Je vous souhaite la bienvenue à tous.
La séance d'aujourd'hui, mesdames et messieurs, porte sur une question dont le comité est chargé depuis déjà un certain temps. Il s'agit du chapitre 7, « L'acquisition de bureaux loués », du rapport du vérificateur général du Canada de mai 2006. Le rapport a été renvoyé à notre comité le 16 mai 2006.
Nous accueillons aujourd'hui Janice Cochrane, anciennement sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, ainsi que Gary Polachek, qui jouait un rôle auprès de l'entreprise qui, à une certaine époque, était propriétaire de Place Victoria, à Montréal.
Monsieur Williams.
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Non, je ne crois pas que ce soit son intention.
Je pense qu'il convient de rappeler aux témoins, à tous les témoins, qu'ils comparaissent devant un comité parlementaire et que le Parlement s'attend à ce qu'ils disent la vérité, toute la vérité et rien que la vérité. Je ne m'attends à rien de moins.
Nous allons maintenant commencer nos travaux. Je vais demander à M. Polachek s'il a un exposé préliminaire.
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Oui, monsieur le président, j'ai quelques remarques préliminaires à présenter, si vous le voulez bien.
Tout d'abord, je tiens à vous remercier de m'avoir invitée à témoigner devant vous relativement à la prise à bail de locaux à bureaux à Place Victoria, à Montréal, dont la vérificatrice générale a fait état dans son rapport de mai 2006.
Pour les fins du compte rendu, je vous signale que j'ai été sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux d'avril 2001 à mai 2003. J'ai quitté la fonction publique en février 2005, alors je comparais devant vous aujourd'hui non pas en tant que fonctionnaire, mais à titre personnel.
Le souvenir que j'ai de la prise à bail dont il est question est assez limité, étant donné qu'il s'est écoulé six ou sept ans depuis le lancement de l'appel d'offres. Jusqu'en avril 2002, c'était un appel d'offre des plus ordinaire; il s'agissait d'un des 500 baux et plus que le ministère concluait chaque année.
J'ai toutefois eu l'occasion d'examiner tous les documents ministériels pertinents, et j'ai parcouru les transcriptions des témoignages donnés précédemment par les fonctionnaires à votre comité. Je ne conteste aucun des faits ou des informations présentés jusqu'à maintenant. Je pense tout particulièrement au résumé des faits que David Marshall, ancien sous-ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, a présenté dans le cadre des remarques préliminaires qu'il a adressées au comité le 31 janvier 2007.
Vous avez également pu entendre le témoignage d'anciens sous-ministres de l'Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec.
Je n'ai pas d'autres observations pour l'instant, mais je m'efforcerai de répondre à vos questions pour autant que ma mémoire me le permet.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup, madame Cochrane.
Nous passons à la première série de questions, et chacun dispose de huit minutes.
Monsieur Wrzesnewskyj.
Je tiens à vous rappeler encore une fois que nous traitons d'une question à laquelle nous nous sommes déjà attaqués. Bien des années se sont écoulées; nous avons déjà entendu des témoins et il reste encore des questions auxquelles nous n'avons pas eu de réponse, mais, de grâce, soyez brefs et précis lorsque vous poserez vos questions. J'inviterais les témoins à nous donner des réponses pertinentes et à être aussi brefs que possible dans les circonstances. Merci beaucoup.
Désolé de vous interrompre, monsieur Wrzesnewskyj.
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Merci, monsieur le président.
Je tiens à remercier les témoins de leur présence ici aujourd'hui.
Toute cette affaire découle du chapitre 7 du rapport de la vérificatrice générale de mai 2006, et en l'occurrence d'un tableau, la pièce 7.2, qui sert à illustrer la mauvaise gestion de la part du ministère. On peut y lire ce qui suit :
Une demande d'un client et une décision de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada de ne pas imposer les normes ont entraîné des coûts supplémentaires de 4,6 millions de dollars.
Je pense que le sentiment de malaise exprimé en comité tient en partie à ce montant de 4,6 millions dont fait état la vérificatrice générale. Plus loin, elle donne une ventilation. Dans ce tableau, elle dit :
Le renouvellement du bail à la place Victoria a coûté 2,5 millions de dollars de plus que la soumission gagnante de l'appel d'offres et TPSGC a versé 2,1 millions de dollars en loyer inoccupé au plus bas soumissionnaire tout en s'efforçant de trouver des locataires pour ces locaux supplémentaires.
Les 4,6 millions comprennent deux montants, soit 2,5 millions de dollars et 2,1 millions de dollars en loyer inoccupé, les 2,5 millions de dollars correspondant au coût supplémentaire de Place Victoria par rapport à Place Bonaventure.
Vous avez dit que vous aviez parcouru tous les témoignages. Il y a un an, j'ai déposé un résumé des propositions, des soumissions, qui nous apprend — parce qu'il n'y a pas de notes en bas de page de la part du Bureau du vérificateur général — que le montant de 2,5 millions de dollars aurait été obtenu en partant d'un loyer brut de 430,80 $, selon ce qui avait été proposé au départ. Nous savons que le loyer a en fait été établi à 308 $. En outre, pour en arriver à un montant exact, il faut tenir compte de trois aspects. Si je me trompe dans mes calculs, mis à part les montants que j'aurai arrondis, veuillez m'interrompre.
Le loyer à Place Bonaventure était de 236,81 $, mais le loyer opérationnel de base était de 99,57 $ l'unité — soit presque 100 $ —, pour un total de 336,38 $. Aux 308 $ à Place Victoria, il faut ajouter 48,33 $ en loyer opérationnel, si bien que le coût effectif est de 356,33 $, comparativement à 336 $ à Place Bonaventure, ce qui représente toujours 20 $ de plus le mètre carré ou quelque 2 $ de plus le pied carré.
Puis, nous apprenons que, lorsque le loyer a été renégocié, la superficie était un peu moindre: elle était de 5 340 mètres carrés, comparativement à 5 790 mètres carrés à Place Bonaventure. Quand on fait l'extrapolation, on constate que le loyer à Place Victoria, après être passé par les trois étapes du calcul, était en fait de 291 062,20 $ de moins sur une période de cinq ans, ce qui représente des économies de 1 455 311 $, par rapport à la perte de 2,5 millions de dollars dont il a été fait état et qui se fondait sur un loyer qui n'était pas le loyer effectif, car le loyer effectif était de 308 $. Je suppose que c'est ce sur quoi le ministère avait fondé sa décision. Il y aurait donc, en fait, des économies de près de 1,5 million de dollars, mais il y a toujours le problème du loyer inoccupé qui s'élève à 2,1 millions de dollars. Si l'on soustrait les économies de ce montant, on se trouve toujours face à une perte de 644 000 $.
Vous avez dit que vous aviez parcouru les témoignages présentés au comité. Il y a un an, M. André Gladu est venu témoigner devant le comité et, quand je lui ai demandé à combien s'élevaient les coûts du déménagement, il a dit qu'il se souvenait d'un montant entre 500 000 $ et 1 million de dollars. Vous avez dit que vous aviez parcouru les témoignages. Cela se compare au coût de 644 000 $ auquel je suis arrivé après tous mes calculs. Avez-vous un montant plus précis?
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Je crois qu'il y a deux choses qui se sont produites. Premièrement, il y avait les améliorations requises par le locataire et les travaux de base qui devaient être réalisés dans l'immeuble et qui étaient prévus dans l'appel d'offres, mais qui ont effectivement été éliminés ou considérablement réduits dans le cadre de la nouvelle transaction.
Vous vous souviendrez que, dans l'appel d'offres, nous étions traités comme tous les autres soumissionnaires qui avaient des locaux à louer, ce qui voulait dire que nous devions démolir tout ce qui existait et réaménager les locaux conformément aux nouvelles normes gouvernementales. Dans la transaction qui avait été négociée et proposée, et qui a fini par être acceptée, cette exigence-là était effectivement éliminée, si bien que nous pouvions louer nos locaux en partant du principe que les coûts d'aménagement seraient presque inexistants. Nous avons fait profiter le locataire de ces économies en lui offrant un loyer réduit.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Polachek, madame Cochrane, bonjour.
Madame Cochrane, vous avez dit plus tôt que la signature du bail de Place Victoria s'inscrivait, selon vous, dans un processus d'appel d'offres de routine. Pendant que vous occupiez les lieux en tant que sous-ministre, était-il routinier qu'un client, comme un ministère ou une agence, souhaite déménager et donne des critères relatifs à son déménagement en disant qu'il a besoin d'espace supplémentaire, et qu'ensuite, une lettre du ministre responsable de cette agence affirme que l'endroit où il est convient parfaitement à ses besoins? De telles situations étaient-elles routinières?
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Vous êtes donc d'accord avec moi pour dire qu'il ne s'agit pas nécessairement de routine. On est devant une situation, comme vous venez de le dire, tout à fait nouvelle. Ce n'est pas arrivé fréquemment. C'est vraiment une situation d'exception.
Dans les notes, on dit que le 2 avril 2002, des responsables montréalais de Travaux publics ont approuvé le bail des locaux de Place Bonaventure. Le 4 avril, la sous-ministre adjointe, Mme Beal, qui est sous votre direction, a donné l'instruction au directeur général du ministère pour le Québec de prendre les mesures nécessaires pour renouveler le bail de Place Victoria.
Que s'est-il passé entre le 2 avril et le 4 avril pour que des gens changent d'idée ainsi?
Les responsables montréalais de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada approuvent le bail des locaux de Place Bonaventure, mais deux jours plus tard, une sous-ministre adjointe donne instruction au directeur général régional de renouveler le bail à Place Victoria. C'est tout à fait contradictoire. S'est-il passé quelque chose le 3 avril?
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Permettez-moi de clarifier quelque chose, monsieur le président.
Quand j'ai dit qu'il s'agissait d'une transaction ordinaire, je faisais référence aux démarches effectuées de décembre 2000 jusqu'en avril 2002. Jusqu'à ce moment-là, il s'agissait d'un appel d'offres normal pour un bail.
Ce qui est arrivé en avril 2002, c'est que la sous-ministre adjointe responsable des services immobiliers avait été prévenue de quelque chose.
Je vous explique tout cela à partir du dossier, parce que je ne m'en rappelle pas personnellement.
D'après le dossier, elle a été prévenue que le ministre responsable du développement économique au Québec avait des réserves au sujet du déménagement et voulait que le ministère explore d'autres options. On ne nous a pas demandé de renouveler le bail à Place Victoria, mais simplement d'explorer d'autres options qui permettraient au ministère de demeurer à Place Victoria. Tout ce que la sous-ministre adjointe a demandé à ce moment-là, c'est de voir s'il y avait d'autres solutions possibles.
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Vous avez en partie raison.
C'est toujours le client qui doit déterminer ses besoins fonctionnels. Travaux publics ne détermine pas quels sont les besoins du client. Le ministère évalue les locaux qui pourraient répondre à ces besoins. En l'occurrence, même si c'était très tard dans le processus, ce qui, je l'avoue, était très inhabituel, le client a signalé que ses besoins fonctionnels avaient changé depuis le lancement de l'appel d'offres.
Après avoir examiné les différentes options, si nous avions cru ne pas être capables de trouver d'autres locataires pour les bureaux à Place Bonaventure, ce que nous croyions possible à l'époque, nous aurions exigé que l'agence déménage, car d'après les hypothèses dont nous disposions à ce moment-là, la Couronne aurait encouru des pertes si considérables qu'il n'aurait plus été dans l'intérêt public que l'agence reste à Place Victoria. C'est ce que le ministre aurait dit à son collègue, le ministre responsable du développement économique au Québec. Cependant, après analyse, nous avons cru pouvoir répondre aux besoins fonctionnels du client en lui permettant de rester à Place Victoria s'il était prêt à faire certaines concessions sur le plan de l'aménagement, et, en parallèle, nous servir des locaux que nous avions loués à Place Bonaventure pour répondre aux besoins exprimés par d'autres clients de la région du Québec.
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Je sais que nous avons entendu différents chiffres et différentes justifications pour cette série d'événements plutôt inusités.
Il faut se rappeler deux choses. D'abord, Place Bonaventure a terminé au premier rang et Place Victoria a terminé au quatrième rang dans le cadre d'un appel d'offres concurrentiel. Ensuite, selon la vérificatrice générale, cette transaction a occasionné une perte de 4,6 millions de dollars. Voilà les deux faits concrets qui nous ont amenés à examiner ce dossier.
Je vais d'abord m'adresser à vous, monsieur Polachek. Pourriez-vous, s'il vous plaît, fournir au comité une liste de toutes les sociétés, sociétés en nom collectif ou personnes qui avaient une part au 800 Place Victoria entre janvier 2001 et août 2004?
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Il ne faut pas oublier que ses responsabilités étaient de portée nationale.
Lorsque la sous-ministre adjointe, Carol Beal, a témoigné devant le comité, elle a répondu, lorsqu'on l'a interrogé à propos de la participation du bureau du ministre, qu'elle croyait qu'il y avait eu bon nombre d'échanges à propos d'un certain nombre de baux. Êtes-vous d'accord avec sa déclaration?
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je tiens à remercier nos deux témoins d'être présents ici aujourd'hui.
J'aimerais simplement que l'on revienne sur la question centrale dont nous sommes saisis ici. La grande question qui nous préoccupe, c'est que nous n'avons pas encore déterminé qui a pris la décision cruciale et pourquoi, après tout le travail qui a été fait. On a fait énormément de travail, puis deux semaines après que le marché eut été conclu, le gouvernement a changé d'avis. Nous en ignorons toujours la raison et nous ne savons toujours pas qui a assumé la responsabilité de la décision déterminante qui a été prise, à savoir de mettre fin à un processus et d'en enclencher un autre.
C'est pourquoi nous avons besoin de votre aide. Je tiens de nouveau à rappeler à chacun d'entre nous ce que la vérificatrice générale a déclaré. Deux semaines après la fin du processus d'appel d'offres et après que le soumissionnaire gagnant eut été choisi, le secrétaire d'État de l'agence a envoyé une lettre au ministre des Travaux publics afin de lui demander de renouveler le bail à Place Victoria. Le ministre des Travaux publics a approuvé le renouvellement du bail à Place Victoria, malgré les lignes directrices de Travaux publics, selon lesquelles on peut négocier un bail directement, sans appel d'offres, si un avantage économique pour l'État le justifie. Malgré l'absence d'un avantage économique pour l'État, Travaux publics a négocié directement pour renouveler le bail avec le propriétaire de Place Victoria. La demande de l'agence de ne pas déménager, combinée au non-respect des lignes directrices établies, a entraîné des coûts supplémentaires de 4,6 millions de dollars pour les contribuables.
Donc ma question est la suivante, madame Cochrane. Que savez-vous des raisons pour lesquelles cette décision a été prise, et pouvez-vous nous expliquer pourquoi Travaux publics a agi sans respecter les lignes directrices établies, comme l'a indiqué la vérificatrice générale?
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D'après ce que je crois savoir, le ministère conteste le montant indiqué par la vérificatrice générale quant aux pertes encourues à la suite de cette transaction. Le ministère parle plutôt d'une somme de 2,1 millions de dollars en loyer improductif en raison du fait qu'on n'ait pas trouvé assez rapidement des locataires.
Cela dit, une fois que le bail a été signé, le ministère a reçu la lettre du ministre responsable de l'Agence de développement économique qui ne donnait aucune instruction au ministère pour qu'il fasse quoi que ce soit, mais qui demandait qu'on examine les options. Nous acquiesçons à toute demande de ce genre de la part d'un ministre, et c'est ce que nous avons fait à ce moment-là.
L'analyse menée a permis de conclure qu'il existait effectivement un avantage économique pour l'État à maintenir l'Agence de développement économique dans ces locaux, à condition de pouvoir obtenir le nouveau loyer négocié et que le ministère soit disposé à renoncer aux autres coûts des travaux d'aménagement qui avaient été demandés au départ. C'est donc en fonction de cette analyse que le ministère a considéré qu'il pouvait informer le ministre qu'il serait possible de répondre aux souhaits du client.
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Très bien, mais l'instruction qui est donnée, c'est faites-le si vous le pouvez, et non pas examinez toutes les options et nous déterminerons si nous retiendrons celle-ci. Cela me semble une instruction assez claire. L'expression « si cela est possible » me semble plutôt une expression de politesse, mais d'accord, si c'est impossible, vous n'avez qu'à refuser, mais autrement, ils disent directement, opter pour le renouvellement du bail et ensuite...
C'est ce qui nous exaspère. Le 28 mars 2002, une lettre a été envoyée aux gens de la Place Bonaventure dans laquelle on leur disait qu'on avait conclu un marché. Le 15 avril, nous avons une lettre d'un ministre indiquant que le marché ne tient plus. Ce que nous essayons de faire, c'est de déterminer pourquoi. Que s'est-il passé dans le cadre de cette discussion? Vous pouvez comprendre notre exaspération. Qui a pris cette décision et pourquoi? Nous ne savons toujours pas.
Pourquoi a-t-on signé un bail avec Place Victoria alors que sa soumission est arrivée en quatrième...? On suit tout ce processus et deux semaines plus tard, cette décision sans appel est prise. C'est très bien d'être prévenu par téléphone, mais les documents officiels indiquent qu'une décision a été prise des semaines plus tard, après tout ce processus... L'encre était à peine sèche qu'un ministre dépêche une lettre le 15 avril indiquant qu'il faut renouveler le bail avec Place Victoria. Pourquoi?
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Merci, monsieur le président.
Comme vous le savez, je suis nouveau dans le comité, si bien que je n'ai pas entendu une bonne part de la preuve et de l'information fournies jusqu'à présent. Mais quand j'entends parler d'édifices, de baux et de loyers, j'ai bien conscience que c'est un processus compliqué. Un groupe détenait un bail pendant une période assez longue; le bail vient à échéance et il y a des préoccupations, peut-être, quant à la qualité de l'édifice. Alors, bien sûr, on s'adresse à Travaux publics qui fait une demande; tout cela vous revient et il faut prendre des décisions.
Le principe de départ, je suppose, est que DEC a toujours voulu être à Montréal. C'est une agence pour les régions mais, pour une raison ou une autre, quelqu'un quelque part dans le gouvernement a décidé, sans doute il y a 20 ans, que l'administration centrale serait à Montréal, et donc dans des locaux extrêmement coûteux. Puis on constate que la vérificatrice générale a procédé à une vérification et publié des chiffres semblant indiquer qu'il y a eu des erreurs.
Ceci dit, il n'est pas inhabituel pour une société de commettre des erreurs, quand elle procède à des acquisitions. D'ailleurs, on peut en dire autant de la plupart d'entre nous, à titre individuel. Personnellement, je crois que je fais une mauvaise affaire une fois par mois. Je paye trop cher quelque chose que j'aurais pu avoir à bien meilleur prix ailleurs. Cela n'arrive jamais à John, bien sûr. Ces Écossais n'y perdent jamais au change.
Cependant, madame Cochrane, ce n'est sûrement pas le seul édifice que le gouvernement du Canada loue, tout en se disant que, si c'était à refaire... Je pense qu'ici, à Ottawa, même à l'heure actuelle, nous payons des loyers pour bon nombre d'édifices que nous n'utilisons pas.
Au fil de votre expérience de sous-ministre, vous devez avoir connu d'autres situations où il fallait gagner un peu d'un côté et céder un peu de l'autre. Depuis que vous êtes en poste, est-ce la seule fois où quelqu'un a fait une erreur?
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En fait, en matière de locaux inoccupés, le ministère obtient de meilleurs résultats que la moyenne de l'industrie: 1,2 % de locaux inutilisés dans le portefeuille total, contre 5 % en moyenne, je crois.
Ceci dit, non, ce ne serait pas la seule fois. Selon moi, dans ce cas particulier, on était effectivement en droit de supposer que l'espace serait occupé bien plus rapidement qu'il ne l'a été. Il existait une demande à Montréal, fait dont on a tenu compte quand on a suggéré au ministre qu'il pouvait accéder au désir de son collègue et laisser l'agence à Place Victoria. D'autres ministères et organismes avaient décidé qu'ils seraient disposés à emménager à Place Bonaventure dans un avenir rapproché; mais les choses se sont passées différemment, pour diverses raisons.
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Qui dit déménagement dit changement complet, du papier à en-tête à l'équipement de bureau. Cela représente une bonne part des coûts à assumer. Prenons le rapport de la vérificatrice générale: on y voit 2 millions de dollars ou 4 millions de dollars. Mais si on se penche sur l'aspect positif dans son ensemble et sur le problème dans son ensemble, tout a-t-il été pris en compte dans l'information qui nous est transmise aujourd'hui?
Pensez à la publicité qui est nécessaire, quand il faut informer sa clientèle que l'on déménage d'un endroit à un autre; il y a des coûts associés à cela. Il faut y ajouter le réaménagement d'une bonne partie des bureaux, le coût des déménageurs qui transportent les choses d'un point à un autre et le temps de travail perdu par les employés.
Si l'on considère le coût à long terme du bail, a-t-on tant perdu à court terme, à long terme? Pouvez-vous admettre que nous avons perdu entre 2 millions de dollars et 4 millions de dollars? Ou bien peut-être s'agit-il d'un gain? Peut-être Gary peut-il nous le dire. Peut-être avons-nous gagné de l'argent, vu que c'est un bail pour 8 ou 10 ans. Le gouvernement du Canada a-t-il véritablement perdu l'argent que la vérificatrice générale ou quelqu'un dans son bureau estime perdu? Pensez-vous que c'est une évaluation juste des avantages ou des pertes d'ensemble pour le gouvernement du Canada?
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Le seul chiffre dont je sois à peu près certaine et qui est confirmé par le ministère, c'est le montant de 2,1 millions de dollars en loyer improductif. C'est simplement le loyer payé à la Place Bonaventure pour des locaux vides, mais je ne sais pas si d'autres coûts ont été pris en compte.
Vous avez tout à fait raison: en un sens, le fait qu'il n'y ait pas eu de coûts d'aménagement à la Place Victoria a permis à la Couronne d'économiser. Je ne sais pas si on a déjà pu chiffrer la productivité perdue par le personnel qui doit déménager. D'habitude, certaines périodes sont perdues, encore que le ministère ait fait d'énormes progrès en matière d'échelonnement des déménagements, de façon à limiter les pertes de temps de travail productif.
En résumé, je ne sais pas si tout cela a été chiffré, mais on peut dire que si d'autres locataires s'étaient installés dans ces locaux inoccupés aussi rapidement qu'on le pensait en 2002, la Couronne en aurait sans doute retiré un avantage net.
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En ce qui concerne les coûts à long terme du bail, si l'on compare la situation des deux immeubles, en sortons-nous gagnants ou perdants? Il faut maintenant calculer le coût d'un bail à long terme dans les deux cas. Vous allez avoir les deux côtés de chaque compte...
Tout le monde fait des erreurs. Il existe quelques êtres parfaits en ce monde, mais que l'on soit sous-ministre, député ou simple citoyen et acheteur d'un nouveau téléviseur, on fait des erreurs. Elles nous coûtent de l'argent. Mais monsieur le président, je vois mal pourquoi on fait toute une histoire avec l'erreur d'un fonctionnaire.
Brian est bien surpris, car il n'a jamais fait d'erreur.
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Dans le prolongement des questions de M. Hubbard, je pense qu'il y a ici deux thèmes à aborder. Le premier, c'est de savoir si ces opérations ont un coût pour le contribuable. La vérificatrice générale a dit qu'il y en avait un, de 4,6 millions de dollars, mais nous savons que ce montant a été établi à partir d'une superficie inexacte et d'une estimation erronée quant au coût du mètre carré. Vous avez dit tout à l'heure que les chiffres de la vérificatrice générale à ce sujet sont faux.
Ce qu'il faut, c'est tout d'abord de savoir si ces opérations coûtent quelque chose aux contribuables. Deuxièmement, la procédure suivie a été inhabituelle; il faut donc savoir s'il y a eu quelque intention malhonnête chez certains intervenants, ou s'il existait des circonstances atténuantes. Voilà les deux questions.
Revenons-en à la première question, celle du coût. Quand on fait les calculs, il est essentiel d'avoir les chiffres exacts du coût du déménagement, même si je sais bien qu'on ne peut pas les obtenir au sou près. Madame Cochrane, pouvez-vous en indiquer le montant aux membres du comité? Le chiffre qu'on nous a cité précédemment se situait entre 500 000 et 1 million de dollars. Pouvez-vous nous donner un montant plus précis?
Des fonctionnaires ont indiqué par ailleurs que le déménagement entraînait une semaine de perte de productivité. Il y avait 300 employés, je crois. Est-ce que vous pouvez chiffrer ce que coûte la perte d'une semaine de productivité pour 300 employés, et pouvez-vous nous donner un montant plus précis que la fourchette de 500 000 à 1 million de dollars? Cela nous serait très utile.
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Merci, monsieur le président.
Je dois dire que cet exercice de rationalisation après coup me met un peu mal à l'aise, en particulier parce que nous n'avons rien vu de tout cela dans les communications et les nombreux courriels que nous avons reçus sur les origines de l'opération. En fait, notre comité siège aujourd'hui parce qu'un gros point d'interrogation pèse sur les raisons pour lesquelles tout cela s'est produit.
Si M. Christopherson veut bien me prêter main-forte au-delà des considérations partisanes, est-ce qu'il pourrait me montrer encore une fois ce document sur la procédure suivie?
Il y a une autre chose dont nous n'avons pas parlé; j'imagine les centaines de millions de dollars qu'il en coûte aux contribuables lorsque Travaux publics et Services gouvernementaux Canada doit vérifier la légitimité de la procédure d'appel d'offres. Personne ne peut chiffrer la perte de confiance du public lorsqu'on procède ainsi, lorsqu'on a plusieurs soumissionnaires et qu'on ne leur accorde pas la même considération qu'à Place Victoria, qui a profité de règles du jeu modifiées pour changer certains chiffres dans sa soumission.
Madame Cochrane, pouvez-vous nous dire pendant combien de temps vous avez occupé un poste à la fonction publique?
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Vous avez écrit ceci dans une note adressée au ministre Gagliano et datée du 1
er juillet 2001: « Rien ne justifierait que nous vous demandions d'approuver que des négociations directes soient entamées avec le propriétaire de 800 Place Victoria ».
Dans une note adressée au ministre Goodale, et dans laquelle vous lui demandez d'approuver la signature d'un bail de location avec Place Victoria, vous avez dit ceci au sujet de Place Bonaventure: « C'était la stratégie la plus rentable pour le gouvernement ».
Comme vous avez dit dans deux notes distinctes que Place Bonaventure était l'option la plus rentable pour le gouvernement, comment pouviez-vous recommander la signature d'un bail de location avec Place Victoria?
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Merci, monsieur Poilievre.
Avant de passer à M. Wrzesnewskyj, j'ai une question, madame Cochrane. Il s'agit de quelque chose qui me dérange depuis le début de toute cette affaire. Je comprends que vous n'êtes peut-être pas la bonne personne à qui poser la question, mais vous êtes la seule ici qui étiez au gouvernement.
Le rapport de la vérificatrice générale fait état de la somme de 4,6 millions de dollars. C'était en mai 2006, longtemps après les événements en question, et longtemps après votre départ du ministère des Travaux publics. Mais le rapport fait état de cette somme. Maintenant, M. Marshall et d'autres représentants de Travaux publics, y compris vous-même, soutenez avec le recul que la somme de 4,6 millions de dollars est erronée parce qu'elle ne tient pas compte de ce qui est arrivé après avril 2003. Il ne s'agit peut-être que de spéculation, mais ma question est la suivante: Travaux publics aurait normalement dû obtenir une copie de ce rapport avant qu'il ne soit déposé au Parlement et l'aurait, je l'espère, examiné. Pourquoi Travaux publics n'a-t-il pas remis en question ce montant auprès de la vérificatrice? Le ministère conteste pourtant ce montant devant le comité. Pouvez-vous penser à des raisons possibles?
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Je vois, mais il s'agit d'un bail que vous aviez signé. Enfin, c'est maintenant chose du passé.
Monsieur Polachek, j'ai été plutôt surpris par cette lettre de M. Drouin. Je ne peux imaginer qu'il se soit simplement réveillé un bon matin et se soit dit: « Je crois que je vais m'immiscer dans ce processus de location », dont il était de toute évidence au courant, pour ensuite rédiger une lettre demandant le déclenchement d'un nouveau processus. Je me serais attendu à ce qu'il ait d'abord communiqué d'une façon ou d'une autre avec le propriétaire, qui lui aurait dit: « Bien, vous savez, je suis déçu de perdre un locataire; nous avons de beaux locaux ici... », et ainsi de suite. Il aurait ensuite dit: « Je vais voir ce que je peux faire »
Avez-vous communiqué avec les autres propriétaires de la propriété, les gestionnaires de la propriété, ou les gens chargés de la location ou de la gestion de la propriété et M. Claude Drouin? Comment savait-il que l'organisme resterait peut-être à la Place Victoria? Est-ce que vous, vos collègues ou vos employés avez communiqué avec lui?
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Moi si, monsieur Polachek, parce que j'ai du mal à imaginer que M. Drouin ait, de sa propre initiative, sans raison aucune, dit: « Je vais m'ingérer dans cette procédure de location à bail. Ces gens vont aller s'installer ailleurs mais je pense qu'ils devraient rester. Oui, je pense qu'ils devraient rester. C'est important qu'ils restent parce que... » — pourquoi? Nous ne savons pas pourquoi si ce n'est le fait que cela coûte de l'argent au gouvernement. Vous avez logé un locataire de prestige dans des locaux de prestige — toutes ces choses. Vous ou votre entreprise en avez bénéficié. Il s'est immiscé dans une procédure administrative, irrégulière et inappropriée.
J'essaie de découvrir pourquoi parce qu'il a dû y avoir communication entre vous — et par « vous » j'entends le propriétaire-bailleur, collectivement, votre entreprise, votre organisation, vos employés, etc. — et M. Drouin pour qu'il se dise: « Eh bien, oui, je vais écrire une lettre à Travaux publics pour qu'ils repensent leur décision ». Il a aussi communiqué avec l'Agence de développement économique et on lui a dit: « Oui, vous pouvez apporter des modifications. Nous pouvons réduire la taille de l'agence. Nous pouvons réduire la superficie requise. Nous n'avons pas à nous préoccuper d'être confortables et à l'étroit. Nous nous plaisons ici même si ce n'est pas un immeuble accessible aux personnes handicapées et tout le reste, et nous pouvons rester ici. »
Ils voulaient s'installer ailleurs. L'évaluation économique indiquait que c'était l' option à privilégier. La soumission faisait état d'un déménagement. Puis M. Drouin a dit: « Nous allons changer d'idée ». Il ne travaille pas là. Il ne participe à rien là. Il ne fait que surveiller le travail de l'agence. Qui donc a parlé à M. Drouin?
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M. Gladu a expliqué très clairement au comité que ce n'était pas ce qu'il souhaitait. Il voulait que le bail à Bonaventure continue. Il est fonctionnaire expérimenté — à la retraite, je crois.
M. Mario Arès, qui pilotait le dossier pour Travaux publics, a dit très clairement dans sa note de service qu'il n'avait pas reçu de conseils ou d'instructions du client lui enjoignant de modifier les spécifications ou d'ouvrir des négociations directement. Il a dit, essentiellement, que l'affaire lui avait été retirée et que le dossier était au bureau du ministre.
Madame Cochrane, soyons juste. Vous receviez énormément d'instructions du bureau du ministre Drouin qui souhaitait des négociations directes avec le propriétaire-bailleur des locaux. N'est-ce pas une description juste de la situation? Je ne veux pas d'explication, mais est-ce que ma description est juste?
En 2001, une analyse très approfondie a été faite des besoins du client, très approfondie. Cela a pris des mois et des mois. De très nombreux fonctionnaires ont dû participer à l'évaluation. Quand est venu le moment de passer le marché, le client a visité plusieurs sites, ce qui a dû prendre énormément de temps, en plus.
Vous devez être honnête avec moi. La valeur du temps des fonctionnaires, leur temps, représente un coût. C'est très important. Ce sont des gens dont le temps est précieux. Cela a donc dû représenter un coût considérable tout au long de la procédure d'analyse et d'appel d'offres. Ai-je raison?
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Et personne n'a vraiment parlé aujourd'hui de ce coût, dans aucune des analyses, et pourtant c'est un coût considérable.
Là où je veux en venir c'est que nous avons cette analyse. Tous ont dit que les spécifications étaient incontournables. Ils ont visité tous les sites. C'était la procédure établie et nous nous sommes retrouvés avec Bonaventure en tête de liste. Mais tout à coup, tout a changé. M. Gladu n'a pas changé d'avis; il veut Bonaventure. Mais quelqu'un dit: « Toutes ces analyses ne valent rien. Nous pouvons retourner dans les locaux existants sans modifications sans améliorations, etc. Cela conviendra parfaitement au ministère. »
J'ai du mal à croire que cela peut se décider en quelques jours. À la fin du mois de mars, personne n'envisageait cette possibilité. Puis, au début du mois d'avril, M. Drouin écrit une lettre et tout à coup la possibilité refait surface.
Avez-vous fait...? C'est réellement difficile à croire. C'est là où je veux en venir. À titre de sous-ministre, pouvez-vous nous dire si ce genre de chose arrive normalement? Est-ce ainsi que nous faisons les choses dans ce pays?
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Si j'ai bien compris, peu de temps après, les gens de l'ADEC surtout ont laissé entendre que l'idée de déménager ne leur plaisait pas du tout. Ils occupaient leurs locaux depuis longtemps, ils étaient bien, un peu comme on peut être bien chez soi. Ils y avaient leurs petites habitudes.
Alors semble-t-il, M. Drouin vous écrit en vous demandant s'il ne vous est pas possible de reconsidérer la chose et d'opter plutôt pour la Place Victoria. Ce document en main, votre groupe fait diligence et examine la possibilité pour voir ce qui peut être reconduit, vous recevez une note vous disant ce que coûterait des locaux comparables ailleurs dans la même ville. Quelqu'un calcule les coûts et conclut que peut-être, effectivement, ce serait dans notre intérêt de le faire, parce que nous pourrions louer cet autre immeuble à un autre ministère ou à un autre client, et vous pensez qu'à long terme, cette solution répondrait à la fois à l'intérêt du gouvernement et à l'intérêt public.
Peut-on supposer que c'est ainsi que les choses se seraient passées?
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Puis, la vérificatrice générale entre dans le paysage. Son bureau examine tout le dossier et arrive à la conclusion que la Place Bonaventure n'a pas été relouée aussi rapidement que votre service ne l'aurait pensé, et que le bâtiment est demeuré vide pendant un certain temps. Et je pourrais d'ailleurs aller vous montrer un immeuble à la périphérie d'Ottawa qui est vide depuis plus d'un an. Un immeuble d'ailleurs que M. Poilievre doit bien connaître.
Cela étant, quelqu'un fait un rapport où on trouve le chiffre de 4 millions de dollars. Monsieur le président, nous ne savons pas si c'est le vrai chiffre ou si celui-ci a été calculé rapidement dans une perspective à court terme.
Pouvons-nous espérer au bout du compte déterminer si, à long terme...? Il y a donc un nouveau bail de cinq ans, monsieur Polachek, qui vient à échéance cette année. En rétrospective, votre compagnie part-elle du principe qu'elle va devoir respecter les mêmes critères et renégocier le bail? Quand au juste arrive-t-il à échéance?
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À ma connaissance, la perte pour la Couronne a atteint 2,1 millions de dollars, non 4,6 millions de dollars.
Franchement, je ne vois rien de sinistre dans ce dossier. À la longue, on estimera peut-être qu'il y aurait eu moyen de s'y prendre autrement, que des erreurs et des fautes de jugement ont été commises. Toutefois, même si le processus a été inhabituel, on a respecté l'application régulière des règlements, et aucun ministre ne s'est ingéré dans le dossier de manière inappropriée.
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J'ai attendu que M. Poilievre termine parce que je ne voulais pas interrompre au moment où il posait des questions importantes. Mais avant que vous indiquiez à M. Poilievre qu'il avait le temps de poser d'autres questions, il a tenu des propos qui remettaient en question votre impartialité en tant que président de notre comité.
Le fait que, tout de suite après, vous ayez signalé à M. Poilievre qu'il lui restait du temps de parole alors qu'il ne le savait même pas...
Nous avons entendu des excuses au début de cette séance. Je crois que le député doit s'excuser auprès du président pour avoir mis en question son intégrité. Cela me semble indiqué.
Évidemment, seul M. Poilievre peut déterminer si ces mots ont dépassé sa pensée pendant des échanges très animés.
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Je crois que nous allons simplement continuer.
Monsieur Polachek et madame Cochrane, je vous remercie d'avoir été des nôtres, au nom de tous les membres du comité.
Les événements dont nous parlons remontent à six ans. Vous avez dû vous rafraîchir la mémoire et repenser à ce qui s'était passé à l'époque, ce qui n'est pas facile. Je vous remercie très sincèrement au nom de tous les députés.
Voulez-vous dire quelque chose avant que la réunion ne se termine?
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Au greffier, qui vous expliquera personnellement comment procéder.
Reste un point à l'ordre du jour, soit la motion de M. Wrzesnewskyj, dont nous allons débattre tout de suite.
Les députés ont probablement déjà reçu la motion, mais je vais en faire lecture pour mémoire :
Considérant que le rapport d'octobre 2008 de la vérificatrice générale précise au chapitre 4 que 75 p. 100 des soldats ayant déclaré des problèmes ou des troubles de santé mentale n'ont pas reçu d'aide suffisante, et que le brigadier général Hilary Jaeger a noté dans son témoignage que 27 p. 100 des soldats ayant servi en Afghanistan ont des problèmes psychologiques allant de l'usage de stupéfiants à la dépression en passant par le syndrome de stress post-traumatique, le Comité des comptes publics demande à la vérificatrice d'étudier les soins offerts par les services de santé militaires aux soldats canadiens à leur retour d'Afghanistan, en particulier les 27 p. 100 d'entre eux chez qui un problème psychologique important a été dépisté.
Voilà la motion et je vais demander à M. Wrzesnewskyj de l'expliquer, j'aimerais signaler auparavant qu'à la dernière réunion, un des députés, monsieur sauf erreur M. Sweet, a mentionné que notre comité se penche sur la même question. Je crois savoir que le Sénat fait de même et je vais demander à l'attaché de recherche de nous en dire un mot.
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Merci, monsieur le président.
Je pense que nous avons tous été renversés par certaines des statistiques présentées dans le rapport. Nous envoyons la crème de notre jeunesse se battre dans une région extrêmement dangereuse, et ces jeunes savent qu'ils pourraient y perdre la vie, mais nous ne sommes pas toujours conscients des autres coûts que cela comporte.
Quand un de nos soldats est tué — et c'est arrivé encore la fin de semaine dernière, son sacrifice est toujours souligné. Toutefois, l'étude semble indiquer que beaucoup de soldats souffrent en silence. Pas moins de 75 p. 100 des soldats ayant déclaré avoir des problèmes de santé mentale ont dit qu'ils ne recevaient pas les soins dont ils avaient besoin.
Il incombe à notre comité de demander à la vérificatrice générale d'effectuer une analyse de rendement sur cette question, surtout si on pense que 27 p. 100 des soldats qui rentrent au Canada, c'est-à-dire 1 sur 4, présentent des problèmes de santé mentale quelconques. De ce nombre, environ 10 p. 100 souffrent de stress post-traumatique. Voilà pourquoi je crois que cette question mérite une attention particulière et que nous devrions demander à la vérificatrice générale de l'examiner.
Je sais que le ministère de la Défense examine la question également, mais il me semble toujours bon que la vérificatrice générale fasse sa propre vérification pour nous donner des statistiques et nous expliquer la situation actuelle. Nous devons tout faire pour aider les militaires, hommes et femmes, que nous envoyons dans une zone de guerre.
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Merci, monsieur le président.
Je vous signale d'abord qu'il y a une coquille. Je suppose qu'il ne s'agit pas du rapport d'octobre 2008 mais bien d'octobre 2007.
Je pense que nous mettons la charrue devant les boeufs. Comme nous le savons, les analyses de la vérificatrice générale sont toujours d'une nature rétrospective et non proactive et nous savons que des études sont en cours, comme nous l'a signalé l'attaché de recherche. Le gouvernement est tout à fait conscient de la situation et il va apporter des changements. Il sait qu'il a hérité d'une situation fort imparfaite à laquelle il faut remédier.
Je pense que dans quelques années, nous voudrons savoir si les choses ont changé et à ce moment-là, si nous ne sommes pas satisfaits des mesures prises, nous pourrons demander à la vérificatrice générale d'évaluer la situation. Nous savons qu'il y a un problème. Pourquoi demander à la vérificatrice générale de le confirmer? Nous savons que des mesures ont été prises pour remédier à ce problème. Du reste, cela n'est pas du ressort de la vérificatrice générale. Attendons un peu de voir comment la situation évolue. Par conséquent, monsieur le président, je pense que nous devrions rejeter la motion.
Bien entendu, j'ai le plus grand respect, comme M. Wrzesnewskyj l'a signalé, pour le courage de nos soldats et le fait qu'ils se battent pour le Canada, la liberté et la démocratie dans le monde. Je veux moi aussi faire tout ce qui est possible pour les aider, mais cette motion n'est pas la meilleure façon de le faire.
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Merci monsieur le président.
Je suis d'accord avec mes collègues pour dire que nous accordons une valeur très profonde à ces hommes et femmes en uniforme qui défendent nos libertés — et ce, toujours. Le Comité des anciens combattants procède à une révision approfondie des soins de santé et surtout du syndrome de stress post-traumatique au point où nous avons reçu non seulement des victimes du SSPT, mais également des médecins et des représentants des nouvelles cliniques de traitement des traumatismes liés au stress opérationnel, que l'on trouve partout au pays. Nous avons également entendu les psychiatres en théâtre d'opération nous parler des services offerts à l'étranger.
Du point de vue des ressources, je pense que puisque nous sommes un comité de la responsabilité, il serait plus prudent d'attendre que ces rapports soient complétés. Par la suite, si M. Wrzesnewskyj pense toujours que la vérificatrice générale doit faire enquête, qu'il en soit ainsi.
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Merci monsieur le président.
Je pense que tous les membres du comité appuient l'objectif de M. Wrzesnewskyj et je ne suis pas contre les arguments formulés par M. Williams; je ne suis tout simplement pas assez à l'aise pour voter, que ce soit pour ou contre. Peu importe l'angle sous lequel on examine la question, il faudra décider si on pense que c'est une question assez importante pour que nous demandions à la vérificatrice générale de faire enquête. Voilà une façon de présenter les choses.
J'ai une suggestion à formuler par votre entremise, monsieur le président, ou un amendement de forme, ou une formulation...
Borys, cela s'adresse directement à vous. Ça va, je ne m'attends pas à ce que vous écoutiez intensément chaque parole que je prononce. Mais je me demandais si vous seriez d'accord pour envoyer la correspondance à la vérificatrice générale pour lui demander, grâce à cette motion peut-être, si c'est le bon moment d'agir et si c'est la bonne chose à faire, à la lumière du travail réalisé par les autres comités; nous pourrions ensuite savoir ce qu'elle en pense. Puis, nous pourrons prendre une décision, plutôt que de tenter de deviner ce que font les deux autres comités... La dernière chose que nous voulons, c'est de faire du travail qui a déjà été fait. La dernière chose que nous voulons, c'est de passer outre à du travail qui devrait être fait. Nous pourrions donc peut-être lui demander quelle serait la meilleure façon de procéder pour ce qui est du contenu d'une motion ou d'orientation, de même que du moment opportun pour le faire; nous saurons ainsi un peu mieux à quoi nous en tenir.
Voilà ce que je pensais. Merci.
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Je croyais comprendre que l'un de ces deux rapports a une portée beaucoup plus large et qu'il ne se concentre pas uniquement sur les troupes qui reviennent de Kandahar et sur leurs problèmes particuliers. Il ne s'agit donc que d'une étude générale. L'autre étude est mieux ciblée et se penche sur ceux qui reviennent d'Afghanistan; il s'agit d'une étude réalisée par le Comité de la défense nationale.
Je crois fermement que notre comité et la vérificatrice générale ont un rôle important à jouer, et tout particulièrement dans de tels cas... Ici, il ne s'agit pas d'argent; il s'agit de vies humaines.
Je pense que M. Williams est d'accord avec l'objectif de tout cela — comme nous tous, je crois — et que, selon lui, nous devrions attendre quelques années. Je veux simplement souligner qu'il y a eu plusieurs rotations. Pour de nombreux soldats, la mission a pris fin; bon nombre de ces soldats sont des blessés ambulants. Je pense qu'il s'agit d'une situation particulière et que nous devrions entamer le processus promptement, surtout lorsque l'on pense aux sacrifices consentis.
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Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
Selon M. Wrzesnewskyj, j'ai dit que nous devrions attendre quelques années. J'ai dit que la vérificatrice générale procède à une analyse de façon rétrospective. Nous savons qu'il y a un problème. Aujourd'hui, elle ne ferait que le confirmer. Ce que je dis, c'est qu'il y a des mécanismes en place — et M. Sweet, du Comité des anciens combattants, l'a souligné — pour résoudre ces problèmes; si nous voulons que la vérificatrice générale procède à une analyse détaillée, pourquoi ne pas attendre que ces changements aient été apportés? C'est pour cette raison que j'ai parlé d'attendre. Je n'ai jamais voulu laisser entendre que la question liée à la santé mentale de nos troupes n'a pas d'importance.
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Merci, monsieur le président.
M. Williams a dit que le gouvernement est très au fait de la situation. J'ai l'impression que le gouvernement est plus au courant de la situation que les gens qui sont venus nous rencontrer et qui sont responsables du secteur de la santé chez les militaires. Aux questions que nous avons posées, nous avons obtenu très peu de réponses. J'ai bien compris qu'une base de données n'était pas complétée. On a dit que 27 p. 100 des soldats ayant servi en Afghanistan ont des problèmes de santé mentale. Je crois qu'il y en a davantage. Les personnes à qui on a posé des questions n'étaient même pas en mesure de nous répondre adéquatement.
Une vérification approfondie par la vérificatrice générale est un outil supplémentaire que nous pouvons nous donner pour aider les militaires. En bout de ligne, les problèmes de santé sont majeurs et on ne doit pas attendre. Au contraire, on devrait aller de l'avant le plus rapidement possible parce que lorsque la vérificatrice générale intervient, elle a beaucoup de crédibilité, et cela fait avancer les choses. Donc, je voterai en faveur de cette motion.
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Non. Je peux répondre à votre question, monsieur Fitzpatrick.
Il ne faut pas croire que la vérificatrice générale doit se conformer à nos motions. Selon notre expérience, elle les prend habituellement au sérieux, mais si elle considère que ce n'est ni nécessaire ni souhaitable pour l'instant, elle pourrait ne pas en tenir compte. C'est ce que je comprends.
(La motion est adoptée: 6 voix contre 5.)