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RNNR Rapport du Comité

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CHAPITRE 1 :
Les sables bitumineux — Aperçu

Contexte économique et géopolitique

L’exploitation des sables bitumineux est attribuable en large part à la robustesse de la demande continentale et mondiale de pétrole brut. La progression marquée de la demande de pétrole et les tensions géopolitiques qu’on observe au Moyen-Orient et ailleurs ont suscité une forte hausse des cours du pétrole ces dernières années (voir le graphique ci-dessous) et contribué à mettre en relief un bon nombre des avantages relatifs des sables bitumineux.

Prix moyen du pétrole brut (WTI au comptant), 1984-2005

Source : BP Statistical Review of World Energy 2006.

Le Comité a été saisi d’informations montrant que la demande mondiale d’énergie va continuer d’augmenter et que les hydrocarbures comme le pétrole et le gaz demeureront les principales sources d’énergie primaire à l’échelle mondiale1. Comme l’a dit un témoin, compte tenu de l’ampleur de la production et de l’utilisation de l’énergie dans le monde aujourd’hui et de l’infrastructure qui existe, les combustibles fossiles pourraient répondre à la majorité des besoins mondiaux en énergie dans un avenir prochain2.

Dans ce contexte, il y a fort à parier que les sables bitumineux occuperont une place de plus en plus importante sur le marché de l’énergie dans les années et les décennies à venir. De plus, l’instabilité politique et les tensions géopolitiques au Moyen-Orient et dans d’autres régions productrices de pétrole font ressortir par comparaison les avantages relatifs des sables bitumineux du Canada. En effet, le climat politique du Canada est extrêmement stable par rapport à celui de nombreux autres pays producteurs de pétrole3.

La ressource

Les sables bitumineux sont un mélange de bitume — une substance lourde et visqueuse qui ressemble à du goudron — et de sable, d’argile et d’eau. La teneur en bitume des sables bitumineux de l’Alberta varie entre 10 et 20 p. 100. Les gisements de sables bitumineux se trouvent en sous-sol, au nord-est de l’Alberta, et couvrent quelque 140 000 kilomètres carrés (soit environ deux fois la superficie du Nouveau-Brunswick). Ils sont exploités dans les régions d’Athabasca, de Cold Lake et de Peace River. D’après des estimations, l’Alberta recèle plus de 1,7 billion de barils de bitume, ce qui, d’après certains analystes, représente des réserves « égales ou supérieures à la totalité des réserves mondiales en pétrole classique »4. Sur ce total, environ 315 milliards de barils seraient potentiellement récupérables. Les réserves établies, c’est-à-dire la portion de la ressource récupérable de manière rentable au moyen de la technologie courante, sont estimées à environ 174 milliards de barils. D’après le Canadian Energy Research Institute, ces réserves « suffiraient à répondre à la demande canadienne en matière de pétrole pendant 250 ans »5. Grâce aux sables bitumineux, le Canada occupe une seconde place enviable sur le plan des réserves de pétrole à l’échelle mondiale, derrière l’Arabie saoudite (voir le graphique).

Réserves de pétrole brut (janvier 2004)

Source :   U.S. Department of Energy, Energy Information Administration. Les chiffres proviennent du Oil and Gas Journal.

On trouve des gisements de sables bitumineux dans d’autres pays aussi, notablement au Venezuela, mais les plus importants se trouveraient au Canada. En outre, le Canada « est la seule région au monde où ces réserves font l’objet d’une exploitation commerciale.6 »

La mise en valeur des sables bitumineux — Une illustration de l’ingénuité canadienne

Les sables bitumineux ont été localisés la première fois par des scientifiques de la Commission géologique du Canada (qui relève maintenant de Ressources naturelles Canada) en 1875, un siècle environ après les premières mentions d’observation de bitume sur les rives de la rivière Athabaska par des commerçants de fourrures et des explorateurs7. Mettant à profit les connaissances acquises dans les années 1930 et 1940 suite à la construction, par l’État et l’entreprise privée, de petites usines d’exploitation des sables bitumineux, la Great Canadian Oil Sands (maintenant propriété de Suncor Energy Inc.) a ouvert en 1967 une usine située au nord de Fort McMurray en Alberta. On disait à l’époque de cet ouvrage d’envergure commerciale, le premier en son genre, d’une capacité de production de 45 000 barils par jour, qu’il représentait le plus grand pari de l’histoire et une incursion audacieuse dans un domaine inconnu8. Une seconde usine, plus importante, établie à proximité, à Mildred Lake en Alberta, par le consortium Syncrude, une entreprise mixte publique-privée, est entrée en production en 1978.

La mise en valeur des sables bitumineux est souvent présentée comme une réussite canadienne. Il a en effet fallu passablement de clairvoyance d’abord et d’innovation ensuite pour réaliser les travaux de recherche et de développement qui ont permis de trouver comment séparer le bitume du sable dans lequel il est emprisonné et mener les projets au stade de l’exploitation commerciale. Comme l’a dit Jim Carter, président-directeur général de Syncrude :

Nous parlons ici de recherche-développement effectuée ici même, au Canada. Ce sont des inventions de notre cru qui permettent d’extraire le bitume du sable et de le transformer en un produit viable qui soit commercialisable sur le marché. Si nous n’avions pas commencé tout ce travail il y a 30 ans, nous serions dans de beaux draps du point de vue de notre approvisionnement en pétrole brut […] Je pense donc que nous avons eu beaucoup de chance; nous sommes les pionniers. Je peux vous dire, d’après mon expérience personnelle […] Cela fait 28 ans que je travaille chez Syncrude Canada et que je vis chaque jour à Fort McMurray, et les 15 premières années nous nous échinions dans l’obscurité. Personne ne croyait que nous pouvions réussir. Nul ne croyait que nous pouvions en faire une entreprise viable, notre travail était perçu comme une curiosité scientifique. Grâce à cet effort et à cette énergie, la mise en valeur se fait et nous continuons à investir dans la R-D […] Je pense que le Canada serait dans une situation bien moins enviable aujourd’hui si les sables bitumineux n’avaient pas été mis en valeur — et c’est vrai de tout le Canada. Une bonne partie de notre production part dans les raffineries de la région d’Edmonton, mais une partie va aussi à Sarnia et franchit les montagnes jusqu’à la côte ouest. Ce produit alimente tout le pays et va réellement contribuer à la sécurité énergétique du pays9.



[1]       Michael Raymont, Energy Innovation Network, Témoignages, 26 octobre 2006.

[2]       Ibid.

[3]       Jim Donihee, Office national de l’énergie, Témoignages, 24 octobre 2006.

[4]       Marwan Masri, Canadian Energy Research Institute, Témoignages, 24 octobre 2006.

[5]       Ibid.

[6]       Howard Brown, Secteur de la politique énergétique, Ressources naturelles Canada, Témoignages, 19 octobre 2006.

[8]       Suncor Energy Inc., http://www.suncor.com/default.aspx?ID=9.

[9]       Jim Carter, Syncrude, Témoignages, 21 novembre 2006.