CIIT Rapport du Comité
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Opinion complémentaire
Nouveau parti démocratique du Canada
À bien des égards, la Corée est pour le Canada un partenaire commercial idéal. Il s’agit d’un pays démocratique qui a un bilan respectable en matière de droits de la personne et il est pour le Canada un moyen idéal de percer les marchés asiatiques. Il est certain que des relations commerciales mutuellement bénéfiques seraient excellentes pour les deux pays. Toutefois, les négociations que le gouvernement mène actuellement en vue de conclure un accord bilatéral Canada-Corée ne respectent pas les intérêts légitimes du Canada. Elles sacrifient les familles canadiennes et les travailleurs du secteur manufacturier parce qu’elles reposent sur un modèle fort simpliste qui est voué à l’échec, comme on a pu le constater par le passé.
Le Comité semble convaincu que nous devrions simplement faire confiance au gouvernement pour qu’il négocie un accord qui sera parfaitement conforme aux intérêts du Canada, malgré les nombreux témoins et tous les éléments de preuve qui nous disent que tel ne sera pas le résultat. En matière de négociations commerciales, le bilan du gouvernement conservateur est clair. Il suffit de se rappeler la capitulation qu’a été l’accord sur le bois d’œuvre. On nous a dit et répété de faire confiance au gouvernement, qu’il avait négocié le meilleur accord possible. Or, depuis la mise en œuvre de l’accord, en octobre 2006, plus de 10 000 emplois sont disparus dans le secteur forestier. En approuvant automatiquement l’accord sur le libre-échange Canada-Corée, nous obtiendrions d’autres résultats semblables.
Aucune assurance de la part du gouvernement
Le gouvernement n’a pas su produire des éléments d’information sérieux pour établir clairement que l’accord commercial Canada-Corée ne nuira pas à l’emploi au Canada, notamment dans le secteur manufacturier, l’industrie de l’automobile et la construction navale. De plus, il n’a entrepris les études qu’il a décidé de faire qu’une fois les négociations déjà entamées, ce qui entraîne un préjugé favorable à la conclusion d’un accord, comme Jim Stanford l’a signalé au Comité[1].
Faisant écho à ce point de vue, Mark A. Nantais, de l’Association canadienne des constructeurs de véhicules, a livré le témoignage suivant : « Vous vous souviendrez peut-être que Hyundai a fermé ses installations au Québec, les seules au Canada, en 1994. Malheureusement, l'analyse économique du gouvernement ne traite pas de ces impacts économiques à long terme, et c'est pourquoi nous avons de la difficulté à croire que l'industrie automobile et l'économie canadienne en général ne souffriront pas de l'accord de libre-échange proposé. »
Une étude réalisée par le Syndicat des travailleurs et travailleuses canadiens de l'automobile – sans oublier l’opinion d’autres témoins qui ont exposé une thèse convaincante qui va dans le même sens – a estimé que l’accord bilatéral avec la Corée risquerait de faire perdre des milliers d’emplois au Canada. Ce qui ne pourrait pas se produire à un pire moment.
Comme l’a fait observer Teresa Healey, analyste principale au Congrès du travail du Canada, « on s’attend à ce que les industries manufacturières, notamment l’électronique, la fabrication des machines, l’assemblage des produits de l’automobile, le textile et l’habillement, entre autres, éprouvent des difficultés. Une étude des Travailleurs canadiens de l’automobile utilisant des hypothèses de la situation réelle prévoit la suppression d’au moins 33 000 emplois. »
Crise dans le secteur manufacturier du Canada
Les secteurs de la fabrication et de l’automobile au Canada, qui sont parmi les principales sources de prospérité et d’emplois de qualité pour les ménages à revenu moyen, sont plongés dans une crise majeure qui dure depuis des années à cause de l’appréciation du dollar canadien, du prix élevé de l’énergie et d’un déficit commercial croissant avec l’Asie. Les pertes d’emplois subies depuis novembre 2002 dépassent maintenant les 291 000. Au cours de la seule dernière année, 132 000 emplois sont disparus. Le gouvernement actuel n’a rien fait, pas plus que les gouvernements précédents, qui puisse constituer un vrai remède susceptible de résorber la crise.
Comme l’a dit au Comité Scott Sinclair, du Centre canadien de politiques alternatives : « L'accord envisagé donnera un coup terrible aux entreprises et travailleurs canadiens du secteur de la fabrication à un moment crucial où ils essaient de faire face à cette crise. Ils attendent légitimement de leurs gouvernements des politiques de soutien, pas des initiatives qui rendront leur situation encore plus difficile. » On en est rendu à un point où il faut parler de dépression sectorielle, et ce marasme aura des répercussions sur le reste de l’économie. Il serait dangereux de mettre en œuvre tout accord susceptible d’aggraver encore la situation.
Les relations économiques du Canada sont beaucoup plus liées à la fluctuation de sa devise qu’à un programme de libre-échange. Comme il est souligné dans un rapport d’Industrie Canada qui a porté sur les répercussions de l’Accord de libre-échange Canada-États-Unis, cet accord n’explique qu’environ 9 p. 100 de l’augmentation des exportations du Canada entre 1989 et 2000, et le reste est attribuable à la dépréciation du dollar canadien[2]. En toute logique, la même chose se produira si le Canada s’engage dans un accord de libre-échange avec la Corée.
À la recherche d’une approche pratique
L’économie de la Corée est par sa nature même orientée vers l’exportation, et la Corée domine agressivement les marchés où se concentrent ses exportations. De plus, le Canada accuse déjà un important déficit commercial avec la Corée. Il a dépassé les 2,5 milliards de dollars en 2006. Un accord commercial bilatéral avec la Corée n’aurait pas de sens pour le Canada.
Il est néanmoins souhaitable que le Canada et la Corée, deux pays démocratiques qui ont des niveaux de vie relativement élevés, s’efforcent de négocier des accords commerciaux sectoriels qui sont nettement à l’avantage des deux pays. Ces accords pourraient porter sur l’énergie, le bois d’œuvre, le secteur de l’automobile et l’agriculture, pour ne donner que quelques exemples.
Les emplois créés au Canada par les exportations canadiennes que cet accord faciliterait ne pourront compenser les emplois de qualité qui font vivre des familles et que feront disparaître les importations coréennes. La vaste majorité des importations canadiennes en provenance de la Corée sont des voitures, des produits électroniques et des machines – autant de produits manufacturés à valeur ajoutée. Par contre, les principales exportations du Canada vers la Corée sont des ressources naturelles non transformées comme la pâte de bois, le charbon et l’aluminium. La situation n’est pas idéale, et l’accord que le gouvernement négocie ne fera que l’aggraver. Tout accord bilatéral devrait garantir que le nombre d’emplois dans la production à valeur ajoutée créés dans les deux pays soit égal.
Ceux qui perdront leur emploi à cause de cet accord ne pourront pas trouver de nouveaux débouchés dans le secteur manufacturier. Comme bien d’autres avant eux, ils seront contraints de se tourner vers le secteur des services, où les salaires moyens et les avantages sociaux sont inférieurs. Ce n’est pas le secteur des services qui fait tourner le commerce au Canada : il est à l’origine de seulement 13 p. 100 des exportations du Canada. Si les industries exportatrices du Canada traversent une mauvaise période à cause du cycle naturel du marché ou pour d’autres raisons, nous n’aurons que notre secteur manufacturier pour faire tourner les moteurs de l’économie.
Le Comité a recueilli l’opinion de nombreux témoins qui sont plongés dans la crise du secteur manufacturier, et ils ont tous exprimé un point de vue semblable à celui de George MacPherson : « En choisissant maintenant de conclure avec la Corée du Sud un accord de libre-échange similaire, le gouvernement du Canada plantera un autre poignard dans le cœur d'un secteur canadien rentable des chantiers navals et de la fabrication de matériel maritime. Mais ce coup de poignard, en comparaison d’autres dans un passé récent, pourrait bien s'avérer fatal. »
Politique viable de commerce loyal
Le NPD estime que la politique commerciale du Canada doit reposer sur les principes du commerce loyal, qui vise à créer avec d’autres pays des partenariats commerciaux qui appuient les principes de la justice sociale et les droits de la personne tout en élargissant les possibilités d’affaires.
Le NPD se réjouit du fait que le Comité ait adopté sa recommandation voulant que le gouvernement cesse d’appliquer exclusivement le modèle du libre-échange au détriment d’autres solutions et qu’il investisse dans d’autres moyens de stimuler le commerce, notamment et surtout une vigoureuse stratégie de promotion inspirée de l’expérience australienne qui ferait mieux connaître la marque distinctive du Canada à l’étranger. Il est scandaleux que l’Union européenne consacre 500 fois plus que le Canada à la promotion de ses secteurs vinicoles.
Il est par contre regrettable que la majorité des membres du Comité n’ait pas su reconnaître le commerce loyal comme un principe d’application générale dans les négociations commerciales et non comme une réflexion qui viendrait après coup.
Le NPD croit fermement en une autre solution, en une autre forme de relation commerciale qu’il serait possible d’établir avec la Corée et tout autre pays. Une stratégie globale de commerce loyal comprendrait les éléments suivants :
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L’application d’une évaluation d’impact complète et fondée sur le bon sens pour tous les accords internationaux qui puisse montrer que les accords commerciaux que le Canada négocie sont bénéfiques pour les familles, les travailleurs et les industries du Canada.
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L’assurance que les accords commerciaux que le Canada négocie appuient la souveraineté du Canada et sa liberté de choisir sa propre politique, sa compétitivité à l’échelle mondiale et les principes d’un régime multilatéral de commerce loyal.
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Le principe fondamental voulant que tous les accords commerciaux assurent la promotion et la protection des droits de la personne en interdisant l’importation, l’exportation ou la vente au Canada de tout produit qui aurait été fabriqué par des travailleurs exploités ou soumis à des travaux forcés ou à d’autres conditions non conformes aux normes internationales fondamentales du travail ou aux droits de la personne.
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Le principe fondamental voulant que tous les accords commerciaux respectent le développement durable et l’intégrité de tous les écosystèmes.
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L’obligation, chaque fois que le gouvernement du Canada signe un accord de libre-échange, de soumettre la décision d’aller de l’avant avec une loi habilitante à un vote sur les conditions de l’accord qui lie le gouvernement.
Hélas, le Comité a également refusé de faire les recommandations suivantes que, étant donné la situation actuelle des services de l’automobile et de la fabrication, le NPD estime être dans l’intérêt public :
- Que le gouvernement ne signe aucun accord commercial qui se traduirait par une perte nette d’emplois dans le secteur manufacturier du Canada.
- Que le secteur canadien de l’automobile soit exclu de l’accord commercial Canada-Corée, étant donné que le gouvernement n’a pas établi clairement les effets de l’accord sur l’emploi dans ce secteur.
- Que tout accord commercial Canada-Corée interdise l’exportation de grumes du Canada.
Le NPD réaffirme les positions décrites dans ses deux opinions dissidentes présentées au Comité le 28 mars 2007 et le 3 décembre 2007. Il y exprimait sa profonde inquiétude devant la politique effrénée de libéralisation des échanges pratiquée par le gouvernement et exposait sa conception d’une politique de commerce loyal qui place au cœur d’une stratégie commerciale efficace la poursuite de la justice sociale, de solides programmes sociaux du secteur public et l’élimination de la pauvreté.
[1] Témoignages, Comité permanent du commerce international, mardi 11 décembre 2007, 39e législature, 2e session. [http://cmte.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=3204190&Language=F&Mode=1&Parl=39&Ses=2#Int-2266325]
[2] Canada’s Trade and Foreign Investment Directives with the United States: Microeconomic policy analysis, rédigé pour Industrie Canada, 20-22 juin 2000.