:
Merci, monsieur le président.
Je suis heureux de comparaître aujourd'hui devant le comité pour discuter de la participation des services correctionnels ontariens aux Sommets du G8 et du G20 et pour répondre aux questions de votre comité concernant la responsabilité et les protocoles provinciaux qui s'appliquent au traitement des personnes dont la garde nous a été transférée.
Les Sommets du G8 et du G20 ont donné lieu à la plus vaste opération de sécurité de l'histoire canadienne et ontarienne. L'Ontario a collaboré étroitement avec le gouvernement fédéral, les municipalités hôtes et les services policiers pour que les ressources et les plans appropriés soient en place en vue des Sommets du G8 et du G20. Comme les établissements correctionnels provinciaux n'ont admis personne suite au Sommet du G8, mes remarques porteront essentiellement sur le Sommet du G20.
Les services correctionnels pour adultes du ministère ont pour mandat de garder en milieu fermé tous les détenus adultes ontariens en détention provisoire ou en attente de procès ou d'autres procédures ainsi que les délinquants adultes, hommes et femmes, qui purgent une peine pouvant aller jusqu'à deux ans moins un jour.
En termes quantitatifs, les 31 établissements correctionnels provinciaux de l'Ontario abritent environ 8 750 détenus, condamnés ou en détention provisoire; 76 000 détenus ont été placés sous garde l'an dernier. Environ les deux tiers de notre population carcérale sont en détention provisoire et attendent leur procès ou une autre procédure juridique. La durée moyenne de la détention provisoire est d'environ 34 jours.
Dans le cadre du processus de planification du G20, nous avons désigné deux établissements qui devaient servir d'établissements d'accueil pour les personnes confiées à notre garde en raison d'accusations liées au Sommet du G20: le Centre correctionnel Maplehurst pour les hommes et le Centre Vanier pour les femmes. Ces établissements sont tous deux situés au même endroit, à Milton, à environ 50 kilomètres à l'ouest du centre-ville de Toronto et du site du G20. Un troisième établissement, à Hamilton, était désigné pour accueillir un éventuel surplus qui ne s'est pas matérialisé.
En prévision du sommet, la haute direction de ma division a été priée de faire partie d'un groupe de travail formé de représentants de l'unité de sécurité intégrée du sommet, qui comprenait Sécurité publique Canada, le service de police de Toronto, la Police provinciale de l'Ontario, des procureurs de la Couronne et d'autres.
À la suite de ce processus, le ministère a dressé un plan pour assurer le fonctionnement sûr et harmonieux de nos établissements correctionnels. Il prévoyait notamment l'affectation de personnel supplémentaire pour chaque quart de service au cas où le nombre d'admissions aurait augmenté pendant le sommet, la mise sur pied de deux unités de greffe pour aider les policiers de Toronto à traiter et à transporter les prisonniers au tribunal, et l'affectation d'un agent des services correctionnels au tribunal pour assurer la liaison entre le service de police de Toronto et les centres Vanier et Maplehurst.
Je dois préciser que toutes les personnes que le ministère à placées sous garde lui ont été envoyées par le tribunal. Aucun prisonnier n'a été transféré directement du Centre de traitement temporaire des prisonniers du service de police de Toronto, avenue Eastern, à Toronto. Les services correctionnels ontariens ne sont pas intervenus dans la mise sur pied du centre de détention temporaire au 629 de l'avenue Eastern ni dans l'élaboration des politiques opérationnelles le régissant. Le centre a été établi et administré par le service de police de Toronto, et aucun membre du personnel du ministère n'est entré dans ce centre pendant ou immédiatement après les Sommets du G8 et du G20.
Les établissements Maplehurst et Vanier ont admis 170 personnes sous le coup d'accusations se rapportant au Sommet du G20: 125 hommes et 45 femmes.
Je le répète: toutes les personnes renvoyées sous garde provinciale l'ont été par le tribunal. Personne n'a été transféré directement des installations de l'avenue Eastern.
Aujourd'hui, le ministère ne détient plus que sept hommes sous le coup d'accusations relatives au G20.
L'Ontario applique des normes strictes pour garantir la sécurité, le soin, la garde et le contrôle des personnes placées sous sa supervision. Ces personnes ont droit à des soins appropriés et à des conditions d'incarcération adéquates. Je peux dire sans crainte au comité que ces normes ont été respectées pendant et après le sommet du G20 pour tous ceux qui nous ont été confiés.
Je dois aussi dire que nous avons légèrement modifié nos activités normales au cours du week-end du sommet du G20. Par exemple, au Complexe correctionnel Maplehurst, les visites ont été suspendues pendant le week-end du sommet, par précaution. Les détenus en ont été avisés à l'avance pour pouvoir informer leurs parents et amis. Cela dit, les détenus à Vanier et à Maplehurst avaient accès à des téléphones et pouvaient recevoir leurs avocats.
Le ministère avait aussi établi une procédure pour obtenir des services d'interprétation pour les détenus qui n'étaient pas de langue maternelle anglaise, mais cela s'est avéré inutile.
Si les personnes étaient relâchées suite à leur comparution devant le tribunal, leurs effets étaient envoyés au Centre de détention de Toronto-Ouest, qui se trouve à proximité des transports publics et où il leur était facile d'aller les chercher. Les personnes libérées de Vanier ou de Maplehurst ont reçu un billet d'autobus et ont été amenées au terminus d'autobus local, conformément à la politique normale du ministère.
Toutes les politiques et procédures régissant les cas et le traitement des détenus ont été respectées. Je suis fier de dire que le personnel des Services correctionnels ontariens s'est conduit de façon professionnelle et respectueuse et a veillé à ce que les politiques rigoureuses du ministère en ce qui concerne le traitement juste et humanitaire des personnes confiées à sa garde soient respectées.
Merci de m'avoir invité. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
Bonjour. Avant de commencer, j'aimerais remercier mes parents, ma grand-mère et mes amis qui sont présents aujourd'hui pour me soutenir. Ils me soutiennent depuis le début et ils m'appuient dans mes démarches actuelles.
Je m'appelle Jacinthe Poisson et j'ai 21 ans. Je suis étudiante à l'Université du Québec à Montréal, en relations internationales et droit international. Avant le 27 juin 2010, j'étais une étudiante engagée dans mon milieu communautaire et travaillant l'été comme animatrice dans un milieu défavorisé.
Je vous remercie de m'avoir invitée aujourd'hui et je vous demanderais de m'écouter attentivement, parce que mon expérience au G20 m'a vraiment traumatisée. Cela a changé ma vie et ma perception de mon pays. Je suis ici aujourd'hui pour témoigner en mon nom et au nom de ma soeur Maryse Poisson, qui est assise à l'arrière, avec qui je suis allée manifester au G20 et qui a connu un peu la même situation que moi.
Nous avons toutes deux été arrêtées pendant notre sommeil, au lendemain des manifestations, détenues pendant 57 heures dans des conditions horribles et accusées pendant près de quatre mois de conspiration pour commettre des bris de propriété de plus de 5 000 $, à la suite des manifestations du G20.
Je suis allée au G20, à Toronto, pour assister à un premier sommet international et manifester mon opposition aux positions actuelles du gouvernement canadien sur la scène internationale. J'ai donc passé le samedi 26 juin à manifester pacifiquement avec plus de 30 000 personnes. Le soir, je dormais au gymnase de l'Université de Toronto, prêté par l'association étudiante de deuxième cycle, avec une centaine de Québécois de Montréal venus manifester.
À partir de maintenant, mon histoire est celle de centaines de manifestants qui sont venus du Québec, qui ont été arrêtés avec moi et qui ont subi les mêmes choses que moi.
D'abord, le dimanche matin, vers 9 heures, des dizaines de policiers sont entrés dans le gymnase de l'Université de Toronto lourdement armés, en criant de manière agressive de ne pas bouger et en pointant leurs armes sur nous. Un policier francophone nous a informés que nous étions accusés de participation à une émeute. Aucun mandat d'arrestation ne nous a été présenté, je n'ai pas pu bouger, me lever, me changer de vêtements ou aller aux toilettes, jusqu'à 14 heures. Des policiers nous encerclaient avec leurs fusils à balles de caoutchouc. Donc, je n'ai pas pu aller aux toilettes pendant environ six heures.
Lors de mon arrestation, on m'a confisqué tous mes biens. Le policier m'a retiré mes lunettes parce que, selon lui, j'aurais pu me blesser en les gardant dans le fourgon cellulaire. Je suis très myope et, sans mes lunettes, j'ai de graves maux de tête. Donc, durant toute ma détention, et ce même après avoir demandé à plusieurs agents qu'on me les remette, je n'ai jamais pu les récupérer. Cela a duré trois jours. Je ne pouvais donc pas voir les insignes des autres agents de police ni les visages autour de moi; c'était assez déstabilisant. Donc, ma soeur et moi avons été amenées dans un centre de détention temporaire qui était prévu pour recevoir les manifestants du G20. On a été séparées pendant la plus grande partie de la détention.
Maintenant, je vais vous parler des conditions de détention qui, selon moi, ont été humiliantes, déshumanisantes et cruelles — et je pèse mes mots. J'ai passé 57 heures à avoir froid, faim et peur. Nous étions entre 15 et 25 détenus par cellule de quatre mètres sur sept mètres environ. Donc, trois ou quatre personnes pouvaient s'asseoir sur un petit banc; les autres devaient toutes dormir sur le plancher qui était, selon moi, froid à geler. Pendant la première moitié de ma détention, j'ai eu droit seulement à un chandail à manches courtes pour me réchauffer. La climatisation était vraiment très forte, ce qui m'empêchait de dormir. Vu que nous n'avions pas de lit, nous devions dormir par terre, les unes collées aux autres pour essayer de trouver un peu de chaleur. La lumière était vraiment très forte et elle était allumée 24 heures sur 24. Donc, elle n'était pas éteinte pendant la nuit. J'ai eu très peu de sommeil.
À partir du moment de notre arrestation, on n'a eu accès ni à de la nourriture ni à de l'eau pendant huit heures. Ensuite, on avait droit à un sandwich au fromage et à la margarine toutes les huit heures, environ, et à un verre d'eau toutes les cinq heures. J'ai eu les mains menottées pendant plus de 15 heures, et ma soeur, pendant plus de 20 heures, alors que nous étions dans des cages et que nous représentions peu de danger. On devait aller aux toilettes dans la cellule, dans une toilette chimique sans porte. Les autres détenus, de même que les policiers qui passaient devant les cages et autour des cages, pouvaient nous voir en tout temps. Aucune fille n'a eu accès à ses pilules contraceptives, donc, la plupart ont eu leurs règles. On devait quémander des serviettes sanitaires, qui venaient une à une après une longue période d'attente. Il n'y avait aucun dispositif de prévu, donc on devait les laisser par terre. Je pense ne pas avoir besoin de vous dire que l'hygiène a vraiment été très problématique pour les femmes, pendant la détention.
Plusieurs personnes n'ont pas eu accès à leurs médicaments essentiels. Dans la première cage où j'étais, une femme a demandé ses antidépresseurs à compter de midi; elle ne les a pas eus avant tard dans la nuit, malgré des dizaines de demandes faites aux policiers. Dans la cellule de ma soeur Maryse, une femme était à la limite d'être psychotique et l'avait déclaré aux policiers lors de son arrestation. Toutes les détenues de la cellule ont réclamé ses médicaments dès le début de l'après-midi, mais les policiers ont attendu qu'elle fasse une crise grave pour s'en occuper et, finalement, l'amener à l'hôpital, menottes aux mains et aux pieds, bien sûr.
Elle n'a jamais pu voir un infirmier francophone. Cet aspect est très important parce qu'étant unilingue francophone, elle ne pouvait pas préciser quelle était sa maladie. L'infirmier a mesuré sa pression, lui a dit qu'elle ne souffrait de rien et l'a renvoyée dans sa cage. Une autre détenue dans la cage de ma soeur souffrait d'une maladie mentale, mais vu qu'elle n'a pas fait de crise, elle n'a pas pu avoir accès à ses médicaments pendant trois jours.
Ce qui est très important aussi, c'est que pendant mes 60 heures de détention, j'ai dû subir deux fouilles à nu, qui étaient très humiliantes. La première a eu lieu environ une dizaine d'heures après mon arrestation. Dans le cas de ma soeur, c'était une vingtaine d'heures après son arrestation. La deuxième fouille a eu lieu au Centre Vanier pour les femmes où on nous a transférées après plus de 40 heures de détention.
J'ai donc dû me dévêtir complètement devant deux policières qui m'ont confisqué mon soutien-gorge et mes chaussures. Lors de la deuxième fouille, il n'y avait pas de porte, et un gardien masculin pouvait nous voir. On m'a demandé de me tourner, de me pencher et d'exposer mes organes génitaux vers le couloir. De plus, les insultes et les remarques discriminatoires étaient blessantes et dégradantes, particulièrement envers les francophones et les femmes. On a traité ma soeur de « fucking Frenchy » et d'anarchiste. Un policier a dit à toutes les filles qui se trouvaient dans la cellule que pour lui, nous n'étions rien de plus que des animaux. Une policière m'a répété à plusieurs reprises qu'elle était ma « babysitter » en me traitant avec condescendance et en m'infantilisant.
Le dernier policier qui nous a raccompagnées, ma soeur et moi, à la sortie de la cour nous a dit: « You should have committed your crimes in Quebec. » À plusieurs reprises, dans des lieux différents, les policiers nous ont répondu que c'était la loi martiale qui s'appliquait et que nos droits n'existaient plus. Selon moi, il est nécessaire de se questionner sur les consignes qui ont été données aux policiers. Ceux-ci semblaient croire qu'ils avaient le droit de faire ce qu'ils faisaient.
Pendant ces trois jours où je me suis sentie comme un animal en cage, on m'a toujours donné l'impression que j'étais une criminelle. Je n'ai jamais senti qu'on tenait compte de la présomption d'innocence, qui devrait pourtant être à la base de notre système pénal. En outre, la discrimination n'était pas que verbale. En tant que francophones, nous n'avons pas eu accès aux mêmes services. Pendant toute ma détention, je n'ai pas rencontré d'officier qui parlait français. On m'a dit que si je demandais à comparaître en français, je devrais rester bien plus longtemps en détention. Une femme qui était avec moi en cellule était originaire de la France. Elle était en visite ici et ne parlait pas du tout l'anglais. Elle n'a pas pu rencontrer d'avocat qui parlait français avant une cinquantaine d'heures. J'ai senti que je faisais l'objet de discrimination à cause de ma langue.
Après une quarantaine d'heures, on nous a transférées à la Cour de district où l'on nous a dit que, la juge étant fatiguée, nous ne pourrions pas comparaître ce jour-là. À 4 heures du matin, les policiers nous ont transférées dans une prison pour femmes, soit le Centre Vanier pour les femmes. Dans cette prison, nous avons été interrogées et fouillées à nu de nouveau. Nous avons subi des tests médicaux et avons dû repartir sans même avoir pu dormir, ce qui faisait pour nous une deuxième nuit sans sommeil.
De retour à la cour le lendemain, j'ai enfin pu comparaître devant la juge, et c'est là que j'ai finalement su que j'étais accusée de complot en vue de commettre un acte criminel. Lors de mon arrestation, on nous avait tous accusés de participation à une émeute, mais c'est seulement lors de la comparution que j'ai appris quel était mon nouveau chef d'accusation. J'ai dû faire une promesse de caution se chiffrant à 1 000 $. J'ai pu finalement sortir, mais avec des conditions de libération sévères. On m'a menacée de me renvoyer en cellule si je prenais le temps de lire le document relatif à ma caution. Je n'ai donc pas pu lire mes conditions de libération avant de sortir. C'est quelque chose qui m'a beaucoup touchée.
Quand je suis sortie de ma cellule, mes biens personnels avaient été perdus. Je n'avais plus de papiers d'identité, plus d'argent, plus de vêtements, plus de lunettes. Ça a pris environ un mois et beaucoup de pressions avant que je puisse les récupérer. Ma soeur s'est fait confisquer son téléphone cellulaire, son manteau noir et ses vêtements noirs, et ne les a toujours pas récupérés. Quatre mois plus tard, ils sont encore là-bas.
J'ai dû vivre pendant quatre mois avec une accusation de complot visant à commettre des bris de propriété totalisant plus de 5 000 $. Heureusement, cette accusation est tombée il n'y a pas très longtemps, soit le 14 octobre.
Je veux devenir avocate. J'ai donc eu peur pendant des mois de ne pas pouvoir exercer le métier que je veux faire. Subir des accusations criminelles graves pour avoir manifesté pacifiquement est, selon moi, complètement injuste, mais c'est surtout le stress permanent qui a été très difficile à vivre pendant ces quatre mois.
Maintenant, si vous essayez de vous mettre à ma place, je vous dirai que je me suis sentie humiliée, traumatisée et dépouillée de ma dignité, simplement pour avoir exercé le droit d'exprimer pacifiquement mes opinions politiques, qui est un droit constitutionnel, à mon avis. J'ai senti qu'on avait violé mes droits en m'arrêtant, en me détenant arbitrairement, en me soumettant à des fouilles clairement abusives, en violant ma dignité et en faisant des francophones des citoyens discriminés, selon moi.
J'ai senti qu'on voulait carrément me décourager de manifester, me faire taire, m'empêcher d'exprimer mes idées et me dissuader de manifester dans l'avenir. C'est bien dommage, mais j'ai maintenant perdu la confiance que j'avais à l'égard des valeurs démocratiques de mon pays et de son engagement à respecter les libertés individuelles.
En conclusion, n'oubliez pas que 1 100 personnes ont vécu une situation similaire à la mienne. Je vous ai donc dressé un tableau qui représente 1 100 personnes. Mon histoire particulière est la même que celle de près d'une centaine d'individus arrêtés au gymnase. En tant que citoyenne qui considère que ses droits ont été bafoués, j'espère — je le veux vraiment — qu'une enquête indépendante aura lieu pour faire la lumière sur les événements du G20.
Merci beaucoup de tenir cette séance de comité parlementaire, mais j'aimerais que beaucoup plus soit fait, je l'espère aussi.
Pour terminer, j'aimerais vous dire que des organismes de défense des droits du Québec ont recueilli et compilé une trentaine de témoignages de personnes arrêtées. La Commission interaméricaine des droits de l'homme a jugé que les faits rapportés étaient assez graves pour tenir une audience, ce qui est assez exceptionnel.
J'ai assisté à cette audience, le lundi 25 octobre à Washington, et j'ai vu des commissaires outrés de cette situation qui ont demandé des comptes au gouvernement canadien.
Selon moi, la situation est historiquement grave et le Canada a la responsabilité de tenir une enquête publique et indépendante. En tant que l'une des 1 100 personnes injustement arrêtées, c'est la seule mesure que je considère valable.
Voilà un peu mon témoignage. Si vous avez des questions à me poser, je vais y répondre avec plaisir.
:
Bonjour. J'aimerais vous remercier du temps que vous m'accordez. Je serai brève, mais je vais garder les détails importants.
J'ai aussi été arrêtée au gymnase, comme Jacinthe, sa soeur et mes amis. Par contre, mon histoire est différente. Au moment de l'arrestation, c'étaient des policiers qui nous menottaient. Il y avait aussi des policiers du SPVM, le Service de police de la Ville de Montréal, qui étaient présents et qui communiquaient, sans qu'il y ait de contact physique.
Une fois mes amis arrêtés et sortis du gymnase, un policier du Service de police de la Ville de Montréal est entré dans le gymnase et m'a reconnue, puisqu'il m'a demandé si je connaissais Fredy Villanueva. Je ne vais pas entrer dans les détails, mais lorsqu'il a regardé le policier de Toronto qui me menottait, il lui a dit en anglais: « You should take her somewhere else because she has information to give you. » À ce moment-là, j'ai été menottée et on m'a amenée à l'extérieur. On m'a conduite dans la direction contraire à l'endroit où les autobus étaient situés, pour me faire monter dans un véhicule de police régulier et m'amener dans un poste de police.
Après nous être rendus à cet endroit, on m'a filmée, avec bandes audio et vidéo, on m'a répété les accusations portées contre moi, qui étaient breach of peace et unlawful assembly. C'est ce qu'un policier de Toronto avait dit dans le gymnase. En français, il était question de participation à une émeute.
On m'a donc dit de quoi j'étais accusée, puis on m'a fait entrer dans une salle pour me fouiller. Par la suite, deux inspecteurs en civil m'ont emmenée en haut, dans leur bureau, dans une petite salle, pour me demander ce que j'avais fait pendant la manifestation du samedi — pourquoi, où, comment. L'interrogatoire s'est très bien déroulé, au début, mais à mi-chemin de l'interrogatoire, les inspecteurs n'étant pas satisfaits de mes réponses, ils ont commencé à hausser le ton. Ils m'ont alors traitée de « fucking little princess from the middle class ».
:
Merci de nous avoir invités. Je suis ici au nom de l'Association canadienne des libertés civiles. Je suis accompagnée de Graeme Norton.
L'Association canadienne des libertés civiles existe depuis 1964 et est un organisme de protection des droits et libertés au Canada. Mon prédécesseur est Alan Borovoy, que vous connaissez sans doute. À Toronto, l'association avait 50 bénévoles formés, des observateurs neutres, qui ont circulé durant toute la semaine.
Je vais parler tout d'abord en français et par la suite en anglais. Ma présentation est divisée en trois parties. La première partie contient les observations que l'association a faites de première vue, et je vous invite évidemment à aller au-delà des images véhiculées par les médias pour voir ce qui s'est passé vraiment un peu partout dans la ville de Toronto. Nous avons eu l'occasion d'avoir des témoignages et de le voir directement.
Dans un deuxième temps, je vais parler
[Traduction]
au sujet des questions que cela soulève pour une démocratie, de plusieurs questions factuelles qui doivent être examinées et de quelques questions véritablement fondamentales touchant la sécurité publique lors de futures grandes manifestations dans le domaine de la politique publique au Canada.
Finalement, j'aimerais conclure en traitant de la nécessité d'une enquête publique. Nous avons défini un mandat que nous proposons au comité. Je termine là-dessus.
[Français]
Tout d'abord, l'association avait donc recruté 50 bénévoles. Nous avions rencontré des représentants du Groupe intégré de la sécurité dès le début de mai pour discuter avec eux de notre programme d'évaluation et d'observation. Ils étaient au courant de ce programme. Nous avons aussi discuté de certains enjeux qui sont généralement les mêmes dans le contexte de grandes manifestations. Entre autres, nous avons tenté de soulever l'importance capitale des rapports internationaux qui sont faits après les grandes manifestations, comme
[Traduction]
« Adapting to Protest », qui a été publié après le G20 de Londres.
Dans ce rapport publié à la suite d'une enquête sur l'intervention policière lors de la réunion du G20 à Londres, la première recommandation commence ainsi:
La liberté de réunion crée des obligations pour les policiers. Les policiers doivent initialement s'efforcer de faciliter les réunions pacifiques. [Certes], les policiers peuvent imposer des restrictions légitimes sur l'exercice du droit...
Mais ces restrictions doivent avoir un motif légitime; elles doivent être légales, nécessaires et mesurées.
[Français]
Les conclusions de l'association, en fonction des rapports qui lui avaient été soumis et des observations qu'elle avait faites pendant cette fin de semaine, étaient les suivantes.
Nous avons fait circuler le résumé de notre rapport. Il est de notre avis que, malgré des exemples de conduite louable et professionnelle, les efforts de sécurité, surtout après 17 heures le 26 juin et pendant la journée du 27 juin, n'étaient pas à la hauteur des engagements constitutionnels. La conduite et les agissements des forces de sécurité ont été, par moments, disproportionnés, arbitraires et excessifs.
Nous reconnaissons évidemment que la tâche des policiers était difficile, et nous avons aussi noté qu'à l'occasion, pendant toute la semaine — nous étions là toute la semaine —, il y a eu des exemples de conduite compétente et professionnelle. Malgré tout, les Canadiens et les Canadiennes ont droit à des services de police qui ne portent pas atteinte aux valeurs constitutionnelles. Il est donc essentiel d'enquêter pour savoir dans quelle mesure les valeurs constitutionnelles ont été ignorées. Comment se fait-il que nous ayons vécu la fin de semaine que nous avons vécue? Comment se fait-il que plus de 1 100 personnes aient été arrêtées? On sait maintenant qu'aucune accusation ne sera portée contre 1 000 d'entre elles. Donc, 1 105 personnes ont été arrêtées et, dans 1 000 de ces cas, aucune accusation ne sera portée. Ce sont donc des personnes innocentes.
[Traduction]
Je veux mentionner rapidement qu'en ce qui concerne nos observations des médias, cinq de nos observateurs ont été arrêtés au cours de ces arrestations massives. Il y a eu des arrestations massives le samedi soir à l'Esplanade et d'autres le dimanche matin, qui ont été décrites avec éloquence ici. Il y a aussi eu des arrestations massives le dimanche après-midi à l'angle de Queen et de Spadina, et cela est bien documenté. Certains de nos observateurs ont été arrêtés le samedi soir et le dimanche, dans le secteur de Queen et de Spadina.
Je vais lire un extrait du rapport de notre observateur qui, avec son partenaire, était chargé de suivre la manifestation suivante:
[traduction] Mon partenaire d'observation et moi-même avons suivi les quelque 300 manifestants qui descendaient la rue Yonge jusqu'à l'Esplanade. Des policiers en tenue antiémeute, armés de ce qui semblait être des disperseurs lacrymogènes, formaient une ligne à environ 300 mètres à l'ouest de la rue Yonge, sur l'Esplanade. Les manifestants se sont arrêtés devant les policiers et ils ont continué à scander les slogans qu'ils scandaient depuis que nous les suivions ce jour-là: « C'est à ça que ressemble la démocratie! », « Manifestation pacifique! », « À qui appartient la rue? À nous! », etc. Cela s'est poursuivi pendant une vingtaine de minutes sans que les policiers ni les manifestants ne s'avancent, il n'y avait que les slogans et les cris d'enthousiasme. Puis, du côté est, de la rue Scott, une ligne de policiers en tenue antiémeute s'est formée le long de l'Esplanade et s'est avancée vers la foule.
Les deux lignes de policiers ont commencé à marcher lentement l'une vers l'autre, et les policiers frappaient de leurs bâtons sur leurs boucliers, forçant la foule à se resserrer. Les lignes de policiers se sont arrêtées alors qu'elles étaient séparées d'environ 30 mètres. Les manifestants et tous ceux qui se trouvaient dans la rue ou sur le trottoir étaient coincés entre les deux lignes de policiers, y compris mon partenaire et moi-même et trois personnes qui fumaient à la porte d'un restaurant. Les slogans des manifestants sont devenus plus pressants, et les gens criaient ou scandaient de plus en plus souvent « Manifestation pacifique! » devant les lignes de policiers. À plusieurs reprises, à partir de ce moment, de petits groupes de policiers ont chargé brusquement la foule et saisi une personne qu'ils ont ramenée derrière leur ligne. Un manifestant a dit à la foule que tous devaient s'asseoir, et beaucoup l'ont fait. La foule était beaucoup plus calme, nous attendions tous ce qui allait se passer. Les manifestants ont commencé à scander « Laissez-nous partir! », et un manifestant à dit « D'accord, j'ai eu ma leçon, je veux rentrer chez moi! ». Au bout d'au moins une heure, un agent a annoncé que si nous levions la main et attendions sans bouger, nous serions tous arrêtés sans violence. C'était la première fois que les policiers communiquaient avec nous. Mon partenaire et moi-même avons attendu encore deux heures ou à peu près avant d'être à notre tour extraits de la foule et arrêtés.
Il a été détenu pendant 20 heures. Nous étions incapables de le rejoindre. Il a eu les mains liées pendant 20 heures, etc.
C'est un témoignage. Je crois que vous en entendrez d'autres. C'était certainement une triste fin de semaine pour les libertés civiles au Canada. Ce n'était pas nécessaire. Voilà certaines des questions qui se sont présentées.
Je veux parler maintenant de quelques enjeux plus généraux que, selon moi, une enquête publique devrait examiner. Il faut se poser des questions sur l'emplacement choisi par les policiers, se demander pourquoi ils n'étaient pas là où il y avait des vandales, pourquoi ils sont restés avec les manifestants, quels étaient les ordres, pourquoi on a dispersé une foule pacifique. Nous étions là. Nous avons vu que c'était pacifique. Est-ce qu'il y a eu un problème de communication? Quelque chose n'a pas fonctionné.
Deuxièmement, je crois que je veux parler brièvement des grands enjeux. Pendant le G20 et les préparatifs, je crois que les questions de sécurité ont essentiellement redéfini certains aspects de la vie torontoise et canadienne, sans grand souci de la démocratie, sans discussion et sans fondement juridique.
L'espace et la mobilité ont été redéfinis. Les armes ont été redéfinies. La vie privée a été redéfinie. Le maintien de l'ordre et le droit pénal ont été redéfinis. Ces redéfinitions étaient peut-être nécessaires, nous l'ignorons, mais elles se sont faites sans contribution publique, en-dehors de tout cadre juridique. Il est faux de dire que la loi martiale avait été déclarée pendant le week-end du G20.
Le coût est aussi remis en question, mais il est présenté comme un fait accompli. De fait, c'est une grave question pour notre démocratie, que l'infrastructure de sécurité soit non seulement coûteuse, mais semble échapper à tout examen ou contribution démocratique.
Le coût pour notre liberté, pour la liberté de réunion pacifique, pour la protection contre la détention et l'arrestation arbitraires et contre les fouilles et saisies déraisonnables, est mentionné et supposé nécessaire. Cela est dangereux. Notre système de gouvernement doit veiller à ce que tous les pouvoirs soient exercés dans le respect de la loi. L'absence de cadre juridique pour mener un vaste exercice de redéfinition des pouvoirs policiers et de l'espace et des armes est un précédent dangereux.
Dans notre rapport, nous mentionnons les problèmes liés à l'érection de la clôture. Je pense qu'une enquête publique devrait examiner ce que devrait être le cadre utilisé pour définir une clôture. Nous ne disons pas qu'il ne devrait pas y avoir de clôture; c'est une question de dimensions et de qui décide de ces dimensions. Est-ce qu'il s'agit d'une priorité et que le Parlement ou des fonctionnaires peuvent déterminer si, effectivement, c'est nécessaire, parce que les termes « caractère raisonnable » et « nécessité » figurent dans la loi? Vous le savez, il s'agit de la Loi sur les missions étrangères et les organisations internationales.
Tout ce que nous disons, c'est que la façon dont les choses ont été faites... nous pouvons tirer des leçons de ce qui s'est passé afin de prendre des mesures de protection appropriées et opportunes.
Il est intéressant de constater que pour définir le concept en vue des manifestations personne n'a vérifié la teneur du rapport de l'APEC, à la fin des années 1990. Dans le rapport de l'APEC, Ted Hughes, qui était alors président, dit que lorsqu'on établit le périmètre de sécurité, ce n'est pas pour éviter aux étrangers de voir et d'entendre les manifestants. Les dignitaires doivent pouvoir mener leurs discussions, ils ne devraient pas être interrompus, mais l'idée que vous pouvez créer une atmosphère studieuse et complètement coupée de ce que font ou disent les manifestants est jugée incompatible avec notre droit constitutionnel.
Je vois que mon temps est écoulé.
:
Merci beaucoup. Je n'ai qu'une question.
Je comprends que vous êtes venue avec un conseiller juridique, alors si vous avez besoin de son aide, n'hésitez pas.
J'aimerais continuer dans la foulée de M. Kania, parce qu'il le sait très bien. En fin de compte, le gouvernement décide de lancer l'invitation, parce que l'adhésion au G8 et au G20 comporte des responsabilités pour chaque pays. M. Kania sait également que le G8 est... Selon moi, si vous regardez la dernière réunion du G8, avec la création du G20... le G8 va devenir le G20, alors il n'y aura probablement qu'un seul sommet, celui du G20.
Je crois que les gens, à la maison, comprennent — je sais que vous le comprenez — que les politiciens ne se mêlent pas de décider qui doit être arrêté et qui ne doit pas l'être. Dans son témoignage, le surintendant principal qui est venu à notre dernière réunion énonçait simplement que le gouvernement avait dit: « Nous organisons cette réunion. Il nous faut de la sécurité. La police et les organismes de sécurité publique doivent nous dire ce dont ils ont besoin pour pouvoir faire leur travail. » Alors, si les droits de quelqu'un ont été bafoués, aux termes de notre Constitution ou de toute autre loi du pays, ce n'est pas... Par exemple, si l'un de ces policiers a fait quelque chose de criminel, est-ce que cela signifie que le gouvernement du Canada est criminel? La réponse est assez évidente.
Pour l'édification des gens à la maison, et pour la vôtre, dans la province de l'Ontario, il existe un organe pour les plaintes civiles appelé Commission civile des services policiers de l'Ontario. N'importe qui peut s'adresser à un policier n'importe quand et présenter une plainte qui fera l'objet d'une enquête détaillée. Je le sais, parce que j'ai travaillé dans ce système.
Alors, en toute honnêteté, cessons de faire de la petite politique et de pointer du doigt, que le gouvernement soit libéral, NPD, provincial ou autre, si les choses déraillent, il y a déjà des processus en place pour régler le problème. Votre travail n'est pas de protéger les victimes innocentes, par exemple les propriétaires de magasin et la propriété publique. Dans ce cas particulier, je pense que votre travail est de veiller à ce que les citoyens soient protégés contre l'ingérence de l'État. Le travail du gouvernement est de veiller à ce que nous ayons les bonnes personnes pour le faire, les policiers et d'autres.
Je laisse la parole à M. Lobb.