La Chambre reprend l'étude de la motion.
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Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre part au débat sur cette motion qui touche les opérations militaires en Afghanistan, d'autant plus que plusieurs militaires de la 3
e Escadre de Bagotville de mon comté de participent activement aux efforts de cette mission. Je veux saluer leur courage et leur générosité.
Peu importe les désaccords qu'il peut y avoir entre les députés dans la Chambre des communes au sujet de la mission en Afghanistan, les hommes et les femmes qui sont sur le terrain gardent notre confiance. Il ne s'agit pas non plus de demander un retrait anticipé des troupes avant 2009. Le Canada a le devoir de prévenir ses alliés avant de retirer ses troupes d'Afghanistan, car l'échéancier de 2009 approche rapidement. C'est essentiellement ce que la motion propose.
De notre côté, même si nous appuyons la motion, nous proposons un rééquilibrage des opérations en Afghanistan, notamment en ce qui a trait à la stratégie du Canada pour soutenir la paix dans ce pays, et au mandat et aux méthodes des Forces armées canadiennes.
Les populations canadienne et québécoise sont largement divisées sur la question de la présence militaire en Afghanistan. La nation québécoise a des valeurs et des intérêts qui lui sont propres, et à chaque fois que le Bloc québécois doit prendre position, que ce soit sur une motion ou sur une loi, il doit toujours se poser cette question: est-ce dans l'intérêt du Québec? Suis-je pour ou contre? À chaque fois, nous tentons d'examiner ce que ferait le gouvernement d'un Québec souverain. C'est pourquoi le débat d'aujourd'hui est très important.
Je crois qu'à la lumière des débats d'aujourd'hui, un rééquilibrage de la mission en Afghanistan est nécessaire. L'objectif de fond de la coalition internationale et des pays de l'OTAN doit être de reconstruire l'économie et la démocratie, et de faire de l'Afghanistan un État viable. Pour y arriver, le Canada doit jouer un rôle de leader dans la distribution et la répartition de l'aide humanitaire pour la reconstruction de ce pays. Cependant, il importe d'établir clairement, non seulement pour les membres de la coalition et des pays de l'OTAN, mais aussi pour les populations québécoise et canadienne, que l'armée canadienne en Afghanistan procédera à un rééquilibrage de son rôle sur le terrain.
Le Bloc québécois a toujours appuyé l'envoi des troupes en Afghanistan à l'intérieur du cadre de l'OTAN. L'opération qui engageait le Canada s'apparentait à une mission de paix visant à stabiliser la région de Kaboul et ses alentours. Elle est malheureusement devenue une opération de guerre.
Pourquoi, encore aujourd'hui, les populations du Canada et du Québec sont-elles si partagées au sujet de la présence des Forces armées canadiennes en Afghanistan? La population reçoit l'information suivante: les rebelles talibans disposent d'une base de repli au Pakistan, et leurs actions se renforcent plutôt qu'elles ne s'affaiblissent. Il s'agit là de la situation. De plus, selon les responsables de l'OTAN chargés du déploiement militaire, les effectifs militaires sont insuffisants.
Il faut donc donner aux Québécois et aux Canadiens l'assurance que le gouvernement pourrait être en mesure de mener la situation en Afghanistan à une autre étape après 2009. Actuellement, aux yeux de la population, la mission en Afghanistan est de plus en plus périlleuse.
La situation se dégrade dangereusement, mais il est encore temps de modifier les orientations de cette intervention internationale. Il devient urgent de le faire. Nous ne gagnerons pas l'appui des Afghans simplement en combattant les talibans au moyen des armes et en les pourchassant dans les montagnes.
Le Bloc québécois parle de rééquilibrer la mission. Si nous continuons sur la voie actuelle, on risque de perdre encore beaucoup de vies humaines. Il est donc urgent de rectifier l'orientation de la mission dans les trois domaines suivants.
Premièrement, il faut augmenter et mieux coordonner l'aide à la reconstruction. Dans ce domaine, le Canada, de 2001 à mars 2006, a déployé un effort militaire de 1,8 milliard de dollars tandis que l'aide à la reconstruction s'est élevée à moins de 300 millions de dollars. Le déséquilibre est flagrant. De façon plus simple, pour comprendre ce déséquilibre, il s'agit d'une proportion de 6 $ par rapport à 1 $. Six dollars investis dans des actions de guerre et des actions offensives par rapport à un dollar consenti pour la reconstruction ou l'aide humanitaire.
Deuxièmement, il faut modifier la nature du déploiement militaire. Tout le monde est bien conscient du fait qu'on ne peut apporter efficacement de l'aide sans un minimum de sécurité. Le général Richards, chef des forces, demande aux pays de l'OTAN 2 500 soldats de plus. Il faut être clair: ce n'est pas en augmentant sans cesse les forces militaires que nous réussirons. Il faut garder en tête que la priorité en Afghanistan est d'accélérer le développement et la reconstruction de ce pays.
Troisièmement, il faut changer radicalement l'approche face au problème de l'opium. L'Afghanistan est la source de 90 p. 100 de l'héroïne qui circule à travers le monde. Tout en continuant la répression contre les trafiquants de drogue, il faut proposer une alternative aux paysans afghans en les aidant à mettre sur pied des programmes de cultures alternatives, à cultiver quelque chose de différent par rapport à la culture du pavot et à construire des infrastructures telles que des routes, des puits, des marchés publics et des hôpitaux.
Le développement social en Afghanistan est catastrophique. Ce pays occupait en 2004 le 173e rang sur les 178 pays qui figurent au classement de l'indicateur du développement humain.
S'il y a un débat aujourd'hui, c'est pour clarifier la situation auprès des pays membres de la coalition et des pays membres de l'OTAN ainsi que le rôle du Canada après 2009. Tout comme les populations canadienne et québécoise, elles ont le droit de connaître les enjeux et les impacts qu'implique une participation active des forces armées et d'exiger que les opérations canadiennes soient davantage axées le plus rapidement possible sur le développement humain et social et sur le maintien de la paix.
Pour ce qui est des mandats et des méthodes utilisées par les forces armées, les soldats ne doivent pas être comme des guerriers, ni comme des justiciers, mais plutôt comme des intervenants de la paix et de la reconstruction.
Tout ce qui importe, c'est de redéfinir le mandat des militaires en Afghanistan. Il faut être capable de mesurer les progrès réalisés. Car, dans cette optique, si l'on ne connaît pas les progrès réalisés, il devient évident que l'opinion publique ne tiendra seulement compte que des pertes de vies humaines que nous subissons.
Les Québécois et les Canadiens sont prêts à envoyer des troupes en Afghanistan, mais encore faut-il s'assurer que la sécurité de chacun est au rendez-vous.
C'est la raison pour laquelle le gouvernement doit dresser des échéanciers précis pour rééquilibrer la mission et s'assurer que les militaires ont les ressources nécessaires pour accomplir le travail de reconstruction et de sécurité sur le terrain.
Je terminerai en disant que le Bloc tient à rappeler que si un rééquilibrage de cette mission n'est pas atteint, nous ne pourrons plus soutenir une opération condamnée à un enlisement.
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Monsieur le Président, je suis très heureux de pouvoir débattre de cette motion libérale. Cette motion nous donne l'occasion de parler des faits réels au lieu des faits dénaturés qu'on nous a présentés ces derniers mois, cette dernière année et même aujourd'hui.
Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec mon collègue de .
Je m'attarderai à deux des cinq éléments de la motion présentée par le député de , notre porte-parole en matière de défense. Je les lirai tous les deux pour que les députés et les Canadiens d'un océan à l'autre puissent comprendre ce dont je parlerai. Le premier point est le suivant:
(1) attendu que tous les députés de la Chambre, peu importe les désaccords qu’ils peuvent avoir au sujet de la mission en Afghanistan, appuient les hommes et femmes qui servent avec courage dans les Forces canadiennes;
L'autre est celui ci:
(3) attendu qu’il incombe au Canada d’aviser de façon adéquate les autres membres de l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) de nos intentions au-delà de cette date;
Pour ce qui est du premier point, il ne fait aucun doute que tous les députés de cette assemblée et tous les Canadiens appuient les miliaires canadiens, non seulement les hommes et femmes qui participent à des missions à l'étranger, par exemple en Afghanistan ou ailleurs, mais aussi les hommes et femmes qui font un travail important ici au Canada.
Il serait honteux et déplacé pour tout député, quelle que soit son affiliation politique, d'avoir le front de supposer que tout autre député qui pose une question au comité, à la Chambre ou à l'extérieur n'appuie pas les militaires canadiens. Je dirais même qu'il s'agirait d'un manque de patriotisme. Nous leur demandons de s'assurer que dans tout ce qui est entrepris, qu'il s'agisse d'acheter de l'équipement ou de respecter notre politique des trois D — défense, développement et diplomatie — , nous faisons ce qui s'impose.
Je fais partie du Comité de la défense. Le comité invite différents représentants qui nous tiennent régulièrement au courant des derniers développements afin que nous puissions nous assurer que la politique établie par le gouvernement est respectée.
Je dirais à tous les députés que, même durant la période des questions - et je l'ai entendu de la bouche de mes électeurs et des Canadiens en général - il n'est pas recommandé d'utiliser ce qui a été décrit comme des tactiques bushiennes. Le président Bush a pu se tirer d'affaire pendant six ou sept ans en usant de ces tactiques, mais Dieu merci, les Américains ont fini par se réveiller et décider que cela n'allait plus fonctionner.
Néanmoins, au sujet du deuxième point concernant notre engagement envers l'OTAN en Afghanistan, aujourd'hui, le leader du parti libéral a mis le doigt sur le problème lorsqu'il a parlé de clarté - et qui est mieux placé pour parler de clarté que celui lui qui a apporté la clarté à notre pays, ainsi que la paix et l'harmonie, avec sa mesure législative? Aujourd'hui, ce qu'il demande, ce que je demande et ce que le député de , je pense, demande, c'est de la clarté.
Il est très frustrant de poser sans cesse les mêmes questions au nouveau gouvernement conservateur, au et au . Les réponses données ont toujours été si ambiguës que nos électeurs nous ont demandé d'obtenir des réponses claires.
Par exemple, récemment, le est passé à la télévision à l'émission Question Period. En réponse à une question, il a parlé de 2010. Les spécialistes militaires qui ont témoigné devant notre comité en savent plus que nous et ils ont dit à maintes reprises que cette mission n'allait pas durer quatre, cinq, sept ou dix ans. Cette mission va durer enter 20 et 25 ans. Personne ne remet cela en question.
Permettez-moi de revenir en arrière, à mai 2006. Aujourd'hui, les Canadiens se demandent quelle raison impérieuse a motivé la présentation d'une motion visant à prolonger la mission de deux ans, qui a été débattue pendant six heures, alors que, rappelons-nous, la mission venait de commencer. Elle avait commencé deux mois auparavant. On peut comparer la situation à une personne qui achète une voiture, la conduit pendant un mois puis, même avant qu'elle n'ait été rodée, dit qu'elle va l'échanger parce qu'elle ne lui convient pas -- alors que la voiture n'a même pas encore fait 500 kilomètres.
La mission avait commencé. Nous n'étions même pas encore arrivés là-bas. Nous n'étions même pas encore installés et, tout à coup, pour aucune raison apparente -- et, jusqu'à ce jour, on ne nous l'a toujours pas donnée -- une motion visant à prolonger la mission de deux ans a été présentée à la Chambre. Très bien. Mais cela me pose problème.
Le ministre et le comité se sont rendus à la réunion de l'OTAN en Slovénie. Le ministre s'y est rendu et a littéralement imploré les partenaires de l'OTAN et les alliés de lever les soi-disant conditions. C'est bien ce qui est le plus troublant: nous avons pris l'engagement de prolonger la mission de nos hommes et de nos femmes jusqu'en 2009 sans avoir fixé les règles d'engagement au préalable. Ce n'était pas une bonne chose. Si nous avions su à ce moment-là quelles étaient les règles d'engagement, peut-être n'aurions-nous pas engagé nos hommes et nos femmes pour deux années supplémentaires -- mais il n'y avait pas de règles.
Après nous être engagés, tout à coup, nous découvrons qu'il y avait toutes ces conditions selon lesquelles les autres pays ne pouvaient pas déplacer leurs troupes. Ils ont dit que les Canadiens pouvaient se charger des zones dangereuses, pas de problème. Quand nous leur avons demandé de l'aide, ils nous ont répondu: « Ce serait contraire aux conditions de notre mandat. Nous ne pouvons pas vraiment y aller. Nous ne pouvons pas vraiment participer. »
Plus tôt aujourd'hui, le secrétaire parlementaire a parlé des conflits du passé. Le whip conservateur a fait allusion à la Seconde Guerre mondiale et à notre participation à cette guerre. Mon père y a participé. Les pères et mères de nombreux députés ont pris part à ces conflits majeurs, mais ils s'y sont engagés ensemble. C'était un effort collectif. Ils ne se sont pas dit « Je vais aller combattre là-bas » ou « Je vais rester là-bas ». Ce n'était pas la stratégie alors. Cela me dérange beaucoup.
D'un autre côté, aujourd'hui, durant la période des questions, le en a parlé. Répondant à une question, il a déclaré que les Afghans veulent que nous soyons là-bas. Évidemment qu'ils le veulent. Les Chypriotes souhaitent notre présence chez eux. En Bosnie-Herzégovine, on souhaite notre présence. Même chose pour le Kosovo. Les gens du Darfour veulent que nous allions chez eux. La présence des Canadiens est souhaitée dans chaque région perturbée, car nous avons une excellente réputation. Toutefois, nous ne pouvons pas être partout. On veut aussi que la communauté internationale fasse sa part.
En réponse à une autre question, le a déclaré: « L'OTAN ne nous demande pas de prendre une décision aujourd'hui ». C'est une très bonne réponse. L'OTAN ne nous a pas demandé de prendre une décision en mai 2006. Les Canadiens se demandent qui prend l'initiative. Nous sommes en train de commander de l'équipement pour nos soldats, notamment des chars et des hélicoptères, qui ne sera pas livré avant 2009-2010. Les Canadiens demandent des précisions.
Des intervenants du domaine de l'aide au développement ont comparu devant notre comité. Aujourd'hui, certains ont parlé des jeunes hommes et des jeunes femmes qui vont à l'école. Lorsque j'entends cela, je suis ravi. Nous avons aussi entendu le président Karzaï, dans une entrevue télévisée avec Peter Mansbridge lors de sa visite, dire que, cette année, il y avait 200 000 élèves de moins à l'école. Cette information ne vient pas de n'importe quel politicien; elle vient du président Karzaï.
Les efforts en matière de développement ne sont pas déployés là où il faut. Nous devons fermer toute la zone de culture du pavot. Le comité a également appris que, apparemment, le président Karzaï négociait avec les talibans. Le Parti conservateur a déclaré: « Nous ne négocierons pas avec ces terroristes. Nous ne négocierons pas avec les talibans. » Le président Karzaï négocie avec eux au prix de la vie de Canadiens et je trouve cela inacceptable. Il faut clarifier cela.
Le comité a également découvert que les talibans étaient dotés de nouvel équipement, de missiles sol-air. Où les talibans trouvent-ils les fonds pour acheter cet équipement? Je pense que si nous coupons la tête, le corps va tomber. Nous devons neutraliser la capacité des talibans d'obtenir des fonds, car ces fonds leur permettent de se procurer l'équipement qui tue nos hommes et nos femmes. Nous devons nous concentrer là-dessus.
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Monsieur le Président, la situation en Afghanistan demeure un important sujet de préoccupation pour les députés et la population canadienne. Les hommes et les femmes des Forces canadiennes et les membres de notre personnel civil continuent à mériter notre respect et notre fierté. Cependant, nous nous soustrayons à nos responsabilités envers eux. À la différence de nos collègues parlementaires ailleurs dans le monde, nous ne prenons pas soin d’évaluer constamment notre action à l’aune des politiques et des programmes de l’OTAN.
Nous savons que l’objectif que vise l’OTAN de créer les conditions propices pour que le peuple afghan puisse bénéficier d’un gouvernement représentatif et jouir en permanence d’un climat de paix et de sécurité est honorable, mais nous devons nous garder d’oublier l’énormité des défis que nos troupes et notre personnel ont à relever en Afghanistan.
En 2001, le Canada s’est efforcé d’appliquer l'approche 3D en Afghanistan: défense, diplomatie et développement. En ma qualité de porte-parole sur les questions touchant l’ACDI, je tiens aujourd’hui à vous entretenir de ce dernier volet, le développement, et d’exprimer, à l’instar des parlementaires des autres pays qui ont des troupes en Afghanistan, mes préoccupations à propos des progrès que nous réalisons en matière de développement dans ce pays.
Nous savons, d’après les témoignages que le comité a entendus et les loufoqueries auxquelles nous avons droit à la Chambre, que le gouvernement conservateur est maître dans l’art de distraire l’attention et de faire dévier l’examen lorsqu’il est question de la mission en Afghanistan. Les députés qui osent se montrer préoccupés se font traiter d’alliés des talibans par les conservateurs.
Nous ne pouvons nier que des progrès ont été accomplis en Afghanistan. On y a construit des routes, des hôpitaux et des écoles, et les femmes y fréquentent l’école en plus grand nombre. On s’y emploie à sensibiliser la population au processus politique, et la réforme du secteur de la sécurité y a contribué à faire progresser le processus de reconstitution de l’armée et des forces policières. L’objectif que visent l’OTAN et le Canada d’assurer la sécurité et la stabilité à long terme dans ce pays nécessite une stratégie globale portant sur la reconstruction et le développement, aussi bien que sur les opérations militaires.
Cependant, la coalition, dont fait partie le Canada, s’est attelée à une tâche énorme. Nous devons nous assurer que nous visons le juste milieu entre nos activités civiles et nos activités militaires. Il est d’importance capitale que nous constations que l’aide canadienne au développement a porté ses fruits avant un éventuel retrait en 2009.
Nous faudrait-il faire plus pour laisser davantage notre empreinte en matière de développement dans ce pays avant l’échéance de 2009? Ne devrions-nous pas, à tout le moins, envisager de dépenser en Afghanistan autant pour le développement que pour les opérations militaires?
L’ancien ministre afghan des Finances, aujourd’hui conseiller du président Karzaï, a récemment affirmé que l’Afghanistan a atteint un point critique, et il nous a prévenu que la population pourrait se retourner contre la communauté internationale si l’économie et l’accès au logement, à l’emploi et aux services de base ne s’améliorent pas. M. Abdullah, un ancien ministre afghan des Affaires étrangères, a fait écho à ce sentiment en disant que le peuple afghan ne sera pas toujours aussi patient.
L'Afghanistan est toujours l'un des pays les plus pauvres du monde. Cinq ans après que la communauté internationale s'est portée au secours de l'Afghanistan, seulement 6 p. 100 de la population afghane a l'électricité. L'Agence des Nations Unies pour les réfugiés estime à 130 00 le nombre de personnes déplacées, mais ce nombre pourrait être plus élevé en raison des problèmes de sécurité alimentaire, entre autres, dans le sud du pays. On a été incapable de répondre à des besoins essentiels tels que des dispensaires viables, un approvisionnement durable en eau saine et des services d'hygiène pour tous.
L'Afghanistan est actuellement le principal bénéficiaire de l'aide canadienne au développement, le Canada s'étant engagé à lui verser près d'un milliard de dollars d'ici 2011, mais il faut que notre tâche soit accomplie avant 2009. Usant d'un miroir aux alouettes, le gouvernement a récemment annoncé une contribution de 200 millions de dollars au fonds de reconstruction et de développement, alors que cette somme faisait déjà partie de l'engagement existant. Il demeure que l'aide au développement par habitant que la communauté internationale apporte à l'Afghanistan est considérablement inférieure à celle qui a été apportée à la Bosnie.
Le gouvernement afghan ne peut utiliser cette aide qu'à des fins limitées, et près de 83 p. 100 des sommes destinées à l'Afghanistan sont en fait utilisées par la communauté internationale pour financer ses propres projets.
Trop souvent, le fait d'avoir un grand nombre de donateurs ayant des objectifs divers qui immobilisent l'aide et qui ne coordonnent pas leurs efforts a un effet négatif sur la capacité institutionnelle d'un pays, surtout dans un État fragile comme l'Afghanistan. Le Canada doit appliquer de manière coordonnée une stratégie ciblée, axée sur les besoins réels de la population afghane.
Je voudrais dire un mot à propos de la province de Kandahar qui, comme les autres provinces du Sud, fait voir à la communauté internationale qu'une simple opération militaire ne suffit pas; il faut fournir des services à la population civile et assurer sa sécurité. Cela fait également ressortir la grande difficulté que posent les tâches liées aux missions de l'OTAN, à savoir qu'il ne peut y avoir de sécurité sans développement, et vice versa. Sécurité et développement vont de pair.
Dans la mesure où l'OTAN n'est pas parvenue à faire s'étendre la gouvernance efficace au-delà de grands centres urbains comme Kaboul et Kandahar, la menace d'une recrudescence de la violence persistera toujours. Le Sud de l'Afghanistan est encore aux prises avec un problème d'extrême pauvreté, et une sécheresse y a récemment sévi. La distribution de l'aide alimentaire a été pour le moins irrégulière.
On craint que la désillusion des Afghans face aux troupes de la FIAS encourage une insurrection populaire. Après avoir passé deux semaines à Kandahar, M. Seth Jones, de la RAND Corporation, a dit que même si on peut voir de la reconstruction dans la ville de Kandahar et dans deux autres districts, il ne se passe pratiquement rien dans le reste de la province de Kandahar, principalement pour des motifs de sécurité.
Nous devons nous assurer que la sécurité de nos troupes n'est pas menacée du fait que les politiques canadiennes d'aide au développement ne tiennent pas compte des véritables besoins du peuple afghan, et qu'une faiblesse dans les efforts de reconstruction n'empêche pas la consolidation des gains tactiques, comme l'a récemment souligné M. Rubin dans le journal du Council on Foreign Relations.
Un travail incroyable a été abattu par nos équipes de reconstruction provinciale dans la province de Kandahar, mais il ne faut pas oublier que ces équipes sont des organisations militaires et non des organismes de développement. Elles servent à réaliser des projets à impact rapide et non à remplacer un développement à long terme soutenu.
Qualifier l'efficacité en parlant de dollars dépensés et de nombre de projets menés à bien a posé des problèmes pour certaines des autres équipes provinciales de reconstruction et nous devons faire attention de ne pas tomber dans le même piège en décidant de l'impact réel du travail que nous avons déjà accompli.
Nous ne pouvons entreprendre nos efforts en matière de développement en Afghanistan en ayant uniquement à l'esprit nos propres priorités et des résultats de sondages, comme le gouvernement semble le croire. Un programme efficace d'aide au développement doit tenir compte des véritables besoins du peuple afghan et non de ce qui fait vendre la nouvelle.
Il reste encore beaucoup de travail à accomplir en Afghanistan avant 2009 et les troupes canadiennes ont déjà démontré à une multitude de reprises leur dévouement, leur professionnalisme et leur sang-froid dans les situations les plus difficiles. Il est temps que le gouvernement appuie réellement le programme canadien d'aide au développement et s'assure que la mission du Canada réussisse sur tous les plans.
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Monsieur le Président, je signale que je partagerai mon temps de parole avec le député d'.
Je profite de l'occasion pour exprimer la gratitude des électeurs de à l'endroit des femmes et des hommes courageux qui servent notre grand pays au sein des Forces armées canadiennes, et pour faire part de mes condoléances aux familles et amis de tous nos militaires qui ont fait le sacrifice ultime.
Je suis fier de pouvoir discuter de notre mission en Afghanistan. Nous sommes saisis d'une motion irresponsable de l'opposition officielle. C'est une motion qui ne fait qu'encourager nos ennemis et qui pourrait intensifier les hostilités contre nos troupes. Je préfère expliquer pourquoi le Canada a pris cet engagement et ce que nous sommes en train de réaliser.
Le Canada accomplit son devoir, en tant que membre du G8 et membre fondateur de l'OTAN et des Nations Unies, devoir qui consiste à aider la communauté mondiale à préserver ou à imposer la paix et la sécurité.
En Afghanistan, les troupes canadiennes côtoient celles d'une quarantaine d'autres pays dans le cadre de la Force internationale d'assistance à la sécurité autorisée par l'ONU. Nos militaires y travaillent en collaboration avec des diplomates canadiens, des agents de la GRC, des agents de la police municipale, des agents des services correctionnels et des spécialistes du développement, dans une approche intégrée conçue pour aider le peuple afghan.
Nous travaillons là-bas avec nos partenaires afghans, notamment avec l'armée nationale afghane et la police nationale afghane. Nous aidons les Afghans à mener à bien leurs projets de développement pour leur pays, et nous les aidons à prendre des mesures concrètes et efficaces pour assurer leur sécurité.
Nous assurons aussi la sécurité des Canadiens, tant ici qu'à l'étranger. Après le 11 septembre 2001, le Canada a agi conformément à l'article 51 de la Charte des Nations Unies en exerçant son droit de légitime défense individuelle et collective. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a reconnu ce droit dans la résolution 1368, adoptée le 12 septembre 2001. Mais la mission en Afghanistan va beaucoup plus loin que cela.
Nos Forces canadiennes sont en Afghanistan à la demande du gouvernement de ce pays. Nous avons le devoir moral de les appuyer. La vie est très difficile pour les simples civils en Afghanistan. Dans le Sud, ils sont aux prises avec les pires difficultés et n'ont même pas les services gouvernementaux les plus élémentaires. Les collectivités ne peuvent compter sur des services adéquats en matière d'éducation et de santé, et l'infrastructure publique est endommagée ou inexistante. En outre, les gens vivent sous la menace de groupes formés d'extrémistes violents. Le développement social et économique est impossible dans ce pays tant que les conditions ne s'amélioreront pas.
Nos militaires, diplomates, policiers et spécialistes du développement travaillent d'arrache-pied aux côtés de nos alliés pour aider les Afghans à réaliser leur rêve, eux qui aspirent à la stabilité et à la sécurité pour eux-mêmes et leurs familles.
Nos troupes comprennent très bien le rôle de nos Forces canadiennes, soit une approche intégrée et multidimensionnelle. Aussi difficile que soit leur tâche, nos soldats ont rencontré les gens. Ils ont vu les enfants. Ils connaissent le pays.
Au-delà des opérations de sécurité, ils savent que nos objectifs de développement et de reconstruction revêtent une importance cruciale pour le succès de la mission. Nos soldats estiment que l'avenir de ces gens, particulièrement des enfants, est rempli de promesses. Ils croient, et tous les Canadiens devraient en faire autant, qu'appuyer le gouvernement afghan élu démocratiquement constitue le meilleur moyen de faire en sorte que tous les Afghans jouissent des mêmes libertés et droits fondamentaux que les Canadiens.
Je veux rendre hommage aux soldats de nos Forces canadiennes, particulièrement à ceux qui ont consenti le sacrifice ultime en servant notre pays et en participant à notre mission en Afghanistan. Ils viennent d'endroits comme Owen Sound, New Glasgow, Dalmeny, Comox et Montréal; des endroits tout près d'ici; des endroits à quelques heures d'ici; et des endroits qu'on trouve facilement sur une carte géographique.
Ces soldats croyaient en notre mission, comme tous les membres des Forces canadiennes qui sont en service en Afghanistan. Ils ont changé le cours des choses dans des endroits comme Panjwai, Daman, Spin Buldak, Ghorak, Khakrez et Kandahar.
Ces soldats ont contribué à faire en sorte que l'Afghanistan ne retombe jamais plus entre les griffes des talibans, ou de gens comme eux.
Ces soldats ont donné leur vie pour stabiliser et reconstruire un pays qui n'a connu rien d'autre que la guerre pendant plus de 20 ans.
Nous devons nous assurer qu'ils ne sont pas morts en vain.
Eux et leurs camarades qui se trouvent aujourd'hui à Kandahar laissent derrière un héritage dont les Afghans sont fiers: un héritage d'espoir et de confiance dans l'avenir de l'Afghanistan.
Des routes, des écoles, des services de police fiables, un système sanitaire de gestion des déchets, de l'eau potable, des jouets pour les enfants, ce ne sont là que quelques exemples des nombreux projets que ces hommes et ces femmes ont aidé à réaliser; ce sont tous des cadeaux inestimables pour le peuple afghan; ce sont toutes des choses que bon nombre d'entre nous, au Canada, tenons pour acquises.
La reconstruction et le développement en Afghanistan constituent des objectifs fondamentaux du Canada et ils demeurent une grande priorité pour notre gouvernement. Avec la présence des soldats canadiens, les extrémistes talibans ont du mal à prendre le dessus. Mais tout cela risque de changer si le Canada montre qu'il veut se retirer prématurément de la mission militaire.
Nos forces armées appuient les objectifs de l'Afghanistan en créant un climat sûr et sécuritaire, ce qui est indispensable à un développement durable. Grâce à nos soldats et à d'autres Canadiens engagés, nous réalisons des progrès considérables en Afghanistan, mais notre tâche n'est pas encore terminée.
Nos objectifs sont simples. Ils ont été énoncés à plusieurs reprises et ils sont conformes au Pacte pour l'Afghanistan. Quand le pays et son gouvernement démocratique auront atteint une certaine stabilité et pourront veiller eux-mêmes à leur sécurité nationale, et quand les terroristes et leurs réseaux d'appui locaux ne menaceront plus de déstabiliser le pays, nous saurons que nous avons réussi.
Nous nous rapprochons de ces objectifs. Le Canada a beaucoup contribué au progrès de l'Afghanistan jusqu'à présent, et les Canadiens devraient être fiers de nos efforts de reconstruction. Nous avons réellement adopté une approche révolutionnaire par rapport au développement. Notre équipe de reconstruction provinciale participe au renforcement de l'autorité du gouvernement afghan dans la province de Kandahar. Elle participe à la stabilisation et au développement de la région, veille à la sécurité, fait la promotion des politiques et des priorités du gouvernement afghan auprès des autorités locales et facilite la réforme du secteur de la sécurité.
Cependant, l'équipe de reconstruction provinciale ne peut effectuer son travail sans les opérations de sécurité qui sont encore menées pour aider à stabiliser la région de Kandahar. Nous nous concentrons sur les causes profondes de l'instabilité. Notre objectif est d'aider les Afghans à reconstruire leur pays afin qu'ils puissent assurer leur propre gouvernement et leur propre protection.
Notre progrès dans la région de Kandahar au cours de la dernière année a jeté les fondements d'un développement continu. Nos forces ainsi que leurs partenaires afghans effectuent des patrouilles dans des régions qui étaient auparavant considérées comme des sanctuaires talibans, et ils confrontent les talibans dans des régions que ces derniers contrôlaient jusqu'à récemment. Nos opérations dans les régions de Pashmull et Panjwai ont aussi permis d'amorcer des activités de développement capitales.
Nous construisons des zones de développement dans des régions stratégiques, des enclaves à partir desquelles la reconstruction pourra s'étendre. Nous participons à la création des forces de sécurité nationale afghanes en travaillant avec le centre national de formation, en menant des opérations conjointes avec les autorités afghanes, et en participant à des initiatives comme celles offertes par les équipes de liaison et de mentorat opérationnelles.
Tous les jours, les Canadiens et les Canadiennes rencontrent des Afghans ordinaires, travailleurs et pacifistes. Ils organisent des rencontres avec les aînés, offrent une aide au développement et font une différence dans la vie quotidienne des Afghans. Plus important encore, ils consolident la capacité nationale afghane et nous aident à nous rapprocher de notre objectif ultime: l'autonomie totale et la stabilité de l'Afghanistan.
De surcroît, Affaires étrangères Canada contribue énormément à la promotion de la gouvernance afghane. Nos diplomates conseillent les fonctionnaires afghans dans toute une gamme de dossiers comme la promotion et la protection des droits de la personne, la réforme du secteur de la sécurité et l'établissement de bonnes institutions internationales.
L'ACDI travaille aussi très fort pour venir en aide au gouvernement de l'Afghanistan. Elle continue d'honorer les engagements du Canada en matière d'aide à Kandahar et dans le reste du pays. Les policiers canadiens développent la capacité de leurs homologues afghans. Ils assument des fonctions de surveillance, de consultation et de mentorat, et fournissent aux policiers afghans une formation essentielle.
En tant que Canadien, je suis très fier de tous les efforts déployés par notre pays.
J'aimerais terminer en rappelant une fois de plus à la Chambre que les Forces canadiennes se sont portées à l'avant-plan pour protéger les intérêts de notre pays, promouvoir nos valeurs et venir en aide à l'Afghanistan. Nos soldats comptent parmi les meilleurs au monde et ils progressent dans l'une des régions les plus instables de l'Afghanistan.
Les Forces canadiennes ont-elles achevé la tâche que nous leur avons confiée en Afghanistan? Pas encore. L'auront-elles achevée le 28 février 2009? Il est trop tôt pour se prononcer.
Nous avons proposé à la Chambre une motion visant à prolonger la mission actuelle en Afghanistan jusqu'en février 2009. Notre gouvernement a clairement fait savoir que si nous voulons prolonger la mission au-delà de cette date, nous allons consulter le Parlement, et cela demeure notre position.
Le Canada a beaucoup investi dans cette mission. Il reste deux ans à notre engagement. Ce seront deux années de défis, deux années passées à progresser davantage et à entretenir des lueurs d'espoir au coeur du paysage inhospitalier de ce pays déchiré par la guerre.
Ce n'est pas le moment de nous retirer, mais plutôt le moment de nous remémorer l'engagement du Canada et les raisons qui l'ont motivé.
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Monsieur le Président, j'ai écouté l'intervention du député avec attention. Il va sans dire que ses propos illustrent le genre de discours qui émane du gouvernement.
Je reviens brièvement sur la première intervention du Canada en Afghanistan après les événements du 11 septembre. Nous sommes allés là-bas pour déloger Al-Qaïda. Notre objectif était également d'écraser en partie les talibans. Nous avons réussi jusqu'à un certain point à nous débarrasser d'Al-Qaïda.
Le problème c'est que le Sud, où se trouvent actuellement les troupes canadiennes, en l'occurrence la région des tribus pachtounes, constitue une zone qu'aucune force occidentale n'a jamais réussi à soumettre. Voilà ma préoccupation.
Il y a une base militaire dans ma circonscription et nous sommes de tout coeur avec les familles des membres des Forces canadiennes. Nous exprimons notre sincère appréciation, d'une part, aux militaires canadiens pour l'extraordinaire travail qu'ils accomplissent là-bas et, d'autre part, à leurs familles qui les soutiennent. Nous leur assurons notre amour, notre appréciation et notre gratitude indéfectibles pour leur courageuse contribution.
Toutefois, je crains que n'ayons déployé nos troupes dans une région fort différente de celle de Kaboul dans le Nord. Nous ne pouvons gagner dans la zone tribale pachtoune qui se prolonge au Pakistan, où les talibans ont en fait établi leurs bases. Nous luttons contre une insurrection dont les bases se trouvent à l'extérieur du pays que nous essayons de protéger.
Pour tuer nos soldats, les insurgés utilisent et continueront d'utiliser des dispositifs explosifs de circonstance, notamment des bombes humaines et des tireurs embusqués. Nous sommes engagés dans une guerre non conventionnelle avec des moyens conventionnels. Nous perdrons. Nous mettons nos soldats dans le hachoir à viande sans leur fournir les données politiques nécessaires à la réussite de leur mission.
J'aimerais demander au député s'il ne serait pas préférable de retirer nos troupes, de mettre fin à la stratégie de la tache d'encre et de redéployer nos troupes uniquement pour chasser les talibans s'ils reviennent en masse, tout en permettant une amélioration de la capacité...
:
Monsieur le Président, je suis fier d'avoir l'occasion de participer à ce débat sur notre mission en Afghanistan et pour parler des hommes, des femmes et des familles des Forces canadiennes dont je suis tellement fier.
Permettez-moi commencer par rappeler que ce gouvernement s'est engagé à demeurer en Afghanistan jusqu'en février 2009. Nous n'avons pas pris d'engagements au-delà de cette date. Toutefois, annoncer une date de retrait ferme pour nos troupes aujourd'hui serait dommageable pour la mission et pour le travail que nous faisons pour rebâtir le pays.
[Traduction]
Nous avons présenté une motion à la Chambre des communes pour prolonger jusqu'en février 2009 la mission actuelle en Afghanistan. Le gouvernement a dit clairement que, s'il voulait que la mission soit prolongée au-delà de cette date, il soumettrait la question au Parlement. C'est toujours notre position.
Lorsque le temps viendra de prendre une décision, le gouvernement tiendra compte de nombreux facteurs. C'est ainsi que nous agirons, mais la motion présentée aujourd'hui par l'opposition est une motion téméraire qui aurait pour effet d'encourager nos adversaires et de les inciter à attaquer nos troupes encore plus violemment.
J'aimerais corriger certains propos que j'ai entendus aujourd'hui. Le chef de l'opposition officielle a dit que la motion était dans l'intérêt de l'Afghanistan et des troupes canadiennes. Mais en fait, cette motion aurait pour effet de nuire à ces intérêts.
La motion renforcerait la position des talibans. Nous dirions ainsi aux Afghans que nous n'avons plus l'intention de nous occuper de leur besoin le plus fondamental: la sécurité physique.
Nous avons entendu une députée du NPD citer Winston Churchill, lorsqu'il disait qu'il vaut mieux discuter que d'en venir aux poings. Je suis d'accord avec lui, mais Churchill a aussi fait bien d'autres remarques judicieuses. Il a dit, par exemple, qu'un partisan de la voie de l'apaisement nourrit l'alligator en espérant se faire manger en dernier. Les talibans sont un alligator.
Le chef qu'était Winston Churchill a en outre eu le courage et la détermination de résister à l'alligator nazi, sans se fixer d'échéance, jusqu'à ce que la mission fût accomplie. Il n'a certainement jamais invité l'ennemi aux réunions de son Cabinet en temps de guerre et il ne lui a jamais télégraphié la stratégie et l'échéancier des alliés.
Mon collègue, le whip en chef du gouvernement, a été critiqué pour avoir rappelé à la Chambre ces pages d'histoire. Les libéraux lui ont répondu en exprimant des réserves. Comment peut-on avoir des réserves devant le mal? Le mal est le mal.
Il y a une seule façon de lutter contre le mal. La pensée magique ne donne pas de résultats en fait de politique étrangère, comme le voudrait le NPD, qui croit que les talibans ne sont pas si mauvais qu'on le croit, et que nous les comprenons mal, tout simplement. Voilà une approche tout aussi perdue dans les nuages que l'approche totalement idiote du pouvoir discret préconisée par l'ancien ministre libéral des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy.
C'est cette idéologie mal inspirée du pouvoir discret qui a donné lieu à la décennie de noirceur et de dégradation subie par les Forces canadiennes aux mains du parti d'en face. Le gouvernement actuel est en train de renverser la vapeur dans l'intérêt des Canadiens et des Afghans, nos alliés, ainsi que dans l'intérêt des femmes et des hommes courageux qui composent les Forces canadiennes.
Je ne remets pas en question la sincérité des députés, mais plutôt leur compréhension de certains aspects des opérations militaires et des affaires étrangères.
Nous avons abordé aujourd'hui de nombreux sujets importants, comme la reconstruction, le développement et ainsi de suite. Par contre, c'est sur le volet militaire de cette mission que porte la motion.
Je sais que certains députés en savent beaucoup sur la guerre; ils ont lu Sun Tzu et von Clausewitz. Mon petit doigt me dit que le député d' est l'un d'eux. Il a prouvé à maintes reprises qu'il connaît bien ce domaine. Je ne peux croire qu'il appuie sincèrement cette motion.
S'il y a une chose qu'il ne faut pas faire en temps de guerre, c'est signaler ses intentions à l'ennemi. Peu importe ce que l'opposition veut croire, cette motion donne des munitions à l'ennemi et nuit à la sécurité de nos militaires.
Nos opérations sont planifiées, c'est évident. Plusieurs dates ont été avancées. Toutes les organisations militaires planifient leurs activités. Il en va de même pour les organisations gouvernementales. L'échec de la planification équivaut à la planification de l'échec.
Le NPD a également parlé d'édification de la paix, de reconstruction et de développement et a laissé entendre que ce n'est pas ce que nous accomplissons en Afghanistan. Rien n'est plus faux.
Cela prend plus de temps que nous le souhaiterions, mais nous faisons des progrès. Il ne faut pas oublier que notre mission se déroule dans une des régions les plus troublées du pays, qui compte 34 provinces. Dans 28 de ces provinces, la paix, la sécurité et le développement sont des réalités, en quelque sorte.
Le Canada est chargé de la dure mission d'apporter paix et stabilité à Kandahar. Nous faisons le travail car nous comptons sur les meilleurs militaires et sur le meilleur équipement. Si nous faisons du travail de développement, c'est grâce au volet militaire de la mission à laquelle le Canada contribue de façon exemplaire.
Je rappelle aux députés que le but de chaque geste posé par les membres des Forces canadiennes est la paix. Peu importe ce que disent les députés, l'objectif ultime de chacun de leurs gestes est la paix.
Comme le whip en chef du gouvernement, j'ai eu le privilège de passer le temps des Fêtes dans le district de Panjwai, en Afghanistan. La veille de Noël, j'ai vécu un des moments les plus mémorables de ma vie dans un endroit qui s'appelle Ma'sum Ghar, un bastion des talibans. Le chef d'état-major de la Défense, le général Rick Hillier, et moi avons parlé de guerre, de paix et de politique en fumant un cigare.
Il ne fait aucun doute que le général Hillier et tout le monde qui était là-bas auraient préféré être chez eux avec leurs familles à Noël. Les soldats connaissaient la raison de leur présence là-bas. Ils savaient que c'était important et ils accomplissaient leur travail.
Nous avons passé environ 30 heures à l'extérieur des barbelés, circulant en convoi sur les routes dans des VBL III et des Nyala. Nous avons vu les marchés ouvrir. Nous avons vu des enfants jouer et des femmes faire leurs affaires. Les marchés ne ressemblent pas au marché By ici, mais ils donnent aux Afghans un sentiment de normalité. C'est comme un soupçon de vraie vie. C'est parce que nous avons des gens là-bas que cela est possible.
J'ai passé beaucoup de temps à la garnison à Edmonton, à accueillir les avions revenant avec des blessés ou tout simplement des personnes de retour de leur déploiement en Afghanistan. J'ai parlé aux familles. J'ai parlé à celles qui ont perdu un être cher là-bas. Elles comprennent. Elles comprennent pourquoi l'aspect militaire de la mission est si essentiel.
Les gens disent qu'on met l'accent sur l'aspect militaire par rapport à la reconstruction et ils utilisent des statistiques simplistes. Ils disent qu'il y a 1 200 membres du groupement tactique et seulement quelque 350 membres de l'équipe de reconstruction provinciale. Le calcul n'est pas si simple. Il y a des tâches à accomplir et on les accomplit, mais cela ne serait possible sans l'élément de la mission qui concerne la défense et la sécurité de base. Nous faisons des progrès.
Le Canada a aussi une responsabilité. Aux Nations Unies, l'ancien premier ministre libéral avait parlé de la responsabilité de protéger et nous sommes d'accord avec lui. Il appartient aux pays comme le Canada de protéger d'autres pays et d'autres peuples qui ne peuvent pas le faire eux-mêmes. Les pays comme le nôtre ont la responsabilité de s'unir avec d'autres, comme nous l'avons fait dans le cadre de l'alliance de 37 pays qui se trouve en Afghanistan à l'heure actuelle.
J'aimerais souligner aux députés que l'un des 37 pays est la Croatie. Il n'y a pas si longtemps, nous aidions la Croatie à se sortir d'une situation difficile. Si nous accomplissons du bon boulot, de concert avec nos alliés, peut-être que dans cinq ou dix ans, l'Afghanistan fera partie d'une alliance qui aidera un autre pays à ne pas devenir un État non viable.
Personne ne peut garantir la réussite d'une mission. Personne ne peut garantir qu'une mission prendra fin à une date donnée. Nous ne l'avons fait ni en 1914, ni en 1939, ni en 1950, en Corée. Nous avons participé, avec d'autres pays pacifiques, d'autres démocraties libérales occidentales, à une tâche nécessaire dans l'intérêt de la population d'un autre pays qui n'était pas en mesure d'assurer sa défense.
Le Canada a toujours assumé ce genre de responsabilités et, comme Canadien, j'en suis fier. Ce qui ne veut pas dire que c'est chose facile. Ce qui doit être fait n'est pas nécessairement facile, mais il n'en reste pas moins que c'est ce qui doit être fait.
Nos effectifs militaires jouent un rôle important en Afghanistan. Ils participent à un effort visant à rendre le pays sûr, à rendre possibles la reconstruction et le développement économique. Le gouvernement s'est engagé à rester dans le Sud de l'Afghanistan jusqu'en février 2009. Nous n'avons pris aucun engagement au-delà de cette date et il serait prématuré de le faire.
Comme je l'ai dit, il existe toutes sortes de plans. Ce qui ne veut pas dire qu'ils vont être exécutés. Cependant, il est nécessaire de planifier.
J'estime que le fait d'annoncer une date de départ de nos soldats à l'heure actuelle nuirait à la mission. Cela nuirait au bien-être des hommes et des femmes de nos Forces canadiennes. Cela ne serait certainement pas dans l'intérêt de la population afghane que nous tentons d'aider.
Alex Morrison, le président de l'Institut canadien des Études stratégiques, n'a pas mâché ses mots lorsqu'il a dit que le fait de définir une date de retrait définitive mettrait en péril la vie de nos soldats. Au moment opportun, le gouvernement décidera s'il convient de renouveler notre apport militaire à la mission multinationale, de le modifier ou de nous retirer tout simplement. La question sera alors soumise à la Chambre.
Nous ne pouvons pas procurer des renforts à l'ennemi en disant, comme le voudrait essentiellement la motion, que, à compter de telle date, nous allons tout simplement fermer boutique et nous retirer d'une mission très difficile en cédant notre place.
Nous n'allons pas agir de la sorte. Le Canada ne renoncera pas aux responsabilités qu'il a à l'égard des Canadiens et de ceux qui, partout dans le monde, comptent sur nous pour assumer nos responsabilités en matière de protection.
La motion à l'étude met les Canadiens et les Afghans en péril et doit être rejetée.
:
Monsieur le Président, je désire vous aviser que je tiens à partager le temps dont je dispose avec mon collègue de .
D'entrée de jeu, à l'instar de tous mes collègues des deux côtés de la Chambre aujourd'hui, je veux rendre hommage aux hommes et aux femmes qui servent leur pays et leur gouvernement de façon exemplaire au sein des Forces armées canadiennes.
Je vais m'inspirer principalement de la première moitié du discours du , prononcé en février de cette année, pour faire une mise en situation et expliquer comment nous sommes arrivés là où nous sommes aujourd'hui.
[Traduction]
Il y a tout d'abord eu l'opération APOLLO. Après les attentats du 11 septembre 2001, l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, ou OTAN, dont le Canada est un membre fondateur, a invoqué l'article 5 de sa charte qui prévoit qu'une attaque contre l'un des membres de l'alliance est considérée comme une attaque dirigée contre tous. C'était la première fois dans l'histoire de l'OTAN qu'on invoquait l'article 5. Le Canada sera toujours prêt à défendre le principe de la sécurité collective qui est à la base de l'article 5.
Le Canada a donc envoyé des troupes en Afghanistan aux côtés de 31 de nos alliés en 2002, en vertu d'un mandat de l'ONU. Pendant six mois, près de 800 soldats canadiens se sont joints à la coalition internationale en Afghanistan pour tenter de vaincre les talibans. L'objectif de cette mission de même que la stratégie de retrait des troupes étaient clairement établis.
Une fois les talibans renversés, la communauté internationale avait l'obligation de rester en Afghanistan pour aider à stabiliser et à reconstruire le pays, qui était l'un des plus pauvres au monde par suite de 30 années d'invasions étrangères et de guerres civiles, et c'est ce qui a donné naissance à l'Opération ATHÉNA.
En février 2003, le premier ministre Chrétien a décidé que le Canada dirigerait la Force internationale d'assistance à la sécurité, la FIAS, à Kaboul pendant un an. Il s'agissait d'une force multinationale qui impliquait un grand nombre de pays et qui avait pour mission d'assurer la sécurité dans la capitale pour aider à la mise sur pied du nouveau gouvernement provisoire afghan et à l'établissement des conditions nécessaires pour la tenue des élections présidentielles et parlementaires. Les élections, qui ont mené à la nomination du président Hamid Karzaï, se sont tenues dans le calme et ont été couronnées de succès, grâce en partie à l'aide offerte par le Canada.
Avec 2000 soldats sur le terrain et le général Hillier aux commandes de la FIAS, le Canada réalisait là sa plus importante mission depuis des décennies. Nos militaires ont fait un travail extraordinaire qui leur a valu le respect et les éloges de nos alliés et de tous les Canadiens.
Dès le début, le gouvernement Chrétien a travaillé très fort pour tenter de trouver un pays qui pourrait remplacer le Canada à la fin de sa mission d'un an à la FIAS. En 2004, la Turquie a donc remplacé le Canada à la tête de la FIAS. Nous avons réussi à réduire notre présence sur le terrain, maintenant environ 750 militaires sur les lieux et offrant une importante contribution au niveau de l'aide au développement. À ce moment-là, l'engagement du Canada à l'égard de l'Afghanistan est devenu le plus important programme bilatéral de développement de l'histoire de notre pays.
En 2003, également, avec le soutien du gouvernement afghan, l'ONU-OTAN a assumé la responsabilité de la mission de la FIAS. Peu de temps après, l'OTAN, encore une fois, bénéficiant du plein soutien du gouvernement afghan, a décidé d'élargir sa présence à l'extérieur de Kaboul et elle a progressivement accru ses interventions en vue de la reconstruction et de la sécurité sur tout le territoire afghan. C'est ainsi que sont nées les équipes de reconstruction provinciale, les ERP.
Dans le cadre de l'élargissement du rayon d'action de l'OTAN, le gouvernement précédent, dirigé par le député de , a décidé d'établir une équipe de reconstruction provinciale dotée d'environ 250 personnes dans la province de Kandahar. De nombreux pays ont des ERP un peu partout en Afghanistan. Elles ont pour mandat d'établir l'autorité du gouvernement afghan sur l'ensemble du territoire national et de contribuer à la reconstruction de l'Afghanistan.
Outre l'ERP, le gouvernement précédent s'est engagé à fournir une force opérationnelle d'environ 1 000 soldats à Kandahar pendant un an, de février 2006 à février 2007; elle allait oeuvrer de concert avec nos alliés pour assurer la sécurité de cette région dangereuse et pour faciliter la transition d'une mission dirigée par l'ONU à une mission dirigée par l'OTAN.
L'objectif clé de cette mission était, d'abord et avant tout, la reconstruction et l'établissement de la sécurité; nous savions que nous effectuerions cette tâche dans une région dangereuse. Le gouvernement se rendait bien compte que cette mission serait plus dangereuse que nos engagements précédents en Afghanistan, comme l'ont dit à maintes reprises les ministres de la Défense et des Affaires étrangères de l'époque.
Toutefois, le Canada, l'OTAN et les Américains n'avaient pas prévu que Kandahar deviendrait à ce point violente et dangereuse en 2006. Entre janvier et mai 2006, huit soldats et un diplomate ont été tués. Cela était bien différent du total de sept morts que les Forces canadiennes avaient subies en Afghanistan au cours des quatre années précédentes.
En mai, seulement trois mois après l'arrivée de la force canadienne de combat à Kandahar, le gouvernement a su que nous étions confrontés à une insurrection importance et violente, allant bien au-delà de tout ce que l'OTAN avait connu par le passé et au-delà des plans qu'elle avait faits. Nous avons vite constaté que l'action canadienne à Kandahar était passée d'une mission axée principalement sur la reconstruction au combat contre une insurrection violente.
Voyant la sécurité se dégrader rapidement, le gouvernement conservateur n'a pas pris le temps de déterminer si notre mission pouvait encore atteindre les objectifs que nous nous étions fixés, ni comment. Le a plutôt prolongé la mission de deux ans sans avoir obtenu de nos alliés l'engagement de nous aider à composer avec la situation nouvelle.
Le gouvernement conservateur n'a pas préalablement tenté d'obtenir la garantie du gouvernement du Pakistan, par exemple, qu'il sécuriserait sa frontière avec l'Afghanistan, que les insurgés traversent impunément. Il n'a pas reçu la garantie des alliés de l'OTAN que le Canada allait être remplacé à la fin de sa mission.
De plus, le a déclaré que cette mission n'empêcherait pas le Canada d'accepter des missions de paix ailleurs, comme au Darfour ou en Haïti. Cependant, quelques semaines après le vote au Parlement, en mai dernier, le a fait savoir clairement que le Canada n'avait plus cette capacité, ce qu'a confirmé plus récemment le général Hillier, chef d'état-major de la Défense
Permettez-moi de citer les propos tenus par le au cours de ce débat du 17 mai 2006, avant le vote, qui a eu lieu plus tard dans la soirée, expliquant pourquoi, peut-être, nous agissons comme nous le faisons aujourd'hui. Je cite le Hansard. Il a déclaré:
Nous demandons au Parlement de prendre un engagement portant sur trois volets: la diplomatie, le développement et la défense.
Les trois volets sont indissociables. Je vais vous expliquer à l'instant ce que nous demandons précisément au Parlement d'appuyer au cours des deux prochaines années.
Il convient que je précise également, compte tenu des événements des dernières 24 heures, quelles seraient les conséquences d'un vote négatif. Soyons clairs. Un tel vote étonnerait le gouvernement actuel. Les débats à la Chambre jusqu'au mois dernier et les discussions privées jusqu'à tout récemment nous donnaient toutes les raisons de croire que trois des quatre partis, qui ont constamment appuyé cette initiative, allaient continuer à le faire.
Si tel n'est pas le cas, le gouvernement actuel n'est pas en mesure de se retirer tout simplement ou de tourner le dos. Que fera donc le gouvernement si nous n'obtenons pas un mandat clair exprimant la volonté du Parlement de prolonger la mission de deux ans et au-delà? Il agira avec prudence en prolongeant d'un an la mission.
J'affirme ici que le — et le l'a démontré par ses réponses et ses observations — pourrait très bien avoir l'intention de prolonger la mission au-delà de février 2009. Il l'a déclaré dans son discours à la Chambre en mai dernier. Il est donc important que ce soit très clair. La volonté du Parlement, qui sera démontrée au moment du vote sur la question, c'est qu'après février 2009, un autre membre de l'OTAN fasse ce que le Canada fait depuis l'an dernier à Kandahar.
Ce n'est pas tout simplement tourner le dos et se retirer. C'est s'assurer que l'OTAN, qui est l'organisation dirigeante dans cette affaire, s'assure que le fardeau est partagé par ses membres et que ce n'est pas un seul pays qui fait tous les frais de la mission. C'est ce que vise à clarifier la motion. J'espère que mes collègues le comprennent ainsi et pas autrement, surtout pas comme certains ont voulu le faire croire au cours du débat.
[Français]
En terminant — et ce n'est pas une faute que j'attribue nécessairement au gouvernement —, l'objectif premier de notre mission en Afghanistan, soit le développement et la reconstruction de l'Afghanistan, est actuellement évité et n'est pas en voie d'être atteint.
Lorsqu'on prend des décisions au nom des Canadiens en tant que gouvernement, il faut tenir compte de la volonté des Canadiens. Or la volonté des Canadiens n'est pas d'être là de façon indéterminée, et ce n'est surtout pas d'être là strictement pour des raisons militaires. Un équilibre doit être atteint en développement et en diplomatie, équilibre que ce gouvernement ne semble pas vouloir respecter.
Avec l'adoption d'une motion comme celle qui est présentée aujourd'hui, nous espérons que le gouvernement pourra effectivement mieux recentrer la mission du Canada en Afghanistan, au moins jusqu'en février 2009.
:
Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui sur la motion présentée par mon collègue de Bourassa.
Les députés de ce côté-ci de la Chambre demandent au gouvernement d'être clair et de permettre aux Canadiens d'avoir une certitude sur notre mission militaire en Afghanistan. Il y a des conservateurs, en face, qui diront que le simple fait de soulever ce débat et de poser ce genre de questions constitue une absence de soutien à l'endroit de nos troupes. Rien ne pourrait être plus faux.
Ma circonscription, Labrador, est une circonscription militaire à deux points de vue. Nous avons une importante installation de défense, la 5e Escadre Goose Bay, qui sert le Canada et nos alliés des deux côtés de l'Atlantique depuis 1941. Nous avons aussi de nombreux hommes et femmes en uniforme qui oeuvrent dans les trois services des Forces canadiennes, dont un bon nombre ont servi à l'étranger au fil des ans, que ce soit en Afghanistan, dans les Balkans ou dans toute autre mission internationale. L'ensemble de la collectivité de Labrador a été touchée directement par notre engagement, en tant que Canadiens, à servir dans des missions militaires à l'étranger.
Comme chacun le sait, les deux dernières semaines ont été difficiles pour nous tous. Neuf militaires canadiens sont morts en devoir en Afghanistan. L'un d'eux était le soldat Kevin Kennedy, dont la mère est de Wabush, au Labrador. C'est l'un des cinq soldats de notre province à avoir fait le sacrifice ultime en oeuvrant à la défense du Canada dans le cadre de la mission en Afghanistan. Au nom de tous les habitants de Labrador, je veux faire part de mes plus sincères condoléances à la famille Kennedy et à tous ceux que Kevin Kennedy a côtoyés dans sa vie.
Je peux affirmer sans crainte de me tromper que les électeurs de Labrador appuient nos troupes et ont beaucoup de respect pour les Forces armées canadiennes. Par contre, les Labradoriens et, bien sûr, tous les Canadiens, exigent la tenue d'un débat ouvert et respectueux sur l'Afghanistan et sur notre rôle futur dans ce pays — et ils méritent de l'obtenir.
Nos forces armées sont placées sous la responsabilité du pouvoir politique civil. C'est un principe important de la politique militaire au Canada et dans tous les pays démocratiques. Cela signifie qu'il ne faut pas confondre les questions de politique — c'est-à-dire ce que nous attendons de nos forces et la manière dont nous croyons qu'elles devraient s'acquitter des tâches qui leur sont confiées par les Canadiens — et le fonctionnement quotidien des forces sur le plan militaire. Nous pouvons et nous devons discuter des questions de politique sans craindre d'être accusés de ne pas appuyer nos militaires.
Peu importe où l'on déploie nos forces armées dans le monde, que ce soit en Afghanistan ou dans les Balkans, pendant les années 1990, ou encore dans le cadre de missions humanitaires comme les opérations de secours menées à la suite du tsunami en Asie ou de l'ouragan Katrina, les Canadiens sont fiers des hommes et des femmes qui servent au sein des Forces canadiennes et ils les appuient de tout coeur. Cela dit, il n'y a aucun rapport, et il ne devrait pas y en avoir non plus, entre cela et les questions de politique touchant ce que nous, en tant que nation et société, souhaitons que nos forces armées fassent en notre nom.
Il s'en trouvera pour prétendre à tort que soulever ces questions, c'est faire preuve de laxisme en matière de terrorisme. Il n'y a rien de plus faux. Je me souviens très bien des événements qui sont survenus pendant la matinée du 11 septembre 2001. Nous nous souvenons tous du sentiment d'horreur suscité par ce qui s'est révélé être le pire complot terroriste de l'histoire de l'humanité, un attentat qui a fait près de 3 000 morts et 9 000 blessés et qui a dévasté à tout jamais d'innombrables autres vies. Nous n'avons pas oublié que cet attentat a été perpétré par Al-Qaïda, organisation qui bénéficiait alors du soutien du régime des talibans qui lui avait d'ailleurs offert l'asile en Afghanistan.
C'est ce qui a poussé le Canada, sous la direction de notre ancien premier ministre, Jean Chrétien, à s'engager, avec les États-Unis et nos alliés, dans une intervention multinationale ayant pour but d'abolir le régime des talibans, de faire régner l'ordre en Afghanistan et de faire en sorte que ce pays ne serve plus de refuge aux terroristes internationaux. C'est un gouvernement libéral qui a pris cette décision, et c'était la décision qui s'imposait.
Qu'on ne dise jamais que nous sommes indulgents à l'égard du terrorisme. Lorsque le monde a eu besoin de nous, nous étions là pour prêter main-forte et nos réalisations résisteront à l'épreuve du temps.
Cela dit, rien ne nous empêche, six ans plus tard, de tenir un débat respectueux et intelligent sur ce que devrait être notre rôle en Afghanistan dans l'avenir.
Le Canada a pris l'engagement de rester en Afghanistan jusqu'en février 2009 et nous appuyons cette décision. Toutefois, nous croyons aussi que le Canada doit fixer une date ferme pour notre retrait de l'Afghanistan, date à laquelle un de nos partenaires de l'OTAN prendra notre relève après une présence de près de dix ans là-bas.
Il ne s'agit pas d'abandonner l'Afghanistan. Nous avons une approche à plusieurs volets en vue d'aider le peuple afghan à s'engager sur la voie du développement. Cette approche comprend notamment des opérations militaires pour la durée de notre participation à la mission en Afghanistan. Elle comprend aussi des efforts de diplomatie, de l'aide au développement et le soutien d'ONG canadiennes qui sont sur le terrain là-bas, à notre disposition pour l'édification d'une société civile.
Toutefois, nous ne saurions laisser la poignée de talibans encore actifs nous dicter notre politique ou, comme les conservateurs au pouvoir le laissent entendre, nous imposer les conditions de notre débat politique.
Notre tradition parlementaire de longue date, notre Charte des droits et libertés et nos lois sur les droits de la personne protègent la liberté d'expression et exigent que le débat se déroule sous le signe du respect. C'est un principe fondamental dans notre société démocratique. La tenue de ce débat n'est pas un signe de faiblesse. Au contraire, elle est un signe de force. La tenue de ce débat représente tout ce que les talibans condamnent.
En évitant cette discussion sous prétexte que les talibans pourraient en tirer des conclusions ou y déceler une lueur d'espoir, de faux espoir, nous accepterions de devenir leurs marionnettes. Il n'en sera rien.
La tenue de débats ouverts comme celui-ci posent nos institutions démocratiques en modèles puissants aux yeux du monde et aux yeux de nos amis afghans qui assistent à la naissance de leur démocratie.
Avec le soutien international, y compris celui du gouvernement du Canada et des Forces canadiennes, l'Afghanistan a fait des progrès depuis l'automne 2001 et la chute du régime des talibans. Nous sommes fiers des résultats que nous avons obtenus et nous appuyons sans réserve les accomplissements des Forces canadiennes sur le terrain en Afghanistan. Nous appuyons nos militaires.
Nous continuons de les appuyer, même au moment où nous entamons le processus logique et constructif qui consiste à débattre la façon dont le Canada se désengagera, tout comme nous l'avons fait lors de nos autres déploiements à l'étranger depuis la Seconde Guerre mondiale.
Entamer ce débat n'est faire preuve ni de faiblesse ni de mollesse. C'est faire preuve de force. C'est la force de notre démocratie et l'image du Canada que nous voulons projeter dans le monde.
Nous sommes et demeurerons fiers de notre bilan en Afghanistan, même au moment où nous cherchons à opérer une transition dans nos responsabilités militaires et à assurer que le Canada poursuivra fermement son engagement en Afghanistan, par l'entremise de nos autres services du gouvernement canadien et d'autres instruments de la politique étrangère.
Les conservateurs tenteront de se faire du vil capital politique avec ce dossier, mais ils échoueront, tout comme ils ont échoué dans leurs autres efforts honteux pour politiser nos forces armées.
Pendant la dernière campagne électorale, par exemple, ils ont fait un nombre étonnant de promesses à Goose Bay, dans ma circonscription, promesses qu'ils ne sont pas en mesure de réaliser et qu'ils sont de moins en moins disposés à tenir.
Il n'y avait pas que Goose Bay. Ils ont fait des promesses semblables aux dépens des Forces canadiennes et du ministère de la Défense nationale à St. John's, à Comox, à Bagotville, à Trenton, à Gagetown, à Cold Lake, à Iqaluit et dans bien d'autres collectivités de partout au Canada. Les conservateurs ont inscrit sur le compte du ministère de la Défense nationale des reconnaissances de dettes politiques qu'ils sont incapables de rembourser.
Tout comme dans le débat sur l'Afghanistan, les conservateurs ont voulu honteusement et sans scrupule utiliser les militaires canadiens comme des pions sur l'échiquier politique. C'est inacceptable.
Les discussions du Parlement, du gouvernement et des Canadiens au sujet des questions militaires doivent être civilisées et respectueuses. Tenir ces débats, ce n'est pas manquer de patriotisme et de respect envers nos soldats et ce n'est pas refuser de les appuyer.
Nos principes démocratiques et le principe fondamental de la responsabilité civile et politique envers nos soldats exigent que nous tenions ce débat. Je le répète, nous appuyons nos troupes.
Nous posons ces questions et nous envisageons ces décisions sans craindre que notre patriotisme ou notre respect envers les Forces armées canadiennes soient remis en question. Autrement, nous manquerions de respect à l'égard de la liberté pour laquelle 54 Canadiens sont morts dans l'exercice de leurs fonctions et de ce pour quoi ils sont morts en construisant et en défendant l'Afghanistan.
Je suis en faveur de cette motion.
:
Monsieur le Président, je regrette d'avoir aussi peu de temps à ma disposition et d'être incapable de partager mon temps avec le député de , qui espérait lui aussi participer au débat.
Je serai brève. Peu de temps après les événements du 11 septembre, j'ai pris la parole à la Chambre en qualité de chef du Nouveau Parti démocratique et j'ai fait le voeu que les mêmes valeurs qui sont à la base de la colère et de l'horreur que nous ressentons par suite de ces actes barbares nous servent également de guides, et qu'elles servent aussi de guides aux dirigeants mondiaux dans leur riposte. Depuis ce jour résonnent toujours dans mes oreilles ces mots d'un survivant des attaques du 11 septembre, qui a déclaré ceci sur le site même du Word Trade Center:
À défaut de faire primer la paix sur la guerre et de respecter toute forme de vie aussi ardemment que s'il s'agissait de notre propre vie, ces morts n'auront aucun sens et la terreur et la violence demeureront nos sombres compagnes.
Je n'oublierai jamais le jour où je me tenais sur le tarmac de Kandahar, entourée de soldats, d'hommes et de femmes courageux, qui font leur devoir et accomplissent leur mission au nom des Canadiens en tant que membres des Forces armées canadiennes. Ils continuent encore aujourd'hui de faire ce qu'on leur demande. Un nombre tragique d'entre eux ont pourtant perdu la vie.
Je veux qu'il soit clair, car je lance à nouveau un appel, que nous comprenons que nous devons nous engager à participer à un processus de paix global. Je lance cet appel au gouvernement pour qu'il comprenne que s'il continue d'affirmer que chaque taliban est diabolique et qu'il faut exterminer l'ennemi, cela va continuer de pousser les gens dans les rangs des talibans à mesure que les proches de civils, hommes, femmes et enfants, sont tués dans des tentatives visant à vaincre les talibans.
À maintes reprises, de nombreuses personnes possédant une expérience beaucoup plus vaste que la mienne ont affirmé que nous devons instaurer un processus de paix global, que nous devons tendre la main aux talibans modérés. Nous devons comprendre que nous allons pousser les gens à joindre les rangs des talibans si nous continuons à tuer des civils, à ignorer le fait que des bébés meurent de faim parce que nous consacrons de plus en plus de nos ressources à l'achat de matériel militaire coûteux. Nous devrions plutôt comprendre qu'afin de rebâtir les vies des Afghans, ce qui est sûrement en quoi consiste notre engagement, nous devons faire ce qu'il faut pour améliorer les conditions de vie dans ce pays.
Nous avons tellement perdu de vue le fait que cela constitue la voie vers la paix que mes collègues et moi ne pouvons pas humainement appuyer la motion libérale d'aujourd'hui visant à poursuivre encore pendant deux ans cette stratégie erronée qui ne peut conduire qu'à un échec de la mission.