ETHI Rapport du Comité
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Exclusions et Exceptions : Étude sur L’article 68.1 de la Loi sur l’accÈs À L’Information et Les poursuites concernant Radio-Canada qui en dÉcoulentCONTEXTELe 20 septembre 2011, le Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique de la Chambre des communes (le Comité) a adopté la motion suivante : Que le Comité convoque des témoins pour entendre leur témoignage au sujet du conflit relatif à l’accès à l’information et des poursuites concernant la Société Radio-Canada qui en découlent. Entre octobre et novembre 2011, le Comité a entendu les témoignages de divers intervenants, entre autres la commissaire à l’information du Canada, le président-directeur général de CBC/Radio-Canada, le président et chef de la direction de Quebecor Média inc., le président du Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) et des universitaires, sur les pratiques de la Société Radio-Canada (SRC) en matière d’accès à l’information et sur l’exclusion prévue à l’article 68.1 de la Loi sur l’accès à l’information concernant les activités de création, de programmation ou de journalisme de la SRC. Le 2 novembre 2011 le Comité a également adopté la motion suivante : Qu’afin de recenser et d’évaluer les exclusions éventuelles, le Comité ordonne la production des documents suivants, conformément au paragraphe 108(1) du Règlement :
Le 14 novembre 2011, Radio-Canada a remis des documents au Comité, certains sous pli cacheté, pour donner suite à l’ordre de produire des documents en date du 2 novembre. Le 23 novembre 2011, la Cour d’appel fédérale a rendu sa décision dans l’affaire Société Radio-Canada c. Commissaire à l’information (2011 FCA 326), maintenant la conclusion de la Cour fédérale, selon laquelle la commissaire détient, en vertu de l’article 68.1 de la Loi sur l’accès à l’information, la compétence d’ordonner à la SRC de communiquer des documents, incluant ceux qui, de l’avis de la SRC, se rapportent à des activités de journalisme, de création ou de programmation, afin de déterminer si ces documents tombent sous le coup de l’exception et partant s’ils sont assujettis à l’exclusion[1]. Le 24 novembre 2011, le Comité a convenu que son greffier rendrait à Radio-Canada l’enveloppe cachetée se trouvant dans les documents qu’il lui avait ordonné de remettre le 2 novembre 2011 et qu’il se pencherait sur les documents restants lors de l’une de ses réunions à huis clos. ASSUJETTISEMENT DE LA SRC À LA LOI SUR L’ACCÈS À L’INFORMATIONLa Loi fédérale sur la responsabilité (la LFR), adoptée en 2006, a modifié la Loi sur l’accès à l’information (la LAI) afin d’y assujettir plus d’une soixantaine d’institutions fédérales, dont plusieurs sociétés d’État telles que Radio-Canada, Postes Canada et Via Rail. Cette modification est entrée en vigueur le 1er septembre 2007. La LFR a également créé une exclusion à l’article 68.1 de la LAI s’appliquant spécifiquement à certaines informations détenues par la SRC. Cette disposition se lit comme suit : La présente loi ne s’applique pas aux renseignements qui relèvent de la Société Radio-Canada et qui se rapportent à ses activités de journalisme, de création ou de programmation, à l’exception des renseignements qui ont trait à son administration[2]. Dans son premier rapport sur l’application de la LAI[3], la SRC indique avoir reçu 547 demandes d’accès à l’information pour la période couvrant septembre 2007 à mars 2008. Le rapport indique en outre que la plupart des demandes ont été soumises au cours des trois premiers mois. Voici, pour l’exercice 2007-2008, la provenance des demandes :
Au cours de cet exercice financier, la SRC a répondu à 224 demandes et en a reporté 323 à l’exercice financier suivant, créant ainsi un important arriéré de demandes. Pour l’exercice 2008-2009[4], le volume de demandes a chuté considérablement pour atteindre 221 demandes d’accès à l’information. Voici la provenance des demandes :
Au cours de cet exercice financier, la SRC a diminué son arriéré et a reporté 108 demandes à l’exercice suivant[5]. Pour l’exercice 2009-2010[6], le volume de demandes s’est maintenu au même niveau qu’en 2008-2009. La SRC a reçu 247 demandes d’accès à l’information, dont la provenance est indiquée ci-après :
Au cours de cet exercice, la SRC a traité 315 demandes et en a reporté 40 à l’exercice financier actuel. Enfin, pour l’exercice 2010-2011[7], le nombre de nouvelles demandes a grimpé à 327, nombre dépassé seulement une fois depuis que la SRC est assujettie à la Loi, soit depuis 2007. Voici la provenance de ces demandes et leur importance relative :
Au cours de l’exercice 2010-2011, la SRC a traité 349 demandes (ce qui comportait certaines demandes présentées lors de l’exercice précédent), laissant un retard de 18 demandes (contre 40 l’année précédente). Toujours pendant cet exercice, la SRC a mis sur pied un site Internet où sont versés les documents transmis afin de répondre à cinq catégories de demandes d’accès à l’information présentées en vertu de la Loi pour que le public puisse les consulter. Il s’agit du site suivant : http://www.cbc.radio-canada.ca/documents/divulgation/information.shtml. A. Lignes directrices quant à l’interprétation de l’article 68.1 de la Loi sur l’accès à l’informationLe Comité des lignes directrices de la SCR a rédigé les « Lignes directrices quant à l’interprétation de l’article 68.1 de la Loi sur l’accès à l’information », que l’on peut consulter à partir de la section Transparence et responsabilisation du site Web de la SRC[8]. Selon ces lignes directrices : L’analyse quant à la divulgation d’un renseignement s’appréciera dans le contexte global dans lequel il s’inscrit en évitant de l’isoler en procédant à une analyse à la pièce. En cas de doute sur l’application de l’exclusion prévue à l’article 68.1 de la Loi, CBC/Radio-Canada favorisera la divulgation selon le principe énoncé plus haut[9]. Radio-Canada a également publié sur son site Web une « Opinion juridique sur la portée des "Lignes directrices quant à l’interprétation de l’article 68.1 de la Loi sur l’accès à l’information" » qu’a préparée le professeur de droit de l’Université de Montréal Pierre Trudel en marge des lignes directrices[10]. Au cours de son témoignage le 25 octobre 2011, la commissaire à l’information, Suzanne Legault, s’est dite préoccupée par les lignes directrices et a fait savoir qu’elle en discuterait avec des représentants de Radio-Canada : Je suis aussi très préoccupée par les lignes directrices pour l’interprétation de l’article 68.1, que la SRC a publiées récemment. Les lignes directrices précisent qu’une demande d’accès peut être d’emblée refusée par la personne qui détient le pouvoir délégué, si cette personne conclut, à la seule lecture de la demande d’accès à l’information, qu’un renseignement est manifestement exclu de l’application de la loi en vertu de l’article 68.1. À mon avis, les personnes qui ont le pouvoir délégué de décider si l’information est ou n’est pas couverte par l’exclusion prévue à l’article 68.1 doivent examiner personnellement les documents pertinents pour prendre une décision valide selon la loi, y compris sur les prélèvements à faire, s’il y a lieu, pour maximiser la communication. Il est donc encourageant de voir que les dernières statistiques révèlent une amélioration graduelle de la performance de la part de la société. Cependant, si la raison des améliorations des délais de réponse aux demandes est que la SRC ne récupère pas et ne traite pas les documents conformément à la loi, comme permettent de le croire les lignes directrices récemment publiées, alors l’abrégement des délais de réponse ne reflète peut-être pas une amélioration de la performance. Cela étant dit, le commissariat n’a pas encore eu l’occasion de discuter de ces lignes directrices avec les responsables de la SRC. Je compte le faire sous peu. En fait, c’est en préparant ma présentation destinée au comité que j’ai pris connaissance de ces lignes directrices, qui me causent évidemment de sérieuses inquiétudes. Nous ferons également un suivi de la performance de la SRC au cours du prochain exercice, dans le cadre de nos fiches de rendement[11]. SOCIÉTÉ RADIO-CANADA c. CANADA (LA COMMISSAIRE À L’INFORMATION DU CANADA)A. La décision de la Cour fédérale du 24 septembre 2010[12]Tel que mentionné précédemment, la SRC est assujettie à la Loi sur l’accès à l’information depuis septembre 2007, date à laquelle la Loi a été modifiée. Elle a donc reçu entre décembre 2007 et juin 2009 un certain nombre de demandes en vertu de cette loi. Plusieurs de ces demandes ont été refusées, la Société se prévalant de l’article 68.1 selon lequel : 68.1 La présente loi ne s’applique pas aux renseignements qui relèvent de la Société Radio-Canada et qui se rapportent à ses activités de journalisme, de création ou de programmation, à l’exception des renseignements qui ont trait à son administration. La commissaire à l’information a reçu 16 plaintes provenant de particuliers dont la demande d’accès auprès de la SRC avait été refusée. La commissaire a lancé une enquête afin de traiter les plaintes. Dans le cadre de son enquête, la commissaire a demandé à la SRC de lui communiquer un certain nombre de documents. La demande de la commissaire a été refusée par la SRC au motif que les informations contenues dans les documents visés par les 16 demandes d’accès sous enquête sont exclues de l’application de la Loi, puisqu’en vertu de l’article 68.1, ces documents relèvent des activités de journalisme, de création ou de programmation. À l’opposé, la commissaire a affirmé que l’article 68.1 de la Loi l’autorise à examiner les documents afin de déterminer si elle peut exercer sa compétence prévue par la Loi en ce qui a trait aux renseignements relatifs à l’administration de la SRC. Le 15 septembre 2009, la commissaire a ordonné à la SRC de lui communiquer une copie des documents visés par les 16 demandes d’accès. Entre-temps, la SRC a entamé une procédure de contrôle judiciaire visant à faire déclarer que la commissaire n’a pas la compétence d’ordonner la communication de documents qui sont exclus en vertu de l’article 68.1 de la Loi. Le 24 septembre 2010, M. le juge Boivin de la Cour fédérale a rendu sa décision. 1. Exceptions, exclusions et pouvoirs de la commissaireL’article 36 de la Loi énonce les pouvoirs de la commissaire à l’information pour la tenue des enquêtes. Le paragraphe 36(1) confie certains pouvoirs à la commissaire à l’information, notamment celui d’examiner des documents ou de se les faire remettre. Au paragraphe 36(2), il est indiqué que la commissaire doit avoir accès à tous les documents qui relèvent d’une institution fédérale. Il y est énoncé : (2) Nonobstant toute autre loi fédérale et toute immunité reconnue par le droit de la preuve, le commissaire à l’information a, pour les enquêtes qu’il mène en vertu de la présente loi, accès à tous les documents qui relèvent d’une institution fédérale et auxquels la présente loi s’applique; aucun de ces documents ne peut, pour quelque motif que ce soit, lui être refusé. Comme l’indique le paragraphe 21 de la décision de la Cour fédérale « Le procureur de la SRC souligne toutefois que l’article 36(2) comporte une importante réserve en ce que la commissaire a accès aux documents “auxquels la présente loi s’applique”. Or, comme l’article 68.1 définit les documents auxquels la Loi ne s’applique pas, la SRC allègue que la commissaire n’a pas compétence pour contraindre la SRC à lui communiquer des documents auxquels la Loi ne s’applique pas ». Il est vrai que l’article 68.1 se trouve sous le titre « Exclusions ». Cependant, comme l’a fait remarquer le juge Boivin au paragraphe 27 de sa décision : « L’article 68.1 tel que rédigé contient une double négation à savoir une exception à l’exclusion. » Il ajoute (paragraphes 27, 28 et 29) que l’article 61 contient une double négation qui peut éclaircir la compétence de la commissaire. Cette exception à l’exclusion qui fait référence aux renseignements qui ont trait à l’administration de la SRC peut apporter un éclairage à la compétence de la commissaire. En effet, comment la commissaire peut-elle évaluer si des renseignements ont trait à l’administration de la SRC et, partant, tombent sous le coup de l’exception contenue à l’article 68.1, si elle n’a pas la compétence d’examiner tous les documents en question incluant ceux qui se rapportent aux activités de journalisme, de création ou de programmation de la SRC? La Cour note l’argument de la SRC selon lequel en créant parallèlement un régime d’exceptions (articles 13 à 26 de la Loi) et un régime d’exclusions (articles 68 à 69.1 de la Loi) le législateur n’a certes pas voulu que les deux régimes soient soumis aux mêmes règles. Toutefois, la Cour ne peut que constater que la rédaction des articles 68.1 et 68.2 qui ont tous deux fait l’objet de l’amendement à la Loi comportent une exception à l’exclusion. Ainsi, la Cour est d’avis que l’article 68.1 bien qu’inclus sous la rubrique « exclusion » de la Loi ne peut échapper, de par sa rédaction, à un examen indépendant de la commissaire. À la lecture de l’article 68.1, la commissaire doit avoir compétence afin de déterminer de façon objective et indépendante si les documents tombent sous le coup de l’exception et s’ils peuvent ou non être exclus à juste titre (voir Canada (procureur général) c Canada (commissaire à l’information), 2001 CAF 25, [2001] ACF no 282, au paragr. 21). Le contraire aurait pour conséquence de mettre la SRC à l’abri de la Loi et contreviendrait non seulement à l’objet de celle-ci (article 2) mais également à son esprit, car, depuis 2007, la SRC y est assujettie. 2. La conclusion de la Cour fédéraleÀ la lumière de son interprétation de l’article 68.1 de la Loi, le juge Boivin a rejeté la demande de contrôle judiciaire de la SRC en concluant (paragraphe 37) : À la lumière de ce qui précède et en tenant compte de l’économie de la Loi et de ses dispositions lues dans leur ensemble, la Cour conclut que la commissaire détient, en vertu de l’article 68.1, la compétence d’ordonner à la SRC de communiquer des documents, incluant ceux, qui de l’avis de la SRC, se rapportent à ses activités de journalisme, de création ou de programmation, afin de déterminer si ces documents tombent sous le coup de l’exception et partant s’ils sont assujettis à l’exclusion. B. Décision de la Cour d’appel fédérale du 23 novembre 2011[13]La SRC a interjeté appel de la décision de la Cour fédérale dans laquelle le juge Boivin rejetait la demande de contrôle judiciaire. Dans sa décision rendue le 23 novembre 2011, la Cour d’appel fédérale a rejeté l’appel de la SRC, estimant que la Cour fédérale avait correctement interprété l’article 68.1 de la Loi. La question qui s’est posée dans l’appel était de savoir si la commissaire a le pouvoir d’ordonner la production de documents contenant des informations se rapportant à des activités de journalisme, de création ou de programmation au sens de l’article 68.1 de la Loi. La commissaire invitait la Cour à répondre à cette question par l’affirmative, tandis que la SRC arguait au contraire que la tâche de déterminer si des renseignements se rapportant à ses activités de journalisme, de création ou de programmation lui revient, et qu’il n’appartient pas à la commissaire de revoir les documents sur lesquels la SRC fonde sa décision (voir paragraphe 40 de l’arrêt de la Cour d’appel fédérale). Dans les arguments qu’elle a présentés, la commissaire à l’information a fait également valoir qu’elle avait accès à tous les documents exclus (sauf si un certificat est délivré en vertu de la Loi sur la preuve au Canada[14]) et que le pouvoir dont elle jouit de contraindre la production de documents ne se limite pas à ceux auxquels la Loi s’applique (voir paragraphe 39 de l’arrêt). La Cour d’appel fédérale a rejeté cette interprétation plus large des pouvoirs de la commissaire (voir paragraphes 49-54 de l’arrêt). La Cour d’appel fédérale a fait observer que : « si la commissaire a le pouvoir d’ordonner à la SRC de produire les documents en cause dans la présente affaire, c’est parce que l’article 68.1 de par son libellé lui confère ce pouvoir, comme l’a conclu le juge de la Cour fédérale » (paragraphe 55 de l’arrêt). La Cour d’appel fédérale a estimé que le raisonnement du juge Boivin était convainquant : [61] Le raisonnement du juge de la Cour fédérale est difficilement attaquable. L’exclusion est assujettie à une exception. Cette exception est de nature générique et est susceptible de réduire la portée des exclusions. L’existence de cette exception invite la commissaire à exercer son pouvoir d’examen. En l’absence d’une démonstration contraire, un document qui relève d’une institution fédérale et qui est susceptible de révéler un renseignement qui n’est pas exclu de l’application de la Loi est un document auquel la Loi s’applique. Enfin, au paragraphe 69 de cette décision, la Cour d’appel fédérale a reconnu que l’article 68.1 n’est pas un « modèle de limpidité ». Faisant référence à des commentaires formulés par l’ancien commissaire à l’information devant des comités de la Chambre des communes et du Sénat au moment où l’article 68 a été analysé pour la première fois et selon lesquels le commissaire de l’époque s’inquiétait des dispositions proposées, la Cour d’appel fédérale a fait observer : [69] L’on ne peut se surprendre du fait que le commissaire puisse avoir eu cette crainte. Comme le fait remarquer le juge de la Cour fédérale, l’article 68.1 n’est pas un modèle de limpidité. Une disposition qui apparaît sous la partie « exclusions » de la Loi et qui comporte une exception qui est susceptible de recouper les renseignements exclus invite la controverse. L’opinion du commissaire démontre sans doute que l’article 68.1 peut être lu de différentes façons, mais dans un tel cas, il appartient aux tribunaux d’identifier la lecture qui reflète le mieux l’intention législative. Dans une lettre au Comité datée du 25 novembre 2011, M. Hubert L. Lacroix, président-directeur général de la SRC, a fait valoir que la société ne ferait pas appel de la décision de la Cour d’appel fédérale, en soulignant que cette décision répond à la plupart de ses préoccupations concernant la protection des documents de nature journalistique contre tout examen externe. Il a ajouté qu’il estimait que la Cour d’appel avait dissipé une bonne partie de la confusion entourant l’interprétation de l’article 68.1 concernant les pouvoirs de la commissaire en matière d’examen et des protections que le Parlement a établies légalement pour assurer l’indépendance de la SRC comme diffuseur public. Il a affirmé qu’il consulterait bientôt le commissariat pour appliquer la décision de la Cour. RECOMMANDATIONS DES TÉMOINS CONCERNANT LA MODIFICATION DE L’ARTICLE 68.1 DE LA lOI SUR L’ACCÈS À L’INFORMATIONUn certain nombre de témoins ont comparu devant le Comité pour proposer des recommandations (plus ou moins détaillées) concernant la modification de l’article 68.1 de la Loi sur l’accès à l’information. Les recommandations proposées se classent en quatre grandes catégories : 1. Laisser aux tribunaux le soin de décider comment interpréter la disposition; 2. Corriger la formulation maladroite de l’article 68.1 afin de préciser si certains aspects de la Loi ne s’appliquent pas à la SRC, ou prévoir une exception pour la SRC tout en permettant à la commissaire à l’information de revoir les décisions de la SRC; 3. Modifier l’exclusion prévue à l’article 68.1 pour en faire une exception, ce qui permettrait à la commissaire à l’information de revoir les décisions visant l’exception; et 4. Déterminer si la commissaire à l’information ou le président du CRTC devraient revoir les décisions de la SRC prises conformément à l’article 68.1 de la Loi. A. Laisser aux tribunaux le soin de décider comment interpréter la dispositionLorsqu’on lui a demandé comment améliorer l’article 68.1, M. Drapeau (colonel à la retraite) a répliqué que le Comité devrait attendre que la Cour d’appel fédérale donne son interprétation de cet article : Je crois que nous devons attendre de connaître la décision de la Cour d’appel fédérale, qui a réservé son jugement concernant l’audience du 18 octobre pour en arriver précisément à une décision sur les pouvoirs de la commissaire à l’information, si ce n’est sur la définition du journalisme même, en réponse à la plainte. J’attends avec impatience de connaître cette décision. Je recommande fortement que nous attendions la décision de la Cour d’appel fédérale, qui possède une longue expérience de l’interprétation de la Loi sur l’accès à l’information[15]. Pour ce qui est de savoir si on doit laisser les tribunaux décider, Mme Karen Wirsig, de la Guilde canadienne des médias, a souligné l’importance d’une relation d’indépendance entre le Parlement, le gouvernement et la SRC : En ce qui concerne la première question, comme nous l’avons dit, le libellé de la loi pourrait être plus clair. Toutefois, je pense que la question très importante qui sera probablement tranchée au tribunal porte sur la relation distante qui existe entre la SRC et le Parlement ou le gouvernement. C’est ce qui distingue la SRC de presque tous les autres ministères, organismes ou établissements du gouvernement fédéral. La SRC est autonome, et c’est pourquoi, à mon avis, l’article 68.1, qui exclut la SRC, existe, n’est-ce pas? Il y a la même chose dans la Loi sur la radiodiffusion – le même libellé est utilisé – pour préserver l’indépendance du radiodiffuseur public précisément pour qu’il ne devienne pas tout simplement un radiodiffuseur d’État. Je suppose que la question est de savoir si la commissaire à l’information est considérée comme un organe de l’État qui surveille les renseignements confidentiels de la SRC. Je crois que c’est ce que le tribunal doit déterminer. À mon avis, il faut toujours tenir compte de cette relation d’autonomie qui ne s’applique qu’à la SRC[16]. En réponse à une question concernant les pouvoirs du commissaire à l’information aux termes de l’article 68.1, M. Marc-Philippe Laurin, collègue de Mme Wirsig, a indiqué que, la question étant devant les tribunaux, c’est à eux de décider : Actuellement, la question qui est devant les tribunaux est celle que pose la SRC […] et elle a pris cette décision. C’est à la SRC d’expliquer ses motifs. Compte tenu de la nature du radiodiffuseur et du marché concurrentiel dans lequel il exerce ses activités, la question est de savoir qui devrait avoir accès aux renseignements délicats. Je comprends votre question. Vous dites que la commissaire doit y avoir accès. Cette question est actuellement devant les tribunaux. Je vais m’en tenir à cela. Je vais laisser les tribunaux décider si cela est approprié[17]. Enfin, à la lumière des dernières conclusions de la Cour d’appel fédérale, M. Ian Morrison, de Friends of Canadian Broadcasting, a avancé que la commissaire à l’information devait être à même de revoir les décisions prises par la SRC de manière à exclure des documents aux termes de l’article 68.1 : Je ne suis pas un spécialiste. Je crois que le Parlement — peu importe si je le crois ou non — est souverain, et si une loi du Parlement est créée, quels que soient les défauts qu’elle comporte, elle doit être respectée. Bien sûr, les tribunaux ont le mandat d’interpréter la loi, mais nous pouvons, par défaut, nous fier à une fonctionnaire du Parlement, à savoir la commissaire à l’information, pour qu’elle consulte, en toute confidentialité, les documents de la SRC. Le règlement du litige serait donc fondé sur la décision de la commissaire à l’information[18]. B. Revoir le libellé de l’article 68.1Dans son témoignage, le président du CRTC, M. Konrad W. von Finckenstein a souligné que l’article 68.1 avait été très mal rédigé et que le Parlement avait le pouvoir de déterminer s’il fallait le modifier et comment : Malheureusement, la formulation de l’article au cœur du litige permet une double exemption. La loi ne s’applique pas, mais elle s’applique aussi. C’est ce qui a donné lieu aux divergences d’interprétation. Il s’agit ici de déterminer l’approche que vous voulez suivre. Pour certaines situations, on peut affirmer clairement que la Loi sur l’accès à l’information ne s’applique pas, et la commissaire peut dire […] Parfois, il se peut que ce soit le contraire, et qu’une exemption s’applique, mais il faut le justifier. La décision vous revient[19]. Puis il a répété : La formulation maladroite de l’article est à l’origine du problème. Et ce n’est pas moi qui l’ai dit. Le juge Boivin lui-même a indiqué que c’était très mal rédigé et que le problème venait de là. Soit la loi s’applique, soit elle ne s’applique pas. C’est un système. L’autre consiste à créer une exemption, et lorsque l’exemption est invoquée, la commissaire a le pouvoir chaque fois de vérifier si elle a été appliquée correctement ou non[20]. Lorsqu’on lui a demandé si la commissaire à l’information devrait avoir le pouvoir d’examiner des documents faisant l’objet d’une exception aux termes de l’article 68.1, M. von Finckenstein a répondu : Si c’est l’approche que vous voulez adopter, c’est parfait. C’est vous, à titre de législateur, qui devez porter un jugement de valeur. Si vous pensez que c’est la chose à faire, allez-y. Si vous êtes prêt à vous en remettre au jugement des radiodiffuseurs pour déterminer ce qui appartient au domaine journalistique, les renseignements qui sont de nature tellement délicate qu’il est impossible d’y toucher, alors vous devez indiquer que la loi ne s’applique à rien qui va au-delà […][21] Puis il a ajouté : Est-ce que l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire devrait ou non être validé par la commissaire? Ce n’était pas la meilleure façon de le formuler; j’ai rarement vu un article stipulant que la loi ne s’applique pas, sauf quand elle s’applique. C’est une drôle de façon de présenter les choses[22]. M. von Finckenstein a souligné l’obligation de rendre compte qui échoit à la commissaire à l’information en vertu de la Loi sur l’accès à l’information : Non, cela relève toujours de la commissaire à l’accès à l’information. C’est vraiment de son ressort[23]. En réponse à une question, M. von Finckenstein a expliqué son interprétation de l’article 68.1 : Pour ce qui est de la SRC, l’article 68.1 de la Loi dit ce qui suit : « La présente loi ne s’applique pas aux renseignements qui relèvent de la Société Radio-Canada et qui se rapportent à ses activités de journalisme, de création ou de programmation […]. » C’est clair. Dans ces cas, la loi ne s’applique pas. […] Il n’y aurait aucun problème si la phrase s’arrêtait là. Or, il y a une autre exception. On dit : « […] à l’exception des renseignements qui ont trait à son administration. » Cela veut dire que la loi ne s’applique pas aux activités des journalistes, mais qu’elle s’applique aux renseignements qui ont trait à son administration. Le problème pour la commissaire à l’information est de savoir comment faire pour vérifier cela. Les renseignements journalistiques demandés ne relèvent pas de l’administration. Toutefois, pour s’en assurer, elle doit vérifier ces informations. Les gens de la SRC disent que la loi ne s’applique pas et qu’il revient à eux de rendre la décision et les gens doivent l’accepter. Ils ont pris cette décision et ont réclamé qu’elle soit acceptée en disant qu’on n’a pas de juridiction à cet égard. Parce que c’est une question journalistique, la loi ne s’applique pas à ces questions. Comme je le disais, c’est une façon de faire que je n’ai jamais vue auparavant. C’est très compliqué. Il est plus facile de prévoir que la loi ne s’applique pas à la SRC, ou de prévoir une exception pour la SRC, tout en permettant à la commissaire à l’information de faire des vérifications. C’est vraiment ce qui est le problème ici. Il y a deux possibilités. Il y a un cas soumis à la cour et il y a maintenant un appel de la décision[24]. C. Faire de l’exclusion de l’article 68.1 une exceptionLorsqu'elle a comparu devant le Comité, le 25 octobre 2011, la commissaire à l’information a remis un document intitulé Analyse comparative internationale et changement possible à la Loi sur l’accès à l’information concernant les documents relevant de la Société Radio-Canada (35,5KB) [25]. Une copie est annexée au présent document. Dans ce document, le Commissariat à l’information propose de reformuler l’article 68.1 de la Loi sur l’accès à l’information de façon à prévoir une exception discrétionnaire comportant un critère de préjudice, selon les modalités suivantes : Le responsable de la Société Radio-Canada peut refuser la communication des documents contenant des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à l’indépendance en matière de journalisme, de création ou de programmation dont jouit la société. Le document présente également une analyse comparative de la législation au Royaume-Uni, en Australie et en Irlande, pays où les diffuseurs publics sont assujettis dans une certaine mesure à une législation en matière de liberté d’information et où les activités de programmation et de journalisme ne sont pas visées par les obligations de divulgation. Au cours de son témoignage, la commissaire à l’information Suzanne Legault a donné des précisions sur le contenu du document qu’elle a fait circuler : En un mot, la situation dans les pays observés est que les radiodiffuseurs publics sont assujettis à la législation sur l’accès à l’information, que les activités de programmation et de journalisme sont couvertes par voie d’exclusions dans leurs lois respectives, que les organismes de surveillance ont le pouvoir d’examiner les documents pour vérifier l’application de l’exclusion, et qu’ils peuvent en ordonner la communication. Au Royaume-Uni, la capacité du commissaire à l’information d’examiner les documents découlait également d’une décision des tribunaux. J’ai aussi inclus certains changements possibles à notre loi parce que, à titre de commissaire à l’information et comme mes prédécesseurs l’ont aussi préconisé, je crois que les exceptions à l’application de la loi doivent être limitées et spécifiques et qu’elles doivent reposer sur le préjudice probable. Le libellé des exceptions devrait être clair et objectif, ce qui est compatible avec les dispositions existantes de la loi. Les exceptions fondées sur le préjudice probable exigent que l’institution publique établisse une attente raisonnable de préjudice, en s’appuyant sur des données précises. Une exemption discrétionnaire fait en sorte que le responsable de l’institution publique tiendra compte de l’intérêt public pour la communication de l’accès à l’information demandée, même là où l’information est par ailleurs admissible à l’exemption. Madame la présidente, je suis convaincue que les changements que je suggère seraient compatibles avec les objectifs qui sous-tendent la Loi sur l’accès à l’information et protégeraient l’indépendance de la SRC en matière de journalisme et de programmation[26]. Lorsqu’on lui a demandé si les causes devant les tribunaux se poursuivraient en cas de modification de l’article 68.1, la commissaire à l’information a expliqué : Je pense que ces dispositions donneront lieu à des procès. Cela a été le cas au R.-U. Le libellé que j’ai proposé dans le document que je vous ai remis est une exception discrétionnaire comportant un critère de préjudice. J’ai conservé la terminologie de la Loi sur la radiodiffusion, de manière que cela reflète ce qui existe déjà. La différence entre ce que nous avons dans la loi actuelle en vertu de l’article 68.1 et la Loi sur la radiodiffusion, c’est que cette dernière traite de l’indépendance en matière de journalisme, de création et de programmation tandis que notre loi traite de toute activité liée à ces trois concepts. Il me semble que c’est beaucoup plus vaste comme concept que ce que la Loi sur la radiodiffusion prévoit et ce que ces dispositions devraient refléter. Nous devrions parler de protéger l’indépendance journalistique de la SRC[27]. Elle a ensuite expliqué les raisons de modifier l’article 68.1 afin de prévoir une exception plutôt qu’une exclusion : Les autres pays que j’ai mentionnés possèdent tous des exclusions. C’est pourquoi je pense que, lorsque la Loi fédérale sur la responsabilité est entrée en vigueur, l’article 68.1 a été conçu comme une exclusion. Je ne sais pas. En français, je n’étais pas […] dans le secret des dieux. Je n’étais pas dans les coulisses du gouvernement lorsque cet article a été rédigé, mais c’est comme si on suivait un modèle international. Bien que j’aime les modèles internationaux la plupart du temps, dans ce cas particulier, je ne vois pas la nécessité d’une disposition d’exclusion. Je pense qu’une exception comportant un critère de préjudice suffirait. Cela permet, en fait, à l’établissement de dire : « Eh bien, cette information tombe sous le coup de cette exception, et si elle est divulguée, elle entraînera les préjudices suivants, par exemple, elle amènera la divulgation de sources journalistiques qui doivent être protégées ». Mais elle permet également, dans certains cas, une analyse en fonction de l’intérêt public, qui dit : « Eh bien, oui, il y a un préjudice, mais l’avantage du point de vue de l’intérêt public découlant de la divulgation n’est-il pas plus important que le préjudice causé? ». C’est l’analyse que vous faites lorsque vous avez une exception discrétionnaire qui comporte un critère de préjudice. C’est, je crois, ce qui serait approprié dans ce cas. Mais à l’échelle internationale, c’est moi qui serais le cas aberrant, certainement, compte tenu des modèles qui existent à l’heure actuelle[28]. Concernant la recommandation de la commissaire à l’information à l’effet que l’exclusion prévue à l’article 68.1 devienne une exception fondée sur le préjudice, M. Trudel, professeur à l’Université de Montréal (qui comparaissait à titre personnel) a estimé qu’une telle exception ne protégerait pas suffisamment les intérêts de la SRC en tant que radiodiffuseur public : En fait, à partir du moment où l’on choisit de dire que Radio-Canada fait partie du système de radiodiffusion, il faut se demander si on est prêt à forcer l’ensemble des entreprises de radiodiffusion à se soumettre à la Loi sur l’accès à l’information. À partir du moment où on ne le fait pas, on va devoir revenir à l’exclusion. C’est pour cette raison que l’on a choisi une exclusion. C’est parce qu’il s’agit ici de protéger la liberté de presse, la liberté journalistique. Imposer à un organisme de presse l’obligation, chaque fois qu’on lui demande un document, de démontrer un tort particulier que pourrait causer la divulgation d’un document, c’est affecter très lourdement son indépendance et sa marge de manœuvre pour faire du journalisme d’enquête, développer des émissions, être actif sur le marché d’achat des droits des émissions et sur le marché publicitaire. C’est pour cela qu’il y a une exclusion. C’est pour cette raison que, selon moi, une exception, une injury-based exception, comme on le mentionnait, ne me semble pas être une façon adéquate d’assurer que le radiodiffuseur public fonctionne de façon à ce que l’on respecte la liberté constitutionnelle d’expression, qui protège aussi bien les radiodiffuseurs privés que le radiodiffuseur public. J’ai même beaucoup de doutes sur la validité constitutionnelle d’une disposition qui forcerait Radio-Canada à démontrer, chaque fois qu’on lui demande un document, que cela va lui causer un dommage. Cela équivaudrait à demander à un journal ou à une station de télévision de démontrer de façon continue que sa liberté éditoriale peut être compromise. Or, ici on parle d’un environnement pour produire de l’activité créatrice, des émissions et des nouvelles. Si une organisation de radiodiffusion comme Radio-Canada est obligée de se mobiliser pour être continuellement en train de se défendre contre des demandes d’accès à l’information, je ne suis pas du tout certain que l’on pourra considérer qu’elle possède encore la liberté éditoriale qui est reconnue à l’ensemble des radiodiffuseurs[29]. D. Désigner le CRTC en tant que l’organe de révision approprié pour les décisions prises en vertu de l’article 68.1 de la LoiLors de son témoignage, le professeur Pierre Trudel (qui avait préparé l’avis juridique sur les Lignes directrices de Radio-Canada concernant l’interprétation de l’article 68.1, dont il a été question ci-dessus) a suggéré que la responsabilité de revoir les décisions prises par Radio-Canada concernant l’application de l’article 68.1 incombe au CRTC plutôt qu’à la commissaire à l’information : : La portée de l’exclusion prévue à l’article 68.1 doit se comprendre dans le contexte général du droit relatif aux entreprises de radiodiffusion, lequel veut que toutes ces entreprises bénéficient de l’indépendance inhérente en matière de journalisme, de création et de programmation. Mais dans le cas de la Société Radio-Canada, il faut aussi assurer la transparence de sa gestion pour le public canadien qui, par ses ressources, finance ses activités. L’option qui a été retenue est une exclusion, à l’instar de ce qui se fait à l’échelle internationale dans ce domaine. Ainsi, dès lors qu’un renseignement est sous le contrôle de la Société Radio-Canada et qu’il se rapporte à ses activités de journalisme, de création et de programmation, il n’est pas visé par la Loi sur l’accès à l’information et cette dernière ne s’y applique pas. […] En ce qui concerne les options en matière de politiques publiques, il faut rappeler que le paragraphe 3(2) de la Loi sur la radiodiffusion précise : […] que le système canadien de radiodiffusion constitue un système unique et que la meilleure façon d’atteindre les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion consiste à confier la réglementation et la surveillance du système canadien de radiodiffusion à un seul organisme public autonome. Il s’agit en l’occurrence du CRTC. Il importe en effet de prendre en considération la nécessité d’assurer une réglementation qui soit simple et facile à appliquer, et ce, à l’égard de l’ensemble des entreprises de radiodiffusion. La multiplication des instances auxquelles la Société Radio‑Canada est appelée à rendre des comptes contribue à compliquer les normes de reddition de comptes du radiodiffuseur public. Dans cette perspective, il n’est pas évident que le commissaire à l’information soit l’instance la mieux placée pour contrôler les décisions de Radio-Canada quant à la question de savoir si un document relève ou non de l’exclusion de la Loi sur l’accès à l’information. Le CRTC est l’instance spécialisée en matière de radiodiffusion, et possède assurément une expertise plus susceptible d’évaluer, en conformité avec les exigences de la liberté éditoriale de l’ensemble des radiodiffuseurs, la mesure dans laquelle un document dont l’accès est demandé relève ou non des activités de journalisme, de programmation et de création. Le CRTC est en effet en position d’avoir une vision d’ensemble du système canadien de radiodiffusion au sein duquel s’inscrit la Société Radio-Canada. Par exemple, il est assurément doté de l’expertise nécessaire pour déterminer si la divulgation d’un document appartenant à une entreprise de radiodiffusion est de nature à compromettre les activités de programmation, de création et de journalisme de cette entreprise, compte tenu du contexte concurrentiel dans lequel celle-ci peut évoluer. En conclusion, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, l’article 68.1 de la Loi sur l’accès à l’information exclut du régime de l’accès aux documents publics, a priori, les renseignements qui se rapportent aux activités de journalisme, de création et de programmation de la Société Radio-Canada. Il vise à assurer que la Société Radio-Canada se trouve dans une position analogue à celle des autres entreprises de radiodiffusion, tout en garantissant que celle-ci rend compte de l’usage qu’elle fait des ressources publiques mises à sa disposition. Il en découle donc que sont accessibles seuls les documents qui ont trait à l’administration de la Société Radio-Canada et qui ne révèlent pas les renseignements qui ont trait au journalisme, à la programmation et à la création[30]. Il a ensuite fourni un exemple de la manière dont le CRTC serait plus à même que la commissaire à l’information de prendre une décision concernant un problème : La principale raison est que Radio-Canada fait partie intégrante d’un système, soit le système canadien de radiodiffusion, au sein duquel on a voulu qu’il y ait de la concurrence entre l’organisme public, Radio-Canada, et les entités privées. Le CRTC a reçu le mandat, en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, de voir au bon fonctionnement de ce système. L’exemple des Jeux olympiques est intéressant. Il faut savoir que les radiodiffuseurs canadiens, Radio-Canada comme les autres, sont en concurrence pour obtenir les droits de diffusion de ces Jeux olympiques. Lorsqu’il s’agit de déterminer si un radiodiffuseur est tenu de divulguer certaines informations, il faut se demander s’il est approprié de placer l’une des entreprises faisant partie du système de radiodiffusion dans une situation où elle pourrait voir sa position concurrentielle compromise par son obligation de divulguer des informations que d’autres, par exemple des entreprises privées, ne sont pas tenues de divulguer. Le CRTC serait donc en meilleure position pour déterminer si, au nom de l’intérêt public, il est opportun que les entreprises de radiodiffusion, qu’elles relèvent du public ou du privé, révèlent au public un certain nombre de leurs informations. Il doit cependant s’assurer qu’elles ne révèlent pas des informations qui doivent rester secrètes, au nom du bon fonctionnement de la concurrence au sein du système de radiodiffusion canadien[31]. Il a ajouté : Je pense qu’un défi réel se pose lorsqu’il s’agit de suggérer un juge ou une personne indépendante qui pourrait éventuellement déterminer le bien-fondé du refus d’un organisme comme la SRC qui s’appuie sur l’exclusion prévue à l’article 68.1. Compte tenu de la façon dont est structuré le système canadien de radiodiffusion, avec des entités publiques et des entités privées, je ne suis pas certain que le commissaire à l’information, dont le mandat est, à juste titre, de promouvoir le meilleur accès à l’information et aux documents détenus par les organismes publics, ait la vue d’ensemble qui lui permette de bien examiner le dossier et de s’assurer que ce type de divulgation ne met pas en péril les conditions de concurrence qui doivent prévaloir pour assurer le bon fonctionnement du système canadien de radiodiffusion[32]. Étant donné les nombreux témoins entendus par le Comité qui ont proposé de modifier l’article 68.1 de la Loi sur l’accès à l’information et qui ont exprimé les opinions suivantes :
Le Comité demande au gouvernement de modifier l’article 68.1 de la Loi sur l’accès à l’information conformément aux témoignages d’experts entendus au cours de l’étude. Ce faisant, le gouvernement devrait examiner les modèles internationaux présentés par la commissaire à l’information. [1] Voir paragraphe 23 de la décision de la CAF et le paragraphe 37 de la décision de la CF. [2] Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. (1985), ch. A-1, http://lois-laws.justice.gc.ca/fra/lois/A-1/index.html. [3] SRC, Rapport sur l’application de la Loi sur l’accès à l’information pour l’exercice 2007-2008 et 2008-2009, p. 4, http://www.cbc.radio-canada.ca/aai/pdf/ATIP.PDF [4] Ibid. [5] SRC, Rapport sur l’application de la Loi sur l’accès à l’information pour l’exercice 2009-2010, p. 5, http://www.cbc.radio-canada.ca/aai/pdf/ATIP1.PDF. [6] Ibid. [7] SRC, Rapport sur l’application de la Loi sur l’accès à l’information pour l’exercice 2010-2011, p. 3, http://www.cbc.radio-canada.ca/aai/pdf/AAI-2010-2011.PDF. [8] Les Lignes directrices (non datées) se trouvent à l’adresse : http://www.cbc.radio-canada.ca/documents/divulgation/ Lignes-directrices-article-68.1_FR.pdf. [9] Lignes directrices, p. 6. [10] Pierre Trudel, Opinion juridique sur la portée des « Lignes directrices quant à l’interprétation de l’article 68.1 de la Loi sur l’accès à l’information », original français daté du 25 août 2011, traduction anglaise terminée le 14 septembre 2011, http://www.cbc.radio-canada.ca/documents/divulgation/0120_001.pdf. [11] Chambre des communes, Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, Témoignages, 1re session, 41e législature, 25 octobre 2011, 0850 (Mme Suzanne Legault), http://www.parl.gc.ca/HousePublications/Publication.aspx?DocId=5194388&Mode=1& Parl=41&Ses=1&Language=F#Int-4435388. [12] Société Radio-Canada c. Canada (la Commissaire à l’information du Canada), 2010 FC 954, http://decisions.fct-cf.gc.ca/fr/2010/2010cf954/2010cf954.html. [13] Société Radio-Canada c. Canada (la Commissaire à l’information du Canada), 2011 FCA 326, http://decisions.fca-caf.gc.ca/fr/2011/2011caf326/2011caf326.html. [14] Le paragraphe 69.1(1) de la Loi sur l’accès à l’information (L.R.C. (1985) ch. A-1) énonce que : « Dans le cas où a été délivré au titre de l’article 38.13 de la Loi sur la preuve au Canada un certificat interdisant la divulgation de renseignements contenus dans un document avant le dépôt d’une plainte au titre de la présente loi à l’égard d’une demande de communication de ces renseignements, la présente loi ne s’applique pas à ces renseignements. » Le paragraphe 38.13(1) de la Loi sur la preuve au Canada (L.R.C. (1985) ch. C-5) énonce que : « Le procureur général du Canada peut délivrer personnellement un certificat interdisant la divulgation de renseignements dans le cadre d’une instance dans le but de protéger soit des renseignements obtenus à titre confidentiel d’une entité étrangère — au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la protection de l’information — ou qui concernent une telle entité, soit la défense ou la sécurité nationales. La délivrance ne peut être effectuée qu’après la prise, au titre de la présente loi ou de toute autre loi fédérale, d’une ordonnance ou d’une décision qui entraînerait la divulgation des renseignements devant faire l’objet du certificat. » [15] Chambre des communes, Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, Témoignages, 1re session, 41e législature, 20 octobre 2011, 0920 (M. Michel Drapeau, colonel à la retraite, professeur, Faculté de droit de l’Université d’Ottawa). [16] Chambre des communes, Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, Témoignages, 1re session, 41e législature, 27 octobre 2011, 0940 (Mme Karen Wirsig, Guilde canadienne des médias). [17] Chambre des communes, Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, Témoignages, 1re session, 41e législature, 27 octobre 2011, 0950 (M. Marc-Philippe Laurin, Guilde canadienne des médias). [18] Chambre des communes, Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, Témoignages, 1re session, 41e législature, 27 octobre 2011, 0945 (M. Ian Morrison, Friends of Canadian Broadcasting). [19] Chambre des communes, Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, Témoignages, 1re session, 41e législature, 18 octobre 2011, 0925 (M. Konrad W. von Finckenstein, président, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes). [20] Ibid., 0930. [21] Ibid. [22] Ibid., 0935 [23] Ibid. [24] Ibid. [25] Commissariat à l’information du Canada, « Analyse comparative internationale et changement possible à la Loi sur l’accès à l’information concernant les documents relevant de la Société Radio-Canada », 25 octobre 2011.. [26] Chambre des communes, Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, Témoignages, 1re session, 41e législature, 25 octobre 2011, 0850-0855 (Mme Suzanne Legault, commissaire à l’information, Commissariat à l’information du Canada). [27] Ibid., 0905. [28] Ibid., 0910. [29] Chambre des communes, Comité permanent de l’accès à l’information, de la protection des renseignements personnels et de l’éthique, Témoignages, 1re session, 41e législature, 25 octobre 2011, 1035 (M. Pierre Trudel, professeur, Centre de recherche en droit public, Université de Montréal, à titre personnel). [30] Ibid., 1005. [31] Ibid., 1020. [32] Ibid., 1025. |