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PACP Rapport du Comité

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LES DÉCISIONS DU GOUVERNEMENT ONT LIMITÉ LE CONTRÔLE PARLEMENTAIRE DES DÉPENSES PUBLIQUES DU RAPPORT DE MAI 2006 DU VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL DU CANADA

Observations and Recommandations

  1. Rôle du contrôleur général

    En 2003, le Bureau du contrôleur général a été reconstitué au sein du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) en tant que section distincte. Le contrôleur général rend compte au président du Conseil du Trésor par l’intermédiaire du secrétaire. Selon le rapport sur le rendement du SCT, le contrôleur général assume les responsabilités suivantes :

    • surveiller toutes les dépenses publiques, notamment examiner et approuver les nouvelles initiatives en matière de dépenses;
    • établir ou examiner les normes et les politiques du gouvernement du Canada en matière de finances, de comptabilité et de vérification;
    • donner l’orientation à suivre pour assurer et exercer les contrôles financiers pertinents et maintenir une saine gestion des ressources à tous les niveaux de la fonction publique fédérale [15].

    Dans le cas qui nous intéresse, le contrôleur général par intérim de l’époque, John Wiersema, a fait savoir qu’il n’était pas d’accord avec le traitement comptable proposé. Le Comité a cependant entendu des témoignages contradictoires à propos des efforts qu’il aurait faits pour exprimer son désaccord à d’autres hauts fonctionnaires du gouvernement. Quoi qu’il en soit, son opinion n’a pas été retenue. Le Comité s’inquiète vivement du fait que l’on n’ait pas suivi les conseils du haut fonctionnaire du gouvernement responsable des normes financières et comptables. Si la responsabilité ultime des rapports financiers revient à l’administrateur général d’un ministère, dans ce cas-ci on aurait dû se ranger à l’opinion du commissaire du Centre des armes à feu du Canada, M. Baker, car de quelle autre façon le contrôleur général peut-il « exercer les contrôles financiers pertinents »?

    Le contrôleur général actuel, M. St-Jean, a proposé une façon d’éviter que ce type de situation ne se reproduise pas dans le futur :

    Ce sont là des circonstances assez inhabituelles, et nous devons nous assurer que ce genre d’imbroglio ou d’erreur ne se reproduise. Nous avons donc mis en place divers plans d’action, notamment un selon lequel le contrôleur général, la prochaine fois qu’il ne sera pas d’accord avec, disons, le sous-ministre, doit aviser ce dernier par écrit de son désaccord au sujet de la comptabilisation envisagée. Cela fera partie de la politique sur les rapports financiers [16].

    Une lettre n’aurait probablement rien changé à la situation et n’aurait constitué qu’une simple preuve écrite de désaccord. Ce serait toutefois une amélioration, vu le manque de preuve documentaire qu’a déploré la vérificatrice générale.

    Dans l’affaire qui nous intéresse, il semble y avoir eu désaccord entre le contrôleur général et l’administrateur général responsable. Cependant, on ne sait pas trop de quelle façon il aurait fallu aplanir ce désaccord ou ce que le contrôleur général aurait pu faire, à part soulever la question. On semble aussi avoir confondu quelque peu les rôles des différents hauts fonctionnaires, étant donné la nature ponctuelle des discussions et l’intervention de la sous-ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile du Canada. Par conséquent, afin que l’on respecte les règles comptables pertinentes au sein du gouvernement, il y aurait lieu de clarifier le mécanisme de règlement des désaccords. Le Comité recommande :

    Recommandation 3
    Que le Conseil du Trésor établisse un protocole clair pour régler les désaccords entre le contrôleur général du Canada et les administrateurs généraux au sujet des normes et conventions comptables.

    En l’occurrence, on n’a pas donné suite à l’avis de la personne chargée de l’application des normes comptables au sein du gouvernement fédéral, le contrôleur général. Le Comité croit qu’il est fondamental que le contrôleur général ait un certain poids au sein de l’appareil gouvernemental et qu’il exerce une autorité correspondant à l’importance des responsabilités qui lui sont confiées. Son rôle devrait être renforcé. Par conséquent, le Comité recommande :

    Recommandation 4
    Que le contrôleur général du Canada représente l’autorité ultime en ce qui a trait à l’interprétation et l’application des normes et conventions comptables au sein du gouvernement du Canada.
  2. Examen des comptes publics par le vérificateur général

    Chaque année, le Bureau du vérificateur général (BVG) examine les états financiers sommaires du gouvernement, appelés Comptes publics du Canada, et la vérificatrice générale donne son avis. Le BVG suit les directives de l’Institut canadien des comptables agréées (ICCA) et analyse les états financiers moyennant un seuil d’importance relative de 0,5 %, ce qui équivaut à environ 1 milliard de dollars sur des dépenses annuelles d’environ 200 millions de dollars. (Le seuil d’importance relative est l’expression utilisée pour décrire l’importance de l’information contenue dans les états financiers pour les décideurs.)

    Après qu’on a eu décidé de ne pas demander de budget supplémentaire pour le Centre des armes à feu du Canada en 2003-2004, il restait à décider comment comptabiliser le passif de 21,8 millions de dollars. Le gouvernement avait l’intention d’inscrire le passif dans la provision centrale des états financiers sommaires. Les membres du Bureau du contrôleur général ont abordé la question de vive voix auprès du BVG et ont même fourni l’avis juridique. Les membres du BVG se sont toutefois penchés sur le bien-fondé de la charge à payer et non sur l’opportunité de la comptabiliser dans le crédit du Centre. Frank Vandenhoven, directeur principal au BVG, a déclaré :

    J’ai examiné l’opinion juridique du point de vue de la comptabilité d’exercice : s’agissait il d’un passif légitime, d’une imputation appropriée, si vous voulez, au surplus du gouvernement à ce moment là. Je n’ai pas cherché à savoir si ça devait être imputé au crédit voté [17].

    Mme Fraser a pour sa part affirmé&bnsp;: « Nous ne vérifions pas les crédits [18]. »

    Étant donné le caractère névralgique du Programme des armes à feu et la mention de la hausse des coûts du programme dans le rapport de 2002 de la vérificatrice générale, il est malheureux qu’on n’ait pas relevé l’importance de ce traitement comptable durant la vérification annuelle des états financiers sommaires du gouvernement. Cependant, comme le BVG examine l’ensemble des états financiers sommaires, la somme de 21,8 millions de dollars n’aurait pas été importante au point de faire l’objet d’une opinion avec réserve. Par ailleurs, la stratégie de vérification par rotation limite les travaux effectués auprès de certains ministères aux travaux de vérification détaillée des secteurs à risque élevé. Cela veut dire que les dossiers financiers du Centre des armes à feu du Canada ont été examinés seulement dans le cadre de la vérification de suivi pour le rapport Le Point de mai 2006.

    Les consultations avec le vérificateur externe sont une pratique courante dans le secteur privé mais elles ne sont pas aussi courantes dans le secteur public, en partie parce que le vérificateur général fait fonction de vérificateur externe au nom du Parlement et non du gouvernement. Le contrôleur général a mis au point un protocole visant à obtenir une opinion de vérification du BVG à l’égard d’une opération comptable complexe et importante avant que l’opération n’ait lieu. Encore faut-il que le gouvernement demande l’opinion du vérificateur externe sur les questions qu’il juge importantes. Le Comité croit qu’il faut trouver une solution plus satisfaisante.

    Le gouvernement a décidé de privilégier la préparation d’états financiers pour chaque ministère et organisme. Cette mesure fera baisser considérablement le seuil d’importance relative et fera en sorte que les petites sommes seront plus susceptibles d’être examinées par les vérificateurs. Comme l’a fait remarquer le contrôleur général au Comité, le secteur public fonctionne dans deux mondes : le monde parlementaire et le monde de la comptabilité. Il est important que le vérificateur externe du gouvernement, soit le vérificateur général, examine les états financiers tant du point de vue comptable que du point de vue des crédits. Par conséquent, le Comité recommande :

    Recommandation 5
    Que le gouvernement du Canada continue de privilégier la préparation d’états financiers pour tous les ministères et organismes et que le Secrétariat du Conseil du Trésor fournisse une échéance pour ce projet au Comité permanent des comptes publics de la Chambre des communes et rende compte des progrès dans son rapport ministériel sur le rendement.
    Recommandation 6
    Que le vérificateur général du Canada soit le vérificateur externe des états financiers des ministères. Que le Bureau du vérificateur général du Canada reçoive des fonds suffisants et, au besoin, un mandat législatif clair en ce sens. Les crédits parlementaires devraient faire partie du programme de vérification des états financiers.
  3. Contrat continu

    La vérificatrice générale signale un autre aspect problématique dans son rapport. L’entrepreneur du projet SCIRAF II a été retenu pour exploiter et entretenir le système pendant 15 ans. La Gendarmerie royale du Canada a l’intention d’étaler la comptabilisation des coûts de développement et de retard engagés dans les crédits annuels des 15 années de la durée de vie du contrat. Comme nous l’avons signalé, à moins de modifier la Politique sur les créditeurs à la fin de l’exercice du Conseil du Trésor, ce traitement comptable n’est pas conforme à cette politique. Le Comité recommande par conséquent :

    Recommandation 7
    Que la Gendarmerie royale du Canada comptabilise au fur et à mesure les coûts de développement et de retard du SCIRAF II dans ses crédits annuels.
  4. Documentation des décisions importantes

    Durant leur vérification, les membres du BVG ont eu de la difficulté à suivre le processus de décision concernant la comptabilisation des coûts du SCIRAF II en 2002-2003 et 2003-2004 parce que des décisions importantes n’avaient pas été documentées. Dans un cas, à la mi février 2004, il semble qu’il y ait eu des interprétations différentes de ce qui avait été décidé à une réunion portant sur la question de savoir si on allait demander un budget supplémentaire pour le Centre en 2003-2004. Étant donné le caractère inhabituel et délicat de la question, le Comité se serait attendu à ce qu’on s’efforce davantage de documenter les décisions. Il a donc été stupéfait de constater que la documentation qui aurait dû accompagner des décisions d’une telle ampleur était inexistante — surtout qu’elles allaient peut être établir un précédent en matière de traitement comptable au gouvernement. Il est malheureux aussi que la réunion dont il a été fait mention plus tôt entre des membres du Bureau du vérificateur général et du Bureau du contrôleur général n’ait pas été documentée.

    Le compte rendu des décisions importantes est important non seulement pour dissiper toute confusion sur ce qui a été décidé, mais aussi parce que les preuves documentaires permettent de reconstituer le processus de prise de décisions et de procéder à une vérification et à un examen indépendants. Le fait de ne pas établir ou conserver de preuves documentaires nuit à la transparence de la fonction publique et a l’avantage de soustraire les principaux intéressés à l’obligation de rendre des comptes lorsque des décisions deviennent controversées. À sa grande consternation, le Comité constate qu’il semble courant aux niveaux hiérarchiques supérieurs de ne pas tenir de procès-verbaux des réunions importantes ou consigner par écrit les décisions de grande portée, puisque que ce n’est pas la première fois qu’une grave omission de la sorte se produit.

    Le juge John Gomery s’est heurté à une difficulté semblable durant son enquête sur le Programme des commandites. Il a conclu dans son rapport que « le manque de transparence du système a permis à certaines personnes de court-circuiter les processus de gestion et d’échapper aux règles d’imputabilité [19] ». Selon lui, la tenue de dossiers devrait être obligatoire au gouvernement, et l’obligation de produire une « piste papier » devrait être plus qu’une politique et être énoncée de manière explicite dans une loi. Le Comité prend très au sérieux les manque de preuves documentaires relevées dans la tenue des dossiers, mais il n’est pas prêt à aller aussi loin. Les règles, la réglementation et même la législation ne sont valables que dans la mesure où leur application l’est. Il existe une politique actuellement mais son respect semble être facultatif.

    Le fait de ne pas consigner par écrit des décisions importantes est contraire à la Politique sur la gestion de l’information gouvernementale du Conseil du Trésor, qui dit que les ministères doivent « document[er] les décisions et les processus décisionnels au fil de l’évolution des politiques, des programmes et des services [20] ». Il appartient aux administrateurs généraux de faire respecter cette politique, mais le Comité déplore que ceux-ci ne soient pas tenus responsables de son application. Il ne sert à rien d’avoir des règles et des politiques, si tout le monde peut y déroger impunément. Par conséquent, le Comité recommande :

    Recommandation 8
    Que toute dérogation apparente à la Politique sur la gestion de l’information gouvernementale du Conseil du Trésor soit passible de graves sanctions pouvant aller jusqu’au renvoi de la fonction publique.

Conclusion

Le traitement comptable des coûts du SCIRAF II par le ministère de la Justice en 2002-2003, puis par le Centre des armes à feu du Canada en 2003-2004, est contraire aux exigences énoncées dans les lois qui sous-tendent les principes fondamentaux d’un gouvernement parlementaire au Canada. Deux de ces exigences figurent respectivement dans la Constitution du Canada et la Loi sur la gestion des finances publiques. Ces lois soulignent l’importance pour le gouvernement d’obtenir l’autorisation du Parlement avant d’engager des dépenses [21].

Le Comité juge très troublant que les auteurs des décisions finales en l’occurrence n’aient pas été conscients de ces considérations ou en aient fait fi au moment de décider de l’approche à prendre. Bien qu’en surface l’aspect comptable et juridique de ces décisions semble peu important, dans les faits, celles-ci ont compromis sérieusement le contrôle des deniers publics par le Parlement et déformé les coûts engagés dans un programme très controversé et névralgique sur le plan politique. Elles ont en outre fait entorse, voire passé outre aux principes comptables appropriés et à la politique du gouvernement lui-même. Le Comité croit fermement que le gouvernement doit agir afin de s’assurer qu’une telle situation ne se reproduise plus jamais.

Le Comité garde l’espoir prudent que cet incident amènera les responsables à comptabiliser les dépenses avec plus de minutie et de probité, dans les limites établies par le Parlement, aux fins du Budget et des lois portant affectation de crédits. Les chances de minutie et de probité, croit le Comité, seront meilleures si on applique les recommandations contenues dans le présent rapport.

[15]
Secrétariat du Conseil du Trésor, Rapport sur le rendement pour 2004-2005, octobre 2005, p. 70.
[16]
Réunion no 5, 13:15.
[17]
Réunion no 5, 13:05.
[18]
Réunion no 5, 11:40.
[19]
Commission d’enquête sur le Programme des commandites et les activités publicitaires, Rétablir l’imputabilité : Recommandations, p. 195.
[20]
Conseil du Trésor du Canada, Politique sur la gestion de l’information gouvernementale, 2003.
[21]
L’article 53 de la Constitution dit : « Tout bill ayant pour but l’appropriation d’une portion quelconque du revenu public, ou la création de taxes ou d’impôts, devra originer dans la Chambre des communes. » L’article 26 de la Loi sur la gestion des finances publiques dit que « tout paiement sur le trésor est subordonné à l’autorisation du Parlement ».