SECU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent de la sécurité publique et nationale
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 4 juin 2008
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je sais que tout le monde n'est pas encore arrivé, mais j'ouvre néanmoins la séance. Je déclare ouverte la 34e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous poursuivons notre étude de la contrebande du tabac.
En raison des événements et des votes qui ont lieu à la Chambre des communes, notre séance sera écourtée. J'espère que vos remarques liminaires, pour lesquelles les témoins disposent généralement de 10 minutes, pourront être abrégées afin de laisser plus de temps pour la période de questions.
Voici l'ordre dans lequel les témoins prendront la parole: d'abord, le Conseil des Mohawks de Kahnawake, puis l'Assemblée des Premières Nations, L'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador, le Centre for Nation Building et, enfin, le Conseil des Mohawks d'Akwesasne. C'est l'ordre que les témoins ont choisi.
Je vous prierais de bien vouloir vous présenter et de nous donner votre titre avant de commencer votre exposé.
Je cède sans plus tarder la parole au Conseil des Mohawks de Kahnawake. Merci.
Vous avez la parole, monsieur.
Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité.
Je salue nos aînés ainsi que mes collègues ici aujourd'hui pour vous adresser la parole. Je vous présente Christine Zachary-Deom, notre avocate-conseil qui pourra répondre aux questions de nature juridique.
Au nom du territoire Mohawk de Kahnawake, situé à proximité de Montréal sur la rive sud du fleuve Saint-Laurent, je, Michael Delisle, en ma qualité de grand chef, présenterai le mémoire suivant, qui traduit la position de mon conseil et de ma communauté à l'égard de la soi-disant industrie de fabrication du tabac de contrebande sur notre territoire.
D'abord, il est intéressant de constater que le document de la GRC intitulé Stratégie de lutte contre le tabac de contrebande: 2008 a été diffusé avec peu d'avis aux communautés dont on a dressé le profil et sans la moindre consultation auprès des résidants de Kahnawake. Lorsque je parle des communautés qui ont fait l'objet d'un profilage, je fais allusion à la criminalisation de ma communauté dans la presse, même avant la tenue des audiences du comité permanent. Le profilage des communautés a une connotation négative qui nous présente sous un mauvais jour et nous sommes indignés par les répercussions de notre criminalisation continue dans les médias de grande diffusion.
Kahnawake a maintenant l'occasion de réagir aux déclarations que renferme ce document, en commençant par un commentaire historique qui relie notre lien spirituel avec le tabac, les pratiques commerciales intégrales avec les délégués européens et la continuité du commerce, d'une nation à l'autre, des produits du tabac qui sont actuellement fabriqués à Kahnawake ainsi que dans d'autres territoires. J'ai l'intention de fournir le contexte fondamental et exact qui se terminera par un aperçu de la stratégie de lutte contre le tabac de contrebande. Je ferai d'abord un bref survol historique.
Avant et depuis le contact européen avec mes ancêtres sur l'île de la Tortue, il y a eu un passé commercial florissant et distinct qui s'est traduit par le contrôle sans précédent de la côte orientale par la Confédération iroquoise, dont les Mohawks sont la nation de l'Est. Les pionniers, qui étaient principalement Hollandais, Anglais et Français, prenaient part aux échanges avec les Mohawks de marchandises variées et en particulier du tabac, qui était de première importance à l'époque coloniale.
Les rapports fondés sur des traités entre les gouvernements coloniaux et les Mohawks étaient un moyen de favoriser la colonisation et l'expansion géographique des colons. Le commerce avec les Mohawks était indispensable à la survie européenne. Par la suite, en tant qu'alliés de la Couronne, les Mohawks en général et les Mohawks de Kahnawake en particulier ont combattu au nom de la Couronne française et de la Couronne britannique. Nos hommes ont donné leur vie au service de la Couronne et nous étions respectés pour nos habiletés. À l'ère moderne, nos hommes et nos femmes ont rejoint les rangs des Forces canadiennes et américaines.
L'histoire économique de ma communauté est variée. Elle est passée du monopole fructueux du commerce de la fourrure, dans les années 1600, à l'agriculture de subsistance et commerciale au début des années 1900, dont la culture du tabac. Ces activités contribuaient de façon importante à la vitalité économique. Nous avons survécu au régime foncier seigneurial sous le régime français et au système de réserve sous les régimes anglais et canadien. Ces expériences ont changé à tout jamais notre assise territoriale historique. Elles ont restreint nos avenues de développement économique et entravé notre prospérité sur nos terres. Elles ne sont pas venues à bout de notre forte volonté de survivre.
Après l'érosion de notre assise territoriale par la politique gouvernementale, les habitants de Kahnawake ont dû chercher des emplois dans les industries de la menuiserie et de la ferronnerie. Les gratte-ciel de plusieurs villes témoignent de l'ingéniosité des Mohawks qui les ont érigés et de la détermination de ceux-ci à offrir une meilleure vie à nos familles, de meilleurs débouchés à nos enfants et une sécurité pour notre avenir. Depuis plus d'un siècle, les hommes de Kahnawake ont dû parcourir de grandes distances pour subvenir aux besoins de leurs familles, dont ils ont été séparés pendant des semaines, étant loin de leur foyer, loin de ce qui leur était familier. L'industrie de la ferronnerie est demeurée la principale source de revenu pour les familles de Kahnawake pendant le XXe siècle.
Dans les années 1980, la récession économique aux États-Unis a limité le nombre d'emplois disponibles dans les industries les plus associées à ma communauté. Les voyageurs se sont lassés; ils voulaient avoir la chance de prospérer tout en demeurant dans leur localité. C'est à cette époque que l'industrie du tabac est née. Une descente peu judicieuse et mal exécutée a eu lieu dans les tabagies de Kahnawake au mois de juin 1988. Elle visait à mettre un terme au commerce de détail du tabac et a forcé ma communauté à contribuer à une économie plus acceptable aux yeux du Canada.
Les sources gouvernementales et médiatiques déclaraient couramment que l'industrie de la cigarette de contrebande volait les profits engendrés par les taxes des Canadiens qui travaillent fort et contribuait à la mort des fabricants et des détaillants de cigarette canadiens en dehors du territoire Mohawk.
Il aura fallu des années avant de découvrir que les conglomérats de cigarettes canadiens et américains ont aidé, et dans certains cas orchestré, l'industrie des cigarettes de contrebande en se servant de l'emplacement géographique des communautés des Mohawks pour maintenir l'industrie. Ironiquement, l'emplacement de Kahnawake a, une fois de plus, assuré la prospérité économique de la communauté et précipité la prise de contrôle d'une industrie lucrative, avec le concours des communautés-soeurs des Mohawks.
Lorsque la possibilité d'expansion et la diversification nécessaire de l'industrie sont devenues inévitables, toute l'attention s'est tournée vers la fabrication du tabac. Cette attention ne vise pas à écarter la multitude d'effets sociaux débilitants que ma communauté ressent encore et qui sont le résultat direct de la colonisation et de la mise en place des politiques qui avaient comme priorité d'éliminer toute trace des traditions, de la langue et de l'identité des Mohawks.
Alors que je me présente devant vous, la prospérité économique de Kahnawake, ses valeurs sociales et familiales abondantes et la préservation de notre patrimoine sont un héritage de la force et de la persévérance transmises par nos ancêtres.
Les politiques ont échoué, le système de réserve a échoué, les pensionnats ont échoué et toute tentative d'asphyxie de notre économie est vouée à l'échec.
J'aimerais maintenant aborder le document intitulé Stratégie de lutte contre le tabac de contrebande: 2008. Comme nous avons peu de temps, je me contenterai de cerner les principales préoccupations que suscite le document et de donner un aperçu de la position des habitants de Kahnawake.
Dans la préface du document, William J.S. Elliott, le commissaire de la Gendarmerie royale du Canada, fait la déclaration suivante :
S'il est toujours difficile de circonscrire l'éventail des personnes et des groupes à consulter, nous croyons avoir réussi à élaborer notre première stratégie de répression des produits du tabac de contrebande avec le concours d'un échantillon varié d'intervenants au pays.
Dans mes remarques préliminaires, j'ai fait allusion à l'absence de consultations auprès du conseil des Mohawks de Kahnawake et de ma communauté en général. Ce n'est pas la première fois que les Mohawks de Kahnawake se présentent devant un comité permanent et ce n'est pas la première fois non plus que nous allons parler du manque de consultations du gouvernement fédéral auprès de ma communauté.
De plus, en tant que dirigeant de la communauté, le conseil des Mohawks de Kahnawake n'a pas été officiellement informé des audiences sur le document en question. Comme la communauté de Kahnawake revient souvent dans le rapport, il est irresponsable de la part des organisateurs des audiences d'avoir omis de l'inviter.
Dans le résumé, on définit comme suit le tabac de contrebande :
De part sa définition, le tabac de contrebande est tout produit du tabac qui ne respecte pas les dispositions des lois fédérales et provinciales applicables. Cela comprend l'importation, l'estampillage, le marquage, la fabrication, la distribution et le paiement des droits et des taxes.
Encore une fois, l'expression « tabac de contrebande » renvoie à la perception qu'a votre gouvernement des produits fabriqués et de l'industrie en tant que telle. On ne mentionne pas les avantages directs et tangibles de l'industrie pour ma communauté, les possibilités d'emploi et la stimulation économique qui s'ensuit dans les industries du commerce de détail et des services pour l'expansion des entreprises locales et pour les commerces dans les collectivités avoisinantes.
Pour de nombreuses personnes qui travaillent dans ce secteur, c'est une occasion de participer à une économie et de subvenir aux besoins de leur famille qu'elles n'avaient pas auparavant. La fierté et l'intégrité associées à l'indépendance économique ne peuvent être mesurées, seulement démontrées par la contribution à la stabilité économique et sociale de ma communauté. Le conseil des Mohawks de Kahnawake continuera d'encourager une activité économique qui procure une stabilité sociale à nos familles.
Tout au long du document, on associe de façon générale les Mohawks au gangstérisme et au crime organisé. Il m'incombe de parler au nom des membres de ma communauté qui respectent les lois, qui gagnent leur vie et qui sont orientés vers la famille, c'est-à-dire la majorité des habitants de Kahnawake.
Le conseil des Mohawks de Kahnawake est et demeurera déterminé à assurer la sécurité de la communauté en encourageant ses gardiens de la paix à accomplir leur travail, à mener des enquêtes et à collaborer, au besoin, avec les forces de l'extérieur afin de lutter contre le crime organisé à Kahnawake. Les effets néfastes de l'industrie ne sont que l'envers de la médaille.
On soutient également dans le document que les organismes d'exécution de la loi sont chargés de « freiner la tendance à la hausse du marché illicite ». On y dit également :
Il importera de contrôler les efforts entrepris dans le cadre de cette stratégie à mesure que le contexte actuel évolue, que des succès sont obtenus et que de nouveaux défis se posent.
Il est facile d'avancer des hypothèses sur le sens de cette déclaration, mais elle n'aborde pas la responsabilité du Conseil des Mohawks de Kahnawake qui consiste à déployer des efforts soutenus afin de surveiller et de réglementer l'industrie de la fabrication dans notre territoire.
Nous continuerons de discuter des enjeux de l'industrie avec les principaux intervenants qui sont directement ou indirectement liés à l'industrie locale du tabac. Des initiatives comme les audiences parlementaires servent à miner les progrès qui ont été accomplis afin de s'assurer que l'industrie se conforme aux lois et aux règlements.
Enfin, on indique dans le document que des efforts sont déployés afin d'entamer des consultations courantes avec les chefs, c'est-à-dire les conseils, et la police locale dans les collectivités clés où la GRC estime qu'il y a le plus haut niveau d'intérêt porté à la discussion de la question du tabac, et avec l'Assemblée des Premières Nations, pour mieux comprendre et trouver une façon constructive d'aller de l'avant. Cela n'a pas été le cas dans ma communauté.
On fait allusion à une entité, aujourd'hui abolie, qui a tenté sans succès de faire respecter des règlements et une autorité qui visait l'industrie du tabac de Kahnawake. Le conseil des Mohawk de Kahnawake a toujours maintenu que, si l'industrie doit rester en vie et continuer de grandir et de prospérer, il faut absolument avoir des lois et des règlements afin de protéger les intérêts de tous les membres de la collectivité.
En conclusion, je répète que le Canada et Kahnawake doivent cerner et aborder conjointement toutes les questions qui entourent l'industrie du tabac à Kahnawake. La communauté de Kahnawake a toujours maintenu des liens solides entre nous par le biais des interactions diplomatiques. Il en va de l'intérêt de tous de conserver de bonnes relations dans les discussions et le respect. Nous vous rappelons que la communauté des Mohawk de Kahnawake croit fermement en la création et le maintien de relations intergouvernementales.
Les déclarations unilatérales du Canada, par l'entremise de ses autorités chargées de l'exécution de la loi, qui diffament mon peuple ne sont pas le meilleur moyen de cultiver une relation. Cela n'empêche pas la communauté de Kahnawake d'inviter le Canada à s'acquitter des obligations qui lui reviennent dans le cadre de notre relation historique et durable fondée sur des traités.
Encore une fois, j'ai soulevé les points suivants.
Premièrement, malgré le fait que vous n'avez pas consulté les habitants de Kahnawake, ce qui est d'une importance primordiale pour toute discussion avec nous, vous vous acharnez à soumettre la communauté à un profilage dans les médias.
Deuxièmement, la criminalisation de mon peuple doit cesser. Cela m'amène à dire que, sur le plan historique, on a reconnu la capacité et le pouvoir de Kahnawake de s'occuper de son peuple, de ses terres et de ses lois. Le temps est venu pour le Canada et pour Kahnawake de renouveler leur relation historique de façon à harmoniser ensemble les solutions à ces problèmes inquiétants. Dans ce contexte, nous pouvons nous attendre à des résultats positifs, car nous ne désirons pas envisager l'autre possibilité.
Ce sont mes paroles.
Torewanigan[Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.]
Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants pour cet exposé.
Nous allons maintenant donner la parole à l'Assemblée des Premières Nations.
Merci. Je m'appelle Richard Jock, et je suis directeur général de l'Assemblée des Premières Nations. Je tiens à vous remercier de nous donner l'occasion de nous présenter devant vous aujourd'hui. Je tiens également à souligner la présence de mes collègues qui sont aussi à la table.
Dans mon exposé, je me concentrerai sur deux solutions ou deux idées pour régler le problème du tabac: premièrement, la création de solutions de rechange économiques viables; et, deuxièmement, une gamme intégrée d'approches visant à réduire la demande de tabac dans les collectivités des premières nations.
Je vais vous parler des possibilités économiques de manière générale et par rapport également à la question à l'étude. Je dirais que la capacité des premières nations à explorer des possibilités économiques dépend en grande partie de leur capacité à établir des rapports et des partenariats avec diverses instances de l'État canadien et du secteur privé.
S'agissant, par exemple, du secteur canadien des ressources, c'est là un secteur qui présente un énorme potentiel, en ce sens que nous savons, d'après les prévisions du gouvernement fédéral, qu'il y aurait pour 300 milliards de dollars environ de nouveaux développements qui se produiront en grande partie dans les territoires des premières nations, ou dans des territoires voisins, au cours des 10 années à venir.
Si, donc, nous partons du principe général du partage des revenus provenant des ressources, l'établissement de partenariats efficaces avec les premières nations dans les secteurs dont j'ai parlés assurera aux premières nations des économies efficaces et durables. Ces approches prospectives ne tiennent pas compte, cependant, de certains des secteurs qui sont déjà bien développés. Il s'agit vraiment là de solutions de rechange économiques au commerce du tabac et à la dépendance par rapport à ce commerce.
Nous n'avons qu'à voir l'histoire de réussite que représentent les activités d'exploitation de la mine de diamants Victor qui seront réalisées en collaboration avec la première nation Attawapiskat en Ontario; voilà où intervient l'efficacité, car cette mine créera des centaines d'emplois, et ce, pendant plus de 10 ans, et elle contribuera de façon importante aux économies du Canada, de l'Ontario et, bien sûr, des premières nations du territoire en question. Les premières nations sont donc très intéressées par la conclusion d'ententes et de partenariats efficaces et durables.
C'est là un principe qui est consacré dans le plan d'action économique de l'Assemblée des Premières Nations, lequel prévoit une participation importante des premières nations dans tout le Canada. Mentionnons également, parmi les autres mesures de développement économique, le soutien à l'entrepreneurship et l'offre d'un enseignement de qualité et d'excellentes possibilités de formation.
Pour ce qui est plus précisément de la question à l'étude, il faudrait des programmes directs de remplacement économique. On pourrait notamment s'inspirer du programme des années 1980, en vertu duquel Agriculture Canada avait versé des sommes aux producteurs canadiens de tabac pour les inciter à passer à d'autres cultures. Il y a aussi diverses subventions agricoles, qui vont de 65 à 85 p. 100, selon la façon dont on fait le calcul, qui visent la diversification dans le secteur agricole. Nous sommes d'avis qu'un programme de ce genre devrait être mis au point qui favoriserait le passage à d'autres secteurs d'activités économiques et qui encouragerait ceux qui s'adonnent au commerce du tabac à réduire leur dépendance à l'égard de ce commerce.
On pourrait peut-être songer à faire appel à un économiste bien connu, quelqu'un comme David Dodge, ancien gouverneur de la Banque du Canada, qui pourrait faire une étude sur les mesures économiques qui conviendraient pour aider les collectivités qui souhaitent poursuivre ces autres options.
Trouver des activités économiques viables qui pourraient remplacer le commerce du tabac contribuerait à réduire les ventes de produits du tabac.
L'autre solution serait en fait de réduire la demande de produits du tabac. Il est assez clair que, d'un bout à l'autre du pays, nous sommes tous conscients des dangers du tabagisme pour la santé. Il n'en demeure pas moins que les taux de tabagisme parmi les membres des premières nations sont trois fois plus élevés que la moyenne canadienne, les taux étant aussi élevés que 61 p. 100 chez les jeunes femmes âgées de 15 à 17 ans. Pourtant, le gouvernement fédéral a mis fin en septembre 2006 au programme de lutte contre le tabagisme chez les premières nations et les Inuits, qui avait débuté en avril 2001 et qui avait permis de réduire le tabagisme chez les jeunes. Cette décision nous paraît vraiment incompréhensible, étant donné que ce programme est le seul élément de la stratégie fédérale globale de lutte contre le tabagisme qui a été éliminée.
Malgré cela, je tiens à vous signaler les résultats d'une enquête qui a été faite récemment auprès de 223 directeurs des services de santé destinés aux premières nations qui montrent que les communautés font leur part pour lutter contre le tabagisme. En effet, 76 p. 100 d'entre eux ont indiqué que leur communauté avait mis en place des restrictions qui limitaient le tabagisme dans les endroits publics, et 54 p. 100 ont indiqué avoir des activités visant à inciter les membres de la communauté à se libérer de l'emprise du tabac.
Malgré ces efforts, les membres des premières nations sont toujours moins bien informés que les autres Canadiens des dangers du tabagisme et connaissent très peu les programmes destinés à aider les fumeurs à renoncer au tabac. Il est évident, d'après cette enquête, qu'il y a un manque d'information et de documentation sur les programmes de renoncement au tabac dans leurs collectivités.
En conclusion, je recommanderais au comité de privilégier les approches à facettes multiples, qui s'inscriraient dans une stratégie globale de développement et de remplacement économique et qui tiennent compte aussi de l'importance de réduire la demande, de manière non seulement à régler les problèmes de santé à long terme liés au tabagisme, mais aussi à réduire l'intérêt que présentent les produits du tabac.
Enfin, je concluerai en disant que les enjeux touchant les premières nations nécessitent une collaboration avec les premières nations. Je crois que le grand chef de Kahnawake a lancé un appel important en disant que les solutions imposées de l'extérieur n'ont jamais donné les résultats escomptés.
J'ai une dernière observation à faire: j'ai été un peu surpris de constater qu'il était question de l'APN en rapport avec la stratégie énoncée dans ce document de consultation, puisque, à ma connaissance, il n'y a jamais eu de consultation officielle avec l'APN et l'APN n'a pas non plus participé à l'élaboration de cette stratégie.
Je vous remercie.
Merci beaucoup.
Nous entendrons maintenant le troisième témoin, qui est de l'Assemblée des Premières Nations du Québec et du Labrador.
Vous avez la parole, monsieur.
Bonjour. Je me nomme Lloyd Phillips, je suis conseiller en sécurité publique auprès de l'Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador. Je tiens à vous remercier de me donner l'occasion de faire cette brève présentation au Comité.
L'APNQL est un organisme politique régional qui agit à titre de secrétariat pour les chefs. Nous recevons nos orientations et nous développons nos positions politiques exclusivement à partir des instructions données par les chefs du Québec et du Labrador. En tant que tel, nous n'avons aucune autorité sur les communautés; plusieurs dossiers ont été mis en place à partir de résolutions et sont considérés comme étant des questions d'intérêt général, et le travail est effectué en fonction du collectif.
L'APNQL est venue aujourd'hui apporter un rôle de soutien aux communautés qui sont impliquées dans le commerce du tabac. De plus, nous avons des préoccupations concernant l'impact négatif potentiel dû à la criminalisation des premières nations. La plupart des citoyens des premières nations obéissent aux lois et n'ont aucune association avec le commerce du tabac, et certainement pas d'association avec le trafic des drogues ou autres crimes.
Lorsqu'on discute du sujet de l'industrie du tabac des premières nations, nous devons réaliser qu'il y a de vastes différences d'opinions. Il est évident de par les actions, à la fois historiques et récentes, des autorités des gouvernements fédéral et provincial, qu'ils considèrent cette industrie comme illégale. Les premières nations seront fortement en désaccord. Les droits qui sont présentement en jeu sont des droits historiques, autochtones et issus de traités et de juridiction.
Le terme « contrebande » est un mot général qui se réfère à des produits qui ne sont pas conformes aux lois et règlements fédéraux et provinciaux. Par conséquent, cela crée d'entrée de jeu un désaccord de principe. Ce terme ignore totalement les positions juridictionnelles ou autochtones ou issues de traités des premières nations. Avec ce genre de mentalité adoptée par les autorités fédérales, le terme pourrait être appliqué à tout produit manufacturé sur les territoires des premières nations. Aussi ridicule que cela puisse paraître, on pourrait ici discuter de mocassins de contrebande ou de bijoux de contrebande. Nous ne sommes pas naïfs jusqu'à penser que c'est aussi simple que cela, mais le principe demeure le même.
Lors d'une récente conférence de presse, le ministre de la Sécurité publique et la GRC, par l'annonce de la stratégie sur le tabac de contrebande de la GRC, ont déclaré que des organisations criminelles s'étaient affiliées à l'industrie du tabac et utilisaient l'argent provenant de cette activité pour financer le trafic de la drogue et d'autres activités criminelles. Ils ont de plus déclaré qu'il y a au-delà de 100 organisations criminelles actives dans l'industrie du tabac; on ne les retrouve pas toutes chez les premières nations et ce ne sont pas toutes les organisations qui ont été reliées à la drogue et à d'autres activités criminelles. Cela donne à entendre que tous les groupes de personnes qui travaillent dans l'industrie du tabac ou de la cigarette sont considérés comme faisant partie du « crime organisé ».
Cela crée un précédent dangereux. Inclure les cigarettes et le tabac, qui représentent principalement une question fiscale à caractère très politique, dans la même catégorie que le trafic des drogues et d'autres activités criminelles est non seulement répréhensible, mais ouvre la voie à des conflits. Quand on fait abstraction du volet politique dans le commerce du tabac et que l'on considère ce commerce uniquement comme une question de sécurité publique et de sécurité nationale, on se dirige vers la catastrophe.
L'histoire canadienne récente nous démontre que le fait de traiter un problème politique comme une question d'application de la loi n'est pas une solution. Tel que mentionné plus tôt, la GRC a annoncé une stratégie de lutte contre le tabac. Cette stratégie précise qu'il y a toutes sortes d'activités criminelles liées à l'industrie du tabac, comme le trafic des drogues, la vente illégale d'armes à feu, le passage de clandestins, et cette industrie a même des liens avec des groupes terroristes. Il convient de souligner que les membres des communautés des premières nations ne veulent pas d'activités criminelles dans leurs communautés. Ils n'admettent d'aucune façon ce genre d'activités. La plupart de gens qui travaillent dans cette industrie ne s'occupent que de tabac et essaient simplement de gagner leur vie.
La plupart des forces policières des premières nations cherchent activement à enrayer ce commerce. Les forces policières et les gouvernements des premières nations sont les mieux placés pour en déterminer l'ampleur et décider des stratégies à adopter pour contrer les activités criminelles de ce genre sur leurs territoires. Il faut absolument que les forces policières des premières nations aient la capacité voulue pour mener à bien ce travail. Il faut absolument qu'elles aient aussi des protocoles avec la GRC et les autres forces de l'ordre.
La GRC s'est engagée à travailler avec les premières nations. Toutefois, la portée des discussions sera limitée par le mandat de la GRC. Le gouvernement fédéral doit aussi s'engager à tenir de véritables discussions sur des solutions durables à long terme. Or, ces solutions durables à long terme passent nécessairement par la reconnaissance des secteurs de compétence des premières nations et par des lois des premières nations qui légitimiseraient l'industrie et qui seraient assorties d'une réglementation touchant tous les aspects de l'industrie. Avec l'appui et la collaboration du gouvernement fédéral, les premières nations pourront se doter des capacités voulues à cet égard. C'est donc au gouvernement fédéral qu'il incombe d'agir.
Ce sera aux communautés de déterminer quelles seront exactement les priorités, mais il faudrait notamment renforcer les ententes policières avec les premières nations, veiller à ce que les premières nations se dotent des capacités voulues et s'assurer de mettre en place des protocoles appropriés entre les forces de l'ordre et de faire respecter ces protocoles. Il faudrait aussitôt mettre en place un processus pour faire la distinction entre ce qui est du domaine politique et ce qui est du domaine criminel et pour déterminer s'il y a des ententes intérimaires ou à court terme qui pourraient faciliter l'atteinte d'objectifs à plus long terme.
Pour en arriver à une stratégie qui assure la viabilité à long terme de l'industrie et la mise en oeuvre d'un plan d'action pour répondre aux préoccupations relatives à la sécurité du public, il faudra à la fois de véritables discussions à caractère politique et une application de la loi qui soit respectueuse.
Toutes les premières nations souhaitent en arriver à une plus grande emprise sur leurs propres affaires et sur leur destin. Pour y arriver, il faut un véritable dialogue qui aboutisse à la reconnaissance des secteurs de compétence des premières nations et à un plan d'action visant à les doter des capacités dont elles ont besoin.
Nous parlons ici aujourd'hui de tabac, mais nous pourrions tout aussi bien être en train de parler d'un litige relatif à l'exploitation forestière ou minière ou à la pêche. Les problèmes qui touchent au domaine des compétence et aux droits ne vont pas disparaître. Nous ne devrions pas attendre que la crise éclate avant d'engager le dialogue.
Merci.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entendre notre quatrième témoin, du Centre for Nation Building.
Allez-y, monsieur.
[Le témoin s'exprime en Mohawk.]
Je m'appelle Michael Kanentakeron Mitchell. Je suis d'Akwesasne. Pendant la plus grande partie des années entre 1982 et 2006, j'ai été grand chef et chef de district du Conseil mohawk d'Akwesasne. J'ai donc un petit peu d'expérience des questions frontalières et des problèmes qu'elles posent pour le Canada, les États-Unis et la Nation mohawk.
Je vais essayer de vous aider à mieux comprendre où se trouve Akwesasne. Vous avez l'île Cornwall, l'île Barnhart et l'île Saint-Régis dans le fleuve Saint-Laurent. L'île Barnhart se trouve dans l'État de New York. L'île Cornwall se trouve en Ontario, et l'île Saint-Régis se trouve au Québec. La frontière zigzague autour des îles dans le fleuve Saint-Laurent. Des frontières qui séparent les État et les provinces traversent aussi notre territoire dans tous les sens.
De nos jours, les forces de l'ordre considère le fleuve Saint-Laurent comme une zone à éviter. Quand on circule sur le fleuve, on peut se trouver au Canada et tout de suite après dans l'État de New York ou au Québec, ou encore en Ontario. Si elles doivent intervenir pour quelque raison, les forces de l'ordre préfèrent attendre sur terre. C'est une situation avec laquelle nous devons nous-mêmes vivre, traverser constamment une frontière dans un sens, puis dans l'autre.
Quelque temps après la Proclamation royale de 1763, qui nous garantissait que nos terres seraient protégées, une ligne de démarcation a été tracée pour séparer la colonie de New York et celle du Vermont de la province du Canada. La ligne a été tracée au 45e degré de latitude nord, à mi-chemin entre le pôle Nord et l'équateur. À l'ouest, la ligne s'arrêtait au fleuve Saint-Laurent. C'est exactement là où se trouve le village de Saint-Régis. En 1780, un colon allemand appelé George Barnhart est parti de la vallée Mohawk pour s'installer à Cornwall, en Ontario. En 1795, il a signé un bail avec nous pour louer l'île Barnhart. Le loyer était de 30 $ par an. En 1805, nous avons insisté pour augmenter le loyer, et nous nous sommes entendus sur 60 $ par an.
Sous réserve de nos titres fonciers, la Grande-Bretagne avait la souveraineté sur ce territoire. Ces habitants blancs étaient traités comme des sujets britanniques. Aux termes du Traité de Gand, en 1814, qui a mis fin à la guerre de 1812, les Britanniques ont donné l'île Barnhart aux Américains en échange de la moitié de l'île Grand, qui se trouve là où le fleuve rencontre le lac Ontario. Les Barnhart ont reçu une indemnité de 6 597 $, soit plus de cent fois le montant du loyer annuel que nous recevions, et ils ont plus tard reçu une indemnité plus importante encore. Les Barnhart sont demeurés sur l'île. Les Mohawks n'ont rien reçu.
Puis, en 1842, cette ligne de démarcation a été confirmée par le Traité Webster-Ashburton, qu'ont conclu les États-Unis et la Grande-Bretagne.
C'est ainsi que, dans cet endroit que nous appelons Akwesasne, c'est la confusion totale pour ce qui est de savoir qui a compétence. Le vide qui en résulte se fait surtout sentir du côté de l'application de la loi. Il n'y a qu'une façon de combler ce vide, et ce serait de reconnaître et de respecter la compétence inhérente de la Nation mohawk. Notre compétence s'étend dans l'État de New York ainsi qu'en Ontario et au Québec.
Je suis devenu grand chef en 1984. Entre 1984 et 1986, nous avons présenté au ministère des Affaires indiennes, de la part du conseil, 22 règlements dont la collectivité avait besoin. Ils touchaient la sécurité de l'eau, de la navigation, l'intendance de la rivière, les animaux dans la rivière, les animaux sur terre, la fourrière pour les chiens — 22 règlements municipaux qui ont été rejetés par le ministère des Affaires indiennes. Bien sûr, il avait été conseillé par le ministère de la Justice.
Nous habitons sur le fleuve Saint-Laurent et nos concitoyens ont insisté pour qu'on prenne soin de l'eau et des gens, c'est-à-dire la sécurité sur l'eau, et nous avons donc créé la loi sur la conservation et l'environnement. Bien sûr, elle a été rejetée par le Canada. Ensuite, nous voulions un programme. Nous avons lancé notre programme de justice. Ils ont dit: « Non, vous ne pouvez pas avoir cela non plus. » Nous avons demandé un programme de conservation. Ottawa a dit non, Québec a dit non et l'Ontario a dit non: on a nulle part où leur donner une formation.
Maintenant, quand on est un chef et que les administrés ont besoin de quelque chose, on se dit qu'il faut agir, et nous les avons donc envoyés à Albany, dans l'État de New York, pour qu'ils reçoivent une formation là-bas. Ils sont revenus six mois plus tard, ayant terminé premiers de leur classe, accrédités dans les règles, et nous avons donc mis en vigueur la loi sur la conservation de l'environnement d'Akwesasne. Nous avons fait inscrire cette loi auprès des chefs héréditaires de la nation Mohawk et nous l'avons mis en oeuvre en invoquant notre droit ancestral. Nous nous sommes battus avec les gouvernements fédéral et provinciaux. Dix ans plus tard, nos agents de conservation patrouillaient de concert avec des agents du Québec, de l'Ontario, de l'État de New York. Nous menions à bien des projets conjoints.
Ce que j'essaie de vous faire comprendre, c'est que nous avons dû nous battre pied à pied pour établir une loi pour assurer la loi et l'ordre à Akwesasne. C'est un cauchemar, un fouillis de compétences. La frustration monte vite quand les gouvernements vous disent: « Non, vous ne pouvez pas faire cela. » Nous avons fait beaucoup de progrès.
Aujourd'hui, la population totale d'Akwesasne est d'environ 18 000 habitants, dont plus de 10 000 sont d'autres membres du Conseil Mohawk d'Akwesasne dont nous sommes responsables. Nous avons bâti nos institutions. Nous avons un ministère de la Justice, nous avons un tribunal Mohawk, nous avons la capacité de faire des lois. Les instruments sont tous là, et nous avons un solide appui de la collectivité. Et avec cette capacité de légiférer, nous avons commencé à assurer la sécurité de la collectivité.
Nous avons une loi sur le tabac à Akwesasne, pour les cigarettes qui viennent de l'Ontario, et nous veillons à ce qu'elles soient vendues et réglementées dans les magasins qui existent, je veux dire les magasins légitimes. Tout le monde obtient donc un quota. Mais nous comprenons aussi, compte tenu de la situation et des compétences partagées, que les usines de cigarettes se trouvent dans l'autre moitié d'Akwesasne. Nous n'avons aucune objection à ce qu'ils font.
Je veux donc vous dire que si vous allez parler de contrebande aux habitants d'Akwesasne, ils vont vous dire: « Des fusils, des drogues, des étrangers, du terrorisme ». Ils savent ce que c'est que la contrebande. Et les chefs et la police obtiennent de l'aide des citoyens de la collectivité quand ceux-ci voient quelque chose d'étrange sur la route ou sur la rivière. Si vous prononcez le mot « cigarettes », ils vont vous regarder de travers en se disant « Oui, mais c'est bon pour l'économie ». Cela doit être réglementé, mais ça crée de l'emploi. Peu importe la manière dont vous essayerez de présenter cela, les gens vont vous dire: « Nous devons tenter de trouver une solution, parce que cela exerce un effet positif sur le développement économique. »
Si je suis ici, c'est pour vous faire part de mon expérience. Il y a moyen pour le Canada et la Nation mohawk de s'entendre sur un processus permettant de réglementer le commerce du tabac, pour qu'il rende des comptes.
Vous devez faire confiance aux gouvernements mohawks qui existent dans nos collectivités iroquoises. Vous devez établir un partenariat avec eux pour que l'on promulgue des lois qui vont garantir la sécurité de nos gens et des vôtres.
Quand on vit dans une situation de compétences partagées comme c'est notre cas, il faut obtenir le soutien et l'appui des États-Unis et du Canada, du Québec et de l'Ontario. Je peux vous dire que, compte tenu de notre situation géographique, nous avons été de bons voisins et je vous ai déjà dit des centaines de fois que la majorité des gens — 98 p. 100 de la population — sont des citoyens respectueux des lois. Les enfants vont à l'école. Les gens veulent travailler.
Ce n'est pas nous qui avons placé la frontière à cet endroit.
La dernière chose que je veux vous dire est que la solution idéale pour le Canada et les États-Unis est de déplacer cette frontière. Déplacer la frontière internationale dans un sens ou dans l'autre, ou de côté, et créer un territoire mohawk. Nous sommes capables d'assurer la justice, la loi et l'ordre d'une manière qui serait acceptable pour les États-Unis et le Canada. Cela nous enlèverait assurément de la pression et nous n'aurions plus besoin de nous regarder en nous demandant: « Êtes-vous Québécois? Êtes-vous en Ontario? Êtes-vous dans l'État de New York? Où êtes-vous exactement aujourd'hui? »
Si quelqu'un déménage, ou si nos enfants se marient à quelqu'un de l'autre côté de la rivière... un jour on est Canadien, le lendemain on est Américain. L'idée qui est enracinée au plus profond de nous-mêmes est que nous sommes des citoyens de la Nation mohawk, et ni le Canada et ni les États-Unis ne peuvent y changer quoi que ce soit. Mais nous pouvons bâtir à partir de cet état de fait.
Quant à cette question qui fait l'objet de vos audiences, la contrebande de cigarettes, il y a une solution pacifique. J'ai pris ma retraite en 2006 et, en rétrospective, bien des choses ont été accomplies par les Mohawks de toutes les collectivités qui se réunissent actuellement et tentent de trouver des solutions. Je vous exhorte à réfléchir à tout cela et à trouver une manière pacifique nous permettant d'aller de l'avant.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous ai remis un mémoire écrit. Je vous demande qu'il soit ajouté au compte rendu, en plus des déclarations que j'ai faites.
Niawen.
Merci. Ce sera fait.
Enfin, du Conseil mohawk d'Akwesasne, nous entendrons le chef Jacobs. Vous avez la parole.
Bon après-midi, mesdames et messieurs. Je remercie les membres du Comité permanent. Je m'appelle Cheryl Jacobs. Je suis chef de district représentant Kawehnoke, l'île qui est située en Ontario et qu'il a indiquée sur la carte.
Je tiens à préciser que notre grand chef du Conseil mohawk d'Akwesasne est également présent. Comme vous le voyez, il a un bandage. Il est blessé et quelque peu diminué actuellement.
Je suis venu ici le 5 mai et la réunion a été annulée à 15 h 25. J'étais ici le 7, le 12 et le 14 et je ne peux pas m'empêcher de dire que j'ai trouvé qu'il y avait beaucoup de coïncidences et d'ironie dans les commentaires qui ont été faits par les témoins qui ont comparu ici. J'étais tout à fait exaspérée quand j'ai écrit ce document de six pages que je vous ai remis il y a une semaine et demie ou deux semaines. Vous en aurez tous reçu copie parce qu'il a été traduit en français.
Quand j'ai rédigé ce mémoire, j'ai fait beaucoup de recherche pour essayer de trouver des solutions. J'espère que vous avez eu l'occasion de lire mon document qui vous a été remis. Mon mémoire a été fait dans un esprit de frustration et de colère, alors que je prenais conscience que les entités gouvernementales peuvent fausser la vérité sans procéder à des consultations suffisantes — vous avez entendu cela à maintes reprises de la part de mes collègues ici présents — auprès de nos collectivités, surtout quand nous sommes directement touchés.
Je voudrais attirer votre attention sur le document de la GRC. Encore une fois, chose ironique, ce document vous a été remis le mercredi où le ministre a fait son annonce. Pendant un instant, j'ai en fait partagé la frustration que vous avez peut-être ressentie cet après-midi-là, tout de suite avant que Mike Cabana prenne la parole. Nous travaillons à des stratégies internes. N'oubliez pas qu'il s'agit là de la stratégie de la GRC. Les observations qui ont été faites étaient tout à fait insultantes pour nos communautés. Nous travaillons à nos stratégies.
Je voudrais réfléchir un instant à la déclaration qui a été faite le 29 mai au Parlement, durant le débat au Sénat. L'honorable Robert W. Peterson a évoqué l'accord de Kelowna. Je cite :
Le gouvernement va-t-il continuer à écouter les membres des premières nations, et s'occupera-t-il de régler d'autres questions clés comme la santé, l'éducation, le logement et le développement économique en rétablissant l'accord de Kelowna?
L'honorable Marjory LeBreton, leader du gouvernement, a dit essentiellement dans sa déclaration que des manifestations pacifiques avaient lieu à l'occasion de la Journée nationale de protestation des Autochtones. Ils croient au développement économique — c'est d'une importance cruciale — et le gouvernement conservateur a fait de véritables progrès, le gouvernement a mis l'accent sur des gestes pratiques, mesurables, tangibles, pour travailler avec les Autochtones. Elle a dit que le gouvernement et les ministres travaillaient dur pour résoudre beaucoup de ces questions de longue date.
Pourquoi le gouvernement doit-il faire en sorte que nos dossiers se transforment en des problèmes de longue date? Ce problème-ci se pose de longue date, cette affaire de la contrebande du tabac. C'est pourquoi la frustration et la colère montent. Alors, au lieu de contribuer au problème, travailler donc avec nous à trouver rapidement des solutions, parce que nous venons à vous armés de solutions pratiques, mesurables et concrètes qui sont nécessaires pour résoudre les problèmes.
Je suis venue à vous aujourd'hui. Je ne vais pas vous fournir tous les documents, mais je veux seulement vous signaler que Mike a dit tout à l'heure qu'il existe en ce moment même une loi traitant du système provincial de quota. Nous avons une ébauche de loi d'Akwesasne sur les produits du tabac qui régirait la fabrication, la distribution et la vente de produits du tabac sur le territoire d'Akwesasne. Elle est datée de décembre 2006 et nous travaillons à mettre au point les textes réglementaires connexes.
Nous avons une ébauche de propositions pour le financement des activités maritimes au nom du Service de police mohawk. Si vous vous rappelez bien, on a évoqué le programme Shiprider. Je voudrais citer plusieurs de mes documents, mais il faudrait probablement 100 minutes pour discuter en profondeur de toutes les questions abordées dans ces multiples onglets. Le programme Shiprider nous a été imposé, à nous la collectivité d'Akwesasne, deux semaines avant qu'il soit mis en oeuvre.
Le document de la GRC —l'autre document que j'ai obtenu ce jour-là — comprend lui aussi beaucoup d'onglets et met en lumière toutes les questions auxquelles nous devons réfléchir et dont nous devons discuter. Le document de la GRC, à ce qu'on m'a dit, serait terminé, dans sa version définitive, le 30 mai. « Nous vous en enverrons une copie », nous a-t-on dit. J'ai envoyé des courriels. Nous n'avons pas encore reçu le rapport définitif. Cela touche directement notre collectivité. On tire des plans qui ont une incidence directe sur notre collectivité relativement à la contrebande du tabac.
Ils ne nous consultent pas, ce qui nous permettrait de vous montrer, de vous prouver que nous pouvons faire partie de la solution. Le problème a été identifié. Il a été clairement identifié. Je répète que nous faisons partie de la solution. Au même titre que tous ceux qui sont assis autour de cette table, nous faisons partie de la solution.
Pour avoir lu la moitié de ces documents, je crois que vous reconnaissez le mérite lorsqu'il est justifié. Les trois quarts des documents de la GRC ne reconnaissent absolument aucun mérite à notre service de police. Nos policiers vivent un vrai dilemme, ils doivent appliquer vos lois tout en vivant tous les jours dans cette communauté.
Pour ce qui est d'une solution, la réponse numéro un, de notre point de vue, c'est que le gouvernement fédéral écoute ce que nous avons à dire. Nous avons demandé que le gouvernement fédéral nous donne les ressources financières voulues pour régler ce problème à l'interne et qu'il nous aide en veillant à ce que nous obtenions les ressources financières nécessaires pour terminer l'élaboration de nos lois. Nos policiers ne peuvent pas faire ça seuls et la solution comprend deux volets: l'élaboration des politiques et leur mise en oeuvre.
Vous devez voir le tableau dans son ensemble. Vous devez reconnaître notre capacité de créer nos propres lois et de nous permettre de les appliquer. Vous devez réglementer — je ne cesse de répéter ce mot. Vous avez entendu d'autres intervenants vous parler de la réglementation.
Je tiens à ce qu'une chose soit bien claire. J'ai été offusqué quand Mike Cabana a fait un commentaire sur la fabrication illégale à Akwesasne. Et j'ai communiqué avec la tribu mohawk de St. Regis pour confirmer la véracité de ces faits. Aux fins du compte rendu, je vais donc vous donner des renseignements factuels, par opposition à ce qui est écrit dans ce rapport sur Akwesasne.
Il y a actuellement six fabricants ayant une licence tribale dans la partie américaine de notre territoire, et trois qui n'ont pas de licence et qui ne sont pas en activité à l'heure actuelle. Cinq des six fabricants ayant une licence tribale ont demandé une licence fédérale. L'un d'eux est actuellement en activité et est muni d'une licence fédérale ATF. Encore une fois, il n'y a pas de consultation. Vous allez nous entendre dire cela jusqu'à ce qu'on arrive à une solution. Vous devez nous consulter.
L'Agence des services frontaliers du Canada, une autre entité d'application de la loi, est mentionnée à de nombreuses reprises. Ses représentants ont pris la parole. Encore une fois, j'espère que vous avez lu mon document dans lequel j'énonce le mandat du comité permanent; je répète que vous avez le pouvoir, en application du paragraphe 108(1) du Règlement, lequel... Et j'ai énuméré seulement la GRC et l'ASFC, parce que ce qui se passe actuellement dans le cas de l'ASFC, c'est que nos gens déposent continuellement, à longueur de journée, des griefs et des plaintes contre le traitement que nous infligent les agents de l'Agence, depuis les employés de première ligne jusqu'aux cadres supérieurs.
Nous avons porté plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne. Maintenant, si nous pouvions nous asseoir autour d'une table et travailler ensemble, nous n'aurions pas besoin de noyer la Commission canadienne des droits de la personne sous une avalanche de plaintes à cause du traitement inacceptable réservé à nos gens.
Un dernier point: je voudrais vous dire ce que nous devons faire dans notre communauté pour sensibiliser les gens de l'extérieur à tous les éléments positifs qui existent dans notre communauté. Nous faisons cette sensibilisation en produisant des documents comme celui-ci. Nous sommes un peuple spécial dans un endroit spécial, un endroit unique.
Je vais laisser ces documents à l'arrière de la salle et quiconque veut les lire y apprendra bien des choses positives sur Akwesasne. On m'a parlé de la Loi sur les langues officielles; c'est pourquoi je dis que je vais les laisser à l'arrière de la salle, parce qu'ils sont en anglais et certains sont en mohawk.
En terminant, je dois souscrire à beaucoup d'observations qui ont été faites par des représentants de nos autres communautés, et la majorité des renseignements qui vous ont été communiqués correspondent à 95 p. 100 à exactement ce que j'allais dire. Dix minutes, ce n'est pas assez pour aborder tout ce qui nous préoccupe dans ce document. Mais je suis venue aujourd'hui au moins pour vous laisser savoir que nous travaillons à l'élaboration de solutions et que nous devons y travailler ensemble. Cela ne devrait pas prendre cinq ou six ans pour que nous trouvions une solution à ce problème, parce que le problème existe maintenant depuis 15 ans.
Merci beaucoup pour votre temps.
Merci beaucoup.
Normalement, en comité, nous donnons aux membres l'occasion de faire des commentaires et de poser des questions; vous pourrez alors élaborer sur les questions qui seront soulevées.
La première personne qui figure à ma liste est M. Cullen. Allez-y, s'il vous plaît.
Merci, monsieur le président. Je remercie également les témoins.
Je vais vous dire ce que je pense. Je n'ai aucune réserve à ce que nous fassions en sorte que les peuples des premières nations, les Autochtones, aient de bonnes avenues de développement économique. Je reconnais qu'il y a des défis à cet égard.
Aussi, pour ce qui est des consultations, si les consultations par la GRC pour ce rapport étaient limitées ou n'ont pas eu lieu, c'était, à mon avis, une maladresse. À l'avenir, ce serait une bonne idée pour le gouvernement de se prévaloir des possibilités de consulter. Mais il faudrait peut-être commencer par les principes sur lesquels on s'entend.
Certains témoins précédents nous ont dit que le tabac de contrebande était déstabilisant pour la communauté. Mais ces propos n'ont pas été repris aujourd'hui. J'aimerais avoir vos commentaires là-dessus. Pensez-vous que ce soit un problème?
Deuxièmement, je sais que vous avez parlé de drogues, d'armes à feu, etc. Il s'agit aussi de problèmes. Personne ne peut le nier. Des témoignages nous laissent croire qu'environ neuf lois du Canada ont été violées, comme des dispositions sur les taxes à imposer et l'étiquetage sur divers paquets de cigarettes. Dites-vous que vous n'avez pas à vous conformer à ces lois? Si je participais à des consultations, je commencerai par cela.
Troisièmement, même si tous étaient d'accord, et ce n'est pas mon cas, pour dire que dans les réserves vous avez le droit de violer ces lois canadiennes en vendant des cigarettes et des produits du tabac dans des cabanes à des gens qui vivent à l'extérieur de la réserve, des gens qui ne font pas partie du peuple des premières nations, croyez-vous qu'il vous incombe d'empêcher cela?
Finalement, pour ce qui est des produits introduits en contrebande — j'utilise ces termes, parce que c'est ce dont il s'agit à mon avis — vous pouvez dire ce que vous voulez, mais beaucoup de ces produits de contrebande arrivent des États-Unis. Ne croyez-vous pas qu'il vous incombe d'empêcher cette pratique, d'y mettre fin?
Je vais m'arrêter là. Je ne sais pas qui veut répondre; peut-être vous, monsieur Delisle?
Je vais répondre à certaines questions, les autres pourront compléter après s'ils le désirent.
Vous avez parlé des lois canadiennes. Je crois que cela démontre bien qu'il y a un malentendu fondamental sur notre identité. Nous ne serons jamais citoyens canadiens, peu importe les documents que nous portons sur nous, que nous signons, et peu importe la façon dont le gouvernement canadien, ou même le gouvernement provincial, nous décrivent. Comme un de mes acolytes l'a dit aujourd'hui, sous l'autorité Mohawk, à titre de citoyen de la nation Mohawk, il y a des malentendus fondamentaux sur la façon dont nous sommes censés discuter de questions de cette ampleur, de cette nature et de cette importance entre nous.
Je crois que les consultations dont nous parlons aujourd'hui se font non pas avec un organisme d'application de la loi, mais bien directement avec des représentants du gouvernement du Canada, parce que les propriétés que nous occupons, comme vous le dites, et les territoires, j'imagine, que nous soi-disant occupons en ce moment, sont des territoires traditionnels. Il y a des principes fondamentaux qui doivent s'appliquer à la création de la relation, mais cela n'a pas été fait en 200 ans.
Alors au lieu de parler de déstabilisation, le gouvernement canadien devrait prendre du recul pour comprendre notre situation. Je peux accepter la responsabilité. Il y a des questions que nous devons régler et que nous continuons de régler avec nos communautés. Mais l'aspect de la loi canadienne est quelque chose qui — et je vais être poli aujourd'hui — est difficile pour nous à entendre, du moins de mon point de vue.
Est-ce que quelqu'un d'autre aimerait commenter, particulièrement sur la vente des produits de tabac dans les cabanes aux gens qui ne sont pas des premières nations et sur le tabac de contrebande en provenance des États-Unis? Cela ne vous inquiète pas? Ne croyez-vous pas que vous devriez tenter de mettre fin à cette pratique?
Comme la carte l'indique, du côté canadien, nous n'avons pas de cabanes illégales dans notre communauté. Nos vendeurs de cigarettes sont réglementés par un système de quotas.
Pour ce qui est de la responsabilité, les trois quarts du temps, nos policiers n'obtiennent aucune reconnaissance pour le travail fait en partenariat avec la GRC et les 10 autres organismes d'application de la loi — ou peu importe le nombre; mais ils sont nombreux — qui entourent notre collectivité. Ils travaillent en collaboration. J'ai des statistiques de notre service de police sur certaines des enquêtes auxquelles il a participé d'avril 2005 à avril 2007 en ce qui concerne des saisies de cigarettes.
Je n'étais pas certaine de pouvoir vous donner cette information en 10 minutes. Il est important de noter que nous prenons cette responsabilité au sérieux. N'oubliez pas que la pratique est réglementée du côté américain. Nous avons des mécanismes internes que nous reconnaissons. Du côté américain, les cigarettes sont réglementées et les étiquettes y sont apposées. Quel que soit le lieu où elles sont envoyées après avoir quitté le territoire américain — elles étaient légales.
Lorsqu'elles reviennent au Canada par la frontière, nos policiers font face à un dilemme; ils doivent appliquer les lois canadiennes contre notre propre peuple. Nos policiers procèdent à des arrestations et à des saisies liées au tabac de contrebande. C'est frustrant, parce que nous n'avons pas les ressources nécessaires pour aider davantage les services de police externes.
Je vous remercie de votre présence aujourd'hui et de vos exposés convaincants — surtout vos commentaires sur le fait qu'il est regrettable que des membres de votre communauté soient considérés comme des criminels ou selon lesquels votre milieu compte un nombre disproportionné de criminels. C'est offusquant et absolument faux. Je le reconnais.
Madame Jacobs, pour faire suite à ce que vous avez dit concernant les consultations — et vous avez absolument raison — ne reconnaissons-nous pas tous que le tabagisme nuit à la santé? Tout le monde reconnaît certainement cela.
Est-ce acceptable que le nombre de fumeurs chez les Autochtones soit trois fois plus élevé que dans la population non autochtone? Ce taux est de toute évidence inacceptable. Personne ne peut le nier.
Dans ce cas, êtes-vous d'accord pour dire — et j'imagine que vous l'êtes — que collectivement, nous avons la responsabilité de mettre fin au tabagisme surtout chez les enfants de vos communautés et des communautés du Canada?
L'une des choses que l'Assemblée des Premières Nations tente de dire à ce sujet, c'est que de simplement mettre l'accent sur l'application de la loi est peu judicieux. Il faut prendre en considération le développement économique et des stratégies de remplacement économiques, de même que des investissements dans des stratégies de réduction et des programmes pour réduire le tabagisme. Tous ces éléments sont importants, mais ils ont été réduits ou ont fait l'objet de compressions. Nous disons que toute une gamme d'efforts doit être déployée si on veut vraiment réussir.
Je suis d'accord avec tout ce que vous avez dit, et je vous remercie de reconnaître certains des problèmes soulevés par le chef Jacobs ainsi que par d'autres personnes présentes aujourd'hui, sur le manque de consultation et ainsi de suite.
Bon, comme nous parlons de taxe, et c'est la question... La santé? Oui. Maintenant on cible le crime organisé, la criminalisation et ainsi de suite comme d'autres aspects de la question. Vous croyez peut-être que je veux vous faire rire, mais je ne blague pas.
Il y a aussi beaucoup d'endroits où il n'y a pas assez d'eau potable. Il y a aussi un taux élevé de diabétiques dans nos communautés. Je ne vous vois pas taxer les Big Mac davantage; on ne s'en prend à nous parce qu'on mange trop, etc. Il faut aller au fond de la question, il s'agit de compétences et de taxes. Tout tourne autour de l'argent qui n'est pas versé dans le trésor externe. Et les communautés des premières nations ont, comme il a été déterminé, un rôle à jouer, nous l'avons déclaré aujourd'hui; dans ce rapport, nous sommes le coeur du problème, ou du moins nos quatre communautés.
L'obligation du gouvernement canadien est de discuter avec nous et de nous dire en détail ce qu'il attend de nous, au lieu de nous imposer une fois de plus des mesures et de tout transformer en une question d'application de la loi, ce qui nous inquiète beaucoup dans nos communautés. Ma communauté — je ne peux pas parler pour les autres — est préoccupée par les éléments qui l'ont infiltrée. Mais encore une fois, et je dis cela avec tout le respect que je vous dois, je crois que d'autres questions ont pris le dessus. Nous avons de graves problèmes de santé, qu'il s'agisse du tabagisme, du diabète, etc. Le gouvernement a tort de s'en prendre à nous de cette façon. Il doit nous dire clairement —ce qui se fera dans un avenir rapproché, je puis le garantir — quels sont les vrais enjeux.
Par le passé, on a taxé, détaxé, taxé, et ainsi de suite, ce qui a contribué à certains problèmes. Nous avons cerné des enjeux par le passé, avec l'aide de conglomérats. Je crois que mener de telles attaques ne fait qu'embrouiller les choses. Je vous le signale respectueusement.
Très brièvement. Dans les années 70, il n'y avait pas assez d'essence aux États-Unis, alors l'essence passait par notre territoire pour se rendre aux États-Unis — par citernes. Dans les années 80, c'était l'alcool. C'était le produit de base du jour. Le commerce de l'essence s'est poursuivi jusqu'à ce que les Mohawks négocient une formule avec le Canada pour mettre fin à cette situation... on aurait presque dit un convoi de chariots. Il a fallu un certain temps, environ six ans, mais nous avons fini par avoir une solution. En 1980, ça été la même chose.
Pour y arriver, il faut travailler en partenariat et tenter de trouver des solutions communes. Ma question est la suivante: où en serons-nous dans dix ans? Ce sera un autre produit de base. Allez-vous nous poser les mêmes questions à ce moment-là?
Les cigarettes sont un risque pour la santé. En ce moment, c'est une question économique pour le Canada, soit une perte de revenu. C'est également une question de santé. Personne ne peut nier que nous allons devoir discuter de ces deux principes et aboutir à un accord; il faut faire quelque chose. Mais dans cinq ou dix ans, il y aura autre chose du fait que notre communauté est frontalière et que nous sommes une première nation, .
Alors, dans l'ensemble, il faut accorder davantage d'attention et de soutien à la justice, aux droits, à l'ordre, aux services policiers et à l'éducation. Ce serait plus utile pour nous tous.
[Français]
Merci, monsieur le président.
Le temps est vraiment très court pour parler de ce problème. Je ne sais pas si vous me reconnaissez, monsieur Delisle.
[Traduction]
[Français]
Merci. J'étais ministre de la Sécurité publique du Québec à différentes périodes et j'ai eu, je crois, des rapports très fructueux, je dirais même agréables, avec les autorités de Kanesatake, de Kahnawake — mais finalement très peu avec celles d'Akwesasne — parce que je les respecte au même titre et qu'elles me respectaient.
J'ai compris aussi les revendications territoriales des Mohawks qui ne sont pas encore réglées. Je sais que les terrains qui ont été donnés aux Jésuites pour recevoir vos ancêtres qui fuyaient les guerres tribales des États-Unis ont été vendus. On y a installé la voie maritime, le pont Mercier, un chemin de fer et la ville de Brossard au complet.
On me l'a dit, on n'est quand même pas fou, on ne pense pas demander que la ville de Brossard soit détruite pour que la terre soit remise aux premières nations concernées, mais on a droit à des compensations.
Je pense aussi que vous avez droit à des compensations.
On a réussi, je pense, à régler ensemble le problème de la police locale, à la satisfaction des parties. Je pense avoir été assez habile pour faire accepter l'entente à la population québécoise de l'autre côté, en faisant un bon sondage dans lequel on demandait à la population si elle acceptait que la police amérindienne puisse arrêter les gens tous les matins ou tous les soirs lorsqu'ils passent sur les routes qui traversent vos réserves, si vous respectiez certaines conditions. Étonnamment, les gens ont accepté à 86 p. 100. Donc, les maires se sont tus, et nous avons pu travailler ensemble.
Dois-je comprendre que cet arrangement policier fonctionne encore bien, monsieur Delisle? On va peut-être partir de là pour vérifier si on peut trouver d'autres arrangements.
[Traduction]
Je vous remercie de vos bons mots monsieur Ménard. Je me souviens vous avoir rencontré plusieurs fois, avec l'ancien grand chef Joe Norton.
Pour répondre à votre question, je crois que les relations fondées sur les ententes qui ont été signées trilatéralement entre nous — avec le Québec, par l'intermédiaire du Canada — ont bien fonctionné pour toutes les parties concernées. Des événements récents le démontrent. Il y a collaboration. Nous sommes des citoyens respectueux des lois, selon ce qu'elles signifient pour vous et pour nous.
Les développements qui ont eu lieu ces dernières années ont été bons pour les deux nations au Québec, et nous sommes toujours prêts à contribuer et à donner de l'aide au besoin. Nous aimerions renforcer cette relation et miser davantage sur elle à l'avenir. Parce que cette fois le rapport est fédéral, peut-être que davantage de collaboration entre nous contribuerait à atténuer certaines des préoccupations externes de la GRC.
[Français]
Dois-je comprendre que l'un des grands reproches touchant la politique que présente actuellement le gouvernement fédéral est d'abord que vous n'avez pas été consultés ou, si vous avez été consultés, que vous l'avez été après que la politique ait été établie, plutôt qu'avant qu'elle ne le soit?
[Traduction]
Vous avez raison, cela fait partie du problème. Mais les consultations n'ont pas nécessairement à avoir lieu avec les organismes d'application de la loi ou les responsables de ces organismes au gouvernement. Les consultations doivent avoir lieu avec le gouvernement en soi. Le leadership doit faire preuve de réelle volonté politique au nom de la Couronne, comme on l'appelle, peu importe qui est au pouvoir.
Ces relations doivent être fondées sur un respect mutuel, et ensuite nous pourrons parler de certains des aspects de l'application de la loi qui doivent être examinés au sein des communautés des premières nations Mohawks.
[Français]
Je remarque que le temps est vraiment limité. Vous avez tous répondu oui aux questions très pertinentes de mon collègue M. St. Amand. Vous reconnaissez que l'usage du tabac cause des maladies graves chez vous comme chez nous. D'ailleurs, s'il en cause plus chez vous, c'est que généralement les gens fument davantage parce que ça coûte moins cher. Nous pourrions partir du fait qu'il y a un problème de santé que nous reconnaissons tous, mais que nous devrions recommencer, mettre de côté la politique — il reste que l'on pourra voir s'il y a de bonnes choses à considérer — et nous attaquer ensemble au problème de santé, qui nous touche tous, et au problème d'application des lois et du commerce de ces substances, qui pourrait être commun.
[Traduction]
Monsieur Ménard, si vous le permettez, d'abord, je veux vous remercier de dire que grâce à des consultations, vous avez obtenu de très bons résultats à Kahnawake, et je peux vous dire qu'en ce qui concerne les services policiers, la situation s'améliore constamment là-bas. Je crois donc que vous comprenez mieux que la plupart des gens sur quoi peuvent déboucher des discussions avec les Mohawks de Kahnawake.
De part notre exposé devant votre comité, nous voulions faire comprendre aux gens que nous sommes un peuple qui a des racines profondes et une histoire remarquable. Nous n'avons pas de ressources naturelles comme nombre d'autres premières nations au pays. Nos ressources ont disparu, et ont contribué à la richesse du pays.
Maintenant il suffit de reconnaître le principe clé, soit que nous sommes capables de discuter et de conclure un traité avec vous comme nous l'avons fait par le passé. Il ne faut pas l'oublier. Merci.
[Français]
J'aimerais maintenant vous parler d'une solution qui a été tentée. J'avoue ne pas me souvenir si elle a été mise en application ou non; je me souviens que l'on en a discuté à un certain moment.
Au fond, il s'agit que les droits sur les cigarettes soient perçus dès la fabrication. Par conséquent, le prix des cigarettes serait le même sur nos territoires communs, de façon à décourager les gens d'acheter à des prix plus bas sur une partie de nos territoires communs. Par contre, tous les droits perçus sur les cigarettes achetées par les Autochtones seraient remis à la communauté. Je crois que M. Chevrette, ancien ministre délégué aux Affaires autochtones au sein du gouvernement du Québec, voulait le proposer. Je ne sais pas si un pareil plan a réussi.
Pouvez-vous me le dire?
[Traduction]
Merci encore une fois, monsieur Ménard.
Je veux simplement faire un commentaire par rapport à votre première déclaration. Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faut mettre la politique de côté et recommencer comme vous le dites, afin de trouver un terrain d'entente. Nous prenons la question très au sérieux, et, encore une fois, nous sommes d'accord avec vous.
Vous avez raison de dire qu'à la fin des années 1990 et au début des années 2000, qu'avec M. Chevrette, il y avait au moins un certain accord sur les sujets à discuter. Encore une fois, je crois que cela peut faire partie de la solution, soit les droits, les taxes, les tarifs et tout ce qui doit être payé — ce pourrait être fait par l'intermédiaire de l'industrie — devrait être retourné à la communauté des premières nations. Comme je l'ai dit plus tôt, et comme Cheryl l'a dit également, nous faisons partie du problème; nous devons donc faire partie de la solution.
Ce n'est qu'une partie du problème, cependant, parce que nous reconnaissons qu'il y a un risque pour la santé. Pour aller de l'avant, je crois que le Canada doit s'engager à donner davantage au domaine de la santé, parce que les taxes sont tellement élevées — et pas seulement pour le tabac, mais pour également pour d'autres produits.
Je répondrai seulement ceci à M. Ménard. Il a mentionné que nous en avions parlé à un moment donné. Écoutez ce qu'on dit: on en a parlé il y a longtemps, et nous ne sommes pas sûrs si cette solution a été mise en oeuvre. Donc on a discuté de solutions.
Ces solutions sont-elles tombées dans l'oreille d'un sourd? C'est la question que je vous pose à vous.
Nous sommes venus à vous. Moi aussi, et je vous montre des documents. Nous nous donnons beaucoup de mal pour régler ces problèmes en vous présentant ces documents.
Cette solution a-t-elle été mise en oeuvre? Il l'ignore. Savons-nous si elle a été mise en oeuvre? Sans doute que non. On ne serait pas dans cette situation aujourd'hui si on avait mis en oeuvre une solution il y a de cela longtemps.
Merci.
Merci, et merci à nos invités d'être ici. Veuillez pardonner mon retard. J'ai fait savoir au président que je serais en retard, et j'en suis désolée.
Ma première question s'adresse au chef Jacobs. Le grand chef Thompson aurait déclaré à un journal que l'une des solutions qu'on envisage est de vous permettre de conserver les recettes du crime. Je me demande si vous pourriez nous donner plus de détails à ce sujet pour que je puisse mieux comprendre comment cela fonctionnerait.
Deuxièmement, dans ma province natale, les premières nations et le gouvernement fédéral ont collaboré. On a élaboré des traités en vertu desquels le tabac était imposé, mais les taxes restaient sur le territoire des premières nations. Celles-ci pouvaient l'employer pour ses besoins en matière de développement. J'aimerais savoir si vous entrevoyez une solution semblable ailleurs.
Lorsque je siégeais au Comité de la santé, et qu'on a cessé de financer les stratégies de réduction du tabagisme dans les milieux autochtones, je me rappelle avoir demandé au ministre de la Santé si on allait retirer ces crédits. Il m'a répondu que non, qu'on s'en servirait pour financer d'autres projets. Je ne suis pas au Comité de la santé, je ne sais pas où on en est sur ce point, mais on m'a assuré que l'argent resterait sur place. Je vais tâcher d'assurer un suivi dans ce dossier — c'est une question que je me pose.
Enfin, vous avez eu parfaitement raison de dire qu'il faut collaborer sur cette question. Il ne sert à rien d'agir unilatéralement et des tas d'exemples, pas seulement aujourd'hui, certains remontent à plusieurs siècles, montrent que ça ne marche pas. Si nous pouvions tous faire trois choses cette semaine-ci ou ce mois-ci, lesquelles seraient-elles à votre avis, pour commencer à travailler collectivement dans ce dossier? N'importe qui peut répondre.
J'aimerais répondre à la première question qui m'était adressée. Si j'en avais eu le temps, j'aurais probablement débité toutes les informations que j'ai devant moi. En ce qui concerne les profits du crime, d'avril 2005 à août 2006, on a saisi pour 102 000 $ chez-nous. Dans mon document, je montre comment il a été difficile pour nous de mettre la main sur cet argent. Au terme du processus d'arbitrage, cet argent aboutit dans un compte bancaire quelconque ici à Ottawa, et il est difficile d'en retirer même un petit montant. Il nous en coûte davantage pour faire venir le comptable, qui vous adressera ensuite un rapport sur la manière dont nous avons employé l'argent. Moi je dis que c'est parfaitement ridicule. Je ne veux offenser personne, mais il y a des mécanismes vraiment ridicules. Si on privilégie le bon sens dans certains dossiers, on résoudrait peut-être plus de problèmes. Et ce n'était là qu'une seule statistique.
De août 2006 à décembre 2006, on a saisi 41 000 $ en argent. Si cet argent était resté chez-nous, on aurait pu s'en servir pour nos programmes de justice, de maintien de l'ordre, nos programmes sociaux et ceux qui s'adressent aux jeunes. Cet argent nous aurait permis de combler le déficit qui se creuse au cours de l'année. Même si on n'avait que 50 p. 100 de cet argent, ça nous aiderait.
Voilà ma réponse. Merci.
Nous sommes un peuple divers. Nos nations sont éparpillées partout dans ce pays que vous appelez le Canada, et toutes sont très distinctes. En ce qui concerne les règles qui ont été admises, sinon imposées, dans les traités modernes, particulièrement en ce qui concerne la fiscalité, nous n'entrons pas dans le moule. Nous serions disposés à discuter, comme M. Ménard le disait, de la manière dont nous pourrions les uns et les autres aboutir à une conclusion qui serait acceptable pour nous. Mais toute cette approche à l'emporte-pièce, ce moule qui sert de traité fiscal pour les premières nations, n'est pas acceptable pour les Mohawks. Je parle au nom de Kahnawake, mais je crois que ce que je dis s'applique à tout le territoire mohawk, probablement même à Haudenosaunee, au-delà du territoire mohawk.
Nous serions disposés à vous rencontrer et à discuter d'un traité, comme vous dites. Nous aimerions discuter d'un accord quelconque régissant le partage des fonds. Je ne dis pas que c'est vous qui l'avez dit, mais dire que du point de vue canadien, que ça marche ici, ça ne veut pas nécessairement dire grand chose chez nous. Ça veut probablement dire que ça ne marchera absolument pas en territoire mohawk.
Vous nous avez demandé quelles sont les trois mesures qu'on pourrait prendre. La première chose à faire, étape numéro un, c'est que l'on reconnaisse, avant toute chose, qu'il s'agit d'une question explosive qui est très politique, et que ce n'est pas seulement un problème de criminalité. C'est la première chose à dire. Il faut reconnaître cela.
Deuxièmement, le gouvernement doit s'engager à discuter avec les premières nations qui sont touchées en vue de négocier divers accords. On ne peut pas seulement faire semblant, comme on dit. Il faut que ce soit un engagement authentique. Ça ne sera pas facile, mais c'est une chose dont nous attendons des résultats, et ces résultats viendront.
Troisièmement, à mon avis, il faut venir en aide aux services de police des premières nations, il faut en faire beaucoup plus que ce qu'on fait en ce moment, afin qu'ils soient bien à même de résoudre les problèmes relatifs au maintien de l'ordre. Si ces services étaient dotés du personnel et du matériel voulus, il y aurait beaucoup moins de problèmes en matière de maintien de l'ordre.
Merci.
Trois mesures?
Dans la nation iroquoise à laquelle nous appartenons, il y a une loi qu'on appelle la grande loi de la paix, et cette loi de la paix est vielle de mille ans. C'est ce qui nous a donné à nous, aux cinq puis aux six nations, une sorte de gouvernance unifiée. Cette loi n'a rien perdu de sa signification: elle veut dire loi, ordre et justice.
Mais avec la Loi sur les Indiens, j'ai appris un mot dans mes premiers six mois comme grand chef, et c'était « ultra vires »: on ne peut pas faire ci, on ne peut pas faire ça, vous n'avez pas l'autorité pour agir, il existe déjà une loi. Entre-temps, les gens demandent qu'on fasse quelque chose pour les protéger. Donc reculons un peu quelques pas et voyons comment nos lois anciennes assuraient la paix et la stabilité, et ce que votre loi à vous a fait, pour que nous puissions reculer un peu et nous rapprocher de ce concept.
Il y a aussi les bonnes relations. Cessez de pointer du doigt Akwesasne et Kahnawake ainsi que les autres communautés, et de dire qu'elles sont des refuges pour criminels. Vous savez que ce n'est pas vrai. Il est vrai qu'il y a des gens qui se servent de nous, mais nous devons parler d'une même voix pour dire que des individus utilisent notre communauté et qu'ils ne sont qu'une poignée. Parlons plutôt de la vaste majorité d'entre nous et des aspirations que nous avons.
Si nous partons tous deux du même principe, si nous allons dans le même sens, nous pouvons en finir avec cette situation et encourager de bonnes relations, en initiant non seulement les Mohawks mais aussi les Canadiens à ce concept.
Ce serait les trois choses à faire pour moi.
Merci, monsieur le président.
J'aimerais donner suite... J'ai pointé le doigt, mais ce n'était pas méchant. J'aimerais donner suite à ce que vous disiez parce qu'à mon avis, ce qu'on dit entre autres depuis un certain temps, c'est que le crime organisé se sert du milieu autochtone, et non pas que le milieu autochtone est le crime organisé.
Quand on va à Toronto et qu'on parle de fourgonnettes pleines de cigarettes vendues en sac de plastique pour 6, 8, 10 et 12 $ le sac, je ne crois pas que ce soit la communauté autochtone qui en profite. C'est quelqu'un d'autre qui en profite.
Quand on parle de réduire le tabagisme chez les jeunes alors que des étudiants des écoles secondaires fument des cigarettes qui viennent de sacs à 8 ou 10 $, je ne crois pas que ça aide la communauté autochtone. Ça ne lui rapporte rien. Mais il y a quelqu'un qui profite de cela, et cela tend à être... Qu'on l'appelle le crime organisé, ou que d'autres l'appellent le crime organisé, il s'agit d'une organisation qui profite indûment de votre bonne réputation et de divers débouchés.
Je pense que ce qu'on veut faire ici, c'est trouver entre nous une solution qui profitera aux communautés autochtones, qui aidera les communautés où l'on veut réduire le tabagisme, et je pense particulièrement à nos éléments vulnérables. Monsieur Jock, je crois que vous avez parlé des fonds qui avaient été saisis en 2006. Si les communautés autochtones comptent trois fois plus de jeunes fumeurs que la moyenne nationale, c'est que nous avons échoué bien avant 2006. Manifestement, on ne faisait pas un usage efficace de cet argent, et nous devons savoir pourquoi.
Mais j'ai constaté aussi que dans la plupart de vos exposés — et le chef Jacobs et moi-même en avons parlé un peu — que nous nous entendons sur la nécessité de trouver cette solution entre nous, pour le bien de tous. S'il y a un élément que nous devons retirer, c'est cet intermédiaire qui profite de la possibilité qu'il a d'introduire de grandes quantités de cigarettes à Toronto, ou à London, dans ma ville et d'autres, et de les vendre à très bas prix et ainsi de contourner les règles naturelles dont vous parlez.
Je constate que dans bon nombre de vos exposés, qui nous sont présentés par écrit ou oralement, vous parlez tous d'un règlement quelconque. Je pense que personne ici serait en désaccord sur ce point. On pourrait le dire en employant des termes différents, mais entrevoyez-vous une occasion où nous pourrions nous asseoir ensemble et trouver une solution qui serait bonne pour le milieu autochtone, pour votre communauté, pour notre communauté, pour que nous puissions maîtriser la situation, éliminer l'intermédiaire, sans dénigrer la communauté autochtone, mais nous attaquer à ceux qui font de l'argent et qui, semble-t-il, n'ont aucun égard pour les consommateurs ultimes de ce produit?
C'est un des problèmes dont on entend parler: les jeunes gens dans les écoles secondaires, les jeunes gens ailleurs, la possibilité qu'ont certaines personnes de profiter des Autochtones. Est-ce qu'on pourrait développer un système quelconque qui fonctionnerait pour nous tous?
En réponse à cela, il est vrai que nous avons eu des conversations. Mme Priddy a posé des questions sur les trois mesures à prendre. Mais toute coopération doit se faire sans condition.
Vous avez entendu Mike qui parlait de 22 lois qui ont été adoptées, et qui ont toutes été annulées. On n'aurait pas dû attendre six ans pour que votre gouvernement reconnaisse ce document. Une fois que c'est reconnu par nos gens, il nous appartient de le faire respecter. C'était très gentil et courtois à nous — j'emploierai ce terme — de continuer de vous envoyer des documents après que les 22 ont été rejetés. Nous nous sommes efforcés de faire ce que le gouvernement nous demandait. Mais le gouvernement nous en demande tant, et il faut tellement de temps pour faire quoi que ce soit en ce qui concerne les accords ou la reconnaissance de nos documents. C'est un élément du problème.
Nous avons des gens intelligents chez nous. Nous avons des avocats mohawks. Nous avons des médecins. Nous avons nous-mêmes de bons décideurs qui sont intelligents, et nous consultons vraiment nos communautés. On ne se contente pas seulement de faire un appel téléphonique ou d'assister à une réunion de la GRC, puis de dire au gouvernement fédéral qu'on a consulté les gens, que nous avons rencontré le chef de police. Ce n'est pas ça, la consultation.
J'en reviens encore aux lois elles-mêmes, je reviens au fait que nous avons un plan. Nous avons un plan, et au sein de notre communauté, nous allons régir la fabrication, la distribution et la vente de produits de tabac sur notre territoire mais ça ne devrait pas prendre six, dix ou quinze ans pour conclure un accord là-dessus.
Prenez par exemple nos enquêtes conjointes, dont il est question dans le rapport. Il nous a fallu six ans, de 1995 à 2001, pour faire financer ce projet. Six ans, c'est absolument ridicule, sachant que notre service de police existe depuis 35 ans. Ses membres ont été formés par la province et ont assisté à des cours de la GRC, les meilleurs cours de la GRC aussi. Une chose pareille ne devrait pas prendre six ans.
Merci.
Merci. Je suis d'accord. En fait, c'est ce que nous avons exigé. Jeudi dernier, lors de cette journée qu'on a appelé la Journée nationale de protestation, moi-même, au nom de Kahnawake, et avec le soutien de six autres communautés autochtones qui nous entourent, dont celle qui est mentionnée dans le rapport, avons exigé de rencontrer, non seulement le ministre de la Sécurité publique, M. Day, que je vais rencontrer le 17 ici à Ottawa, mais aussi le ministre des Finances, le premier ministre, qui ne sera pas là, je crois — mais à tout le moins, on a attiré son attention — et quiconque doit venir à la table.
Il y a longtemps que Kahnawake exige cela, peu importe qui était au pouvoir au Parlement canadien. Maintenant, ça fait quatre semaines — comme j'ai dit, cela fera trois semaines — que nous exigeons ce genre de rencontre. Donc j'espère que ça va se faire. Ça va se faire encore avec la sécurité publique. Mais les autres ministres aussi doivent intervenir. C'est la seule manière de régler ce problème.
Si j'en reviens à la question de Mme Priddy, c'est la première chose à faire. D'abord, reconnaître la position des premières nations, qui nous sommes, comprendre ce que nous représentons et pas en tant que citoyens canadiens. Deuxièmement, il faut qu'il y ait une volonté politique et une compréhension de la part de nos amis d'en face, si vous voulez, et il faut s'engager à mettre en oeuvre des solutions à long terme. Ça ne va pas prendre une année, ça ne va pas prendre un mois, nous sommes là pour longtemps. Nous avons accueilli tous ceux qui sont venus sur nos territoires, et l'heure est venue de nous rendre la pareille.
Je voudrais simplement me prononcer sur les compressions dans les services de santé. Comme je l'ai dit dans mes remarques, nous faisions des progrès. Il me semble que c'est tout simplement contraire à la logique de dire que les compressions budgétaires ont quelque chose de bon. Si tout le monde s'entend pour dire que c'est un problème, il faudrait investir encore davantage. Il faudrait accroître les ressources consacrées au problème au lieu de les réduire.
Je crois que les autres témoins ont répondu aux autres points.
Soyez bref. J'ai laissé tous les autres dépasser le temps alloué, alors pourquoi ne pas en faire autant pour vous?
J'espère avoir bien exprimé ce que nous entendons à notre comité quand nous parlons de crime organisé.
Je ne crois pas que quelqu'un a répondu à cette question. Quand j'ai parlé des fourgonnettes blanches à Toronto, ce ne sont pas des Autochtones que nous y retrouvons. C'est justement ce qui nous inquiète. Ce sont des intermédiaires qui vous exploitent et qui en exploitent d'autres et qui ne respectent pas ce que vous avez fait et ce que nous avons fait pour essayer d'éliminer le tabagisme dans bien des endroits. Mais ils contournent aussi beaucoup des lois qui s'appliquent, si vous voulez.
Il y a sans doute près de dix ans de cela, les communautés mohawks du Canada ont créé la table ronde Mohawk-Canada, et nous nous étions alors engagés à trouver une solution pacifique à tout problème futur entre nos deux peuples. Nous créerions des tables de concertation pour cerner les problèmes et trouver des solutions. Nous enverrions des représentants à ces tables.
Qu'est-il advenu de la table ronde Mohawk-Canada? C'est précisément de cela que nous parlons maintenant, de trouver des solutions, et je suis sûr que ce serait un défi. Ce que vous demandez est faisable. Cela peut se faire. Pour notre part, nous savons que ce ne sera pas facile, mais cela peut se faire.