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Merci, monsieur le président, je suis heureux d'être en liaison avec le comité. Merci pour votre sens de l'économie et pour m'avoir permis de témoigner par vidéoconférence. Je sors juste d'une chirurgie, que j'ai subie hier, et je n'aurais pas été capable de me déplacer. J'apprécie donc ce que vous avez fait.
Je tiens à préciser avant tout que la crise que traverse le secteur forestier a été provoquée par le marché, et nous ne devons pas le perdre de vue. Certes, l'industrie doit s'adapter, certes, nous devons travailler en collaboration et en coopération avec tous les ordres de gouvernement — le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les administrations municipales, de même que les gouvernements de Premières nations qui sont en train de se constituer un peu partout au Canada —, mais les gouvernements ne peuvent pas jouer sur beaucoup de leviers politiques pour nous aider parce que, si personne au bout de la chaîne d'approvisionnement n'a besoin de nos produits ou n'est prêt à les acheter, il ne sert pas à grand-chose de se démener.
Je me propose de vous parler, très succinctement, de ce que fait l'industrie sur la côte Ouest et des débouchés que nous envisageons, après quoi je ferai des recommandations sur le genre de mesures que le gouvernement pourrait adopter et le genre d'aide qu'il pourrait nous apporter. Sur la côte Ouest, nous avions l'habitude d'exporter 60 à 65 p. 100 de notre production vers les États-Unis. Il y a deux ans et demi, nous avions déjà pris conscience de la crise des prêts hypothécaires à risque et du début du déclin des mises en chantier aux États-Unis, ce qui nous avait amenés à nous détourner du marché américain et de la production de bois d'échantillon primaire que nous destinions à ce marché.
En 2008, nos livraisons côtières aux États-Unis avaient chuté de 48 p. 100. Nous avons compensé cette baisse de deux façons, d'abord, en commençant par nous positionner sur d'autres marchés. En 2008, nous avons ainsi augmenté nos expéditions vers la Chine, la Corée et d'autres pays asiatiques pour passer de 6 à 17 p. 100. Nous avons maintenu nos niveaux d'exportations vers l'Europe. Nous avons légèrement augmenté notre part de marché au Japon — qui est passée à 25 p. 100 — et nous avons changé notre gamme de produits, ce qui devrait être très instructif pour vous.
Comme je le disais, nous avons commencé à laisser tomber les produits d'échantillons primaires pour opter pour des produits spéciaux manufacturés sur commande, plus coûteux. C'est plus facile à faire pour nous, sur la côte, et c'est une entreprise que nous poursuivons sans relâche depuis. Notre chaîne d'approvisionnement dans les secteurs du bois massif et des pâtes et papiers est très diversifiée, elle est de grande valeur et elle est axée sur le marché. Pour ce qui est du bois de sciage, il faut savoir que notre production de bois d'échantillon est passée de 30 p. 100, qu'elle était habituellement, à 13 p. 100, mais que nous avons augmenté notre production sur le marché du cèdre, ainsi que sur le marché des bois spéciaux resciés.
Ces changements sont importants en ce qui concerne le marché américain également. En effet, sur la côte, nous desservions traditionnellement un important segment constitué par les marchés de la rénovation et de la reconstruction plutôt que par celui des constructions neuves. Cette situation a permis à l'industrie côtière de s'en sortir un peu mieux qu'ailleurs, parce que nous alimentions le marché de la rénovation, malheureusement, celui-ci s'est complètement effondré depuis.
Notre capacité de production est de 2,5 milliards de pieds-planche par an et, en 2008, nous en étions à 1,284 milliard de pieds-planche. Nous passerons en dessous du milliard en 2009. Vous devez savoir que la valeur marchande moyenne des produits de la côte dépasse 1 000 $ les 1 000 pieds-planche. Dans les autres parties du pays, elle se situe plutôt autour de 300 à 350 $, ce qui illustre la diversification que nous avons réalisée et le fait que notre chaîne d'approvisionnement est à valeur élevée.
Je vais vous dire ce qui se passe aux États-Unis. Nous ne devrions pas, selon nous, commencer à sortir de la récession mondiale tant que le marché de l'habitation n'aura pas repris aux États-Unis. Le marché de l'habitation chez notre voisin du Sud a bien sûr subi l'effet négatif de la crise des prêts hypothécaires à risque et de la récession qui en a découlé partout dans le monde.
Il convient de remarquer deux choses à cet égard. On peut espérer que le plan de 275 milliards de dollars, annoncé par le président Obama pour stabiliser le marché immobilier et aider les propriétaires responsables, permettra d'éviter sept à douze millions de reprises hypothécaires actuellement en instance. Beaucoup d'instruments financiers — les hypothèques Alt-A et les hypothèques de préférence — qui demeurent en place, pourraient être perturbés en cas d'échec de l'initiative de stabilité, et nous espérons donc que celle-ci aboutira.
Ce mois-ci, l'indice de capacité financière aux États-Unis a, je crois, atteint des sommets. À cause de la diminution des prix et de l'importance du parc immobilier disponible, l'accès à la propriété est désormais plus abordable. La grande question est de savoir si les gens pourront obtenir le financement nécessaire pour acheter une maison ou conserver la leur. Il y a une lueur d'espoir de ce côté-ci. Toutefois, il ne faut pas s'attendre à une quelconque amorce de reprise avant 2010, les plus pessimistes disant pas avant 2011.
Nous ne sommes donc pas sortis de l'auberge, mais tout semble indiquer que nous sommes au creux de la vague et que nous amorçons peut-être la remontée.
Sur le plan financier, l'industrie de la côte Ouest ressemble à tous les autres segments du secteur forestier canadien: elle est saignée à blanc. Les capitaux disponibles pour l'entretien sont rares et il n'y a bien sûr pas d'argent pour de nouveaux investissements.
Voilà l'instantané des marchés que je voulais vous donner de la manière la plus concise possible dans le peu de temps qui m'est imparti. Je vous le répète, la crise que nous traversons a été provoquée par les marchés et nous ne devons pas perdre cela de vue dans la formulation de nos politiques et dans la façon dont l'industrie doit réagir à la situation.
Cette industrie a un avenir brillant. Les choses bougent sur le plan de l'approvisionnement un peu partout dans le monde, ce qui est de bon augure pour l'industrie forestière canadienne. Les signes dont je veux parler vont de l'application généralisée de la taxe sur les matières ligneuses en Russie au fléchissement de l'offre de bois de sciage à cause de problèmes liés au climat, comme l'infestation de dendroctone du pin argenté. Partout dans le monde, les acheteurs sont de moins en moins disposés à acquérir des produits provenant de forêts exploitées illégalement et les pressions augmentent pour qu'on privilégie la foresterie durable.
Le Canada est un chef de file mondial dans ce domaine et il a payé le prix fort pour y parvenir. Tandis que d'autres pays devront faire la même chose, l'offre sur le marché va diminuer. À cause des changements climatiques, de la faveur accordée à la biodiversité et de choses du genre, la conservation des forêts devient le mot d'ordre. Sur ce plan-là également, le Canada et surtout la Colombie-Britannique ont fait du bon boulot en montrant l'exemple. Nous sommes les premiers au monde en matière de préservation des forêts.
On assiste donc à la disparition permanente d'une partie de la capacité de production, ce à quoi il faut ajouter l'émergence des marchés de crédits du carbone, comme dans les pays de l'Union européenne où les consommateurs achètent tellement de granulats que la bioénergie fait concurrence aux pâtes et papiers. Si nous plaçons correctement nos billes à la faveur de la mise en place d'un système d'échange de droits d'émissions, nous pourrons avoir accès à des crédits de carbone au titre de la reforestation, ce qui permettra, là aussi, de supprimer une partie de l'offre.
Côté demande, c'est dans l'écoconstruction que l'on constate une augmentation. La stimulation de la construction à base de bois est l'un des leviers politiques dont le gouvernement du Canada pourrait se servir. Le bois est en effet le matériau qui présente le meilleur rendement énergétique au niveau tant de la production que de l'utilisation.
Le déséquilibre entre l'offre et la demande en Asie, surtout en Chine, est aussi source de débouchés.
Nos concurrents en Amérique du Sud pourraient changer de types de cultures pour passer de la production sylvicole à des cultures énergétiques et, peut-être mieux encore, à la production alimentaire. Tout cela ne fait qu'éclaircir notre horizon.
Que pourraient faire l'industrie et le gouvernement tout de suite? J'ai deux ou trois choses à suggérer. Comme nous allons, je suppose, passer environ deux heures ensemble et que nous pourrons reparler de l'essentiel de mes propositions à la faveur de vos questions, je vais être bref.
Nous devons continuer de combiner nos efforts pour conquérir de nouveaux marchés. Pour le gouvernement fédéral, cela veut dire poursuivre le Programme canadien d'exportation des produits de bois, l'Initiative Le bois nord-américain en premier, le Programme Valeur au bois et les programmes d'innovation en foresterie annoncés dans le dernier budget. Ce sont là d'excellents programmes. Ils favorisent l'innovation, permettent de maintenir l'ouverture des marchés, nous aident à opter pour de nouveaux produits et à percer sur de nouveaux marchés et ils nous permettent également de promouvoir nos produits sur ces marchés.
Il se trouve que je préside le Canada Wood Group, groupe d'activité économique qui orchestre les efforts déployés en vue de percer des marchés et de promouvoir nos produits d'exportation. Pour ce travail, nous comptons énormément sur le financement consenti par les gouvernements, y compris par la Colombie-Britannique, outre que l'industrie met de l'argent de sa poche. Nous devons donc continuer à travailler sur ces marchés.
Les fonds alloués à FPInnovations pour l'innovation et la technologie sont très importants pour nos produits. Nous travaillons en étroite collaboration avec cet institut. Nous allons chercher des fonds auprès de l'industrie et du gouvernement provincial afin de stimuler l'innovation pour tout un éventail de produits, du bois massif à la bioénergie en passant par le bois d'ingénierie et les pâtes et papiers. Sur la côte, par exemple, FPInnovations administre un programme quinquennal qui pourrait permettre d'aller chercher 700 millions de dollars...
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L'Association des propriétaires de machinerie forestière du Québec est heureuse de participer aux audiences publiques du Sous-comité sur les secteurs industriels canadiens du Comité permanent de l'industrie, des sciences et des technologies, concernant la crise dans le domaine forestier.
L'APMFQ existe depuis 1991. Dès ses débuts, les membres se sont donné pour mission de regrouper l'ensemble des propriétaires de machinerie forestière du Québec afin de faire reconnaître l'entrepreneur forestier à titre de professionnel de la récolte et du transport de bois, et de véritable partenaire économique dans son milieu.
L'APMFQ est la seule association québécoise à regrouper et à représenter les propriétaires de machinerie forestière et entrepreneurs de la récolte du Québec.
Depuis sa création, ses administrateurs et représentants ont participé à différentes consultations, notamment le Comité Bernier, la Commission Coulombe, le Sommet sur la forêt et le livre vert. La valorisation des métiers de la forêt a toujours occupé une place importante dans nos actions. Les administrateurs ont souhaité reconnaître et promouvoir l'excellence et le professionnalisme de ses membres en attribuant chaque année le prix du Forestier de l'année, le forestier de la relève et jeune entreprise de moins de cinq ans et le meilleur chantier du Québec.
Récemment, l'important rôle économique et stratégique des forestiers dans la chaîne de création de valeur du secteur de la foresterie a été documenté. En effet, selon une étude menée auprès de 2 500 forestiers actifs en récolte, transport et voirie par le Programme de recherche sur les entrepreneurs forestiers de récolte et transport, les éléments suivants sont à prendre en compte.
On estime à 1 300 le nombre d'entrepreneurs pour la récolte de bois. En moyenne, les entrepreneurs forestiers de récolte ont quatre employés au sein de leur entreprise. Ils seraient ainsi les employeurs ou superviseurs immédiats de plus de 5 100 emplois forestiers.
Le chiffre d'affaires annuel moyen approximatif est de 1,360 millions de dollars. Des entrepreneurs forestiers actifs en récolte, 60 p. 100 travaillent en forêt publique, 24 p. 100 en forêt privée et 14 p. 100 en forêts privée et publique. La valeur moyenne des actifs — équipement de production — dépasse 800 000 $ de la valeur aux livres.
En résumé, les résultats présentés par l'Université Laval confirment que les entrepreneurs forestiers contribuent de manière significative à l'économie des régions ressources en offrant des emplois bien rémunérés et en achetant également de nombreux produits et services, tels que machinerie, pièces et services financiers.
De plus, il est bon de rappeler que par leur entrepreneurship, les propriétaires de machinerie forestière ont contribué à l'amélioration des techniques de récolte, à la réduction des impacts négatifs sur l'environnement, au développement de machinerie mieux adaptée à nos conditions et à une amélioration spectaculaire de la productivité.
Nous sommes dans un contexte de changements, où depuis plusieurs années nous constatons une diminution de la demande pour les journaux surtout causée par un accroissement de l'Internet. Le conflit du bois d'oeuvre avec les États-Unis entraîne une diminution de la demande. La crise financière que nous vivons ne fait qu'allonger et empirer les difficultés que nous connaissons dans le secteur forestier. Pourtant, l'année 2009 qui s'annonçait économiquement bonne semble vouloir nous apporter un lot d'inquiétudes plus grandes.
Nous sommes directement touchés par l'incertitude des compagnies qui sont donneurs d'ouvrage. Étant des sous-entrepreneurs très spécialisés dans la récolte des bois, il est donc plus difficile de trouver d'autres avenues pour nos compagnies.
Pour aider les grandes compagnies, la plupart des sous-entrepreneurs ont vu les prix du mètre cube de bois diminuer et de nouveaux transferts de charges sociales et de responsabilités augmenter. Donc, les profits des entreprises sont en baisse constante année après année.
Voici les problèmes que cela occasionne. Il y a plus d'heures de travail pour les propriétaires de machinerie forestière. Il y a de longues journées de travail causées par l'éloignement des peuplements d'arbres. Les gains de productivité et d'efficacité sont de plus en plus difficiles à atteindre, de sorte que nous avons moins de marge de manoeuvre. Notre main-d'oeuvre vieillissante est très difficile à remplacer. Le milieu de la construction ou celui des mines draine nos travailleurs. La différence des salaires en milieu urbain par rapport à ceux du milieu forestier, et cette différence est moins prononcée que par le passé. Donc, les jeunes préfèrent demeurer en ville plutôt que d'aller travailler en forêt et partir des semaines durant.
Plusieurs propriétaires de machinerie forestière, pour augmenter leurs revenus et diminuer leur dépenses, changent leurs équipements régulièrement, ce qui est nécessaire pour être à la fine pointe de la technologie de façon à être plus productifs.
Depuis deux ans, nous constatons que le nombre de semaines de travail est passé de 40 et plus à 30 et moins, ce qui représente une grande différence de revenus pour l'entreprise. Plusieurs faillites ont eu lieu l'an dernier, et il y en a eu encore davantage cette année, ce qui implique tous les fournisseurs de pièces et les équipementiers. Certains propriétaires qui approchent de la retraite aiment mieux lâcher prise et arrêter complètement leurs activités que de continuer à travailler comme des fous pour faire de maigres profits ou encourir des pertes, année après année.
En terminant, nous voulons assurer que l'APMFQ et ses membres continueront d'améliorer leur façon de faire, comme ils l'ont toujours fait dans le passé. Nos forestiers d'hier et d'aujourd'hui sont des passionnés de la forêt. Ils tiennent à conserver et à développer notre jardin forestier pour les générations futures.
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Merci, monsieur le président.
Merci aux membres du comité et aux collègues qui se sont joints à nous aujourd'hui. Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître ce matin.
[Traduction]
Au nom de nos 50 membres et du conseil d'administration de l'Association des produits forestiers du Nouveau-Brunswick, je me réjouis d'avoir l'occasion de vous exposer ce que nous pensons de la crise à laquelle est confrontée le secteur manufacturier. Je vais surtout vous parler du secteur forestier dans le Canada atlantique.
L'Association des produits forestiers du Nouveau-Brunswick est une organisation sans but lucratif qui représente des entreprises des sous-secteurs des pâtes et papiers et des produits en bois massif au Nouveau-Brunswick.
Je tiens à profiter de cette occasion pour féliciter le comité d'étudier cette question et d'essayer de comprendre les répercussions de la récession avoir sur le secteur forestier et sur nos collectivités rurales qui en dépendent.
Dans les quelques minutes qui me sont accordées, je me propose de vous parler des impacts économiques de la crise. Je traiterai brièvement de trois grands problèmes qui affectent la foresterie au Nouveau-Brunswick: l'accès au crédit; les subventions à la consommation d'énergie consenties aux usines de pâtes et papiers aux États-Unis qui brûlent la boue noire, et le financement de la sylviculture.
Je vous recommanderai aussi des initiatives grâce auxquelles le gouvernement fédéral pourrait nous permettre de surmonter ces problèmes et je conclurai sur une note optimiste quant à l'avenir de notre secteur, parce que j'estime que la foresterie est promise à un brillant avenir au Canada et qu'elle contribuera à notre économie.
Je commencerai par un bref instantané économique en rapport avec la récession et son effet sur notre secteur.
Vous n'êtes pas sans savoir que l'industrie forestière a entrepris une transformation forcée il y a quatre ans. Elle a été prise dans une véritable tourmente qui est venue ébranler ce qui constitue l'un des plus importants moteurs économiques du Nouveau-Brunswick. La concurrence internationale sur nos marchés traditionnels, l'effondrement du marché de l'habitation aux États-Unis, l'augmentation considérable des prix de l'énergie qui ne sont plus du tout compétitifs et même, à un moment donné, la valeur élevée du dollar canadien ont constitué autant de facteurs qui sont venus compliquer le climat des affaires pour les investissements et qui ont finalement menacé la survie de toute l'industrie.
Il faut souligner que, si le secteur manufacturier canadien a souffert...
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Merci. Que les interprètes veuillent m'excuser.
Il faut dire que, si tous les fabricants canadiens ont beaucoup souffert au cours de l'année dernière, le secteur de la foresterie, lui, vit un repli depuis plus de quatre ans. Pendant toute cette période, à cause des fermetures d'entreprises, le Nouveau-Brunswick a perdu près de la moitié de ses usines de pâtes à papier et plus de la moitié de ses scieries. En 1999, on comptait 99 scieries inscrites dans la province et, en 2009, il n'y en a plus que 40. Récemment, nous avons réalisé un sondage auprès de nos membres qui ne sont plus que 20 dans la province. De plus, sur les 10 usines de pâtes à papier qui tournaient encore il y a quatre ans, il n'y en a plus que six qui fonctionnent aujourd'hui.
Ces fermetures et ces disparitions portent un coup particulièrement dur au Nouveau-Brunswick, parce que cette province est celle qui dépend le plus du secteur forestier, lequel représente pas moins de 12 p. 100 du produit intérieur brut et 4 milliards de dollars d'activité économique. C'est donc une contribution importante pour notre petite province. On estime que notre secteur fournit 23 000 emplois directs et indirects, des emplois parmi les mieux rémunérés au Nouveau-Brunswick. Selon Statistique Canada, nous avons malheureusement perdu 7 800 emplois au cours de la dernière année et, comme plus de 40 villes et villages dépendent de la foresterie, vous pouvez imaginer le genre de difficultés auxquelles nos collectivités sont confrontées.
Je pourrais vous parler de bien d'autres problèmes auxquels est confronté le secteur, mais j'ai décidé de me limiter à trois grandes difficultés à propos desquelles je pourrai formuler des recommandations et proposer des mesures qu'il nous serait possible de mettre en oeuvre en association avec le gouvernement fédéral.
Je commencerai par la question de l'accès au crédit. Nos entreprises membres nous disent que l'accès au crédit et un crédit à taux raisonnable représentent les deux grands problèmes qu'il faut régler. L'actuelle crise économique mondiale a des effets dévastateurs sur la capacité de l'industrie à accéder au capital. C'est particulièrement vrai pour le secteur forestier. On nous considère comme un secteur à haut risque depuis plusieurs années maintenant, ce qui ne fait que compliquer les choses. La crise du crédit qui s'étend fait des ravages. À l'heure où les entreprises se débattent pour financer leurs dettes en ces temps difficiles, les institutions financières ne se montrent tout simplement pas disposées à leur prêter à un taux fonction du risque normal. Quand il arrive, rarement, qu'un investisseur mette des capitaux à notre disposition, nous devons assumer des taux d'intérêt ridiculement élevés de 8 à 11 p. 100 qui sont quasiment insoutenables à long terme.
Nous prenons acte que le gouvernement a fait de l'accès au crédit une rubrique du budget. Mais honnêtement, nous ne voyons pas par quelle voie naturelle cette mesure de relance sera ressentie dans notre secteur. Cela étant dit, nous recommandons que le gouvernement du Canada veille à ce que ces fonds nous parviennent. Nous nous réjouirions de toute initiative qui nous permettraient d'accéder à du capital à un coût raisonnable. Ce faisant, les entreprises seraient en mesure de faire le dos rond jusqu'à ce que les marchés reprennent du mieux, elles pourraient maintenir leur niveau d'opérations et investir afin de se moderniser et d'améliorer leur efficacité.
Si l'industrie devait rebondir dès demain, nous n'aurions pas suffisamment d'entrepreneurs forestiers formés ni de matériel approprié en fonction des niveaux de récolte, ce que M. Dionne vient tout juste de vous dire. À cause de l'état actuel des marchés financiers et des défis auxquels l'industrie forestière fait face, il est quasiment impossible pour notre secteur d'investir dans du matériel neuf ou de remplacement pour assurer ses activités de récolte. Je veux parler du matériel qui permet de récolter le bois et de transporter des forêts aux scieries.
Les entrepreneurs forestiers en récolte, de même que nos entreprises membres, sont aux prises avec une véritable crise, mais nous pensons avoir trouvé une solution pour favoriser la disponibilité d'un crédit à taux raisonnable. Nous pourrons y revenir durant la période des questions.
Si le gouvernement se portait garant de nos prêts, il nous serait possible d'emprunter à des taux moindres sans que le gouvernement coure de risques — je parle ici d'un projet au Nouveau-Brunswick — parce que nos scieries et nos entrepreneurs et sous-traitants agréés sont disposés à adosser les emprunts, mais ils souhaitent que le gouvernement se porte garant. L'intervention d'organismes comme la BDC éliminerait une partie des surprimes de risque. Un tel plan serait extrêmement utile pour les entrepreneurs forestiers en récolte et pour nos entreprises membres.
En deuxième lieu, je veux parler du problème de la boue noire ou liqueur noire qu'a mentionné mon homologue de la Colombie-Britannique à la fin de son intervention. C'est tout un problème. Les subventions récemment offertes par le gouvernement américain aux entreprises de pâtes et papiers au titre de ses initiatives en énergie renouvelable sont très préoccupantes pour le Canada. Les usines de pâtes et papiers américaines ont en effet droit à des crédits d'impôt non négligeables pour brûler la liqueur noire dans leurs chaudières. En vertu de ce programme, il leur suffit d'utiliser la lessive de cuisson, qui est un déchet obtenu à la suite de la réduction du bois en pâte, pour avoir droit à un crédit de taxe d'accise de 50 ¢ par gallon.
Selon des estimations prudentes, la valeur de ce crédit serait de 125 à 150 $ pour la pâte écrue et de 175 à 225 $ pour la pâte blanchie. D'autres estimations situent ce montant beaucoup plus haut, mais je n'ai retenu que les estimations les plus modérées.
D'après des analyses préparées par la Deutsche Bank, l'industrie américaine pourrait ainsi être soutenue à coups de milliards de dollars. Pour vous donner un exemple, sachez que la banque a estimé qu'IP pourrait recevoir un chèque de 1,2 milliard de dollars à elle seule. Chaque usine de pâtes et papiers pourrait bénéficier de crédits de plusieurs millions de dollars, ce qui va nous rendre la vie très difficile.
À cause de ces crédits d'impôt, le Canada est nettement désavantagé. Si nous ne nous attaquons pas à ce problème, cela risque d'être catastrophique pour les usines de pâtes du côté canadien de la frontière. Rendons-nous à l'évidence, si une fabrique de pâte kraft blanchie à base de grumes de feuillus peut dégager un bénéfice de 175 $ la tonne, nos usines canadiennes seront énormément désavantagées avec leur structure tarifaire. C'est là un phénomène nouveau et nous commençons tout juste à prendre conscience de son impact potentiel.
Je crois qu'en partenariat avec le gouvernement du Canada, l'industrie forestière pourrait s'attaquer à ce problème et le régler très rapidement. Une solution pourrait consister à contester ces subventions en vertu des lois sur le commerce international ou de l'accord de libre-échange, mais je ne suis pas juriste spécialisé en commerce international et je ne connais pas les particularités du dossier. Par ailleurs, le Canada pourrait envisager d'adopter des stimulants du même genre afin de nous placer sur le même pied que les Américains.
En fait, le programme américain va à l'encontre du but recherché, puisque destiné à l'origine à réduire les émissions, il en favorise plutôt l'augmentation. Nous reviendrons plus en détail sur cela par la suite.
Pour terminer, je vous parlerai de la sylviculture.
Chaque année, le Nouveau-Brunswick investit 26 millions de dollars dans la plantation d'arbres et l'éclaircissage de ses forêts pour améliorer le rendement et la qualité de la matière ligneuse. Le Nouveau-Brunswick plante des arbres depuis très longtemps. Les forêts de la province absorbent aujourd'hui des millions de tonnes de dioxyde carbone et fournissent une matière ligneuse durable qui permet de donner des emplois directs à plus de 15 000 personnes dans la province.
Nous plantons des arbres depuis plus de 50 ans. Toutefois, nous aimerions faire davantage, raison pour laquelle nous avons ajouté la forêt caducifoliée à notre gamme de produits. À une époque, le gouvernement fédéral était partenaire du Nouveau-Brunswick, de l'industrie et du gouvernement provincial, et finançait la sylviculture. Nous aimerions relancer ce partenariat dans le cas du bois de feuillus. Comme vous le savez, le Canada atlantique est exempté de droits compensateurs en vertu de l'accord sur le bois d'oeuvre, ce qui nous permet d'écouler notre bois à sa juste valeur commerciale. Ce que nous ferons avec le bois de feuillus n'ira pas à l'encontre des dispositions de l'accord sur le bois d'oeuvre et nous souhaiterions que le gouvernement fédéral envisage de nous donner un coup de main. Nous souhaiterions qu'il investisse 7 millions de dollars par an pour favoriser la plantation de feuillus sur les terres publiques. Nous invitons aussi le gouvernement à contribuer aux budgets de sylviculture des propriétaires de boisés privés.
Vous savez, si vous êtes en quête d'un programme d'infrastructures apte à stimuler l'économie à court terme et à rapporter des bénéfices à long terme, vous ne trouverez pas de meilleurs projets prêts à décoller que ceux concernant la reforestation dont les retombées à long terme sont loin d'être négligeables. Nous travaillons avec les fonctionnaires de l'APECA et nous avons exposé le cas au ministre Ashfield. Nous espérons qu'une décision sera prise très prochainement, puisque nous sommes à l'aube de la saison de plantation 2009 qui débutera dans huit semaines environ. Une recommandation de votre comité nous aiderait beaucoup.
Pour conclure, je dirais que nous sommes effectivement très préoccupés par les perspectives de l'industrie à court terme, mais optimistes quant au long terme. La bonne nouvelle, c'est que nous sommes convaincus que les marchés vont reprendre du mieux. Les prévisions économiques à long terme signalent une remontée des prix du bois d'oeuvre et de la pâte. Les nouveaux produits du bois, la biotechnologie et l'émergence des biocarburants sont porteurs de nombreux débouchés très intéressants.
Nous serions heureux de travailler avec les gouvernements et nos partenaires, partout au Canada, afin de régler certaines de ces préoccupations.
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C'est en fait la première fois que nous en parlons. La loi fiscale existe depuis cinq ans aux États-Unis. Elle avait été adoptée pour que le secteur automobile et d'autres secteurs utilisent des combustibles fossiles comportant une partie de carburant renouvelable, que ce soit de l'éthanol ou autre. Ceux qui optaient pour cette solution, en soi écologique, étaient admissibles à ce genre de crédit d'impôt.
Récemment, en fait pas plus tard qu'en novembre dernier, l'industrie des pâtes américaine s'est dit qu'au lieu de brûler la boue noire, elle pouvait l'ajouter au diesel pour avoir droit à ces crédits. De plus, elle réclame ces crédits à titre rétroactif, à compter de la mise en place du programme. Cela représente pour elle un soudain apport d'oxygène qui est très récent.
Ce qui est ironique, c'est que ce n'est pas véritablement une pratique écologique pour une industrie qui n'a pas besoin de consommer du combustible fossile et qui se contente d'ajouter de la biomasse dans du carburant pour être admissible au programme.
Tout ça est nouveau pour nous. Nous venons juste de nous rendre compte du genre de défis que ça va constituer pour nous. Nous allons collaborer avec les autres associations. Nous sommes en contact avec elles et allons commencer à préparer des mémoires et des lettres, et des choses du genre. Cependant, si ce comité parlait de l'importance de...
Comme nos confrères de la Colombie-Britannique le disent, ce crédit permet aux Américains de réduire considérablement leurs coûts. C'est très important 175 ou 200 $ en regard du prix qu'on peut obtenir pour la pâte et de ce côté-ci de la frontière, nous ne serons pas en mesure de les concurrencer.
Nos scieries dépendent de la vente de copeaux aux usines de pâte. On constate une véritable interdépendance qui met en danger l'industrie tout entière.
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J'aimerais vous saisir d'un point qui a été discuté à la Chambre des communes. Une motion y a été présentée. Je ne sais pas si vous avez pris connaissance de cette motion, monsieur Arsenault. Elle a été majoritairement adoptée par la Chambre.
Elle demandait au gouvernement de mettre en avant quatre mesures.
D'abord, il y avait des garanties de prêts pour les entreprises forestières et, évidemment, pour les équipementiers, parce que le crédit est fermé.
Puis il y avait des crédits à la recherche et au développement — pas des crédits non remboursables, mais des crédits remboursables. Car lorsque les compagnies ne font pas d'argent, elles ne peuvent avoir de crédits d'impôt. Ce seraient donc des crédits remboursables. Si l'on accuse des pertes, ce serait remboursé.
Ensuite, il y avait l'augmentation de la demande à l'intérieur du Canada. Par exemple, lorsque le gouvernement fédéral construirait un édifice, il lui faudrait le construire en bois; lorsqu'il ferait des rénovations, il utiliserait le bois; la solution serait le bois.
Enfin, il s'agirait de transformer les résidus de la forêt en énergie.
J'aimerais vous entendre à ce sujet. Pensez-vous que si le gouvernement mettait en avant de telles mesures, on pourrait dire que ce sont de bonnes mesures?
Vous avez, avec à-propos, résumé deux ou trois réalités. Premièrement, il est à peu près certain que le marché est le grand responsable des problèmes constatés dans l'industrie forestière — la force récente de notre dollar et le déclin dans le secteur de l'habitation. Il est difficile de se résigner à attendre quand tout ce qu'on veut, c'est faire tourner l'industrie forestière, mais nous sommes dans l'expectative en attendant que le marché reprenne du mieux aux États-Unis, pendant que nous consolidons nos positions dans d'autres pays. Vous en avez tous deux parlé. Je crois que c'est important.
Il est difficile d'être optimiste dans des périodes comme celles-là, mais de toutes les industries qui sont venues nous exposer leur situation à Ottawa, c'est probablement l'industrie forestière qui affiche l'attitude la plus positive quant à l'avenir.
Rick, vous avez parlé de la taxe russe qui va bientôt être appliquée et de la diminution des volumes de coupes de bois de sciage dans d'autres pays, tout comme au Canada, à cause de facteurs comme le dendroctone du pin et l'adoption de mesures répressives contre les coupes illégales. Et puis, on a bien sûr récemment assisté à la transformation du marché en Amérique du Sud, par exemple, où les producteurs optent davantage pour des denrées alimentaires que pour la forêt, à cause de la demande. Tout cela est bon pour l'industrie forestière. C'est rassurant pour l'avenir, mais ça ne nous aide pas beaucoup pour l'instant et la situation actuelle demeure très pénible. Il y a aussi tous les autres programmes que le gouvernement a adoptés — FPInnovations et le Programme Valeur au bois. Ce sont d'excellentes choses.
Il y a un dénominateur commun dans ce que vous avez tous dit aujourd'hui: l'accès au crédit. Je sais que notre gouvernement est au courant de ce problème et je sais aussi qu'il fait tout ce qu'il peut pour inciter fortement les banques — il y en a un de vous qui a parlé de « pressions », parce que nous avons affaire à des institutions privées — à reconnaître que l'industrie forestière n'est pas morte. Elle est bien en vie et il arrivera un jour où, une fois encore, elle sera la meilleure cliente des banques. C'est ce qui s'annonce. Nous essayons donc de leur faire comprendre cela.
D'un autre côté, dans certains secteurs de l'industrie forestière, là où le gouvernement peut intervenir en vertu d'accords de libre-échange, les choses sont un peu plus difficiles. Il y a toute une série de facteurs dont nous devons tenir compte. C'est sans doute la cinquième fois en deux ou trois ans que je participe à des discussions sur l'industrie forestière et que je constate la compréhension que nous avons tous de la nature des difficultés du secteur.
Et voilà que nous nous heurtons à une nouvelle difficulté dont vous avez tous deux parlé: le problème de la liqueur noire. Je dirai deux choses à ce sujet: premièrement, comme les Américains brûlent des combustibles fossiles pour pourvoir utiliser la liqueur noire, ils se trouvent à contourner les exigences environnementales. Deuxièmement, et c'est sans doute plus important à nos yeux, comme beaucoup de ces usines de pâtes sont détenues par des entreprises qui possèdent aussi des scieries, d'aucuns estiment que ce programme revient à subventionner directement les scieries américaines, à moins qu'il soit possible de retracer les flux financiers à l'intérieur de ces conglomérats. Je ne dis pas que c'est ce qui se passe, mais j'imagine que des avocats, des deux côtés de la frontière, sont en train d'examiner cela de près.
Je veux revenir sur la question de l'accès au crédit. Le gouvernement pourrait-il, selon vous, faire quelque chose de plus? Une recommandation facile serait de tabler sur les garanties de prêt, mais y a-t-il d'autres mesures que le gouvernement pourrait adopter afin d'améliorer l'accès au crédit pour l'industrie forestière?
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Effectivement et c'est malheureux. Nous avions pensé que la reprise serait pour 2009. Nous nous attendions à rebondir fin 2008, mais la récession a pris tout le monde par surprise.
Les entreprises du secteur qui fonctionnent encore sont incroyablement résilientes. Elles ont fait un excellent travail en investissant dans la modernisation et en dégraissant leurs opérations, en modifiant leurs produits et en changeant de marchés. Elles ont renforcé leurs fondamentaux. Si elles tournent encore, c'est qu'elles ont fait ce qu'il fallait. Cependant, elles vivent sur leurs réserves, parce qu'elles fonctionnent toutes à perte pour l'instant. Je n'en connais vraiment aucune qui s'en tire bien. Nos exportations vers les États-Unis, qui représentent 80 p. 100 de nos exportations de produits finis, accusent un repli de 70 p. 100 depuis 2007.
Cela dit, faut-il s'attendre à plus de pertes encore? Plus longtemps nous attendrons pour agir et plus ce sera inévitable. À un moment donné, les entreprises n'auront plus de réserves et ne pourront plus continuer. Encore une fois, nous espérons que la reprise sera au rendez-vous. Certains indicateurs nous montrent que les choses sont en train de s'améliorer lentement. Les mises en chantier ont augmenté — un faible pourcentage ne représente certes pas vraiment grand-chose, mais on entrevoit certains indicateurs d'amélioration.
L'idée est qu'il faut résister. Ce serait honteux que nous ne survivions pas à cause de phénomènes extérieurs, comme la subvention américaine dans le cas de la liqueur noire, qui permettrait à des entreprises étrangères d'être les dernières à rester debout. Les entreprises canadiennes qui restent ont travaillé très fort durant des périodes difficiles et nous aimerions les voir franchir les derniers obstacles. Nous croyons que le fil d'arrivée est tout proche.
Nous avons donc besoin d'un petit coup de pouce, pas sous la forme de subventions, mais simplement pour nous placer sur un pied d'égalité avec nos concurrents dans le respect des règles établies, étant entendu qu'il y a bien des choses auxquelles nous ne pouvons rien.
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Comme on est assez loin en général, ce qu'on a vu de plus simple est de prendre au moins la matière. Il faudrait peut-être rapprocher les usines des lignes de transport et y transporter le résidu le plus compressé possible.
Il existe de bons moyens de transport à bas prix. On a eu des feux. Il y a 14 millions de mètres cubes de biomasse disponible au Québec. On pourrait en récolter beaucoup plus. C'est sûr que l'électricité ne coûte pas vraiment cher, mais cela ne veut pas dire que la biomasse ne pourrait pas être utilisée en complément de l'énergie éolienne ou de l'hydroélectricité. La biomasse pourrait être utilisée comme on utilise le courant dans une usine: en activant l'interrupteur au besoin.
On a plusieurs idées, mais on ne peut pas agir rapidement. On a besoin d'être aidés, car les compagnies ne sont pas capables de le faire. Il faut faire beaucoup de développement. Vu que le coût de l'électricité et de tous les produits est terriblement bas au Québec, on n'est jamais compétitifs. Si le coût de notre énergie était le même que celui de l'éolien, on le serait peut-être, mais je ne sais pas si on pourrait y arriver. Il faudrait peut-être essayer quelques-unes de nos idées.
Présentement, on ne fait que de petits essais. Par exemple, on prend les résidus des usines de pâtes se trouvant déjà en ville pour alimenter les systèmes de chauffage en biomasse. Cependant, aller récolter la biomasse sur le parterre forestier ne s'est pratiquement jamais fait. Ce pourrait être envisageable afin de maintenir nos entrepreneurs en vie.
Il faudrait aussi qu'il y ait de nouvelles avancées pour que les compagnies puissent réduire leurs coûts. Quand une usine de biomasse peut produire son propre courant, elle est un peu plus efficace. En même temps, cela pourrait faire partie des nouvelles normes forestières. Auparavant, on suivait les normes CSA mais maintenant, ce sont les normes du FSC qui s'appliquent. On essaie de travailler avec les compagnies, mais l'adaptation rapide est très coûteuse pour elles. Les compagnies n'ont pas le temps de se retourner et perdent leur accès au marché du jour au lendemain. Il faut vite refaire une nouvelle norme et embaucher de nouveaux employés. Le marché change trop vite pour que les compagnies puissent s'adapter.
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Votre remarque de tout à l'heure au sujet de la différence entre les difficultés structurelles et les difficultés cycliques s'applique en l'espèce. Je vais vous donner un exemple. Après le tremblement de terre de Kobe, au Japon, pays qui représentait sans doute la moitié du marché de la côte Ouest à cette époque, les Japonais ont décidé de changer de type de construction. Ils ont opté pour ce qu'on appelle les « préfab. » que j'ai baptisés, si vous vous imaginez ce à quoi ça ressemble, les maisons IKEA. Ce sont des maisons faites en usine à partir d'éléments préfabriqués qui sont transportés en pièces détachées par camion jusqu'au lieu d'érection et qui sont installés sur place, tout comme on le ferait avec une maison IKEA. Pour produire ce qui était nécessaire pour ces préfab., nous avons dû modifier notre gamme de produits, car ce n'est pas la même demande qu'en charpenterie classique.
Ce nouveau type de construction monte en popularité aux États-Unis, tant sur le marché résidentiel que sur le marché non résidentiel, ce qui représente pour nous un énorme débouché. Nous devons, pour cela, fabriquer de nouveaux produits, c'est-à-dire des produits d'ingénierie comme les poutres lamellées collées.
Pour être présents sur ces marchés et approvisionner le secteur de la construction, nous devons effectuer la recherche et le développement et assurer la commercialisation. Il s'agit là d'un excellent exemple. Le Japon a déjà fait la transition et les États-Unis sont en train de faire la même chose. L'industrie doit emboîter le pas pour devenir un fournisseur de premier choix pour ces clients. Nous devons le faire.
Malheureusement, c'est là que se pose le problème du crédit. Nous sommes une industrie où le rendement moyen sur le capital investi est d'environ 4 p. 100 et nous avons affaire à des prêteurs commerciaux qui exigent 8 à 12 p. 100 d'intérêt sur les emprunts. Il nous est donc très difficile de prêcher en faveur d'un investissement dans de tels nouveaux produits qui représentent pourtant la voie de l'avenir. Un prêteur potentiel nous dira: « D'après vos résultats passés, vous ne pouvez me garantir que 4 p. 100, alors comment allez-vous me prouver que vous pouvez parvenir à un rendement de 8 à 12 p. 100 dans une entreprise aussi risquée, puisqu'il s'agit d'un nouveau produit? » Voilà l'énigme qui se pose à nous.
Le gouvernement peut-il faire davantage à cet égard? Pas en ce qui concerne les transactions commerciales. Nous devons d'abord prouver la rentabilité de l'opération, après quoi nous pourrons nous tourner vers les banques ou la communauté financière pour soutenir qu'il vaut la peine d'investir dans ce projet. Sinon, nous il nous faudrait être suffisamment rentables pour pouvoir financer tout cela nous-mêmes à partir de nos bénéfices non répartis. Si vous régliez tous les problèmes de fiscalité des entreprises et de coûts de production qui font partie des conditions d'accueil, et si nous pouvions être plus rentables, nous pourrions alors trouver l'argent nécessaire à l'interne pour investir nous aussi. Il va falloir travailler là-dessus.
En revanche, je ne pense pas qu'il serait prudent que le gouvernement commence à intervenir du côté des prêts commerciaux. Nous devons d'abord être en mesure de prouver que l'opération est rentable. Comme je le disais, vous pouvez cependant jouer un rôle dans l'amélioration des conditions d'accueil afin de nous permettre d'être plus rentables et vous pourriez nous aider davantage à faire passer les produits de l'étape de la recherche et du développement à celle de l'application commerciale, surtout dans le cas des bioénergies, du bois d'ingénierie et des nouveaux systèmes de construction. Il faut travailler davantage sur ces aspects.
Nous agissons tous ensemble, en coopération et en collaboration. Nous pouvons faire davantage.
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Permettez-moi d'intervenir, monsieur Thibeault. Je me suis entretenu avec l'Association des produits forestiers du Canada à ce sujet. C'est un problème qui est apparu récemment.
Là où nous en sommes dans nos réflexions, nous nous disons que les parlementaires, le gouvernement, pourraient ouvrir le dialogue avec le gouvernement américain sur les répercussions de ce programme tant du point de vue commercial que du point de vue environnemental.
Je ne pense pas que vous pourrez faire grand-chose. M. Arsenault ne vous a pas dit que c'est à la faveur de l'adoption récente du projet de loi de relance économique aux États-Unis que l'industrie des pâtes s'est réveillée et a voulu se prévaloir de ce programme. C'est donc un problème de commerce international.
Il y a des entreprises, au sud de la frontière, qui sont conscientes que ce n'est pas un programme durable. Il ne correspond pas à la place importante qu'il est question d'accorder aux énergies renouvelables. Si nous parvenions à assoir autour d'une même table le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis, de même que certains segments de l'industrie prêts à collaborer, pour les amener à réfléchir sur ce que devrait être ce programme, nous pourrions espérer définir des programmes fonctionnant des deux côtés de la frontière.
Il y a donc lieu de braquer les projecteurs sur ce dossier. Il est tellement énorme que le simple fait de lever le voile pourrait suffire à amener l'administration américaine à tout mettre en suspens et à se demander ce qui se passe.
Ce qu'il faut par-dessus tout, c'est que les Américains, les Canadiens et l'industrie collaborent à la résolution de ce problème. Je pense que c'est ce que l'APFC va faire. Comme M. Garneau l'a dit tout à l'heure, nous devons agir à ce sujet. Nous devons vous en parler et nous allons d'ailleurs commencer à le faire. Je pense pouvoir vous dire que nous allons nous mobiliser partout au pays pour cela.
Ce qu'on ne vous a pas dit, c'est que cette situation est encore plus préjudiciable pour les producteurs de bois pulvérisé qui ne produisent pas de liqueur noire. Ils ne pourraient pas se prévaloir d'une telle subvention, même si nous voulions jouer la carte du prêté pour un rendu et si nous décidions d'imiter les Américains.
Comme M. Arsenault le disait, nous n'allons pas essayer d'imiter ce type de programme. Ce serait une mauvaise affaire.