propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
-- Monsieur le Président, je suis ravi d'intervenir au sujet du projet de loi qui propose le renversement du fardeau de la preuve dans d'autres situations pour ce qui est de la mise en liberté en cas d'infraction mettant en jeu une arme à feu.
[Français]
Le droit procédural est un sujet important parce qu'il concerne le fonctionnement même de nos cours en matière pénale.
[Traduction]
Au cours de la présente session parlementaire, notre gouvernement a présenté dix projets de loi pour renforcer ou améliorer le système de justice pénale au Canada. Nous avons pris des mesures pour augmenter les peines minimales obligatoires dans le cas d'infractions commises avec des armes à feu, pour interdire la détention à domicile dans les cas d'infractions graves, pour lutter contre les courses de rue, pour imposer des conditions plus sévères aux délinquants dangereux et pour adapter à la réalité du XXIe siècle les lois sur la conduite avec facultés affaiblies.
Au Canada, la loi prévoit qu'on ne peut refuser sans motif valable la liberté sous caution à une personne accusée d'une infraction. Cela signifie que l'accusé doit être libéré à moins que la Couronne ne fasse la preuve qu'il est justifié de le garder en détention jusqu'à son procès. L'accusé peut occasionnellement être tenu de montrer pour quelles raisons la détention avant le procès est injustifiée. On parle alors d'inversion du fardeau de la preuve.
Le Parlement a déjà prévu plusieurs dispositions d'inversion du fardeau de la preuve dans le cas d'enquêtes sur le cautionnement. Ce principe a initialement été introduit dans le Code criminel en 1976. Quand il élabore des dispositions sur l'inversion du fardeau de la preuve, le Parlement doit trouver un juste équilibre entre les droits de l'accusé à des conditions raisonnables de libération sous caution, la nécessité d'assurer la sécurité des Canadiens et le maintien de la confiance dans l'administration de la justice.
Le Code criminel énonce trois motifs pouvant justifier la détention d'un accusé avant son procès: premièrement, pour s'assurer qu’il sera effectivement traduit devant la justice et qu'il ne fuira pas ses juges; deuxièmement, pour protéger le public quand il existe un risque important que l'accusé récidive après sa remise en liberté sous caution ou qu’il entrave le cours de la justice; troisièmement, si la détention s'impose pour ne pas miner la confiance du public envers l'administration de la justice.
Le projet de loi est tout à fait conforme aux principes qui sous-tendent le régime de la libération sous caution en vigueur au Canada. Je vais prendre une minute pour commenter les propositions contenues dans le projet de loi.
Le projet de loi C-35 renverse le fardeau de la preuve pour huit infractions graves mettant en jeu des armes à feu: la tentative de meurtre, le fait de décharger une arme à feu avec intention de blesser, l'agression sexuelle commise armée, l'agression sexuelle grave, l'enlèvement, la prise d'otage, le vol qualifié et l'extorsion.
Ces crimes graves sont assortis d'une peine minimale obligatoire de quatre ans d'emprisonnement et, en vertu du projet de loi , ce minimum peut, selon les circonstances, être porté à cinq ans pour une première infraction, à sept ans pour une deuxième infraction et, si le délinquant n'a encore pas compris le message, à 10 ans pour une troisième infraction ou toute autre infraction subséquente.
Le projet de loi renverse également le fardeau de la preuve pour n'importe quelle infraction commise avec une arme à feu ou une autre arme réglementée pendant que l'accusé était visé par une ordonnance d'interdiction de port d'arme.
Dans le cas de plus de 70 infractions, des ordonnances obligatoires d'interdiction de port d'arme sont prises contre les condamnés, plus précisément dans les cas d'actes criminels avec violence, menace ou tentative de violence contre la personne, auxquels cas la peine minimale d'emprisonnement est de 10 ans, d'infractions commises avec arme à feu, de trafic, contrebande ou production de drogue.
En d'autres mots, les ordonnances obligatoires d'interdiction de port d'arme sont prises contre les délinquants reconnus coupables de crimes violents, d’infractions en matière de drogue ou d'infractions graves commises à l'aide d'une arme.
Les tribunaux sont habilités à émettre une ordonnance d'interdiction en cas d'inculpation pour d'autres crimes moins graves s'ils le jugent appropriés au nom de la sécurité publique. On parle alors d'ordonnance discrétionnaire d'interdiction de port d'arme qui demeure en vigueur jusqu'à 10 ans. Les ordonnances obligatoires d'interdiction de port d'arme, elles, demeurent en vigueur au moins 10 ans et, dans bien des cas, elles s'appliquent à vie.
À noter qu'une ordonnance d'interdiction de port d'arme peut être prise contre une personne même si celle-ci n'a pas été accusée ou reconnue coupable d'une infraction criminelle.
Il est possible, à titre préventif, d'obtenir du tribunal qu'il interdise à une personne de posséder des armes à feu ou d'autres armes réglementées. Si un agent de la paix ou un préposé aux armes à feu a des motifs raisonnables de penser qu'il n'est pas souhaitable ou qu'il est contraire à la sécurité publique qu'une personne possède des armes à feu ou d'autres armes, il lui est possible de faire émettre une ordonnance d'interdiction de possession qui peut demeurer en vigueur jusqu'à cinq ans.
Les ordonnances d'interdiction concernant les armes à feu sont d'importants outils de notre droit pénal, car elles permettent d'éviter les actes de violence commis avec une arme à feu, qu'il s'agisse d'un homicide à l'aide d'une arme à feu ou d'un des nombreux autres crimes mettant en jeu une arme à feu, sans compter les accidents et les suicides.
Je tiens à souligner que l'on compte actuellement au Canada quelque 35 000 ordonnances d'interdiction en vigueur, qu'il s'agisse d'ordonnances obligatoires ou discrétionnaires imposées à la suite d'infractions criminelles ou à titre préventif au nom de la sécurité publique.
Par conséquent, cette proposition, qui prévoit l'inversion du fardeau de la preuve dans le cas de toute personne accusée d’un acte criminel mettant en jeu une arme, a une portée très large si cette personne est déjà sous le coup d’une interdiction de posséder des armes à feu, compte tenu du grand nombre de délinquants actuellement assujettis à une ordonnance d’interdiction.
L’idée d’appliquer l'inversion du fardeau de la preuve pour les personnes accusées d’avoir perpétré une infraction grave mettant en jeu une arme à feu pendant qu’elles sont sous le coup d’une ordonnance d’interdiction est judicieuse. Il s’agit de personnes qui ont déjà été considérées par un tribunal comme présentant une menace pour la sécurité du public. C’est d’ailleurs pourquoi l’ordonnance d’interdiction a été imposée au départ.
Ces personnes ne devraient pas bénéficier d’un droit présumé à la remise en liberté sur cautionnement alors qu’elles ont démontré leur incapacité de se conformer à une ordonnance judiciaire sur une question directement pertinente, à savoir leur présumée récidive impliquant une arme à feu, et ce, en contravention directe d’une ordonnance judiciaire toujours en vigueur leur interdisant de se trouver en possession d’une arme à feu.
Les tribunaux doivent être tenus de se pencher sérieusement sur ce genre de cas. C’est au prévenu que devrait incomber le fardeau de démontrer pourquoi on n’est pas justifié de le garder en détention.
Je me rends compte que j’ai épuisé une bonne partie de mon temps de parole sur ce point, mais je crois que c’est un important élément de ce projet de loi. Comme je l’ai dit précédemment, du point de vue de la sécurité publique, cette disposition est judicieuse.
Le projet de loi crée également une inversion du fardeau de la preuve pour les trois infractions graves suivantes mettant en jeu des armes à feu, à savoir la contrebande d’armes à feu, le trafic d’armes à feu ou la possession d’une arme à feu à des fins de trafic.
Bien que ces infractions ne comportent pas vraiment l’utilisation d’une arme à feu, ce qui mettrait directement en danger la sécurité du public, elles n'en constituent pas moins des infractions graves.
Les personnes qui sont impliquées dans le trafic et la contrebande d’armes à feu sont responsables de la fourniture illégale d’armes à des gens qui ne peuvent pas légalement en posséder et qui les utiliseront fort probablement à des fins criminelles.
Nous avons également un problème avec le marché noir où des armes qui ont été volées en territoire canadien ou qui y sont entrées en contrebande sont vendues à des gens qui ne sont pas en droit d’en posséder. Nous voulons nous attaquer à ces individus qui font le trafic des armes à feu et nous tenons à ce que ce projet de loi s’applique à eux.
Aujourd’hui au Canada, les membres de gangs de rue et les trafiquants de drogue se munissent d’armes à feu, habituellement d’armes de poing, ce qui crée la demande d’armes illégales. Ces groupes illégaux sont bien organisés et ont des modes de fonctionnement raffinés.
Les agents chargés d’appliquer la loi nous disent que, dans certains cas, de la drogue est d'abord passée en contrebande aux États-Unis pour y être vendue, après quoi les recettes sont utilisées pour acheter des armes qu’on entre en contrebande au Canada. Ces mêmes agents nous disent également que, croyez-le ou non, certains trafiquants d’armes à feu vont même jusqu’à louer des armes pour la nuit.
Nous avons une disposition liée à l'inversion du fardeau de la preuve qui vise actuellement les personnes accusées de trafic et de contrebande de drogue. Il n'existe aucun motif valable pour ne pas appliquer la même disposition aux personnes accusées de trafic et de contrebande d'armes à feu. Du point de vue de la sécurité publique, bien que les trafiquants d'armes à feu ne soient pas nécessairement ceux qui appuient sur la gâchette et qui causent la mort d'une personne, ils jouent certes un rôle important dans le problème des homicides commis à l'aide d'armes à feu.
En plus des dispositions relatives à l'inversion du fardeau de la preuve, le projet de loi propose d'autres facteurs que les tribunaux doivent prendre en considération pour déterminer si l'accusé devrait être détenu avant le procès, afin de préserver la confiance dans l'administration de la justice. Ainsi, les tribunaux doivent tenir compte des facteurs suivants: s'il est présumé que l'accusé a utilisé une arme à feu lors de la perpétration d'une infraction; ou si l'accusé encourt une peine minimale d'emprisonnement d'au moins trois ans.
En ce qui concerne cette disposition, appelée « motif tertiaire », il convient de noter qu'on supprime de la disposition actuelle certains termes jugés trop vagues, pour faire suite à la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Hall. On supprime donc l'expression « il est démontré une autre juste cause et, sans préjudice de ce qui précède ».
Nous savons que les Canadiens craignent que des délinquants violents qui utilisent des armes à feu ne soient remis en liberté dans la collectivité. Le projet de loi a pour objet d'empêcher que des personnes libérées sous caution ne commettent d'autres infractions, particulièrement des infractions violentes, à l'aide d'armes à feu.
Le projet de loi vise à renforcer le régime actuel de cautionnement en le rendant plus efficace en ce qui concerne les crimes graves commis à l'aide d'armes à feu, et il le fait en conformité avec la Charte canadienne des droits et libertés. L'alinéa 11e) de la Charte reconnaît le droit de ne pas être privé sans juste cause d'une mise en liberté assortie d'un cautionnement.
La Cour suprême du Canada reconnaît qu'il existe des situations où l'inversion du fardeau de la preuve est nécessaire pour empêcher un prévenu de s'enfuir ou de récidiver pendant une mise en liberté sous caution, par exemple, dans les cas de trafic de drogue.
J'estime que ces réformes du cautionnement constituent une approche logique et conforme à la Constitution pour s'attaquer aux graves problèmes liés aux armes à feu et aux gangs qui existent actuellement dans nos collectivités.
Les agents de police, les gouvernements provinciaux et quelques municipalités qui participent très directement à la lutte contre le crime expriment depuis un certain temps de sérieuses préoccupations au sujet de la remise en liberté avant leur procès des individus mêlés à des crimes commis avec des armes à feu ou liés à des gangs. Le régime de cautions plus sévère en cas de crimes commis avec une arme à feu répond à leurs préoccupations.
Les individus qui appartiennent à des gangs criminalisés peuvent facilement remettre la main sur des armes illégales et reprendre leurs activités criminelles, qui tournent habituellement autour du trafic de drogue et des guerres intergangs.
Les propositions se rapportent aux infractions graves commises avec des armes à feu, particulièrement par des individus à qui il est déjà interdit de posséder des armes à feu et d'autres armes.
Les mesures sont bénéfiques pour les victimes et leur famille, ainsi que pour les témoins qui peuvent hésiter à communiquer des renseignements ou à témoigner de crainte de représailles. Il est important qu'ils soient encouragés à collaborer avec les autorités et le fait de savoir que l'accusé est derrière les barreaux peut les y inciter.
Les mesures sont également bénéfiques pour l'ensemble des Canadiens. Le projet de loi rétablira la confiance des Canadiens dans l'administration de la justice. Le projet de loi confirme la détermination du gouvernement à faire en sorte que le système de justice pénale du Canada protège bien la sécurité de la population.
Il importe de souligner que la réforme du système de cautions s'inscrit dans un plan plus vaste visant les armes et la violence attribuable aux gangs. Le plan du gouvernement prévoit des interventions à différents niveaux. Nous avons pris des mesures pour qu'il y ait davantage de policiers dans nos rues et à nos postes frontière, y compris des douaniers armés, pour aider à lutter contre la contrebande d'armes et les autres trafics.
Nous avons prévu des ressources pour aider à prévenir le crime et à empêcher que des jeunes à risque s'associent à des gangs ou se mêlent de trafic de drogue. Comme il a été dit plus tôt, nous avons proposé d'imposer des peines plus lourdes aux auteurs de crimes graves commis avec une arme à feu et des peines particulièrement lourdes pour ces criminels en cas de récidive.
Le nouveau gouvernement du Canada a promis de s'attaquer au crime afin de rendre nos rues plus sûres.
Le projet de loi vise les infractions graves commises au moyen d'une arme à feu et répond à la préoccupation croissante devant la contrebande d'armes. Le projet de loi vise aussi les récidivistes et propose de renverser le fardeau de la preuve dans le cas de tous les actes criminels commis au moyen d'une arme à feu ou d'une autre arme réglementée alors que l'auteur du crime était frappé d'une interdiction de possession d'arme.
Notre gouvernement est minoritaire, aussi nous faut-il l'appui de tous les partis politiques. Je dirai qu'il ne suffit pas de parler de lutte contre le crime pendant une campagne électorale, il faut également en parler ici, au Parlement. Je crois que le projet de loi contribuerait à rendre les rues et les collectivités canadiennes plus sûres.
:
Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi .
Avant d'aller plus loin, je crois qu'il est très important de comprendre ce que le projet de loi tente d'accomplir, particulièrement dans le cas de la version qui nous présentement proposée en cette Chambre.
[Traduction]
Il est proposé dans le projet de loi que soient modifiées les dispositions du Code criminel concernant la libération sous caution et que soit renversé le fardeau de la preuve si l'inculpé est accusé d'un des crimes suivants, qui sont regroupés, si l'on veut, dans quatre catégories d'infractions.
Le premier groupe comprend huit infractions graves perpétrées avec une arme à feu: tentative de meurtre, vol, décharge d'une arme à feu avec l'intention de blesser, agression sexuelle avec une arme et agression sexuelle grave, enlèvement, prise d’otage et extorsion.
Le deuxième groupe comprend les actes criminels punissables par mise en accusation perpétrés avec une arme à feu ou une arme réglementée, l'accusé étant sous le coup d'une ordonnance d'interdiction. Le ministre a longuement parlé de ce deuxième groupe, mais le projet de loi vise plusieurs types d'infractions.
Un autre groupe d'infractions comprend le trafic d'armes à feu, la possession d'armes à feu aux fins de trafic et la contrebande d'armes à feu.
Encore une fois, nous voudrions comparaître devant le comité et le comité législatif, si j'y siège, pour demander au gouvernement ce qu'il fait pour arrêter le trafic et l'importation d'armes à feu dans notre pays.
Toutes ces infractions sont graves. Nous devons nous occuper des personnes accusées de l'une ou l'autre de ces infractions avec le plus grand soin pour nous assurer que ces dangereux individus ne causent plus de tort à la société. Je pense que tous à la Chambre souscrivent à ce principe. Je vois que le député de est d'accord là-dessus.
Nous devons aussi nous rappeler qu'au Canada tous sont innocents jusqu'à preuve du contraire. Ces droits, comme la présomption d'innocence et le droit de ne pas être privé sans juste cause d'une mise en liberté assortie d'un cautionnement raisonnable prévu à l'alinéa 11d) de la Charte, sont fermement garantis par notre Constitution. Même si, dans notre système, l'accusé est présumé innocent tant qu'il n'est pas déclaré coupable, il y a des raisons qui justifient le refus d'une mise en liberté sous caution dans notre société. Ainsi, cela peut être fait pour veiller, pour les trois motifs de la libération sous caution, à assurer la sécurité de la société.
Le premier motif de refus de la mise en liberté sous caution est clairement le risque que l'accusé prenne la fuite. L'accusé quittera-t-il le territoire? Le deuxième motif a trait à la protection du public. Le troisième, bien que quelque peu ambigu, mais prévu dans le Code criminel depuis un certain temps, est la question de savoir si la remise en liberté serait de nature à miner la confiance du public envers l’administration de la justice. C'est le troisième motif et c'est celui dont nous devrions nous préoccuper le plus, car il s'agit de la façon dont le public perçoit le fonctionnement de notre système de justice.
J'ajouterais que le gouvernement, mais pas avec ce projet de loi toutefois, n'aide pas du tout les gens des collectivités, des villes, des villages et des localités rurales à se sentir en sécurité. Il joue au prophète de malheur et incite les Canadiens à avoir peur de situations qu'ils n'ont pas lieu de craindre.
Les députés devraient agir comme bastions, comme protecteurs du Code criminel et du système de justice pénale. Nous devrions dire à la population que le Code criminel du Canada fonctionne, que le système de justice tel que le Canada l'administre fonctionne et que notre pays est sûr.
Revenons au projet de loi . Si une personne est accusée d'un acte criminel commis alors qu'elle avait été libérée par rapport à une autre inculpation d'acte criminel; si la personne ne se présente pas devant le tribunal ou ne respecte pas des conditions de mise en liberté; si elle est accusée de faire partie d'un groupe de crime organisé ou d'un groupe terroriste ou si elle est accusée d'une autre de ces infractions graves, comme le trafic de stupéfiants et le passage de réfugiés clandestins; ou si l'accusé ne réside pas habituellement au Canada, on renverse déjà le fardeau de la preuve. On peut voir dans le Code criminel, tel qu'on l'a interprété dans l'affaire Procureur général du Québec c. Edwin Pearson, que la Cour suprême du Canada a déjà abordé les dispositions de renversement du fardeau de la preuve. Elles figurent dans le Code criminel depuis un bon moment, à la suite d'une décision majoritaire de 1992.
J'espère que personne ne sortira d'ici pour aller dire à la population, à la presse ou à ses électeurs qu'il s'agit d'une nouvelle loi. Ce n'est pas le cas. C'est un élargissement des dispositions législatives qui figurent dans le code. Je vais me montrer non partisan en disant que le Code criminel a été créé par des gouvernements conservateurs et libéraux et que c'est un premier ministre conservateur qui l'a rédigé. Ce sont les meilleures dispositions législatives jamais présentées par les conservateurs. Le code remonte au XIXe siècle; voilà qui en dit long sur l'évolution des prouesses législatives des conservateurs.
Néanmoins, ces élargissements sont très opportuns. Si on les définit correctement, je suis sûr que le comité législatif, dans sa sagesse, peaufinera le projet de loi et posera les questions qui s'imposent.
Il est bien de voir à nouveau des gouvernements conservateurs suivre l'exemple des libéraux et proposer de bonnes mesures de droit pénal.
Depuis les dernières élections, le gouvernement conservateur ne parle que de rendre le Canada plus sûr. Il tente de convaincre les Canadiens que nos villes et nos villages sont remplis de gangs et de criminels dangereux qui arpentent les rues le soir, armés jusqu'aux dents, prêts à tirer sur tout ce qui bouge. Ce n'est pas là la réalité.
[Français]
Dans les faits, le taux de criminalité a diminué au cours des années au Canada. Bien sûr, il reste encore beaucoup de travail à faire, et rien n'est parfait. Mais, contrairement à l'image que le gouvernement conservateur tente de projeter, le Canada n'est pas une ville du Far West où le chaos règne en maître.
[Traduction]
Le gouvernement conservateur semble aussi croire que tous les criminels en attente d'un procès sont en liberté dans nos collectivités, mais les chiffres de Statistique Canada nous dépeignent une autre situation. Depuis 2004, il y a eu 125 871 Canadiens emprisonnés et en attente d'un procès, peut-être davantage. Près de 84 000 étaient derrière les barreaux à purger une peine. Il y a un grand nombre d'individus qui ne sont pas libérés sous caution et qui attendent leur procès, même si les nouvelles donnent une autre image de la situation. Le système des libérations sous caution fonctionne, même s'il pourrait être un peu amélioré. Le projet de loi sera renvoyé à un comité qui prendra le temps nécessaire pour en discuter.
Le gouvernement essaie de convaincre les Canadiens qu'il est difficile de mettre fin à la criminalité et à la violence, mais les faits le démentent. Il y a toute une série de projets de loi liés à la justice devant les comités. Plutôt que de procéder au moyen d'un projet de loi omnibus, le gouvernement, lorsqu'il aura terminé, aura sans doute présenté 20 projets de loi parce qu'il y aura eu 20 manchettes sur des actes criminels.
Dans tous les projets de loi liés à la justice, nous n'en trouvons pas un seul qui vise à prévenir le crime. Il n'y a pas un seul projet de loi à l'étude à la Chambre ou devant un comité qui porte expressément sur la prévention du crime et de la violence.
Et puis, nous avons constaté que des peines plus lourdes ont été imposées. Il me suffira sur ce point de signaler à la Chambre qu’il y a un mois de cela, le juge Sylvio Savoie de la Cour provinciale à Moncton, a condamné un récidiviste de l'alcool au volant à une peine de cinq ans tandis que la poursuite n'en réclamait que quatre. Il faut parler de tous ces cas où des juges appliquent leur pouvoir discrétionnaire pour imposer des peines plus lourdes que celles réclamées, parce que ça existe. Il faut présenter les faits objectivement.
Nous avons vu passer toute une série de mesures législatives destinées à en mettre plein la vue. Dans un nouvel esprit de collaboration, j'ai l'impression que les conservateurs se sont enfin rendu compte qu'ils doivent présenter des projets de loi qui franchiront l'étape de l'étude en comité. C'est un gouvernement minoritaire qui doit faire des compromis. Cela étant, et compte tenu du fait que les autres partis estiment que les projets de loi concernant la justice sont trop importants pour devenir motif à politicaillerie, je pense que ce projet de loi est récupérable.
Il faut expliquer ce projet de loi du point de vue de la perception du public; il faut dire qu'il n'est pas une panacée et qu'on ne refusera pas systématiquement la liberté sous caution aux personnes accusées d'avoir commis un crime. Il y aura encore les trois motifs. Le projet de loi prévoit le renversement de la preuve qui, selon moi, sera confirmé par les jugements R. c. Pearson et R. c. Hall. Malheureusement, je n'ai pas eu la possibilité de poser la question au ministre de la Justice et je ne l'ai pas non plus entendu déclarer, dès le début, s'il avait reçu un avis juridique du ministère du Procureur général quant à la constitutionnalité de cette mesure.
Je ne dis pas ça pour rien. Quand on considère que la Cour suprême du Canada a rendu une décision partagée en 1992 relativement à la constitutionnalité du droit à un procès équitable et à la libération sous caution, et que ce jugement a été suivi par l'arrêt R. c. Hall sur l'impact de l'inversion du fardeau de la preuve sur les procédures d'audience en vue d'une libération sous caution, il y a de bonnes raisons de se demander si le projet de loi est constitutionnel. J'espère que, ici ou ailleurs, le ministre sera en mesure de répondre à la question que lui a posée notre porte-parole en matière de justice, la députée de , au sujet de la constitutionnalité de ce texte.
Nous devons savoir, les Canadiens doivent savoir si les dispositions législatives proposées par les conservateurs sont plus qu'une reprise du communiqué de presse publié le soir précédant le dépôt du projet de loi. Nous devons savoir si ce projet de loi est suffisamment fondé en droit pour résister à une contestation judiciaire.
Lors de la conférence de presse du 23 novembre dernier, à Toronto, le du Canada a déclaré, à propos de cette même ville, que près de 1 000 crimes avec usage d'armes à feu ou d'armes à autorisation restreinte avaient été commis jusque-là durant l'année. Je ne peux m'empêcher de me demander comment il se fait que tant d'armes soient en circulation et je crois que les députés ont posé les bonnes questions au ministre. Que fait-on pour sévir contre le trafic et l'importation d'armes au Canada?
Les conservateurs peuvent toujours déblatérer contre l'horrible registre des armes d'épaule, mais quelle autre solution y a-t-il? Que font-ils pour retirer ces armes de la rue, pour les saisir à la frontière et pour les retirer de la circulation? Même si je pense que le projet de loi est une bonne mesure en principe, j'estime qu'il n'empêchera pas l'importation d'armes à feu dans notre pays.
Même si j’estime que le projet de loi est en principe une bonne mesure législative, il n’aura pas pour effet d’empêcher ceux qui font entrer des armes au Canada de posséder des armes à feu. Généralement parlant -- et je crois qu’il s’agit là d’une question non partisane --, ce n’est pas l’adoption d’une nouvelle loi par le Parlement canadien qui peut dissuader les trafiquants d’armes de poursuivre leurs activités. Bon nombre des armes qui circulent dans les rues de nos villes proviennent de la contrebande. Par conséquent, l'inversion du fardeau de la preuve prévue dans les dispositions du projet de loi C-35 portant sur la remise en liberté sous caution semble poser un véritable défi ayant trait à la question de savoir dans quelle mesure le projet de loi permettra de réduire en général le nombre d’armes à feu en circulation. Nous devons nous poser ces questions.
Que fait le gouvernement en ce qui concerne l’approche du au regard de la délivrance de permis de possession d’armes à feu valides à vie? Le chef Blair a rendu à ce sujet un témoignage très éloquent devant le Comité permanent de la justice et des droits de la personne à Toronto. Il a dit qu’avec les lois existantes, essentiellement le Code criminel du Canada, et avec les ressources budgétaires appropriées, lui et ses policiers ont très bien réussi à supprimer les armes à feu des rues de certains quartiers de Toronto.
La question qui se pose alors est la suivante. Où sont les ressources qui permettront de mettre en oeuvre le programme conservateur en matière de justice. Tout ce qui est proposé entraînera des dépenses. Où prendra-t-on l’argent? Où sont les plans et les évaluations de coûts qui devraient accompagner tous ces projets de loi? Ce sont de bonnes questions auxquelles le ministre et d’autres devront répondre à l’étape de l’étude en comité.
[Français]
Des peines plus sévères et le renversement du fardeau de la preuve relativement à la mise en liberté, tel que proposé par le projet de loi , sont de bonnes mesures. Nous appuyons ces mesures mais elle n'aideront pas à prévenir le crime ni à faire du Canada et des communautés canadiennes des endroits plus sécuritaires à long terme.
[Traduction]
Comme législateurs, nous avons la responsabilité de nous demander comment prévenir la criminalité. Malheureusement, de nombreuses questions demeurent sans réponse quand nous analysons le projet de loi . L’argent des Canadiens serait-il mieux dépensé s’il servait à la prévention, à mettre davantage de policiers dans nos rues? Par exemple, serait-il plus efficace d’affecter davantage d’agents de police dans des endroits stratégiques que de jeter davantage d’individus en prison et de leur nier le droit d’être remis en liberté sous caution?
Je vais porter à l’attention de la Chambre l’article de Bruce McMeekin paru dans le Globe and Mail du 24 janvier dernier. Il est très important de se dire que cet article est généralement favorable au projet de loi et que peut-être le public pensera que le projet de loi aurait pu prévenir certains des pires cas de tueries et de crimes commis à l’aide d’armes à feu survenus dans notre histoire.
Dans le cas de l’incident du Boxing Day à Toronto et d’autres événements qui se sont produits dans cette région, le projet de loi n’aurait pas forcément empêché la perpétration de ces crimes. Les dispositions actuelles sur la mise en liberté sous caution auraient peut-être pu les prévenir si l’audience judiciaire s’était soldée autrement.
Ce qu’il est important de se rappeler, c’est que l’accusé aura encore la possibilité d’être libéré sous caution. La remise en liberté sous caution sera accordée même si une personne est accusée pour une seconde fois d’un des crimes énumérés dans la loi. L'inversion du fardeau de la preuve n’a trait qu’à la possibilité d’être libre ou de ne pas l’être en attendant le procès. Il n’a rien à voir avec la culpabilité ou l’innocence.
Selon les dispositions actuelles qui concernent l'inversion du fardeau de la preuve, la norme de preuve dépend de la prépondérance des probabilités. Des accusés pourront toujours, avec l'aide d'un avocat, obtenir une mise en liberté sous caution, ce qui n'aurait peut-être pas été le cas dans des situations précédentes.
Nous sommes favorables au renvoi du projet de loi au comité législatif. Nous aurons beaucoup de questions à poser. Les parlementaires, de par le serment qu'ils ont prêté à la Chambre, ont l'obligation devant les Canadiens de témoigner de façon équitable du bon fonctionnement de notre système de justice et de dire que les exceptions à la règle ne sont pas nécessairement la règle. Les exceptions à la règle sont rares. Lorsque des crimes graves sont commis contre des personnes que nous connaissons, contre des proches, nous prenons cela très au sérieux et c'est fort malheureux, mais cela ne veut pas dire que nous jetons le bébé avec l'eau du bain. Cela ne veut pas dire que tout ce que nous avons fait auparavant pour lutter contre la criminalité a été inutile.
Quand quelqu'un, en face, dira-t-il que le système de justice pénale fonctionne à bien des égards? Quand quelqu'un dira-t-il que, en jouant avec les dispositions concernant le cautionnement et en renvoyant le projet de loi au comité, nous ne l'appuyons nullement dans son intégralité et nous avons beaucoup de questions à poser au sujet de ce projet de loi? Quand un député d'en face et le vont-ils dire qu'ils appuient le bon travail qu'ont accompli dans le système de justice pénale tous les intervenants, les procureurs de la Couronne, les agents de libération conditionnelle, les juges, surtout, auxquels le gouvernement s'attaque constamment? Quand le gouvernement va-t-il dire que nos collectivités sont sûres?
Nous devons travailler à les rendre plus sûres. Je présume que, il y a 100 ans, les parlementaires essayaient également de faire cela lorsqu'ils ont adopté des révisions au Code criminel. Personne à la Chambre ne veut des lois plus faibles et des collectivités peu sûres.
Le projet de loi sera sans aucun doute renvoyé au comité législatif et il sera critiqué à bien des égards. Il comporte beaucoup d'échappatoires qu'il faudra prendre en considération.
Bref, nous sommes heureux de commenter le projet de loi, mais beaucoup de questions seront posées au comité. J'espère que le ministre, le secrétaire parlementaire et les membres de ce comité législatif seront prêts à entendre ces questions.