Je souhaite la bienvenue à tous ceux qui sont des nôtres.
Chers collègues, cette audience a été convoquée conformément à l'article 108 du Règlement, pour étudier le chapitre 7, « L'acquisition de bureaux loués » du Rapport de mai 2006 du vérificateur général du Canada, renvoyé au comité le 16 mai 2006.
Nous entendrons aujourd'hui deux témoins. D'ici midi, l'honorable Alfonso Gagliano, ancien ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, et de midi à 13 heures, l'honorable Ralph Goodale, qui a également été ministre de ce ministère après le départ de M. Gagliano.
Soyez le bienvenu à notre comité, monsieur Gagliano. M'entendez-vous bien?
Je vais demander à M. Gagliano s'il veut faire une déclaration initiale. Ensuite, nous aurons un tour de questions où chaque intervenant pourra parler pendant huit minutes; je vous invite donc à partager votre temps si vous voulez qu'un autre membre de votre parti prenne la parole. Les libéraux ont deux segments de huit minutes, les conservateurs deux, tandis que le NPD et le Bloc en ont un chacun.
Monsieur Gagliano, avez-vous une déclaration à faire?
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais tout d'abord vous remercier, monsieur Gagliano, de bien vouloir participer à notre étude. Nous nous penchons sur ce dossier depuis un certain temps.
Avez-vous pris connaissance des témoignages,des éléments d'information que le comité a déjà recueillis? Étant très loin de nous, avez-vous pu avoir accès à cette information?
Lors de notre dernière audience, nous avons entendu la sous-ministre de l'époque, Mme Cochrane. Êtes-vous au courant de son témoignage devant le comité?
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Vous vous êtes demandé pourquoi le comité voulait vous rencontrer. C'est parce que vous avez été ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux pendant cinq ans et qu'on a de la difficulté à comprendre comment se prennent les décisions dans ce ministère, notamment en ce qui a trait à la location des locaux de la Place Victoria et de la Place Bonaventure. On a eu quelques rencontres à ce sujet. Vous avez peut-être une bonne idée des liens qui unissent Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et un autre ministère, comme Développement économique Canada. Vous avez été là assez longtemps.
On a entendu, il y a deux jours, Mme Janice Cochrane, qui était votre sous-ministre et qui a aussi été sous-ministre de ceux qui vous ont succédé. Elle nous disait que le bail qui avait été signé avec Place Victoria était, selon elle, un bail de routine. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation? D'après votre expérience, était-ce vraiment un bail de routine?
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Tout d'abord, je n'étais pas là, je ne connais pas tous les faits. J'ai quitté le ministère le 15 janvier 2002 et je crois que cela s'est produit en avril 2002, donc trois mois après mon départ. Clairement, il s'agit d'un cas exceptionnel. En effet, si ma mémoire est bonne et si les documents que j'ai lus ces derniers jours sont exacts, un appel d'offres a débuté en février 2001 et les soumissions ont été ouvertes, je crois, une semaine après que j'ai eu quitté, à la fin janvier 2002. Le gagnant a été annoncé et avisé. Comme je le disais lorsque j'étais là, c'est un peu tard dans le processus pour changer d'idée.
Toutefois, Mme Cochrane a dit qu'ils ont fait une analyse, après avoir reçu la demande du nouveau ministre de Développement économique Canada, et qu'ils ont décidé que c'était possible. Je ne connais pas les données de cette analyse, je n'étais pas là. Ce n'est pas moi qui ai pris la décision, alors je ne peux pas me prononcer. Vous comprendrez que pour moi, c'est une question hypothétique.
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Bonjour, monsieur Gagliano.
En effet, vous avez été ministre jusqu'en janvier 2002, mais on nous dit que le 13 décembre 2001, votre cabinet a demandé de l'information sur tous les baux de la région du Grand Montréal, entre autres. Aviez-vous été mis au courant, à ce moment-là, de cette demande et de la raison pour laquelle elle avait été faite?
À un moment donné ou un autre, pendant que vous étiez ministre, avez-vous entendu parler d'un questionnement sur ce déménagement, sur la pertinence de le faire? Pendant que vous étiez ministre, avez-vous reçu de l'information en ce sens, soit verbale, soit écrite, ou avez-vous eu un échange sur cette question?
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Excusez-moi, mais mon temps de parole est compté. Ce que vous dites est tout simplement faux.
J'ai en main un courriel que Suzanne Cloutier a adressé à d'autres fonctionnaires. Voici ce qu'elle y dit :
Voici, pour mémoire, les résultats de la rencontre avec M. JM Bard au sujet des dossiers suivants: le dossier de Développement économique Canada est mis en attente...
Tenez le cabinet du ministre au courant des nouveaux progrès dans ce dossier.
Donc, en sortant d'une réunion avec votre chef de cabinet, Mme Cloutier a conclu que le dossier était « en attente ». Elle n'a pas indiqué qu'on lui avait demandé plus de renseignements au sujet du processus.
Je crois que nous devrions nous en tenir à la vérité ici, parce que ce que vous dites n'est pas la vérité.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, monsieur Gagliano, d'avoir bien voulu prendre le temps de répondre à nos questions.
Vous comprenez certainement la situation dans laquelle nous nous trouvons. Il fallait des locaux plus grands et on a donc enclenché un processus. Puis, votre bureau a interrompu le processus pour le relancer par la suite. Nous avons examiné tout le processus, nous l'avons même ici sous forme de diagramme; des dizaines de milliers de dollars ont probablement été dépensés pour l'obtention de locaux à Place Bonaventure. Puis, à la toute fin, pour une raison que nous ignorons encore, quelqu'un, nous ne savons toujours pas qui, décide de faire volte-face et de retenir le quatrième soumissionnaire. C'est ce que nous ne comprenons pas et c'est pourquoi nous continuons de poser des questions. Trop de questions sont encore sans réponse.
Je sais que vous n'étiez plus ministre à la fin du processus et c'est pourquoi j'aimerais que nous nous attardions aux étapes pendant lesquelles vous étiez ministre. Par exemple, peut-être pourriez-vous m'aider à comprendre pourquoi on a interrompu le processus pour le relancer par la suite. Le processus est enclenché. Puis, le 12 juin — c'est à l'onglet 7 du cahier que vous avez probablement aussi — une note de service du directeur régional de la région du Québec adressée au sous-ministre adjoint des services immobiliers dit ceci:
Le mémo rédigé à cette date dit ceci :
À la réunion du Conseil de gestion des investissements (CGI) du 12 juin 2001, une demande d'approbation de projet de location, via appel d'offres public, a été présentée pour les besoins de Développement économique Canada (DEC) [...].
Suivent des détails.
La note dit ensuite, au quatrième paragraphe — il s'agit toujours du 12 juin 2001 :
Quelques heures après la réunion du conseil, nous avons été informés que le cabinet du ministre avait un intérêt pour ce projet. Il a demandé à la région de mettre le projet en attente.
Vous qui êtes l'ancien ministre, pourriez-vous nous dire pourquoi? Pourriez-vous nous dire pourquoi vous avez demandé que le projet soit mis en attente?
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Je ne sais pas. J'ai appris cela en lisant les documents. Je n'ai pas la moindre idée de ce qui pourrait expliquer la mise en attente du projet. Tout ce que j'avais concernant ce dossier, c'est la note de service du sous-ministre, en date du 31 juillet, je crois, m'informant de la décision du ministère de procéder par appel d'offres public et du lancement de cet appel d'offres.
J'ai lu tous les documents. Tout ce que je peux vous dire, c'est que des membres de mon personnel ont soulevé des questions. Ils ont demandé qu'on mette le processus en attente jusqu'à ce qu'il y ait des réponses à leurs questions, ce qui a pris un certain temps. Mais je ne crois pas qu'on ait mis fin au processus. Mes employés n'avaient pas le pouvoir d'y mettre fin. Si c'est ce qu'on avait voulu faire, le sous-ministre m'en aurait parlé. Mes employés ont posé des questions et comme les réponses se sont faites attendre, il y a eu un retard.
Le processus s'est amorcé en février 2001, quand le ministère client nous a transmis sa demande; la lettre d'intérêt qui a lancé l'appel d'offres a été rendue publique en septembre 2001. C'est une période qui me parait raisonnable.
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Le mois suivant, le 19 juillet, M. Arès a envoyé une note de service à Suzanne Cloutier.
Quelqu'un peut-il me rafraîchir la mémoire? Qui est Suzanne Cloutier? Quel est son titre? Personne ne le sait? Bon.
Quoi qu'il en soit, il y a ici une note de service, monsieur Gagliano, qui dit ceci :
Oui, DEC est informé de notre stratégie et est parfaitement d'accord avec notre approche.
DEC tient absolument à ce que ce projet se déroule sans anicroche et même s'étonne que des « fonctionnaires » de TPSGC semblent vouloir empêcher le déroulement harmonieux de notre échéancier.
Encore une chose qui semble clocher. Quand j'écoute votre réponse, elle me semble raisonnable, mais que je lis cette note de service, je me pose des questions, car je vois que DEC souhaitait qu'on aille de l'avant sans plus tarder.
Pourquoi votre bureau s'en est-il mêlé et a-t-il retardé le processus puisque, au bout du compte, c'est le ministère qui a recommandé qu'on mette fin aux démarches? Pourquoi tous ces faux départs? Pourquoi toutes ces hésitations? De quoi parle-t-on dans ces notes de service qui est si problématique?
Donnez-nous une idée, vous devez bien avoir une idée de ce dont il s'agit. Vous suiviez de près la situation de l'immobilier au Québec, surtout à Montréal, vous avez certainement une idée de ce qui préoccupait vos employés dans ce dossier d'importance.
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Merci, monsieur le président.
Nous en sommes arrivés au point où le dossier a été mis en attente. Je n'ai pas beaucoup d'expérience de propriétaire ou de location de locaux, mais quand on met un dossier en attente, en matière d'immobilier ou d'appel d'offres, ce peut être pour diverses raisons.
Monsieur Gagliano, y a-t-il eu d'autres appels d'offres qui ont été mis en attente pour un certain temps?
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Je veux que ce soit bien clair: Il ne s'agit pas ici de simples demandes de soumissions. Quand l'appel d'offres est public, on ne peut l'arrêter. C'est comme le train qui a quitté la gare; il doit se rendre à destination. Il peut y avoir des modifications selon un processus prévu à cette fin, mais avant d'en arriver à la dernière étape, avant de rendre l'information publique dans des publicités et dans des lettres aux parties intéressées leur demandant s'ils ont une soumission à faire, il y a des discussions, des préparatifs et ainsi de suite. On tient des rencontres et on rédige des documents à différents niveaux.
Au départ, le ministère client, c'est le ministère des Travaux publics, puis le client d'origine, le client local. Différentes personnes examinent le dossier et, en l'occurrence, le cabinet du ministre devait être informé et le personnel a soulevé des questions. C'est seulement pendant cette période de discussions qu'il peut y avoir des retards. Une fois que la décision a été prise, le 31 juillet, une fois que le sous-ministre a informé le ministre que le processus est lancé, le processus doit suivre son cours jusqu'à la fin.
Je tiens à vous rappeler, vous et tout le comité, que tous les bureaucrates, tous les fonctionnaires, ont comparu devant vous. Et du bas vers le haut — depuis le directeur du projet jusqu'au sous-ministre adjoint — tous les témoins ont dit qu'il n'y avait aucune indifférence de la part de mon bureau ni de moi-même.
Je peux vous rassurer que personne... Je l'ignore encore aujourd'hui. Outre le fait d'avoir lu en 2004 que M. Saputo avait acquis une participation dans Place Victoria, je ne sais même pas qui en sont les propriétaires, qu'il s'agisse de Place Victoria, de Place Bonaventure, ou de tout autre immeuble. Cela ne me regarde pas.
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Monsieur Gagliano, mardi, nous avons plus ou moins déterminé que ce qu'on a appelé une perte, l'argent qui a été dépensé et qui n'aurait peut-être pas dû l'être, résultait de l'existence de deux baux pour la même période, ce qui laisse croire qu'il y avait certains ratios d'occupation ou des locaux qui n'étaient pas occupés.
Vous avez été ministre pendant cinq ans. À votre connaissance, y a-t-il d'autres régions ou villes, autres que Montréal, où nous avions plus de locaux que nous n'en avions besoin, autrement dit, où nous avions loué des locaux que nous n'occupions pas? Est-ce que cela vous préoccupait, comme ministre? Saviez-vous qu'il y a avait un taux de vacance de peut-être 3 p. 100 ou 5 p. 100 ou même de 1,5 p. 100, comme Mme Cochrane nous l'a indiqué, qui aurait pu entraîner des coûts considérables pour le gouvernement du Canada?
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Ce que je savais, c'est qu'on manquait d'espace et non pas que nous en avions plus que ce qu'il nous fallait. Pendant mon mandat à TPSGC, je me suis penché sur l'espace que nous utilisions parce que, vous vous en souvenez sans doute, suite à un examen des programmes en 1996-1997, je crois, il y a eu le départ de 50 000 employés. Cela me préoccupait, parce que si le gouvernement du Canada comptait 50 000 employés de moins, il me semblait logique que nous ayons besoin de moins d'espace. Or, la superficie que nous occupions augmentait. Nous comptions moins d'employés mais nous avions besoin de plus d'espace, ce que je ne comprenais pas et ce qui a mené à un débat au sein de mon ministère.
Honnêtement, je n'ai jamais entendu dire que... Quand il y a un déménagement, il faut planifier bien d'avance les rénovations et, pendant qu'on effectue les rénovations, les locaux peuvent parfois rester inoccupés. Mais, en général, je crois que le ministère a bien géré tout cela.
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Un moment, je veux rectifier certains faits.
Claude Drouin n'était pas mon secrétaire parlementaire. Claude Drouin est devenu secrétaire d'État responsable de Développement économique Canada après mon départ.
Je vous rappelle que j'ai quitté le ministère le 15 janvier 2002 et que la lettre que Claude Drouin, le secrétaire d'État, a envoyée à Travaux publics a été envoyée à Don Boudria, et non pas à moi. Vous me posez donc une question à laquelle je ne peux répondre, parce que je n'étais pas là.
Dans le passé, vous m'avez accusé de bien des choses, mais cette fois, croyez-moi, vous faites fausse route.
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Bon, je vous interromps, monsieur Gagliano, pour citer une note de service, celle du 16 juillet 2001. Vous étiez ministre à l'époque. Il s'agit d'une note de service qu'a envoyé Mario Arès à Linda LeBrun et qui porte sur Développement économique Canada. On y dit ceci :
Je vous écris pour vous demander votre appui dans le dossier de DEC que nous voulons porter encore une fois à l'attention de l'administration centrale.
Il y a plus d'un mois, nous avons informé le cabinet du ministre de notre stratégie concernant les locaux pour DEC, notre client. Le 8 juin,
— c'est vous qui étiez alors ministre —
après une réunion avec J. M. Bard,
— votre chef de cabinet —
on nous a dit de mettre le dossier de DEC en attente.
J'essaie de comprendre, monsieur Gagliano, comment vous pouvez affirmer que vous n'étiez pas en mesure d'exercer quelque influence que ce soit, qu'on vous informait seulement, alors que nous avons des documents qui indiquent que votre chef de cabinet, qui semble avoir eu plus de pouvoir que vous n'en aviez, a fait mettre le dossier en attente.
Que s'est-il passé?
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Merci, monsieur le président. C'est très court.
Monsieur Gagliano, vous nous avez dit et répété que vous n'étiez pas là au moment où ces décisions ont été prises. Cela me semble évident. Un autre ministre, M. Boudria, vous a succédé. Quand vous êtes parti et qu'il est arrivé, avez-vous communiqué avec lui par la suite ou avant votre départ pour lui transmettre de l'information sur les différents dossiers, notamment sur celui-là?
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Nous reprenons nos travaux. La deuxième heure de notre séance d'aujourd'hui commence maintenant et je ne répéterai pas ce que j'ai dit à l'ouverture de la séance, nous savons tous pourquoi nous sommes ici.
Notre deuxième témoin aujourd'hui est l'honorable Ralph Goodale, ancien ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux. Soyez le bienvenu, monsieur Goodale, et merci d'avoir pris le temps de venir nous voir.
Sans plus tarder, nous commençons la période des questions.
Mais peut-être que je devrais vous demander, monsieur Goodale, si vous aimeriez faire quelques remarques. Nous passerons ensuite aux questions et nous suivrons la même procédure qu'à la dernière réunion, soit six intervenants qui disposeront chacun de huit minutes.
Monsieur Goodale, voulez-vous faire une déclaration d'ouverture?
:
Oui, monsieur le président, brièvement.
[Français]
Merci, monsieur le président.
J'ai quelques commentaires à faire sur l'étude en cours de ce comité, soit la location de bureaux à Montréal pour Développement économique Canada.
[Traduction]
La propriété en question est, bien sûr, située à la Place Victoria, là où se trouvaient les bureaux de DECQ depuis plus de 30 ans. Quand je suis devenu ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux le 26 mai 2002, l'entente de location avait déjà été conclue et n'attendait que l'autorisation finale du ministre.
Bien sûr, je n'ai plus accès aux dossiers du ministère, mais d'après les documents qui ont été transmis au comité, le processus a commencé en décembre 2000, quand on a voulu répondre aux besoins en locaux de DECQ.
À l'issue du processus, deux ministres plus tard, le 31 mai 2002, cinq jours après mon entrée en fonction, on m'a présenté une recommandation que j'ai acceptée sans changement.
Les deux anciens sous-ministres qui ont comparu devant votre comité, M. Marshall et Mme Cochrane, ont très bien décrit cette recommandation. Comme l'indiquent leurs déclarations, le ministère était d'avis que le bail pour DECQ à Place Victoria était une bonne affaire pour la Couronne, et ce, pour quatre raisons.
Premièrement, DECQ n'avait plus besoin d'autant d'espace qu'on ne le croyait à l'origine. Deuxièmement, sauf pour les modifications nécessaires pour l'accès pour handicapés, les coûts liés au réaménagement et aux technologies de l'information seraient évités. Troisièmement, on éviterait aussi les coûts de déménagement et, enfin, et c'est le plus important, on avait négocié un loyer de 30 p. 100 inférieur au prix original. Le loyer était de 308 $ plutôt que 430 $.
Il est regrettable que la vérificatrice générale n'ait pas su ce que coûtait le loyer à temps pour en tenir compte dans son examen de ce dossier.
Avant de recommander le renouvellement du bail à la Place Victoria, le ministère a aussi tenu compte du fait que, selon l'évaluation des professionnels, les locaux qui venaient d'être loués à la Place Bonaventure, avant que DECQ ne modifie ses exigences, étaient un espace utile qui pourrait servir à d'autres ministères ou organismes fédéraux à Montréal.
Les deux ex-sous-ministres ont indiqué que les locaux de Place Bonaventure n'ont pas été occupés aussi rapidement qu'ils l'avaient anticipé, mais leurs attentes étaient raisonnables à cette époque, à l'été 2002.
Dans l'ensemble, le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux fait une meilleure gestion que le secteur privé de l'espace et des locaux excédentaires. Je crois d'ailleurs que vous avez reçu des statistiques à ce sujet.
Quoi qu'il en soit, la vérificatrice générale a recommandé une meilleure coordination entre les ministères lorsque la prise de décision doit être partagée; deuxièmement, la création de meilleurs systèmes d'information pour les analyses financières; troisièmement, une application plus rigoureuse des règles de la part de Travaux publics et, enfin, que des données actualisées soient fournies à la vérificatrice générale. Tous ces conseils me semblent judicieux.
Merci.
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Les deux sous-ministres qui ont comparu devant le comité, soit M. Marshall et Mme Cochrane, ont expliqué les facteurs qui ont influencé leur évaluation de la valeur économique de Place Victoria. Plusieurs facteurs ont été pris en compte.
Il serait plus économique de ne pas déménager et ainsi de ne pas avoir à aménager les locaux en les dotant de nouveaux systèmes de TI. Il serait plus économique d'occuper une superficie moins grande que celle prévue au départ. Mais, si j'ai bien interprété les témoignages faits devant le comité, le facteur le plus important c'est que le Bureau du vérificateur général n'a peut-être pas reçu en temps voulu l'information selon laquelle le taux de location avait changé de façon dramatique. Le taux de location devait être au départ de 430 $ mais n'était plus que de 308 $ après les négociations. C'est une différence d'environ 28 p. 100. Ce fait les a manifestement amenés à conclure que les locaux de Place VIctoria seraient un bon choix du point de vue économique.
L'autre facteur qui a joué concernait le délai dans lequel les nouveaux locaux à Place Bonaventure pourraient être loués à d'autres services du gouvernement. Les attentes des fonctionnaires à cet égard ne se sont pas réalisées.
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Vous dites que la décision de signer deux baux pour la même agence, à deux endroits, se justifie par le fait que les besoins en espace ont changé, qu'à la fin ils étaient réduits et que le prix avait été modifié. C'est un peu ce que vous dites :
Au ministère, on m'a donné une recommandation parce que, d'une certaine façon, les besoins initiaux, qui étaient prévus pour l'Agence de développement économique, en termes d'espace, parce que des nouveaux employés étaient prévus, n'y était plus et qu'en plus le prix du loyer, qui avait été stipulé en appel d'offres, avait été diminué.
Trouvez-vous normal qu'un ministère ou une agence fasse une prévision d'agrandissement en fonction de 25 employés de plus, soit les nouveaux postes qui seront créés, au début du processus d'appel d'offres et que, vers la fin de ce processus, on n'ait plus besoin d'espace supplémentaire?
Cette situation était-elle fréquente lorsque vous étiez en poste?
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Cela ne semble-t-il pas un peu amateur que de jouer avec des hypothèses semblables et que, au bout du compte, il en résulte qu'on signe à deux endroits différents sans être sûrs à l'avance qu'on va louer les locaux? On peut présumer qu'on va louer les locaux ensuite à Place Bonaventure, mais on n'en a pas la certitude.
Le ministère a donc pris le risque de louer un deuxième espace. Depuis le début, on cherche à savoir ce qui s'est passé exactement. Selon mon hypothèse, les gens qui travaillaient à DEC à Place Victoria n'avaient pas le goût de changer de place. Compte tenu des règles de Travaux publics obligeant le ministère à lancer un appel d'offres, émettre l'hypothèse qu'on a besoin de locaux supplémentaires permet ensuite de dire qu'on n'en a plus besoin et de renégocier avec Place Victoria.
C'est exactement ce qui est arrivé. On est passé de 430 $ le mètre ou le pied carré à 308 $ le pied carré. On a négocié de gré à gré après la conclusion d'un contrat alors que Place Victoria n'avait pas gagné l'appel d'offres. Ce n'est pas un scénario de film, mais j'ai l'impression qu'on a tenté d'aller dans ce sens et que cela a fonctionné pour eux.
Une telle chose peut-elle s'est produite?
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Je ne suis pas réellement en mesure de commenter le raisonnement qui a amené DEC-Q à faire tel ou tel choix puis à changer ensuite d'avis.
Lorsqu'il a témoigné, M. Drouin a dit que les nouveaux locaux à Place Bonaventure le préoccupaient étant donné la construction de l'immeuble, le fait qu'il était construit au-dessus de la voie ferroviaire et en raison du peu d'enthousiasme des employés. Il était aussi réticent à absorber les coûts qu'entraînerait le déménagement. Il préférait utiliser les fonds pour aider les entreprises au Québec.
Quant à savoir quels facteurs ont amené le ministère à changer d'avis, ce serait à DEC qu'il faudrait poser la question. Comme l'a expliqué M. Marshall, le ministère des Travaux publics aurait dit à DEC qu'il faudrait déménager et occuper les nouveaux locaux à moins que le ministère ne soit convaincu que l'autre option serait plus rentable pour la Couronne. L'analyse faite en avril et mai 2002 les a amenés à conclure que l'optimisation des deniers publics serait assurée en même temps qu'on répondrait aux préoccupations soulevées par M. Drouin. C'est aux fonctionnaires de Travaux publics qu'il incombait de faire cette analyse économique afin de déterminer si les deux objectifs pouvaient être atteints simultanément.
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Une fois l'analyse faite, le ministère a conclu pour les raisons que j'ai exposées, surtout le loyer plus bas, que l'occupation des locaux à Place Victoria était manifestement l'option la plus rentable du point de vue économique.
Quant à Place Bonaventure, ils ont conclu qu'ils pourraient rapidement trouver des preneurs pour les locaux pour lesquels le bail avait déjà été signé étant donné la demande d'autres services fédéraux pour des locaux dans la région de Montréal. C'est cette attente des fonctionnaires qui ne s'est pas concrétisée aussi rapidement qu'ils l'avaient prévue. Si j'ai bien compris, c'est là qu'interviennent les coûts. Selon M. Marshall, ces coûts s'élevaient à 2,1 millions de dollars et non pas à 4,6 millions de dollars.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Goodale, j'aimerais discuter de quelques détails avec vous.
Vous avez mentionné dans votre exposé liminaire qu'à votre avis la façon de procéder avait été équitable. Après avoir expliqué les circonstances à M. Gagliano, et après qu'il se soit lui-même renseigné sur ce dossier, nous avons appris qu'il ne s'agissait pas d'une façon normale de procéder. D'ailleurs, il nous a dit ne pas se souvenir d'un autre cas où une fois l'appel d'offres lancé toute l'affaire avait été abandonnée et qu'un bail ait été signé par la suite.
Janice Cochrane qui a comparu devant le comité a changé sa position du tout au tout dans deux courriels. Dans un courriel elle disait :
L'analyse financière révèle que la solution recommandée est plus économique que le renouvellement au moyen de négociations directes.
Cela étant, rien ne justifiait qu'on vous demande d'approuver la négociation directe avec le propriétaire de 800, Place Victoria.
Par la suite, elle vous a recommandé la négociation directe. Je signale en passant que c'était après la lettre de M. Drouin qui, dit-elle,dont elle dit qu'elle avait tout simplement pour but d'obtenir des renseignements, alors qu'il s'agit d'une demande directe d'autorisation d'engager la négociation avec le propriétaire de 800, Place Victoria.
Ensuite, l'un de ses employés, Mario Arès, déclare dans un courriel du 3 mai 2002 :
Il semble bien manifeste que l'insistance manifestée pour demeurer dans les locaux à Place Victoria en l'occurrence sert des intérêts autres que ceux d'une saine gestion des fonds publics. Je ne peux pas accepter de justifier au plan administratif une décision qui est difficile à justifier au plan financier parce que cette décision est onéreuse (le client, DEC a accepté de déménager dans des locaux à Place Bonaventure où, en dernier ressort, nous aurions pu signer un bail avec le soumissionnaire qui se serait classé au deuxième rang [DEC a accepté] ce qui aurait été plus avantageux pour la Couronne.
Je signale en passant que ce n'est pas la première fois que M. Arès se prononce de façon aussi directe. Le 5 juillet, il a dit dans un courriel qu'il était très préoccupé du fait que le ministère refusait d'annuler la suspension de toute la procédure et...
Il y dit :
Il y a plus d'un mois, nous avons fait part au cabinet du ministre de notre stratégie en ce qui a trait aux locaux fournis à notre client, DEC. Le 8 juin, après une rencontre avec J.M. Bard, on nous a dit de mettre le dossier de DEC en attente. Rien ne s'est passé depuis et nous n'avons pas reçu de demandes d'information et le dossier est encore en attente.
Plus tard, M. Gladu a dit au sujet de la lettre de M. Drouin :
Après avoir été informé du contenu de la lettre de M. Drouin, je l'ai rencontré lors d'une réunion régulière. Je lui ai dit qu'à mon avis, c'était une erreur d'avoir envoyé cette lettre puisqu'il s'agissait d'une affaire d'ordre administratif et qu'il n'aurait tout simplement pas dû s'en mêler.
Voilà donc le genre de choses qui s'accumule tout au long de la procédure et pourtant, vous avez signé le bail ultérieurement.
Compte tenu de tous ces faits, pensez-vous toujours que la façon de procéder était équitable? Croyez-vous qu'elle a été équitable à l'égard des deux autres soumissionnaires dont l'offre n'a pas du tout été prise en compte et qui s'étaient mieux classés que le propriétaire de Place Victoria? Et ne croyez-vous pas que vous auriez dû parler du dossier avec Janice Cochrane avant de l'approuver puisque, dans son témoignage, elle nous a dit ne pas avoir eu de conversations avec vous?
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Je pense que la difficulté que présente le coût de la transaction tient au fait que les locaux de Place Bonaventure n'ont pas pu être loués à d'autres clients aussi rapidement que l'avaient prévu les fonctionnaires du ministère des Travaux publics.
En règle générale, leur bilan en la matière est bon et d'ailleurs, meilleur que celui du secteur privé. Comme l'ont expliqué M. Marshall et Mme Cochrane, le taux d'inoccupation générale dans le secteur privé avoisine 5 p. 100 tandis que le taux d'inoccupation des locaux que détient le ministère des Travaux publics est plutôt de l'ordre de 1,2 p. 100. Leur bilan est donc plutôt bon.
Je crois que Mme Cochrane et M. Marshall ont tous les deux indiqué au comité que la recommandation qu'ils ont formulée sur la foi de leur analyse économique et de leur avis professionnel à l'été 2002 s'est avérée erronée puisqu'il a fallu plus longtemps que prévu pour trouver de nouveaux locataires pour les locaux à Place Bonaventure.
La transaction avec le propriétaire de Place Victoria était en réalité avantageuse pour la Couronne puisqu'on avait besoin de locaux plus petits, que le loyer était moins cher, que le déménagement était évité et il n'y avait pas de coûts d'aménagement à faire.
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Monsieur Goodale, encore une fois, je comprends que vous vouliez me donner des informations sur Place Bonaventure, mais je m'intéresse davantage à l'équité du processus, au fait que l'on a exclu deux soumissionnaires, à l'impression qu'on peut avoir quand on voit le manque de communication, le dossier qui est mis en attente et au fait que, manifestement, M. Gagliano, qui occupait ce poste depuis cinq ans, n'avait jamais rien vu de tel.
Ce n'était donc pas chose courante; ce n'était pas chose courante que de mener à bien un processus d'appel d'offres, que ce tableau nous décrit très bien, pour, au bout du compte, ne pas retenir le meilleur soumissionnaire. J'ignore combien de millions de dollars cela a coûté à TPSGC, mais une fois le processus terminé, on n'était pas plus avancé. Voilà ce qui me préoccupe et qui n'a pas encore été bien expliqué.
Jusqu'à présent, les députés d'en face ont simplement tenté de limiter les dégâts en affirmant que la vérificatrice générale s'est trompée et que les pertes ont été beaucoup moindres. Or, la vérificatrice générale s'en tient à ce qu'elle a déclaré au début de 2007.
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En fonction des informations dont elle disposait au moment où elle a fait la vérification. Ce sont les informations qui figurent dans le compte rendu que j'ai lu ces derniers jours.
Monsieur Sweet, j'aimerais préciser que, en ce qui concerne la mise en suspens du processus, vous devez reconnaître que je n'ai imposé aucune mise en suspens ou mise en attente. Rien dans les dossiers ne l'indique.
Deuxièmement, en ce qui concerne le processus, du moins, pour une partie du processus, et d'après ce que je conclus en lisant les documents, on a exercé un contrôle juste et équitable. Après le fait, il arrive que les soumissionnaires insatisfaits dont l'offre n'a pas été retenue expriment leur mécontentement, mais, en l'occurrence, pour autant que je sache, personne ne s'est plaint.
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Merci, monsieur le président, et merci beaucoup à vous aussi, monsieur Goodale, de votre présence ici aujourd'hui.
Je suis sûr que vous pouvez comprendre pourquoi nous continuons à creuser cela. C'est cette petite perle de question qui demeure entière, pourquoi l'État gaspillerait-il délibérément autant d'argent, et nous n'avons encore trouvé personne pour nous dire oui, depuis cette décision et voici précisément pourquoi. Ignorant donc cela, nous continuons à fouiller. Par souci d'équité, je pense qu'il faut reconnaître que votre réputation, surtout dans le monde parlementaire, est parmi les plus inattaquables qui soient à la Chambre. Pour moi, c'est une référence qui compte. C'est bien beau d'être populaire, mais quand on parvient également à mériter le respect des collègues... et c'est en grande partie pour cette raison qu'on vous a confié ce poste, parce qu'il y avait des problèmes et qu'on voulait que vous vous en occupiez.
Voici donc ce qui me préoccupe. Vous êtes un ministre chevronné, un honnête homme, vous regardez ce dossier où on donne le feu vert à des dépenses de x millions de dollars. Votre sous-ministre vous informe — et je rappelle qu'à ce moment-là vous êtes nouveau dans vos fonctions — et on vous dit que ce dossier est arrivé et que six semaines à peine avant cela, le secrétaire d'État avait envoyé cette lettre dont M. Sweet nous a parlé. Laissez-moi également rappeler que le 21 mars, à cette même rencontre dont parlait M. Sweet en réponse à une question de M. Rodriguez... tout cela donc a abouti à cette décision d'aller de l'avant. Mais qui a pris cette décision? M. Gladu? À l'origine, Travaux publics en avait pris la responsabilité. Après une lettre de M. Drouin, que vous avez lue et dont vous avez entendu parler, Travaux publics a commencé à négocier avec les propriétaires de l'immeuble Place Victoria.
Vous voici donc un ministre chevronné, un vieux de la vieille, et vous vous rendez compte à votre arrivée que le dossier est prêt à être ficelé, mais quelques semaines auparavant, un ministre fraîchement émoulu avait écrit une lettre et, tout d'un coup, rien ne va plus. Il me semblerait qu'un homme comme vous aurait eu tout un tas de questions à poser à ce sous-ministre, à la fois parce que ce dossier était nouveau pour vous et parce que la sonnette d'alarme avait commencé à tinter. Comment allez-vous pouvoir à un moment donné, dans vos fonctions de ministre, défendre cette décision? Aidez-moi à comprendre pourquoi vous ne vous êtes pas contenté de dire à un jeune ministre, fraîchement émoulu, qui voulait chambouler un marché de plusieurs millions de dollars qui avait déjà occasionné des dizaines, voire des centaines de milliers de dollars en dépenses, sans même parler du temps qu'il avait fallu pour monter tout ce dossier... ce jeune ministre se pointe donc et dit que tout cela ne le satisfait pas et qu'il aimerait qu'on reparte à zéro.
Il me semblerait monsieur que, dans le secret de votre bureau, votre réaction aurait dû être de prendre votre collègue à partie en lui demandant s'il avait perdu la tête. Je suis étonné que vous puissiez même accepter de lui donner l'heure juste, pour la bonne raison que s'il n'y a pas là anguille sous roche, à tout le moins le fait que cette décision ait été prise est assurément contraire à tout bon sens. Vous refusez de dire qu'il y a là quelque chose qui pose problème, monsieur. Vous voulez nous donner l'impression, comme votre collègue d'ailleurs, que tout était beau et rose, et que si nous avons des questions à ce sujet, c'était simplement pour quelques points de détail mineurs et que vous pourriez facilement y répondre. Or, lorsqu'on fait le total, on se rend compte que tout ce dossier pue.
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J'en suis conscient et j'essaie de rester du bon côté de la ligne de démarcation.
Il y a donc ce courriel de Rachael Morneau — nous avons déjà entendu ce nom, il se peut que ce soit la même personne, admettons — et de Carole Beal. Il porte la date du 2 avril 2002 et on peut y lire ceci :
Comme suite à notre entretien de la semaine dernière, André Gladu de « DEC » [...]
-- le sous-ministre --
[...] m'a confirmé le jeudi 28 mars son accord pour déménager à Place Bonaventure. Il m'a informé que cela avait été approuvé par M. Drouin, le secrétaire d'État pour DEC.
Le cabinet de notre ministre, selon ce que je sais, ne nous a pas donné le feu vert. L'offre du moins disant expire aujourd'hui [...].
Le courriel se poursuit en parlant d'une prolongation. Par conséquent, jusqu'à ce moment-là, le cabinet du ministre — de votre prédécesseur — était entièrement partie prenante dans tout ce processus, et donc c'était un autre feu vert.
Ensuite, il y a la lettre de M. Drouin qui nous arrive de nulle part, et le mieux qu'il ait pu me dire, c'est que le personnel était furieux. Il me semblerait que, s'il s'agissait là d'un critère tellement important, et j'aimerais beaucoup que ce genre de critère fut pris en compte plus souvent, vous auriez fait cela au tout début, plutôt qu'à la fin. Il est certain que dans le vrai monde, ce n'est pas parce que des gens se plaignent, six semaines après la signature d'un contrat de plusieurs millions de dollars, qu'on va décider de tout reprendre à zéro.
J'ai encore un peu de mal à comprendre pourquoi vous n'avez pas posé davantage de questions, pourquoi vous ne vous êtes pas inquiété — alors même que les sonnettes d'alarme étaient en train de tinter. Un ministre de rang inférieur avait bouleversé tout un processus d'appel d'offres et vous n'avez rien dit, vous avez donné votre aval par votre signature.
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Monsieur Christopherson, il y a en l'occurrence trois éléments distincts.
Pour commencer, dans votre première phrase, vous dites que l'État a délibérément gaspillé de l'argent. Je ne pense pas qu'il y ait au dossier quelque preuve que ce soit qu'un éventuel gaspillage, si tant est qu'il y en ait eu, ait été délibéré ou fait sciemment dans le cadre d'un dessein prémédité. En réalité, lorsque nous avons renégocié à la baisse le loyer, le faisant passer de 430 millions de dollars à 308 millions de dollars, le service des biens immobiliers de Travaux publics avait ainsi réalisé une économie notable. Ce service avait également, que je sache, porté le meilleur jugement professionnel possible pour déterminer si d'une part cela pouvait répondre aux besoins du secrétaire d'État et si d'autre part il était possible de signer un bail pour les locaux de Place Bonaventure. Et le service en question avait conclu que dans les deux cas, c'était possible.
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Merci, monsieur Goodale, d'être venu témoigner devant nous aujourd'hui. Vous avez fait le maximum pour répondre à toutes les questions en suspens, même si je ne suis pas convaincu qu'il y en avait beaucoup.
Je vais vous en poser quelques-unes simplement pour préciser le rôle que vous jouiez à l'époque, afin que les choses soient bien claires.
Dites-nous donc ceci, si vous voulez bien. Lorsque vous étiez ministre des Travaux publics, avez-vous jamais rencontré, connaissiez-vous personnellement qui que ce soit qui travaillait pour WPBI Management, les propriétaires du complexe de Place Bonaventure, au moment où le bail de l'immeuble Place Victoria occupé par DECQ devait être renégocié?
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Ensuite, quelqu'un a pensé qu'on pouvait rester à Place Victoria, et la proposition est arrivée sur votre bureau pour signature. L'argument, je suppose, c'est qu'on pouvait louer l'autre immeuble pour un autre organisme ou un autre groupe. Vous vous retrouvez donc avec deux loyers. Ce que vous avez fait, puisque vous étiez ministre à l'époque, a consisté à prolonger le loyer de Place Victoria à la demande du groupe. Quand il s'agit de desservir les régions du Québec, c'est l'endroit idéal pour tous les gens qui viennent des régions et qui se retrouvent en plein centre-ville de Montréal, à deux pas de la gare de chemin de fer.
En ce qui concerne les coûts, vous semblez dire aujourd'hui au comité qu'en réalité, on a économisé de l'argent grâce à la décision prise par Mme Cochrane et par vous-même, concernant la prolongation du bail de Place Victoria, puis le bail de Place Bonaventure.
Avant de terminer, est-ce que vous avez, monsieur Goodale, d'autres renseignements à donner au comité? Comme le dit M. Sweet, j'ai bien du mal à trouver un fautif, à adresser des reproches à qui que ce soit.
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J'aurais simplement une chose à dire, monsieur Hubbard, et qui revient en fait à votre argument initial. En ce qui concerne cette transaction, et d'ailleurs toutes les autres, à Travaux publics, je ne me souviens pas qu'il y ait jamais eu de pression politique qu'elle quelle soit, et encore moins dans ce dossier-ci.
Autant que je me souvienne, M. Drouin ne m'en a jamais parlé. Sa lettre était là, et j'y ai répondu en temps utile. Je n'ai jamais eu aucune réaction de M. Boudria ou de M. Gagliano. À l'époque, et c'est toujours vrai aujourd'hui, les propriétaires m'étaient totalement inconnus. Il ne me serait pas venu à l'idée qu'il me fallait les connaître, je vous le dis bien franchement. Les négociations sont conduites par des professionnels du ministère, et je suis resté complètement à l'écart de cela.
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Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que vous aviez accepté telle quelle la recommandation qui vous avait été faite. Un peu plus tard, en réponse à une question de M. Hubbard, vous avez déclaré que l'une des choses que vous aviez toujours coutume de vérifier, c'était le respect des règles. Mais dans ce cas-ci, les règles n'ont pas été suivies. Nous le savons, et nous voulons maintenant découvrir pourquoi.
Mme Cochrane a comparu ici l'autre jour. Elle nous a dit que pour elle, il s'agissait de deux transactions, le complexe de la Place Bonaventure en était une, et le renouvellement du bail de l'immeuble Place Victoria était considéré comme une nouvelle transaction, comme un contrat à fournisseur unique.
Cela est totalement contraire à toutes les règles. Pourquoi donc, c'est ma première question, auriez-vous demandé si toutes les règles avaient été suivies pour ensuite approuver la transaction après avoir découvert qu'elles n'avaient pas été suivies?
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Oui, je comprends fort bien, mais l'énoncé économique ne mentionnait pas le fait que vous alliez devoir payer un loyer pour des locaux inoccupés dans le complexe de la Place Bonaventure, ce qui fait pourtant partie intégrante de toute l'analyse économique de la transaction.
Si effectivement on part de cet argument au sens étroit du terme, fort bien, on peut effectivement prétendre cela. Mais, en second lieu, on doit se demander pourquoi autoriser le renouvellement d'un bail alors même que le propriétaire ne rend pas les locaux accessibles aux handicapés, contrairement à ce qu'exige le gouvernement du Canada?
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Vous essayez donc de me dire que c'est ainsi que le gouvernement canadien fait des affaires. Or, nous savons maintenant que le gouvernement canadien ne fait pas affaire de cette façon, en tordant le bras du propriétaire parce qu'il y a d'autres soumissionnaires, en lui disant que ces autres soumissionnaires proposent tant, de sorte que si lui propose la même chose moins quelques dollars, il pourra rester. Ce n'est pas de cette façon que le gouvernement canadien traite.
Comme le disait M. Christopherson, il y a là-dessous un dessein bien affirmé. Claude Drouin peut intervenir avec une lettre, comme on l'a appris, faire tout basculer, et vous dites que c'est cela, suivre les règles. De votre propre aveux, vous avez dit en réponse à ma première question, lorsque je vous demandais si les règles avaient été suivies... la réponse est bien entendu qu'en raison d'une lettre de votre collègue, le secrétaire d'État qui siège au conseil des ministres à vos côtés, toutes les règles ont été ignorées. Comment donc pouvez-vous nous affirmer que ces règles ont bien été respectées?
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Goodale, je ne tiens pas à perdre du temps.
Pour commencer, lorsqu'il avait été décidé qu'une superficie de locaux moins grande ferait l'affaire, quand cette décision a été prise, en a-t-on fait part au soumissionnaire retenu afin qu'il puisse rectifier son offre? Oui ou non?
Finalement, vous êtes député depuis un bon moment. Je crois que vous êtes avocat de formation, et donc je dois présumer, comme le ferait le commun des mortels, que vous avez de l'expérience et que vous devriez être en mesure de prendre une décision logique.
Je vais vous construire un scénario: vous vous mariez et vous louez une maison, et avec le temps vous avez deux ou trois enfants, et tout d'un coup la maison n'est plus assez grande. Vous prenez contact avec un agent immobilier et vous dites, « Je voudrais que vous me donniez deux ou trois prix sur une plus grande maison qui pourrait m'accueillir avec ma famille ». Donc la personne s'en occupe, et non seulement il vous trouve une maison qui est assez grande pour vous accueillir toute la famille, mais c'est beaucoup moins cher que votre maison actuelle. Du coup la personne qui est propriétaire de la maison actuelle entend parler de tout cela et vous dit, « Eh, doucement, je sais que cette maison n'est pas assez grande, mais si on l'agrandissait de quelques pièces et on baissait le loyer? » Croyez-vous que vous seriez d'accord avec un tel scénario dans votre vie personnelle?
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Non, notre temps s'écoule à 13 heures.
M. Goodale nous a dit qu'il a un autre rendez-vous à 13 heures, et moi j'en ai un également. Plusieurs députés dont déjà partis. Donc je vais lever la séance maintenant.
Vous pouvez déposer une motion pour l'inviter à revenir, monsieur Poilievre. C'est possible.
Monsieur Goodale, au nom du comité, j'aimerais vous remercier de votre comparution ici aujourd'hui.
La séance est levée.