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SINT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 22 février 2005




¹ 1535
V         Le président (M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.))
V         Mme Elaine Feldman (sous-ministre adjointe associée, Politique et négociations commerciales, ministère du Commerce international Canada)

¹ 1540

¹ 1545
V         Le vice-président (M. Ted Menzies (Macleod, PCC))
V         M. Carl Grenier (à titre personnel)

¹ 1550

¹ 1555

º 1600
V         Le vice-président (M. Ted Menzies)
V         M. Marc P. Boutin (directeur, Commerce international, Conseil de l'industrie forestière du Québec)

º 1605

º 1610

º 1615
V         Le vice-président (M. Ted Menzies)
V         M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, PCC)
V         Mme Elaine Feldman
V         M. John Duncan

º 1620
V         Mme Elaine Feldman
V         M. John Duncan
V         Mme Elaine Feldman
V         M. John Duncan
V         Mme Elaine Feldman
V         M. John Duncan

º 1625
V         Mme Elaine Feldman
V         Le vice-président (M. Ted Menzies)
V         M. John Duncan
V         Mme Elaine Feldman
V         Le vice-président (M. Ted Menzies)
V         M. Pierre Paquette (Joliette, BQ)
V         M. Marc P. Boutin
V         M. Pierre Paquette
V         M. Marc P. Boutin

º 1630
V         M. Carl Grenier
V         M. Pierre Paquette
V         Mme Elaine Feldman

º 1635
V         M. Pierre Paquette
V         Mme Elaine Feldman
V         Le vice-président (M. Ted Menzies)
V         M. Marc P. Boutin
V         M. Ted Menzies
V         M. Carl Grenier
V         Le vice-président (M. Ted Menzies)
V         L'hon. Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.)

º 1640
V         Mme Elaine Feldman
V         L'hon. Marlene Jennings
V         Mme Elaine Feldman
V         L'hon. Marlene Jennings
V         Le président
V         L'hon. Marlene Jennings
V         Le président
V         L'hon. Marlene Jennings
V         Mme Elaine Feldman
V         L'hon. Marlene Jennings

º 1645
V         Mme Elaine Feldman
V         Le président
V         L'hon. Marlene Jennings
V         M. Carl Grenier
V         L'hon. Marlene Jennings
V         M. Carl Grenier
V         L'hon. Marlene Jennings
V         Le président
V         L'hon. Marlene Jennings
V         Le président

º 1650
V         M. Peter Julian (Burnaby—New Westminster, NPD)
V         Le président
V         M. Peter Julian
V         M. Marc P. Boutin
V         Le président
V         M. Carl Grenier
V         M. Peter Julian
V         M. Marc P. Boutin

º 1655
V         M. Carl Grenier
V         M. Peter Julian
V         M. Marc P. Boutin
V         M. Peter Julian
V         M. Marc P. Boutin
V         M. Peter Julian
V         M. Marc P. Boutin
V         M. Peter Julian
V         M. Marc P. Boutin
V         M. Peter Julian
V         M. Marc P. Boutin
V         Le président
V         M. Peter Julian
V         M. Carl Grenier

» 1700
V         Le président
V         Mme Elaine Feldman
V         Le président
V         M. John Duncan
V         Mme Elaine Feldman

» 1705
V         M. John Duncan
V         Mme Elaine Feldman
V         M. Carl Grenier
V         Mme Elaine Feldman
V         M. John Duncan
V         Mme Elaine Feldman
V         M. John Duncan
V         Le président
V         L'hon. Marlene Jennings

» 1710
V         Mme Elaine Feldman
V         L'hon. Marlene Jennings
V         Mme Elaine Feldman
V         L'hon. Marlene Jennings
V         M. Marc P. Boutin
V         L'hon. Marlene Jennings
V         M. Marc P. Boutin
V         Hon. Marlene Jennings
V         M. Marc P. Boutin
V         L'hon. Marlene Jennings
V         Le président
V         M. Carl Grenier
V         L'hon. Marlene Jennings
V         M. Carl Grenier
V         Le président
V         Mme Johanne Deschamps (Laurentides—Labelle, BQ)

» 1715
V         Mme Elaine Feldman
V         M. Marc P. Boutin
V         Le président
V         M. Marc P. Boutin
V         Le président










CANADA

Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 013 
l
1re SESSION 
l
38e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 22 février 2005

[Enregistrement électronique]

*   *   *

¹  +(1535)  

[Traduction]

+

    Le président (M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.)): La séance est ouverte.

    Bienvenue à nos témoins à cette séance du Sous-comité du commerce international, des différends commerciaux et des investissements internationaux du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Aujourd'hui, nous discuterons des enjeux commerciaux entre le Canada et les États-Unis en ce qui concerne le bois d'oeuvre.

    Je souhaite la bienvenue à nos invités et nos témoins. Du ministère du Commerce international, Elaine Feldman, sous-ministre adjointe associée, Politique et négociations commerciales. À titre personnel, M. Carl Grenier. Bienvenue. Nous accueillons également M. Marc P. Boutin, directeur, Commerce international, Conseil de l'industrie forestière du Québec.

    Mesdames et messieurs, je ne sais pas s'il y a un ordre précis pour vous donner la parole. J'ai une liste ici, Mme Feldman étant la première, ensuite M. Grenier, et ensuite M. Boutin.

    Madame Feldman, allez-y.

+-

    Mme Elaine Feldman (sous-ministre adjointe associée, Politique et négociations commerciales, ministère du Commerce international Canada): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux membres du comité de nous donner l'occasion de comparaître aujourd'hui.

    Comme vous le savez tous, le secteur du bois d'oeuvre est l'un des plus importants pour l'économie canadienne, puisque dans 300 localités à l'échelle du Canada, près de 285 000 personnes y trouvent un emploi. En 2004, les exportations canadiennes de bois d'oeuvre vers les États-Unis représentaient près de 21 milliards de pieds planches et étaient évaluées à plus de 9 milliards de dollars canadiens. Ce volume correspond environ à 60 p. 100 de la production totale de bois d'oeuvre au Canada.

    Depuis mai 2002, les exportations de bois d'oeuvre canadien vers les États-Unis sont frappées de droits compensateurs et antidumping représentant plus de 27 p. 100. En décembre 2004, ces droits ont été rabaissés à un peu plus de 20 p. 100. Les exportateurs des Maritimes échappent à l'imposition de droits compensateurs et ne versent que les droits antidumping.

    Le gouvernement donne une haute priorité à une éventuelle solution au différend en ce qui concerne le bois d'oeuvre. Pendant la visite du président Bush à Ottawa en novembre, le premier ministre et le président sont convenus qu'il fallait résoudre ce différend. Le 14 février, le ministre du Commerce international, Jim Peterson, a rencontré Carlos Gutierrez, le nouveau secrétaire américain au Commerce. Le secrétaire Gutierrez a également exprimé le souhait de résoudre ce différend.

    Le gouvernement maintient sa stratégie à deux volets pour résoudre cet irritant commercial de longue date : la plaidoirie et les négociations pour réaliser une solution durable qui s'appuie sur une politique précise. Depuis que le différend existe, le gouvernement n'a cessé d'exprimer le souhait de trouver une solution durable. Le Canada a bien réussi à plaider contre les droits américains et les groupes d'experts de l'ALENA et de l'OMC ont à plusieurs reprises déclaré les Américains injustifiés.

    Toutefois, ces plaidoiries sont un long processus et pourraient se poursuivre facilement jusqu'en 2007 ou après. En outre, en l'absence d'une solution durable, rien n'empêcherait les États-Unis de présenter de nouvelles plaintes une fois les plaintes actuelles réglées. Par conséquent, le Canada n'a cessé de chercher une solution négociée afin de régler ce contentieux et de permettre à l'industrie canadienne d'opérer dans un marché nord-américain stable et prévisible.

    Pendant les années 2002 et 2003, il y a eu d'intenses négociations avec les États-Unis. Le gouvernement fédéral, les représentants du secteur et ceux des provinces ont cherché à trouver un règlement qui donnerait aux provinces le feu vert pour échanger librement le bois d'oeuvre avec les États-Unis. Le règlement négocié prévoit notamment que les provinces s'engagent à réformer leurs politiques de gestion forestière afin de garantir que les forces du marché jouent librement. En outre, le Canada, dans le cadre de ce règlement, a signalé qu'il consentait à prévoir une mesure frontalière—une taxe à l'exportation et un contingentement ont été discutés—qui serait en vigueur jusqu'au moment où une province mettrait en oeuvre ses réformes de politiques.

    Nous n'avons pas pu conclure un accord affirmant de façon certaine que les producteurs puissent acheminer librement leurs produits vers les États-Unis même une fois que les provinces auraient réformé leurs politiques forestières.

    Le Canada est toujours demeuré ouvert au renouvellement des discussions. Les représentants américains et canadiens ont toujours maintenu un contact régulier. Le 16 février, les fonctionnaires fédéraux et provinciaux ont rencontré à Toronto Grant Aldonas, sous-secrétaire pour le commerce international au département du Commerce. Nous avons eu une discussion positive dans le but de déterminer s'il y avait lieu de reprendre les négociations pour résoudre le différend. Dans les semaines qui viennent, d'autres discussions entre les fonctionnaires fédéraux et provinciaux et M. Aldonas et les fonctionnaires américains sont prévues.

    Le ministre Peterson a travaillé en étroite collaboration avec les représentants provinciaux et sectoriels pour paver la voie à une position canadienne unifiée en prévision d'éventuelles négociations. Le gouvernement fédéral continuera de travailler en étroite consultation avec les provinces comme avec les représentants du secteur, au fur et à mesure de l'évolution de la situation.

¹  +-(1540)  

    Je vais maintenant faire le point sur les acquis du Canada. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous avons continué d'obtenir des victoires importantes auprès de l'ALENA et de l'OMC quand nous contestions les droits imposés par les États-Unis. Tout d'abord l'ALENA : il faut dire que les trois experts de l'ALENA qui ont revu les décisions américaines après enquête, c'est-à-dire les groupes spéciaux qui se sont penchés sur les subventions, le dumping et la menace de préjudice, ont affirmé que les mesures imposées par les Américains n'étaient pas conformes à la loi américaine.

    L'élément le plus difficile de notre plaidoirie demeure la plainte déposée auprès de l'ALENA pour menace de préjudice. En l'absence de préjudice ou de menace de préjudice, il n'y a aucun fondement à l'imposition de droits antidumping ou compensateurs. Le 10 septembre, nous avons remporté une importante victoire quand la Commission du commerce international américaine s'est conformée aux consignes du groupe spécial de l'ALENA et a annoncé que les importations de bois d'oeuvre canadien ne menaçaient pas de porter préjudice à l'industrie américaine. À la demande des États-Unis, cette affaire fait l'objet d'un examen par un comité d'examen critique extraordinaire.

    Le Canada pense que les États-Unis seront déboutés dans cette affaire. Nous estimons que le cas échéant, on exigera que le département du Commerce abroge l'ordonnance d'imposition de droits et rembourse les dépôts versés jusqu'à présent, avec intérêt. Toutefois, le département du Commerce adopte une position différente et il se peut que des plaidoiries soient nécessaires pour forcer les États-Unis à rembourser les dépôts.

    Nous avons également obtenu gain de cause auprès de l'OMC, en particulier en ce qui concerne le préjudice. En mars 2004, un groupe spécial de l'OMC a tranché : les États-Unis n'avaient pas réussi à faire la preuve que l'industrie américaine était menacée de préjudice par les importations de bois d'oeuvre canadien.

    En novembre 2004, la Commission du commerce international des États-Unis a rendu une nouvelle décision en ce qui concerne la menace de préjudice et elle était fondée sur la même analyse bancale qui avait été critiquée par le groupe spécial au départ. Le Canada conteste la mise en oeuvre par les États-Unis de la décision du groupe spécial de l'OMC et en a saisi le groupe spécial sur la conformité de l'OMC et un groupe spécial de l'ALENA. Le Canada conteste également la publication par le département du Commerce d'une ordonnance modifiée pour l'imposition de droits et il a saisi le Tribunal du commerce international des États-Unis de cette question.

    En outre, simultanément, nous avons demandé qu'un groupe spécial détermine si les États-Unis se sont conformés à la décision initiale en ce qui concerne la violation de leurs obligations dans le cadre de l'OMC, et le Canada a également demandé à l'OMC de pouvoir user de rétorsion à l'endroit des États-Unis à hauteur de 4,25 milliards de dollars. L'autorisation d'user de rétorsion ne pourra être accordée qu'une fois certaines étapes franchies, notamment lorsque l'on connaîtra les résultats du travail du groupe spécial sur la conformité.

    Le Canada a contesté également la conformité par les États-Unis à la décision de l'OMC en ce qui concerne la décision au sujet des subventions américaines. À cette occasion, nous avons également demandé à l'OMC l'autorisation de prendre des mesures de rétorsion, à hauteur de 200 millions de dollars cette fois. Ici encore, l'autorisation ne peut être accordée qu'une fois les instances sur la conformité terminées.

    Notre objectif en l'occurrence est de veiller à ce que les États-Unis respectent leurs obligations dans le cadre de l'OMC. Les mesures de rétorsion ne sont certainement pas notre premier choix et elles ne seront envisagées que si les États-Unis ne se conforment pas à leurs obligations en matière de commerce international.

    Les États-Unis se penchent rétrospectivement sur les recours commerciaux et, par conséquent, le département du Commerce procède à des examens administratifs annuels des ordonnances de droits antidumping et compensateurs. Ces examens fixent les niveaux de subvention et de dumping pour une période donnée et, par la suite, on détermine les taux de dépôt en espèces pour les envois futurs. En décembre 2004, le département du Commerce a rendu sa décision finale après les premiers examens annuels administratifs des droits touchant la période 2002-2003. Cet examen a fixé un nouveau taux combiné à 20,15 p. 100.

¹  +-(1545)  

    Le 17 février, le Canada a saisi l'ALENA d'une plainte en ce qui concerne les résultats définitifs du premier examen administratif des droits compensateurs. L'industrie a demandé au Tribunal du commerce international des États-Unis une révision judiciaire de l'examen administratif des droits antidumping. Nous nous occupons également des deuxièmes examens administratifs annuels qui couvrent la période 2003-2004. Le département du Commerce a entrepris ces deuxièmes examens en juin 2004, et les résultats préliminaires sont attendus en juin de cette année, la décision finale en décembre.

    Le Canada continuera de plaider contre les mesures commerciales américaines tant que le différend ne sera pas résolu. En attendant, nous poursuivrons notre travail avec les provinces et les intervenants du secteur pour déterminer à quoi pourrait ressembler un règlement. Nous allons également continuer de faire valoir les avantages d'une solution durable aux différends directement auprès des Américains et de faire connaître les inquiétudes canadiennes dans ce dossier directement auprès des plus hautes autorités américaines.

    Le ministre Peterson continue de considérer ce dossier comme hautement prioritaire. Il se rendra à Washington le 1er mars pour soulever de nouveau la question auprès d'interlocuteurs américains clés. Il sera accompagné de députés, de sénateurs, de ministres provinciaux et de représentants de l'industrie canadienne.

    A Washington, le ministre Peterson mettra l'accent sur l'incidence des droits sur les intérêts américains. Par exemple, des droits américains de plus de 20 p. 100 ont créé des distorsions sur le marché et cela a eu des répercussions non seulement pour les localités et l'industrie canadiennes mais également pour les consommateurs, les travailleurs et les industries aux États-Unis. Il y a 25 fois plus d'emplois dans les industries qui consomment le bois d'oeuvre aux États-Unis que dans l'industrie qui le produit. Les restrictions imposées aux importations de bois d'oeuvre canadien mettent en péril les emplois dans le secteur de la valeur ajoutée. Le ministre va également faire valoir que l'industrie américaine ne peut pas satisfaire à la demande américaine en bois d'oeuvre de qualité. Les droits américains appliqués au bois d'oeuvre canadien perturbent un approvisionnement stable en bois d'oeuvre de haute qualité.

    En conclusion, je dirais qu'il nous faut trouver une solution à long terme à ce différend pour que les industries canadiennes et américaines puissent travailler ensemble à faire prospérer le marché nord-américain et les marchés étrangers de nos produits de bois d'oeuvre.

    Merci beaucoup.

+-

    Le vice-président (M. Ted Menzies (Macleod, PCC)): Merci, madame Feldman.

    Monsieur Grenier, allez-y.

[Français]

+-

    M. Carl Grenier (à titre personnel): Merci beaucoup, monsieur le président.

    Monsieur le président, membres du comité, je comprends qu'on souhaitait que je comparaisse devant vous aujourd'hui à titre de simple citoyen plutôt qu'à titre de vice-président du Conseil du libre-échange pour le bois d'oeuvre, qui était la raison pour laquelle j'étais venu devant vous le 7 décembre 2004 avec certains de mes collègues. Cela m'arrange parce qu'à l'époque, j'avais une déclaration toute bien faite et dactylographiée que j'ai pu vous remettre et un document de recherche sur le chapitre 19. Évidemment, ce n'est pas le cas maintenant. Je parle en mon nom personnel. Par contre, je peux vous assurer que si j'avais eu le temps de dire à mon conseil d'administration ce que je vais vous dire aujourd'hui, il l'aurait endossé. Cependant, je m'exprime à titre personnel aujourd'hui.

    Je ne vais pas reprendre tous les arguments que j'ai développés le 7 décembre. Mon témoignage devant vous, à ce moment-là, portait essentiellement sur le chapitre 19 qui vient d'être évoqué assez longuement par Mme Feldman, et surtout sur la façon dont les autorités américaines ont systématiquement essayé de diminuer l'importance de ce mécanisme de règlement des différends pour le Canada, avec des manoeuvres dont on voit maintenant certaines des manifestations pour la première fois. Il y a notamment cette façon de se servir des décisions d'un organisme international comme l'Organisation mondiale du commerce pour littéralement nous nier les bénéfices d'une décision d'une autre instance qui est celle de l'ALENA. Je pense que c'est tout à fait nouveau, et il est donc très important de le souligner. Je vais y revenir tout à l'heure.

    D'après moi, la question du bois d'oeuvre, et surtout la difficulté d'en arriver à une solution durable, ne peut pas vraiment se comprendre si on la traite comme un simple conflit commercial qui toucherait une partie de nos exportations aux États-Unis. Il faut nécessairement mettre cette question dans un contexte plus large, soit celui des relations bilatérales entre le Canada et les États-Unis, tout en tenant compte du système politico-administratif américain, qui est bien différent du nôtre, comme vous le savez, et de la politique étrangère des deux pays.

    Comme citoyen, j'aurais préféré vous parler à nouveau de la question du bois d'oeuvre dans le nouveau cadre de la politique étrangère canadienne, qui est toujours en préparation. Je pense qu'on va devoir évidemment s'en passer. Toutefois, comme vous le savez, tout énoncé de la politique étrangère canadienne doit comporter un chapitre très important sur la politique commerciale. Il est certain que la politique commerciale est une partie vitale de toute politique étrangère canadienne. On sait déjà qu'il y a des éléments invariables dans cette politique qui vont affecter cet énoncé.

    La très grande dépendance du Canada à l'égard d'un seul marché n'est pas une donnée nouvelle. Je regardais les statistiques historiques. Il y a un siècle, en 1906, on dépendait surtout d'un seul marché, et ce n'était pas les États-Unis. À l'époque, c'était la Grande-Bretagne. Si, à l'époque, on additionnait les États-Unis et la Grande-Bretagne, on obtenait un résultat à peu près semblable à celui d'aujourd'hui, c'est-à-dire que beaucoup plus que 80 p. 100 de nos exportations internationales se dirigeaient vers ces deux seuls marchés. Aujourd'hui, c'est vers un seul marché. C'est encore plus concentré, et les exportations sont encore plus importantes dans l'économie canadienne, soit à peu près 40 p. 100 de tout ce qu'on produit comme biens et services. Donc, 80 p. 100 de cela s'en va vers un seul marché. C'est donc dire qu'on met beaucoup de nos oeufs dans un seul panier.

    Il y a aussi une chose incontournable. Dans l'industrie, beaucoup de gens se demandent pourquoi on n'essaie pas de trouver de nouveaux marchés, puisqu'on a un problème majeur avec les États-unis. L'idée est qu'il est très difficile de faire cela. Il y a des efforts très ciblés depuis très longtemps, et c'est très difficile d'envoyer ailleurs une portion importante de nos exportations. La raison, évidemment, est que du bois, il y en a partout, et il y a aussi une proximité de notre ressource avec le marché américain.

    Le troisième point important est qu'il faut toujours avoir à l'esprit, pour comprendre la difficulté de cette question du bois d'oeuvre et des relations commerciales Canada--États-Unis, l'asymétrie de cette relation. Nous dépendons beaucoup de leur marché. Eux ne voient pas du tout les choses de la même façon.

¹  +-(1550)  

    Ces 40 p. 100 de notre économie, dont on exporte 80 p. 100 aux États-Unis, ne représentent pour eux qu'à peu près 2 p. 100 de leur consommation. Évidemment, vous savez pourquoi: c'est à cause de l'énorme disparité de nos populations.

    L'Accord de libre-échange dans les années 1980, puis l'ALENA dans les années 1990 étaient des réponses à ces défis. En fait, ce sont des réponses qui, à mon sens, sont toujours valides. Notamment, le coeur de l'ALENA, comme le coeur de l'ALE, était justement ce fameux chapitre 19 dont on parle toujours lorsqu'il est question de conflit commercial.

    À mon sens, il serait probablement impossible aujourd'hui de négocier quelque chose comme le chapitre 19. On voit très bien que le compromis qui a été atteint à ce moment-là n'est pas au goût des autorités américaines. Ce chapitre 19, cette façon de régler les différends commerciaux, était une façon d'éviter de se retrouver seul, à mains nues, contre le géant américain.

    J'ai mentionné tout à l'heure, au tout début, quelques exemples récents de l'approche américaine vis-à-vis de ce mécanisme de règlement des différends dans le contexte du bois d'oeuvre. Mme Feldman en a évoqué certains aspects. Je vais peut-être me répéter, mais je les évoque tout de même.

    Comme Mme Feldman l'a expliqué, il y a une révision administrative par année mais, malheureusement, on met 18 mois à la compléter. Donc, les révisions se chevauchent. Ainsi, cette première révision administrative qu'on a connue au mois de décembre était assez différente de ce qu'on attendait. En effet, la décision préliminaire, parue en juin, nous donnait à penser que les tarifs, tant les tarifs du droit compensateur que des droits antidumping, seraient coupés en deux. Cela a été le cas pour les droits antidumping, mais pas pour le droit compensateur, qu'on a maintenu, à 1 ou 2 p. 100 près, au même niveau. Cela a été très choquant, puisque la raison pour laquelle on a maintenu un tarif très élevé, au mois de décembre, est qu'on a utilisé à nouveau des comparaisons transfrontalières pour établir le niveau de ce droit compensateur.

    J'ai déjà mentionné l'utilisation de la section 129, c'est-à-dire une façon pour les États-Unis de mettre en oeuvre les décisions de l'OMC, qui sont utilisées maintenant contre nous pour nier les bénéfices de la décision de l'ALENA, même si, en fait, la décision de l'OMC elle-même était déjà une décision favorable au Canada.

    Il y a aussi les déclarations de M. Aldonas lui-même, le sous-secrétaire américain au Commerce. Il n'a pas hésité à dire, au début de l'année, que même si le Canada gagnait sa cause, on ne nous rembourserait pas l'argent, qui est une somme énorme. Évidemment, on savait qu'il faisait référence à cette procédure de contestation extraordinaire qui est vraiment la dernière étape—qui ne devrait pas l'être mais qui va l'être dans ce cas-ci—du processus de règlement des différends. Cette somme énorme est devenue un point central dans les efforts de négociation pour régler la question du bois d'oeuvre. D'ailleurs, M. Peterson avait réagi très fortement à ce moment-là.

    Enfin, même si ce sont les États-Unis qui ont demandé ce comité de contestation extraordinaire—donc on le savait déjà depuis au moins le milieu de l'année dernière—, ils ont pris six semaines pour nommer leurs juges, leurs participants à ce comité. Encore une fois, c'est une façon d'étirer les procédures et de nous faire payer encore plus.

    Devant tout cela, je veux évoquer quand même devant vous, comme je l'avais fait à la fin de mon exposé au mois de décembre, quelques répliques, quelques tactiques que le Canada peut employer pour s'opposer à ce genre de processus.

    Tout d'abord, nous croyons qu'il y a lieu, à la lumière des attaques répétées des États-Unis, et même de la part des membres des groupes spéciaux, envers le chapitre 19 et toutes ses manifestations de demander aux États-Unis des consultations en vertu du chapitre 20. Ce chapitre traite de façons de régler les différends autres que celles qui concernent les droits compensateurs et les droits antidumping. C'est donc un chapitre très large. Nous croyons qu'il y a plusieurs raisons qui devraient inciter le Canada à se servir de ce chapitre 20 pour discuter avec les États-Unis de ce qui se passe dans leur application du chapitre 19.

    Deuxièmement, nous croyons que le Canada devrait aussi s'adresser à la Cour américaine du commerce international pour obtenir une injonction les empêchant de distribuer quelque argent que ce soit qui provienne d'exportations canadiennes sous l'empire du fameux amendement Byrd.

¹  +-(1555)  

    On croit qu'il y a une façon de faire cela avec la cour américaine, en se basant sur des arguments juridiques solides, dans la mesure où les États-Unis n'ont pas rempli les trois conditions qu'ils devaient remplir pour changer leur loi. Ce sont des éléments qu'on avait négociés au moment de l'ALENA. Il faut que les États-Unis nous avisent d'un changement législatif qui touche leur droit commercial. Il faut que ces changements, s'ils décident de les effectuer, soient en harmonie avec l'OMC. Ce n'est manifestement pas le cas puisque l'OMC a déclaré illégal l'amendement Byrd. De plus, il faut que les autres pays membres de l'ALENA, soit le Mexique et le Canada dans le cas d'un amendement législatif comme l'amendement Byrd, soient nommés dans la nouvelle loi. Or, cela n'a pas été fait.

    Alors, on croit qu'il y a moyen de tenter d'empêcher toute distribution de cet argent aux industriels américains, et on croit que le ministre est assez favorable à cette approche.

    Enfin, il y a deux autres points à souligner. D'une part, on s'attend à une décision finale du comité de contestation extraordinaire. Mme Feldman a déjà mentionné qu'il était possible--en fait, on s'y attend, à cause de déclarations officielles des États-Unis et de la déclaration de la coalition américaine--, qu'on ne soit pas rendu à la dernière étape et qu'il faille encore une approche juridique pour forcer les États-Unis à lever les droits compensateurs et antidumping et à nous rembourser notre argent. Mais, en attendant, les compagnies déboursent des sommes faramineuses. Déjà, 4,25 milliards de dollars canadiens sont dans les coffres du Trésor américain. Or, le gouvernement canadien pourrait utiliser une procédure relativement simple et relativement peu dispendieuse afin d'éviter que ces compagnie soient menacées par cet argent qui leur revient, mais qu'elles n'ont pas dans leurs poches. L'idée serait de déclarer que ces sommes, à savoir les prétendus dépôts comptants, sont des comptes à recevoir qui sont admissibles, si jamais une compagnie en a besoin, à une demande de garantie de prêt de la part d'organismes comme Exportation et développement Canada.

    Il y a toutefois un élément encore plus important et plus urgent que celui-là pour permettre à l'industrie de continuer sa défense de ce qui est manifestement une cause qui dépasse de beaucoup le bois d'oeuvre: c'est une aide financière relativement modeste mais très importante dont on a obtenu la première tranche l'année dernière. On nous avait promis deux autres tranches. On n'a pas encore vu la couleur de cet argent, et c'est très important qu'il soit versé.

    Je serai heureux de répondre à vos questions.

º  +-(1600)  

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Ted Menzies): Merci beaucoup, monsieur Grenier.

    Nous donnons maintenant la parole au représentant du Conseil de l'industrie forestière du Québec, M. Boutin.

[Français]

+-

    M. Marc P. Boutin (directeur, Commerce international, Conseil de l'industrie forestière du Québec): Monsieur le président, chers membres du comité et honorables collègues, c'est un plaisir pour moi de présenter aujourd'hui la position du Conseil de l'industrie forestière du Québec.

    Vous allez trouver dans mon discours beaucoup de convergence avec ce qu'a dit Mme Feldman concernant l'aspect juridique ou l'aspect relatif au litige, et aussi sur la question de la solution, à savoir la recherche d'une solution durable à long terme, une solution équitable, etc. Vous allez trouver aussi un grand niveau de convergence avec les propos de M. Grenier.

    Je vais passer un peu moins de temps sur la question du litige, puisqu'on vous a déjà parlé des aspects techniques. Vous connaissez un peu l'ampleur du dossier. C'est le plus grand litige dans l'histoire du commerce international. Je n'ai donc pas besoin de mettre l'accent là-dessus. On parle de sommes faramineuses, comme l'a mentionné M. Grenier.

    D'abord, dressons un petit portrait du Conseil de l'industrie forestière du Québec.

    Nous représentons la vaste majorité des producteurs de bois de sciage, des travailleurs forestiers, des producteurs de pâte et du secteur du papier au Québec. Cela représente environ 274 scieries et 64 usines de pâte papetière.

    Au Québec, l'industrie forestière est très répandue en région. On trouve une présence industrielle dans à peu près toutes les régions du Québec. Il y a 250 municipalités qui dépendent, entièrement ou en très grande partie, du secteur forestier. C'est donc vital pour les régions du Québec. On parle en tout d'environ 143 000 emplois directs et induits. On parle de contributions significatives à l'économie du Québec et à l'économie du Canada. Vous savez que la balance des paiements est une contribution très importante à l'équilibre commercial du Canada.

    Pour ce qui est du litige, je vais parler du fait qu'il y a un travail de collaboration avec le gouvernement canadien, qui se passe de façon généralement assez harmonieuse, ainsi qu'avec les autres associations et les organismes comme celui que représente M. Grenier. C'est assez collégial. Il y a quelquefois des différends, mais ce n'est pas nécessairement une mauvaise chose. Cela veut dire qu'il faut être très bien préparé et avoir des arguments très solides. On peut dire que le conseil est en général satisfait du processus de règlement des litiges, même si on sait qu'on est parfois embourbé dans des recours qui semblent être sans fin.

    Pour ce qui est des droits compensateurs, on voit de nouveau des niveaux de subventions très peu élevés pour le Québec. Les résultats des révisions administratives qui, comme l'a expliqué M. Grenier, sont récurrentes à chaque année, ont donné au Québec un taux de 4,3 p. 100. Pour l'ensemble canadien, toujours en utilisant des méthodes jugées illégales par l'OMC, on est arrivé à gonfler le taux canadien moyen à 16,37 p. 100. On sait que dans les recours de l'ALENA, qui se poursuivent parallèlement aux révisions administratives, on est maintenant à un taux de 1,88 p. 100 de subventions. Donc, on s'approche de plus en plus du taux de minimis, c'est-à-dire zéro. Donc, les allégations et la réalité sont déconnectées l'une de l'autre.

    Pour ce qui est de l'antidumping, le conseil est extrêmement déçu des actions du commerce. On a parlé de la mise en conformité et des décisions de l'OMC pour contrecarrer les décisions qui ont été prises au niveau de l'ALENA. On l'a vu de façon assez flagrante dans la mise en conformité de la décision de l'OMC. On reproduit la pratique de la réduction à zéro, ce qu'on appelle le  zeroing, c'est-à-dire que les ventes qui sont en état de dumping sont calculées et que celles qui ne sont pas dans cette situation sont écartées.

º  +-(1605)  

On fait donc une moyenne négative de facto. Il est pratiquement impossible de ne pas arriver à un taux de dumping. On est donc dans une situation quand même assez précaire sur le plan du dumping, en ce sens que certaines entreprises canadiennes et certaines entreprises du Québec se retrouvent dans une situation où, à la suite des révisions administratives, on voit un taux de dumping qui non seulement reste le même, mais qui est gonflé à 11,38 p. 100. Il y a un nombre assez important d'entreprises canadiennes qui devront payer cette prime supplémentaire.

    Encore une fois, le Conseil de l'industrie forestière du Québec encourage le gouvernement canadien à prendre toutes les dispositions juridiques pour que la mise en conformité se fasse en bonne et due forme et qu'elle ne soit pas tordue afin d'atteindre des taux punitifs à l'égard de l'ensemble de l'industrie canadienne.

    Pour ce qui est du préjudice, comme l'a dit Mme Feldman, c'est le dossier où l'on a réussi de la façon la plus catégorique. On sait qu'en ce qui concerne les décisions de l'ALENA, il n'y a pas de préjudice. On sait pertinemment--je vais utiliser un langage plus pragmatique--qu'une fois de plus, les autorités américaines se sont non seulement servi d'une procédure de mise en conformité d'une décision de l'OMC pour réintroduire de nouvelles données qui prouvent qu'il y a menace de préjudice, mais elles sont allées plus loin en amendant les ordonnances en droits compensateurs et en droits antidumping pour faire on ne sait trop quoi encore. On peut facilement imaginer que ces ordonnances amendées pourraient servir à la partie américaine pour remettre en vigueur ces deux contestations. C'est une situation où il y a de la mauvaise foi. On utilise de façon perverse les décisions d'un organisme pour contrecarrer celles d'un autre organisme.

    Pour ce qui est d'une solution, le conseil ne pense pas que le Canada soit dans l'obligation d'avoir un règlement. Le Canada a gagné la plupart des batailles juridiques, principalement, comme je l'ai dit, dans le cas du préjudice. On les a gagnées et sur le plan de l'OMC et sur le plan de l'ALENA. Par conséquent, selon la loi et selon la logique, le cas devrait disparaître et les dépôts que les Canadiens ont versés--il s'agit jusqu'à maintenant de plus de 4 milliards de dollars canadiens--devraient être remboursés.

    Le Conseil de l'industrie forestière du Québec croit fermement que le but ultime est le libre-échange. Toutefois, il reconnaît qu'à court terme, il sera très difficile d'arriver au libre-échange, tout au moins dans le contexte politique actuel aux États-Unis. Le litige est très coûteux. Il crée beaucoup de frictions avec notre partenaire commercial le plus important, soit les États-Unis. Par conséquent, le conseil pense que l'on devrait considérer une proposition d'entente ou des propositions d'entente, mais elles doivent être raisonnables et équitables. De plus, le Conseil de l'industrie forestière du Québec a la volonté de participer, avec le gouvernement canadien et les autres associations industrielles, à la conclusion d'une telle entente, si c'est possible.

    Quatre principes doivent se retrouver dans une entente. Elle doit avoir l'appui des membres du conseil. On croit comprendre que le gouvernement fédéral s'est déjà engagé à inclure une majorité de l'industrie lors de toute entente.

    Une entente éventuelle doit mettre un terme au cas présent, parce que l'on voit que même si l'on arrive à l'aboutissement logique des recours, on peut envisager encore une pléthore de nouveaux recours simplement pour aller chercher le remboursement des sommes d'argent qui nous appartiennent, pour contrecarrer d'autres démarches que l'on n'a pas encore prévues. On peut imaginer que les ordonnances qui ont été amendées serviront à étirer le litige autant que possible.

    En outre, le Conseil de l'industrie forestière du Québec exige le remboursement intégral des dépôts qui ont déjà été versés à la partie américaine. C'est notre argent. Si ces dépôts sont laissés sur la table pour quelque raison que ce soit, cet élément déclenchera sûrement une autre série de litiges par la suite, puisque l'on aura récompensé un mauvais comportement en laissant de l'argent en arrière.

º  +-(1610)  

    Enfin, toute entente doit être durable et doit offrir une stabilité à long terme pour l'industrie forestière du Canada, l'industrie du bois d'oeuvre.

    Le conseil est ouvert à une forme de taxe à l'exportation, si c'est bien la solution, mais il constate qu'on devra, pour l'ensemble du Canada, reconnaître les différences entre les régimes forestiers des provinces, les différences entre les paniers de produits des diverses régions productrices et, finalement, les réalités économiques de chaque province. La taxe devrait donc varier d'une province à l'autre.

    En termes de réforme forestière, si vraiment on doit de nouveau explorer cet élément pour possiblement en arriver à une entente, nous pensons qu'on doit rappeler aux autorités américaines qu'au Québec, au début des années 1990, on avait déjà entrepris une réforme fondamentale du régime forestier pour se conformer à leurs exigences. Je vous rappelle qu'à cette époque, les autorités américaines avaient même conduit une enquête sur le régime forestier du Québec. À la suite de l'enquête, elles étaient arrivées à un taux de subvention de 0,01 p. 100. Aujourd'hui, on s'aperçoit qu'avec les nouveaux recours, on a complètement écarté ces réformes déjà entreprises. En dépit de cela, elles ne sont plus reconnues par les autorités américaines. Il est donc essentiel d'en arriver à une entente durable et stable. On a parlé un peu du recours prévu au chapitre 20, qui est possiblement une façon d'y arriver.

    Il y a deux autres éléments. M. Grenier a déjà parlé de façon très concluante de l'amendement Byrd. Cela a déjà été reconnu comme étant illégal par les instances de l'OMC. Nous croyons que le Canada doit prendre les dispositions les plus fortes possibles pour combattre l'amendement Byrd. On parle encore des montants énormes qui sont en jeu, soit au-delà de 4 milliards de dollars, et cela s'accumule au rythme d'environ 150 millions de dollars par mois. Au moment où on se parle, cette somme, qui est devenue l'enjeu principal du conflit, continue de croître. Il faut donc arriver à une conclusion.

    Nous appuyons le gouvernement du Canada dans sa position concernant les mesures de représailles au niveau de l'OMC pour ce qui est de l'amendement Byrd. Toutefois, nous croyons que la bataille contre celui-ci doit être contestée à tous les niveaux, que ce soit à l'OMC, à l'ALENA ou même dans les instances juridiques américaines. On n'a pas le choix.

    Concernant les instances américaines, on parle de la CIT, la Court of International Trade. On encourage le gouvernement du Canada à présenter une action au niveau de cette instance pour contester éventuellement la distribution illégale des versements que les Canadiens ont fait en vertu de l'amendement Byrd. D'ailleurs, l'industrie serait prête à collaborer avec le gouvernement si vraiment il avait besoin de l'appui de l'industrie.

    M. Grenier vous a parlé de l'aide aux associations. Nos ressources sont étirées au maximum présentement et nous aurons besoin de ressources pour mener ce combat.

    Finalement, parlons de l'appui du gouvernement fédéral dont on a besoin pour le processus juridique. On parle d'associations qui représentent l'ensemble de l'industrie canadienne. Cet appui est essentiel, et on en a besoin de façon assez rapide, voire immédiate. Si on ne peut régler le conflit du bois d'oeuvre par l'ALENA, la problématique devient une problématique nationale pour l'ensemble du secteur de l'exportation canadienne. Vous avez entendu M. Grenier parler de l'importance du secteur de l'exportation dans l'économie canadienne. C'est vital.

    Nous sommes encouragés par les commentaires du ministre Peterson, qui a déclaré qu'il appuyait la notion d'appui financier aux associations. Par contre, nous sommes toujours en attente. Un premier versement a été fait en 2003 et a été utilisé à bon escient. Les résultats parlent d'eux-mêmes. Vous avez vu les résultats dans le dossier du préjudice. C'est le dossier légal qui nous a été jusqu'à maintenant le plus favorable.

º  +-(1615)  

    Nous avons fortement et de façon urgente besoin de cet appui. Je remercie les membres du comité.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Ted Menzies): Merci à nos trois témoins de nous avoir donné d'autres détails sur cette question qui n'est pas réglée.

    Nous voudrions maintenant donner la parole aux membres du comité qui vous poseront des questions. Pour que chacun ait l'occasion de prendre la parole, nous limiterons le premier tour à 10 minutes.

    Monsieur Duncan, allez-y.

+-

    M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, PCC): Merci beaucoup. Je fais miennes les remarques du président à propos de nos témoins.

    Ma première question s'adresse à Elaine Feldman. Depuis décembre, les industriels—c'est ce qu'ils réclament auprès du ministre—souhaitent contester l'amendement Byrd au Tribunal du commerce international. Le ministre nous a confirmé récemment son accord. Pouvez-vous expliquer aux membres du comité les arguments qui nous ont empêchés d'aller de l'avant en l'occurrence?

+-

    Mme Elaine Feldman: Merci beaucoup.

    Récemment, le ministre, je crois, a écrit à M. Grenier lui expliquant que le gouvernement du Canada était prêt à engager une poursuite, avec l'industrie, devant le Tribunal du commerce international. Nous expliquions dans cette lettre que nous consulterions les autres secteurs touchés par l'amendement Byrd. Comme vous le savez sans doute, la somme sur laquelle le Canada pourrait infliger des mesures de rétorsion cette année est de l'ordre de 11 millions de dollars. Plus de la moitié de cette somme découle d'industries autres que celle du bois d'oeuvre—en particulier l'industrie de l'acier.

    Ainsi, nous avons pressenti les autres industries touchées par l'amendement Byrd pour voir si elles accepteraient de se joindre au gouvernement du Canada dans les instances envisagées. Une des principales intéressées a décliné l'invitation. Nous avons donné aux autres industriels jusqu'à vendredi pour nous répondre. S'ils y consentent, nous allons alors aller de l'avant avec les autres parties intéressées. Si les autres industries décident de ne pas emboîter le pas, nous allons aller de l'avant avec les associations de producteurs de bois d'oeuvre.

    Je devrais également ajouter que nous avons contacté le gouvernement du Mexique, parce que le Mexique est également touché par la mesure, afin de déterminer s'il se joindrait à nous.

    Ainsi, monsieur Duncan, je présume que les choses vont bouger sous peu.

+-

    M. John Duncan: Vous dites sous peu, mais la stratégie des Américains est de faire traîner les choses, de prolonger les négociations aussi longtemps que possible, et le gouvernement canadien n'aide en rien à cet égard. Si toutes les autres industries canadiennes répondent qu'elles n'ont pas les moyens de se joindre au gouvernement du Canada, ce dernier devrait quand même... Si je ne m'abuse, il appartient au gouvernement du Canada d'intenter la poursuite. Ce n'est pas à l'industrie de le faire. Pouvez-vous nous donner des précisions à cet égard.

º  +-(1620)  

+-

    Mme Elaine Feldman: Merci.

    Nos conseillers juridiques nous ont dit que l'industrie était mieux placée que le gouvernement du Canada en l'occurrence, ce qui explique que nous voulons nous joindre à l'industrie car si le gouvernement du Canada pour finir ne peut pas être partie, alors l'industrie, elle, le pourra. Voilà pourquoi nous avons consulté tous les Canadiens concernés et voilà pourquoi nous leur avons demandé une réponse d'ici vendredi.

    Nous savons que avons l'aval de l'industrie du bois d'oeuvre et nous allons aller de l'avant si elle est la seule industrie à nous suivre.

+-

    M. John Duncan: Vous comprenez que l'industrie en l'occurrence est coincée. Il existe un consensus mais l'industrie a demandé l'aide du gouvernement pour couvrir les frais. Le ministre précédent avait promis des sommes supplémentaires qui n'ont pas été versées. Cette demande remonte à il y a longtemps. Sans aide, l'industrie hésite à accepter sachant que cela signifie des frais supplémentaires.

    Que répond le ministère face à ce retard? Annoncera-t-on qu'on donnera une aide juridique et qu'on répondra à la requête de l'industrie?

+-

    Mme Elaine Feldman: Merci. Je pense que cette question va être étudiée par les ministres.

+-

    M. John Duncan: D'accord.

    Si ce différend a traîné en longueur, le temps pour passer d'une étape à la suite étant anormalement long, c'est parce que les États-Unis ont fait preuve d'une extrême lenteur à toutes les étapes du processus de l'ALENA—et plus récemment dans l'affaire de la menace de préjudice. Les États-Unis prennent un temps fou pour nommer leurs représentants, etc., et jamais le ministère ou le ministre ne se plaint de quoi que ce soit. Les plaintes viennent seulement des industriels. Et bien entendu, on hésite à rouspéter et à devenir la cible du gouvernement du Canada qui dirait : « Pourquoi vous plaignez-vous individuellement des mesures que nous prenons? »

    Mais pourquoi sommes-nous si passifs quand les États-Unis font traîner le processus en longueur, de façon déraisonnable, faisant fi des échéanciers fixés quand nous avons discuté de l'ALENA et du processus de résolution des différends?

+-

    Mme Elaine Feldman: Monsieur Duncan, regardez ce que le ministre Peterson a dit récemment et vous verrez qu'il n'a pas été passif, au contraire, s'érigeant contre les mesures prises par les États-Unis.

    Pour ce qui est du cas particulier dont vous avez parlé, la contestation extraordinaire, nous avons été en constante communication avec les États-Unis pour veiller à ce qu'ils nomment leur juge au Comité de contestation extraordinaire. Comme l'a dit M. Grenier, ce comité existe bel et bien désormais. Nous attendons que le groupe de juges nous dise quand auront lieu les audiences car c'est à eux de le faire. Les parties ont présenté leurs mémoires. Nous avons tous respecté l'échéancier fixé par l'ALENA pour la présentation des mémoires, les Américains comme les Canadiens, et il appartient maintenant aux juges de décider quelles seront les étapes suivantes de la procédure.

+-

    M. John Duncan: Mais nous attendions cette décision pour le mois de mars, et voilà que je crois comprendre qu'elle ne sera peut-être pas rendue avant le mois de juin—et les Américains ont mis six semaines à nommer leur représentant. Vous ne pouvez pas dire que l'on a respecté les échéanciers car il y a certainement eu un long retard.

    Je pense que cela a une incidence considérable pour la reprise des négociations. Nous pensions avoir un sursis c'est-à-dire qu'on ne négocierait pas tant que la décision du Comité de contestation extraordinaire n'aurait pas été prise—et nous nous attendions à ce qu'elle soit en notre faveur. Actuellement, on dirait que nous sommes sur le point de...

    Dois-je en conclure, d'après ce qui a été dit aujourd'hui, que le ministre a fait le nécessaire pour ouvrir les négociations avant la décision du Comité de contestation extraordinaire?

º  +-(1625)  

+-

    Mme Elaine Feldman: Nous avons entrepris des discussions avec les États-Unis pour déterminer l'opportunité de reprendre les discussions. Le gouvernement fédéral et celui de toutes les provinces ont rencontré les représentants américains à Toronto la semaine dernière et ils sont tombés d'accord. Comme je l'ai dit, toutes les provinces étaient présentes et elles ont convenu de poursuivre les discussions afin de voir s'il serait opportun de reprendre les négociations. On s'attend à ce que d'autres discussions à cet égard soient tenues peut-être plus tard cette semaine, sinon au mois de mars.

+-

    Le vice-président (M. Ted Menzies): Il vous reste 30 secondes.

+-

    M. John Duncan: Mais il n'y a pas que les provinces, il y a aussi l'industrie. Il est plus facile que jamais auparavant d'obtenir le consensus de l'industrie au Canada, et je vous demande s'il vous faudra l'accord de l'industrie de même que celui des gouvernements provinciaux?

+-

    Mme Elaine Feldman: Nous avons cessé d'être en communication avec l'industrie ainsi qu'avec les provinces. Après la réunion de Toronto, nous avons informé les industriels des résultats et nous leur avons demandé leur opinion sur tous les éléments discutés avec les Américains.

+-

    Le vice-président (M. Ted Menzies): Merci.

    Monsieur Paquette.

[Français]

+-

    M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Merci, monsieur le président.

    Merci beaucoup pour vos présentations. Comme vous le savez, il s'agit d'un dossier qu'on suit avec beaucoup d'intérêt. On a tous hâte que cela se termine.

    J'aurais aimé avoir, de votre part, une évaluation de la situation. J'ai eu l'occasion d'assister à la réception organisée par le consulat, à Montréal, pour le départ de l'ambassadeur Cellucci. Or, j'ai entendu différentes choses au sujet de cette rencontre qui a eu lieu le 16 février dernier à Toronto, où on a évoqué, semble-t-il, la possibilité d'une taxe à l'exportation comme solution transitoire. Cela se fait en même temps que le ministre annonce des recours auprès de l'OMC pour des mesures de rétorsion dans le cadre de l'amendement Byrd. Il y a aussi le fait que la somme de 4 milliards de dollars grossit sans arrêt. N'est-ce pas un message contradictoire à envoyer aux Américains? On leur dit, d'un côté, qu'on est prêts à négocier des solutions transitoires et, de l'autre, on élève un peu la voix en disant qu'on va aller à l'OMC pour avoir la permission de mettre en place des mesures de rétorsion. C'est la première chose sur laquelle je voudrais avoir votre avis.

    À mon avis, ces deux messages au niveau de la contestation extraordinaire et des délais prolongés me semblent un peu bizarres comme signaux.

    Deuxièmement, on m'a dit que M. Aldonas, le sous-secrétaire, avait fait prolonger son mandat d'un mois. Or, certaines personnes interprètent cela comme une manifestation de la volonté des Américains de régler cette question à court terme. Est-ce votre impression? Pourquoi, selon vous, ce mandat a-t-il été prolongé? Est-ce davantage pour des considérations administratives internes au département du Commerce américain ou si, effectivement, on peut interpréter cela comme une volonté d'en arriver à un règlement?

    En fait, nous sommes vraiment au stade de l'évaluation de la situation. J'aimerais donc avoir vos impressions à ce sujet, aussi bien de la part de M. Boutin que de Mme Feldman. Pouvez-vous me dire quels sont vos sentiments à ce moment-ci?

+-

    M. Marc P. Boutin: En effet, il semble y avoir contradiction entre la prise de mesures assez extraordinaires, c'est-à-dire l'imposition de représailles sous forme de montants assez faramineux, et la volonté d'en arriver à une entente.

+-

    M. Pierre Paquette: C'est-à-dire une proposition très précise qui semble être une taxe à l'exportation.

+-

    M. Marc P. Boutin: C'est exact.

    Depuis le début, le Canada, appuyé par l'industrie, suit ce qu'on appelle les deux voies parallèles, c'est-à-dire la voie juridique et la voie d'une résolution. Jusqu'à présent, il nous a été impossible d'en arriver à une résolution qui satisfasse la partie américaine.

    M. Grenier a évoqué les déclarations assez incendiaires du sous-secrétaire, qui maintenant veut bien négocier. Néanmoins, on se rappellera qu'il avait déclaré à la presse canadienne que les Canadiens ne seraient jamais remboursés à moins qu'il y ait une entente. Il n'y a pas d'équivoque dans cette déclaration.

    Dans les milieux industriels, on appelle cela du chantage. Le Canada n'a pas le choix. On doit prendre des mesures extraordinaires, extrêmes, j'en conviens. Il y a beaucoup de scepticisme à tous les niveaux quant à la possibilité d'en arriver à une entente négociée, à la suite de la démarche de M. Aldonas et des menaces qu'il a proférées. Cependant, le Canada n'a jamais démontré de mauvaise volonté. À titre d'exemple, il y a eu certaines pratiques comme celle de se servir d'une instance, notamment l'OMC, pour rejeter ou renverser une décision de l'ALENA, ce que nous n'avions jamais vu auparavant puisque ce sont des pratiques illégales. Il s'agit de mauvaise foi pure et dure. C'est là qu'on en est, malheureusement.

    C'est pour cette raison qu'on appuie le ministre dans sa démarche relative à des représailles. À un moment donné, il faudra probablement prendre un peu de recul et peut-être poser un regard un peu plus calme sur la chose. Toutefois, nous n'en sommes pas là.

º  +-(1630)  

+-

    M. Carl Grenier: Je constate qu'il y a deux volets à la question. En fait, on voudrait qu'on fasse une évaluation de nos chances d'en arriver éventuellement à un règlement. Il y a aussi le cas de M. Aldonas et de ses déclarations.

    Quant aux chances d'en arriver à un règlement, tout à l'heure, Mme Feldman a brièvement parlé de ce qui avait été discuté à Toronto, le 16 février. C'était une espèce de discussion sur les possibilités de reprendre les négociations. Ce qu'on nous a rapporté de ces discussions, selon moi, ressemble beaucoup à la démarche entreprise en 1986, c'est-à-dire ce qu'on appelle le MOU, le Memorandum of Understanding, qui a mis fin à la deuxième dispute sur le bois d'oeuvre, qui concernait une taxe à l'exportation dont le niveau pouvait varier d'une province à l'autre, à mesure que chaque province changeait ses politiques forestières. Les discussions récentes ressemblent beaucoup à cela.

    On sait que cela n'a pas constitué une solution durable. Il y a eu Lumber III, et nous sommes maintenant dabs Lumber IV. Si l'on cherche une solution durable et permanente, à mon sens, ce n'est évidemment pas la formule qu'il faut poursuivre. L'une des failles importantes de cette approche est que les États-Unis ne peuvent pas nous assurer qu'au bout de trois, quatre ou cinq ans, ils ne permettront pas à leur industrie de revenir à la charge, comme ils l'ont fait par le passé. En général, je suis assez sceptique quant à la possibilité d'en arriver de cette façon à une entente durable et permanente sur cette question.

    Quant au rôle de M. Aldonas, depuis quelques années, c'est certainement le fonctionnaire du rang le plus élevé à s'être attaqué à cette question. Cependant, on peut soulever des questions très importantes quant au bien-fondé de sa dernière démarche. Voilà une personne qui a consacré tout près de deux ans et demi à essayer de régler la question du bois d'oeuvre, sans toutefois y parvenir. Maintenant, son mandat est prolongé de quatre semaines. Il dispose donc de six semaines pour en arriver à une solution. Je concède évidemment que certains travaux ont été faits par le passé, mais ces travaux n'ont pas abouti, pour de très bonnes raisons. Il a donc six semaines devant lui, et il prend une semaine de vacances pendant cette période.

+-

    M. Pierre Paquette: Il recule pour mieux sauter, probablement.

    Je ne sais pas si Mme Feldman avait quelque chose à rajouter. Ensuite, s'il me reste du temps, j'aimerais revenir sur la question des frais juridiques.

+-

    Mme Elaine Feldman: Je voudrais reprendre les paroles de M. Boutin. Il a parlé des deux voies et du fait qu'on parle en même temps du litige et de la possibilité de représailles, et de la possibilité de reprendre les négociations. La position du gouvernement canadien, qui a reçu l'appui des provinces et de l'industrie à cet égard, a toujours été de procéder par les deux voies.

    Quant à la question des représailles, cela nous est parfois imposé en raison d'un échéancier particulier à l'OMC. Après que les Américains ont affirmé avoir fait le nécessaire pour être en conformité avec les règles de l'OMC, nous avons 30 jours pour aller contester devant l'OMC. En même temps, il faut aussi déposer une requête, ce qui nous autorise à prendre des mesures de rétorsion. Nous agissons parfois ainsi parce qu'autrement, nous perdrions nos droits.

    C'est la raison pour laquelle, en janvier, on a déposé une requête pour les 200 millions de dollars et, en février, une requête pour les 4 milliards de dollars. Parfois, ce sont les échéanciers de l'OMC qui nous obligent à agir ainsi.

º  +-(1635)  

+-

    M. Pierre Paquette: Ce n'est pas l'histoire des deux voies qui m'agace, car j'ai toujours été d'accord sur cela. Ce qui m'embête, c'est que de cette réunion est sortie l'idée d'une taxe à l'exportation, ce qui est un moyen très précis maintes fois soulevé du côté américain. J'ai l'impression que cela nous affaiblit, au moins à court terme, d'autant plus que tant que la contestation extraordinaire ne sera pas finalisée, il n'y aura pas vraiment de volonté de la part des Américains de s'asseoir. Enfin, c'est ma perception.

    Quant aux frais juridiques, je voudrais savoir combien l'industrie et le gouvernement ont dépensé respectivement jusqu'à présent. Vous pouvez me donner un chiffre approximatif, et non au cent près. Nous sommes quand même à Ottawa, ici.

+-

    Mme Elaine Feldman: Je laisserai mes collègues répondre à la question sur l'industrie.

    En ce qui concerne le gouvernement fédéral, nous dépensons entre 9 et 10 millions de dollars chaque année en frais pour toutes les causes devant l'ALENA et l'OMC. Les gouvernements provinciaux ont aussi des dépenses, mais je ne saurais vous fournir de chiffres à cet égard.

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Ted Menzies): Je vais devoir vous interrompre.

    Excusez-moi, vouliez-vous ajouter quelque chose?

[Français]

+-

    M. Marc P. Boutin: Du côté de l'industrie, le chiffre est du même ordre, du moins pour le Québec, si on inclut ce que dépense l'association. On dépense le gros du montant. Toutefois, certaines grandes entreprises qui, par exemple, sont obligatoirement vérifiées et font l'objet d'une enquête par rapport au dumping doivent retenir des services juridiques, de l'appui comptable et de l'appui en termes de logiciels. Ce sont des cas massifs qui nécessitent beaucoup de ressources.

[Traduction]

+-

    M. Ted Menzies: Merci.

    Monsieur Grenier.

[Français]

+-

    M. Carl Grenier: On a essayé de faire la somme de toutes ces dépenses. C'est assez difficile. D'abord, il y a les dépenses des associations et celles des entreprises qui font l'objet d'une enquête pour le dumping. Il y a huit grandes entreprises qui font l'objet d'une enquête pour le dumping. On parle chaque fois de millions de dollars par entreprise. Si on fait la somme de tout cela, on arrive assez facilement, d'une façon assez conservatrice, à quelque chose comme 100 millions de dollars par année, seulement pour l'industrie .

[Traduction]

+-

    Le vice-président (M. Ted Menzies): Merci.

    Madame Jennings.

[Français]

+-

    L'hon. Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci beaucoup pour vos présentations. J'ai quelques questions à poser. Je vais commencer par vous, madame Feldman.

    Vous avez parlé de la raison pour laquelle le gouvernement canadien n'avait pas intenté une action juridique devant la Cour du commerce international. Vous vouliez que tous les secteurs des différentes industries au Canada qui étaient affectées par l'amendement Byrd soient consultés pour voir si ces secteurs voulaient devenir partie à la cause. On sait que l'industrie forestière est là. Vous avez dit que l'Association canadienne des producteurs d'acier avait décliné l'offre et que vous attendiez la réponse des autres secteurs. Ils ont jusqu'au vendredi 25 février pour indiquer leur intention. De quelles autres industries parle-t-on?

    Pour quelle raison l'Association canadienne des producteurs d'acier a-t-elle décliné l'offre de se joindre à cette action? On sait pourquoi l'industrie forestière est intéressée à être partie à la cause. J'aimerais savoir les raisons pour lesquelles une autre industrie n'est pas intéressée.

    Vous parlez du gouvernement canadien et je vais essayer de citer vos propos exacts. Selon vous,

º  +-(1640)  

[Traduction]

    Le gouvernement du Canada souhaite une « position canadienne unifiée » pour reprendre un « règlement négocié ».

[Français]

    Vous avez parlé d'une position canadienne unifiée pour les négociations en vue d'une résolution de tout ce litige.

[Traduction]

    Dites-moi exactement quelle est cette position canadienne unifiée que vous recherchez? M. Grenier et M. Boutin vous ont expliqué quels étaient les principes très clairs qui devraient sous-tendre tout règlement si l'on veut qu'ils soit solide. Le gouvernement canadien ne nous a pas dit exactement quel était selon lui ce fondement, quelles étaient les assises fondamentales d'un règlement prétendument durable. J'aimerais recueillir votre opinion là-dessus.

    Je vais écouter les réponses si j'en ai le temps, je poserai d'autres questions. Ma dernière question toutefois s'adresse à Mme Feldman.

    M. Boutin et M. Grenier ont tous deux signalé l'intention du gouvernement du Canada d'apporter une aide financière à l'industrie forestière. Un premier versement a été fait en 2003 et depuis, plus rien. Vous avez dit en réponse à une question d'un de mes collègues que vous pensiez que le conseil des ministres allait se pencher sur la question. Eh bien, de deux choses l'une : ou les ministres étudient la question ou ils ne l'étudient pas. Dans l'affirmative, pourquoi a-t-il fallu tant de temps pour qu'ils le fassent, pour que l'industrie reçoive l'argent qu'on lui avait promis?

+-

    Mme Elaine Feldman: Merci beaucoup. Je vais essayer de répondre à vos questions dans l'ordre.

    À propos du refus de l'industrie de l'acier, je ne peux pas répondre à vos questions car personnellement, je ne m'occupe pas de cet aspect de l'amendement Byrd. C'est un collègue qui s'occupe de l'industrie de l'acier et des autres industries concernées. Je pense que l'une d'entre elles est celle du magnésium, mais je ne sais pas quelles autres industries ont été consultées ni les motifs du refus de l'industrie de l'acier.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Dans ce cas, par l'intermédiaire du président, votre collègue pourrait-il nous donner ces renseignements par écrit. Il suffit d'une lettre.

+-

    Mme Elaine Feldman: D'accord, je vais faire le nécessaire pour qu'on vous envoie les réponses.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Merci.

+-

    Le président: Il suffit d'adresser cela au greffier qui va faire le nécessaire pour que tous les membres en reçoivent copie dans les deux langues officielles.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: J'espère que votre intervention sera défalquée de mon temps de parole, n'est-ce pas?

+-

    Le président: Tout à fait. Il reste six minutes et demie.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Très bien.

    J'espère qu'il ne vous faudra pas tout ce temps pour me répondre, n'est-ce pas?

+-

    Mme Elaine Feldman: Non.

    Pour ce qui est de la position canadienne unifiée, le gouvernement, comme je l'ai dit, travaille en étroite collaboration avec les provinces et l'industrie. Les provinces souhaitaient que l'on envisage la possibilité de réaliser le libre-échange grâce à des réformes des politiques provinciales qui aboutiraient à un système axé sur les forces du marché dans chaque province. C'est l'orientation que nous avons maintenue dans l'espoir d'aboutir à un accord qui permettrait le libre-échange du bois d'oeuvre.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Madame Feldman, je vous arrête ici.

    Nous venons d'entendre dire—et vous étiez présente—qu'au début des années 90, le gouvernement du Québec a procédé exactement à la réforme dont vous parlez et que les autorités américaines étaient venues vérifier les résultats. Leur conclusion était qu'en fait il existait « moins de 0,01 p. 100 de distorsion du marché en raison des pratiques suivies ».

    Si vous nous dites que certaines provinces envisagent encore de réformer leur gestion forestière, je dois en conclure qu'il ne s'agit pas de la province de Québec. De quelle province s'agit-il alors? J'en conclus qu'il y a des provinces qui reconnaissent que leurs pratiques de gestion forestière ne sont pas concurrentielles et, par conséquent, à leur égard, les Américains pourraient—et je dis bien « pourraient »—avoir un argument.

    Je ne pense pas du tout que ce soit le cas car, si ce l'était, les décisions des groupes spéciaux de l'OMC et de l'ALENA pour l'ensemble de l'industrie n'auraient pas été en notre faveur. Mais pourquoi une province envisagerait-elle une réforme sachant que deux décisions affirment clairement que tout va bien, qu'il n'y a pas de préjudice?

º  +-(1645)  

+-

    Mme Elaine Feldman: Je ne peux pas parler au nom des provinces. Je peux vous dire que toutes les provinces, y compris la province de Québec, ont participé à ces discussions et souhaitent les poursuivre avec le département du Commerce.

+-

    Le président: Madame Jennings, il vous reste environ trois minutes.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Les représentants de l'industrie pour le Québec pourraient-il me répondre?

    Monsieur Grenier.

+-

    M. Carl Grenier: Je parle en mon nom personnel...

+-

    L'hon. Marlene Jennings: En votre nom personnel, toujours.

+-

    M. Carl Grenier: ... pendant les années 90, au gouvernement du Québec, j'étais le fonctionnaire le plus haut placé chargé de ce dossier. Je pense que Marc Boutin a très bien décrit la situation. Quand une nouvelle enquête a déterminé un taux de subventions initial de 24 p. 100 pour le Québec, nous avons été renversés sachant que quelques années auparavant, on n'avait pas détecté de subventions.

    Je pense que cela met particulièrement en lumière un aspect très important de l'approche canadienne vis-à-vis d'un règlement. Cette approche n'a pas changé depuis des années, à savoir une réforme des politiques provinciales qui annulerait les motifs qui sous-tendent les mesures que les Américains prennent contre nous. Comme vous l'avez signalé vous-même et je pense que Marc Boutin aussi, cette approche n'a pas donné de résultats par le passé, non seulement au Québec mais dans d'autres provinces également.

    Nous savons bel et bien, d'après nos conversations avec la coalition américaine, que les Américains se moquent d'une réforme de la politique provinciale sur les forêts. Ce n'est qu'une excuse supplémentaire pour nous attaquer de nouveau. Je ne pense pas qu'ils y réussissent tellement bien cette fois-ci, mais dans le passé, ils ont très bien réussi sur le plan pécuniaire. Tout simplement en déposant une plainte, même s'ils n'ont pas gain de cause, ils réussissent à nous soutirer des milliards de dollars. En outre, il faut se rappeler que le gouvernement du Canada, les provinces et l'industrie ont réussi à défendre les politiques actuelles. Les politiques ont changé avec le temps. Je ne veux absolument pas prétendre un instant que toutes les politiques forestières provinciales sont absolument parfaites et qu'il n'est pas nécessaire de les modifier. Manifestement, ce n'est pas le cas. Mais nous avons réussi à défendre ces politiques.

    Actuellement le département du Commerce lui-même, forcé de se soumettre à un groupe spécial de l'ALENA, affirme que les provinces subventionnent à raison de 1,88 p. 100. Si toutes les recommandations du groupe spécial avaient été retenues, le subventionnement serait nul. S'il était nul, l'ordonnance serait caduque. Manifestement, ils vont faire l'impossible pour qu'il en soit ainsi. Nous en sommes au quatrième renvoi actuellement.

    Il faut contester notre propre approche à l'égard d'un règlement négocié. Dire qu'il faut que cela dépende des politiques, cela ne suffit pas, et ce n'est peut-être pas la bonne façon de procéder.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Peut-être que la bonne façon de procéder est tout simplement de plaider. Faites-leur passer un mauvais quart d'heure au tribunal et dites clairement que nous sommes prêts à procéder ainsi à tous les coups. Dites-leur que nous avons mis la clé dans la porte.

    Notre société est axée sur les règles et nous tâchons de toujours tenir compte des règles, de la politique, des données scientifiques, etc. Il est évident que les Américains n'adoptent pas la même attitude, du moins pas dans le cas de cette industrie-là. Je ne peux pas me prononcer sur le cas des autres industries, l'acier ou le magnésium, que vous avez citées, notamment. Nous savons également que les Américains ne coopèrent pas tellement dans le cas de l'ESB. Il y en a qui ont recours aux tribunaux.

+-

    Le président: Madame Jennings, votre mot de conclusion termine votre temps de parole.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Merci.

+-

    Le président: Monsieur Julian, la parole est à vous.

º  +-(1650)  

[Français]

+-

    M. Peter Julian (Burnaby—New Westminster, NPD): Merci beaucoup.

[Traduction]

+-

    Le président: Avec votre permission, nous consacrerons cinq minutes à la fin de la séance pour discuter de notre budget.

    Vous avez la parole.

+-

    M. Peter Julian: Malgré les circonstances, merci beaucoup.

[Français]

    J'aimerais revenir sur le point que M. Paquette avait commencé à aborder, à savoir les montants qui ont été dépensés en termes de frais juridiques. Vous avez tous les deux parlé de 9 à 10 millions de dollars par année. Quel est le montant cumulatif pour l'industrie depuis le moment où la crise a commencé? Quel est le montant cumulatif que le gouvernement a dépensé jusqu'à maintenant? Et que prévoyez-vous d'ici 2007 si nous sommes obligés de passer par les cours américaines?

[Traduction]

+-

    M. Marc P. Boutin: Nous prévoyons le même niveau de dépenses en frais juridiques mais au fur et à mesure de l'évolution des affaires—au pluriel, notez bien—nous allons constater une multiplication des procédures d'appel et de contre-appel. Au départ, vous vous souvenez... il y a actuellement douze affaires en suspens, aucune n'est encore réglée.

    Si cela aboutit à des appels entendus au Tribunal du commerce international—l'industrie ayant déjà déposé un avis d'intention auprès du tribunal dans l'affaire du dumping—, cela signifiera des appels à l'ALENA également. Il est concevable qu'en fin de compte nous devions nous adresser à des instances supérieures aux États-Unis—c'est-à-dire des appels en cour de circuit ou des contre-appels. Je n'utilise pas le jargon juridique mais c'est essentiellement ce dont il s'agit. Nous pouvons même prévoir la Cour suprême.

    Ainsi, nous pouvons nous attendre à une croissance exponentielle de procédures dans ce cas-là si nous poursuivons dans cette voie-là, et c'est pourquoi à mon avis nous ne pouvons pas en toute équité renoncer à un règlement. Comme je l'ai souvent dit à mes collègues ici, le remède ne peut pas être pire que la maladie.

    Ainsi, nous souhaitons vivement que s'accélèrent les mesures et les recours en justice.

+-

    Le président: Monsieur Grenier, voulez-vous ajouter quelque chose?

+-

    M. Carl Grenier: Je vais vous donner un exemple récent. Il y a quatre ans, l'Alliance canadienne du commerce du bois d'oeuvre a été constituée pour s'occuper du préjudice et nous avons obtenu, comme on l'a signalé à plusieurs reprises ici aujourd'hui, un succès remarquable. C'est peut-être par là que viendra la victoire totale. Récemment, nous avons dû quadrupler les cotisations individuelles à l'association dans ce but-là, car c'est l'entité qui prépare la contestation extraordinaire, qui aide le gouvernement fédéral et qui prépare la contestation constitutionnelle que la coalition menace de mettre à exécution et tous les appels en cour d'appel, pour le circuit fédéral, l'appel automatique en Cour suprême.

    En effet, nos dépenses juridiques augmentent très rapidement. Voilà pourquoi nous disons, si nous y sommes forcés... et je pense que nous y sommes. Je suis d'accord avec le membre du comité qui vient de dire qu'il se peut que la seule façon de régler cette question à court terme est de mener le processus judiciaire jusqu'au bout. Nous sommes très près du but. Actuellement, nous sommes presque forcés de dire que nous n'avons pas les moyens d'interjeter tel appel ou de procéder à telle étape de la procédure. Ce serait une honte que de faire cela parce que c'est exactement faire le jeu de la coalition américaine et de la stratégie des autorités américaines—nous soumettre, nous mener au bout du rouleau.

+-

    M. Peter Julian: Autrement dit il y a trois paliers—la contestation extraordinaire, le Tribunal du commerce international et possiblement une contestation constitutionnelle devant les tribunaux américains.

    Mais ma question portait sur les sommes nécessaires.

+-

    M. Marc P. Boutin: Comme M. Grenier vient de le dire, l'association a dû quadrupler les cotisations qui financent ce mécanisme lequel, depuis quatre ans, traite du préjudice. Nous nous occupons actuellement du préjudice, de la conformité à l'article 129 dans la plainte pour préjudice traitée comme entité distincte, et nous allons sans doute interjeter appel. Nous nous occupons du remboursement des dépôts. Fort probablement, il nous faudra intenter une action en justice. En bout de ligne, il s'agira d'une contestation constitutionnelle si nous obtenons franchement gain de cause au CCE. Il nous faut également nous occuper de la contestation extraordinaire dans l'affaire de préjudice.

    Ainsi, soudainement... nous mettions l'accent essentiellement sur une activité, l'affaire de préjudice, même si c'était à l'OMC et à l'ALENA, c'est -à-dire un double rôle. Au dossier de préjudice, quatre éléments se sont ajoutés et nous envisageons des appels à l'occasion des examens administratifs, lesquels seront intentés par le gouvernement du Canada et par l'industrie canadienne. On peut s'attendre à une croissance exponentielle des appels et des recours juridiques.

º  +-(1655)  

+-

    M. Carl Grenier: Permettez-moi d'ajouter quelque chose. N'oublions pas que si ce processus de règlement des différends n'aboutit à rien dans le cas du bois d'oeuvre, c'est-à-dire le différend le plus épineux que nous ayons avec les États-Unis, il ne fonctionnera pas pour quoi que ce soit d'autre. Nous aurons ainsi perdu le principal atout des négociations sur le libre-échange.

+-

    M. Peter Julian: Absolument.

    Je reviens à la question. Pour que nous sachions, de quelle somme s'agit-il à supposer ce que cela dure jusqu'en 2007? Je pense qu'il est important de le savoir. Est-ce que ce sera 100 millions de dollars, un quart de milliard de dollars, ou un demi-milliard de dollars? De combien s'agit-il? Cela va être cumulatif jusqu'à l'aboutissement du processus. Vous avez parlé des complications possibles et des divers paliers. Nous pouvons certainement faire une évaluation des coûts approximatifs.

+-

    M. Marc P. Boutin: Prenons le 1er janvier 2005 comme point de départ et supposons que grosso modo—et je pense que les calculs de Carl étaient assez justes—dans l'ensemble, gouvernements fédéral, provinciaux, associations sectorielles et sociétés individuelles, les États-Unis dépensent environ 100 millions de dollars par année. Je peux facilement concevoir une augmentation de 50 p. 100 de cette somme et ce n'est probablement pas assez.

+-

    M. Peter Julian: Donc, on pourrait parler d'une somme cumulative d'environ un demi-milliard de dollars, n'est-ce pas.

+-

    M. Marc P. Boutin: Nous avons presque atteint cette somme parce que Bois d'oeuvre IV a commencé en 2001. La requête a été déposée le 2 avril 2001. Au début, l'activité sur le plan juridique n'était pas intense mais il y a eu accélération, accumulation et je pense qu'on peut dire que le Canada a dépensé 400 millions de dollars en tout.

+-

    M. Peter Julian: Jusqu'à présent?

+-

    M. Marc P. Boutin: Jusqu'à présent.

+-

    M. Peter Julian: S'il y en a encore pour deux ans, avec une augmentation de 40 p. 100 tous les ans, cela représente 50 p. 100 de plus que 100 millions de dollars. Au total, cela pourrait atteindre trois quarts de milliard de dollars plus ou moins, n'est-ce pas?

+-

    M. Marc P. Boutin: On peut sans doute envisager une centaine de scénarios. Une contestation constitutionnelle n'est pas nécessairement gagnée haut la main. Il se peut qu'un juge nous déboute, et alors cette démarche serait sans objet. Par ailleurs, si la contestation constitutionnelle est entendue, si nous invoquons le chapitre 19, et si nous démantelons l'ALENA et que les choses vont jusqu'au bout, nous risquons de nous retrouver en Cour suprême et c'est un processus qui dure au moins deux ans.

+-

    M. Peter Julian: Donc, à supposer qu'il n'y a pas de règlement, à supposer qu'il nous faut nous adresser aux tribunaux, quel genre d'appui faudrait-il donner à l'industrie pour qu'elle survive?

+-

    M. Marc P. Boutin: Au départ, on s'était engagé à verser 20 millions de dollars par année à l'industrie, aux seules associations. Cela nous permettrait-il de survivre? Nous apporterions une contribution supplémentaire, c'est indéniable, mais cette somme nous faciliterait assurément les choses.

+-

    Le président: Il vous reste une minute, Peter.

+-

    M. Peter Julian: Monsieur Grenier, je voudrais parler du chapitre 20 dont il est question dans votre exposé. Je voudrais que vous nous disiez brièvement comment les choses se dérouleraient si l'on invoquait les dispositions du chapitre 20.

+-

    M. Carl Grenier: Merci.

    Dans l'ALENA, le chapitre 20 décrit le processus général de règlement des différends entre le Canada et les États-Unis. Comme nous le savons, le chapitre 19 porte sur un processus particulier de règlement des différends en ce qui concerne les droits compensateurs, les allégations de subventionnement et l'antidumping.

    Le chapitre 20 est très général. On peut demander au partenaire commercial, en l'occurrence les États-Unis, de discuter de la façon dont l'ensemble de l'accord est mis en oeuvre, y compris bien entendu le chapitre 19, qui est un élément très important de l'accord. Lors de ces consultations avec les États-Unis, nous ne discuterions pas des mérites des allégations concernant les droits compensateurs ou les appels, etc., mais nous demanderions au gouvernement américain lui-même des explications sur son comportement—comment il finance sa part du secrétariat; pourquoi il fait constamment traîner les choses en longueur, comme quelqu'un l'ai dit aujourd'hui; comment il laisse ses propres fonctionnaires littéralement calomnier les experts, y compris les experts américains, constitués en vertu du chapitre 19. La liste des griefs s'allonge. Je pense que c'est une décision que le gouvernement fédéral doit prendre.

    Nous vous exhortons à avoir recours à ce mécanisme. L'accord de libre-échange prévoit que l'on peut discuter de ces questions avec le gouvernement américain. Tout le système est littéralement menacé à cause de la façon dont les États-Unis interprètent leurs obligations. Je pense que nous devrions tout au moins leur demander des comptes.

»  +-(1700)  

+-

    Le président: Merci.

    Une brève réponse, madame Feldman.

+-

    Mme Elaine Feldman: Je voudrais ajouter une brève remarque en ce qui concerne ce que M. Grenier a dit. Bien entendu, nous soulevons ces questions constamment auprès des autorités américaines. Nous n'avons pas besoin d'organiser une consultation officielle en vertu du chapitre 20 pour soulever auprès des autorités américaines leur paiement des frais de secrétariat de l'ALENA ou leur comportement à l'égard des dispositions du chapitre 19. Ces discussions se poursuivent en permanence. J'ai cru comprendre que M. Grenier et d'autres proposaient l'instauration de mécanismes officiels de règlement des différends en vertu des dispositions du chapitre 20, au titre du contenu du chapitre 19, et à cet égard, nos avocats ne partagent pas le point de vue des avocats de M. Grenier.

+-

    Le président: Vos remarques seront consignées au compte rendu.

    Nous passons au deuxième tour, pas plus de cinq minutes chacun, pour avoir assez de temps pour discuter du budget.

    Monsieur Duncan.

+-

    M. John Duncan: Merci encore, monsieur le président.

    Je voudrais faire une remarque pour commencer.

    Carl et Marc savent que je m'occupe de ce différend depuis l'ancien Accord sur le bois d'oeuvre de l'an 2000. J'ai parlé à un grand nombre d'industriels de l'ouest du Canada et plus que jamais, mes interlocuteurs sont sur la même longueur d'onde.

    J'ai un message à l'intention du gouvernement : L'industrie a l'impression qu'on l'a abandonnée. L'industrie a défendu le point de vue du gouvernement et elle se sent abandonnée. Quand l'industrie exhorte le gouvernement à prendre certaines mesures et que ce dernier traîne en longueur—l'aide juridique notamment, le dépôt de l'avis au tribunal américain dans le cas de l'amendement Byrd—, c'est difficile à avaler. Les chiffres que l'on a cités aujourd'hui nous indiquent que l'industrie a assumé un coût énorme, plus élevé que ce que le gouvernement a assumé, et pourtant c'est l'ALENA qui est en cause ici.

    Le ministre a menacé de prendre des mesures de rétorsion dans le cadre de l'OMC. Nous ne sommes pas en mesure d'user de rétorsion pour l'instant. Le gouvernement a dressé une liste des produits qui feraient l'objet de mesures de rétorsion, et ce, à des fins internes. Au sein du ministère, trouve-t-on que cette liste est satisfaisante pour aller de l'avant?

    Ma question s'adresse à Mme Feldman.

+-

    Mme Elaine Feldman: Les intéressés nous ont envoyé de nombreux mémoires à propos de la liste que nous avons offerte pour consultation. Je pense que nous avons reçu 500 réponses. Nous sommes en train d'évaluer ces mémoires. Nous travaillons également en étroite collaboration avec nos partenaires. Comme vous le savez sans doute, le Canada a non seulement reçu l'autorisation de prendre des mesures de rétorsion mais d'autres pays membres de l'OMC l'ont également reçue, notamment le Japon, le Mexique, l'Union européenne et d'autres. Nous allons donc évaluer les mémoires et travailler avec nos partenaires pour déterminer la prochaine étape.

»  +-(1705)  

+-

    M. John Duncan: Vous avez des consultations avec les représentants de l'industrie de l'acier et ceux de l'industrie du magnésium quant à l'opportunité d'intenter une action en justice. Je suppose que c'est à l'occasion de l'amendement Byrd, n'est-ce pas? Il ne m'est pas difficile de prévoir leur réponse sachant comment on a traité les différends commerciaux par le passé dans ces deux industries, et sachant quelles sont nos relations commerciales avec les États-Unis dans ces deux cas-là.

    Pourquoi ces choses prennent-elles tant de temps? Pouvez-vous nous dire quand les consultations ont commencé?

+-

    Mme Elaine Feldman: Comme je l'ai dit tout à l'heure, je ne m'occupe pas personnellement de cet aspect-là. Je pense que le ministre a pris la décision assez récemment. M. Grenier connaît peut-être la date exacte de la lettre que le ministre lui a envoyée. Quant à moi, je suis désolée, je ne la connais pas. 

+-

    M. Carl Grenier: J'ai écrit au ministre le 16 décembre en suggérant que l'on s'adresse au Tribunal du commerce international. J'ai obtenu une première réponse et elle n'était pas satisfaisante. Nous avons reçu une réponse à la mi-janvier et je pense que c'était au moment où ces autres consultations ont été entreprises. Cela fait donc de trois à cinq semaines.

+-

    Mme Elaine Feldman: Nous sommes à la mi-février et comme je l'ai dit, nous avons demandé une réponse d'ici à vendredi. Nous avons déjà annoncé que nous allions aller de l'avant avec les industries intéressées. Évidemment, l'industrie du bois d'oeuvre l'est et nous allons donc procéder du moins avec cette industrie-là. Je ne pense pas pouvoir ajouter quoi que ce soit.

+-

    M. John Duncan: J'ai une dernière question à vous poser. La consultation avec les provinces et l'industrie sur le cadre des négociations portant sur le bois d'oeuvre doit recevoir l'assentiment du ministre; c'est ainsi que je comprends le processus en cours actuellement. Si l'industrie et les provinces ont quelque chose à redire sur ce cadre, peut-on s'attendre à ce que le cadre soit modifié avant que ne débutent les discussions avec Aldonas?

+-

    Mme Elaine Feldman: Je suppose que je suis plus optimiste que vous monsieur Duncan. Nous avons écouté attentivement ce que les provinces et l'industrie avaient à dire et si nous procédons avec un cadre, je crois qu'il aura l'appui des provinces et de l'industrie.

+-

    M. John Duncan: Je n'avais de parti pris. Je voulais tout simplement une précision.

    Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons terminer avec Mme Jennings.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Je voudrais parler de nouveau des coûts faramineux que ce contentieux représente pour l'industrie et pour les sociétés individuelles. Y a-t-il quelque chose en vertu de l'OMC ou de l'ALENA qui interdit à un gouvernement national, comme le gouvernement fédéral, de couvrir les frais ou de les assumer, et je songe à un accord quelconque, suivant lequel les sommes déjà versées, les droits compensateurs, les droits antidumping qui ont été versés...? Le gouvernement des États-Unis détient des milliards de dollars qui proviennent de sociétés canadiennes. Nous sommes réconfortés, et je pense assez optimistes, à la pensée que si nous maintenons ferme notre position et nous plaidons, nous serons remboursés. Entre-temps, il en coûte des sommes faramineuses à notre industrie. Y a-t-il quelque chose qui interdise au gouvernement, par exemple, d'assumer ces coûts, d'accorder un prêt, sous réserve que l'industrie rembourse une fois qu'elle aura été dédommagée?

»  +-(1710)  

+-

    Mme Elaine Feldman: Je dois vous signaler qu'à cause des 14 925 000 $ que le gouvernement a versés aux associations en 2003, les États-Unis, estimant qu'il s'agissait d'une subvention à l'exportation pour laquelle on pouvait imposer un droit compensateur, ont augmenté la somme des droits que les producteurs canadiens doivent verser. Il faut donc tenir compte de cela. Cette somme versée par le gouvernement...

+-

    L'hon. Marlene Jennings: L'aide fournie.

+-

    Mme Elaine Feldman: Oui, l'aide a été considérée comme une subvention à l'exportation et frappée de droits compensateurs, ce qui a entraîné une augmentation des droits.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Monsieur Boutin.

+-

    M. Marc P. Boutin: Oui, j'ai quelque chose à ajouter. Nous nous attendions tout à fait à cela mais le pourcentage de subvention est minuscule comparé, par exemple, au tarif transfrontalier déclenché, à savoir de l'ordre de 23 p. 100 en Colombie-Britannique—c'est désormais 22 p. 100 ou 21 p. 100. Ainsi, relativement parlant, effectivement si c'est considéré comme une subvention, c'est minime, étant donné l'ampleur de l'affaire.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Mais désormais, depuis le 1er janvier 2005, tous les intervenants canadiens—les divers paliers de gouvernement, les sociétés individuelles et les associations—dépensent environ 100 millions de dollars canadiens pour le bois d'oeuvre, n'est-ce pas?

+-

    M. Marc P. Boutin: C'est cela.

+-

    Hon. Marlene Jennings: S'il s'agit d'une telle somme, et—pour être pessimiste—si l'affaire dure encore sept ans, s'il faut aller en Cour suprême des États-Unis, il se peut que la Cour suprême demande que cet argent soit rendu. Il s'agit d'un quart de la somme versée et c'est entre les mains des Américains actuellement.

+-

    M. Marc P. Boutin: Nous avons déjà envoyé quatre milliards de dollars au trésor américain mais rappelez-vous que cela a occasionné une perte car le dollar canadien a beaucoup augmenté. Nous avons déjà perdu un certain pourcentage de cette somme.

+-

    L'hon. Marlene Jennings: En fait, vous êtes en train de me dire que du moins du point de vue de l'industrie, le scénario que j'ai décrit est réaliste, n'est-ce pas?

+-

    Le président: Pour gagner du temps, nous allons demander à M. Grenier de répondre à cela.

+-

    M. Carl Grenier: À cet égard, je suis entièrement d'accord avec mon collègue M. Boutin.

    On nous a versé un petit peu moins de 15 millions de dollars en tant que première tranche de trois, tel que promis, et cela a eu une incidence sur la quatrième décimale. Nous ne devrions pas nous en inquiéter car nous nous y attendions. C'est ainsi que les choses vont se passer.

    Je ne pense pas que nous ayons jamais demandé au gouvernement de nous dédommager pour les droits compensateurs ou antidumping...

+-

    L'hon. Marlene Jennings: Je ne parlais pas des droits mais des frais.

+-

    M. Carl Grenier: Oui, les frais sont en cause. Nous ne demandons pas un partage 50/50, mais une contribution. Nous pensons que ce dont on avait parlé à l'époque avec le ministre Pettigrew était juste et nous sommes prêts à l'accepter, même si évidemment désormais les coûts grimpent. Il ne s'agit plus du tout des mêmes sommes dépensées au total. Il nous faut l'argent c'est indéniable et c'est un enjeu national. C'est pour cela que nous en faisons la demande.

+-

    Le président: Pouvons-nous permettre à Mme Deschamps de poser une dernière question?

[Français]

+-

    Mme Johanne Deschamps (Laurentides—Labelle, BQ): Merci beaucoup.

    Beaucoup d'argent a déjà été englouti dans ce litige, tant du côté du gouvernement fédéral que de celui de l'industrie forestière. J'ai deux brèves questions à poser. La première s'adresse à Mme Feldman. Pourquoi n'a-t-on pas versé à l'industrie les deux tiers de l'aide financière qui restent ?

    Ma deuxième question s'adresse à M. Boutin. Pendant combien de temps l'industrie canadienne du bois pourra-t-elle survivre?

»  -(1715)  

+-

    Mme Elaine Feldman: Pour ce qui est de la première question, il faut la poser au ministre du gouvernement. Il ne nous appartient pas à nous, les fonctionnaires, de verser de l'argent avant que le gouvernement ait décidé de verser les montants. Je ne peux pas vous répondre autrement.

+-

    M. Marc P. Boutin: C'est une décision politique et c'est une question à adresser au ministre.

    En ce qui concerne la survie de l'industrie et la durée de sa survie, c'est sûr qu'il y a un élément majeur, soit celui des conditions de marché. Elles ont été favorables en 2004 dans le marché du bois d'oeuvre et elles demeurent relativement favorables. Il est certain que le fardeau des taxes, des frais juridiques et des ressources comme nous qui nous occupons du dossier pratiquement à plein temps est moins lourd lorsque les marchés sont porteurs.

    Cependant, je vous rappelle que le marché du bois d'oeuvre est un marché cyclique, comme celui des produits forestiers en général. Le jour où il y aura une conjoncture défavorable de marché, l'industrie sera décimée. Ce sont surtout les petites et moyennes entreprises qui en souffriront, mais les grandes entreprises ne seront pas immunisées pour autant.

    Le Québec en particulier, parce que je parle au nom du Québec, a un taux d'investissement négatif dans son stock de transformation de bois et de production de sciage. Autrement dit, on a accéléré la dépréciation et on n'investit même pas suffisamment pour maintenir ce qu'on a. C'est sûr qu'il y a une perte de vitesse sur le plan technologique. C'est une industrie dans laquelle il faut constamment investir. À cause de la perte de compétitivité, le marché est à la baisse.

[Traduction]

+-

    Le président: Pouvez-vous résumer si possible? Je pense que vous y êtes mais on prévoit qu'il y aura un vote et auparavant il est important que nous discutions de notre budget. Je ne sais pas si vous avez fini mais je vous demanderais de résumer votre réponse.

+-

    M. Marc P. Boutin: Je ne vais dire qu'une phrase.

[Français]

    Je vous dirai que le prochain cycle qu'on peut envisager pour 2005 sera très néfaste à l'industrie du sciage.

[Traduction]

-

    Le président: Monsieur Grenier, vouliez-vous ajouter quelque chose? Non?

    Merci beaucoup d'être venus aujourd'hui.

    Excusez-moi d'avoir dû m'absenter mais il s'agissait d'une question personnelle qu'il fallait que je règle. D'après ce que j'ai pu comprendre, la discussion a été très fructueuse. Merci beaucoup.

    Nous allons nous dire au revoir. Nous devons rester ici pour discuter des affaires du comité.

    La séance est levée.