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Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi de prendre la parole aujourd'hui pour ouvrir le débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi , Loi mettant fin à la détention à domicile de contrevenants violents et dangereux ayant commis des crimes contre les biens ou d'autres crimes graves.
Ce projet de loi qui porte bien son nom propose d'interdire de surseoir aux peines d'emprisonnement de la même manière qu'on le proposait dans le projet de loi présenté lors de la dernière session. Notre gouvernement prend des dispositions supplémentaires pour sévir contre la criminalité et assurer la sécurité et la sûreté dans nos collectivités.
Une peine d'emprisonnement avec sursis est une peine de moins de deux ans que le contrevenant peut purger dans la collectivité, selon certaines conditions et sous supervision. Le projet de loi propose des modifications au Code criminel visant à faire en sorte que les contrevenants violents et dangereux n'aient jamais droit à une peine d'emprisonnement avec sursis et que les infractions graves contre les biens n'y donnent pas droit non plus, ce qui n'avait jamais été l'intention au départ.
Je veux que tous les députés me comprennent bien. La mesure législative que propose le gouvernement garantirait que la détention à domicile ne soit plus possible dans le cas d'infractions qui font courir de graves dangers aux citoyens respectueux des lois.
Le sursis à l'exécution de peines est entré en vigueur il y a plus de 13 ans avec la promulgation, en 1996, du projet de loi C-41 sur la réforme de la détermination de la peine, qui se trouve au chapitre 22 des Lois du Canada de 1995. Entre autres éléments clés, le projet de loi créait, à titre de nouvelle option, les peines d'emprisonnement avec sursis, énonçait pour la première fois par voie parlementaire l'objectif et les principes de la détermination de la peine, aux articles 718 à 718.2 du Code criminel, et mettait davantage l'accent sur les victimes de crimes, notamment en reconnaissant que les torts causés aux victimes devraient être pris en considération lors de la détermination de la peine.
Lors de la promulgation de la mesure en 1996, les tribunaux pouvaient imposer une peine avec sursis, si les conditions préalables suivantes étaient respectées: premièrement, la peine était de moins de deux ans; deuxièmement, le tribunal était d'avis que le fait de permettre au contrevenant de purger sa peine dans la collectivité ne posait aucun risque pour celle-ci; troisièmement, le crime n'était pas assujetti à une peine minimale obligatoire d'emprisonnement.
Peu de temps après la mise en oeuvre du projet de loi C-41, en réponse aux préoccupations selon lesquelles les tribunaux imposaient des peines avec sursis pour des actes criminels graves, une exigence a été ajoutée selon laquelle le tribunal devait être convaincu que la peine avec sursis serait compatible avec les objectifs et les principes fondamentaux de la détermination de la peine énoncés dans le Code criminel.
Aux termes de l'article 718 du Code criminel, le prononcé des peines a pour objectif essentiel de contribuer au respect de la loi et au maintien d'une société juste, paisible et sûre par l'infliction de sanctions justes visant un ou plusieurs des objectifs suivants: a) dénoncer le comportement illégal; b) dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions; c) isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société; d) favoriser la réinsertion sociale des délinquants; e) assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité et, enfin, susciter la conscience de leurs responsabilités chez les délinquants, notamment par la reconnaissance du tort qu'ils ont causé aux victimes et à la collectivité.
L'objet des conditions préalables à l'imposition d'une peine avec sursis et des circonstances considérées comme aggravantes, ajoutées au Code criminel par le projet de loi C-41, par exemple la preuve que l'infraction perpétrée par le contrevenant constitue un abus de pouvoir, était d'éliminer les infractions graves perpétrées dans des circonstances où les objectifs principaux de l'imposition de la peine devraient être la dénonciation, la dissuasion du public et la neutralisation. De plus, le principe fondamental de l'imposition d'une peine est que la peine doit être proportionnelle à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du contrevenant.
En 2000, dans l'affaire La Reine c. Proulx , la Cour suprême du Canada a jugé que les peines avec sursis pouvaient être imposées pour toutes les catégories d'infraction, sauf les infractions passibles d'une peine minimale d'emprisonnement, et qu'il ne devrait y avoir aucune présomption judiciaire pour ou contre le recours à l'emprisonnement avec sursis quelle que soit la catégorie d'infraction. Toutefois, elle a jugé qu'il revenait au Parlement de décider ou non d'imposer de telles limites. Malheureusement, étant donné l'absence de paramètres clairs, les tribunaux chargés de déterminer la peine n'ont pas tous interprété l'option d'imposer des peines avec sursis de la même manière, ce qui, dans certains cas, a permis à des contrevenants violents et dangereux d'être condamnés à une peine d'emprisonnement avec sursis.
Malheureusement, de telles peines ont fait l'objet de critiques et ont miné la confiance du public dans l'administration de la justice et, je dirais, dans le système de justice en général.
À son arrivée au pouvoir, le gouvernement a réagi rapidement à ces préoccupations en présentant, en mai 2006, le projet de loi . Dans sa version initiale, le projet de loi C-9 proposait d'éliminer le recours à la peine d’emprisonnement avec sursis pour les infractions punissables d'une peine maximale d'emprisonnement de dix ans ou plus et donnant lieu à des poursuites par mise en accusation.
Cela aurait ciblé des crimes graves, notamment les infractions à caractère sexuel, les infractions relatives aux armes, les infractions contre les enfants et les crimes graves contre la propriété comme la fraude et le vol de plus de 5 000 $. Toutefois, tel qu'il a été adopté par le Parlement, le projet de loi n'a fait que restreindre davantage le recours aux peines d'emprisonnement avec sursis en excluant les infractions de terrorisme, les infractions d'organisations criminelles et les infractions causant des sévices graves à la personne qui étaient passibles d'une peine maximale d'emprisonnement de dix ans ou plus et qui donnaient lieu à des poursuites par mise en accusation.
Selon la définition que l'on retrouve à l'article 752 du Code criminel, l'expression « sévices graves à la personne » comprend deux volets. Tout d'abord, elle inclut expressément les trois infractions générales en matière d'agression sexuelle qui sont prévues aux articles 271, 272 et 273 du Code criminel et qui sont utilisées pour les victimes adultes et certains enfants.
Toutefois, le deuxième volet des sévices graves à la personne n'offre pas les mêmes garanties parce qu'il inclut des actes criminels -- exclusion faite de la haute trahison, de la trahison et du meurtre au premier degré ou au deuxième degré -- impliquant l'emploi, ou une tentative d'emploi, de la violence contre une autre personne ou une conduite dangereuse, ou susceptible de l'être, pour la vie ou la sécurité d'une autre personne, ou une conduite ayant infligé, ou susceptible d'infliger, des dommages psychologiques graves à une autre personne, pour lesquels le délinquant peut être condamné à une peine d'emprisonnement de 10 ans ou plus.
C'est cet aspect des dispositions sur l'emprisonnement avec sursis qui cause des problèmes, et c'est ce qui fait l'objet du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui. Plutôt que de laisser les tribunaux déterminer au cas par cas si l'infraction correspond à la définition de sévices graves à la personne, ce projet de loi définit précisément quelles sont les infractions pour lesquelles un accusé n'aura jamais droit à un emprisonnement avec sursis. Une telle mesure dissipe les doutes et clarifie la loi.
Jusqu'à l'entrée en vigueur du projet de loi le 1er décembre 2007, les tribunaux chargés de déterminer la peine devaient simplement interpréter les infractions constituant des sévices graves à la personne pour déterminer si elles répondaient aux critères justifiant l'application d'une désignation de délinquant dangereux ou à contrôler conformément à la partie 24 du Code criminel, parce que ces infractions étaient seulement définies relativement aux dispositions concernant les délinquants dangereux et à contrôler.
Depuis la mise en vigueur du projet de loi , les tribunaux ont dû interpréter la définition des infractions constituant des sévices graves à la personne dans le contexte des condamnations avec sursis, un contexte qui est bien différent de celui des délinquants dangereux ou à contrôler.
Par exemple, dans les décisions rendues en 2009 dans l'affaire La Reine c. Becker, par la Cour provinciale de l'Alberta, et dans l'affaire La Reine c. Thompson, par la Cour de justice de l'Ontario, les tribunaux ont dû établir si le vol constituait un sévice grave à la personne, compte tenu de la possibilité d'imposer une peine avec sursis.
Des menaces avaient été proférées dans les deux cas, mais dans un seul des deux cas, le tribunal a conclu que le vol était assimilable à la définition de sévices graves à la personne. Autrement dit, la possibilité de demander une peine d'emprisonnement avec sursis pour une infraction de même type, en l'occurrence le vol qualifié, a été interprétée différemment par ces deux tribunaux; une peine avec sursis a donc pu être demandée dans un cas, mais pas dans l'autre. Il est clair que cette incohérence doit être résolue.
Dans deux autres affaires dont les cours d'appel de ces mêmes deux provinces ont été saisies, les deux cours ont interprété les sévices graves à la personne de la même façon pour déterminer l'admissibilité aux peines d'emprisonnement avec sursis, mais leur interprétation différait des interprétations données jusqu'à présent dans le contexte des délinquants dangereux. Plus précisément, dans l'affaire Regina v. Ponticorvo, la Cour d'appel de l'Alberta a déterminé en 2009 que, dans le contexte de l'admissibilité aux peines d'emprisonnement avec sursis, les sévices graves à la personne comprenaient tout recours ou toute tentative de recours à la violence et ne se limitaient pas seulement au fait d'avoir recours à des actes de violence graves. Ce faisant, la cour a donné au même terme une interprétation différente de celle qu'elle lui avait donné dans l'affaire Regina v. Neve en 1999 dans le contexte des délinquants dangereux.
Par ailleurs, en 2010, dans l'affaire Regina v. Lebar, la Cour d'appel de l'Ontario a confirmé cette approche et a conclu que, dans le but de déterminer l'admissibilité aux peines avec sursis, le Parlement avait établi:
-- une distinction entre les crimes où on a recours à la violence et ceux où on n'y a pas recours, non entre les crimes où on a recours à des actes de violence graves et ceux où on a recours à des actes de violence moins graves.
Cela se trouve au paragraphe 69 de la décision de la Cour d'appel de l'Ontario.
Ce que ces affaires montrent, c'est qu'il y a beaucoup d'incertitude quant à la manière dont les peines d'emprisonnement avec sursis actuelles seront interprétées et appliquées. Toutefois, ce projet de loi préciserait et confirmerait les infractions qui ne pourraient pas faire l'objet de peines avec sursis. Cela éviterait ensuite de devoir attendre que ces questions soient résolues par les cours d'appel.
Une autre crainte, c'est que la définition des infractions constituant des sévices graves à la personne ne couvre pas d'autres crimes graves contre les biens, pour lesquels on pourrait encore infliger une peine d'emprisonnement avec sursis.
Par exemple, la fraude, qui peut avoir des répercussions dévastatrices dans la vie des victimes, est passible d'une peine maximale de 14 ans. Bien que ce genre d'infraction puisse avoir un effet dévastateur aussi important qu'un sévice grave à la personne, il demeure possible d'imposer une peine avec sursis.
En outre, actuellement, l'octroi d'une peine d'emprisonnement avec sursis n'est pas exclue pour les crimes liés à la drogue à moins qu'ils n'aient été commis dans le cadre des activités d'une organisation criminelle et que ces crimes soient passibles de dix ans ou plus d'incarcération et assujettis à des poursuites par mise en accusation. Par conséquent, une peine d'emprisonnement avec sursis serait applicable à la production, à l'importation et au trafic d'une substance inscrite à l'annexe 1 comme l'héroïne.
Je pense que les députés conviendront avec moi que, pour la plupart des Canadiens, ce résultat ne serait pas raisonnable.
J'estime que le régime actuel d'emprisonnement avec sursis est inapproprié, puisque bon nombre de crimes très graves peuvent donner lieu à une peine avec sursis. Il faut davantage de clarté et de cohérence pour limiter l'accessibilité aux peines d'emprisonnement avec sursis et pour protéger les Canadiens des délinquants coupables de crimes graves et violents.
Afin de répondre à ces préoccupations, le projet de loi propose de supprimer la mention des infractions constituant des sévices graves à la personne à l'article 742.1 et de rendre toutes les infractions passibles d'une peine d'emprisonnement de 14 ans ou d'emprisonnement à perpétuité inadmissibles à une condamnation avec sursis, ce qui aurait pour effet de rendre les infractions de fraude, de vol qualifié et bien d'autres crimes inadmissibles à une condamnation avec sursis.
En vertu du projet de loi, les infractions faisant l'objet de poursuites par voie de mise en accusation et passibles de dix années d'emprisonnement dont la perpétration entraîne des lésions corporelles, met en cause l'importation, l'exportation, le trafic ou la production de drogues ou l'usage d'une arme ne seront pas admissibles à une peine d'emprisonnement avec sursis.
Cet aspect de la mesure limitera de façon importante la portée du régime d'emprisonnement avec sursis, mais en ajoutant ces catégories d'infractions, on n'englobe pas toutes les infractions graves faisant l'objet de poursuites par voie de mise en accusation et passibles de dix années d'emprisonnement.
C'est pourquoi ce projet de loi propose aussi une liste de 11 infractions faisant l'objet de poursuites par voie de mise en accusation et passibles d'une peine maximale de dix années d'emprisonnement, infractions dont les auteurs ne seraient pas admissibles à l'emprisonnement avec sursis. Ces infractions sont les suivantes: bris de prison, leurre, harcèlement criminel, agression sexuelle, séquestration, traite de personnes, enlèvement, vol de plus de 5 000 $, introduction par effraction dans un endroit autre qu'une maison d'habitation, présence illégale dans une maison d'habitation et incendie criminel avec intention frauduleuse.
L'emprisonnement avec sursis constitue une peine appropriée dans de nombreux cas, mais il y a lieu d'en limiter l'utilisation dans les cas d'infractions graves contre les biens et de crimes violents.
Comme tous les Canadiens, le gouvernement estime qu'il tombe sous le sens que la peine soit proportionnelle à la gravité du crime, surtout lorsqu'il s'agit de crimes graves et violents perpétrés par des délinquants dangereux et violents.
Cette mesure législative, une fois adoptée par la Chambre, transmettra un message clair aux tribunaux: ceux qui se rendent coupables d'infractions graves contre la propriété et de crimes violents purgeront des peines d'incarcération et la détention à domicile ne sera dorénavant plus une option au moment de la détermination des peines.
J'espère que tous les députés en seront conscients et qu'ils appuieront le projet de loi.
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Monsieur le Président, je suis ravi d'intervenir au sujet du projet de loi , qui, si ce n'eut été de la prorogation, serait le projet de loi et, si ce n'eut été d'élections successives, pourrait être le projet de loi . Quoi qu'il en soit, il s'agit d'une mesure législative sur l'octroi des peines avec sursis, un outil à la disposition du pouvoir judiciaire.
Je suis renversé des propos de l'intervenant précédent et du ton général des interventions qu'on entend à la Chambre lorsqu'il s'agit de désigner des projets de loi par des titres que tout le monde peut vraisemblablement comprendre. Le gouvernement conservateur tente de faire figurer sous un titre très simple, avec un très gros pinceau, une très grande partie de la loi.
À cause de la façon dont le gouvernement étiquette les projets de loi, les téléspectateurs qui écoutent le débat sur le projet de loi vont croire qu'il s'agit d'un débat pour supprimer la détention à domicile dans le cas de crimes contre les biens et d'autres infractions graves commises par des contrevenants violents et dangereux. Voilà à peu près le titre de l'ouvrage que les gens liraient ou du film que les téléspectateurs verraient s'ils regardaient le présent débat.
Si nous creusons un peu, nous découvrons qu'il s'agit en réalité d'une mesure législative qui a été modifiée substantiellement en 1995, et qui a encore subi quelques modifications mineures au cours de la dernière législature pour qu'elle prévoie la possibilité de peines avec sursis — ce qui ne signifie pas la détention à domicile avec écran de télévision géant et toutes les chaînes spécialisées. Il n'y a rien de tel dans le Code criminel.
Le Code criminel est un gros recueil des lois visant à punir les criminels, c'est-à-dire les personnes trouvées coupables, preuve à l'appui, d'avoir commis un acte entraînant une peine ou une condamnation. C'est l'objet du Code criminel. Cet ouvrage est divisé en un grand nombre d'articles portant, par exemple, sur les peines contre l'État, l'atteinte à la vie privée, les infractions contre la personne ou les infractions contre la propriété. Certaines questions administratives y sont aussi traitées. Le code compte quelque 800 articles, et l'un deux traite de l'imposition de peines avec sursis.
Soyons clairs. Si un individu qui commet un crime est condamné à deux ans moins un jour, il est admissible, dans certains cas, à un sursis. Quiconque étant trouvé coupable d'une infraction entraînant une peine de plus de deux ans n'est pas admissible à une peine avec sursis. Cela n'a jamais été le cas et ne le sera jamais.
Il y a peut-être des parents qui m'écoutent aujourd'hui. Ils savent bien que le fait de priver leur adolescente de son téléphone cellulaire serait une punition assez sévère. L'obliger à rester dans sa chambre pendant une semaine serait vraiment une punition sévère. Toutefois, s'ils l'obligent à manger ses légumes, ce n'est pas considéré comme un châtiment si sévère dans l'éventail des possibilités.
Les juges ont la possibilité d'ordonner un sursis. Ils peuvent ainsi tenir compte du fait que la personne n'est peut-être pas si mauvaise. Elle peut avoir mal agi, mais elle peut être réadaptée. Il est possible de trouver la cause profonde de ses agissements.
Cela nous amène à tenir un débat plus ouvert sur ce que nous faisons, en tant que Parlement, pour la prévention de la criminalité.
Nous avons fait très peu dernièrement, parce que nous passons notre temps à regarder notre propre téléviseur à écran géant. Nous écoutons le dire que ce projet de loi mettra un terme aux condamnations avec sursis pour les crimes contre la propriété et autres infractions graves alors que, au fond, il cherche à modifier une disposition que les juges et les procureurs utilisent tous les jours.
Comprenons-nous bien. Un avocat de la défense défend l'accusé. Cela dépasse le cadre de notre débat. La mesure projetée est destinée à servir aux policiers et aux procureurs. La police inculpe une personne. Les procureurs examineront une vaste gamme d'éléments de preuve possibles et les diverses peines qui pourraient s'appliquer. Les procureurs, la police et, en fin de compte, le juge jetteront un regard global sur la détermination de la peine et diront qu'il y un certain nombre de possibilités, dont celle de dire que l'accusé est carrément une mauvaise personne qui devrait être emprisonnée. Malheureusement, le gouvernement conservateur classe tout le monde dans cette catégorie, et c'est justifié dans un certain nombre de cas.
Cependant, il y a également des gens qui sont amenés à commettre des crimes par la toxicomanie ou par d'horribles problèmes attribuables à des conditions socioéconomiques peu propices au développement de l'enfant dans un milieu stimulant. D'autres souffrent de troubles mentaux, situation qui n'est pas encore prise en charge dans nos collectivités, et tombent dans la criminalité, commettant des actes qui pourraient, les quelques premières fois en tout cas, justifier aux yeux d'un juge, d'un procureur ou d'un policier que l'on condamne l'intéressé à un emprisonnement avec sursis. Ce type de condamnation est souvent recommandé par les procureurs.
Ce tableau que brossent les conservateurs, dans lequel tous les policiers et tous les procureurs réclament la peine la plus sévère et tiennent à ce que l'accusé soit emprisonné, ne correspond pas toujours à la réalité.
C'est la raison d'être de nos débats à la Chambre et des délibérations des comités qui entendent les témoignages des intervenants sur le terrain, des procureurs, des policiers et, espérons-le, des juges. Ces gens vont nous dire qu'il s'agit d'un outil parmi d'autres dont fait partie l'incarcération. Une personne qui commet une infraction peut être inculpée et incarcérée. Dans le cas d'une infraction très grave, le contrevenant sera condamné à une longue peine d'emprisonnement.
Comme mon ami d'Edmonton—St. Albert ne veut pas parler de cas d'espèce, parlons plutôt de types d'infractions qui pourraient être commises et des peines applicables.
On n'imposera pas une peine d'emprisonnement de six mois ou d'un an au contrevenant qui commet une infraction sexuelle grave entraînant des lésions corporelles et qui en est à sa quatrième infraction. On lui imposera une peine sévère, pas une peine avec sursis. Il s'agit là d'un argument théorique. Il est faux de dire que des criminels purgent leur peine de détention à domicile pour des récidives d'infractions graves en regardant la télé sur des écrans géants. Des témoins viendront le prouver devant le comité. Contrairement à ce que mon ami d'Edmonton—St. Albert a dit, le comité et le Parlement n'ont pas entendu de témoins au sujet des peines avec sursis. Nous entendrons des témoins sur ce sujet si le projet de loi est renvoyé au comité.
Je rappelle aux députés qu'il arrive que la machine du Comité de la justice fonctionne à plein et que, soudainement, le Parlement est prorogé. Tout est alors à recommencer. Le monarque d'en face continue de n'en faire qu'à sa tête et le gouvernement continue de mettre fin aux travaux du Parlement et de présenter des projets de loi, si bien que nous devons recommencer à entendre les témoins.
Quoi qu'il en soit, il nous tarde d'entendre les intervenants dans le système de justice quant à savoir si l'outil est utilisé et s'il fonctionne.
Comme je le disais, les autres outils dont disposent les juges, les procureurs et les agents de police, c'est leur collaboration en vue de faire incarcérer les criminels. Voyons voir. Dans bien des cas, l'incarcération d'un contrevenant, partant, l'impossibilité qu'il commette un acte criminel, constitue la meilleure mesure de dissuasion à l'égard d'infractions criminelles ultérieures de sa part. Cela va de soi. Dans le cas de certains contrevenants, la meilleure solution pour assurer la sécurité du public consiste à les garder en détention. Soit dit en passant, lorsqu'ils sont incarcérés dans nos établissements carcéraux, ces contrevenants commettent aussi des crimes, car le contrôle des détenus n'est pas aussi parfait que les Canadiens ne pourraient le croire. On commet des actes criminels dans nos établissements carcéraux. Ainsi, ce n'est pas parce qu'un contrevenant est incarcéré qu'il ne commettra pas d'activités criminelles. Voilà le premier point.
Le deuxième, c'est que, faute de programmes de réadaptation et de mesures visant à faire de la personne une meilleure personne, la période de détention a, dans de nombreux cas, particulièrement pour les contrevenants trouvés coupables d'une première ou d'une deuxième infraction qui pourraient mériter une peine d'emprisonnement avec sursis, l'effet contraire. Le contrevenant n'apprend pas nécessairement de bonnes choses en prison et il est possible qu'il soit encore plus endurci lorsqu'il sortira de prison.
La philosophie des conservateurs en matière de justice, la philosophie du chat et de la souris, repose sur un autre sophisme. Les conservateurs croient qu'ils peuvent convaincre les Canadiens qu'en enfermant des gens et en les retirant de la société, ces personnes ne réintégreront jamais cette société. Or, cela est vrai dans certains cas. Je n'ai pas les données avec moi, mais les contrevenants dangereux ou à contrôler qui seront incarcérés jusqu'à la fin de leur vie, les auteurs de meurtres multiples, représentent 1, 2 ou 3 p. 100 des personnes actuellement incarcérées. Je crois que le pourcentage est aussi bas que cela.
Soyons modérés pour un instant et admettons que la grande majorité des contrevenants, peut-être 80 p. 100, sortiront un jour de prison. Lorsqu'ils sortiront, même les conservateurs auront besoin de trouver une raison pour les incarcérer de nouveau. Bref, il faudra que les contrevenants récidivent et fassent de nouvelles victimes.
Il est dans l'intérêt de tous de savoir que l'incarcération existe et qu'elle est le premier des outils dont on dispose. Deuxièmement, pour profiter d'une permission ou d'une période de liberté, il faut reconnaître sa culpabilité, purger sa peine et obtenir une ordonnance de probation. Dans certains cas, l'ordonnance de probation serait très acceptable. Toutefois, comme on l'a vu à maintes reprises, les ordonnances de probation ne sont pas très flexibles. Ce n'est pas un outil qui est pratique pour les juges, car il ne permet pas d'imposer autant de conditions qu'une peine d'emprisonnement avec sursis. Je n'ai pas entendu le gouvernement dire qu'il faudrait mettre un terme à toutes les ordonnances de probation. Il doit donc estimer que l'ordonnance de probation est efficace même si elle prévoit moins de conditions qu'un régime de peines avec sursis.
Les peines d'emprisonnement avec sursis sont le troisième élément du coffre à outils dont je vais parler. Il en est question à l'article 742.1 du Code criminel du Canada qui, comme je l'ai dit auparavant, est la meilleure chose qu'un ministre de la Justice conservateur ait fait en créant le Code criminel ou en le rédigeant. Il y a environ 100 ans de cela. Aujourd'hui, nous comptons encore sur un ministre de la Justice conservateur pour élaborer de nouvelles dispositions. À la fin du Code, il y a déjà un outil qui permet aux juges de conclure que, lorsqu'un contrevenant est trouvé coupable d'une infraction et qu'il est passible d'une peine de moins de deux ans et, voici qui est très important, que le juge estime que le fait de purger la peine au sein de la collectivité ne mettrait pas en danger la sécurité du public et serait conforme à l'objectif et aux principes fondamentaux de la détermination de peine tels que définis à l'article 718, une peine d'emprisonnement avec sursis est une option acceptable à laquelle il peut avoir recours.
L'article 718, que j'ai mentionné un certain nombre de fois, est probablement la partie la plus importante du Code criminel, car il définit nos principes de détermination des peines. Aucun d'entre eux n'a plus de poids qu'un autre. Il y est stipulé que, si une personne a commis un crime, il faut dénoncer ce crime. La peine doit également comporter un élément dissuasif de façon à ce que le crime ne se reproduise pas. La dissuasion est d'ordre général pour le public en général. Lorsqu'une personne commet une infraction, la condamnation et la peine connexe devraient dissuader les gens en général de commettre la même infraction et surtout le délinquant lui-même.
Certains éléments concernent également la réadaptation. La personne a-t-elle commis le crime et a-t-elle été jugée admissible à la réadaptation? L'objectif de la plupart des lois en matière de justice pénale issues de cet endroit doit être de rendre la société plus sûre. La société est plus sûre lorsque moins de crimes sont commis. Il y aurait moins d'actes criminels s'il y avait un programme sérieux de prévention des crimes, un budget adéquat pour la prévention des crimes et moins de querelles entre le gouvernement fédéral et les provinces au sujet de la façon d'investir les ressources en manière de prévention du crime.
J'ouvre une parenthèse pour parler de la grogne du côté des provinces. Malgré les transferts en matière de services sociaux, les provinces soutiennent qu'elles n'ont pas les ressources nécessaires pour embaucher les agents de probation et les agents de police qui oeuvrent dans les collectivités. Les provinces investissent très peu de l'argent qu'elles reçoivent du fédéral dans la prévention de la criminalité. N'oublions pas qu'avec le gouvernement, tout est question d'apparence, pas de substance. Les conservateurs ont créé le poste d'ombudsman des victimes c'actes criminels et y ont nommé M. Steve Sullivan, qui a fait un travail exceptionnel. Il a défendu les victimes. Toutefois, comme ils l'ont fait dans les dossiers de Kevin Page, d'EACL et de tous les autres qui leur ont donné du fil à retordre en s'élevant contre eux, les conservateurs ne vont pas renouveler le contrat de M. Sullivan. Le gouvernement est-il sincèrement déterminé à défendre les droits des victimes et à lutter contre la criminalité?
Les provinces aimeraient en faire plus à cet égard.
Je ne sais pas si notre porte-parole en matière d'affaires intergouvernementale est ici. Il fut un temps où il y avait des rencontres entre les premiers ministres des provinces, les procureurs généraux et les ministres de la Justice. Même le premier ministre y participait de temps à autre. Or, les députés du gouvernement actuel dialoguent très peu au sujet de la prévention de la criminalité et de la modification du Code criminel.
Ce qui intéresse les conservateurs, ce n'est pas tant de trouver les causes mêmes de la criminalité et de s'y attaquer, de recenser les programmes qui sont le plus efficaces et de les financer, ni même de demander conseil aux provinces sur la manière dont les programmes provinciaux pourraient être étendus au reste du pays, province par province et territoire par territoire; ce qui intéresse les conservateurs, c'est de savoir qu'on parle d'eux aux nouvelles de 17 heures, de 18 heures dans les provinces de l'Atlantique ou de 18 h 30 à Terre-Neuve, et qu'ils peuvent ensuite dire: « Regardez ce qu'on a fait aujourd'hui; regardez-nous. Nous allons maintenant utiliser des mots simples. »
Je n'ai rien contre les mots simples, mais en l'occurrence, je crois que qu'il serait trompeur de parler de détention à domicile. On parle en fait d'un article du code qui offre certaines options au juge. Si celui-ci choisit d'imposer une peine avec sursis de moins de deux ans, il pourra, en fait il « devra » dans la plupart des cas imposer les conditions que voici à toute personne reconnue coupable d'un crime et bénéficiant d'une peine avec sursis: de ne pas troubler l'ordre public et d'avoir une bonne conduite; de répondre aux convocations du tribunal; de se présenter à l'agent de surveillance dans les deux jours suivant la date de l'ordonnance; par la suite, selon les modalités de temps et de forme fixées par l'agent de surveillance, de rester dans le ressort du tribunal, sauf s'il en obtient la permission; de prévenir le tribunal ou l'agent de surveillance de ses changements d'adresse ou de nom et de les aviser rapidement.
Si l'une ou l'autre de ces conditions n'est pas respectée, et si les provinces ont assez d'argent pour embaucher les agents dont elles ont besoin pour les faire respecter, ce qui constitue souvent un gros problème pour elles, alors le gouvernement sort une loi, inscrit le tout dans ses registres, puis se lance dans une guerre de clocher avec les provinces et les territoires afin de déterminer la manière dont les lois seront mises en application et qui payera la facture. Il faut dire qu'à ce chapitre, le gouvernement se déleste systématiquement de ses responsabilités sur le dos des provinces. Quoi qu'il en soit, ce sont les conditions habituelles, et ceux qui les enfreignent retournent en prison.
Selon moi, les témoins que nous entendrons en comité, si jamais le projet de loi se rendait jusque-là, nous expliqueront qu'il s'agit d'un outil on ne peut plus utile qui devrait demeurer à la disposition des juges et que nous ne devrions pas imposer plus de limitations que celles qui existent déjà. Il ne faut pas oublier que, dès l'instant où le gouvernement a pris le pouvoir, il s'est mis à attaquer les juges pour la simple et bonne raison qu'il est incapable de blairer quiconque ne fait pas partie de son caucus, lequel rétrécit d'ailleurs de mois en mois. Bref, le gouvernement aimerait que nous fassions comme aux États-Unis, où les juges participent aux campagnes politiques, font des promesses politiques et se conforment à la ligne de parti d'un parti politique.
Le gouvernement a montré peu de respect envers les juges depuis sa formation et il veut maintenant leur enlever un pouvoir discrétionnaire de plus. On peut juger que cela est nécessaire, mais le gouvernement ne peut pas affirmer qu'il croit au pouvoir discrétionnaire des juges puisque son projet de loi indique le contraire.
Parlons d'un bon juge, d'un bon procureur et d'un bon agent de police qui amènent in individu qui peut être sauvé devant un tribunal. Un juge peut invoquer les conditions additionnelles dans le cas d'une infraction pouvant être sanctionnée par une ordonnance de sursis. L'individu peut se voir interdire de consommer de l'alcool ou d'autres substances intoxicantes. Il n'y a pas d'ordonnances du genre dans nos établissements correctionnels. Il est entendu que les détenus ne peuvent pas consommer d'alcool ou d'autres substances intoxicantes dans les prisons, mais le fait est que cela se produit.
Je l'ai déjà dit et je crois que nous le reconnaissons tous, beaucoup d'individus qui commettent des actes criminels et se retrouvent dans nos pénitenciers ont des problèmes de toxicomanie. La toxicomanie est à l'origine de bien des crimes au Canada. Nous devrions faire quelque chose pour permettre aux juges de contraindre les criminels condamnés à s'abstenir de consommer de l'alcool ou d'autres substances intoxicantes.
Une autre condition pourrait être de ne pas posséder ou transporter une arme. D'autres conditions visent à assurer le soutien et les soins des personnes à charge; exécuter jusqu'à 240 heures de service communautaire sur une période maximale de 18 mois; participer à un programme de traitement approuvé par la province; respecter toute autre condition raisonnable jugée souhaitable par le tribunal, ce qui serait une disposition ramasse-tout.
Ne jetons pas le bébé avec l'eau du bain. Fions-nous à l'efficacité démontrée des peines d'emprisonnement avec sursis. Ne dénigrons pas complètement le système, comme vise à le faire tout le discours du député d', qui mène la charge pour le gouvernement dans ce dossier. Il affirme que l'existence des peines avec sursis, en permettant que les individus puissent regarder leur télévision grand écran, discrédite tout le système.
Ce qui discrédite le système de justice, c'est qu'un représentant du gouvernement prenne la parole à la Chambre pour affirmer qu'une mesure à laquelle ont recours chaque jour de bons juges, de bons procureurs et de bons agents de police ne fonctionne pas. C'est ce qui discrédite tout le système.
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Monsieur le Président, je suis avocat. J'ai passé mon Barreau en 1966 et le hasard a voulu que mon premier employeur ait été à la Couronne provinciale. J'ai ensuite été approché par la Couronne fédérale où on faisait à ce moment-là la presque la totalité des poursuites pour les infractions relatives à la drogue. J'ai ensuite été approché par un grand bureau qui faisait du droit criminel. Ce grand bureau s'étant brisé, j'étais prêt à ouvrir mon propre bureau. Je l'ai ouvert. J'ai engagé des avocats. Je me suis occupé beaucoup du Barreau. Je suis devenu vice-président du Barreau et ensuite bâtonnier du Québec, c'est-à-dire l'équivalent du président. Puis, après un petit repos dans ma carrière de criminaliste, je suis ensuite revenu comme criminaliste.
D'autre part, j'ai enseigné et j'ai souvent été consulté par la Commission de réforme du droit, comme beaucoup d'autres criminalistes. J'ai ensuite été faire de la politique et on m'a donné la fonction de ministre de la Sécurité publique. J'ai eu à affronter les bandes criminelles les plus dangereuses au pays, les Hells Angels. J'ai pu nommer le directeur de la Sûreté du Québec. J'avais comme ami le directeur de la police de Montréal. Ensemble, nous avons élaboré une nouvelle façon de faire afin que la police puisse s'attaquer au crime organisé. Cela a donné naissance à l'escouade Carcajou, dont le principe est justement que les policiers mettent ensemble leurs banques d'information sur les criminels. Sur le terrain, les enquêteurs travaillaient toujours par paire: l'un de la Sûreté du Québec et l'autre de la police de Montréal. La méthode a assez bien fonctionné et la GRC s'est jointe à nous. Nous avons été le premier pays à casser les Hells Angels et à décapiter cette organisation lors de l'opération Printemps 2001.
Je ne crois donc pas qu'on puisse douter de mon désir de diminuer le nombre de victimes et de mon désir de trouver des façons efficaces pour lutter contre la criminalité. Je crois d'ailleurs en avoir trouvé. Ce modèle d'escouade mixte est actuellement répandu au Canada et même aux États-Unis. Pourtant, nous l'avons inauguré en 1997.
Dès le départ, je dirai que je suis évidemment contre le fait que des criminels, qui commettent des crimes sérieux et violents, bénéficient de sentences à domicile. D'ailleurs, y a-t-il quelqu'un qui prétendrait être pour cela? Si on le dit avec tant d'assurance de notre côté, c'est qu'on est sûrs que tout le monde est contre cela, comme les juges qui, eux aussi, ne désirent probablement pas que les criminels qui commettent des crimes sérieux et violents soient laissés dans le confort de leur foyer. Les juges ne donnent donc pas ce genre de sentences aux criminels sérieux et violents. Ensuite, je demeure absolument convaincu, et c'est pour moi une évidence, que la meilleure façon de protéger les victimes est de diminuer la criminalité. Dans cette entreprise de diminution de la criminalité, il n'y a pas que les lois, il y a la façon de les appliquer. Il y a le travail policier qui peut être orienté parfois autant sur la prévention que sur le fait de capturer des bandits.
J'ai plus de 40 ans d'expérience et j'ai également été ministre de la Justice par la suite. Je signale tout de même que la grande réussite de l'escouade Carcajou — une opération qui s'est déroulée sur trois ans et qui a d'ailleurs mené à la perte de certains informateurs qui ont été assassinés pendant ces opérations — a été l'opération Printemps 2001 au cours de laquelle 322 individus ont été arrêtés. Ils ont tous été trouvés coupables de quelque chose sans qu'aucune plainte ne soit jamais portée sur la façon dont les policiers avaient obtenu la preuve qu'ils avaient à présenter devant le tribunal.
Je ne connais pas non plus de gens qui aient critiqué les sentences qui ont été données à ce groupe dans lequel il y avait les pires, les dirigeants, mais dans lequel il y avait aussi les gens qui étaient des complices au dernier degré.
Je ne m'étais pas préparé à faire une carrière en droit criminel, mais cette expérience m'a amené à lire et à me poser des questions fondamentales, à savoir pourquoi les gens commettent des crimes. À l'université, on se reprochait de ne pas être honnêtes intellectuellement, mais c'est pire encore quand on a affaire à des fraudeurs ou à des voleurs.
J'ai acquis la conviction qu'il faut certainement intervenir, mais que la durée et la dureté des sentences ont relativement peu d'effets, que c'est aussi cher non seulement en coûts, mais en personnes détruites par de longues périodes d'incarcération. De plus, certaines personnes n'auraient pas dû avoir de courtes incarcération et sont plongées dans un milieu criminel pendant quelques mois.
De toute évidence, ce qui est le plus efficace, c'est l'intervention rapide et le fait de donner rapidement des sentences, mais la durée a peu d'importance. J'ai été convaincu aussi assez rapidement que des sentences dissuasives n'existent à peu près pas. Ce qui est dissuasif, c'est la peur de se faire attraper. Dieu sait que j'ai gagné assez d'argent en empêchant que des gens qui ne risquaient même pas la prison aient un dossier judiciaire, pour savoir que pour la majorité de gens, le fait d'être attrapé et d'avoir un dossier judiciaire est quelque chose d'assez grave.
La meilleure preuve que la durée des sentences a peu d'effet dissuasif, je l'ai vue, c'est la peine minimale de sept ans qui était prévue pour l'importation de marijuana. En 1966, je le dis honnêtement, je n'avais jamais entendu parler de marijuana. C'est à cette époque que cela a commencé. Or le cannabis, qui donne la marijuana et le haschich, qui poussait ici n'avait aucun effet hallucinogène. Tout était importé. C'est à ce moment que l'importation a beaucoup augmenté, même si le risque était de sept années de prison. Nous avons là la meilleure démonstration de l'effet limité de la dissuasion.
Cela étant dit, il y a des circonstances dans lesquelles la dissuasion peut avoir de l'importance, par exemple quand on connaît les conséquences d'un manquement et qu'on sait qu'on va les subir. Nous avons ici un des exemples où c'est le cas.
À l'époque où j'ai commencé à pratiquer, les juges avaient le choix entre une sentence d'incarcération et une amende. Cependant, on venait d'apporter au Code criminel, dans les années 1960, cette nouvelle notion qui nous venait d'Angleterre: la suspension du prononcé de la sentence. Le juge disait à la personne qu'il suspendait la sentence à certaines conditions. En somme, au lieu de rendre sa sentence ce jour-là, il la suspendait, et si la personne respectait les conditions auxquelles il suspendait la sentence, il n'aurait pas le droit de la rendre. Cependant, si la personne ne respectait pas les conditions — le juge pouvait énumérer une série de conditions, comme rester à domicile —, elle serait alors ramenée devant le juge et il rendrait la sentence à ce moment-là.
Les sentences servies à domicile, soit dit en passant, sont un modèle courant en Europe. Dans tous les pays européens, y compris l'Angleterre, je crois, il existe des possibilités de servir des sentences à domicilie. Quand ces sentences ont été possibles au Canada, j'ai cru que cela remplacerait peut-être les sentences suspendues parce que, en pratique, ces sentences sont compliquées à administrer. C'était si compliqué que les gens n'étaient pas ramenés devant le juge pour qu'il impose sa sentence.
L'avantage du sursis, c'est que le juge dit que la sentence sera 18 mois d'emprisonnement et qu'elle sera servie dans la communauté à certaines conditions. Ces conditions peuvent être très dures. Si la personne ne respecte pas ces conditions, la sentence est déjà fixée et la personne devra purger le reste de la sentence. Si le manquement se produit à deux mois, il lui restera 16 mois à purger. C'est vrai que si le manquement est à 16 mois, il lui restera peu de temps à purger, mais l'effet dissuasif est plus immédiat, et le délinquant, la majorité du temps, comprend rapidement.
Le sursis avait aussi beaucoup d'autres avantages. Il permettait, par exemple, à une personne de garder son emploi, donc de subvenir aux besoins de sa famille. Cela permettait aussi, lorsque c'était possible, de réparer le dommage causé par le crime; ou encore, parce que la majorité des accusés sont souvent de jeunes adultes, cela leur permettait de poursuivre des études ou de suivre un programme dans le cadre duquel ils pouvaient apprendre un métier de façon à ne pas être continuellement au chômage. En outre, c'était beaucoup moins coûteux. L'incarcération dans une prison fédérale, je pense qu'on l'a assez dit ici, coûte 101 000 $ par année.
Ce ne sont pas les télévisions ou des choses de ce genre qui coûtent cher. Plus de 98 p. 100 de cette somme est affecté à la sécurité. Les dépenses au chapitre de la sécurité sont moins élevées dans les provinces, mais elles sont quand même importantes.
La personne connaît déjà les conséquences immédiates d'un manquement. Ensuite, quand on envoie une personne en prison, réalise-t-on dans quel milieu elle se retrouvera? C'est plein de bandits autour d'elle. Très souvent, ce sont eux qui dirigent les prisons et les organisations qui représentent les prisonniers à l'intérieur. Pour quelqu'un qui est influençable, ce n'est pas particulièrement le bon endroit. En plus, on lui fait perdre son emploi — car elle ne peut pas se présenter au travail — ou on interrompt ses études et quelque chose qui pourrait en faire un meilleur citoyen, un citoyen utile. Ensuite, cela banalise les infractions. Il se trouve autour de cette personne plein de gens ayant fait des choses bien pires.
Les conservateurs nous disent toujours qu'il faut que les criminels sérieux et violents ne soient pas dans le confort de leur foyer. Je suis convaincu que les juges ne donnent pas des peines légères. Ce projet de loi ne vise pas à punir les criminels sérieux et violents — ce que la loi actuelle fait déjà —, mais ceux qui n'ont pas commis d'infractions sérieuses et violentes, ceux pour qui les juges ont décidé, au départ, qu'ils ne représentaient pas un danger pour la sécurité publique. Ce sont les instructions qu'on donne aux juges.
On nous donne toujours l'exemple d'un cas qui s'est produit quelque part. Je remarque que la plupart du temps — cette fois-ci fait exception, mais on vérifiera —, il s'agit de peines qui ont été imposées en première instance. On dit très peu de choses sur ces peines. Pourtant, quand un juge prononce sa peine, il doit prendre en considération plusieurs facteurs qui sont mentionnés aux articles 712 et suivants.
Certains de ces facteurs le poussent dans une direction ou dans une autre. Par exemple, dénoncer le comportement illégal irait dans le sens de l'indulgere, de l'indulgence, alors que dissuader les délinquants, et quiconque, de commettre des infractions irait plutôt dans le sens d'une peine sévère. Isoler, au besoin, les délinquants du reste de la société, concerne ceux qui sont dangereux. Quant à assurer la réparation des torts causés aux victimes ou à la collectivité, le juge commence à être ambigu parce que si on fait perdre son emploi à la personne en cause, elle ne sera peut-être pas capable d'assurer la réparation. Quant à moi, je suis convaincu que la vraie réhabilitation commence par des efforts de réhabilitation auprès de la victime. C'est ce qu'on doit privilégier.
Un des éléments, qui est d'assurer la réinsertion sociale de l'accusé, va dans un autre sens. Le juge doit mesurer tout cela. Pourtant, chaque fois que les députés de l'autre côté nous donnent un exemple de peine, il n'y a qu'un motif. M. Anthony Doob, le fameux criminologue de Toronto, a fait une expérience. Il a vérifié combien de raisons mentionnaient les journaux quand il était question d'une peine imposée. Il est arrivé à un chiffre d'une raison et quart. Il a ensuite vérifié combien de raisons étaient données par les juges pour justifier les peines qu'ils imposaient, et en moyenne, ils donnent de 11 à 13 raisons.
Si cela a l'air si terrible, pourquoi ne l'a-t-on pas porté en appel? On nous dit qu'il y a deux causes en appel. Je vais vérifier pourquoi les cours d'appel ont donné des peines apparemment contradictoires. Je pense qu'au contraire, si les peines sont apparemment contradictoires, c'est parce que les faits étaient bien différents et qu'il y avait des facteurs qui, tantôt, allaient du côté de la sévérité, tantôt d'une certaine clémence. Je n'aime pas tellement parler de clémence, alors je vais dire des mesures pour assurer la réhabilitation.
On utilise ce système depuis 14 ans. Il me semble qu'on devrait faire une évaluation de son application et de ses mesures avant de proposer des changements. Rien, dans ce qui est proposé, n'est basé sur un danger, sur une mauvaise administration ou sur des conséquences désastreuses. Au contraire, depuis que nous avons mis sur pied ce système, la criminalité a diminué de façon générale. De toute façon, il faudrait nous démontrer que les peines purgées à domicile ont eu de mauvais résultats en nombre assez important pour justifier un changement à la loi et pour effacer la confiance que nous avons dans la sagesse des juges.
On parle toujours du confort du foyer et de la grosse télévision. On parle peut-être du confort du foyer des ministres et des députés, mais je peux affirmer que lorsqu'on a un peu fréquenté le monde criminel et qu'on a été en contact avec ces gens, on sait ce que c'est. La principale caractéristique des gens qui sont en prison c'est d'être mésadapté social. Au moment où j'étais ministre de la Sécurité publique du Québec, des enquêtes sociologiques étaient faites sur ce sujet. Ce sont des mésadaptés sociaux.
Je peux garantir qu'il n'y a pas un député qui aurait passé une semaine sans sortir du sous-sol de la majorité de ces gens qu'on met en prison à domicile. Je leur dirais même d'aller passer une semaine dans leur demeure sans sortir. Ils seraient en mesure de voir si cela constitue une forme de punition. J'ai essayé de faire le test, pour le plaisir de la chose, et de rester chez moi toute une fin de semaine, mais c'est certain que cela constitue une forme de punition, spécialement dans le genre de domicile où se trouvent ces gens.
On a parlé de fraudes en disant qu'elles étaient bien différentes. Si elle le sont, les sentences doivent être différentes aussi. Je ne vois pas pourquoi on les vise particulièrement. Il y a beaucoup de petites fraudes, pour lesquelles de courtes peines d'emprisonnement ou des peines à domicile ne seraient pas une sentence appropriée. C'est évident que ce ne serait pas approprié pour Earl Jones ou Vincent Lacroix. Il me semble que tous les juges en conviendraient.
On parle d'une multiplicité de sentences visées par cette mesure. Le trafic de drogue, c'est grave jusqu'à ce qu'on s'attarde aux définitions du trafic de drogue. « Trafiquer » comprend « donner » et « offrir de donner ». La marijuana, c'est encore de la drogue. Si un garçon offre un joint à sa blonde et qu'elle refuse, on considère qu'il a trafiqué. Est-ce ce qu'on appelle un criminel sérieux et dangereux?
Le gouvernement oublie toujours les cas moins graves dans ses nouveaux projets de loi. Il parle des crimes les plus graves. Il dénonce avec éloquence les crimes les plus graves, mais il oublie tout ce qui est moins grave. D'ailleurs, en insistant sur les crimes les plus graves, il démontre qu'il y a beaucoup de complices représentant les cas moins graves.
Je donne un autre exemple en matière de drogue. Des parents savent que leur enfant fume de la marijuana ou du haschich. Ils reçoivent deux ou trois enveloppes du Maroc, mais leur fils leur dit de ne pas les ouvrir. Que devraient faire ces parents? Je sais ce que je ferais parce que je connais les conséquences. Cependant, beaucoup des parents les auraient gardées et auraient engueulé leur fils. Ils les auraient peut-être jetés aussi. Ils auraient donc participé à l'infraction. Ce qu'ils ont fait est bien moins grave, mais s'ils se font attraper, ils en subiront les conséquences.
J'ai connu une jeune femme qui avait accepté des paquets pour son ami qui était parti. Dans son cas, il y avait une peine minimale. On l'a condamnée à sept ans de prison, tout comme lui.
Finalement, il faut quand même parler des coûts. Ce n'est pas négligeable. Il est certain que cela augmentera beaucoup les frais.
Cela signifie qu'ils vont aller dans les prisons provinciales, mais qu'il n'y aura pas de place pour eux. Le double bunking, cela se fait déjà. Puisqu'il n'y aura pas de place pour eux, on les mettra dehors plus rapidement. Ce sera du in and out dans bien des cas, alors qu'il aurait été préférable qu'ils purgent leur peine chez eux avec l'épée de Damoclès immédiatement au-dessus de leur tête pour leur indiquer qu'ils risquent d'y retourner.
Je ne comprends pas qu'on n'ait pas encore donné les évaluations, mais dans ce cas-ci, le coût signifie que proportionnellement moins de peines seront purgées.
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Monsieur le Président, il est important de mettre en contexte le projet de loi .
Je vais tenter de déboulonner le mythe selon lequel les conservateurs se préoccupent de la criminalité et des victimes au Canada. J'aurais préféré que le député qui ne cesse de nous entretenir du syndrome de la porte tournante sache de quoi il parle. De toute évidence, le concept lui échappe totalement. Si ce projet de loi reçoit l'aval de la Chambre et entre en vigueur, il favorisera la récidive à un taux beaucoup plus élevé que s'il était rejeté.
Retournons au mythe en question. Les conservateurs répètent à tout bout de champ à la Chambre, et encore plus souvent en public, qu'ils sont sévères envers les criminels. Toutefois, ce projet de loi est un exemple frappant du fait que les conservateurs ne luttent pas intelligemment contre la criminalité. En fait, ils sont extrêmement hypocrites lorsqu'ils prétendent sévir contre les criminels.
Ce projet de loi en est un, parmi tant d'autres, qui n'a reçu aucune attention de la part de la Chambre, et qui ne s'est pas rendu au débat final en raison de décisions prises par le gouvernement conservateur, notamment parce qu'il a déclenché des élections — en contravention de la loi qu'il avait lui même adoptée et promulguée en en parlant comme d'une réforme majeure. Certains des projets de loi sur la criminalité portaient sur des questions qui n'avaient pas besoin d'être étudiées. Ils ont été supprimés lors du déclenchement des élections, et encore au moment de la prorogation, et nous devons tout reprendre à zéro.
Nous avons vu cela à maintes reprises. Ce sont littéralement 10 ou 20 projets de loi qui sont repris au début parce que le gouvernement est plus intéressé à rester au pouvoir qu'à traiter des questions de criminalité dans notre société.
Avant de traiter précisément du projet de loi , je veux aborder un autre point, parce que ce projet de loi m'amène à en parler. J'ai dit à maintes reprises à la Chambre, chaque fois que j'en ai eu l'occasion, que nous avions grandement besoin d'un examen systématique et complet de notre Code criminel.
On le voit dans les articles, et j'espère, si j'ai suffisamment de temps aujourd'hui, pouvoir faire état de certains points à remettre en question avant de terminer mon discours sur le projet de loi . Il existe d'énormes contradictions dans notre Code criminel, qui se répètent à plusieurs endroits, tant dans la définition de la conduite criminelle que dans les peines prévues.
Il y a des cas où, selon moi, le Canadien moyen dirait qu'il s'agit bien du genre de peine que le crime devrait entraîner. On passe ensuite à un autre article qui prévoit des peines plus sévères alors que le crime lui-même est bien moins grave aux yeux du Canadien moyen. On trouve de multiples exemples de ces incohérences dans le Code criminel, et beaucoup de ses dispositions font double emploi.
Il y a beaucoup trop longtemps que nous modifions le code un élément à la fois, et le gouvernement actuel l'a fait plus qu'à son tour.
C'est intéressant de voir que, aux États-Unis, et en Angleterre également mais à un degré moindre, on a procédé à des réformes beaucoup plus globales et systématiques. Nous pourrions nous en inspirer. Je mets un terme à ma diatribe sur cette question, mais il n'y a pas de doute qu'il faut faire quelque chose au sujet du Code criminel.
Permettez-moi de conclure en disant que nous aurions pu remanier le Code criminel par l'entremise de la Commission du droit que le gouvernement a promptement fait disparaître lors de son premier mandat. C'était l'entité idéale au Canada pour amorcer cette tâche. En fait, la Commission du droit avait commencé des travaux pour définir la notion d'infraction criminelle et ce qui devrait figurer sous cette rubrique. La commission avait déjà amorcé son travail de recherche quand le gouvernement a supprimé son financement. Je crois que cette coupe s'est faite dans le cadre du budget 2007-2008.
Si la commission avait poursuivi ses travaux, nous aurions peut-être pu véritablement amorcer une réforme d'envergure du Code criminel, ce qui aurait grandement facilité la tâche des policiers, des procureurs et des intervenants du système judiciaire.
Je présente brièvement le contexte dans lequel s'inscrit le projet de loi . Je rappelle d'abord qu'il y a environ 14 ans, plus précisément en septembre 1996, nous avons introduit dans le Code criminel la notion de peine d'emprisonnement avec sursis. La peine avec sursis visait un objectif qui figurait dans la réforme globale à laquelle nous procédions à l'époque, soit de rendre notre système de justice pénale non seulement plus juste, mais également plus efficient et plus efficace. Au Canada, dans l'ensemble, on note des progrès substantiels à cet égard, notamment une réduction du taux de criminalité, particulièrement des crimes violents.
J'ai souvent des discussions très animées au Comité de la justice, comme ce fut le cas lorsque je siégeais au Comité de la sécurité publique, avec mes collègues conservateurs qui, à mon avis, ne voient pas les statistiques correctement ou les déforment, ce que je trouve franchement insultant pour Statistique Canada, notamment pour Juristat qui fait de l'excellent travail. En conclusion, dans le cadre du présent débat, on ne peut invoquer le taux d'homicide. Dans 99 p. 100 des cas, un organisme ou des témoins affirment qu'une personne a été assassinée. On ne peut toutefois pas invoquer cet argument parce que, depuis 20 ou 25 ans, le taux d'homicide exprimé en termes absolus, pas uniquement en pourcentage mais en chiffres absolus, est à la baisse. Au Canada, le taux annuel maximal d'homicides à avoir jamais été enregistré était de 900. Au cours des dernières années, ce taux a baissé et se situe actuellement entre 610 et 650. Force est de constater que le taux d'homicide au Canada est à la baisse.
Pendant cette période de 25 ans, notre population a augmenté de 10, 12 ou 15 p. 100; le taux de criminalité a donc énormément baissé. Cette baisse est en partie attribuable aux changements que nous avons apportés pendant cette période, notamment en ce qui a trait aux peines avec sursis. L'idée de départ des peines avec sursis, et on la retrouve jusque dans des décisions de la Cour suprême, est qu'elles sont une forme d'incarcération. Certains observateurs, mais surtout le Parti conservateur, décrient vertement ce concept, mais les peines avec sursis sont une forme d'incarcération. Les prisonniers sont chez eux et non dans une institution, mais dans des conditions très strictes. Je crois que c'est ce que les conservateurs oublient toujours. Les conditions des peines avec sursis sont beaucoup plus strictes que celles liées à la probation ou même à la libération conditionnelle quand les prisonniers sortent des institutions fédérales.
En ce qui concerne les peines avec sursis, il ne faut pas oublier non plus qu'on ne peut les imposer, peu importe le chef d'accusation et les circonstances de l'infraction, à moins que l'officier de justice ne détermine que la peine appropriée serait de moins de deux ans. C'est ainsi que les choses fonctionnent depuis 1996, malgré certaines modifications faites il y a quelques années. Cela demeure la condition de base. Les officiers de justice doivent entendre tous les faits relatifs à l'infraction et à la détermination de la peine, puis décider que le criminel doit être incarcéré dans une institution provinciale puisque la peine d'emprisonnement doit être inférieure à deux ans. Peu importe la gravité de l'infraction, il faut que l'officier de justice impose une peine de moins de deux ans.
Comme tout le monde ici le sait, les gens qui sont condamnés à une peine de moins de deux ans purgeront leur peine dans un établissement provincial. Donc, si le projet de loi est adopté, le taux d'incarcération dont nous parlons ne viserait que les individus qui seraient envoyés dans les établissements provinciaux. Ces gens ne seraient plus admissibles à une peine avec sursis; le juge déciderait de leur incarcération. Comme c'est souvent le cas avec le gouvernement, aucune disposition n'a été prise auprès des gouvernements provinciaux pour financer toutes ces places additionnelles.
Je veux faire remarquer que le premier projet de loi sur la criminalité que les conservateurs ont présenté à la Chambre en 2006, après leur élection, a été le projet de loi , qui traitait de cette question. À l'époque, ils proposaient qu'une quarantaine de dispositions du Code criminel ne permettent plus l'admissibilité à des peines avec sursis.
Je crois qu'ils ont atteint le comble de l'hypocrisie lorsque, dans le cadre de leurs opérations de relations publiques à ce sujet, ils ont dit que les dispositions visaient des crimes graves avec violence qui n'allaient plus être admissibles. Je dois dire -- et je suis fier de moi , de mon parti et des partis de l'opposition dans ce dossier -- qu'il y avait quatre ou cinq, six articles du Code, tout au plus, qui traitaient de crimes graves avec violence. Dans certains cas il s'agissait d'agressions sexuelles, dans d'autres, de vols qualifiés avec violence; il s'agissait de crimes de ce genre.
Les partis de l'opposition ont dit que le gouvernement avait raison, que les gens qui commettaient ces crimes et qui étaient reconnus coupables ne devaient pas être admissibles à des peines avec sursis, même lorsque le juge décidait qu'ils ne devaient pas aller en prison pour plus de deux ans. Nous avons accepté cela.
Toutefois, il y a approximativement 35 autres articles du code qui n'avaient rien à voir avec les crimes violents. L'exemple que j'utilise toujours quand je parle de crimes pour lesquels nous n'aurions pas pu envisager de peines d'emprisonnement avec sursis est celui de falsification de documents testamentaires, comme un testament ou un document de fiducie. On n'aurait pas pu imposer de peines d'emprisonnement avec sursis pour ce crime. Nous pourrions parcourir la liste. Il y avait des articles sur la falsification qui n'avaient clairement rien à voir avec les crimes violents. En fin de compte, les partis de l'opposition ont enlevé ces quelque 35 articles du projet de loi, se sont occupés des articles importants et ont adopté le projet de loi. Il fait maintenant force de loi.
Il y a un autre point que nous devons soulever à propos du projet de loi parce que, même s'il ne sera pas rejeté en bloc, il sera abrogé si le projet de loi est adopté. Au début de l'étape de l'étude en comité du projet de loi C-9, j'ai demandé au ministère de la Justice de me dire et de dire au comité combien d'autres personnes seraient placées en détention. À l'époque, il y avait 12 000 personnes en détention, ce qui n'est pas grandement inférieur au nombre actuel. Si le projet de loi C-9 avait été adopté sous la forme proposée par le gouvernement, 5 000 personnes de plus auraient été incarcérées chaque année dans nos établissements provinciaux.
Ce que je veux dire — et nous le constatons encore lorsque nous voyons le et le se présenter devant leur comité respectif — c'est qu'ils ne le savent pas et, s'ils le savent, ils occultent ce qui est en fait la réalité. À l'époque, les deux ministres ont témoigné devant le Comité de la justice et ni l'un ni l'autre ne savait, jusqu'à ce que nous dénichions cette information au ministère de la Justice, combien de personnes allaient être incarcérées. Mais ils étaient assez disposés à aller de l'avant et à faire adopter ce type de mesure législative pour des infractions qui correspondent exactement à la raison pour laquelle nous avons commencé à infliger des peines conditionnelles. Ils allaient en exclure le recours et n'avaient aucune idée du nombre de personnes qui allaient être incarcérées.
Nous voyons le même phénomène cette fois-ci. Peut-être pas avec le rapport qui va paraître cette semaine du bureau du directeur parlementaire du budget sur le coût de l'un des autres projets de loi qui a franchi toutes les étapes à la Chambre et qui a été promulgué, mais je m'attends encore à ce que le comparaisse devant le Comité de la justice, en supposant que le projet de loi y sera renvoyé, et nous dise « Ne vous en faites pas. Réjouissez-vous. Il y a suffisamment d'espace dans nos établissements de détention pour accueillir toutes les personnes supplémentaires qui vont y aboutir. »
S'il dit cela, il va le dire en toute ignorance, parce que nous savons — et nous l'avons entendu de mon collègue du Bloc — que tous les établissements provinciaux, sans exception, dans les dix provinces et les trois territoires, sont surpeuplés.
Nous avons une responsabilité internationale. Nous avons signé des protocoles internationaux nous engageant à ne pas pratiquer la double occupation. Nous les avons signés. C'est un traité dans lequel notre pays s'est engagé et pas une seule province n'y adhère.
Nous pratiquons la double et dans bien des cas la triple occupation des cellules et nous le faisons de plus en plus dans les institutions fédérales. Nous violons ainsi les engagements internationaux que nous avons pris avec d'autres pays.
J'aimerais souligner un autre point sur le recours à cette pratique, et je reviens encore au syndrome de la porte tournante dont mon collègue a parlé. Je voudrais soulever la question de la récidive. Les statistiques démontrent, et ce depuis au moins les dix dernières années, que lorsqu'une personne est condamnée à un emprisonnement avec sursis, au cours de la première année, puisque c'est là la comparaison que nous faisons, le taux de récidive est de 11 p. 100, c'est-à-dire qu'un autre crime est alors commis. Je dois dire que dans la grande majorité de ces cas, il ne s'agit pas réellement d'un crime, mais plutôt d'une violation des conditions imposées. Dans les 89 p. 100 des autres cas, les délinquants ont respecté les conditions qui leur avaient été imposées. Ils respectent la loi et ne commettent pas d'autres crimes.
M. Stephen Woodworth: Ils ne se font pas prendre.
M. Joe Comartin: Le député affirme qu'ils ne se font pas prendre. Regardons un peu qui sont ceux qui se font prendre.
Si l'on prend le même bassin de population, mais qu'on regarde ceux qui ont été incarcérés afin d'évaluer ce qui leur est arrivé au cours de leur première année de liberté, nous voyons que 30 p. 100 d'entre eux sont arrêtés et accusés d'autres crimes. Là encore, il s'agit dans certains cas de violations des conditions imposées, mais il y a aussi de nouveaux crimes. C'est la réalité. En regardant à plus long terme, on se rend compte que le taux de récidive est même pire pour ceux qui ont été incarcérés. Le taux va même au-delà des 11 à 30 p. 100. C'est donc un outil efficace.
Il ne fait aucun doute qu'il y a des crimes pour lesquels on ne devrait pas avoir recours à de telles mesures et il y en a en fait quelques-uns qui sont mentionnés dans le projet de loi. C'est pour cette raison, et pour cette raison seulement, que nous appuierons le renvoi du projet de loi au comité. Nous avons la ferme intention de rayer les passages répréhensibles.
Permettez-moi de dire quelques mots sur ces passages. Je sais qu'on a parlé plus tôt aujourd'hui du manque de respect dont le gouvernement fait régulièrement preuve envers l'organisation judiciaire, et ce projet de loi en est un autre exemple.
Il y a quelques articles dans ce projet de loi qui feraient passer le pouvoir discrétionnaire de l'organisation judiciaire à l'organisation de la poursuite. Cela voudrait dire qu'un procureur pourrait décider qu'une personne devrait être accusée d'une certaine infraction et qu'il aurait aussi le droit de choisir de procéder par voix de mise en accusation, qui est la façon la plus grave, ou par voie de déclaration sommaire de culpabilité. Si le procureur devait décider de procéder par voie de mise en accusation, le juge se verrait alors retirer cet outil de sa boîte à outils. Il ne pourrait plus y faire appel, simplement à cause de cette décision. Le juge pourrait en fin de compte décider de ne pas envoyer la personne dans un pénitencier fédéral et de ne pas la condamner à une peine d'emprisonnement de plus de deux ans, mais il ne pourrait tout de même pas avoir recours à une peine d'emprisonnement avec sursis, tout simplement en raison de cette décision prise par le procureur.
Notre système ne devrait pas fonctionner de cette façon. Il ne fonctionnait pas ainsi autrefois. Nous avons fait confiance à nos juges. Je le répète, comme je l'ai fait à maintes et maintes reprises à la Chambre, que nous avons tout à fait le droit d'être fiers, en tant que législateurs et citoyens canadiens, sachant que nous avons un des meilleurs systèmes judiciaires au monde. Je ne crois pas qu'il en existe de meilleur dans le monde. Il y en a peut-être un ou deux qui soient équivalents au nôtre. Toutefois, si nous adoptions le projet de loi, nous éliminerions ce pouvoir discrétionnaire prévu dans ces deux dispositions en particulier.
Il y a d'autres dispositions dans ce projet de loi selon lesquelles, dans certains cas, et je dirais dans la majorité des cas, les peines d'emprisonnement avec sursis devraient clairement s'appliquer. Si un juge décide qu'il n'impose pas une peine de plus de deux ans dans certains cas, il devrait toujours avoir la possibilité d'imposer une peine avec sursis. J'y reviendrai plus en détail au comité.
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Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole pour appuyer le projet de loi . Ce projet de loi mettrait fin à la détention à domicile de contrevenants violents et dangereux ayant commis des crimes contre les biens ou d’autres crimes graves.
Je suis heureux d'apprendre que le NPD votera pour renvoyer ce projet de loi au comité. Je suis convaincu que le comité, présidé par le député d', fera de l'excellent travail dans le cadre de son étude de ce projet de loi.
Le projet de loi porte sur les peines avec sursis, ce que l'on appelle également la détention à domicile. La question n'est pas nouvelle et elle a fait l'objet de débats à la Chambre au cours des dernières années. Même si ce débat est encore frais dans notre mémoire, on ne semble pas comprendre le fonctionnement et les principes de détermination de la peine au pays dans des affaires criminelles, et le vrai rôle des options en matière de peines, y compris les peines avec sursis. Ce sera donc le sujet de mon intervention.
J'ai compris au cours de mes années passées à la Chambre, comme le démontre la nature du débat sur divers aspects du programme du gouvernement en matière de lutte contre la criminalité, que même si les gens critiquent largement le régime de détermination des peines, très peu en comprennent le fonctionnement.
Les critiques fondées sur des perceptions erronées ou des incompréhensions ne font pas grand-chose pour favoriser une discussion sérieuse sur une question sérieuse. En toute justice, je dois reconnaître que la complexité du droit criminel moderne y est pour quelque chose. Il faut tout prévoir, des voies de fait simples jusqu'au crime commercial complexe en passant par les actes de terrorisme, sans oublier la cybercriminalité commise au moyen de la technologie de pointe.
Ce problème est attribuable également, en partie, à la nature du régime de détermination de la peine établi par le Code criminel, qui prévoit une longue liste d'objectifs et de principes auxquels se sont ajoutées des décisions juridiques complexes de tribunaux de différents niveaux aux quatre coins du pays.
On comprend aisément que ceux qui, comme moi, n'ont pas de formation en droit peuvent trouver difficile de comprendre des éléments précis d'une proposition de modification du Code criminel comme celle dont la Chambre est saisie aujourd'hui.
Pourtant, en tant que législateurs, notre rôle est de venir à bout de cette complexité, de relever le défi et de nous assurer de comprendre quelles sont les lacunes actuelles de la loi et quelles améliorations représentent les changements proposés, dont nous discutons, pour assurer l'efficacité du régime global de détermination de la peine.
Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de .
Pour vraiment comprendre les lacunes actuelles des conditions d'octroi du sursis et le problème essentiel que le projet de loi vise à corriger, nous devons comprendre pourquoi les peines avec sursis ont été conçues à prime abord.
En bref, une peine avec sursis est une peine de moins de deux ans qu'un juge permet au contrevenant de purger dans la collectivité à certaines conditions. Un manquement à ces conditions conduit tout droit le contrevenant en prison.
Je peux comprendre que le Canadien moyen soit étonné par la notion de peine avec sursis, et qu'il y voie parfois une contradiction.
La peine avec sursis est une forme de punition, mais elle n'est pas facile à catégoriser, parce qu'elle chevauche les notions d'emprisonnement et de probation. Elle a même, dans certains cas, les caractéristiques de la libération conditionnelle.
Ce n'est pas l'emprisonnement puisque, si les contrevenants respectent toutes les conditions qui leur sont imposées, ils ne passent pas une seule journée en prison, quelle que soit la nature de l'infraction commise. Ce n'est pas une probation, parce qu'une probation est généralement imposée dans le cas d'une sentence suspendue. Les mesures de surveillance sont différentes et plus difficiles à réaliser que celles d'une peine avec sursis.
Comme son nom l'indique, une peine d'emprisonnement avec sursis prend la forme d'une peine. De la même façon, une peine d'emprisonnement avec sursis n'est pas une libération conditionnelle puisque le contrevenant n'est pas libéré après avoir purgé une période appropriée de temps dans une prison ou un établissement pénitentiaire sous l'autorité de notre système correctionnel canadien. Ce sont les tribunaux chargés de déterminer la peine, et non la commission des libérations conditionnelles, qui usent de leur pouvoir discrétionnaire pour imposer une peine avec sursis au lieu d'une peine d'emprisonnement.
En rétrospective, il est évident, d'après les déclarations du ministre parrain en 1994 et d'après les décisions judiciaires ultérieures, comme la décision de la Cour suprême du Canada dans l'affaire R. c. Proulx, que les peines d'emprisonnement avec sursis ont été créées comme solution de rechange à l'emprisonnement et comme moyen de réduire le taux d'incarcération du Canada. Le NPD l'a mentionné à la Chambre cet après-midi.
Bien que cela soit un objectif louable, il ne peut pas empêcher la protection de la société d'être le principe directeur ou réduire le droit de la société de dénoncer les actes particulièrement odieux et de punir les personnes qui ont commis ces actes.
Cela m'amène au point principal que je veux soulever à propos des peines avec sursis. Avant les plus récentes modifications apportées par le gouvernement aux peines avec sursis en 2006, il existait quatre critères pour une ordonnance de sursis. Premièrement, la peine devait être de moins de deux ans. Deuxièmement, la personne devait démontrer qu'elle n'était pas considérée comme un danger à la société ou à la collectivité. Troisièmement, il n'y avait pas de peine minimale obligatoire d'emprisonnement. Quatrièmement, la peine d'emprisonnement avec sursis devait être compatible avec les objectifs et les principes fondamentaux de la détermination de la peine.
Ces critères amplifiaient le pouvoir discrétionnaire des juges. En fait, depuis le début, des critiques ont fait valoir de façon raisonnable que le Parlement accordait aux juges un pouvoir discrétionnaire trop vaste dans les premières années du régime des peines d'emprisonnement avec sursis. Par exemple, en ce qui concerne le premier et le deuxième critères, la plupart des peines imposées actuellement au Canada sont des peines de moins de deux ans et, parmi toutes les infractions au Code criminel, un très petit nombre est assorti de peines minimales obligatoires.
Initialement, pour satisfaire le troisième critère, le juge qui déterminait la peine devait être convaincu que le coupable pouvait purger sa peine dans la communauté sans mettre en danger la sécurité de la collectivité. Toutefois, aucune directive n'aidait le juge à appuyer son évaluation. Le quatrième critère ne fournissait pas d'orientation adéquate quant à l'imposition de l'emprisonnement avec sursis. L'objet et les principes de détermination de la peine font intervenir une multitude de considérations philosophiques, car ils exigent des juges qui déterminent les peines qu'ils établissent un équilibre entre, d'un côté, la dénonciation, la dissuasion et l'incarcération et, de l'autre, les objectifs de réinsertion sociale, de réparation des torts causés et le développement d'une conscience sociale chez les contrevenants. Cette responsabilité incombait à la magistrature.
Les deux premiers critères illustrent ce que bon nombre reprochait de façon radicale à la première mouture du régime des peines d'emprisonnement avec sursis, qui mettait l'accent sur la longueur de la peine plutôt que sur la nature de l'infraction, sur la personnalité et le casier judiciaire du contrevenant plutôt que sur les conséquences de l'infraction sur la victime.
Il était manifeste, dans la première mouture du régime des peines d'emprisonnement avec sursis, qu'on ne jugeait pas approprié d'exclure explicitement les crimes particulièrement odieux tels que les agressions sexuelles contre des enfants. Dans de tels cas, la nature répugnante de l'infraction, la personnalité du contrevenant et les conséquences pour la victime auraient dû être des considérations extrêmement importantes permettant d'interdire systématiquement les peines d'emprisonnement avec sursis.
Il n'y a donc rien d'étonnant à ce que les peines d'emprisonnement avec sursis aient posé des difficultés aux juges. La chose leur fut encore plus pénible lorsque la Cour suprême, dans sa décision dans l'affaire R. c. Proulx, a semblé adhérer à l'idée selon laquelle il ne devrait y avoir aucune présomption judiciaire pour ou contre le recours à l'emprisonnement avec sursis quelle que soit la catégorie d'infraction. En fait, la décision dans l'affaire Proulx n'a fourni que peu d'indications aux juges qui déterminent les peines, et la Cour suprême n'a pas semblé avoir une approche cohérente à l'égard des peines avec sursis. En effet, dans quatre décisions portant sur des peines avec sursis qu'elle a rendues à l'époque de sa décision dans l'affaire Proulx, la Cour suprême a fait ressortir l'apparent manque de consensus judiciaire sur ces questions.
Je constate que j'ai épuisé la période de temps qui m'a été allouée. Je suis ravi que le gouvernement ait présenté cette mesure. Nous avons fait la même démarche dans le projet de loi . Nous l'avons faite à d'autres reprises à la Chambre. Nous avons débattu de cette question lors de précédentes législatures. J'espère que le projet de loi sera adopté sans tarder, renvoyé au comité, où il sera étudié, puis renvoyé à la Chambre. Cette mesure fera du Canada un endroit plus sûr, un meilleur endroit pour tous.
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Monsieur le Président, les peines avec sursis peuvent être imposées depuis plus de 13 ans avec la promulgation, en 1996, du projet de loi C-41 sur la réforme de la détermination de la peine, qui constitue le chapitre 22 des Lois du Canada de 1995. À l'origine, l'objectif des peines avec sursis était de protéger le public en isolant de la société les auteurs des crimes les plus graves et en permettant aux auteurs de crimes mineurs de purger leur peine dans la collectivité, en autant qu'ils respectent certaines conditions appropriées.
Les peines d'emprisonnement avec sursis devaient constituer une option intermédiaire entre la probation et l'incarcération de façon à ce que les contrevenants ayant commis des infractions mineures puissent demeurer dans la collectivité selon des conditions très strictes: l'emprisonnement devait être de moins de deux ans, le tribunal devait être convaincu que le fait de purger la peine au sein de la collectivité ne mettrait pas en danger la sécurité de celle-ci et l'infraction ne devait pas être punissable par une peine minimale d'emprisonnement.
En 1997, une modification a été apportée afin d'ajouter l'exigence voulant que le tribunal soit convaincu que l'attribution d'une peine avec sursis est conforme aux principes fondamentaux de la détermination de la peine, établis dans les articles 718 à 718.2 du Code criminel.
En 2000, la Cour suprême du Canada a jugé dans R. c. Proulx que le tribunal devait d'abord conclure qu'une peine d'emprisonnement de moins de deux ans était appropriée avant d'examiner la question de savoir si la peine pouvait être purgée dans la collectivité aux termes d'une ordonnance de sursis. Autrement dit, le tribunal devait estimer qu'une ordonnance de probation ou une amende ne sanctionnerait pas suffisamment la gravité de l'infraction et le degré de responsabilité du contrevenant.
De plus, il ne serait pas nécessaire de fixer une peine de pénitencier pour le faire et une peine d'emprisonnement de moins de deux ans serait appropriée. Une fois cette décision prise, le tribunal devrait alors décider si la peine d'emprisonnement de moins de deux ans peut être purgée dans la collectivité, compte tenu des autres conditions prévues dont j'ai parlé plus tôt, la sécurité de la collectivité notamment.
Au fil des ans, des ordonnances de sursis douteuses ont entraîné une certaine perte de confiance du public dans ce type de peine et, par conséquent, dans l'administration de la justice.
Un certain nombre d'observateurs, dont des homologues provinciaux et territoriaux, se sont inquiétés du fait qu'une vaste gamme d'infractions pouvaient donner lieu à des peines d'emprisonnement avec sursis. Lorsque notre gouvernement est arrivé au pouvoir, en 2006, il nous est clairement apparu qu'il fallait apporter d'autres restrictions à l'usage des peines d'emprisonnement avec sursis. Nous avons répondu à ces préoccupations en déposant le projet de loi , le 4 mai 2006. Il a été renvoyé au Comité de la justice un mois plus tard seulement, soit le 6 juin 2006.
Sous sa forme initiale, le projet de loi proposait de supprimer l'emprisonnement avec sursis pour les infractions poursuivies par mise en accusation et passibles d’une peine maximale d’emprisonnement de dix ans ou plus. Le gouvernement était d'avis, et il l'est toujours, que les infractions poursuivies par mise en accusation et punissables par une peine d'emprisonnement maximale de 10, 14 ans ou à perpétuité étaient des infractions graves qui ne devraient pas pouvoir déboucher sur une ordonnance de sursis. C'est ce que pense le gouvernement, même si le tribunal estime finalement qu'une peine d'emprisonnement de moins de deux ans convient aux circonstances de l'infraction et au degré de responsabilité du contrevenant.
Dans sa version initiale, le projet de loi aurait ciblé des crimes graves, notamment les infractions relatives aux armes, les infractions contre les enfants et les crimes graves contre la propriété. Toutefois, les députés de l'opposition pensaient que la portée du projet de loi C-9 était trop vaste en limitant les peines d'emprisonnement avec sursis et l'ont amendé de manière à ce qu'elle ne s'applique qu'aux infractions de terrorisme, aux infractions d'organisation criminelle et aux infractions constituant des sévices graves à la personne au sens de l'article 752 du Code criminel, qui sont passibles d'une peine maximale d'emprisonnement de dix ans ou plus et donnant lieu à des poursuites par mise en accusation.
Cette approche ressemble à celle du projet de loi , que le gouvernement précédent avait présenté à l'automne 2005, mais qui est mort au Feuilleton lors du déclenchement des élections générales. Les amendements au projet de loi ont donné de curieux résultats. D'abord, les amendements de l'opposition au projet de loi ont engendré une situation où les infractions passibles d'une peine d'emprisonnement maximale de 14 ans ou de la prison à vie ne sont pas toutes considérées comme des crimes graves. J'aimerais rappeler aux députés que ce sont les peines maximales les plus lourdes qui sont prévues dans le Code.
Les amendements apportés au projet de loi ont aussi eu pour conséquence de ne pas exclure les infractions prévues dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, sauf si elles étaient commises par des membres d'une organisation criminelle. Par conséquent, la production, l'importation et le trafic d'une substance inscrite à l'annexe 1, comme l'héroïne, ne seraient pas exclus et toute personne reconnue coupable de ces crimes serait admissible à une peine d'emprisonnement avec sursis. Cependant, et les députés sont au courant, le gouvernement a proposé des peines minimales obligatoires pour les infractions graves liées à la drogue. Par conséquent, quand cette mesure législative sera promulguée, et ce sera bientôt le cas, j'espère, je pense que les auteurs de ces infractions ne seront plus admissibles à des peines d'emprisonnement avec sursis.
Jusqu'à l'entrée en vigueur du projet de loi , le 1er décembre 2007, les tribunaux de détermination de la peine devaient simplement interpréter les infractions constituant des sévices graves à la personne pour déterminer si elles répondaient aux critères justifiant l'application d'une désignation de délinquant dangereux ou à contrôler parce que ces infractions étaient seulement définies relativement aux dispositions concernant les délinquants dangereux et à contrôler. Depuis l'entrée en vigueur du projet de loi , les tribunaux ont plus de mal à interpréter les infractions constituant des sévices graves à la personne dans le contexte des condamnations avec sursis.
Dans l'affaire Ponticorvo, en 2009, la Cour d'appel de l'Alberta est revenue sur la décision qu'elle avait prise dans l'affaire Neve, en 1999, dans laquelle elle s'était fondée sur la définition d'une infraction constituant des sévices graves à la personne dans le contexte des dispositions relatives aux délinquants dangereux. Dans cette affaire, le tribunal a décidé que, aux termes de l'article 752, il fallait que l'infraction en cause soit objectivement grave. Cependant, dans le contexte des peines avec sursis, la Cour d'appel avait déterminé qu'il ne fallait pas établir la gravité objective de l'infraction si celle-ci impliquait l'emploi, ou une tentative d'emploi, de la violence. Autrement dit, elle a décidé qu'il serait plus facile pour la Couronne d'établir qu'une infraction constituait des sévices graves à la personne dans le contexte d'une peine avec sursis que dans celui d'un délinquant dangereux.
S'il s'agit là d'une interprétation appropriée, il y a toutefois eu des cas qui ne respectent pas la décision de la Cour d'appel de l'Alberta et qui continuent à appliquer les directives mises au point dans le cas des délinquants dangereux afin de déterminer si l'infraction en cause porte sur des sévices graves à la personne.
Il y a autre chose qui soulève des inquiétudes au niveau de la définition d'une infraction constituant des sévices graves à la personne, et c'est le fait que des personnes reconnues coupables de crimes graves contre les biens seront toujours admissibles à une peine avec sursis. Nous connaissons bien les effets dévastateurs de la fraude; des faits récents nous les ont remis en mémoire. Des personnes victimes de fraudes, qui ont perdu toutes leurs économies, ont demandé que des peines plus strictes soient infligées dans ce cas-là. C'est difficile de ne pas être d'accord, étant donné que la personne reconnue coupable de fraude, une infraction faisant l'objet d'une peine maximale de 14 ans, est toujours admissible à une peine avec sursis, et ce, en dépit des modifications proposées dans le projet de loi . Pour moi, et je pense pour beaucoup de Canadiens, il est évident que les conditions d'admissibilité à des peines d'emprisonnement avec sursis dans le cas de crimes graves, de crimes avec violence et de crimes graves contre les biens doivent être plus claires et plus constantes.
C'est pour ces raisons que le projet de loi prévoit supprimer, à l'article 742.1, le renvoi aux infractions constituant des sévices graves à la personne et interdire le sursis pour toutes les infractions passibles d'une peine maximale d'emprisonnement de quatorze ans. Les infractions de fraude et de nombreuses infractions ne pourraient plus faire l'objet de sursis.
Le projet de loi prévoirait clairement que les criminels reconnus coupables d'une infraction faisant l'objet de poursuites par voie de mise en accusation, d'une infraction passible de dix années d'emprisonnement, d'une infraction dont la perpétration entraîne des lésions corporelles, d'une infraction qui met en cause l'importation, l'exportation, le trafic ou la production de drogues et d'une infraction qui met en cause l'usage d'une arme ne seront pas admissibles à l'emprisonnement avec sursis.
J'espère que tous les députés appuieront le projet de loi. Il est important qu'il soit adopté pour mieux contrôler le recours aux peines d'emprisonnement avec sursis.
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Monsieur le Président, je suis enchanté de pouvoir prendre la parole au sujet du projet de loi .
Il faut d'abord que je dise que je suis fier d'avoir siégé au Comité de la justice lorsqu'on a limité la portée du projet de loi C-9. Nous en avons retiré les infractions mineures, pour lesquelles l'emprisonnement n'est pas toujours justifié, parce que cela aurait eu un effet préjudiciable sur la sécurité de notre société. Il y avait des dispositions ridicules dans ce projet de loi. L'opposition en fait quelque chose de beaucoup plus sensé.
Comme les députés l'ont entendu tout le long de l'après-midi, j'ai posé des questions très simples à propos du projet de loi. On présente normalement un projet de loi en réponse à un grand scandale ou à un problème. j'ai demandé à chacun des ministériels de me donner des exemples de mauvais fonctionnement justifiant une telle modification. Ni le secrétaire parlementaire ni le ministre ni aucun autre ministériel qui est intervenu n'a pu me répondre.
Un député bloquiste a déjà déclaré qu'il existe des centaines et des milliers d'exemples de cas où des peines avec sursis avaient donné de bons résultats à l'égard de certaines des infractions mineures visées par le projet de loi. Personne ne conteste l'opportunité de l'interdire à l'égard de certaines infractions graves. Toutefois, ne pourrait-on pas préserver cette possibilité à l'égard de certaines des infractions mineures? On ne nous donne ni réponses ni exemples.
J'ai également demandé pourquoi, dans la mesure où les statistiques ont prouvé que les peines avec sursis étaient plus efficaces pour à réduire le récidivisme, assurer la sécurité des victimes et des autres Canadiens et faire en sorte que, lorsqu'une personne sort de prison, elle est moins tentée de commettre d'autres crimes, on voudrait tout changer? Pourquoi imposer des limitations qui s'appliqueraient aux cas les moins graves?
Tout à l'heure, l'un des intervenants a rappelé que la décision d'imposer une peine avec sursis ne se prenait pas à la légère. La recherche nous apprend qu'en moyenne, les juges donnent de 11 à 13 motifs pour justifier les peines qu'ils imposent. On parle ici de juges qui ont passé leur vie au sein du système de justice pénale, qui comprennent la situation et qui savent ce qui est susceptible de fonctionner et d'assurer la sécurité des Canadiens. Ce n'est qu'alors qu'ils peuvent s'opposer à ces peines.
Pourquoi les conservateurs sont-ils incapables de donner des exemples? Peut-être est-ce parce que les juges qui ont autant d'expérience n'imposent pas de peines avec sursis. Dans bien des cas, ils prennent la bonne décision et choisissent de ne pas imposer de peine avec sursis dans les affaires les plus graves, ce que prévoirait le projet de loi. Le simple fait que celui-ci les empêche d'imposer des peines avec sursis ne veut pas dire qu'ils se prévalent actuellement de cette option.
Pour bien des crimes graves, les juges ne songent même pas aux peines avec sursis. C'est l'une des raisons pour lesquelles les gens ont tant de mal à donner des exemples de situations où les choses ont mal tourné mais qui font qu'il leur vient tout de suite à l'esprit un grand nombre d'exemples de réussite.
Pour connaître quelques-uns de ces exemples de réussite, j'invite les gens à assister aux réunions de l'instance responsable de la justice réparatrice à Ottawa ou à consulter l'ouvrage de M. Doob. Je mets au défi n'importe quel député conservateur qui ne croit pas aux peines avec sursis de le faire et de venir nous dire ensuite qu'il n'a pas changé d'avis. De nombreuses peines avec sursis ont eu d'énormes répercussions positives pour la société et pour la protection des victimes et des Canadiens.
Les députés font preuve d'une mauvaise compréhension de la situation. C'est particulièrement vrai des allocutions de certains conservateurs. Le fonctionnement du système est souvent mal compris. L'un des députés conservateurs a même dit que les gens qui purgent une peine avec sursis ne font rien d'autre que regarder la télévision. En prison aussi, ils regardent beaucoup la télé. Les peines avec sursis ne se résument pas qu'à ça. Ce n'est certainement pas la seule raison qui en explique le succès, en tout cas.
Il y a un grand nombre d'éléments de la réadaptation qui peuvent aider, mais qui ne sont pas offerts lorsqu'une personne est sous probation. Il y a moyen de durcir le ton à l'endroit des criminels tout en les aidant à ne pas récidiver. Chose certaine, la société n'en serait que plus sûre pour les victimes, qui ne courraient pas le risque d'être à nouveau victimes. C'est beaucoup plus facile d'assurer la sécurité des Canadiens quand les criminels ne récidivent pas.
La grande majorité des délinquants sont remis en liberté. Nous devons prendre les moyens nécessaires pour éviter que, quand ils sont libérés, ils récidivent et pour assurer notre sécurité. Les investissements dans la réadaptation sont essentiels.
Lorsque je visite les prisons, les détenus me disent qu'ils n'obtiennent pas les services de gestion de la colère dont ils ont besoin, pas plus qu'ils n'ont accès à des programmes de désintoxication. Enfin, on ne leur fournit pas les services de rééducation nécessaires pour les préparer en vue de leur libération, en vue de leur réintégration dans la société. Tout le monde serait beaucoup plus en sécurité s'ils pouvaient profiter de ces services.
Comme certains députés l'ont mentionné au début de ce débat, nous devons investir dans les causes fondamentales de la criminalité et dans les mesures de prévention du crime. Il a déjà été dit que certains crimes mineurs étaient commis quand les choses allaient mal ou quand la situation familiale du délinquant était mauvaise. Une telle personne ne devrait pas être jetée en prison. Évaluer les antécédents et trouver la cause de ces crimes permettrait de désamorcer la situation avant même d'en arriver à la détermination d'une peine quelconque.
Le gouvernement devrait continuer d'investir dans la Stratégie relative à la justice applicable aux Autochtones. Je dois reconnaître que le gouvernement a prolongé le financement à cet égard pour un ou deux ans, mais nous aimerions que ce financement soit rendu permanent. Dans le cadre de ce système, des personnes qui travaillent dans le domaine de la justice réparatrice conseillent les contrevenants et obtiennent des résultats concluants réduisant la récidive et, parfois même l'éliminant. C'est presque comme si on n'approuvait pas le financement pour les juges tous les deux ans. Cette stratégie devrait être rendue permanente. Le gouvernement pourrait sans doute continuer à y investir.
Je vais dire quelques mots au sujet du processus d'élaboration des politiques ou de la façon dont le gouvernement prépare les projets de loi que j'ai eu l'occasion d'étudier à l'époque où je siégeais au Comité de la justice, le projet de loi par exemple.
Lorsque nous avons tenu des audiences à Toronto, la population nous a dit que le système avait été mis sans dessus-dessous. Le processus normal d'élaboration d'une politique fait intervenir des experts. Dans ce cas-ci, les experts provenaient du ministère de la Justice, c'est-à-dire qu'il s'agissait de gens qui ont passé une bonne partie de leur vie à rechercher des moyens de permettre aux Canadiens de vivre plus en sécurité grâce à des lois efficaces.
En l'occurrence, on nous a dit que la directive provenait d'en haut. Tous les éléments de preuve et les données scientifiques ont été mis de côté. Le projet de loi ne s'appuie sur aucun élément de preuve. Les experts nous ont dit ce qui permettrait de réduire le taux de criminalité et d'accroître le niveau de sécurité de la population. Cependant, pour une raison ou une autre, le gouvernement a présenté des mesures législatives totalement inefficaces qui risquent de soumettre les Canadiens à un plus grand danger encore. De très nombreux témoins et les experts entendus par le comité ont présenté la même position. C'est pourquoi, quelques lois, comme le projet de loi C-9, ont été rejetées ou modifiées pour devenir plus raisonnables et rationnelles.
Nous aimerions que le projet de loi soit renvoyé à un comité pour pouvoir limiter la situation aux cas où une peine avec sursis est raisonnable. On nous a donné aujourd'hui des exemples de cas qui devraient se retrouver dans le projet de loi et d'autres cas qui ne devraient pas y être, mais le débat devra se faire en comité.
On peut espérer qu'au moment de l'étude en comité, les députés ministériels, qui auront environ deux années d'expérience de plus, écouteront plus attentivement les experts, qu'ils comprendront ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas et que nous pourrons parvenir à un compromis d'où émergera un projet de loi améliorant la sécurité des Canadiens grâce à des processus de justice réparatrice efficaces, à de nouveaux processus nous faisant abandonner des milliers d'années d'échecs attribuables à des peines d'emprisonnement qui produisent des criminels plus endurcis et qui rendent la société moins sûre.
On a dit que le projet de loi constituerait une mesure dissuasive, mais l'opposition n'est pas de cet avis et les experts ont confirmé que c'était une fausseté. Ce n'est pas ce que pensent la majorité des criminels. Les changements proposés ne constitueraient pas un dissuasif. Il a été démontré que ce qui constitue un dissuasif, c'est l'idée que l'on se fera prendre. Si nous voulons dissuader les criminels de commettre des crimes, il faut augmenter le nombre de policiers, multiplier les mesures de surveillance et répandre la certitude que les criminels se feront prendre. Changer les peines comme on le propose dans le projet de loi n'a aucun effet dissuasif.
Il faut que les juges puissent prendre les bonnes décisions, mais si on limite leurs options, ils imposeront plus de probations et de sentences suspendues, ce qui fera de la société un endroit plus dangereux. Dans ces circonstances, on ne peut pas se fier à la même liste de conditions. Comme je l'ai déjà dit, dans le cadre d'une peine avec sursis, le tribunal peut imposer au contrevenant des conditions pour lui permettre de se réhabiliter, et pour ne pas qu'il récidive ou qu'il reste assis dans une cellule à apprendre comment commettre d'autres crimes. Cela serait impossible si on limitait les options des juges. Ils ne pourraient pas faire cela.
Un peu comme nous tous, les gens ne le comprennent pas très bien. Il y a des peines avec sursis qui ont entraîné de bons résultats et d'autres qui ont été assorties de conditions difficiles. Il y a des cas de justice réparatrice à Ottawa qui ont été couronnés de succès. D'Ottawa à ma circonscription, la plus éloignée au pays, il y a eu des cas très réussis de justice réparatrice. Lorsqu'on crée un projet de loi comme celui-ci, on doit s'assurer de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Il ne faut pas ignorer les exemples de réussite en tentant de limiter les crimes qui, comme je l'ai déjà dit et comme nous avons déjà convenu, doivent être limités, ainsi que le type de peines que l'on peut imposer.
Si on veut que les juges améliorent la sécurité de notre société, on doit leur donner les outils nécessaires. Ce sont eux qui entendent la preuve, qui comprennent la situation des accusés, les circonstances du crime et la raison pour laquelle le crime a été commis. Ils savent, grâce à leur vaste expérience au sein du système de justice pénale, ce qui fonctionne le mieux avec certaines personnes ou dans certains cas et ce qui permet à la société d'être plus en sécurité. Pour cela, ils ont besoin d'outils. Pourquoi, en tant que parlementaires, voudrait-on limiter les outils qui leur permettraient de prendre les meilleures décisions possible? Dans certains cas, ils pourraient utiliser plus d'un outil simultanément. Pourquoi voudrait-on limiter les outils et, par le fait même, les résultats positifs du système de justice pénale?