Bonjour. Je m'appelle Linda Vandendriessche et je suis présidente de l'Office de commercialisation des producteurs de tabac jaune de l'Ontario. Aujourd'hui, je suis accompagnée de Fred Neukamm, vice-président de l'Office.
Nous tenons à remercier le président et les membres du Comité de nous donner l'occasion de comparaître aujourd'hui devant eux.
L'Office, qui est habilité par la Commission de commercialisation des produits agricoles, est responsable de l'ensemble des dossiers de production, de marketing et de promotion qui préoccupent tous les producteurs de tabac jaune de l'Ontario. Chaque année, en fonction des intentions d'achat dans le secteur, nous déterminons la taille des récoltes. Nous avons la responsabilité de faire appliquer les règles très strictes, d'émettre des licences de production et de gérer l'écoulement des récoltes de tabac vers notre marché aux enchères. Notre système de freins et contrepoids, qui comprend des enquêtes sur les récoltes, des inspections sur place et d'autres mesures, nous permet de veiller au respect de nos règles par chaque producteur agricole.
La plupart des Canadiens sont conscients du fait que les activités florissantes de la contrebande signifient que le Trésor public, les fabricants légaux de tabac et les détaillants ne profitent pas de milliards de dollars. Ce dont la plupart des Canadiens ne sont pas conscients, par contre, c'est l'effet de la contrebande sur les producteurs de tabac et sur nos collectivités. En 1998, notre récolte s'élevait à 151 millions de livres. Pour 2008, tout indique qu'elle oscillera entre 16,5 et 20 millions de livres, ce qui représente une baisse de plus de 85 p. 100 en seulement 10 ans. Vous comprendrez qu'une si petite récolte crée un problème d'infrastructure excédentaire.
Nous croyons que la chute de la demande est largement attribuable au fait que, aujourd'hui, les produits de contrebande et de contrefaçon ne comprennent pas le tabac cultivé en Ontario, qui est fortement réglementé. Chaque jour, les fabricants de cigarettes, tant légaux que clandestins, importent d'innombrables chargements et conteneurs de tabac, moins chers et non contrôlés. Traditionnellement, les cigarettes fabriquées par les entreprises légales du pays contenaient environ 95 p. 100 de tabac canadien; maintenant, leur contenu canadien est inférieur à 50 p. 100.
Dans le cadre de notre système actuel, tout le tabac jaune cultivé en Ontario doit être vendu par notre entremise. Nous sommes les seuls à pouvoir octroyer un permis de cultiver et de commercialiser le tabac jaune, et nous avons également le pouvoir de révoquer une licence si un producteur est reconnu coupable d'avoir participé à un acte illégal. Nous pouvons annuler les contingents de base ou de mise en marché ou refuser de publier des instructions d'expédition. En 1999, la Gendarmerie royale du Canada a porté des accusations contre quatre producteurs du Canada et les a condamnés pour vente illégale de tabac. Dans leur cas, nous avons annulé un total de 532 702 livres de contingents de base.
Nos pouvoirs en matière de production s'étendent à toute la province, mais celle qui se fait dans les réserves autochtones semble y être soustraite. En 2006, quelques acres de tabac jaune ont été cultivées dans la réserve des Six Nations, et, l'année dernière, la production dans cette réserve est passée à environ 150 acres. On y a installé des séchoirs, et l'on a embauché du personnel d'expérience chargé de superviser l'exploitation.
Nous avons transmis ces renseignements à la GRC, et, à notre connaissance, les cultures ont été récoltées, et l'on n'a fait aucune démarche pour faire cesser ou réduire la production de tabac dans la réserve.
Dans notre système, si un producteur sous notre compétence sème sans détenir de licence, sa récolte est détruite. Il y a seulement trois ans, nous avons détruit la récolte d'un de nos producteurs qui avait omis de nous déclarer un champ de tabac.
Traditionnellement, la majorité de nos producteurs fonctionnent à l'intérieur des limites de la loi. Toutefois, en ces temps difficiles, les producteurs, vulnérables et endettés, sont la proie des criminels, qui leur offrent la possibilité de produire et de vendre leur tabac « au noir »: ils n'ont pas à payer de taxes ni de droits, et reçoivent de l'argent comptant au moment de la livraison. Nous craignons que ce problème ne s'aggrave à mesure que plus de producteurs seront contraints de chercher des moyens de survivre et d'éponger leurs dettes.
Il y a de plus en plus de vols qualifiés. Depuis janvier 2007, on a volé au-delà de 2 000 balles de tabac dans les granges de producteurs de tabac. Si l'on convertit ces balles en cigarettes et que l'on calcule les impôts qui échappent au gouvernement, on peut considérer qu'au-delà de 11,5 millions de dollars ont été « volés » aux contribuables, sans compter la perte et le risque encourus par les cultivateurs et leurs enfants.
Il y a peu de temps, nous rencontrions les représentants de l'Agence du revenu du Canada, de la Police provinciale de l'Ontario, de la GRC et de la Commission de commercialisation des produits agricoles pour examiner les rôles et les responsabilités de chacun dans le contrôle de la contrebande. Contre toute attente, nous avons appris que la Police provinciale n'avait aucune compétence pour faire appliquer nos règlements relatifs au contrôle de la production et de la commercialisation. Le fardeau de cette responsabilité retombe sur la GRC, qui manque de personnel.
Depuis trois ans, nous lui avons transmis 28 allégations d'activités illégales qui nous avaient été communiquées, mais, à notre connaissance, on n'a procédé à aucune arrestation. Nous savons que l'effectif de la GRC est insuffisant, et malheureusement, celui-ci doit couvrir de nombreux secteurs en cette période d'anarchie.
L'an dernier, des représentants de l'ARC ont rencontré individuellement des producteurs de tabac afin de déterminer si ces derniers disposaient d'un système acceptable de tenue de livres et de dossiers. Ces réunions leur ont en outre permis de s'assurer que les producteurs comprenaient leurs droits et obligations aux termes de la Loi de 2001 sur l'accise.
D'après nous, cet exercice partait de bonnes intentions, mais l'inexpérience et le manque de compréhension du système de l'Ontario par les membres de l'équipe sur le terrain ont créé une énorme confusion. Par exemple, on a dit à certains producteurs qu'ils pouvaient vendre leur tabac directement à des exportateurs. Cela a créé une confusion considérable. Si la vente directe aux exportateurs est autorisée aux termes de la Loi sur la taxe d'accise, comme je l'ai mentionné précédemment, en vertu de la loi ontarienne et de nos règlements, tout le tabac jaune cultivé en Ontario doit être vendu par notre entremise.
D'après ce que nous comprenons, l'ARC avait pour objectif initial d'effectuer une deuxième visite dans l'année qui suit la première. Nous tenons à rappeler aux représentants régionaux qu'ils devraient se sensibiliser à la présence et aux lois de l'Ontario avant de rencontrer de nouveau les producteurs.
Nous vous assurons que nous prenons notre mandat très au sérieux. Nous avons fait et nous continuerons à faire tout ce qui est en notre pouvoir pour que nos membres respectent les lignes directrices légales. Toutefois, la situation des producteurs est désespérée, leurs dettes sont impossibles à gérer, notre prochaine récolte sera la plus petite de notre histoire, et, sans aucun doute, l'attrait de l'argent facile augmente de plus en plus.
Aujourd'hui, nous voulons régler une question. Lors d'une réunion du comité qui a eu lieu il y a quelques semaines, deux producteurs de tabac n'étaient pas d'accord sur l'origine du problème de la contrebande: l'un d'eux affirmait que celui-ci était lié en grande partie aux déplacements transfrontaliers, tandis que l'autre laissait entendre que la faute devait être attribuée aux agriculteurs de l'Ontario.
Nous reconnaissons que certaines ventes illégales proviennent peut-être des champs ontariens, mais nous nous opposons vivement à l'idée que la majeure partie des ventes illégales de tabac sont originaires de ces champs. Nous croyons que la GRC a raison de déclarer que, à l'heure actuelle, la plus forte proportion de tout le tabac de contrebande qu'elle saisit provient de fabricants illicites établis du côté américain du territoire d'Akwesasne.
Comme nous l'avons dit au début, nous avons en place un système rigoureux d'enquête et d'inspection, et nous effectuons des contrôles ponctuels et des comptes d'inventaire pour veiller à ce que nos producteurs de tabac respectent les règles. Nous avons appris qu'il existait certaines fuites, mais nous savons, de par nos inspections, que la quasi-totalité du tabac cultivé en Ontario est vendue légalement. Cependant, nous sommes déçus par le manque de ressources dont dispose la GRC pour résoudre les problèmes auxquels nous nous heurtons et assurer le suivi des renseignements que nous lui fournissons, et nous croyons que, si l'on ne résout pas nos problèmes d'infrastructure, le nombre de ventes illégales augmentera de façon exponentielle.
En effet, jusqu'à il y a quelques années, les producteurs étaient terrifiés à l'idée de vendre illégalement leur tabac, en raison de nos sanctions sévères, en comparaison desquelles les sanctions prévues par la Loi sur la taxe d'accise paraissent plus faibles. D'après notre système de contingent, un producteur qui vend illégalement risque de perdre presque tout ce qu'il a. Cependant, avec l'effondrement du marché et sans aide du gouvernement, la valeur du contingent diminuera, et celui-ci s'assurera de constituer un élément dissuasif pour les producteurs qui songent à vendre illégalement.
La seule solution à ce problème consiste à éliminer l'infrastructure excédentaire des producteurs de tabac: un plan de retrait juste et universellement accessible pourrait assurer leur intégrité économique.
Nous sommes encouragés par l'engagement du gouvernement à lutter contre la contrebande. Nous croyons fermement que l'activité criminelle diminuera considérablement lorsque tous les Canadiens seront tenus de respecter la loi. Nous exhortons donc le ministre Day à trouver immédiatement des solutions globales au fléau de la contrebande et de faire en sorte que les producteurs de tabac contribuent à la solution.
Nous sommes prêts à participer et à offrir notre entière collaboration pour en arriver à la solution dont nous avons tant besoin.
Nous vous remercions du temps et de l'attention que vous nous avez consacrés aujourd'hui.
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Merci, monsieur le président.
Comme je l'ai dit, c'est avec réticence que j'attire l'attention du comité sur cette question de privilège personnel concernant l'article publié dans le Globe and Mail qui fait allusion à l'étude sur laquelle nous avons passé de longues heures. Nous nous sommes rendus sur la côte Ouest du Canada pour entreprendre une partie de cette étude.
Je tente de m'exprimer de façon à ne pas confirmer ni réfuter la crédibilité de l'article, mais l'article fait allusion — et, bien sûr, je crois tout ce que je lis dans les journaux — à l'une des sources d'un rapport dont la publication est attendue dès cette semaine. On parle de quelqu'un qui a témoigné sous le couvert de l'anonymat.
J'attire votre attention, car j'ai vécu une situation semblable il y a environ un an et demi, lorsque j'ai discuté avec un journaliste par inadvertance; j'ai dû par la suite faire des excuses à la Chambre. L'un des membres du comité d'alors, le député de Windsor-Tecumseh, s'est présenté devant la Chambre des communes pour parler brièvement de l'atteinte à son privilège.
De plus, j'attire votre attention sur cette question du fait que nous avons passé beaucoup de temps à la préparation de ce rapport, et il est assez décevant pour les membres, au moment de la publication du rapport, de ne pas pouvoir donner leur avis avant que d'autres en parlent déjà. Donc, si les commentaires de l'article sont vrais et reflètent ce qui s'est passé au sein du comité, quelqu'un qui a participé à l'étude en a discuté avec les journalistes.
Alors je ne sais pas ce que nous devons faire. Je veux vraiment porter ce fait à votre attention, monsieur le président, pour veiller à ce que les membres ne fassent pas une telle chose après tout le travail qu'on a fait. Je comprends d'emblée que les membres peuvent porter atteinte au privilège d'un autre membre par inadvertance, mais c'est le présent comité qui travaillait sur cette question, et on aimerait bien que ce ne soit pas le cas.
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J'ai du mal à m'émouvoir ici. Il y a eu un temps, au début de mon mandat, où le rapport d'un comité était presque sacré. Le comité travaillait très fort, et y donnait enfin naissance: il était alors rempli d'une sensation de soulagement et d'accomplissement. Si quelqu'un portait atteinte à la confidentialité, vous vous sentiez gravement trahi. Cela survenait très rarement. Ainsi, ce type d'évènement n'est pas nouveau ici.
Mais le fait méconnu, c'est que, à mesure qu'un comité travaille d'arrache-pied et tente d'arriver au plus grand consensus possible, si un consensus commence à naître, tout le caractère sacré des rapports du comité est actuellement miné par le premier ministre. Nous avions un rapport du comité sur l'agriculture qui était sur le point d'être publié concernant les étiquettes « fait au Canada » sur les aliments, entre autres. On arrivait à un haut degré de cohérence et de consensus, mais deux jours avant que le rapport soit publié, le premier ministre — j'imagine que quelqu'un de votre parti lui a dit ce qui se passait — a pris les devants et a fait l'annonce.
Aujourd'hui, nous avons un autre exemple. L'un des comités étudie l'entente de libre-échange avec la Colombie. Le comité est même allé jusqu'en Colombie il y a environ 10 jours. Le Parlement a dépensé beaucoup d'argent pour envoyer tout le comité en Colombie. Le comité est sur le point de terminer son rapport, et il fait le meilleur travail possible pour ses collègues au Parlement, et hier, le premier ministre a annoncé qu'une entente de libre-échange sera conclue avec la Colombie.
Je suis sur le point de baisser les bras et dire: « Peut-être que le premier ministre a déjà pris sa décision, et deux jours avant que nous ne déposions notre rapport au Parlement, il fera une annonce, donc à quoi bon prendre les choses au sérieux? » Les traditions sacrées de cet endroit s'effritent, et nous devrions en prendre conscience. Chacun de nous est rémunéré pour être député et travailler, selon les moyens qui nous sont offerts, et déployer de vrais efforts pour accomplir notre travail. Lorsque quelqu'un d'autre étale notre travail au grand jour, alors tout ce que nous faisons ici, peu importe l'étude que nous faisons, perd de la valeur, et il est possible de se demander si nous perdons notre temps.