OGGO Rapport du Comité
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UNE QUESTION DE PRIVILÈGEINTRODUCTIONLe présent rapport fait suite à celui présenté à la Chambre le jeudi 17 juin 2010 par le Comité (Quatrième rapport). Dans celui-ci, le Comité exprimait l'idée qu'une des personnes qu'il avait entendues dans le cadre de son étude sur le financement des projets d'énergie renouvelable par le gouvernement, Rahim Jaffer, semblait l'avoir induit en erreur lors de ses témoignages. Le rapport du mois de juin traduisait les préoccupations immédiates des membres du Comité à la veille de l'ajournement estival de la Chambre. Il n'éclairait toutefois pas cette dernière sur les motifs substantiels et détaillés qui alimentaient ces préoccupations. Le présent rapport vise donc à corriger cette lacune, et à fournir des points d'appui pour la Chambre et son Président en vue de, possiblement, statuer sur ce cas. Il résume les quatre principales incohérences présentes dans le témoignage de Rahim Jaffer. Du 21 avril 2010 au 16 juin 2010, le Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires (ci-après le Comité) a tenu huit audiences dans le cadre de son étude sur le financement des projets d’énergie renouvelable par le gouvernement. Après avoir noté plusieurs contradictions entre le témoignage du 21 avril 2010 de Rahim Jaffer et ceux des autres témoins, le Comité a fait comparaître, Rahim Jaffer, une seconde fois afin de lui offrir une occasion de clarifier certains éléments de son premier témoignage. Toutefois, au cours de sa seconde comparution devant le Comité le 17 juin 2010, Rahim Jaffer n’a pas réussi à convaincre le Comité de la véracité de ses affirmations. ANCIENNE CARTE PROFESSIONNELLE DE DÉPUTÉA. Témoignage initialLors des audiences du 21 avril 2010 du Comité, un membre du Comité a posé une question à propos de la véracité de l’allégation selon laquelle Rahim Jaffer aurait utilisé son ancienne carte professionnelle de député alors qu’il n’était plus membre du parlement. Rahim Jaffer a répondu qu’il n’avait jamais distribué son ancienne carte professionnelle de député après avoir cessé d’être un membre du parlement[1]. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) : Avez-vous déjà donné à autrui votre ancienne carte de député, et ce après avoir cessé d’être député? Rahim Jaffer (Green Power Generation Corporation (GPG)) : Je ne comprends même pas à quoi cela servirait. En fait… Pat Martin : Cela laisserait simplement entendre que vous entretenez toujours une sorte de relation avec le Parlement, même si vous n’êtes plus député. Rahim Jaffer : Comme je vous l’ai déjà dit — et là je reviens sur mes remarques liminaires, car il me semble clair que… Pat Martin : Pourriez-vous d’abord répondre à la question? Rahim Jaffer : Je vous ai dit que je n’ai jamais fait de telles choses. Ce sont de simples allégations. (i) Contradiction 1Lors de sa comparution devant le Comité le 28 avril 2010, Nazim Gillani a contredit le témoignage de Rahim Jaffer en affirmant avoir vu, Rahim Jaffer, donner son ancienne carte de député à au moins une personne le 25 août 2009 au restaurant La Castile[2]. Ed Holder (London-Ouest, PCC) : Si vous me le permettez, monsieur le président, j’ai deux petites questions. Tout d’abord, je repensais à ce que vous avez dit au sujet de M. Jaffer distribuant ses cartes d’affaires et disant qu’il n’avait pas les nouvelles avec lui, ce qui l’avait amené à donner l’ancienne — et je suppose que cela peut arriver — en biffant l’information. Je me disais que si je prenais ma carte d’affaires de député pour biffer « Chambre des communes » — ça ne s’appliquerait plus — et « London Ouest » — qui ne s’appliquerait plus — ainsi que mon adresse à l’immeuble de la Justice, et mon adresse domiciliaire, ça fait qu’il ne resterait plus que mon nom. À quoi servirait une telle carte d’affaires? Nazim Gillani (directeur général, International Strategic Investments) : Je ne sais que vous répondre. Je l’ai vu faire ça, il a écrit un autre numéro et je suis parti. Il s’agissait d’une personne. Il y avait d’autres personnes à cette table et je ne sais pas si elles ont eu la carte ou non. À la fin de la réunion, je l’ai vu faire ça avec une personne. Je suis sorti fumer une cigarette. (ii) Contradiction 2Lors de sa comparution devant le Comité le 26 mai 2010, Ian Harvey a contredit le témoignage de Rahim Jaffer en affirmant que Rahim Jaffer lui a remis son ancienne carte de parlementaire le 25 août 2009 au restaurant La Castile[3]. Ian Harvey (à titre personnel) : Le 25 août 2009, j’ai été invité à assister à une rencontre avec Nazim Gillani en après‑midi, au restaurant La Castile, à Mississauga. On m’y a présenté Rahim Jaffer, qui m’a remis sa carte de visite, dont je remets une copie au comité. C’est la pièce 1. CONTENU DU SITE INTERNETA. Témoignage initialLors des audiences du 21 avril 2010, un membre du Comité a posé une question concernant la véracité des allégations selon lesquelles Rahim Jaffer aurait affirmé sur son site Internet qu’il était en mesure d’obtenir l’appui du gouvernement fédéral[4]. Rahim Jaffer a affirmé devant le Comité que son site Internet ne contenait pas une telle affirmation. Chris Warkentin (Peace River, PCC) : Pour que je sois tout à fait sûr de comprendre, même si je ne l’ai pas vu moi-même, on dit que vous affirmiez à un moment donné, sur votre site Web, que vous aviez la possibilité d’obtenir l’aide du gouvernement du Canada. Rahim Jaffer : Je ne me souviens pas si c’est cela qu’on disait, et… Chris Warkentin : Je ne l’ai pas vu moi-même, mais… Rahim Jaffer : […] nous n’aurions jamais affirmé une telle chose, étant donné que telle n’est pas la nature de nos activités. Je dirais donc que ces affirmations sont inexactes. (i) Contradiction 1Lors de sa comparution devant le Comité le 21 avril 2010, Rahim Jaffer a d’abord nié avoir affirmé sur son site Internet personnel qu’il était en mesure d’obtenir l’aide du gouvernement du Canada, pour ensuite contredire son propre témoignage en avouant que cette phrase figurait sur son site Internet personnel[5]. Chris Warkentin : Merci, madame la présidente. Monsieur Jaffer, il y a moins d’une heure, je vous ai demandé précisément s’il était indiqué sur votre site Web que vous seriez en mesure d’obtenir l’aide du gouvernement canadien. Vous m’avez dit que non. Votre réponse était parfaitement claire. Je ne crois pas que quiconque dans cette salle ait compris autre chose. J’ai maintenant une copie des textes devant moi. En fait, je suis allé vérifier… Quand il en a été question dans les médias, votre site Web n’était plus en service. Il n’y avait pas de cache. Comme je n’avais pas pu le consulter moi-même, je m’appuyais sur ce qui avait été rapporté par les médias. Vous avez ensuite affirmé que cette information était inexacte. J’ai maintenant devant moi le profil biographique qui figure sur le site rahimjaffer.com, je suppose, où vous dites justement cela. Ensuite vous parlez du rôle important de vos relations antérieures, ou plutôt des relations que vous avez pu établir au cours de votre carrière politique, pour ce qui est de faciliter votre carrière actuelle. Je ne comprends pas pourquoi vous auriez nié la présence de ces affirmations, alors qu’en fait, elles y étaient. Il est évident qu’elles y figuraient au moment où le journaliste a rédigé son article, et par la suite, le site n’était plus en service. Vous avez dû savoir que certaines informations sur ce site Web étaient douteuses ou inexactes, ce qui semblait suggérer un comportement contraire à l’éthique. Vous ayant dit tout cela, je ne sais même pas quelle question je pourrais vous poser. J’ai la preuve devant moi. De toute évidence, cette affirmation est inexacte — cela suggère à tout le moins un comportement contraire à l’éthique. Ce qui me dérange encore plus, c’est que vos affirmations devant le comité sont tout à fait contraires à ce que m’indique ce document. Rahim Jaffer : Pourrais-je réagir, monsieur Warkentin? Comme je vous l’ai dit, et je suis content que vous me permettiez de tirer les choses au clair, nous parlions tout à l’heure de mon site Web commercial, et c’est à ce moment-là que je disais que vous ne trouveriez aucune allusion sur ce site Web de la possibilité d’obtenir de l’aide du gouvernement — encore une fois, je parle du site Web de notre entreprise. Par contre, il en était question sur mon site Web personnel. RELATIONS COMMERCIALES ENTRE RAHIM JAFFER ET NAZIM GILLANIA. Témoignage initialLors des audiences du 21 avril 2010, Rahim Jaffer a nié l’existence de relations commerciales entre son entreprise, GPG, et l’entreprise International Strategic Investments dirigée par Nazim Gillani[6]. Rahim Jaffer : Dans ce cas, vous êtes bien au courant de la marche à suivre quand il s’agit de déterminer avec qui vous voulez travailler, quelle [sic.] genre de relations vous voulez établir et quelles vont être vos activités principales. Au cours de la dernière année, M. Glémaud et moi avons rencontré différentes personnes et nous avons pris le temps de voir dans quelle mesure il y aurait des possibilités de synergie avec leurs entreprises. M. Gillani était une de ces personnes, mais après deux ou trois réunions avec lui, nous avons très rapidement compris que nos entreprises avaient une orientation très différente et qu’il n’y avait pas vraiment de possibilité de synergie qui nous aurait permis d’établir une relation commerciale, et par conséquent, nous avons mis fin à cet exercice d’exploration. Malheureusement, nous avons été impliqués dans quelque chose, alors que nous ignorons la nature de l’entreprise et des activités de M. Gillani. (i) Contradiction 1Lors de sa comparution devant le Comité le 28 avril 2010, Nazim Gillani a contredit le témoignage de Rahim Jaffer en affirmant qu’il avait signé le 21 septembre 2009 un contrat de prestation de service avec GPG, une entreprise dirigée par Rahim Jaffer et Patrick Glémaud. Nazim Gillani (directeur général, International Strategic Investments) : M. Jaffer et moi-même nous sommes rencontrés en août 2009 et je l’ai rencontré à six reprises depuis lors. Je vous ai envoyé à l’avance les documents pertinents. Les services offerts par GPG, exposés à la fois sur le site de GPG et sur le site personnel de M. Jaffer, étaient ce qui intéressait ISI, ma société. GPG a officialisé la prestation de ses services dans un contrat passé avec ma société. À la page 2 de ce contrat, qui avait été revu par M. Glémaud et signé par lui et qui est daté du 21 septembre 2009, il est dit que le « consultant », GPG : « déclare et affirme qu’il est en dialogue continu et a des liens utiles avec le gouvernement du Canada et différents ministères, services et entités en propriété complète ou partielle de ces derniers, dans le but de fournir des fonds gouvernementaux participatifs ou non participatifs (et d’autres incitatifs) ainsi qu’un soutien continu à divers projets et initiatives potentiels du secteur privé… ».[7] (ii) Contradiction 2Lors de sa comparution devant le Comité le 28 avril 2010, Nazim Gillani a contredit le témoignage de Rahim Jaffer en affirmant que Rahim Jaffer et lui devaient voyager ensemble en Chine le 13 avril 2010[8]. Nazim Gillani : En outre, M. Jaffer et moi-même devions nous rendre en Chine ensemble le 13 avril 2010, mais M. Jaffer semble avoir déclaré la semaine dernière devant ce comité qu’il avait mis fin à notre relation des mois auparavant. C’était faux. SUJETS ABORDÉS LORS DES DISCUSSIONS ENTRE RAHIM JAFFER ET SES ANCIENS COLLÈGUESA. Témoignage initialLors des audiences du 21 avril 2010, un membre du Comité a questionné Rahim Jaffer à propos des sujets qu’il a abordés lors des discussions qu’il a eues avec ses anciens collègues Rahim Jaffer a affirmé devant le Comité qu’il n’avait jamais discuté de projets commerciaux avec ses anciens collègues[9]. Siobhan Coady (St. John’s-Sud—Mount Pearl, Lib.) : Merci. Par contre, nous savons que vous vous êtes adressé à Brian Jean, secrétaire parlementaire du ministre Baird, qui est responsable de l’infrastructure et du Fonds pour l’infrastructure verte, notamment. Nous savons également que vous avez eu des conversations avec le ministre Prentice, ministre de l’Environnement. Et nous savons que vous avez dîné avec M. Baird; voilà qui est bien établi. Monsieur Jaffer, avez-vous parlé à d’autres membres du caucus conservateur ou hauts fonctionnaires au sujet de projets commerciaux dans lesquels vous avez un intérêt financier direct ou indirect? Rahim Jaffer : Je voudrais apporter quelques précisions à ce sujet, étant donné que… Siobhan Coady : Je vous en prie. Rahim Jaffer : Vous laissez entendre que j’ai discuté de projets commerciaux avec les députés que vous avez nommés dans votre question. Mais, comme je l’ai indiqué dans mon exposé liminaire, la plupart de mes interactions avec d’ex-collègues ont toujours été d’ordre social. Je n’ai jamais discuté de mes affaires avec eux, et je ne leur ai jamais rien demandé; je me suis contenté de les mettre au courant de mes activités (i) Contradiction 1Lors de sa comparution devant le Comité le 2 juin 2010, l’honorable Christian Paradis a contredit le témoignage de Rahim Jaffer en affirmant que Rahim Jaffer lui a téléphoné le 27 août 2009 pour discuter d’une idée innovatrice concernant des panneaux solaires[10]. Siobhan Coady (St. John’s-Sud—Mount Pearl, Lib.) : Merci. J’imagine que votre réponse est oui, monsieur Paradis. J’ai une autre question. Merci d’avoir répondu. Monsieur Paradis, Rahim Jaffer a envoyé, le 27 août, à un de vos employés, le directeur des affaires parlementaires Sébastien Togneri — qui était censé comparaître aujourd’hui — un courriel dans lequel il dit qu’il vient de vous parler et que vous allez essayer de prendre une bière ensemble la semaine prochaine. Il ajoute que vous lui proposez de coordonner un rendez-vous avec quelqu’un comme le sous-ministre avec qui discuter de la proposition. Avez-vous personnellement demandé que l’examen de la proposition de M. Jaffer soit accéléré? Veuillez simplement répondre par oui ou par non. L’hon. Christian Paradis (ministre des Ressources naturelles) : En effet, M. Jaffer m’a téléphoné le 27 août pour me dire qu’il avait une idée innovatrice relativement à des panneaux solaires ou autres. Je lui ai dit de contacter mon bureau pour qu’on puisse organiser un rendez-vous avec les fonctionnaires pour voir si cela pouvait être intéressant, en spécifiant que… Siobhan Coady : Je présume donc que votre réponse est oui. Christian Paradis : […] s’il y avait quelque chose, on procédait toujours par appel d’offres et par processus compétitif. Cela a été clair dès le début. Les incohérences constatées dans les témoignages de Rahim Jaffer interpellent le Comité puisqu'elles semblent avoir des incidences sur deux privilèges fondamentaux de la Chambre et de ses députés : d'une part, celui de la liberté de parole et, d'autre part, celui du droit de procéder à des enquêtes, d'exiger la comparution de témoins et d'ordonner la production de document. La liberté de parole dont jouissent les députés dans le cadre des délibérations parlementaires, c'est-à-dire la possibilité de délibérer à l'abri de toute poursuite criminelle et civile, est également accordée par la Chambre aux témoins qui comparaissent devant les comités. Cela est fait en vue de permettre à ces mêmes comités de disposer de témoignages francs, véridiques et complets. Pour un témoin, mentir ou induire délibérément un comité en erreur s'apparente à un mauvais usage de cette précieuse liberté de parole, et n'a pas sa raison d'être. Par ricochet, lorsqu'un témoignage est livré sans toute la véracité escomptée, ce sont les fonctions essentielles d'investigation parlementaire des comités, de même que leur accomplissement, qui s'en trouvent considérablement minées. La deuxième édition du livre La procédure et les usages de la Chambre des communes précise à la page 95 que « si un comité détermine qu’un témoin a présenté un témoignage mensonger, il peut en faire rapport à la Chambre ». De plus, toujours à la même page, on peut y lire que « seule la Chambre peut décider si le témoin a délibérément induit en erreur le comité et a commis un outrage à la Chambre et peut choisir la mesure punitive pertinente ». En conséquence, le Comité désire attirer l'attention de la Chambre sur ce qui lui semble constituer une atteinte à ses privilèges et/ou un cas possible d'outrage au Parlement, et lui recommande de prendre les mesures qu'elle juge appropriées. [1] Voir /HousePublications/Publication.aspx?DocId=4450419&Language=F&Mode=1&Parl=40& Ses=3, à la p. 9. [2] Voir /HousePublications/Publication.aspx?DocId=4474445&Language=F&Mode=1&Parl=40& Ses=3, à la p. 18. [3] Voir /HousePublications/Publication.aspx?DocId=4556834&Language=F&Mode=1&Parl=40& Ses=3, à la p. 12. [4] Voir /HousePublications/Publication.aspx?DocId=4450419&Language=F&Mode=1&Parl=40&Ses%20=3, à la p. 8. [5] Voir /HousePublications/Publication.aspx?DocId=4450419&Language=F&Mode=1&Parl=40& Ses =3, à la p. 18. [6] Voir /HousePublications/Publication.aspx?DocId=4450419&Language=F&Mode=1&Parl=40& Ses =3, à la p. 5. [7] Voir /HousePublications/Publication.aspx?DocId=4474445&Language=F&Mode=1&Parl=40& Ses=3, à la p. 1. [8] Voir /HousePublications/Publication.aspx?DocId=4474445&Language=F&Mode=1&Parl=40& Ses=3, à la p. 2. |