trouvent dans la plage de 21 à 23 p. 100 du PIB, pour ce qui est des provinces anglophones, la Saskatchewan étant l'observation aberrante de cette plage à 25,1 p. 100. Cependant, la province présentant l'observation la plus aberrante est le Québec.
Pour la plupart des années visées, la taille des administrations provinciales et locales du Québec, en pourcentage du PIB, est beaucoup plus importante que celle des autres provinces, et ce chiffre est resté relativement stable. En fait, il a augmenté de façon sensible au cours de la période visée par ce tableau, puis il est redescendu au point de départ au cours de la période visée par le tableau, alors que la taille des gouvernements provinciaux dans la plupart des autres provinces a baissée, dans le cas de l'Alberta, par exemple, de près de 4,3 p. 100 du PIB.
Le choix que le Québec a fait d'avoir un secteur public plus important au niveau provincial que la plupart des autres provinces, est un choix tout à fait démocratique et légitime, mais ce choix ne démontre pas qu'il existe un écart entre les ressources fiscales fédérales et provinciales. Cela dénote simplement que les Québécois ont un appétit plus grand de services gouvernementaux provinciaux, pour lesquels ils sont censés payer. Cela ne représente certainement pas un argument pour les contribuables des autres provinces du pays de payer pour ce choix politique.
Parlons maintenant de la dette provinciale en pourcentage du PIB. À peu d'exceptions près, les rapports dette-PIB au niveau provincial ont baissé au cours des 10 dernières années environ. Bien sûr, dans bien des cas, cette baisse est attribuable à une croissance de l'économie plutôt qu'à une diminution de la dette en termes absolus.
Á (1100)
Une tendance similaire s'est également produite avec la dette fédérale. La dette fédérale est passée d'un sommet de 68 p. 100 du PIB à 41 p. 100 du PIB en 2003-2004, mais il faut signaler qu'Ottawa reste l'un des gouvernements les plus endettés du pays. Seuls les gouvernements de Terre-Neuve-et-Labrador, de la Nouvelle-Écosse et du Québec sont dans la même plage d'endettement, Terre-Neuve-et-Labrador étant largement en tête. C'est pourquoi il peut être plus intéressant de considérer la plage de changement du rapport de la dette au PIB, plutôt que les rapports eux-mêmes, et ces rapports se trouvent dans le tableau suivant, monsieur le président, qui se trouve à la page 6 du mémoire.
À l'exception de l'Alberta, toutes les provinces ont connu une baisse plus lente du rapport dette-PIB en moyenne que le gouvernement fédéral. Il est évident que maintenir une dette provinciale importante fait obstacle à la croissance et étouffe les recettes autonomes. Pour ce qui est des provinces très endettées, la solution serait de rééquilibrer les grands livres soit en coupant dans les dépenses, soit en augmentant les impôts.
L'une des raisons pour lesquelles le gouvernement continue d'avoir d'importants excédents, c'est qu'il a retranché 60 milliards de dollars à sa dette. Non seulement cela a-t-il amélioré la cote de crédit du gouvernement fédéral, mais cela a également contribué à faire baisser les coûts de service de la dette, qui ont baissé de presque six milliards de dollars par année ces dernières années. En d'autres termes, et c'est un point extrêmement important, la plus grosse partie de l'excédent fédéral est attribuable directement à la chute des coûts d'intérêt pour Ottawa. C'est cette chute des coûts d'intérêt qui, à son tour, est la récompense de la gestion budgétaire prudente du gouvernement. Ce n'est pas la preuve d'un déséquilibre des ressources fiscales entre Ottawa et les provinces.
Considérons maintenant la croissance des recettes autonomes des provinces. Vous trouverez de tableau, monsieur le président, à la page 7.
Selon moi, le coup de grâce à l'argument du déséquilibre fiscal est la croissance des recettes provenant des ressources autonomes des provinces. S'il existait en réalité un déséquilibre entre les gouvernements fédéral et provinciaux, il se manifesterait certainement comme une croissance nettement des recettes fédérales. Et notre tableau considère exactement ce problème.
Si vous prenez n'importe quelle année dans ce tableau, plusieurs provinces, souvent y compris le Québec, ont en réalité une croissance plus rapide au chapitre de leurs recettes provenant des ressources autonomes que le gouvernement fédéral. Si nous faisons une moyenne sur toute la période visée par ce tableau, trois provinces augmentent en réalité leurs recettes de manière générale plus rapidement que le gouvernement fédéral. La moyenne du gouvernement fédéral est de 4,9 p. 100, celle de l'Alberta de 6,5 p. 100, celle de la Nouvelle-Écosse de 6,3 p. 100 et celle du Québec de 5,2 p. 100. La croissance moyenne en termes de recettes de ressources autonomes du reste des provinces est à un taux inférieur à celui du gouvernement fédéral, mais toutefois important. En d'autres termes, le taux de croissance des recettes d'Ottawa, loin d'être le premier de tous, se trouve tout à fait dans la moyenne.
Qu'en est-il du délestage? La déclaration fréquente, selon laquelle la position budgétaire supérieure du gouvernement fédéral provient du fait qu'il s'est délesté aux dépens des provinces est, selon moi, trompeuse. Le budget fédéral de 1995 a marqué le début d'une compression dans les dépenses fédérales, avec l'introduction du transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, le TCSPS, auquel j'ai déjà fait référence, au cours de l'exercice 1995-1996. Les deuxième et troisième années du TCSPS ont résulté en des transferts moins importants qu'auparavant vers les provinces. Par exemple, le versement du TCSPS total pour 1995-1996 était de 14 milliards de dollars. Cependant, depuis, les transferts fédéraux ont énormément augmenté, atteignant 24 milliards de dollars au cours de l'exercice 2003-2004. L'automne dernier, le gouvernement fédéral a négocié à la fois un transfert en matière de santé et de programmes sociaux enrichi, et une péréquation enrichie. Les TCSPS totaux aux provinces vont passer de 27 milliards de dollars par année l'an prochain à près de 32 milliards de dollars en 2009-2010 et les paiements de péréquation vont augmenter d'un montant supplémentaire de deux milliards de dollars au cours de cette même période, passant de 12,9 milliards de dollars à 15,3 milliards de dollars en 2009-2010. En d'autres termes, d'après nous, Ottawa a plus que compensé sa très brève période de délestage.
Alors, s'il n'y a pas de déséquilibre fiscal, quel est le problème? Le véritable problème provient des politiques provinciales qui font obstacle à la croissance économique et, à leur tour, qui ont des répercussions négatives sur les recettes autonomes des gouvernements provinciaux. Les fardeaux de la dette élevée augmentent le coût du gouvernement, nécessitant des impôts plus élevés pour arriver à financer la dette. À leur tour, ces fardeaux fiscaux élevés étouffent la croissance économique étant donné que les particuliers décident de vivre et d'investir ailleurs, là où les impôts sont moins élevés. En réalité, cela devient un cercle vicieux vers le bas, qui met en péril les finances provinciales.
Si la question est de savoir si le gouvernement fédéral prélève trop d'impôt, je pense que la réponse est manifestement oui. Cependant, la bonne réponse à cette question n'est pas de transférer plus d'argent vers les provinces, parce que ce serait, selon moi, une façon de court-circuiter l'obligation de rendre compte en démocratie. En principe, toutes les dépenses du gouvernement devraient être financées par des impôts levés par ce gouvernement auprès de ses citoyens, de façon à ce que ce gouvernement rende compte à ses contribuables du coût et de la qualité des services publics, ainsi que du coût total de la charge fiscale que ces services créent.
Si les provinces veulent augmenter leurs ressources disponibles pour dépenser dans des services publics, elles peuvent toujours établir le bien-fondé d'une augmentation des impôts de leurs propres contribuables. Elles peuvent également faire pression sur le gouvernement fédéral afin que celui-ci baisse ses impôts et l'on peut certainement trouver de bons arguments pour étayer cette proposition. Selon moi cependant, toute augmentation des dépenses des gouvernements provinciaux devrait être financée par les impôts provinciaux et il s'agit d'une question distincte de celle de savoir si le fardeau fiscal d'Ottawa est trop élevé.
Á (1105)
En conclusion, monsieur le président, qu'il s'agisse du fardeau relatif de la dette, de la capacité fiscale, du délestage du gouvernement fédéral sur les provinces, de la capacité de générer des recettes autonomes, de la croissance de ces recettes, il existe très peu de preuves de déséquilibre fiscal entre Ottawa et les provinces.
Les provinces ont réduit leurs taxes et leurs impôts ces dernières années et sont également libres de les relever si elles sont prêtes à assumer politiquement le mécontentement que cela entraînera. Le fait qu'Ottawa ait mieux géré ses ressources fiscales que de nombreuses provinces n'est pas une raison pour transférer aux provinces les résultats de cette bonne discipline fiscale, de même que le fait que le fardeau fiscal d'Ottawa soit trop élevé n'est pas un argument pour transférer certaines de ces ressources fiscales aux provinces.
Les provinces ont les moyens de régler leurs problèmes fiscaux et nous ne voyons pas pourquoi Ottawa ferait le travail à leur place.
Merci, monsieur le président.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Crowley.
C'était fort intéressant et fort différent de ce que nous avions entendu jusqu'à présent. Nous sommes ici justement pour creuser la question. Bien entendu, il y a des arguments contraires à ceux que vous avez présentés.
Je vais maintenant céder la parole à mes collègues, puis je vous poserai moi-même des questions sur votre analyse à la fin.
Monsieur Hubbard.
[Traduction]
M. Charles Hubbard: Merci, monsieur le président.
Il est un peu inhabituel de donner la parole d'abord à un député du côté gouvernemental. Quoi qu'il en soit, j'aimerais enchaîner sur quelques-unes des remarques que nous venons d'entendre.
Monsieur Crowley, les recherches que vous avez faites pour cet exposé semblent très claires, et on dirait presque que votre organisation avait déjà approfondi la question avant que nous vous invitions à ce comité.
Ce que nous entendons depuis plusieurs mois à Ottawa, ce sont des plaintes quasiment continuelles de l'opposition qui s'en prend, par exemple, à notre prétendu excédent. Bien des gens au Canada semblent penser que notre ministre des Finances a créé presque... Certains en fait seraient prêts à le jeter en prison comme un criminel parce que nous avons accumulé un excédent de 8 ou 9 milliards de dollars l'an passé. On dirait aussi que certains partis d'opposition souhaiteraient que nous n'ayons plus d'excédent, et je suis très impressionné de vous entendre souligner comme nous l'importance d'un excédent.
C'est une excellente chose, monsieur le président, que nous ayons dans notre compte rendu ce matin qu'en matière de rapport dette-PIB, Ottawa, le gouvernement fédéral, est le plus mal placé parmi les 14 gouvernements de ce pays. Cela ne fait donc que renforcer... le budget fédéral va être présenté mercredi et je sais que notre propre comité a émis de vives critiques à l'égard de l'excédent. Le côté gouvernemental est minoritaire à ce comité, mais nous faisons un gros effort pour examiner cet excédent et le prévoir, et on dirait que les partis d'opposition en veulent absolument à notre ministre parce qu'il réussit à avoir un excédent.
Peut-être pourriez-vous faire quelques remarques à ce sujet, monsieur Crowley. Nous n'avons pas toujours été d'accord tous les deux dans le passé, et je sais que votre organisation et le CEPA ont été... En fait, cela remonte à l'époque où j'étais à l'Université du Nouveau-Brunswick. L'un de ses principaux fondateurs était professeur d'économie à l'époque. Il est très important, monsieur le président, que nous examinions aujourd'hui les préoccupations et le travail de ces deux organisations pour le progrès économique du Canada atlantique.
Monsieur Crowley, pour revenir sur quelques-unes de vos remarques, vous avez parlé des provinces. Vous avez, j'ai vraiment été désemparé quand j'ai entendu certains premiers ministres dire presque aussitôt après qu'une nouvelle formule de péréquation eut été annoncée à Ottawa, qu'ils allaient pouvoir réduire leurs impôts. Vous l'avez probablement remarqué. Vous pourriez peut-être ajouter quelques remarques à mes commentaires en nous donnant votre position.
Par ailleurs, monsieur le président, je suis un peu préoccupé par... La péréquation a joué un rôle énorme au Canada. Monsieur Crowley, je suis sûr que vous ne voulez pas laisser planer l'impression que la redistribution d'une certaine partie de la richesse du pays sous forme de péréquation n'est pas une des responsabilités fondamentales de notre gouvernement fédéral, et j'ai l'impression—pas en lisant votre rapport, mais plutôt d'après ce que vous avez dit quand vous avez laissé entendre que les gouvernements provinciaux étaient maîtres de leur destinée et pouvaient relever les taxes et les impôts comme ils le voulaient pour s'occuper de leurs citoyens, mais que dans l'ensemble...
J'ai fait un discours à la Chambre il y a une semaine. Je soulignais, en parlant de la façon dont notre pays est organisé et du fait qu'une bonne partie de nos industries et de notre organisation est concentrée dans le centre du Canada, qu'à mon avis il incombe au gouvernement fédéral de percevoir des recettes pour pouvoir les redistribuer en atténuant les différences fiscales d'une région à l'autre du pays et les différences de capacité des gouvernements provinciaux de générer eux-mêmes des recettes.
Donc, monsieur Crowley, vous avez quelques minutes et ensuite, David, j'aimerais vous poser quelques questions à propos du CEPA.
Á (1110)
M. Brian Crowley: Je voudrais remercier l'honorable député des questions qu'il a posées.
Vous avez soulevé un certain nombre de points et je répondrai très brièvement à chacun d'entre eux. Si j'en ai ratés ou si vous voulez que je réponde de façon plus détaillée, n'hésitez pas à poser une question complémentaire.
Tout d'abord, et j'espère que cela était clair dans mon exposé, je ne pense pas qu'un excédent soit une mauvaise chose. Au contraire, je pense qu'un excédent est la récompense appropriée pour la discipline fiscale qu'Ottawa a mise en place au cours des dernières années, bien que je sois prêt à admettre que je juge que cette discipline fiscale se détériore, mais nous pouvons laisser cela de côté pour le moment.
Je félicite le gouvernement fédéral de sa discipline en ce qui concerne sa dette. J'ai souligné dans mon exposé que le résultat de cette discipline fiscale et le remboursement de 60 milliards de dollars de la dette ont permis à Ottawa de libérer six milliards de dollars à dépenser dans des services publics ou pour alléger les impôts ou réduire sa dette, ce qui est la création d'un cercle vertueux en termes de finances publiques à Ottawa. Je pense qu'il s'agit d'un progrès énorme en fait de finances publiques à Ottawa. Nous pouvons ne pas tous être d'accord sur les moyens d'y arriver, mais je crois que nous devrions tous reconnaître que c'est un succès important.
Vous m'avez posé une question sur la péréquation et sur les responsabilités du gouvernement fédéral pour égaliser les recettes dans l'ensemble du pays. Je pense que ce point est juste. Je vous dirai que j'ai de fortes réserves concernant la façon de le faire. J'ai écrit de nombreux articles à l'institut et d'autres auteurs en ont écrit beaucoup pour nous à l'institut sur les incitatifs pervers qui ont été créés dans le cadre du système de péréquation. Je pense qu'il y a de meilleures méthodes pour arriver au résultat, mais je ne combattrai pas le principe même. Je pense que dans un système fédéral nous devons nous assurer que les Canadiens, où qu'ils soient au pays, ont accès à des niveaux raisonnables de services publics, sans avoir à faire faillite à cause de niveaux excessifs d'imposition, s'ils vivent dans une partie du pays où l'assiette fiscale est inférieure à celle que l'on trouve peut-être dans d'autres parties du pays.
Je ne sais pas si vous voulez que je me lance dans la question de savoir comment nous pourrions utiliser les dépenses fédérales de façon plus intelligente pour aider à développer l'économie locale. Cela était implicite dans l'une de vos questions, mais j'ai bien peur que cela nous entraîne hors sujet en ce qui concerne le mandat du sous-comité.
Á (1115)
M. Charles Hubbard: Me reste-t-il du temps?
[Français]
Le président: Monsieur Hubbard, pour une fois que je ne vous coupe pas la parole, profitez-en.
[Traduction]
M. Charles Hubbard: Je sais que nous sommes un peu hors sujet quand nous parlons du déséquilibre fiscal, mais il faut reconnaître le travail remarquable accompli par le CEPA depuis plus de 50 ans.
Pour ce qui est de la brochure que nous avons reçue ce matin, nous l'avions déjà reçue, je crois, il y a un certain temps. Elle a été distribuée aux députés à Ottawa. Il y a des points importants de cette brochure qui méritent d'être mentionnés ou soulignés pour le compte rendu.
Il y a d'une part le calcul des subventions. Au Canada atlantique, on nous accuse toujours de tendre la main et d'avoir les poches vides. Or, en ce qui concerne les subventions versées aux diverses régions du pays, le CEPA fait remarquer que les subventions que nous recevons sont inférieures à celles que reçoivent la plupart des autres provinces.
Il souligne aussi les problèmes des zones rurales, car une bonne partie de la population du Canada atlantique vit en milieu rural. Il souligne que la santé et le vieillissement sont des facteurs importants des problèmes que connaît le Canada atlantique. Il parle aussi de rendement et de productivité.
Globalement, monsieur le président, notre objectif à tous au Canada, notamment à ce comité et en tant que députés de la Chambre des communes, c'est d'assurer la prospérité économique de tout notre pays.
Alors, peut-être monsieur Chaundy voudrait-il bien renforcer quelques-unes des remarques qu'il nous a faites et nous proposer, puisque nous repartons la semaine prochaine, quelques suggestions d'aide que la nation pourrait nous apporter.
Il y a cinq ans environ, nous avons lancé dans cette même ville le Fonds d'innovation de l'Atlantique. Hier à Ottawa, les ministres provinciaux de l'Éducation des quatre provinces de l'Atlantique ont rencontré divers interlocuteurs pour leur parler de leurs besoins.
Nous parlons de transport. Nous parlons de toutes les préoccupations que nous avons ici au Canada atlantique.
Et à cet égard, monsieur Chaundy, pour nous écarter un peu du déséquilibre fiscal, peut-être pourriez-vous insister un peu plus sur les solutions que vous envisagez pour améliorer l'économie ici au Canada atlantique.
M. David Chaundy: Je vous remercie de cette question. Dans le document que nous avons publié en juin dernier, et que je vous ai remis ce matin, nous nous penchons explicitement sur ce problème et sur ce que le gouvernement fédéral pourrait faire concrètement. J'ai fait certaines remarques sur l'importance de la fiscalité et nos préoccupations à cet égard.
Les principales recommandations que nous formulons dans ce rapport pour améliorer les perspectives de croissance et de prospérité sont axées sur trois domaines. Il y a d'une part l'innovation. Il y a eu une proposition d'amélioration de la Fondation pour l'innovation, pour renforcer notre capacité sur le plan de la science et de la technologie où nous avons une certaine faiblesse. C'est dans ce secteur qu'on enregistre la croissance la plus rapide. Une récente analyse publiée cette semaine par Statistique Canada montre que les entreprises à connaissances de pointe progressent très rapidement. Or, dans ce domaine, le Canada atlantique n'est pas à la hauteur du reste de l'économie nationale. C'est dans ce secteur que nous devons donc essayer de nous consolider en aidant les entreprises existantes à améliorer leurs capacités d'innovation et d'investissement et en appuyant l'essor de nos nouvelles industries. Le Fonds d'innovation de l'Atlantique est certainement l'outil essentiel ici. Nous avions certaines préoccupations au sujet du processus que cela entraîne, et nous en parlons dans le rapport.
Sur le plan des principes, nous sommes favorables à des mesures susceptibles de renforcer la Fondation pour l'innovation pour permettre aux entreprises d'investir dans la mise au point de nouvelles technologies, comme de nombreuses entreprises le font déjà. Trois entreprises, toutes les trois du Canada atlantique, ont reçu le Prix d'innovation Manning il y a deux ans. Il est donc clair que nous avons cette capacité d'innovation, mais nous souhaiterions qu'on mette en place des mesures plus fermes. Nous envisageons de faire une étude sur la façon de renforcer et de peaufiner les programmes fédéraux d'aide à la technologie pour le bien des entreprises du Canada atlantique.
Nous travaillons aussi sur un document décrivant le rôle que joue la politique des transports. Mais pour ce qui est de l'autre principale recommandation sur laquelle nous nous sommes concentrés en ce qui concerne les investissements et les façons de stimuler et d'encourager les investissements au Canada atlantique, notamment dans le cadre des grandes entreprises, nous parlons des importants investissements réalisés dans l'exploitation du pétrole et du gaz au large de nos côtes. Certaines de nos entreprises forestières ont aussi investi considérablement pour améliorer leur productivité et avoir plus d'activités à valeur ajoutée. La région a donc des défis importants, mais ce sont là quelques-uns des ajustements qu'il faut réaliser.
Le secteur de la transformation des produits de la mer fait face à une concurrence très importante de la part des pays asiatiques et particulièrement de la Chine. La montée en flèche du dollar canadien a fait chuter les recettes, et nous devons donc essayer de trouver des moyens de renforcer et d'améliorer la productivité, même dans ces industries traditionnelles.
Enfin, notre troisième recommandation porte sur la politique économique régionale et les programmes régionaux. Il faut les recentrer sur l'innovation dans la croissance et la productivité sans abolir les programmes existants. Il faut les réaligner et les cibler pour qu'ils servent mieux à promouvoir le développement régional dans notre région.
Á (1120)
Le président: Merci, monsieur Hubbard.
Merci, monsieur Chaundy.
[Français]
Le président: Monsieur Côté, s'il vous plaît.
M. Guy Côté (Portneuf—Jacques-Cartier, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.
Messieurs, je vous remercie de vos présentations.
Si vous êtes d'accord, je ferai un certain nombre de commentaires et poserai des questions, puis je vous inviterai à commenter à tour de rôle.
Vos deux présentations sont intéressantes, mais elles font état de deux points de vue presque opposés. C'est un peu compréhensible. Comme beaucoup d'économistes le savent, on peut faire dire beaucoup de choses aux chiffres.
L'automne dernier, on a conclu une entente sur le fonctionnement de la péréquation. À l'époque, plusieurs provinces, pour différentes raisons, en étaient mécontentes. Cette entente avait été imposée par ce gouvernement. On a conclu récemment un certain nombre d'ententes particulières, notamment avec Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse. Je suis très heureux que ces provinces bénéficient d'une entente particulière, mais ne peut-on pas se demander si la présence de ces ententes particulières est un symptôme du fait que le système de péréquation ne fonctionne pas bien et aggrave le déséquilibre fiscal et les iniquités qu'il peut y avoir?
On a beaucoup parlé des ressources financières que nécessite le domaine de la santé, qui vient— je ne pense pas que le mot soit trop fort—siphonner les ressources financières des différentes provinces. C'est une réalité qui va au-delà du déséquilibre fiscal.
Je suis d'accord avec vous sur une chose: l'ensemble des Canadiens n'a pas nécessairement à payer pour des décisions qui relèvent de la compétence des provinces ou du Québec. Le problème, c'est que le gouvernement fédéral, depuis longtemps, parce qu'il a beaucoup de revenus, investit des champs qui sont de la compétence des différentes provinces. Nous avons tous en mémoire l'exemple des différents programmes qui étaient financés à 50 p. 100 par le fédéral et 50 p. 100 par les provinces. Aujourd'hui, le fédéral ne finance plus que 12 p. 100 de l'éducation.
Les provinces doivent fournir un certain nombre de services à leurs citoyens. Le financement qui provenait du fédéral il y a 10, 20, 30 ou 40 ans n'existe plus. N'est-ce pas un signe de déséquilibre fiscal? Un ordre de gouvernement investit un champ, sous prétexte qu'il s'agit d'une compétence partagée ou sous prétexte d'aider les provinces, mais au fil des années, il réduit graduellement son financement. Les citoyens ont toujours les mêmes besoins, mais la province n'a plus nécessairement la capacité fiscale d'offrir ce service et doit en payer le prix. Ou bien elle réduit les services, ou bien elle augmente les taxes. N'est-ce pas un peu la faute du palier fédéral?
Vous avez beaucoup parlé de l'indiscipline fiscale de ce gouvernement. Il faut se réjouir des surplus, et c'est tout à fait correct. Le problème n'est pas qu'il y en ait. C'est que ces surplus soient cachés et qu'on arrive tout à coup avec des surplus imprévus.
Je ne reviendrai pas sur les chiffres du passé, car on en a parlé régulièrement. On a parlé du Conference Board. On a tous vu les chiffres. Pour les cinq prochaines années, M. Goodale prévoit un surplus réel de 29,5 milliards de dollars, alors qu'il prévoit 31,5 milliards de dollars pour la mesure de prudence économique et la réserve pour éventualités. N'y a-t-il pas quelque chose d'illogique quand un gouvernement prévoit un montant plus élevé pour une mesure de prudence économique et une réserve pour éventualités que pour le surplus réel? Le ministre s'est échappé en comité. Il a dit que tout cela était correct et que si ce montant n'était pas dépensé, il servirait au remboursement de la dette.
C'est bien et normal de payer la dette, comme M. Hubbard le sait, mais le ministre ne doit pas cacher le montant du remboursement de la dette dans la mesure de prudence économique et la réserve pour éventualités. Qu'il en fasse un poste budgétaire distinct, et les parlementaires en discuteront.
N'est-ce pas là un signe de déséquilibre fiscal? Je ne dirais pas que le gouvernement fédéral cache les sommes, parce qu'elles sont visibles dans les livres, mais l'argent n'est pas inscrit au poste budgétaire approprié. L'argent est utilisé à d'autres fins.
Á (1125)
Monsieur Crowley, vous avez dit une chose qui m'a un peu fatigué, mais c'est peut-être moi qui en ai une mauvaise compréhension. On parlait du downloading. Vous dites que les transferts ont beaucoup baissé dans les années 1990 pour atteindre un très bas niveau en 1995-1996, mais qu'ils ont augmenté par la suite. Vous dites:
[Traduction]
« ont augmenté considérablement, atteignant 24 milliards de dollars pour l'exercice financier 2003-2004 ».
[Français]
Cependant, à la dernière page, où on parle des transferts par habitant, on dit qu'en 1993-1994, les transferts par habitant étaient de 1 502 $, alors qu'en 2002-2003, ils étaient de 1 505 $. Je ne vois pas d'augmentation significative dans ces chiffres. Pouvez-vous m'éclairer sur cet aspect?
Soit dit en passant, je trouve un peu malheureux que nos collègues du Parti conservateur n'aient pas pu être ici aujourd'hui. Ils se font fort de défendre les intérêts des provinces, et je trouve un peu malheureux qu'ils ne soient pas ici aujourd'hui. Je voulais vous le mentionner, monsieur le président.
M. Brian Crowley: Merci, monsieur le président. Merci de toutes ces questions. J'en compte une dizaine. Je vais faire mon possible pour y répondre.
Premièrement, j'étais certain que la question des accords offshore serait soulevée. Même si cela ne porte pas directement sur la question du déséquilibre fiscal, vous allez me permettre d'ouvrir une parenthèse pour en parler très brièvement.
Si j'ai bien compris, vous me demandiez si ces accords particuliers étaient un signe du mauvais fonctionnement du système des transferts en général. Ai-je raison?
Je ne crois pas que ce soit le cas de ces accords en particulier. Je crois qu'ils ressortissent à une autre logique qui ne touche pas à la question du déséquilibre fiscal. La raison de l'existence de ces accords remonte aux ententes conclues entre les deux provinces en question, c'est-à-dire Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse, et le gouvernement fédéral, pour le développement de ces ressources offshore. Dans ces accords, il était spécifié et accepté par le gouvernement fédéral que ces deux provinces allaient être les bénéficiaires principaux de ces ressources. Cela a donné lieu à tout un débat sur ce que pouvait signifier le fait d'être le bénéficiaire principal. Au début, dans ces accords, cela voulait dire qu'il y avait un accord spécial sur l'impact de la péréquation et sur les redevances de ces ressources. Mais l'accord spécial était insuffisant aux yeux des provinces, parce qu'il ne leur permettait pas de retenir la totalité des redevances.
Maintenant, il y a un argument auquel mon institut a eu recours à plusieurs reprises et que j'accepte donc: les redevances des ressources naturelles non renouvelables sont un type de revenu très différent des impôts sur le revenu, des taxes de vente, etc., car elles représentent la vente d'actifs de la part des provinces et non pas la création d'une valeur économique, et on ne devrait donc pas inclure cela dans la péréquation.
Je ferme la parenthèse, parce que ce n'est vraiment pas le sujet de notre discussion. Je crois que cette logique se défend et qu'en conséquence ces accords ne représentent pas une remise en cause du système des transferts en général.
Si je ne me trompe pas, vous me demandiez aussi si le gouvernement fédéral n'était pas porté à s'ingérer dans les domaines de compétence provinciale lorsqu'il avait trop d'argent entre les mains.
Á (1130)
M. Guy Côté: C'est cela.
M. Brian Crowley: La réponse est oui. Cependant, c'est une question très différente de celle de savoir s'il existe un déséquilibre fiscal entre les deux paliers de gouvernement.
Vous dites que, lorsque le gouvernement fédéral a beaucoup d'argent dans ses poches, il cherche des façons de le dépenser, et il arrive souvent qu'il le dépense dans des domaines de compétence provinciale. Vous avez tout à fait raison de vous plaindre de cela. Mon point de vue est que le gouvernement fédéral a l'autorité constitutionnelle de le faire, mais qu'il ne devrait pas le faire, du moins pas autant qu'il le fait. Je répète que cette question n'est pas la même que celle de savoir s'il y a un déséquilibre fiscal entre les deux paliers de gouvernement.
M. Guy Côté: Plus précisément, j'aimerais savoir si, au lieu d'investir les champs de compétence provinciale et québécoise, le gouvernement fédéral ne devrait pas libérer l'espace fiscal afin que les provinces et le Québec puissent dispenser leurs services correctement. Je ne demande pas s'il investit des champs de compétence qui ne sont pas les siens, car c'est une réalité, et vous le mentionnez bien. Est-ce qu'il ne devrait pas libérer l'espace fiscal?
M. Brian Crowley: Oui, mais je pense qu'il faut nuancer. Si le gouvernement fédéral a plus d'argent que ne le jugent nécessaire les contribuables fédéraux, il devrait remettre cet argent aux contribuables fédéraux. C'est une question politique. C'est une question de savoir quelle est la tolérance des contribuables fédéraux quant aux taxes fédérales.
À mon avis, la somme de l'impôt fédéral est trop élevée. Je suis donc d'accord avec vous: le fédéral devrait réduire cette somme. Toutefois, vous demandez si cet argent ne devrait pas être transféré directement aux provinces. Sur cela, je ne suis pas d'accord. Si le gouvernement fédéral abandonne une partie de ses recettes fiscales, il devrait tout simplement remettre cet argent aux contribuables, et il appartiendrait alors aux provinces d'expliquer à leurs contribuables pourquoi il est justifié qu'elles aillent chercher l'argent que le fédéral leur a remis.
Je crois qu'il n'appartient pas au fédéral de remettre cet argent directement aux provinces, parce que c'est une question de responsabilité démocratique.
Á (1135)
M. Guy Côté: En fait, je ne parlais pas nécessairement d'augmenter les transferts aux provinces quand je parlais de libérer le champ fiscal. Cependant, cela ressemble beaucoup à ce que vous dites. Le gouvernement fédéral pourrait libérer le champ fiscal en transférant des points d'impôt ou autrement, mais pas nécessairement en augmentant les transferts aux provinces.
M. Brian Crowley: Là-dessus, nous sommes d'accord.
Nous avons peut-être le temps d'aborder un dernier sujet. Vous avez parlé de surplus cachés. Encore là, je suis d'accord avec vous. J'ai lancé des fleurs au gouvernement fédéral pour le féliciter de ses efforts en termes de discipline fiscale. Je vais maintenant reprendre ces fleurs, du moins en partie, en disant que sa façon de présenter sa stratégie fiscale laisse à désirer.
J'ai déjà dit qu'il était nécessaire, sur le plan démocratique, que les provinces convainquent leurs contribuables du bien-fondé de leurs politiques et donc d'une augmentation de leur fardeau fiscal. Dans la même logique, le gouvernement fédéral doit être totalement transparent quant à ses stratégies fiscales, et être tout à fait ouvert et honnête, au moment du dépôt du budget, quant aux surplus qu'il prévoit à la fin de l'exercice financier.
On devrait tenir un débat parlementaire en bonne et due forme sur ce qu'on devrait faire de ces surplus. Pour reprendre votre langage, qui n'est pas nécessairement le mien, je dirai que le gouvernement ne devrait pas cacher ses surplus dans le budget et dans le processus budgétaire, et annoncer un surplus plusieurs fois plus élevé à la fin de l'exercice financier. À ce moment-là, le débat sur ce qui doit être fait de cet argent est tronqué, et l'argent finit souvent dans des fondations indépendantes du gouvernement fédéral et n'est pas soumis à la supervision des parlementaires. À mon avis, c'est scandaleux.
J'en suis arrivé à un équilibre entre les félicitations et les critiques que j'adresse au gouvernement fédéral.
Le président: Merci, monsieur Crowley. Merci, monsieur Côté.
Monsieur Stoffer.
[Traduction]
M. Peter Stoffer (Sackville—Eastern Shore, NPD): Merci, monsieur le président. Bonjour à tous.
Vous m'excuserez de mon retard. Il y avait toute une tempête de neige à Ottawa ce matin.
Monsieur Crowley et monsieur Chaundy, je vous remercie d'être parmi nous aujourd'hui. Lorsqu'on m'a demandé de venir remplacer ma collègue Judy, elle m'a demandé de signaler l'énorme déficit qui existe au plan fiscal entre le gouvernement et les Canadiens. J'ai donc quelques questions pour vous à ce sujet.
J'ai beaucoup apprécié vos résumés, qui sont très clairs et faciles à lire. C'est très bien.
Avez-vous eu l'occasion de présenter les mêmes arguments à votre premier ministre provincial? Ce serait très intéressant de voir ce qu'il en dit, et d'en débattre par la suite.
M. Brian Crowley: Je vais lui en faire parvenir un exemplaire.
Des voix: Ah, ah!
M. Peter Stoffer: Il serait très intéressant de voir comment les dirigeants provinciaux ou territoriaux, voire même les grosses municipalités, réagissent à un tel rapport.
Je m'étonne cependant quand vous dites que ce sont de bons gestionnaires financiers. Si vous fréquentiez Sheila Fraser pendant quelque temps, vous changeriez peut-être d'opinion. Ces dernières années, il y a eu le registre des armes à feu, l'argent versé aux fondations, les déplacements de la commission Gomery, et maintenant, on constate qu'au Labrador, des millions de dollars destinés à aider des enfants n'ont pas servi à cela. Et on pourrait allonger la liste.
Voyons maintenant comment les excédents se sont accumulés au fil des années. Vous connaissez le fonds de l'assurance-chômage et les montants qui y ont été prélevés à d'autres fins. Si des anciens combattants étaient parmi nous, ils dénonceraient sans doute le fait que plus de 13 milliards de dollars destinés à des pensions de retraite ont été versés au fonds du revenu consolidé. Avec de telles mesures, Il est facile de devenir un bon gestionnaire financier lorsqu'on évite d'expliquer aux Canadiens comment l'excédent s'est formé.
Je me réjouis que le gouvernement fédéral ait décidé de faire le ménage dans sa comptabilité. Tous les gouvernements et tous les Canadiens doivent faire preuve de prudence financière, mais quand le gouvernement agit au détriment des éléments les plus vulnérables de notre société, il faut le dénoncer.
À ce sujet, si vous étiez ministre des Finances et si le 23 février était la journée de Brian Crowley ou de l'AIMS et que vous vous retrouviez avec un excédent budgétaire en fin d'exercice, qu'est que vous en feriez?
Á (1140)
M. Brian Crowley: Monsieur le président, M. Stoffer a posé plusieurs questions, en terminant par celle-ci. J'aimerais...
[Français]
Le président: Monsieur Crowley, vous avez peut-être donné beaucoup de réponses dans votre exposé.
M. Brian Crowley: Puis-je aborder ces différents points de façon très sommaire?
[Traduction]
Le député a dit des choses très justes, que je ne désavoue pas, bien au contraire; je suis tout à fait d'accord.
En ce qui concerne la mauvaise gestion du gouvernement fédéral dans différents secteurs de dépenses, tous les gouvernements font des choses dont ils sont fiers et d'autres dont ils préfèrent ne pas parler. On peut se demander si le gouvernement actuel a fait moins bien que les autres en ce qui concerne l'équilibre entre les premières et les secondes, mais je pense qu'il ne faut pas confondre les divergences politiques sur certains types de dépenses avec l'analyse macro-économique de la gestion financière.
J'ai ajouté des fleurs au gouvernement fédéral pour sa gestion financière globale, et je pense qu'il la mérite. Si on passe au plan micro-économique, est-ce que ces dépenses étaient toujours justifiées, est-ce que les Canadiens en ont toujours eu pour leur argent? Non, évidemment, du moins pas toujours. Je n'en disconviendrai pas.
Nous avons parlé un peu de... Le mot « malhonnêteté » me semble excessif, mais disons plutôt du manque de transparence de la procédure budgétaire fédérale. Je pense que c'est bien de cela qu'il est question lorsque vous parlez du fonds de l'assurance-emploi.
Je crois que le gouvernement fédéral n'a pas été tout à fait honnête dans ce dossier. Bien des gens semblent considérer que c'est épouvantable d'avoir prélevé tout cet argent du fonds de l'assurance-emploi. Mais ce n'est pas mon problème. Je pense qu'en réalité, les cotisations à l'assurance-emploi sont désormais une taxe qui a non pas une finalité, mais deux. C'est d'une part une prime qui sert à financer l'assurance-chômage, mais c'est aussi devenu une taxe sur la liste de paie.
C'est une taxe sur la liste de paie, et je pense que le gouvernement fédéral devrait le dire franchement. Les deux éléments devraient être dissociés. Il devrait y avoir la cotisation qui correspond véritablement à l'assurance-emploi et qui sert à financer le système, et cet élément-là devrait être versé au fonds d'assurance-emploi et y rester. L'autre élément est une taxe sur la liste de paie et devrait être versée au Trésor public, et il faudrait l'expliquer aux Canadiens. Le gouvernement agit d'une façon qui n'est pas parfaitement honnête.
Quant à ce que je ferais si j'étais ministre des Finances, je pensais que vous étiez mon ami et je ne comprends pas pourquoi vous souhaitez qu'il m'arrive une chose pareille. Mais si j'étais le ministre des Finances et s'il me restait un ou deux dollars à dépenser, je dois dire que j'envisagerais un allègement fiscal pour les Canadiens.
Vous dites qu'il y a un déséquilibre fiscal entre Ottawa et les citoyens. Je pense qu'Ottawa impose trop les citoyens et qu'il se retrouve en fin d'exercice avec de gros montants qu'il dépense sans fournir de justification aux Canadiens. C'est pourtant à cela que sert le processus budgétaire. Le gouvernement explique pourquoi il a besoin d'argent et indique à quoi il va le consacrer. Il doit rendre des comptes aux représentants élus de la population dans le cadre du processus budgétaire.
Lorsque le gouvernement se retrouve en fin d'exercice avec de gros montants qui, par hypothèse, dépassent les besoins des programmes promis aux Canadiens, ces gros montants ne peuvent avoir, à mon avis, que deux utilisations légitimes. La première est un allègement fiscal et la seconde est le remboursement de la dette. Je considère que le gouvernement fédéral a bien réussi sur le terrain de la réduction de la dette, mais qu'il traîne de la patte en matière d'allègement fiscal.
Je pense aussi que le gouvernement apporterait une réponse partielle à l'argument du déséquilibre fiscal s'il éliminait une partie du fardeau fiscal, que j'estime excessif. C'est là un créneau que les provinces peuvent choisir d'occuper si elles le souhaitent, mais je suis convaincu qu'elles doivent en établir le bien-fondé auprès de leurs contribuables.
Á (1145)
M. Peter Stoffer: Une part du déséquilibre, monsieur le président... M. Crowley a dit que si le gouvernement fédéral a un excédent, il devrait le consacrer à deux choses : l'allègement fiscal et le remboursement de la dette. Mais ici, dans la région de Halifax, il existe d'énormes possibilités d'investissement, que ce soit dans la Garde côtière, l'armée ou les infrastructures portuaires. Un groupe de personnalités bien en vue a proposé une formule appelée Atlantica, à laquelle j'adhère sans réserve, qui consisterait à établir de bons moyens de transport dans le nord-est des États-Unis. Pour cela, il faut un investissement massif, non pas uniquement du gouvernement, mais également du secteur privé.
Ne conviendrait-il pas de consacrer un troisième élément de ce déséquilibre à l'analyse de nos investissements et à tout ce qu'on a laissé se dégrader au fil des années à cause des différentes mesures de compression des coûts ou de réaffectation des fonds et, au lieu de verser de l'argent aux provinces de l'Atlantique, veiller à assurer un véritable développement au niveau de l'armée, de la Garde côtière, des ports et du réseau routier? On multiplierait ainsi les possibilités d'expansion, comme l'a dit M. Chaundy. Nous parlons toujours de l'investissement dans les sciences, la recherche, l'innovation et l'éducation; tous ces éléments sont essentiels, mais par ailleurs, nos infrastructures nécessitent elles aussi d'énormes investissements.
M. Brian Crowley: Je suis sûr que David Chaundy aura lui aussi son mot à dire à ce sujet. Je dirais très rapidement qu'on a raison de préconiser des investissements dans les infrastructures.
Cela étant dit, nous avons eu connaissance, ici, de nombreux dossiers où des fonds destinés à des infrastructures ont été en réalité accaparés à des fins strictement politiques; je me sens donc toujours obligé de faire une mise en garde : si l'on demande au gouvernement fédéral de faire ces dépenses, il faut leur appliquer des contrôles sérieux pour veiller à ce qu'elles produisent de véritables investissements à long terme susceptibles d'apporter un ensemble d'avantages à la région et au pays, et non pas de profiter à la classe politique. Nous ne voulons plus de ces ponts qui ne vont nulle part, car personne n'en profite, à part les politiciens qui en assurent le contrôle.
Vous me demandez ce que je ferais de l'excédent budgétaire et je vous ai cité deux choses, parce que j'estime que si l'on veut favoriser à long terme et de façon durable l'aptitude du gouvernement à fournir des services publics indispensables, il faut réduire la dette et stimuler l'économie et, à mon avis, le gouvernement fédéral a déjà plus d'argent qu'il ne lui en faut pour fournir les services publics indispensables. Vous dites vous-mêmes que ces dépenses ne sont pas toujours très avisées. J'aimerais qu'elles le deviennent avant qu'on ne lui donne encore plus d'argent à dépenser, et j'aimerais que la croissance des recettes du gouvernement fédéral provienne de deux sources durables : la croissance de l'économie à long terme et la diminution du coût du service de la dette une fois que celle-ci est remboursée.
C'est pourquoi je pense que c'est à un allègement fiscal et à la réduction de la dette qu'il faut consacrer l'excédent.
Á (1150)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Crowley.
Merci beaucoup, monsieur Stoffer.
[Français]
Avant de donner la parole à M. Hubbard pour un deuxième tour de deux minutes, j'aimerais, si vous me le permettez, faire un commentaire sur l'exposé de M. Crowley. J'enlève mon chapeau de président et je mets celui d'économiste.
Monsieur Crowley, j'ai des doutes quant à la bonne performance du gouvernement fédéral en matière de gestion des finances publiques. Ce n'est pas par méchanceté ni par partisanerie que je dis cela. C'est une constatation que je fais.
Depuis 1996, il y a eu des coupes de plus de 40 milliards de dollars dans le Transfert social canadien, qui devait financer la santé, l'éducation et le soutien au revenu des familles les plus démunies. Le gouvernement fédéral a pris 45 milliards de dollars à même les contributions des employeurs et des employés à la caisse de l'assurance-emploi. Les montants de ces deux postes correspondent à environ 80 p. 100 des surplus qui ont été accumulés au cours des dernières années. C'est facile de dire que le gouvernement fédéral a été un bon gestionnaire, mais en réalité, il a fait faire le travail par d'autres: d'un côté, les employeurs et les employés dans le cas de la caisse de l'assurance-emploi et, de l'autre, les provinces, qui ont reçu des transferts moins élevés pour financer les soins de première ligne en santé et des services d'éducation, notamment.
Nous venons tout juste de terminer une étude de l'évolution des dépenses de fonctionnement du gouvernement fédéral depuis 1997, soit à partir du moment où des surplus importants ont commencé à apparaître. Nous nous sommes rendu compte que les dépenses de fonctionnement du gouvernement fédéral--et cela est partagé par M. McCallum, qui vient de faire une analyse et veut effectuer des compressions de dépenses de 10 milliards de dollars au cours des prochaines années--, ont augmenté de 6 p. 100 par année, ce qui est plus de trois fois l'inflation.
Cela indique que, sur le plan de la gestion, le fédéral a fait faire le travail par d'autres et que, d'un autre côté, il n'a pas regardé dans sa cour pour voir s'il ne pouvait pas resserrer sa propre gestion.
Par ailleurs, et c'est là qu'est ma question, vous parliez tout à l'heure des contribuables fédéraux. Les contribuables fédéraux sont aussi des contribuables provinciaux et des contribuables municipaux. C'est une seule et unique personne. Cette seule et unique personne reçoit des services en santé, en éducation ou autres des gouvernements provinciaux.
Une fois qu'on a identifié le problème, on peut l'appeler déséquilibre fiscal ou autre chose. On peut même parler de pressions fiscales, comme M. Martin, qui a une aversion terrible pour le concept de déséquilibre fiscal. Ce n'est pas cela, l'important. On constate qu'il y a chaque année une augmentation considérable de ces surplus. Dans une étude du Conference Board, qui a été commandée par M. Goodale--ce n'est pas nous qui l'avons commandée, mais M. Goodale--, il est question de surplus cumulatifs de 160 milliards de dollars au cours des 10 prochaines années. Par contre, les provinces, à cause des pressions incroyables sur le plan des services de première ligne aux citoyens en santé et en éducation, vont se retrouver avec un déficit d'environ 60 milliards de dollars. Ce sont des estimations conservatrices.
Que fait-on une fois qu'on est rendu là? Vous ne croyez pas au déséquilibre fiscal, mais la plupart des citoyens ne se préoccupent même pas du déséquilibre fiscal. Ce qu'ils veulent, ce sont des solutions durables. Que fait-on? Quelles sont vos solutions pour soulager les gouvernements provinciaux, qui ont cette responsabilité?
M. Brian Crowley: Monsieur le président, vous m'avez posé plus d'une question. Je vais tenter de répondre à toutes ces questions. Si j'en oublie, vous me le signalerez.
Je répète qu'il ne faut pas confondre deux choses très différentes. Vous avez, d'une part, la gestion macroéconomique du gouvernement fédéral. On constate que la position fiscale du gouvernement fédéral s'est radicalement transformée depuis 1995. On peut être en désaccord sur la stratégie dont le gouvernement fédéral s'est servi afin d'en arriver là, mais je crois que le résultat était souhaitable et demeure souhaitable.
Est-ce que le gouvernement fédéral devrait agir autrement pour ce qui est des primes d'assurance-emploi, de la transparence vis-à-vis du surplus fédéral, etc.? La réponse est un oui inconditionnel.
Á (1155)
Le président: Vous venez de dire qu'il était préférable que le gouvernement fédéral transfère le fardeau des pressions financières exercées sur lui aux gouvernements des provinces et aussi aux chômeurs, qui ont été exclus à 60 p. 100. Vous venez de me dire qu'il était préférable qu'il le fasse.
M. Brian Crowley: Non, j'ai dit qu'on pouvait être en désaccord sur la stratégie que le gouvernement fédéral a adoptée pour redresser les finances publiques, mais que le résultat, en termes de gestion macroéconomique, était souhaitable. J'ai été très clair.
On peut être en désaccord sur la caisse de l'assurance-emploi, etc., mais c'est rendre la question macroéconomique, et je crois que la question du déséquilibre fiscal est également une question macroéconomique. On ne peut pas prouver qu'il existe un déséquilibre fiscal entre les deux paliers gouvernementaux en disant que le gouvernement fédéral dépense parfois mal son argent. Ce n'est pas la même chose.
Si vous dites que le gouvernement fédéral dépense parfois mal son argent et qu'on devrait lui en donner moins parce qu'il n'est pas suffisamment responsable quant à l'argent qu'on lui donne, je suis tout à fait d'accord. Cependant, cet argument ne prouve pas qu'il existe un déséquilibre fiscal entre les deux paliers de gouvernement, ce qui est le sujet de notre discussion d'aujourd'hui.
Je ne sais pas ce que je peux ajouter.
Le président: Monsieur Crowley, j'aimerais vous poser une question technique avant de donner la parole à M. Hubbard.
Dans votre tableau sur la dimension des gouvernements provinciaux, avez-vous inclus l'abattement spécial pour le Québec?
M. Brian Crowley: À quelle page êtes-vous?
Le président: Je parle du tableau sur la dimension des gouvernements provinciaux et sur l'ensemble de leurs recettes par rapport au PIB. Vous concluez que pour le Québec, c'était 26,6 p. 100 en 2003-2004. Est-ce que cela inclut l'abattement?
M. Brian Crowley: Je crois que oui.
Le président: Vous croyez que oui.
M. Brian Crowley: C'est à vérifier, mais je crois que oui.
Le président: J'aimerais que vous le vérifiiez, parce que cela pourrait changer passablement le portrait. Nous pourrions peut-être nous apercevoir que dans le cas du gouvernement du Québec, c'est peut-être plus élevé que la moyenne nationale en termes de dimension.
M. Brian Crowley: C'est à vérifier, et je vais communiquer avec vous sur ce point.
Le président: J'apprécierais. Merci, monsieur Crowley.
Monsieur Hubbard.
[Traduction]
M. Charles Hubbard: Merci, Monsieur le président.
Nous avons entendu deux excellentes communications ce matin. M. Côté a mentionné que le Parti conservateur qui compte quatre membres au sein du Comité des finances et deux à notre sous-comité, et qu'il est représenté par plus de 90 sièges à la Chambre, qu'il n'a pas pu se rendre jusqu'ici dans la région de l'Atlantique pour entendre les témoignages de ce matin. C'est en effet extrêmement décevant.
On a beaucoup parlé des budgets antérieurs et de l'argent des contribuables et on a discuté de ce à quoi ils avaient servi; et du fait qu'au début des années 90, un tiers des recettes servait au service de la dette. Aujourd'hui, c'est moins du quart. N'oublions pas que notre pays a connu la réduction d'impôt la plus importante dans le budget de 2000.
Nos témoins, et particulièrement M. Côté, ont dit que les provinces avaient une certaine marge de manoeuvre et pourraient assumer une part du fardeau. On constate aussi qu'au cours des cinq dernières années, les taux d'imposition des particuliers et des sociétés ont tous été réduits. Il est donc vrai que les provinces pourraient intervenir si elles le souhaitaient.
Monsieur Côté, pour revenir à vos commentaires, n'oublions pas que la plus grande subvention dont jouit la province de Québec lui vient d'une autre province, puisqu'il s'agit des retombées du contrat de la centrale de Churchill Falls avec la province de Terre-Neuve et du Labrador. N'oublions pas que cette dernière a payé très cher cet accord, alors même qu'elle tentait de se remettre de ses déboires économiques dans les années 60.
Je reviens à nos deux témoins. Mercredi prochain, le budget sera déposé. On a entendu parler de diverses initiatives qui pourraient faire relancer l'économie du Canada atlantique. Messieurs Chaundy et Crowley, pourriez-vous rapidement nous dire ce que vous espérez trouver dans le budget et ce que vous considéreriez comme étant important pour l'avenir des quatre provinces de l'Atlantique?
Faites vite. Monsieur le président, une fois qu'ils nous aurons répondu, c'est peut-être quelque chose que nous pourrions surveiller de plus près pour le budget de mercredi prochain.
 (1200)
Le président: Vous avez une minute, Monsieur Crowley.
M. Brian Crowley: Je serai très bref, monsieur le président.
Merci de la question.
En supposant que le budget fédéral détermine surtout les priorités politiques du gouvernement fédéral pour l'année à venir et qu'il déborde donc largement la simple politique budgétaire, il y a deux choses importantes que le gouvernement fédéral pourrait faire. D'abord, il pourrait cesser de dépendre autant de programmes de dépenses comme l'APECA, qui sont les principaux instruments de développement régional, et il pourrait se diriger plutôt vers des instruments à incidence fiscale. J'ai déjà expliqué ailleurs, et je ne me répéterai pas, pourquoi les instruments à incidence fiscale sont préférables aux agences de développement régional dans l'optique d'une politique de développement régional, et c'est notamment parce que ces instruments sont apolitiques.
En second lieu, j'aimerais que le gouvernement fédéral s'engage à régler les problèmes de réglementation qui affligent l'industrie des ressources extra-côtières. Or, on a constaté un ralentissement marqué des efforts de prospection extra-côtière, et particulièrement en Nouvelle-Écosse. Pourtant, je continue à croire que les ressources extra-côtières représentent la plus belle occasion économique que nous ayons vue dans toute la région depuis une génération, et que l'industrie est rebutée principalement par un régime de réglementation non concurrentiel par rapport aux autres secteurs extra-côtiers. Voilà une situation que le gouvernement fédéral peut corriger.
Le président: Merci, Monsieur Crowley.
Monsieur Hubbard, votre temps est écoulé.
Monsieur Côté.
[Français]
M. Guy Côté: Je ne relèverai pas ce que M. Hubbard a mentionné tout à l'heure, car cela nous mènerait à un autre débat.
Naturellement, quand on parle de déséquilibre fiscal, la grande question est de savoir ce qu'est le déséquilibre fiscal, s'il existe vraiment et ce qui le cause. Je pense qu'on a énuméré un certain nombre de symptômes.
Au-delà des politiques fiscales de transfert dans différents domaines et de la péréquation, il y a la gestion de l'argent par le gouvernement. Le programme de l'assurance-emploi est un bon exemple. On a réduit l'accès à l'assurance-emploi. Moins d'un quart de ceux qui demandent des prestations d'assurance-emploi, notamment des jeunes et des femmes, y ont accès. Quelles sont les conséquences de cela? N'ayant pas accès aux prestations d'assurance-emploi, ces gens doivent vivre de l'aide sociale, qui est financée par les provinces. C'est un exemple de déséquilibre fiscal, à mon avis.
On a beaucoup parlé des ententes offshore. Croyez-vous que le Québec devrait pouvoir bénéficier du même traitement dans le cas des dividendes que lui verse Hydro-Québec?
M. Brian Crowley: Monsieur le président, c'est une question très intéressante. À mon avis, la réponse est non. Je crois que l'idée fondamentale ici est que les revenus tirés des ressources non renouvelables sont, par définition, quelque chose qui arrive une fois, puis c'est fini, alors que les revenus générés par l'hydroélectricité sont, par définition, renouvelables. C'est un revenu sur lequel on pourra compter pendant bien des années. On exclut les redevances des ressources non renouvelables parce qu'on vend les avoirs de la province pour obtenir ces redevances, alors que lorsqu'on vend l'électricité, on vend quelque chose qui est constamment renouvelable et qui générera des revenus à long terme. C'est très différent.
Le président: Oui, monsieur Stoffer.
[Traduction]
Deux minutes pour une question.
M. Peter Stoffer: Merci beaucoup.
Cela me rappelle une discussion que nous avions eue, lorsque j'étais aux études, au sujet de la macroéconomie et de la microéconomie : un enseignant m'avait expliqué que lorsqu'on gagne la guerre et qu'on se retire, c'est de la macro, et que lorsqu'il faut tuer, violer et piller pour avoir la victoire, c'est de la micro.
Prenons le déséquilibre fiscal et ses conséquences pour les Canadiens : malgré tous les sacrifices que les Canadiens ont dû consentir, c'est toujours le gouvernement fédéral que l'on félicite de l'exploit. Au risque de montrer mes racines néodémocrates, je me rappelle qu'à la fin des années 90, même si certaines entreprises très rentables signalaient des chiffres d'affaires astronomiques, très peu de Canadiens ont pu s'en réjouir.
Comme je viens de cette région-ci, il y a certaines choses que j'espère voir dans le budget, même si vous ne serez pas nécessairement d'accord... David a mentionné très clairement que la Chine et les autres marchés en émergence menaçaient nos emplois. Les gens commencent à s'inquiéter très sérieusement de leurs emplois. Je ne sais si vous êtes d'accord, mais j'espérerais que le prochain budget mette l'accent non seulement sur les questions d'environnement, entre autres choses, mais aussi sur la stabilité des emplois dont nous dépendons déjà dans la région ainsi que la possibilité d'en créer de nouveaux grâce à l'innovation scientifique, à la recherche et à l'éducation.
Si vous aviez à nous donner des conseils, que nous suggéreriez-vous dans le cadre fiscal actuel?
 (1205)
M. Brian Crowley: Je crois que nous vous avons déjà signalé certains des paramètres essentiels pour notre région : ce sont la productivité, les investissements, l'innovation et la technologie. Voilà ce sur quoi devrait se centrer le budget.
Pour réagir aux pressions qu'exercent les pays tels que la Chine, il faut parfois se tourner vers des activités à valeur ajoutée. Certaines de nos entreprises sont concurrentielles, et certaines de nos entreprises dans le secteur du poisson sont même capables de faire face à la concurrence venue d'ailleurs, même si elles subissent tout de même des pressions. Toutefois, nous avons également déjà vu qu'il était parfois difficile d'avoir accès à des programmes fédéraux censés justement soutenir la productivité ou l'innovation et les utiliser à bon escient dans la région, parce que nos entreprises n'avaient pas nécessairement la bonne taille ou à cause d'autres problèmes.
Nous sommes certainement d'accord avec certains de ces programmes nationaux, mais il faudrait les examiner de plus près pour voir s'ils réussissent véritablement à aider les entreprises de la région à améliorer leur productivité, à diversifier leurs investissements et à améliorer leur compétitivité technologique, afin qu'elles puissent occuper leur place dans l'économie mondiale.
[Français]
Le président: C'est terminé?
[Traduction]
Au nom des membres du comité, je vous remercie tous chaleureusement de vos témoignages.
M. Charles Hubbard: Ne peut-on donner deux minutes aux témoins pour leur demander ce qu'ils ont à dire en guise de conclusion?
Le président: Non, monsieur Hubbard, car il est trop tard. Je m'en excuse.
M. Charles Hubbard: Il est trop tard?
Le président: Je vous réserverai suffisamment de temps cet après-midi.
M. Charles Hubbard: Il me semble qu'il serait correct de demander à nos témoins de conclure en quelques minutes. Est-ce que ce ne serait pas raisonnable? Je suis bien prêt à attendre ma soupe dix minutes de plus pour entendre ce qu'ils ont à dire. Non?
Le président: Non, il vous faudra attendre à cet après-midi, monsieur Hubbard.
M. Charles Hubbard: Vous êtes très dur comme président!
Le président: Nous avons déjà débordé de dix minutes le temps alloué.
Je suis désolé, mais je vous accorderai tout le temps qu'il faut...
M. Charles Hubbard: Je ne vous parle pas de moi mais de nos deux témoins, dont les témoignages étaient excellents, et qui devraient pouvoir conclure avant...
Le président: Excusez-moi, monsieur Crowley, vous avez deux minutes, et M. Chaundy aussi.
M. Brian Crowley: Ça ne me prendra pas deux minutes, monsieur le président. Je dirais simplement que mon intervention d'aujourd'hui visait à mettre en doute l'existence même d'un déséquilibre fiscal entre le gouvernement fédéral et les provinces, et non pas à prendre la défense de toutes les décisions de dépenses du gouvernement fédéral, ni à suggérer que toutes les stratégiques qu'il met en oeuvre pour remporter la grande victoire macroéconomique de l'équilibre budgétaire et du remboursement de la dette aient été les meilleures. Mais il faut reconnaître, je pense, que le gouvernement fédéral a apporté la preuve qu'il est possible, pour un gouvernement au Canada, de s'imposer une discipline en matière financière et de régler ses propres problèmes financiers.
J'insiste encore une fois sur le fait qu'à mon avis, les défis financiers des provinces ne sauraient être réglés du point de vue économique ou du point de vue de l'obligation de rendre compte en démocratie par une augmentation des transferts d'Ottawa vers les provinces. J'estime que les transferts actuels sont suffisants pour combler les déficits de capacité financière des provinces les moins développées. On peut à bon droit demander au gouvernement fédéral de réduire son fardeau fiscal, de ne pas s'en délester sur les provinces et de restituer une partie aux contribuables, et si les provinces revendiquent une partie de ces recettes fiscales, qu'elles en établissent le bien-fondé auprès de leurs propres contribuables.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Crowley.
À vous, monsieur Chaundy.
M. David Chaundy: Merci.
Je n'ai pas vu l'analyse présentée par M. Crowley. Je n'ai pas son document et je ne veux pas me prononcer sans en avoir pris connaissance, mais je ne pense pas que nous puissions nous mettre d'accord sur tous les fondements et arguments de cette analyse.
Il faut néanmoins adopter un point de vue prospectif. L'analyse de M. Crowley se braque sur les éléments du passé. Ce qui me préoccupe... Dans l'analyse que nous avons vue ensemble, les questions sont de nature prospective et portent précisément sur des sujets comme la santé et certains domaines de dépenses que M. Crowley ne me semble pas avoir abordés directement.
En tout cas, nous constatons que les provinces de la région s'efforcent d'améliorer leur situation financière et de gérer les pressions qui s'exercent sur elles. C'est ce que j'ai dit dans mon exposé. Elles s'appliquent à réduire leurs dépenses et elles doivent relever le défi de la santé, ce qui limite leur aptitude à prendre des mesures plus novatrices pour améliorer leur compétitivité économique.
Je pense donc qu'il reste à ce niveau des questions de fond qui méritent une analyse minutieuse, notamment en ce qui concerne les transferts, auxquels certains préféreraient un transfert de points d'impôt. Mais encore une fois, les provinces n'en profiteraient pas toutes de façon égale, et il reste à approfondir certaines de ces questions.
Merci.
 (1210)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Chaundy.
Au nom des membres du comité, je vous remercie beaucoup de vos exposés, qui nous ont vivement intéressés. C'est toujours un plaisir de vous accueillir. Merci beaucoup.
La séance reprendra à 13 h 30.
 (1210)
· (1325)
Le président: Bonjour à tous. Je vous remercie de vous être déplacés pour rencontrer le sous-comité sur le déséquilibre fiscal.
Je vais vous accorder 30 minutes pour vos exposés liminaires, après quoi les députés auront l'occasion de vous poser des questions.
Monsieur le ministre, monsieur Palmer, soyez les bienvenus.
Nous accueillons cet après-midi le ministre des Finances de l'Île-du-Prince-Édouard, l'honorable Mitchell Murphy, et le directeur de l'économie, de la statistique et des relations gouvernementales et financières, M. John Palmer. J'espère que vous apprécierez les exposés qui nous ont été présentés ce matin. Je vous remercie.
Pour commencer, j'aimerais exposer en français le mandat du sous-comité.
[Français]
Le sous-comité a été créé à la suite d'un ordre de renvoi de la Chambre de communes. Nous avons jusqu'au 2 juin prochain pour produire un rapport et des recommandations en vue de corriger ce que nous appelons le déséquilibre fiscal entre les provinces et le gouvernement fédéral.
Monsieur Murphy, je n'ai pas besoin de vous expliquer toutes les pressions financières que vous subissez. Les mandats que vos concitoyens et concitoyennes vous demandent de remplir sont des mandats de services de première ligne. Ces pressions ne vont pas s'atténuer. Au cours des prochaines années, il y aura une croissance continue des besoins de la population et, par ailleurs, une croissance continue des surplus du gouvernement fédéral, si on se fie à l'étude du Conference Board commandée par M. Goodale. On y dit que des surplus de 160 milliards de dollars seront accumulés au cours des 10 prochaines années, alors que les provinces devront subir des pressions au niveau des finances publiques, pressions qui pourraient conduire à des déficits de l'ordre de 60 milliards de dollars.
Nous cherchons des éléments d'analyse, mais aussi des éléments de recommandations pour trouver des solutions durables à ce problème de déséquilibre fiscal afin que vous puissiez mieux servir vos concitoyens et concitoyennes.
Monsieur Murphy, monsieur Palmer, soyez les bienvenus. It's a pleasure to welcome you.
[Traduction]
L'hon. Mitchell Murphy (trésorier provincial, Gouvernement de l'île-du-Prince-Édouard): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous prie par avance de m'excuser de mon manque de maîtrise de la langue française et je vais faire mon intervention en anglais. Je voudrais vous remercier, monsieur le président, ainsi que les membres du comité, de me donner l'occasion de m'exprimer aujourd'hui devant vous.
Avant de commencer, je vous transmets les excuses de mon premier ministre qui a correspondu avec vous par lettre, je crois. Il aurait souhaité être présent ici cet après-midi pour aborder le sujet, car il est d'une grande importance pour l'Île-du-Prince-Édouard et pour les autres provinces canadiennes, en particulier celles qui touchent de la péréquation.
Nous sommes heureux de pouvoir aborder le sujet en prévision du débat public sur cette question financière essentielle. À la fin de mon exposé et, éventuellement, en répondant à vos questions, je réagirai aux exposés qui vous ont été présentés ce matin, mais je vais tout d'abord vous dire ceci : je vous fais cet exposé en tant que titulaire élu d'une charge publique. Je m'efforce d'assurer des services publics à l'intention des citoyens de l'Île-du-Prince-Édouard. Je ne fais pas partie d'un conseil d'administration auquel de lointains analystes apportent leurs lumières. C'est moi et mes collègues qui devons répondre aux questions des électeurs quand ils veulent savoir pourquoi ils doivent attendre un an et demi pour se faire opérer à la hanche ou pourquoi il y a cinq heures d'attente aux services d'urgence. Ma perspective est celle d'un intervenant de première ligne.
Je dirai tout d'abord que toutes les provinces s'intéressent au sujet, mais que l'Île-du-Prince-Édouard s'y intéresse particulièrement parce qu'elle est petite et qu'elle dépend des transferts fédéraux. Le tableau sur les transferts fédéraux en proportion des recettes provinciales en 2002 indique notre situation par rapport à celle des autres provinces.
L'Île-du-Prince-Édouard est celle qui dépend le plus des transferts fédéraux, notamment parce qu'elle est privée de ressources naturelles. Les transferts fédéraux représentent environ 37,5 p. 100 des recettes de la province, et ce sont essentiellement des paiements de péréquation. La péréquation, qui a atteint 280 millions de dollars cette année, constitue la principale source de recettes de la province, suivie par notre deuxième poste de recettes, l'impôt provincial sur le revenu, à 178 millions de dollars.
Malgré les problèmes de dépendance à l'égard du fédéral, la situation de la province a évolué au fil des années. On voit qu'en pourcentage des recettes provinciales, les dollars fédéraux ont fortement diminué, passant de plus de 50 p. 100 en 1979 à environ 40 p. 100 aujourd'hui, comme je l'ai indiqué. Cette tendance est conforme à l'augmentation des revenus par habitant, qui sont passés de 60 p. 100 de la moyenne nationale par habitant en 1961 à 83 p. 100 de la moyenne nationale en 2003.
Pour nous, le déséquilibre fiscal a deux dimensions. Dans l'axe vertical, il faut veiller à ce que la combinaison des recettes entre les deux niveaux de gouvernement soit conforme à leurs responsabilités respectives au plan des dépenses. J'ajouterais que la Constitution attribue aux provinces la responsabilité de dépenser dans les deux domaines où les dépenses sont les plus élevées, à savoir la santé et l'éducation.
Dans l'axe horizontal, c'est-à-dire d'une province à l'autre dans l'ensemble du pays, il faut veiller à ce que les recettes des provinces soient suffisantes pour qu'elles puissent proposer des services publics à tous les Canadiens. Si l'équilibre est faussé sur l'un des deux axes, il en résulte des difficultés sociales indues dans certains secteurs, ainsi qu'une inefficacité au plan économique et des politiques inappropriées.
Il nous semble évident que des correctifs s'imposent pour rétablir l'équilibre dans l'axe vertical et dans l'axe horizontal. Les prévisions du Conference Board du Canada montrent bien qu'on peut s'attendre à une augmentation de l'excédent fédéral alors que les provinces vont peiner pour assurer des services essentiels. Au lieu de proposer des solutions intelligentes à long terme, le gouvernement fédéral a choisi d'exercer ses pouvoirs financiers pour prendre des décisions ponctuelles et pour conclure des ententes bilatérales.
· (1330)
Je dirais que la situation est davantage exacerbée du fait que nous avons une norme pour cinq provinces. Donc, lorsqu'on regarde ce tableau qui montre la situation budgétaire des provinces et des territoires par rapport au gouvernement fédéral, il faut noter qu'une norme pour cinq provinces en péréquation à l'heure actuelle exclut la province de l'Alberta et aussi les provinces de l'Atlantique. Donc, lorsque nous examinons les déficits des provinces au cours de cette période, cela inclut également des excédents énormes qui seront accumulés par des provinces comme l'Alberta.
L'étude effectuée en 2004 par le Conference Board pour examiner les perspectives financières relatives des gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux au cours des 17 prochaines années conclut qu'étant donné les politiques en place, le gouvernement fédéral accumulera des excédents considérables et croissants tandis que dans l'ensemble, les provinces et les territoires auront des déficits persistants.
Les provinces et les territoires ont joué un rôle accru à long terme et l'on s'attend à ce que cela se poursuive au cours des décennies à venir, en grande partie en raison des besoins croissants en soins de santé et des programmes sociaux de plus en plus coûteux en général. En 1991, la part provinciale des dépenses publiques au Canada a dépassé la part fédérale et aujourd'hui, elle se situe à près de 125 p. 100.
Le gouvernement fédéral refuse toujours de reconnaître qu'il existe un déséquilibre budgétaire. Il a utilisé son pouvoir financier pour mettre l'accent sur des ententes uniques, notamment une taxe sur le carburant pour les villes, le développement de la petite enfance et des ententes financières extracôtières. Je ne dis pas que ces programmes ne sont pas nécessaires, mais je m'oppose plutôt à la méthodologie d'exécution.
Le financement de la santé. Les accords financiers fédéraux pour la santé proviennent en grande partie des excédents non budgétés sous forme de fiducies ou de paiements uniques et dans une large mesure, des économies réalisées à la suite d'une réduction de la péréquation. Dans le cas de l'Île-du-Prince-Édouard, il en a résulté que les transferts fédéraux ont à peine augmenté et, en dollars constants, se situent toujours en dessous des niveaux de 2001-2002. Les fonds fédéraux additionnels pour la santé ne découlent pas d'un transfert planifié des ressources financières du niveau fédéral au niveau provincial, mais dans une large mesure des paiements provenant des excédents fédéraux à la fin de l'année sous forme de fiducies. L'exemple le plus récent est le programme de réduction des délais d'attente, dont l'exécution est prévue à la fin du mois.
Le recours aux fiducies à la fin de l'exercice et les décisions de dépenses additionnelles au cours de l'année permettent au gouvernement fédéral de réduire artificiellement ses excédents mesurés. La vérificatrice générale fédérale l'a souligné dans son dernier rapport.
En 2004-2005, un excédent prévu de 11 milliards de dollars sera sans doute enregistré comme étant de moins de 500 millions de dollars une fois que le fonds extracôtiers, les fiducies de santé et les ajouts pour la réforme de la santé seront pris en compte. Depuis 1997-1998, jusqu'à aujourd'hui, les excédents fédéraux ont atteint un total de 85 milliards de dollars, avant ces allocations supplémentaires en cours d'exercice.
La réduction des paiements de péréquation par rapport à ce qui était prévu en 2000-2001 a permis d'économiser 14,7 milliards de dollars, tandis que les dépenses de santé et de TCSPS ont augmenté de 14,1 milliards de dollars. Les droits à péréquation ont chuté depuis 2000-2001, et cette diminution a essentiellement financé la majeure partie du financement accru prévu dans les accords en matière de santé. À titre d'exemple, en 2003 le gouvernement fédéral avait budgété 12,3 milliards de dollars pour la péréquation en 2004-2005, montant qui a été par la suite réduit à 8,9 milliards de dollars. À la rencontre d'octobre des premiers ministres, ce montant a été porté à 10 milliards de dollars plus les augmentations de l'année précédente pour la Saskatchewan et la Colombie-Britannique.
Le tableau suivant montre le reste des fonds fédéraux versés à l'Île-du-Prince-Édouard au cours des dernières années. Sans les accords des premiers ministres, le total en 2004-2005 était de 360 millions de dollars, toujours moins que le montant de 2002-2001. En dollars constants, les transferts fédéraux se situent toujours en dessous du niveau où ils se situaient il y a quatre ans, même avec les fonds supplémentaires prévus dans les accords. Pourtant, les accords en matière de santé obligent les provinces à entreprendre des réformes coûteuses de leur régime de soins de santé. Il faut donc dire que les accords en matière de santé au niveau fédéral exigent des dépenses supplémentaires importantes au niveau provincial.
· (1335)
Nous croyons que le gouvernement fédéral doit reconnaître qu'il peut compter sur un excédent structurel croissant et ce pouvoir ne doit pas être utilisé pour forcer les provinces à intensifier contre leur gré des programmes qui relèvent de leurs compétences. Les dépenses du gouvernement fédéral doivent être à la mesure de ses recettes, comme l'exige la Constitution. Après tout, il n'y a qu'un seul contribuable.
Robin Boadway, dans son document portant sur le régime de péréquation et l'efficacité de celui-ci pour réduire les disparités budgétaires, affirme ce qui suit :
La péréquation doit faciliter la décentralisation des responsabilités financières vers les gouvernements provinciaux et locaux. Cette décentralisation est ce qui caractérise les fédérations et elle ne doit pas être faite de façon à nuire à la liberté d'action que doivent avoir ces gouvernements pour poursuivre les objectifs qui leur semblent bons. |
Passons aux préoccupations horizontales. Les ressources financières des provinces sont extrêmement variées. L'Île-du-Prince-Édouard a actuellement les ressources financières les plus limitées, l'Alberta, les plus importantes. La péréquation a apporté un contrepoids mais ses principes ont été enfreints au cours des dernières années. Depuis 2004-2005, le nouvel accord de péréquation cause de graves ennuis.
Au moyen des données de la formule de péréquation, nous pouvons mesurer la capacité financière d'ensemble par habitant avec des assiettes fiscales et des taux d'imposition normalisés. La capacité financière de l'Île-du-Prince-Édouard avant l'intervention des transferts fédéraux est de moins de 4 500 $ par personne. Par rapport à l'Alberta, c'est 43 p. 100 de moins. Tout transfert de pouvoir fiscal du fédéral au provincial doit respecter les besoins supplémentaires de provinces comme l'Île-du-Prince-Édouard.
Je vous rappelle encore une fois que les provinces riches en ressources comme l'Alberta et, nous l'espérons, Terre-Neuve et le Labrador et la Nouvelle-Écosse, n'interviennent pas dans la formule de péréquation pour établir la norme nationale de capacité financière.
Les provinces riches en ressources bénéficient d'un traitement spécial. Les accords sur les ressources extracôtières et les ententes spéciales avec des provinces comme la Saskatchewan et la Colombie-Britannique témoignent de l'orientation du gouvernement fédéral. Les nouveaux accords financiers signifient qu'il sera difficile d'appliquer avec souplesse la péréquation à l'évolution de la situation financière des provinces. À cette fin, il faut que la loi soit modifiée.
Je m'explique. Je ne condamne en rien les accords signés avec Terre-Neuve et le Labrador et la Nouvelle-Écosse. Cela illustre le fait que des accords bilatéraux mettent en péril les principes de la péréquation. L'Île-du-Prince-Édouard estime que le développement de la région de l'Atlantique est bénéfique pour la région et tous nos voeux de succès accompagnent Terre-Neuve et le Labrador et la Nouvelle-Écosse dans l'application des nouveaux accords. Si nous évoquons cela aujourd'hui, c'est pour démontrer aux membres du comité que lorsque l'on s'écarte des principes de la péréquation, la disparité financière s'accentue au pays.
À la suite d'un document préparé par Tom Courchene, intitulé « Confiscatory Equalization », l'actuel ministre fédéral des Finances a relevé le paiement de péréquation de la Saskatchewan de 120 millions de dollars, mais quand l'Île-du-Prince-Édouard s'est plaint de la façon dont on traitait sa production de sable, de gravier et de tourbe dans la formule de péréquation, on lui a répondu qu'il y aurait des modifications « en temps utile ». Nous avons perdu 4 millions de dollars par année de ce fait.
La Colombie-Britannique a joui d'un traitement spécial pour ses recettes en impôt foncier en 2004-2005. Les accords de 2004-2005 ont reconduit le traitement réservé à ces deux provinces, bien qu'elles auraient dû être classées parmi les provinces nanties. Autrement dit, leur capacité financière dépasse la norme des cinq provinces, et pourtant elles continuent de recevoir la péréquation.
Dans les deux cas, ces provinces ont bénéficié d'un traitement spécial en 2004-2005, pour adoucir l'incidence des recettes tirées du pétrole, supérieures par rapport aux années précédentes. Dans le cas de la Saskatchewan, cela représente 600 millions de dollars, et 200 millions de dollars, pour la Colombie-Britannique. La nouvelle loi établit les sommes que chaque province recevra en 2005-2006. À moins de modifier la loi, cette somme va augmenter de 3,5 p. 100.
· (1340)
À mon avis, les accords extracôtiers font fi de la notion d'équilibre dans les capacités financières par habitant, d'une province à l'autre, mais cette notion a déjà été bafouée quand en 2004, les premiers ministres se sont entendus sur les modalités de la péréquation.
Le tableau montre la situation probable de Terre-Neuve en 2006-2007. On remarquera également le traitement favorable dont bénéficiera la Saskatchewan. Pour atteindre le niveau de capacité financière de Terre-Neuve en 2006-2007, il faudrait que la péréquation de l'Île-du-Prince-Édouard soit augmentée d'environ 350 millions de dollars par année.
Remarquez également que la norme de cinq provinces qui exclut l'Alberta et Terre-Neuve du calcul rabaisse artificiellement la norme, ce qui pénalise davantage les provinces récipiendaires.
À propos des accords extracôtiers :
Par ces accords, le gouvernement a transféré toutes les redevances tirées des ressources extracôtières au Trésor des deux provinces... |
Il serait injuste pour les contribuables des autres provinces de prévoir un traitement encore plus généreux des recettes extracôtières dans le calcul de la péréquation... |
Elle aurait pour effet de désavantager les provinces qui ont peu de ressources naturelles par rapport à celles qui en ont beaucoup. |
Je tire ces citations d'un document qui paraît sur le site Internet du BCP du gouvernement du Canada, en date de juillet 2001. Je demande à John de distribuer copies de ce document aux membres du comité. Oui, le document figure toujours sur Internet. Il est intitulé « À la défense de la péréquation ». Manifestement, depuis 2001, le gouvernement fédéral a changé d'avis à propos de la péréquation.
Ainsi, nous pensons qu'il y a un déséquilibre à corriger. Les accords actuels vont accélérer l'exode des entreprises et des jeunes travailleurs et rendre extrêmement difficile la prestation des services élémentaires en matière sociale et sanitaire à une population vieillissante. Pourquoi? Les services publics vont se dégrader et le régime d'imposition va devenir de plus en plus non concurrentiel.
Il faut redresser ce déséquilibre. L'équilibre budgétaire a une incidence non seulement sur les services publics mais sur la compétitivité économique. Voici un exemple : Si la capacité financière de nos provinces soeurs augmente, elles peuvent prendre des décisions concernant les dépenses publiques et l'imposition. Elles peuvent choisir de réduire les impôts pour devenir plus compétitives. Dans ces conditions, c'est tout bénéfice pour elles, mais les provinces qui ne peuvent pas compter sur des recettes provenant des ressources naturelles, ont beaucoup plus de mal à faire le poids dans ces conditions.
Comment redresser ce déséquilibre? Nous pensons qu'il faut un apport soutenu en ressources financières du palier fédéral vers le palier provincial, assorti de mesures pour garantir le redressement de l'équilibre horizontal. Les provinces qui n'ont pas les ressources naturelles adéquates doivent bénéficier de plus de ressources supplémentaires et non pas de moins. Certaines provinces qui jouissent de sources de recettes supplémentaires n'auront peut-être pas besoin de cette mesure.
La réponse n'est pas d'augmenter la péréquation de 3,5 p. 100. On comprend mal comment le nouveau groupe d'experts en péréquation nommé par le ministre Goodale va fonctionner et je vous dirai ceci : Les participants fédéraux sont loin d'être des experts en péréquation. Il est évident que les accords spéciaux avec la Saskatchewan, la Colombie-Britannique, Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse donnent une très bonne idée de la façon dont le gouvernement fédéral va traiter la péréquation à l'avenir. Les provinces qui possèdent des ressources naturelles sont nettement favorisées.
L'incidence des ressources naturelles sur les situations budgétaires relatives est claire. L'Alberta actuellement impose sa population à des taux très bas. Nous ne pouvons pas oublier les immenses ressources financières qui découlent des ressources naturelles et nous craignons que la nouvelle péréquation à l'avenir ne va pas en tenir compte. Le recours à des formules macros va être désastreux pour les provinces qui n'ont pas de ressources naturelles.
Je vais vous donner d'autres explications. Je pense qu'il est néfaste de considérer les recettes tirées des ressources naturelles comme ouvrant droit à un traitement spécial de la péréquation. Je vais me servir des provinces de l'Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick pour illustrer mon point de vue.
· (1345)
Aucune n'a des recettes importantes tirées des ressources naturelles, en tout cas rien en provenance du pétrole et du gaz. Toutefois, une école de pensée fait valoir que nous devrions nous débarrasser des 33 calculs qui interviennent dans la formule de péréquation. Selon moi, nous ne devrions pas faire cela dans le cas de l'Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick et je vais vous expliquer pourquoi. Si l'on excluait les ressources naturelles du calcul de la capacité financière de ces provinces qui possèdent des ressources naturelles, nous établirions de façon artificielle la véritable capacité financière de chacune d'entre elles.
Imaginez que nous exclurions les recettes tirées du pétrole et du gaz naturelle des calculs concernant l'Alberta. L'Alberta ne fait pas intervenir cette capacité financière et pourtant elle en tire des recettes, ce qui lui permet de bénéficier d'un régime fiscal moins élevé et d'offrir plus de services publics à ses citoyens. Des provinces comme l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick ne peuvent pas faire intervenir de telles recettes pour la bonne raison qu'elles n'en ont pas. Ainsi, d'un seul coup, la norme nationale est inférieure et l'écart devient moins grand. Par conséquent, les paiements de péréquation accordés aux provinces qui n'ont pas de ressources naturelles sont inférieurs. L'écart dans la capacité financière se creuse plutôt que le contraire, alors que c'est le but de la péréquation.
Nous avons préparé un autre tableau qui offre une autre comparaison et qui illustre l'argument que je défends à propos des recettes tirées des ressources naturelles qui à mon avis devraient être incluses dans la péréquation. Il s'agit d'une comparaison de l'effort fiscal de l'Alberta compte tenu des recettes provinciales et des dépenses par habitant. Ce tableau illustre le régime fiscal de l'Alberta par rapport à l'assiette fiscale de chaque province. Ce sont des données pour 2004-2005. Il n'y a pas de taxe de vente et le faible taux d'imposition correspond de façon générale à 68 p. 100 des recettes provinciales de l'Île-du-Prince-Édouard. Autrement dit, si le régime fiscal de l'Alberta avait cours à l'Île-du-Prince-Édouard, nous ne percevrions que 68 p. 100 des recettes que nous tirons actuellement. Pour un budget de 1,1 milliard de dollars, ce serait renoncer à 211 millions de dollars.
Voici une comparaison avec les autres provinces. Prenez la province que vous représentez et vous constaterez quelle perte de recettes vous subiriez si vous appliquiez le régime fiscal de l'Alberta dans votre propre province.
Pourtant, nous savons que les dépenses et les programmes de l'Alberta dépassent la moyenne nationale. En outre, l'Alberta peut compter sur des excédents colossaux. Cela s'explique par les recettes tirées des ressources naturelles auxquelles s'ajoutent les revenus élevés.
Alors, comment redresser ce déséquilibre? Je vous offre quelques suggestions.
Dans la mesure où l'on tient compte de l'incidence horizontale, on pourrait modifier les points fiscaux que le gouvernement fédéral accorde aux gouvernements provinciaux. Il faut se rappeler que le transfert des ressources financières du gouvernement fédéral au gouvernement provincial a une incidence très inégale et exige des mesures adaptées pour venir en aide aux provinces plus pauvres.
Il faut peut-être songé à être sélectif. Il faut peut-être faire intervenir les recettes touchées par le fédéral de même que le côté transfert de l'équation et il faut se poser une question : la façon dont le gouvernement fédéral traite les recettes tirées du pétrole et du gaz naturel sur le plan fiscal n'est-elle pas trop généreuse? Un transfert de point fiscal profite beaucoup plus à l'Alberta qu'aux autres provinces à cause des revenus élevés. Selon Broadway, on devrait envisager l'imposition par le gouvernement fédéral de secteurs concentrés en Alberta pour tâcher d'équilibrer cet avantage.
Voici un tableau intéressant car il montre l'application du régime d'imposition fédéral dans les diverses provinces. L'impôt fédéral par province est calculé en tant que pourcentage du PIB, et c'est à l'Île-du-Prince-Édouard qu'il est le plus élevé, à près de 18 p. 100. Cela tient au fait qu'on fait intervenir un groupe d'industries qui composent le PIB de chaque province. Le secteur des ressources naturelles bénéficie de gros avantages sur le plan fiscal fédéral si on le compare au secteur de la fabrication et des services. Dans le cas de l'Île-du-Prince-Édouard, ce pourcentage pendant les années précédant 2002 s'approchait de 20 p. 100. Comme je l'ai démontré avec les tableaux que j'ai présentés au début de mon exposé, nous sommes plus tributaires des transferts fédéraux que toute autre province au Canada, mais nous perdons plus de notre PIB en impôts fédéraux que toute autre province au Canada.
· (1350)
Voici un tableau intéressant. Il met en regard les dépenses et les recettes fédérales. Si nous comparons par province les dépenses fédérales par habitant et les recettes par habitant au PIB, on constate une configuration intéressante. La province qui a le plus faible PIB par habitant est l'Île-du-Prince-Édouard. Nous nous trouvons à l'extrémité gauche du tableau. Par contraste, l'Alberta se situe à l'autre extrémité. Il est vrai que les dépenses fédérales par habitant pour l'Île-du-Prince-Édouard sont plus élevées que dans n'importe quelle autre province, mais cela n'est pas en contradiction avec le fait que nous avons un faible PIB par habitant. Dans le cas de l'Alberta, les dépenses fédérales sont élevées par rapport au PIB de la province. En fait, par habitant, elles sont les mêmes qu'en Ontario et en Colombie-Britannique. Terre-Neuve semble aussi avoir un appui élevé du gouvernement fédéral par rapport à son PIB. Pour ce qui est des recettes fédérales, l'Alberta est à un bas niveau, tout comme Terre-Neuve et la Saskatchewan, alors que l'Île-du-Prince-Édouard est à un haut niveau. Il semble donc qu'il y a un rapport direct entre les provinces riches en ressources et un traitement inégal de l'imposition fédérale.
On peut lire ce tableau de façon différente. La courbe bleue représente les dépenses fédérales par province et la courbe rouge les recettes fédérales. Il semble que l'Ontario soit presque en équilibre, et ce d'après les renseignements fournis par Statistique Canada. L'Île-du-Prince-Édouard se situe au dessus de la courbe rouge, ce qui signifie que nous sommes un petit peu au-delà de la moyenne nationale pour ce qui est des impôts perçus par le gouvernement fédéral mais nous sommes un petit peu en dessous de la moyenne nationale pour ce qui est des dépenses fédérales, même si nous bénéficions des transferts les plus élevés au pays.
En terminant, monsieur le président, je voudrais rappeler aux membres du comité que la péréquation est un programme unique au pays. C'est le seul programme fédéral qui soit constitutionnalisé. Le paragraphe 36(2) dit:
Le Parlement et le Gouvernement du Canada prennent l'engagement de principe de faire des paiements de péréquation propres à donner au gouvernements provinciaux des revenus suffisants pour les mettre en mesure d'assurer les services publics à un niveau de qualité et de fiscalité sensiblement comparable. |
Nous devons garder à l'esprit cet engagement constitutionnel. Nous nous demandons si le gouvernement actuel l'a oublié.
Nous résumons ainsi : l'Île-du-Prince-Édouard estime qu'il est essentiel de rétablir l'équilibre budgétaire qu'il faut dans tout le pays. Les disparités financières doivent être aplanies dans le sens vertical et horizontal.
On ne peut pas oublier l'excédent fédéral qui ne cesse d'augmenter. Il ne doit pas servir à négocier des arrangements spontanés.
On ne peut pas dire que le gouvernement fédéral a pris son rôle au sérieux à cet égard. En fait, je n'ai jamais entendu le ministre Goodale reconnaître qu'il existe un déséquilibre budgétaire. Pour le bien du pays, il faut que les choses changent. L'équilibre entre les dépenses du gouvernement fédéral et ses recettes doit être pris en compte.
Je vous remercie de votre attention. Monsieur le président, je serai ravi de répondre à vos questions.
· (1355)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Murphy et monsieur Palmer, pour un excellent exposé et une explication très rationnelle de votre point de vue.
Nous allons commencer la période de questions avec M. Hubbard. Pour le premier tour, vous avez huit minutes et je vais réserver du temps pour la conclusion.
M. Charles Hubbard: Il va falloir que je sois à mon affaire, monsieur le président.
J'ai suivi avec intérêt les réunions concernant la santé et la péréquation. En septembre et en octobre derniers, votre propre premier ministre semblait louanger les merveilleux accords qui avaient été conclus et les avantages qu'ils apportaient. Auriez-vous fait le même exposé à la fin du mois d'octobre? Votre discours est-il modifié du fait des accords signés avec la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve et le Labrador?
L'hon. Mitchell Murphy: Quand nous discutons avec les premiers ministres, et avec le ministre des Finances, les provinces—certainement l'Île-du-Prince-Édouard comme je l'ai dit tout à l'heure—ne s'offusquent pas que Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse puissent négocier des accords extracôtiers. Nous sommes de l'Atlantique, et nous comprenons très bien les contraintes des gouvernements de ces provinces et les ressources financières supplémentaires dont elles ont besoin pour l'avenir. À ce moment-là, nous ne savions pas que ces accords auraient une incidence sur la formule de péréquation, et assurément, ils produiront un impact majeur.
À l'échelle du pays, depuis la signature de ces accords, ce n'est pas seulement l'Île-du-Prince-Édouard mais toutes les provinces, sans exception—assurément les provinces récipiendaires—qui demandent la même chose étant donné l'incidence des accords spéciaux sur la formule de péréquation.
Les premiers ministres ont négocié avec le premier ministre des accords sur les soins de santé cet automne. Nous l'avons dit à ce moment-là, nous le répétons, l'appui supplémentaire au titre de la santé pour l'Île-du-Prince-Édouard est à notre satisfaction. Cela est indéniable. Nous félicitons le premier ministre d'avoir agi ainsi. Toutefois, nous voulons que cela soit relativisé.
Dans le tableau que j'ai présenté, nous remontons à 1977, avec le financement des programmes établis et à cette époque, dans le secteur des soins de santé il y avait partage à peu près égal des coûts, environ cinquante-cinquante. En vertu des nouveaux accords signés l'automne dernier, les dépenses provinciales en matière de santé à l'Île-du-Prince-Édouard seront d'environ 74 p. 100. La part du gouvernement fédéral est désormais de 26 p. 100. Des progrès ont été réalisés—c'est indéniable—et nous les apprécions. Le budget des soins de santé a augmenté d'environ 7 p. 100 par année depuis 1996, depuis que j'occupe des fonctions au gouvernement et cela représente un défi—pas seulement pour les gouvernements provinciaux mais pour le gouvernement fédéral également—ce qui signifie des discussions plus serrées sur la viabilité financière du régime de soins de santé tel qu'il fonctionne actuellement au Canada.
Savions-nous cet automne l'incidence que les accords spéciaux allaient avoir pour la péréquation? Non.
¸ (1400)
M. Charles Hubbard: À écouter le premier ministre Hamm de Nouvelle-Écosse, et sans doute le premier ministre Williams de Terre-Neuve et du Labrador, il existerait une entente vieille de 20 ans portant sur les ressources extracôtières et je pense que pour certaines personnes, il est impensable que les deux choses soient mises dans le même panier.
À propos de la péréquation elle-même, il semble que l'essentiel de la formule et des avantages des provinces bénéficiaires soient liés indirectement au puissant moteur d'activité économique qu'est la province de l'Ontario. S'agissant de la formule, si l'Ontario prospère par rapport aux autres provinces, des provinces comme le Nouveau-Brunswick ou l'Île-du-Prince-Édouard en profitent grandement mais s'il y a un ralentissement en Ontario, votre situation devient plus difficile. Est-ce le genre d'argument que vous faites valoir ici?
L'hon. Mitchell Murphy: Non, votre observation est juste, monsieur Hubbard. Je pense que vous avez tout à fait raison. Parce que la norme porte sur cinq provinces plutôt que dix, quand l'économie ontarienne subit des hauts et des bas, nous en ressentons les effets en raison des rouages actuels de la péréquation.
Nous avons travaillé avec le ministre Goodale pour supprimer la volatilité et les fluctuations des paiements de péréquation. Il a fait plusieurs propositions. Il a proposé que l'on fasse la moyenne des remboursements ou des suppléments auxquels nous aurions droit pendant un certain temps. Un nombre de méthodes peuvent être utilisées pour stabiliser ces paiements. Notre argument de toujours, que nous maintenons, est que la meilleure façon de supprimer la volatilité de la péréquation est de revenir à une norme de dix provinces. Nous pensons qu'il faut une norme de dix provinces pour respecter les engagements constitutionnels.
Vous avez absolument raison car avec cinq provinces, dont l'Ontario qui compte pour une partie importante de la norme, l'impact pour le reste des provinces est énorme quand l'économie ontarienne fluctue.
Je tiens à signaler que pour 2004-2005 et 2005-2006, cette volatilité a été supprimée en fixant une somme à être distribuée pour la péréquation. En 2004-2005, l'exercice financier actuel, cela représente 10 milliards de dollars et en 2005-2006, 10,9 milliards de dollars. Ensuite, il y aura une augmentation de 3,5 p. 100. Le problème de la volatilité est donc réglé pour quelques années. Je sais quels seront mes paiements de péréquation pour mon prochain budget. C'est une somme que j'ai reçue et qui ne va pas changer.
Un groupe d'experts a été constitué pour étudier la distribution des paiements de péréquation après l'exercice financier 2005-2006. Cela m'inquiète énormément, ainsi que mes collègues des provinces récipiendaires, parce que d'aucuns, certains partis politiques—mon propre parti conservateur national—préconisent que les recettes tirées des ressources soient exclus de la formule. Cela serait désastreux pour les provinces qui ne peuvent pas compter sur de tels revenus.
¸ (1405)
M. Charles Hubbard: À propos des 3,5 p. 100—et je reviens à la question que j'ai posée—
M. Peter Stoffer: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Le témoin pourrait-il répéter ce qu'il vient de dire à propos de son parti national?
L'hon. Mitchell Murphy: Nous sommes en désaccord avec le parti national qui préconise que l'on supprime les recettes tirées des ressources de la formule de péréquation. Selon notre analyse, ce serait désastreux pour les provinces qui ne sont pas riches en ressources naturelles.
M. Charles Hubbard: J'ai posé cette question lors d'un débat en comité. La promesse dans le cadre de deux de ces accords, d'augmenter de 3,5 p. 100 par année, est tout à fait révélatrice et il faut espérer que cela va durer longtemps. Ce pourcentage dépasse le taux de croissance et assurément, nos provinces ont une meilleure garantie de pouvoir assumer l'augmentation des coûts. J'espère qu'on comprend cela.
Je voudrais parler de la notion d'un groupe d'experts. J'oublie comment on envisage de constituer un tel groupe mais vous semblez être mécontent des nominations faites jusqu'à présent. Monsieur le président, notre comité a discuté des nominations hier matin. Je ne sais pas si les candidats à ce groupe d'experts seront examinés par le comité mais je me demande ce que vous reprochez à ceux qui ont été pressentis jusqu'à présent? Je n'ai pas vu la liste des noms. Quelles sont vos inquiétudes qui justifieraient que notre comité ou un comité élargi fasse enquête?
L'hon. Mitchell Murphy: On nous a donné les noms, avec la permission du ministre des Finances, j'imagine. Je ne citerai personne en exemple, mais je vais répondre à votre question sur ce qui me préoccupe.
Voici ce qui me préoccupe : lorsqu'on cherche quelqu'un pour examiner un programme qui est aussi important pour le pays que la péréquation, il faudrait chercher des candidats qui ont une certaine expertise dans le domaine et qui comprennent l'importance de la péréquation au pays. Je ne prétendrai jamais qu'il faut éviter de nommer des gens qui ont des idées différentes sur le sujet. C'est la démocratie, et cela donne lieu à un bon débat. Ce qui me préoccupe, c'est lorsqu'on nomme des personnes aux connaissances limitées en la matière ou, au contraire, des personnes qui ont déjà une opinion bien arrêtée sur l'utilité de la péréquation.
C'est ce qui me préoccupe, et je constate que c'est le cas de certaines personnes nommées au comité.
M. Charles Hubbard: Monsieur Murphy, avez-vous approuvé les candidats?
L'hon. Mitchell Murphy: Non, le ministre Goodale a fait ces nominations. Nous n'avons participé d'aucune façon à ces nominations.
Je dois ajouter qu'en plus des quatre nominations fédérales faites lors de la dernière réunion des ministres fédéral et provinciaux des Finances, les provinces et territoires peuvent collectivement nommer deux membres à ce groupe. Je crois que l'on a déjà envoyé des noms au ministre fédéral. Nous avons donc un comité de six personnes qui examinera le fonctionnement de la péréquation après l'année financière 2005-2006.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Murphy.
Monsieur Côté.
M. Guy Côté: Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, monsieur Murphy, de votre présentation. Vous avez parlé très clairement et très précisément des répercussions du déséquilibre fiscal sur votre province.
Comme je le mentionnais un peu plus tôt ce matin, au-delà de ce concept un peu flou de déséquilibre fiscal, il est toujours important de se rappeler pourquoi il y a un déséquilibre fiscal. Ce n'est pas arrivé du jour au lendemain. Ce déséquilibre fiscal a été créé au fil des politiques de ce gouvernement. Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des mesures qui ont créé le déséquilibre fiscal, car vous les connaissez certainement très bien.
Vous faisiez mention tout à l'heure de l'article de la Constitution du Canada qui mentionne que le but des paiements de péréquation est de fournir des revenus suffisants aux provinces afin qu'elles puissent offrir des services raisonnables. Vous avez mentionné que votre province était plutôt satisfaite des derniers accords sur la péréquation, mais que les accords particuliers avec Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse étaient venus rompre le délicat équilibre qui existait.
Vous disiez que vous ne faisiez pas partie d'un think tank, que vous étiez en première ligne et que vous deviez répondre à vos citoyens. Nous sommes bien heureux pour les gens de Terre-Neuve-et-Labrador et les autres qui ont conclu des accords particuliers. Quel effet ces accords particuliers peuvent-ils avoir sur votre capacité fiscale et sur les moyens dont vous disposez pour rendre des services à votre population, comparativement au Nouveau-Brunswick, par exemple?
¸ (1410)
[Traduction]
L'hon. Mitchell Murphy: Je vais essayer de répondre. Votre question comporte une multitude de questions et je vais essayer d'y répondre ainsi.
Je n'ai pas dit que le renouvellement ou l'accord de péréquation signé à l'autonome était à notre satisfaction. En fait, le ministre fédéral nous avait dit au printemps de 2004 que nous n'allions pas négocier le prochain accord quinquennal. On nous a mis devant un fait accompli. C'est un programme totalement fédéral. Le gouvernement fédéral prend toutes les décisions. Ainsi, il n'a pas besoin de notre aval. Cela prend la forme d'un projet de loi voté à la Chambre des communes où vous siégez.
À l'automne, à mon avis en raison des inquiétudes exprimées par les premiers ministres provinciaux, Ottawa est venu négocier la péréquation. Ce qui a été négocié à l'automne de 2004 n'était pas à notre satisfaction mais en fin de compte, il s'agit d'un programme du gouvernement fédéral et il faut signer pour obtenir l'argent. C'est aussi simple que cela. Face à une situation financière difficile comme c'est notre cas... nous avons signé.
Avant que les accords sur les ressources extracôtières soient signés, il y avait un déséquilibre budgétaire. À mon avis, il existe depuis assez longtemps. Si l'on remonte dans le temps, personne ne contestera que l'actuel premier ministre Martin, à l'époque ministre des Finances, devait assainir les finances fédérales. Le mérite lui en revient et je l'en félicite. Sommes-nous d'accord sur la méthodologie utilisée? Eh bien, non, cela pourrait faire l'objet d'une autre discussion. Il fallait cependant faire quelque chose pour remettre le pays dans la bonne voie et il l'a fait. Cependant, depuis, dans la foulée de la mesure, notre contribution à la réduction du déficit fédéral a représenté une diminution de 33 p. 100 des transferts fédéraux.
Le coût des soins de santé augmente d'environ 7 p. 100 par année et nos transferts actuels sont légèrement plus élevés que ce qu'ils étaient en 1993-1994—je pense que c'est supérieur de 15 millions ou 20 millions de dollars. Mais songez à ce qui s'est produit entre-temps du côté du coût des soins de santé, de l'éducation et des autres coûts. Ainsi, le déséquilibre budgétaire existait bien avant que les accords sur les ressources extracôtières soient signés.
Je veux qu'une chose soit bien claire. Je ne suis pas venu en Nouvelle-Écosse pour critiquer l'accord que cette province a négocié. Je suis un Canadien de l'Atlantique et je connais un peu la situation financière de la région. Je suis ravi que cette province ait conclu un accord parce que cela va être bénéfique pour ses citoyens. Je suis ravi pour les citoyens de Terre-Neuve et du Labrador. Je maintiens toutefois que ces accords exacerbent les disparités financières.
Je vais vous donner un exemple concret. Plus les différences de capacité financière s'accentuent entre les provinces, plus certaines d'entre elles sont en mesure d'offrir des services à leurs citoyens—disons en recrutant des professionnels de la santé, des médecins et des infirmières. Elles peuvent les rémunérer un peu plus que les autres qui ont une moindre capacité financière, de sorte qu'elles ont un avantage concurrentiel qui permet d'attirer les personnels qui fournissent les services publics. Elles ont peut-être aussi la capacité financière de réduire les impôts et là encore elles ont un avantage concurrentiel. Elles concurrencent les autres provinces et peut-être le nord-est des États-Unis. Elles sont en meilleure position pour faire cela. Voilà la difficulté quand on examine le fondement du système de péréquation.
C'est un peu comme si l'on mettait un mélangeur à pleine vitesse dans un évier. C'est un peu ce qui se produit. Si nous voulons régler les disparités financières verticalement—entre le fédéral et les gouvernements provinciaux—et horizontalement, à l'échelle du pays, il nous faut revenir à une formule qui inclut les dix provinces.
¸ (1415)
[Français]
M. Guy Côté: Vous l'avez peut-être dit dans votre présentation, mais quel serait l'impact budgétaire pour votre province si on devait passer à un standard de 10 provinces dans le calcul?
[Traduction]
L'hon. Mitchell Murphy: Tout dépend de l'année en question.
Comme l'a signalé M. Hubbard dans sa question, les paiements de péréquation sont fondés sur le rendement économique d'un certain nombre de provinces—à l'heure actuelle, il s'agit de toutes les provinces au pays, à l'exception de l'Alberta et des provinces de l'Atlantique—et on établit une norme nationale. Donc, si nous avons ici un mauvais rendement économique et que le rendement de l'économie nationale est bon, nos montants de péréquation augmentent. Si notre rendement économique égale ou dépasse celui de l'économie nationale, nos montants de péréquation diminuent. Mais nous pouvons gérer cette situation, parce que cela veut dire que nos propres sources de revenu augmentent. Cela nous permet de continuer à fournir le même niveau de services publics.
[Français]
Le président: Monsieur Palmer.
[Traduction]
M. John Palmer (directeur , Économie et statistiques, relations fedérales fiscales, Gouvernement de l'Île du Prince-Édouard): En se servant des chiffres de 2003-2004, c'est 41 millions de dollars.
L'hon. Mitchell Murphy: Je vais vous donner un exemple pour l'année financière de 2003-2004. En se servant de la formule des 10 provinces, l'Île-du-Prince-Édouard aurait reçu 41 millions de dollars de plus en péréquation.
Faisons d'autres comparaisons. Le Nouveau-Brunswick aurait reçu 223 millions de dollars de plus en péréquation. Le Québec aurait reçu 2,2 milliards de dollars de plus. Terre-Neuve—même avant de signer l'entente sur les ressources extracôtières, même en vertu de l'entente actuelle—aurait reçu 154 millions de dollars de plus.
Donc, pour bien des années, la formule des 10 provinces aurait eu un énorme impact, surtout récemment en raison de la hausse des cours du pétrole et parce que la capacité financière d'une province telle que l'Alberta augmente si rapidement. Pour ce qui est des paiements de péréquation pour les autres provinces, cela veut dire que lorsque l'écart s'élargit, les montants versés augmentent.
[Français]
M. Guy Côté: Vous avez bien expliqué pourquoi le transfert de points d'impôt, même s'il s'avérait très précieux pour l'Alberta, l'Ontario et le Québec, ne serait pas une solution avantageuse pour votre province.
Est-ce que je me trompe en disant que, pour l'Île-du-Prince-Édouard, un calcul basé sur les 10 provinces ne serait peut-être pas la solution idéale, mais qu'on pourrait ainsi régler une grande partie du problème?
[Traduction]
L'hon. Mitchell Murphy: Je pense que c'est très difficile de trouver une formule parfaite. Faire en sorte que la péréquation fonctionne bien pour tout le monde est très difficile.
Cependant, en adoptant la formule des 10 provinces fondée sur l'économie nationale, la logique de l'argument est la suivante : vous obtenez l'équivalent de la moyenne nationale, et même si certaines provinces pourraient se plaindre, je ne pense pas que leurs plaintes seraient aussi valides qu'aujourd'hui, parce qu'après tout, l'Île-du-Prince-Édouard ne pourrait pas demander plus que la moyenne nationale.
Cependant, en réduisant de façon artificielle la norme par l'adoption de la formule des cinq provinces, c'est problématique. Il y a déjà eu une norme de 10 provinces. On l'a modifiée en 1982 pour la même raison qu'aujourd'hui : les revenus provenant du pétrole et du gaz naturel ont augmenté en flèche. À l'époque, on a considéré que la péréquation devenait trop cher. Un des moyens de limiter le coût de la péréquation consistait à adopter une norme de cinq provinces.
On pourrait dire que les finances du pays étaient différentes à l'époque et que la capacité financière existe maintenant et nous permet de retourner à une norme de 10 provinces.
¸ (1420)
[Français]
M. Guy Côté: Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Côté.
Avant de donner la parole à M. Stoffer, j'aimerais vous dire que j'ai mangé ici la plus succulente soupe de poissons et de fruits de mer au monde. J'ai quasiment envie d'inviter les représentants des autres provinces à venir témoigner ici, dans les Maritimes, devant le sous-comité. Qu'en pensez-vous?
[Traduction]
M. Peter Stoffer: Quand vous voudrez, monsieur le président.
[Français]
Le président: Allez-y, monsieur Stoffer.
[Traduction]
M. Peter Stoffer: Alexa est allergique aux fruits de mer. Elle ne pourrait pas manger ça mais moi je peux. Donc ce serait un plaisir.
Merci beaucoup de votre exposé, messieurs, et merci d'être venus à Halifax.
Je voudrais vous poser quelques questions. Il y a quelque chose d'unique dans le système de comité. Un comité entend les arguments de tous les côtés et doit ensuite faire des recommandations ou un rapport. Il tâche de faire l'unanimité pour que le rapport soit un peu plus percutant auprès du ministère concerné. J'ai l'impression que dans ce cas-ci ce sera un peu difficile étant donné ce que nous avons entendu ce matin et ce que nous entendons maintenant.
Je voudrais savoir si vous êtes du même avis. Voici ce qu'a dit l'Institut AIMS : « Les provinces ont les moyens de résoudre leurs problèmes budgétaires et nous ne voyons pas pourquoi Ottawa devrait le faire pour elles. » Êtes-vous du même avis?
L'hon. Mitchell Murphy: Non.
M. Peter Stoffer: D'accord. Vous dites non, très bien. Voilà pourquoi j'ai posé la question.
L'Institut ajoute : « L'essentiel de l'excédent fédéral découle directement de la diminution des frais d'intérêts qu'Ottawa doit verser, et c'est là également la récompense d'une gestion financière prudente. Ce n'est nullement la manifestation d'un déséquilibre des ressources financières entre Ottawa et les provinces. »
L'hon. Mitchell Murphy: Nous avions prévu que vous poseriez cette question et voilà pourquoi, dans notre document, j'ai inclus un tableau des priorités pour les dépenses fédérales. En bleu, c'est la péréquation et en mauve où en grenat c'est le TCSPS. Nous prétendons que l'augmentation des transferts fédéraux aux provinces au titre des soins de santé et de l'éducation s'est essentiellement fait aux dépens d'autres programmes comme la péréquation.
Je le répète, nous reconnaissons qu'il fallait agir pour enrayer le déficit et que les mesures qui s'imposaient ont été prises. La situation financière qui en a résulté au pays, conjuguée à la réduction graduelle de la dette publique, a certainement eu un effet bénéfique sur les taux d'intérêt et j'en ai beaucoup profité en tant que trésorier provincial.
Nous avons renégocié des dettes à long terme qui remontaient au début des années 80, et qui étaient à des taux de 14 p. 100 et 15 p. 100. Nous avons désormais un taux d'intérêt un peu supérieur à 5 p. 100. Nous n'aurions pas pu faire cela sans des taux d'intérêt bas. Ainsi, j'accepte en partie la deuxième remarque, mais pas totalement.
M. Peter Stoffer: Êtes-vous convaincu de l'affirmation à la page 2 de votre témoignage, à savoir « les provinces ont des ressources adéquates à leur disposition (y compris la latitude de relever les impôts) »? Êtes-vous convaincu de cela?
L'hon. Mitchell Murphy: Eh bien, je vais vous parler de la situation de notre province. Nous percevons la taxe de vente provinciale la plus élevée de la région. Nous avons le plus haut taux d'imposition pour les sociétés de la région. Les recettes tirées de l'impôt des particuliers constituent notre plus importante source de recettes après la péréquation, etc., de sorte que notre fiscalisation est très élevée.
Une fois de plus, je vais faire une comparaison avec l'Alberta. Notre taux d'imposition, comparé à celui de l'Alberta, est de 43 p. 100 plus élevé.
Je reviens à ce que je disais à propos d'ententes parallèles comme des ententes sur les ressources extracôtières et à l'incidence que cela a sur la péréquation. On peut dire que la Nouvelle-Écosse, notre province soeur, a amélioré sa situation budgétaire. Je l'ai dit et je le répète, cela n'est pas néfaste pour la Nouvelle-Écosse. Les citoyens de cette province méritent certainement ces services publics mais qu'est-ce que cela signifiera pour nous au fur et à mesure que la capacité financière de cette province va augmenter? Cela signifiera des pressions sur notre gouvernement qui a une moindre capacité financière pour offrir des services publics que les autres provinces de la région.
¸ (1425)
M. Peter Stoffer: Vous avez parlé de la capacité financière de la Nouvelle-Écosse. Je veux signaler que j'ai habité en Nouvelle-Écosse. Le Parti conservateur y a pris le pouvoir en 1998. Notre dette a augmenté de 2,2 milliards de dollars depuis que les affaires de la province sont entre leurs mains. Ils ont peut-être maintenant procédé à un assainissement de leurs finances, mais il n'en demeure pas moins que c'est sous leur houlette que la dette a augmenté de quelques milliards de dollars. Cela n'est pas souhaitable pour quelque province que ce soit.
Je voulais vous demander...
L'hon. Mitchell Murphy: J'ai appris il y a longtemps qu'étant un ministre de l'Île-du-Prince-Édouard, je dois éviter les discussions sur les finances avec les autres provinces, surtout quand je voyage à l'extérieur de ma province.
M. Peter Stoffer: Une dernière remarque. Dites-moi si vous êtes d'accord ou non. Je cite de nouveau l'Institut AIMS : « L'amélioration de la situation financière d'Ottawa ne s'est absolument pas faite aux dépens des provinces. »
L'hon. Mitchell Murphy: En 1995, nos paiements de transfert ont été réduits de 33 p. 100.
M. Peter Stoffer: Dois-je comprendre que vous n'êtes pas de cet avis?
L'hon. Mitchell Murphy: Je pense que l'amélioration de la situation financière d'Ottawa est due à un certain nombre de facteurs, notamment la réduction de la péréquation et d'autres transferts.
M. Peter Stoffer: Une de mes préoccupations, surtout en ce qui concerne la région de l'Atlantique par exemple, est la somme qui a été soustraite aux familles et aux collectivités lors des ponctions faites à la caisse d'assurance-emploi elle-même. Mon collègue Yvon Godin, qui est du nord du Nouveau-Brunswick et qui est le porte-parole de notre parti en matière d'assurance-emploi, n'a cessé de soulever la question. Je n'ai pas les chiffres pour l'Île-du-Prince-Édouard mais je sais qu'en Nouvelle-Écosse, cela représente des centaines de millions de dollars au fil des ans. Autrefois c'était pour le bénéfice des travailleurs, de leurs familles et des collectivités et maintenant, cet argent a disparu. Les travailleurs n'ont pas cet argent qu'ils pourraient dépenser. Les petites entreprises ne l'ont pas non plus.
Il serait intéressant de savoir quelle a été l'incidence des réductions d'assurance-emploi à l'Île-du-Prince-Édouard. Quelle somme les modifications à l'assurance-emploi représentent-elles pour l'Île-du-Prince-Édouard?
L'hon. Mitchell Murphy: Cela représenterait une baisse d'environ 33 p. 100, c'est-à-dire 343 millions de dollars.
M. Peter Stoffer: Autrement dit, en raison des modifications à l'assurance-emploi, l'Île-du-Prince-Édouard se retrouve avec 343 millions de dollars en moins, n'est-ce pas?
L'hon. Mitchell Murphy: C'est cela.
M. Peter Stoffer: Je n'en doute pas mais vous savez, c'est pour cela que je... M. Crowley n'est plus dans la salle—et honnêtement, il utilise toujours le mot « provinces ». Il utilise le pluriel. Il ne précise pas quelles provinces. Cependant, dans ce genre d'analyse, je me demande parfois si l'on a mesuré pleinement les conséquences des mesures que le gouvernement a dû prendre et je conteste la méthodologie empruntée pour parvenir au tableau final, car bien des gens en pâtissent. Je pense que parfois on oublie ce que cela représente, à plus petite échelle, dans les provinces.
L'hon. Mitchell Murphy: Nous avons assurément pâti, vous savez.
En tant que gouvernement provincial, il nous incombe de faire croître l'économie, de tirer des recettes de nos propres sources. Notre objectif est de devenir moins tributaires des transferts fédéraux et le principal reproche que je fais à propos des remarques de M. Crowley, ce matin, c'est qu'il est impossible de changer le système du jour au lendemain.
Je pense sincèrement qu'un développement économique plus intense dans la région—monsieur Stoffer, vous avez parlé ce matin d' « emplois »—devient de plus en plus important. La création de richesses et d'activités économiques entraîne un accroissement des recettes tirées de nos propres sources mais le défi... Si vous me demandiez si je crois que tous les citoyens canadiens, quel que soit l'endroit où ils vivent, ont droit à des niveaux raisonnablement comparables de services publics, je vous répondrais : « Absolument ». Cela doit-il être réalisé à des niveaux d'imposition raisonnablement comparables? Oui, car quand il y a un déséquilibre, comme c'est le cas actuellement, des provinces comme l'Île-du-Prince-Édouard et d'autres se demandent comment continuer d'offrir le même niveau de services publics, compte tenu de leur croissance économique ou de leur capacité à prospérer. Notre croissance économique va se poursuivre. C'est un fait mais la prestation de ces services croît à un rythme plus rapide, de sorte que pendant la période de transition, nous devrons encore compter sur un système comme la péréquation.
Nous espérons qu'un jour, tout comme... La Saskatchewan et la Colombie-Britannique, par exemple, sont devenues officiellement cette année des provinces nanties. Je n'aime pas utiliser ce terme car dans ce pays, il n'y a pas de provinces nanties et de provinces pauvres. Ces provinces ne reçoivent pas de paiements de péréquation, ce qui signifie que leur situation financière s'est améliorée. Comme tous les gouvernements provinciaux, nous allons tâcher de nous hisser à ce niveau mais entre-temps, on ne peut pas renoncer au principe de la prestation de services publics.
Puis-je équilibrer les livres de l'Île-du-Prince-Édouard cette année? On peut toujours le faire en réduisant les dépenses, mais les gouvernements ont la responsabilité d'offrir des services publics de base à leurs citoyens. Notre grosse dépense est dans le domaine de la santé. Nous allons dépenser 450 millions de dollars, 460 millions de dollars, 470 millions de dollars—je ne sais pas car le budget n'est pas encore définitif—mais cela représente environ 46 p. 100 de nos dépenses. Veut-on fermer deux ou trois hôpitaux et mettre à pied 500 professionnels de la santé? Cela permettrait assez bien d'équilibrer le budget. Est-ce responsable de la part d'un gouvernement? Absolument pas.
¸ (1430)
[Français]
Le président: Merci, monsieur Stoffer.
Monsieur Murphy ou monsieur Palmer, dans votre tableau, à la page 26, on parle des tendances quant aux dépenses et aux revenus fédéraux. J'aimerais que vous m'expliquiez pourquoi les tendances pour le Québec et la Colombie-Britannique sont bien en deçà des tendances des dépenses fédérales. Pourquoi trouve-t-on cette situation dans votre tableau?
[Traduction]
M. John Palmer: Excusez-moi, nous n'avons entendu que la dernière partie de ce que vous venez de dire.
Ces chiffres sont des données que nous avons préparées en utilisant les chiffres de Statistique Canada pour 2002. Il s'agit des comptes économiques provinciaux et Statistique Canada fournit le montant des dépenses et des recettes pour chaque province.
Je ne peux que supposer. Je ne peux pas être plus précis quant à ces chiffres car il s'agit d'énormes sommes globales à partir desquelles on a calculé un montant par habitant. Mais je ne peux que conjecturer.
Si l'on examine les dépenses fédérales—elles incluent tous les transferts, à savoir les transferts aux provinces comme la péréquation et l'assurance-emploi, de même que les activités fédérales comme les dépenses militaires et l'administration centrale... Ces chiffres couvrent toute une gamme de choses.
Il se peut qu'une de ces composantes—et je ne sais pas laquelle—soit inférieure à la moyenne, dans le cas du Québec.
L'hon. Mitchell Murphy: Oui. Je suppose que c'est parce que c'est aggloméré. Cela explique les chiffres. Par exemple, je ne sais pas s'il y a des dépenses militaires à l'Île-du-Prince-Édouard ou s'il y en a au Québec.
[Français]
Le président: Merci.
Monsieur Hubbard, vous disposez de cinq minutes.
[Traduction]
M. Charles Hubbard: Cinq minutes? Les choses vont mieux.
Le président: Êtes-vous content?
M. Charles Hubbard: Posez-moi la question plus tard.
Deux ou trois choses. Je suis un peu renversé quand vous affirmez qu'en 1995, l'Île-du-Prince-Édouard a subi une baisse de 33 p. 100. Pouvez-vous donner à notre comité—peut-être pas aujourd'hui mais peut-être... Monsieur le président, il nous faudrait approfondir cela, assurément. Je trouve renversant que vous ayez perdu l'équivalent du tiers du TCSPS en péréquation. Pouvez-vous nous donner des détails?
Deuxièmement, à propos de la norme des 10 provinces, vous semblez avoir des chiffres—que vous avez sans doute fait valoir à Ottawa en septembre-octobre derniers—mais je voudrais certainement voir vos chiffres et voir ce que cela signifierait pour nos responsabilités fédérales avec une norme de 10 provinces pour faire une comparaison avec les autres provinces.
Mon collègue a soulevé la question de l'assurance-emploi.
[Français]
Le président: Monsieur Hubbard, attendez une seconde.
[Traduction]
Un instant, monsieur Hubbard. Parliez-vous de la péréquation ou des transferts en matière de santé et d'éducation?
M. Charles Hubbard: La première question porte sur le programme en 1995. Avec la deuxième question, il s'est reporté à un document. Je suppose que ce document a été utilisé pour présenter des arguments en septembre et en octobre, quand vous avez eu des discussions avec nos ministres fédéraux et les 10 provinces pour réclamer plus de...
¸ (1435)
L'hon. Mitchell Murphy: Pour plus de précision, oui, nous avons ces renseignements. On les trouve dans les comptes publics de la province et nous pouvons les fournir au comité.
M. Charles Hubbard: Merci.
Nous passons maintenant à l'assurance-emploi. Il y a un certain nombre de facteurs qui entrent en jeu, les changements qui se sont produits, mais le facteur le plus important, c'est l'évolution de l'économie. Au Canada, en 1993, disons, nous avions un taux de chômage de l'ordre de 10 p. 100 ou un peu mieux, et aujourd'hui il est aux alentours de 7 p. 100. Dans ma propre province, nous nous réjouissons de voir qu'il est actuellement descendu aux alentours de 10 p. 100.
Donc, pour parler de l'assurance-emploi en termes de dépenses, j'aimerais bien qu'un jour il n'y ait plus aucun transfert d'argent pour l'assurance-emploi, un jour où tout le monde aurait un emploi, ce qui doit... Et je dis cela à votre collègue Yvan. Nous devons nous battre pour améliorer notre situation économique et donner plus de possibilités à nos concitoyens.
Je suis un peu sidéré aussi de vous entendre parler d'une perte de 300 millions de dollars. Il doit s'agir d'une période assez longue pour l'assurance-emploi.
L'hon. Mitchell Murphy: M. Stoffer m'a demandé le montant des pertes depuis les derniers changements au niveau fédéral. Je lui ai simplement donné les statistiques.
M. Charles Hubbard: Il s'agit d'une période de presque 10 ans, d'environ huit ans?
L'hon. Mitchell Murphy: Je pense que c'est entre huit et dix ans, oui.
M. Charles Hubbard: Et vos statistiques en matière d'assurance-emploi à l'Île-du-Prince-Édouard, se sont-elles améliorées, et de combien? Vous avez ces précisions?
L'hon. Mitchell Murphy: Oui. Quand j'ai été élu pour la première fois en 1996, nous étions à plus de 16 p. 100. Nous en sommes maintenant à entre 11 et 12 p. 100. Le chômage recule. Il est même tombé à 10 p. 100 en été quand nous avons un maximum d'emplois, mais durant cette période-ci de l'année, il fluctue entre 11 et 12 p. 100.
M. Charles Hubbard: Donc, pour ce qui est des travailleurs...
M. John Palmer: Puis-je répondre rapidement?
M. Charles Hubbard: Pour ce qui est des travailleurs, combien de nouveaux emplois ou combien...
L'hon. Mitchell Murphy: Il y a eu environ 10 000 nouveaux emplois de 1996 à 2004.
M. Charles Hubbard: John veut intervenir aussi.
M. John Palmer: Les changements les plus radicaux apportés au programme d'assurance-chômage sont intervenus vers 1993, je crois. C'était la première...
M. Charles Hubbard: Oh oui.
M. John Palmer: Il y a eu d'autres changements, mais à cette époque-là on a réduit le nombre de semaines de prestations et augmenté le nombre de semaines de travail nécessaires pour toucher les prestations. Et au cours de cette période, de 1993 à 1994-1995, les prestations d'assurance-chômage ont diminué de 33 p. 100.
Par la suite, il y a eu une amélioration de la situation de l'emploi, mais au cours de cette période—c'était la période où on réduisait les montants du FPE, le TCSPS—c'était vraiment difficile.
L'hon. Mitchell Murphy: Oui, j'en ai tenu compte dans ma réponse. Je sais que le chiffre était plus élevé, mais il y a eu des améliorations, donc j'en ai tenu compte.
M. Charles Hubbard: Donc les deux gouvernements, le vôtre et le nôtre, ont contribué à améliorer l'économie?
L'hon. Mitchell Murphy: C'est certain. Les 343 millions de dollars sont en partie le résultat de ces changements, et en partie le résultat de l'accroissement de l'activité économique.
M. Charles Hubbard: Il y a deux autres choses. En matière de santé, il y a 7 p. 100... Je crois que c'est l'ancien premier ministre Frank McKenna qui a dit que les dépenses de soins de santé étaient comme un gorille. Vous dites qu'elles représentent maintenant près de 50 p. 100 de vos dépenses totales et que vous pensez qu'elles vont continuer de progresser au rythme de 7 p. 100. Franchement, pour une bonne partie des provinces de l'Atlantique, c'est ce qui a eu le plus fort impact sur les budgets.
Y a-t-il des solutions?
L'hon. Mitchell Murphy: C'est une bonne question, sur laquelle les représentants élus aux deux paliers se penchent et s'interrogent. Je pense que cette progression à l'Île-du-Prince-Édouard... Je ne crois pas que la situation soit très différente de celle d'autres provinces ou de l'ensemble des provinces. Le coût de la santé augmente au fur et à mesure que la population vieillit. Comparativement à la moyenne nationale, nous avons une population plus vieille qui va continuer globalement à vieillir encore au cours des 15 ou 20 prochaines années. Nous allons donc avoir des défis bien particuliers, parce que c'est là que les dépenses sont les plus lourdes. Nous avons discuté d'un certain nombre de mesures qu'il faudrait peut-être prendre dans le domaine de la santé dans tout le pays. Si j'avais les réponses, je serais un homme très recherché et je gagnerais certainement mieux ma vie que maintenant.
¸ (1440)
M. Charles Hubbard: Vous avez raison. Il nous reste très peu de temps, mais j'aimerais prendre une demi-seconde pour souligner pour le compte rendu...
[Français]
Le président: Merci, monsieur Hubbard.
[Traduction]
M. Charles Hubbard: ... dire que cela nous préoccupe énormément au Canada atlantique...
[Français]
Le président: Monsieur Hubbard, merci.
[Traduction]
M. Charles Hubbard: ... et s'il y a un déséquilibre maintenant, monsieur le président, il ne va faire que s'aggraver.
Le président: Allons donc, j'ai été très généreux avec vous.
M. Charles Hubbard: Je tiens à souligner pour le compte rendu que c'est une préoccupation croissante.
[Français]
Le président: Monsieur Murphy, vous avez parlé d'une réduction de 50 p. 100 des paiements de transfert en matière de santé et d'éducation à partir de 1995. C'est parce qu'on a changé les critères d'attribution. On a changé les critères de distribution des fonds au niveau du TCSPS. Par exemple, on a pris le critère des besoins et on l'a remplacé par un critère de population. Le fait qu'on ait changé ce critère a désavantagé votre province de façon considérable. Est-ce que je me trompe?
[Traduction]
L'hon. Mitchell Murphy: Sans parler de la perte monétaire lors des transferts, je pense que les petites provinces sont plus pénalisées quand les transferts sont faits par habitant, parce qu'il y a une certaine infrastructure indispensable, que ce soit les installations ou des ressources humaines, pour faire fonctionner le système de santé. Donc le financement par habitant pose toujours plus de difficulté aux petites provinces. C'est un facteur qui joue aussi.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Murphy.
Monsieur Côté.
M. Guy Côté: Merci beaucoup.
Vous me permettrez de corriger le sophisme, pour ne pas dire l'expression de malhonnêteté intellectuelle de M. Hubbard. Dans un monde idéal, l'assurance-emploi ne serait pas nécessaire parce qu'on aurait le plein emploi. Ce serait merveilleux, mais on ne vit pas dans un monde idéal. S'il y a eu des coupures draconiennes non seulement à l'Île-du-Prince-Édouard, mais dans l'ensemble des provinces, ce n'est pas parce qu'il y a eu une croissance économique phénoménale et extraordinaire; c'est parce que ce gouvernement a réduit l'accès au programme en augmentant le nombre d'heures nécessaires et en diminuant le nombre de semaines assurables.
Ce n'est pas pour rien qu'il y a un surplus de 46 milliards de dollars dans la caisse de l'assurance-emploi. Cet argent est allé dans les coffres généraux du gouvernement, et non aux travailleurs. Par conséquent, à cet égard, monsieur Hubbard, je pense que cela va être correct.
Monsieur Murphy, voici la question que je me posais. L'une des méthodes utilisées par le gouvernement fédéral qui, à mon avis, est une des causes directes du déséquilibre fiscal qu'on vit présentement, est que, par le biais de prévisions irréalistes pour ne pas dire surréalistes, le gouvernement s'est retrouvé en fin d'année avec des surplus non projetés qui étaient directement appliqués à la dette, diminuant d'autant les paiements d'intérêts, etc. Ce faisant, d'année en année, la situation financière du gouvernement fédéral s'est améliorée. Il faut s'en réjouir, mais on ne peut que désapprouver la méthode que le gouvernement a utilisée pour y arriver. Par conséquent, année après année, les ressources financières du gouvernement fédéral augmentent. Je ne connais pas le ratio de la dette au PIB de votre province, mais ne serait-il pas sage que le gouvernement fédéral arrête de rembourser sa dette et investisse dans les transferts aux provinces, dans la péréquation?
[Traduction]
L'hon. Mitchell Murphy: En tant que ministre des Finances, je ne dirais jamais que c'est une mauvaise chose de rembourser la dette, parce que le remboursement de la dette libère de l'argent pour les dépenses de programme.
Mais votre deuxième remarque est judicieuse. Il n'y a qu'une catégorie de contribuable au Canada, et nous devons examiner les services que fournissent les gouvernements pour nous assurer que les recettes fiscales vont au gouvernement qui assure ces services.
Je crois que le déséquilibre budgétaire vertical est exagéré maintenant. Le ratio dette-PIB au niveau fédéral diminue. Cela nous aide tous. Les taux d'intérêts nationaux restent stables. Cela nous aide tous. Toutefois, c'est au niveau des provinces que la croissance des programmes est importante, parce que nous avons la responsabilité constitutionnelle des secteurs de la santé et de l'éducation qui sont des secteurs à forte croissance. Je trouve qu'on ne consacre pas assez de nos ressources fiscales à ces domaines, alors que les provinces sont obligées d'y consacrer des montants considérables parce que ce sont des responsabilités essentiellement provinciales. Pour rectifier ce déséquilibre vertical, il faudrait donc redistribuer une part plus importante de l'argent des contribuables au niveau des gouvernements provinciaux qui sont directement responsables de ces services.
¸ (1445)
[Français]
M. Guy Côté: Dites-moi si je me trompe, mais j'ai l'impression que la dette au niveau fédéral, étant donné les taux intérêt et le ratio de la dette au produit intérieur brut, coûte moins cher à gérer que les dettes des provinces. Trouvez-vous normal que le gouvernement ayant la dette la moins coûteuse cherche à réduire cette dette par des moyens détournés, alors que les provinces doivent gérer une dette qui, malheureusement, est souvent croissante, parce que le coût de gestion de cette dette est plus élevé en raison des taux d'intérêt qui ont été obtenus par les provinces? Je comprends très bien votre position lorsque vous dites qu'un gouvernement doit payer ses dettes, mais n'êtes-vous pas d'avis que lorsqu'on arrive à un certain ratio, il n'est plus nécessaire d'investir massivement afin de réduire cette dette? Il vient un moment où la croissance économique fait que le poids de la dette devient de moins en moins lourd à supporter. Pensez-vous que le gouvernement fédéral est rendu à cette étape?
[Traduction]
L'hon. Mitchell Murphy: Je pense que la force du pays est égale à la somme des forces de ses parties. Ses parties, ce sont les provinces et les territoires. Nous avons tous lutté contre la dette fédérale, parce que nous avons tous fait notre part. Que ce soit les provinces qui recevaient moins de paiements de transfert, les simples Canadiens, les bénéficiaires de programmes, tout le monde au Canada a contribué à maîtriser cette dette.
Elle est maintenant contrôlée. Je pense que le ratio fédéral dette-PIB est aux alentours de 40 p. 100 et en baisse. Le ratio dette-PIB à l'Île-du-Prince-Édouard est aux alentours de 33 p. 100 et en hausse. Nous avons donc un déséquilibre, parce que ce qui se passe, c'est que d'un côté on prend, je pense... Je ne vais pas dire qu'on prend « plus » de ressources, mais disons que les ressources ne sont pas réparties équitablement en fonction du coût des services.
Si nous prenons le rapport du Conference Board du Canada, on voit que le gouvernement fédéral voudrait ramener le ratio dette-PIB à 25 p. 100. C'est un objectif louable. Je crois que la question, c'est de savoir sur combien de temps. Est-il nécessaire de le faire rapidement quand le fardeau de la dette des autres gouvernements augmente?
J'en reviens à mon idée que quand je fais ma déclaration de revenus, une partie de mes impôts vont à Ottawa et une partie reste à Charlottetown. C'est en fait la dette du contribuable. Qu'elle soit détenue au niveau provincial ou au niveau fédéral, c'est quand même la dette du contribuable. Le problème quand notre dette augmente, évidemment, c'est que le coût du service de cette dette augmente et que j'ai moins d'argent à ma disposition pour les programmes publics. Or, le coût du service de ma dette augmente. Il augmente dans plusieurs provinces. Encore une fois, nous trouvons qu'il y a un déséquilibre.
La péréquation n'est qu'un élément des arrangements financiers fédéraux-provinciaux. Il y a aussi d'autres transferts. Mais comme la péréquation est une source de revenus plus importante pour l'Île-du-Prince-Édouard que pour n'importe quelle autre province ou territoire, c'est un programme particulièrement important pour nous.
[Français]
Le président: Monsieur Stoffer.
[Traduction]
M. Peter Stoffer: Merci.
Monsieur Murphy, j'ai été intrigué de vous entendre dire que votre gouvernement n'est pas d'accord avec ses homologues fédéraux pour retirer les recettes provenant des ressources de la formule de péréquation. Avez-vous eu l'occasion d'en discuter avec le premier ministre Hamm, ou Bernard Lord, ou Danny Williams? Je serais curieux de savoir ce que vos trois homologues de la région atlantique, qui sont tous des conservateurs—et je ne veux pas faire de politique ici—pensent de cette opinion.
¸ (1450)
L'hon. Mitchell Murphy: Je ne sais pas ce qu'ils en pensent, monsieur Stoffer.
Je pense que tout le monde ici comprend bien les raisons de notre position que j'ai essayé de vous expliquer aujourd'hui, surtout ceux qui viennent de provinces qui ne bénéficient pas de ces recettes.
Il faut remettre ces recettes en perspective. Dans le cas de la Nouvelle-Écosse, les recettes des ressources extracôtières n'ont rien à voir avec celles de l'Alberta. En pourcentage de ses recettes provinciales, cette province... Bien sûr, c'est une aide, mais cela ne règle pas tous les problèmes. Mais nous avons cette position à cause de ce que cela entraîne pour nous. Je vais vous donner un exemple. Imaginons que nous ne devions pas tenir compte des recettes de la production agricole à l'Île-du-Prince-Édouard dans le calcul de notre capacité financière. Cette capacité financière tomberait de 4 500 $ à, disons, 2 500 $. Donc notre droit à la péréquation augmenterait de 2 500 $ par habitant. Cela ne serait pas conforme à l'esprit et à la norme de la formule de péréquation.
Ce que nous voulons dire, c'est qu'à partir du moment où on commence à exclure certaines choses de la formule, ce sont en général des provinces qui ne bénéficient pas de ces exemptions qui en paient les conséquences.
M. Peter Stoffer: Lors de la conférence des premiers ministres de l'Atlantique que vous allez tenir bientôt, est-ce que vous pensez que M. Binns et vous-mêmes, par exemple, allez donner votre appui à la formule des 10 provinces pour la péréquation? Si c'est ce que vous voulez faire, il est toujours bon d'avoir des alliés avec vous. Et encore une fois, il serait intéressant de voir si vos homologues de la région de l'Atlantique vont appuyer cette initiative.
Avez-vous une idée là-dessus?
L'hon. Mitchell Murphy: À l'automne 2003 et au printemps 2004, lors de la réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres des Finances, nous avons adopté à l'unanimité une résolution recommandant le retour à la norme des dix provinces.
M. Peter Stoffer: Mais c'était en 2004.
L'hon. Mitchell Murphy: C'est exact.
M. Peter Stoffer: C'était avant, bien avant ces ententes sur les ressources extracôtières et tout le reste.
L'hon. Mitchell Murphy: En tout cas, je n'ai rien reçu de mes homologues de la région de l'Atlantique qui m'indique qu'ils aient pu changer de position. Et c'est la position du ministre des Finances du Québec, qui a été remplacé aujourd'hui je crois. C'était la position du ministre des Finances du Manitoba, une province bénéficiaire elle aussi. C'était la position du ministre des Finances de la Saskatchewan et celle du ministre des Finances de la Colombie-Britannique à l'époque. Quant à savoir si ces opinions ont changé depuis à cause de ce qui s'est passé, je l'ignore.
M. Peter Stoffer: Je voudrais juste vous dire quelque chose de très général. Allan Gregg a récemment écrit un article dans la revue The Walrus dans lequel il disait qu'avec ces ententes sur les ressources extracôtières—et je suis tout à fait d'accord—conclues avec la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve et le Labrador, le gouvernement fédéral risque de ne plus être capable à l'avenir de maintenir des choses comme les normes nationales de santé et d'éducation, etc., ou qu'en tout cas c'est l'unité du pays qui va en pâtir à long terme.
Pensez-vous que c'est ce qui nous attend, puisque l'Ontario est déjà en train de réclamer plus de fonds et que la Saskatchewan en fait autant? J'imagine que d'autres provinces vont leur emboîter le pas à l'avenir. Est-ce que c'est ce que vous prévoyez? Je sais bien que ce sont de pures hypothèses de ma part, mais...
L'hon. Mitchell Murphy: Non, c'est une bonne question. Je pense que la péréquation a été enchâssée dans la Constitution de 1982 parce qu'on estimait à l'époque que c'était un programme extrêmement important pour la fédération. En effet, le principe qui sous-tend la péréquation, c'est que toutes les régions du pays ne connaîtront pas toujours la même situation économique. Ainsi, pour redistribuer certaines ressources du pays, on passerait par un programme de péréquation.
Je pense qu'on devrait s'intéresser à nouveau à ces principes car ils ont été bafoués en raison des nouveaux développements. Comme je l'ai dit quand j'ai répondu à la question de M. Côté, les nouveaux développements ne se résument pas aux accords sur les ressources extracôtières qui ont été signés récemment. Par exemple, les impôts fonciers, soit un des 33 composants de la péréquation, sont traités de façon spéciale dans la région continentale sud de la Colombie-Britannique en raison des forts taux d'imposition. De même, il y a des mesures d'exception qui ont été appliquées dans le cas de la province de la Saskatchewan en raison du sel de tartre, entre autres. Le problème, c'est que quand il y a des traitements spéciaux qui sont accordés, on ne respecte pas la norme nationale de capacité financière.
Pour ce qui est de la difficulté que pose la norme des cinq provinces, c'était déjà problématique avant quand on ne prenait pas en compte l'Alberta. La situation se complique maintenant parce que Terre-Neuve, qui devrait connaître un accroissement considérable de sa capacité financière, ne fait pas partie du calcul. Peut-on vraiment parler de normes nationales de capacité quand les deux provinces les plus riches ne sont pas prises en compte dans le calcul?
J'ai été professeur d'école, et à mon avis plus les chiffres de l'équation sont élevés, plus la norme calculée se rapprochera de la réalité. Mais le problème, c'est qu'on ne prend pas en compte ces deux provinces, qui ont une capacité financière importante, lors du calcul de la norme. Mais on peut quand même parler d'équilibre en ce sens que les capacités financières de l'Île-du-Prince-Édouard et du Nouveau-Brunswick sont parmi les plus basses. On est donc reflété dans la norme également. Il ne faut pas l'oublier. On ne peut pas se contenter d'inclure dans le calcul seules les provinces qui ont une bonne capacité financière. Si on veut vraiment qu'il y ait un équilibre à l'échelle du pays, il faut que toutes les provinces figurent dans le calcul.
¸ (1455)
Le président: Merci, monsieur Stoffer.
[Français]
Monsieur le ministre, lorsque vous parlez de la norme des 10 provinces, il faudrait peut-être préciser qu'il s'agit de la norme des 10 provinces incluant les revenus fiscaux tirés des ressources naturelles. Si vous tenez compte des 10 provinces, mais que l'Alberta réclame le même traitement que Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse, la norme va baisser et vous allez y perdre au change, à mon avis.
C'était tout simplement une remarque. Je vous accorde trois minutes pour terminer votre présentation. Malheureusement, le temps file. Je conclurai par la suite.
[Traduction]
L'hon. Mitchell Murphy: Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité de m'avoir invité à vous faire part de l'importance aux yeux de l'Île-du-Prince-Édouard de la péréquation comme mécanisme de redressement du déséquilibre budgétaire.
Il suffit de prendre connaissance des statistiques sur le déséquilibre budgétaire pour être convaincu de l'importance de la péréquation, qui devrait être exécutoire. Bien que pour l'instant, une telle mesure ne soit pas nécessaire, il faut que nous améliorions le système, notamment en adoptant de nouveau la norme des dix provinces. À titre de ministre des Finances, j'ai passé beaucoup de temps sur le dossier de la péréquation et, pour faire avancer les choses, il faudra qu'on se rende compte qu'il n'existe qu'une catégorie de contribuable au pays.
Je comprends pourquoi le gouvernement fédéral de l'époque a adopté la norme des cinq provinces en 1982. Il suffit de prendre connaissance de la dette du pays à l'époque et de l'énorme coût de services de la dette pour comprendre qu'il s'agissait d'une décision financière. En raison de la capacité de croissance énorme de l'Alberta, il fallait maîtriser les coûts. Mais je ne suis pas venu aujourd'hui pour vous parler de politique. Il fallait maîtriser le déficit, et ça été fait. On peut dire que la situation financière du pays s'est améliorée.
On sait également que les coûts ont augmenté dans deux secteurs dont les provinces sont responsables, à savoir la santé et l'éducation. Je ne suis pas de ceux qui aiment débattre de la participation du gouvernement fédéral en santé ou en éducation. On dit que la participation est définie dans la Constitution. Je ne vais pas m'amuser à en débattre. Je dirai simplement que les ressources devraient être distribuées en fonction des coûts.
En même temps, je suis conscient du fait que ma province n'a pas les mêmes priorités que le gouvernement fédéral constitutionnellement parlant. En effet, les provinces ne sont pas responsables de la défense nationale, entre autres responsabilités fédérales.
Par contre, il est clair qu'il existe un déséquilibre budgétaire. Parmi les priorités de la population canadienne, on compte de bons systèmes de santé et d'éducation. Il est clair que pour se tailler une place dans l'économie du savoir, il faudra qu'on mette nos compétences à jour pour pouvoir être concurrentiels à l'échelle mondiale. Ça demandera des investissements de taille, mais ce sont de bons investissements. Malheureusement, l'argent des contribuables n'est pas réparti en fonction des besoins. Je ne dirai pas qu'Ottawa devrait transférer l'ensemble du trésor aux provinces. Non. Le gouvernement national a ses propres responsabilités et obligations. Par contre, il existe des disparités entre les différentes régions du pays, disparités qu'il faudra atténuer.
Pour conclure, nous avons vu comment les provinces ont réagi dernièrement aux accords bilatéraux et autres qui portent atteinte à la formule du système de péréquation. Ce n'est pas dans l'intérêt du pays d'avoir des provinces qui disent « Je veux un traitement préférentiel. Je veux négocier ceci. Je veux négocier cela ». Je comprends leur motivation. Après tout, les autorités provinciales sont élues pour faire valoir les intérêts de leur région. Mais ce n'est pas bon pour le Canada.
Il faudra trouver une solution au déséquilibre budgétaire. J'ose espérer que le groupe d'experts qui a été créé recevra des bons conseils et fera de bonnes recommandations pour qu'on puisse atteindre un juste équilibre.
Je jugeais qu'il était important de vous faire part du point de vue de ma région. En effet, je sais que votre comité exercera beaucoup d'influence lorsque vous ferez rapport à la Chambre des communes et au comité des finances.
¹ (1500)
Le président: Merci beaucoup, monsieur le ministre et M. Palmer.
C'était pour nous un plaisir et un honneur de vous accueillir aujourd'hui. Au nom de mes collègues, je vous remercie de tout coeur.
L'hon. Mitchell Murphy: Merci.
Le président: Je félicite tous les députés et l'équipe du succès de cette première réunion.
Merci beaucoup.
La séance est levée.