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ETHI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


NUMÉRO 010 
l
1re SESSION 
l
41e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 25 octobre 2011

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Bonjour tout le monde. Nous reprenons notre étude du conflit relatif à l'accès à l'information et des poursuites concernant Radio-Canada qui en découlent. Je tiens à accueillir Mmes Legault et McCarthy.
    Madame Legault, vous avez 10 minutes pour faire votre exposé. Nous passerons ensuite aux questions. Je sais que vous avez tous l'expérience des comités, mais je tiens à vous rappeler que le temps prévu pour les questions comprend celui accordé à la commissaire pour y répondre.
    Vous avez la parole, madame Legault.
    Mon propos de ce matin sera bref, d'autant plus que je suis un peu essoufflée.
    Je traiterai de trois points. En premier lieu, je reviendrai sur l'origine et l'état actuel de l'affaire judiciaire opposant la SRC et la commissaire à l'information. Deuxièmement, je parlerai de la performance de la société pour ce qui est de la Loi sur l'accès à l'information. Et en troisième lieu, j'exposerai la situation des radiodiffuseurs publics dans d'autres secteurs de compétence et je proposerai certains changements possibles à notre loi pour le cas où le comité souhaiterait revoir le texte législatif actuel dans le cadre de ses délibérations.

[Français]

    Premièrement, permettez-moi de vous présenter Me McCarthy, nouvelle avocate générale du commissariat et présentement commissaire adjointe intérimaire aux enquêtes.

[Traduction]

    Le différend entre le commissariat et la société remonte à 2009. Le commissariat faisait enquête sur des plaintes contre la SRC, qui refusait de communiquer des documents en invoquant l'article 68.1 de la loi. Cet article soustrait à l'application de la loi les renseignements qui se rapportent aux activités de création, de programmation ou de journalisme de la SRC, à l'exception des renseignements qui ont trait à son administration.
    Dans le cadre de nos enquêtes, nous avons demandé à la SRC de nous fournir des renseignements qu'elle avait refusé de communiquer afin de nous permettre de voir si sa décision sur la communication se justifiait ou si les renseignements refusés étaient couverts par l'exception à l'exclusion. La SRC a refusé de nous fournir les renseignements en question, si bien que le commissariat a émis une ordonnance de communication à la SRC relativement à certaines plaintes. Le même jour, la société a demandé un contrôle judiciaire en vertu de l'article 18 de la Loi sur les Cours fédérales pour contester le pouvoir du commissariat d'obtenir des documents qu'elle disait exclus en vertu de l'article 68.1.
    La Cour fédérale a rejeté la demande de contrôle judiciaire de la SRC, qui en a appelé de cette décision. La Cour d'appel fédérale a entendu l'appel le 18 octobre 2011 et a mis l'affaire en délibéré, ce qui limite ma capacité de la commenter.

[Français]

    Étant donné le processus judiciaire en cours, le commissariat a jusqu'ici suspendu l'enquête relativement à 196 plaintes de refus où la SRC a invoqué l'article 68.1.
    Certaines de ces plaintes remontent à l'année 2007. Étant donné le délai qui s'était écoulé depuis leur dépôt, j'avais fait part à ce comité, en mars 2009, de ma crainte que l'incapacité de récupérer les documents pertinents puisse avoir des répercussions négatives sur le droit d'accès à l'information des Canadiens.

[Traduction]

    Je peux vous informer du fait que, depuis notre dernière comparution sur la question, la SRC a assuré le commissariat qu'elle a commencé à récupérer les documents pertinents pour répondre aux plaintes qui ont été mises en suspens, mais il n'est toujours pas confirmé que la SRC a localisé et récupéré les documents pertinents dans tous les cas.

[Français]

    Madame la présidente, j'ai déposé auprès du comité, ce matin, un bref aperçu statistique de la performance de la Société Radio-Canada depuis qu'elle est assujettie à la loi.
     En somme, il est clair que la performance de la société s'est améliorée depuis son assujettissement à la loi, en 2007. Par contre, je conserve certaines sérieuses inquiétudes. Je m'explique.
(0850)

[Traduction]

    Depuis qu'elle est assujettie à la loi, la SRC a reçu environ 1 400 demandes d'information. Près de 1 100 de ces demandes ont donné lieu à des plaintes au commissariat. Cependant, comme vous pouvez le voir dans le document que j'ai remis au comité, le nombre de plaintes par rapport au nombre de demandes n'a pas cessé de diminuer d'année en année. L'an dernier, un rapport spécial a mis en lumière que la SRC a mis, en moyenne, 158 jours pour traiter les demandes d'accès à l'information et avait un taux de présomption de refus de près de 60 p. 100.
    Nous n'avons pas encore vérifié cette information, mais la SRC fait état d'importantes améliorations de ces chiffres dans son dernier rapport annuel au Parlement, où elle parle d'une moyenne de 57 jours et d'un taux de présomption de refus de 22 p. 100 pour le dernier exercice. Dans son site Web, elle fait par ailleurs état d'importantes améliorations pour le présent exercice, qui n'est pas encore terminé.
    Malgré ces progrès, je garde de sérieuses réserves. En plus des cas actuellement en attente de règlement du litige, le commissariat a encore près de 180 enquêtes en cours à la SRC. Je suis d'avis, à ce stade-ci, que le niveau actuel de ressources au bureau d'accès à l'information de la SRC n'est pas suffisant pour gérer les enquêtes sur ces plaintes avec mon personnel. À moins d'un changement des niveaux actuels de ressources, la situation risque de s'aggraver lorsque débuteront les enquêtes sur les 196 « plaintes en suspens ».
    Je suis aussi très préoccupée par les lignes directrices pour l'interprétation de l'article 68.1, que la SRC a publiées récemment. Les lignes directrices précisent qu'une demande d'accès peut être d'emblée refusée par la personne qui détient le pouvoir délégué, si cette personne conclut, à la seule lecture de la demande d'accès à l'information, qu'un renseignement est manifestement exclu de l'application de la loi en vertu de l'article 68.1. À mon avis, les personnes qui ont le pouvoir délégué de décider si l'information est ou n'est pas couverte par l'exclusion prévue à l'article 68.1 doivent examiner personnellement les documents pertinents pour prendre une décision valide selon la loi, y compris sur les prélèvements à faire, s'il y a lieu, pour maximiser la communication.

[Français]

    Il est donc encourageant de voir que les dernières statistiques révèlent une amélioration graduelle de la performance de la part de la société. Cependant, si la raison des améliorations des délais de réponse aux demandes est que la SRC ne récupère pas et ne traite pas les documents conformément à la loi, comme permettent de le croire les lignes directrices récemment publiées, alors l'abrégement des délais de réponse ne reflète peut-être pas une amélioration de la performance.
    Cela étant dit, le commissariat n'a pas encore eu l'occasion de discuter de ces lignes directrices avec les responsables de la SRC. Je compte le faire sous peu. En fait, c'est en préparant ma présentation destinée au comité que j'ai pris connaissance de ces lignes directrices, qui me causent évidemment de sérieuses inquiétudes. Nous ferons également un suivi de la performance de la SRC au cours du prochain exercice, dans le cadre de nos fiches de rendement.

[Traduction]

    J'ai aussi déposé auprès du comité une revue de la législation sur l'accès à l'information en Australie, en Irlande et au Royaume-Uni en ce qui a trait à l'assujettissement des radiodiffuseurs publics. J'ai aussi mis dans ce document certaines suggestions de changement pour le cas où le Comité souhaiterait se pencher sur notre loi.
    En un mot, la situation dans les pays observés est que les radiodiffuseurs publics sont assujettis à la législation sur l'accès à l'information, que les activités de programmation et de journalisme sont couvertes par voie d'exclusions dans leurs lois respectives, que les organismes de surveillance ont le pouvoir d'examiner les documents pour vérifier l'application de l'exclusion, et qu'ils peuvent en ordonner la communication. Au Royaume-Uni, la capacité du commissaire à l'information d'examiner les documents découlait également d'une décision des tribunaux.
    J'ai aussi inclus certains changements possibles à notre loi parce que, à titre de commissaire à l'information et comme mes prédécesseurs l'ont aussi préconisé, je crois que les exceptions à l'application de la loi doivent être limitées et spécifiques et qu'elles doivent reposer sur le préjudice probable. Le libellé des exceptions devrait être clair et objectif, ce qui est compatible avec les dispositions existantes de la loi.
    Les exceptions fondées sur le préjudice probable exigent que l'institution publique établisse une attente raisonnable de préjudice, en s'appuyant sur des données précises. Une exemption discrétionnaire fait en sorte que le responsable de l'institution publique tiendra compte de l'intérêt public pour la communication de l'accès à l'information demandée, même là où l'information est par ailleurs admissible à l'exemption.
(0855)

[Français]

    Madame la présidente, je suis convaincue que les changements que je suggère seraient compatibles avec les objectifs qui sous-tendent la Loi sur l'accès à l'information et protégeraient l'indépendance de la SRC en matière de journalisme et de programmation.
    Je vous remercie de m'avoir donné le privilège d'être ici ce matin. Je suis prête à répondre à vos questions.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Legault.
    Avant de passer au premier tour, je tiens à remercier Mme Davidson de m'avoir remplacée la semaine dernière et je demande au greffier de faire le point sur l'exposé présenté au comité par la Fédération canadienne des contribuables.
    Merci, madame la présidente.
    En réponse à la demande de M. Andrews, M. Thomas m'a présenté ses six demandes de la SRC — elles sont assez longues — en plus des réponses qu'il a reçues de la commissaire à l'information, et toute la documentation relative à ces demandes. Tous ces documents sont en cours de traduction et je les communiquerai au comité le plus tôt possible.
    Parfait, merci.
    Nous passons maintenant aux questions en commençant par M. Angus, qui a sept minutes.
    Monsieur Angus.
    C'est formidable que vous soyez de retour, madame la commissaire. Nous avons tous un grand respect pour le travail que vous accomplissez. Ce que vous nous avez dit sur ce qui devrait être couvert et sur la façon dont cela devrait l'être a été très instructif.
    J'aurais quelques questions à vous poser car, alors que nous cherchons à voir clair dans les questions d'exclusions pour la SRC, nous nous trouvons en même temps au milieu de ce que les médias ont appelé une guerre sale entre la SRC et son principal concurrent, Québécor. Il est en effet assez difficile de déterminer si ce qui se passe ici est dans l'intérêt du public ou il s'agit en fait d'une tentative de saper la légitimité d'un diffuseur public au Canada.
    J'ai sous les yeux les plaintes qui ont été faites entre 2007-2008 et 2011-2012. Si j'ai bien compris, 80 p. 100 de ces plaintes ont la même origine. Est-ce exact?
    Cela varie d'une année à l'autre.
    En prévision de la réunion d'aujourd'hui, j'ai compilé les statistiques. Pour la SRC, 83 p. 100 des plaintes déposées en cinq ans provenaient d'entreprises et représentaient six plaignants. En 2008-2009… Je n'ai pas vraiment de données pour 2007-2008 parce que les statistiques étaient établies de façon différente. Il est toutefois certain que cette année-là, la SRC a reçu un nombre très élevé de demandes dans un court laps de temps. Mais en 2008-2009, 90 p. 100 des demandes adressées à la SRC provenaient d'entreprises. La seule année où l'on constate un écart et où le pourcentage réel a changé est l'année 2009-2010, parce que j'avais été moi-même à l'origine de plusieurs demandes contre la SRC.
    Vous avez dit que 90 p. 100 provenaient d'entreprises…
    En 2008-2009.
    Je pense à la seule année qui va de septembre 2007 à mars 2008 et où il y a eu 485 demandes, soit 88,7 p. 100. Avez-vous une ventilation des entreprises, ou est-ce que dans leur grande majorité, elles ne provenaient que d'une seule entreprise?
    Je dirais que le pourcentage était très, très élevé. Nous ne sommes pas censés divulguer l'identité des demandeurs ou des plaignants. Les dispositions de confidentialité sont très strictes. Je peux cependant dire que cette première année, 90 p. 100 des demandes provenaient d'un ou deux plaignants, qui représentaient des entreprises.
    D'accord, je vois.
    Je pense que cela est important parce que, et je le redis, nous essayons d'établir si la SRC est en train de rendre des comptes aux contribuables ou si la SRC est minée dans une campagne menée par son principal concurrent. Selon notre information, plus de 80 p. 100 des plaintes provenaient de Québécor. M. Péladeau n'a jamais caché sa profonde opposition envers la SRC et se sert des journaux qu'il possède dans tout le pays pour la forcer à la faillite.
    Tout ce que je voulais, c'est un contexte, parce que je m'intéresse également à la question de l'exclusion. J'ai sous les yeux le rapport que le commissaire à l'information a publié en 2006 sur l'exclusion. Il est intéressant de noter à ce sujet que le gouvernement avait pris alors une position très différente de celle qui est la sienne aujourd'hui. Dans la réponse au plan d'action du gouvernement pour la réforme de la Loi sur l'accès à l'information, on peut lire en page six:
Le gouvernement du Canada est d'avis que le commissaire à l'information ne peut pas examiner l'information que le gouvernement affirme être visée par une exclusion.
    À ce que vous sachiez, est-ce toujours la position du gouvernement?
(0900)
    Je ne connais pas la position du gouvernement à cet égard, madame la présidente. Notre position est évidemment celle que nous défendons devant le tribunal, à savoir que nous avons encore un droit de surveillance et donc le droit d'exiger le dépôt de certains documents pour déterminer s'ils sont visés par l'exclusion ou par l'exception.
    Quant à la position du gouvernement, je ne la connais vraiment pas.
    D'accord.
    Voici sa position en 2006. Elle est catégorique. Le commissaire à l'information ne peut examiner un dossier qui fait l'objet d'une exclusion. C'est d'ailleurs ce que Vic Toews, qui était alors président du Conseil du Trésor, avait déclaré devant ce même comité le 19 juin 2006 et je le cite:
J'ai été quelque peu surpris quand j'ai appris que le commissaire à l'information recommandait notamment que les journalistes de la SRC... seraient obligés de divulguer leurs sources et que ce serait lui, c'est-à-dire le commissaire à l'information, qui déterminerait alors si la source en question devrait demeurer confidentielle. Pour vous dire franchement, cela m'a choqué.
    Il semble que nos collègues de l'autre côté de la Chambre aient complètement changé de position. Je pense en effet que celle du ministre Toews est raisonnable. La SRC devrait pouvoir en effet protéger ses sources pour préserver son intégrité de service de nouvelles et de concurrent dans un marché essentiellement privatisé.
    Conviendriez-vous avec Vic Toews que la SRC devrait pouvoir bénéficier d'exclusions afin de protéger son intégrité journalistique?
    Ce que je crois, à propos d'accès à l'information, est que la loi offre une protection adéquate. J'examine, par exemple, les nom et adresse d'informateurs dans des questions de sécurité nationale très confidentielles, des questions très secrètes. Le commissariat sert d'organe de surveillance. Les documents sont examinés de façon très sûre et les décisions rendues font l'objet de recommandations à l'organisme concerné. Cet organisme peut toujours, s'il n'est pas d'accord avec les recommandations, en saisir le tribunal. C'est ainsi que notre système fonctionne.
    Je pense qu'il s'agit d'un aspect fondamental de la liberté d'information et de ce droit, au niveau national et international, qu'il puisse y avoir un droit de surveillance indépendante. En fait, je dis tout le temps qu'il devrait y avoir, et pour les mêmes raisons, un droit de surveillance des secrets du Cabinet.
    C'est là où je veux en venir. Tout ce que je souhaite, c'est de clarifier la position du gouvernement, parce que Vic Toews a demandé une exclusion en faveur de la SRC pour qu'elle puisse protéger ses sources journalistiques.
    Or, nous voyons que le gouvernement demande une exclusion chaque fois qu'il s'agit de couvrir les arrières de ministres et de ministères et qu'il n'hésite pas à utiliser les tribunaux à cette fin.
    Le fait d'autoriser le gouvernement à exclure des documents en se fondant sur le privilège ministériel peut-il influer sur notre capacité de créer un système imputable auprès du public?
    Comme je l'ai dit, je pense que par principe, la Loi sur l'accès à l'information devrait s'appliquer largement. Elle devrait s'appliquer aux cabinets des ministres, elle devrait s'appliquer chaque fois que de l'argent des contribuables est administré et dépensé.
    Je pense que dans la plupart des cas, sinon tous, les exceptions devraient être discrétionnaires, avec primauté du critère de préjudice et de l'intérêt public. On offre ainsi une protection adéquate à l'information la plus confidentielle.
    Cette façon de procéder permet une surveillance indépendante, une analyse au cas par cas, qui tient compte de l'intérêt public et est conforme aux principes modernes de l'accès à l'information au niveau international.
    Merci, monsieur Angus, votre temps est écoulé.
    Nous passons maintenant à M. Del Mastro, qui a sept minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'aimerais revenir à ce que vous avez dit au tout début, madame Legault. Vous avez dit que la poursuite avait été intentée à l'origine par la SRC. Est-ce exact?
    C'est exact.
    Pour que le comité comprenne bien le contexte, dans cette poursuite, vous cherchiez en fait à exercer la surveillance de documents pour déterminer si l'article 68.1 s'appliquait ou non, n'est-ce pas?
(0905)
    C'est exact. Essentiellement, nous faisons parvenir une demande pour obtenir des documents, une sommation pour obtenir des documents, de sorte que nous puissions obtenir tous les documents, toutes ces plaintes qui font l'objet de l'ordonnance de communication.
    Ensuite, nous examinons tous les documents et déterminons si nous sommes d'accord avec l'établissement, en l'occurrence la SRC, pour ce qui est de sa façon d'appliquer toute exception ou exclusion prévue par la loi. C'est de cette façon que nous travaillons.
    Ensuite, nous cherchons à obtenir les arguments de l'établissement. En passant, il incombe à l'établissement de démontrer pourquoi l'exception ou l'exclusion doit s'appliquer dans le cas en question. Ensuite, nous faisons des recommandations. Nous sommes habituellement d'accord. Je veux dire que nous parvenons à une entente avec l'établissement dans 99,9 p. 100 des cas. Nous n'avons que quatre cas devant les tribunaux et, l'an dernier, nous avons traité 2 100 cas.
    Je vais me faire l'avocat du diable pendant une minute, alors, faites preuve de patience. Au cas où quelqu'un voudrait me citer, je répète que je me fais l'avocat du diable.
    Vous n'êtes pas dans le domaine de la télédiffusion. Vous ne savez rien de la télédiffusion. Comment sauriez-vous si l'une ou l'autre de ces trois exceptions s'applique ou non? En tant que SRC, nous n'avons pas confiance que vous êtes en mesure de déterminer si l'article 68.1 s'applique ou non. Par conséquent, ce que nous avons décidé de faire, et ce que nous allons indiquer clairement dans nos lignes directrices, c'est que nous pourrons simplement refuser les demandes d'accès à l'information à leur face même, parce que nous sommes le télédiffuseur. Nous savons ce qui applique. Nous pensons que l'article 68.1 est clair pour ce qui est de ce qui s'applique et de ce qui ne s'applique pas. Par conséquent, nous sommes prêts à nous rendre devant les tribunaux. En fait, nous sommes prêts à aller devant les tribunaux jusqu'à ce que nous obtenions la décision que nous aimons, et non pas n'importe quelle décision des tribunaux. Nous allons nous présenter devant les tribunaux jusqu'à ce que nous obtenions une décision qui fait notre affaire.
    Je pense que c'est une grande partie de l'argument de la SRC que de dire que vous n'avez pas la compétence nécessaire pour déterminer si l'article 68.1 s'applique. Votre bureau n'est pas qualifié parce que vous ne comprenez pas la radiodiffusion. Pensez-vous que votre bureau a la compétence nécessaire pour prendre des décisions en vertu de l'article 68.1?
    Je ne suis pas non plus un ancien général qui a travaillé en Afghanistan. Je ne suis pas non plus quelqu'un qui a travaillé dans une société d'État. Je ne suis pas une avocate spécialisée en droit commercial ou en brevets d'invention et pourtant, depuis 1983, mon bureau jouit de la confiance pour prendre des décisions sur ces questions. Heureusement, je ne suis pas la seule personne dans le bureau et je me fie beaucoup à des personnes comme Mme McCarthy. Nous retenons également les services d'experts au besoin.
    Il ne fait aucun doute que ces nouvelles dispositions nous amènent en territoire inconnu. Nous allons devoir déterminer quelle est la signification de ces mots. Matériel de création est un concept assez large, comme c'est le cas d'une partie du libellé qui l'entoure. Mais ces concepts sont prévus dans la Loi sur la radiodiffusion. Je n'ai pas le pouvoir d'ordonner la divulgation. Je ne peux que faire des recommandations. L'établissement a encore la possibilité d'être en désaccord et si c'est le cas et qu'il refuse de divulguer l'information, nous pouvons alors régler la question devant la cour.
    J'ai dit dès le départ, et c'était dans mon rapport spécial de l'an dernier, que ces nouvelles dispositions allaient être litigieuses. C'est un fait. Ce premier cas concerne une question de procédure. Il ne s'agit même pas encore d'une cause de fond.
    Vous avez présenté des arguments en faveur d'une modification de l'article 68.1 ou vous avez laissé entendre que nous pourrions vouloir examiner cette question. Konrad von Finckenstein avait des observations semblables. Le juge Boivin, dans son jugement, a eu des propos semblables.
    Si nous décidions de réviser l'article 68.1 pour nous assurer que les sources journalistiques sont protégées, et nous comprenons ce que cela veut dire — et la Cour suprême a été très claire sur cette question —, mais que nous éliminions les autres protections, est-ce que les causes devant les tribunaux se poursuivent ou est-ce qu'elles prennent fin?
    Je pense que ces dispositions donneront lieu à des procès. Cela a été le cas au R.-U. Le libellé que j'ai proposé dans le document que je vous ai remis est une exception discrétionnaire comportant un critère de préjudice. J'ai conservé la terminologie de la Loi sur la radiodiffusion, de manière que cela reflète ce qui existe déjà. La différence entre ce que nous avons dans la loi actuelle en vertu de l'article 68.1 et la Loi sur la radiodiffusion, c'est que cette dernière traite de l'indépendance en matière de journalisme, de création et de programmation tandis que notre loi traite de toute activité liée à ces trois concepts. Il me semble que c'est beaucoup plus vaste comme concept que ce que la Loi sur la radiodiffusion prévoit et ce que ces dispositions devraient refléter. Nous devrions parler de protéger l'indépendance journalistique de la SRC.
(0910)
    Ce qui explique pourquoi la SRC prétend essentiellement que l'article 68.1 s'applique à tout, et qu'elle va tenter de faire définir cela par les tribunaux, puisque la loi ne le fait pas.
    La plupart du temps, nous parvenons à une entente avec l'établissement. Dans le cadre de nos interventions auprès des établissements, nous écoutons leurs arguments, qu'ils nous présentent par écrit. Dans bon nombre de cas, ils sont solides et bien éclairés. Nous écoutons leurs recommandations et, la plupart du temps, nous en arrivons à une entente. Je ne m'attends pas à ce que les choses soient différentes dans le cas de la SRC, dans nos discussions portant sur l'interprétation de cet article. À l'heure actuelle, en attendant l'issue du procès, nous ne voyons aucun des documents. Nous n'avons même pas commencé ces discussions avec la SRC. Nous ne pouvons pas le faire.
    La Fédération des contribuables a dit que puisqu'elle n'obtient pas de réponses, elle ne pose plus d'autres questions. Est-ce pourquoi vous avez des inquiétudes au sujet de la raison pour laquelle le dossier de la SRC montre une certaine amélioration?
    Non. Elle reçoit moins de demandes et de plaintes. Une chose est certaine: elle avait l'habitude de recevoir beaucoup de demandes, parce qu'elle ne répondait pas à temps ou parce qu'elle imposait beaucoup de frais. Ces plaintes de nature administrative ont semblé diminuer substantiellement, et c'est excellent, parce que maintenant, elle peut se concentrer sur le fond des demandes. En passant, c'est le message que je donne à tous les établissements, et les plaintes de nature administrative qu'ils reçoivent diminuent à la grandeur du système à cause de cela.
    Voici ce qui m'inquiète: la SRC semble recevoir une demande, et à partir du libellé même de la demande, prend une décision sur l'application de l'article 68.1 — sans récupérer les documents, sans examiner les pages pertinentes des documents et sans utiliser ces données pour décider ce qui peut être divulgué à titre d'exception, en vertu de l'administration générale, à la disposition d'exclusion prévue dans la loi. Elle semble, d'après ces lignes directrices, ne pas faire ce travail. Cela me préoccupe, surtout dans le contexte que nous n'avons pas encore de décision sur le fond de l'article 68.1. Elle prend ce genre de décisions. L'autre chose…
    Pourriez-vous conclure, madame Legault? Nous avons largement dépassé le temps.
    Je suis désolée.
    Merci.
    Monsieur Andrews, allez-y, vous avez sept minutes.
    Soyez la bienvenue encore une fois, madame la commissaire. C'est un plaisir de vous revoir.
    Pour continuer sur la question de la révision de l'article 68.1, et votre suggestion de le modifier en une exception comportant un critère de préjudice, est-ce la seule modification que vous voyez dans le cas de l'article 68.1? Pensez-vous que le fait de le modifier de cette façon aidera à régler ce problème? Expliquez-nous un peu. Je sais que vous avez inclus certaines données générales sur d'autres pays également. Pourriez-vous nous en parler un peu plus?
    Les autres pays que j'ai mentionnés possèdent tous des exclusions. C'est pourquoi je pense que, lorsque la Loi fédérale sur la responsabilité est entrée en vigueur, l'article 68.1 a été conçu comme une exclusion. Je ne sais pas. En français, je n'étais pas…

[Français]

dans le secret des dieux.

[Traduction]

    Je n'étais pas dans les coulisses du gouvernement lorsque cet article a été rédigé, mais c'est comme si on suivait un modèle international. Bien que j'aime les modèles internationaux la plupart du temps, dans ce cas particulier, je ne vois pas la nécessité d'une disposition d'exclusion. Je pense qu'une exception comportant un critère de préjudice suffirait. Cela permet, en fait, à l'établissement de dire: « Eh bien, cette information tombe sous le coup de cette exception, et si elle est divulguée, elle entraînera les préjudices suivants, par exemple, elle amènera la divulgation de sources journalistiques qui doivent être protégées. » Mais elle permet également, dans certains cas, une analyse en fonction de l'intérêt public, qui dit: « Eh bien, oui, il y a un préjudice, mais l'avantage du point de vue de l'intérêt public découlant de la divulgation n'est-il pas plus important que le préjudice causé? ». C'est l'analyse que vous faites lorsque vous avez une exception discrétionnaire qui comporte un critère de préjudice. C'est, je crois, ce qui serait approprié dans ce cas. Mais à l'échelle internationale, c'est moi qui serais le cas aberrant, certainement, compte tenu des modèles qui existent à l'heure actuelle.
(0915)
    Alors, ce serait le seul changement à apporter à cet article?
    C'est un changement de taille.
    Très bien.
     Nous avons parlé plus tôt du nombre de demandes d'information que la SRC a reçues et de la note « F » qu'elle a reçue sur sa fiche de rendement. N'est-il pas juste de dire que quelqu'un a présenté 100 demandes le même jour, ce qui lui vaudrait automatiquement une note « F »?
    Cela dépend comment on traite les demandes. Citoyenneté et Immigration Canada reçoit quelque chose comme 14 000 demandes par année et ce ministère a une excellente fiche de rendement. Il réussit très bien à traiter ces demandes. Mais la plupart des établissements, s'ils reçoivent de manière inattendue 100, 200 ou 300 demandes le même jour, ne seront pas en mesure de les absorber, alors, il y aura des plaintes de nature administrative. Ils ne respecteront pas les délais. Ils ne respecteront pas les délais prescrits par la loi. Cela mène à des plaintes, et cela a vraiment tendance à enliser l'établissement. C'est ce qui est arrivé à la SRC la première année. Et ensuite, elle a eu toutes les plaintes provenant de mon bureau. Il ne fait aucun doute que cela a également enlisé mon bureau la première année, en 2007-2008. Alors, voilà quel a été le résultat.
    La SRC n'est pas le seul établissement à recevoir un nombre élevé de demandes par certains demandeurs. L'Agence du revenu du Canada et d'autres agences semblent parfois ciblées. « Ciblées » n'est pas le mot juste, mais il semble y avoir certains demandeurs qui se spécialisent dans certains ministères. Le Bureau du Conseil privé aura quelques demandeurs. C'est la même chose pour l'Agence du revenu du Canada et la Défense nationale. Certains journalistes, par exemple, se spécialisent dans certains domaines. Et ils adressent leurs demandes à certains ministères. Alors, la situation de la SRC n'est pas inhabituelle. Cela arrive très certainement à d'autres établissements.
    Très bien.
    Lorsque vous regardez tous les autres établissements — et je sais que vous les connaissez bien —, est-ce que la SRC fait de la divulgation proactive sur son site Internet, de sorte que toute demande à laquelle elle répond est automatiquement présentée sur son site Web. Cela n'est pas courant parmi les ministères, n'est-ce pas?
    À la suite des recommandations que nous avons formulées au Secrétariat du Conseil du Trésor il y a quelques années, dans le cadre de l'enquête sur le Système de coordination des demandes d'accès à l'information, je crois que d'ici décembre, il deviendra obligatoire pour tous les établissements d'afficher toutes les demandes d'accès à l'information. Cela fait partie de la plate-forme du gouvernement sur la transparence du gouvernement. Quelques établissements le font à l'heure actuelle et il y en aura encore beaucoup plus d'ici la fin du présent exercice financier.
    D'ici la fin de l'année, tous les ministères du gouvernement seront tenus…
    Ils sont censés l'être.
    Très bien.
    Je suis allé sur le site Web de la première chaîne de Radio-Canada et j'ai trouvé très intéressant de voir les demandes d'accès à l'information. Vous ne savez pas qui est le demandeur, mais vous pouvez voir l'information.
    Oui, j'y suis allée moi-même hier soir. Je n'étais pas certaine que toutes les demandes étaient présentées.
    On y affiche certainement les documents des demandes que la SRC juge d'intérêt public. Je ne suis pas certaine qu'il y a accès à la totalité des demandes, ce qui sera exigé des établissements.
    Qui surveillera cela d'ici la fin de l'année? Est-ce que ce sera votre bureau?
    Non. J'imagine que parce que c'est une mesure qui est demandée par le Secrétariat du Conseil du Trésor, c'est lui qui en surveillera la mise en oeuvre par les différents établissements.
    Et, à votre avis, c'est une bonne chose.
    Elle fait suite à notre recommandation.
    M. Scott Andrews: Bien.
    Mme Suzanne Legault: Nous voulions que cela se fasse. Je pense que c'est une excellente idée. Cela réduit effectivement, je pense, le nombre de demandes.
    Nous faisons cela à notre bureau depuis plus d'un an, 15 mois ou à peu près. Les demandeurs n'ont qu'à se rendre sur le site et dire qu'ils veulent les documents liés à cette demande, et nous les leur faisons parvenir tout simplement. C'est fantastique.
    Il est arrivé combien de fois qu'un ministère reçoive la même demande?
    Je n'ai pas de données statistiques sur cette question.
    Vous l'ignorez? Très bien.
    Merci.
    Excellent, merci.
    C'est maintenant au tour de M. Calkins, pour sept minutes
    Merci, madame la présidente. Bon retour.
    Madame Legault, il est agréable de vous revoir aujourd'hui.
    Je vais poursuivre dans la même veine que mon collègue, M. Del Mastro.
    Une de vos observations qui m'a pris par surprise et qui m'a donné à réfléchir, c'était votre commentaire au sujet de… Il semble que les gens qui travaillent au bureau de l'accès à l'information à la SRC semblent rendre une décision en vertu de l'article 68.1 en se fondant sur la nature de la question plutôt que de récupérer effectivement l'information et d'examiner cette information à travers la lentille de l'article 68.1, éditer cette information, qu'ils pourraient estimer devoir être protégée en vertu de ce même article, et ensuite, communiquer le reste de l'information au demandeur.
    Est-ce là votre perception ou votre interprétation, ou est-ce que vous savez que c'est vraiment ce qui se passe?
(0920)
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, j'ai regardé cela sur le site Web de la SRC pendant que je ne me préparais à comparaître devant le présent comité. J'ai regardé ces lignes directrices, qui ont été publiées très récemment. J'ignorais leur existence et je vais faire un suivi sur cette question.
    Le comité pourrait également faire un suivi de cette question lorsque la SRC comparaîtra devant lui. Je vais certainement en faire un.
    Je suis extrêmement préoccupée. Si c'est exactement de cette façon que je les ai lues et comprises, je vais très certainement devoir m'entretenir de cette question avec la direction de la SRC et faire une recommandation, à sa face même, que l'on mette immédiatement fin à cette pratique.
    L'autre chose qui me préoccupe, si c'est là la pratique, c'est que s'il y a une plainte consécutive à celle-là, il y a un délai de 60 jours pour présenter une plainte à mon bureau. Si les documents n'ont pas été récupérés en premier lieu, cela crée encore plus de délais une fois que la plainte arrive à mon bureau.
    De même, j'ignore quelles sont les dispositions législatives qui régissent la conservation et la disposition des documents à la SRC. Qu'en est-il des documents électroniques? Si une demande arrive le premier jour du mois et, essentiellement, aucun document n'est récupéré, et qu'on dit au demandeur que tout est exclu en vertu de l'article 68.1, et que je reçois une plainte à mon bureau 60 jours plus tard, combien de documents…? Des documents électroniques, des messages de BlackBerry — il peut s'agir de documents passagers, mais au moment de la demande, il y a une obligation de conserver ces documents.
    Alors, je suis vraiment préoccupée par cette pratique. Je vais certainement faire un suivi avec la direction de la SRC. Je pense que si on fait cela, c'est une pratique erronée et douteuse.
    En fait, cela semble très inquiétant et alarmant. Je suppose que non seulement ils… Des témoins qui ont comparu devant le comité auparavant nous ont dit qu’il y avait de nombreux renseignements mixtes dans ces documents et des documents dont certains des renseignements pouvaient être exclus par l’article 68.1, alors que d’autres ne l’étaient pas.
     Si l’organisation ne récupère pas les dossiers pour les examiner et prend sa décision simplement en fonction de la question qui est posée dans la demande d’accès, pensez-vous qu’ils prennent simplement en considération la source, c’est-à-dire la personne ou l’organisation qui pose la question, et qu’ils arrivent à la décision ainsi?
    Franchement, je n’en sais rien.
    Je vais vous lire une citation tirée de leur document intitulé « Lignes directrices quant à l’interprétation de l’article 68.1 de la Loi sur l’accès à l’information ». Je crois qu’il a été publié seulement le mois dernier. Je vais lire la partie suivante textuellement:
La procédure applicable au Bureau d’accès à l’information de CBC/Radio-Canada
    2. Quand, à la lecture d’une demande d’accès à l’information, la personne mentionnée au paragraphe précédant
     — la personne à laquelle le pouvoir a été délégué —
conclut qu’un renseignement est manifestement exclu de l’application de la Loi en vertu de l’article 68.1, le secteur de qui relève ce renseignement n’a pas à le fournir au Bureau d’accès à l’information. Ainsi, une demande d’accès peut être refusée à sa face même.
    Voilà ce qu’indiquent les lignes directrices.
    Par conséquent, cette question me préoccupe énormément.
    Quels précédents établis devant les tribunaux pourraient infirmer la validité de cette politique? La SRC a-t-elle même des arguments qui lui permettent de présenter cette politique comme légitime et viable?
    L’année dernière j’ai été témoin d’une situation similaire au sein du Bureau du Conseil privé, et je leur ai demandé de cesser cette pratique. Le rapport annuel en fait état. Ils se comportaient de manière très semblable à la SRC en autorisant le coordonnateur de l’accès à l’information — auquel, soit dit en passant, le pouvoir n’a pas été délégué — à déclarer devant la demande même que ces renseignements se trouvaient probablement tous dans des documents confidentiels du Cabinet et qu’il n’était donc pas nécessaire de les récupérer. Nous nous sommes élevés fermement contre cette pratique du Bureau du Conseil privé, et ils l’ont modifiée à ce moment-là.
    C’est la raison pour laquelle j’affirme que je n’ai pas eu l’occasion d’en discuter avec la SRC. Ils ne sont pas au courant des inquiétudes que j’exprime ce matin devant le comité, parce que j’ai examiné très récemment ces documents pour me préparer aux audiences du comité.
    Dans le passé, j’ai mentionné le fait qu’en l’occurrence, de nombreux deniers publics étaient en jeu, notamment l’argent des contribuables qui sert à financer le diffuseur d’État et votre bureau, à payer les juges, à construire les tribunaux, etc. De plus, pas mal d’argent est dépensé ici pour régler cette question.
     Plus ces refus de la SRC vous causent de problèmes… et ces plaintes doivent accroître les coûts que votre bureau doit assumer. Le litige doit être très coûteux pour la SRC. Quels coûts ces procédures occasionnent-elles à votre bureau? Si ces coûts sont très élevés, on peut seulement en conclure que la SRC doit cacher des renseignements qui lui causeraient énormément de tort.
(0925)
    Je ne vais rien dire à propos de ce que la SRC cache ou non.
     Comme je l’ai dit, nous traitons en ce moment 375 cas. Cent quatre-vingt-seize sont en attente, et je dois encore enquêter sur 179 d’entre eux. Sur un total d’environ 2 000 cas, voilà comment les choses se présentent. Deux mille est un chiffre approximatif; je ne connais pas le dernier compte. Cela vous donne une idée de l’importance du volume de cas, tant à mon bureau qu’au leur, car ces cas doivent être traités.
     En ce qui concerne les frais juridiques, je suis toujours très fière de dire qu’à mon avis, le CIC est une organisation très frugale mais, pendant les deux premières années, nous avons fait appel à des services de gestion des litiges externes. Donc, la première année, ces services nous ont coûté 19 000 $, et 12 000 $ la deuxième année. Nous avons de la chance que, dans le secteur privé, de nombreux avocats de très haut niveau soient prêts à travailler pour notre bureau pour des honoraires très faibles. Maintenant, nous avons des conseillers juridiques internes. J’ai augmenté le nombre d’avocats de mon bureau, et je modifie légèrement la façon dont nous exerçons nos activités. Cette année, si l’on fait abstraction du salaire de l’avocat qui, de toute manière, travaille sur d’autres cas au bureau, nous avons engagé jusqu’à maintenant des frais de 628 $ pour gérer les litiges. Voilà mes frais. Je ne connais pas ceux de la SRC.
    D'accord.
    Votre temps est écoulé.
    Merci, madame la présidente.
    Avant que nous commencions la prochaine série de questions, le greffier fera circuler autour de la table toutes les lignes directrices auxquelles la commissaire a fait allusion.
    Nous entreprenons maintenant les interventions de cinq minutes, et nous allons commencer par M. Dusseault.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais d'abord souhaiter la bienvenue à Mme Legault.
     Je suis content que vous comparaissiez de nouveau devant notre comité. En effet, il s'est passé plusieurs choses depuis la dernière fois que vous êtes venue nous voir. J'ai d'ailleurs assisté, il y a quelques semaines, à un dîner que vous aviez organisé et auquel participaient des commissaires à l'information d'un peu partout dans le monde. Je pense qu'il est question, dans un des documents que vous nous avez remis, de sujets qui ont été abordés dans le cadre de cet événement.
    J'aimerais revenir plus longuement sur le pouvoir du commissaire à l'information. J'ai remarqué que les autres commissaires à l'information semblaient avoir beaucoup plus de pouvoirs face aux départements ministériels et aux sociétés d'État.
    Pensez-vous que le comité devrait envisager d'élargir le mandat du commissaire de façon à pouvoir accéder à certains documents ministériels? J'ai remarqué que c'était déjà le cas dans plusieurs pays.
    Comme je l'ai dit lorsque la décision de la Cour suprême du Canada a été émise, je crois que la loi devrait effectivement s'étendre aux bureaux des ministres, en ce qui a trait à l'administration des ministères. Il y a maintenant beaucoup de divulgations proactives à l'égard de certaines dépenses ministérielles. Je crois que la population devrait pouvoir obtenir les documents qui sous-tendent ces divulgations proactives.
    Oui, je crois que les institutions politiques devraient être couvertes par la loi, dans la mesure où il s'agit de leur administration générale ainsi que de leurs fonctions ministérielles et départementales, et non de leurs fonctions politiques.
    Je ne suis pas allé plus loin dans la discussion avec les commissaires des autres pays, mais j'imagine que les sociétés d'État qui font du commerce dans un marché de concurrence, comme Radio-Canada ou VIA Rail, font l'objet de certaines exclusions qui les protègent d'autres compétiteurs privés, ou peu importe qui ils sont, et qui leur évitent d'être désavantagées. Est-ce que vous convenez qu'il s'agit là de quelque chose d'essentiel pour ces sociétés d'État?
    Personnellement, je ne crois pas que des exclusions soient nécessaires. Je crois que les exemptions discrétionnaires sont suffisantes.
    Comme je l'ai mentionné dans le rapport spécial de l'année dernière, après avoir pris connaissance du rendement des institutions nouvellement couvertes par la loi, on se rend compte que les sociétés d'État utilisent grandement leurs exclusions. Par exemple, il n'y a qu'à comparer les statistiques générales concernant Radio-Canada à celles concernant le gouvernement. Les cas où Radio-Canada n'a fait aucune divulgation aux demandeurs en vertu de l'exclusion représentent 20 p. 100 des demandes, ce qui est très élevé. En revanche, ces mêmes cas représentent environ 2 ou 3 p. 100 des demandes faites en général dans tout le gouvernement. On se rend compte qu'il se crée une dynamique où l'exclusion engendre un faible taux de divulgation aux demandeurs.
    À mon avis, ce n'est pas une situation optimale. C'est pour cela que j'ai proposé ces changements. Bien sûr, les dispositions spécifiques dans le cas des sources journalistiques sont tout à fait appropriées. Il n'y a pas d'inquiétudes à avoir à ce sujet. Par contre, je pense que le problème relève du contexte dans lequel ces dispositions sont insérées dans la loi.
(0930)
    Comme vous le dites, les sources journalistiques constituent un des points assez importants. En effet, on sait que certains journalistes vont même très loin pour protéger ces sources très confidentielles. J'imagine que vous allez prendre ça en compte, si la loi est modifiée. Il faudrait voir à ce que les éléments d'information essentiels soient disponibles, tout en permettant aux journalistes de faire leur travail correctement et d'être protégés par le commissaire à l'information.
    Tout à fait. Nous le ferons, tout comme nous le faisons en matière de sécurité nationale, tout comme nous le faisons lors d'enquêtes policières où on doit protéger l'identité des informateurs, par exemple. Ces informations sont très bien protégées en vertu de la loi. Les activités commerciales le sont aussi lorsque c'est approprié.
    Les exemptions dans la loi sont quand même bien structurées. Cela fonctionne très bien. Il y a un bon équilibre entre la divulgation et la protection nécessaire de certaines informations. C'est la même chose, ce serait la même chose, et ce sera la même chose pour les sources journalistiques.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons maintenant passer à Mme Davidson.
     Je crois comprendre que vous allez partager votre temps avec M. Carmichael.
    Oui. Merci, madame la présidente.
    Je suis ravie de vous revoir, chères commissaires. Je vous souhaite de nouveau la bienvenue au sein du comité.
    J'ai une question rapide à vous poser. Au cours des dernières séances, nous avons discuté de la composition des demandes d'accès à l'information qui ont été reçues. Je remarque qu'en 2007-2008, 88 p. 100 des demandes étaient présentées par des entreprises et 6 p. 100 par des médias. L'année suivante, 43 p. 100 des demandes étaient présentées par des entreprises et 25 p. 100 par des médias. Puis en 2009-2010, les résultats étaient identiques à l'année précédente.
    Je ne comprends pas comment on définit les entreprises et les médias et comment ces définitions s'appliquent à la protection journaliste prévue à l'article 61.8. Dans quelle catégorie l'organisation Quebecor est-elle classée? Fait-elle partie des médias ou des entreprises?
    C'est une bonne question.
    L'identité du demandeur ne doit pas être divulguée. Par conséquent, ces classements sont somme toute imprécis, parce qu'ils dépendent de la façon dont les gens se présentent dans la demande. Ces statistiques sont recueillies par le gouvernement et généralisées pour toutes les institutions. Je pense qu'il faudrait que vous demandiez aux employés du Conseil du Trésor comment ils définissent ces catégories. C'est l'un des domaines dans lequel les renseignements sont très imprécis.
    Donc, vous ne définissez pas ces demandes?
    Lorsque nous recevons les plaintes, notre bureau les classe par catégorie, mais elles sont imprécises. Par exemple, un journaliste peut présenter une demande sans mentionner qu'il travaille pour un média d'information. Par conséquent, nous classerions la plainte comme si elle était déposée par un particulier ou un membre du public, car nous ne saurions pas qui il est. Pareillement, un universitaire pourrait présenter une demande sans signaler son occupation, alors nous recenserions sa demande comme si elle provenait d'un membre du public. Une entreprise peut présenter une demande ou déposer une plainte par l'entremise d'un cabinet d'avocat, par exemple, et nous considérerions qu'elles proviennent d'une entreprise.
    La façon dont les plaintes sont classées est très imprécise. Nous les classons en fonction des renseignements dont nous disposons au moment où nous les recevons, et je pense que les institutions font la même chose.
    Donc, on n'exige pas que les demandeurs soient francs et communiquent leur identité; il pourrait s'agir de n'importe qui.
    Bien entendu, oui
    Ils n'ont pas besoin d'indiquer la personne ou l'organisation pour laquelle ils demandent l'information.
    Non. Si vous voulez, cela fait partie de l'anonymat du processus ou de sa confidentialité. Ainsi, l'institution qui reçoit la demande n'y répond pas de manière subjective.
    Donc, vous les catégorisez en fonction de la nature de la demande.
    Non. Quelqu'un pourrait s'identifier comme un journaliste, par exemple, ou comme un représentant des médias ou un universitaire. Mais certaines personnes ne révèlent pas leur identité. En fait, certaines d'entre elles présentent leurs demandes par personnes interposées, car elles ne veulent pas qu'on puisse les identifier. Dans ces cas-là, les demandes sont catégorisées en fonction des renseignements fournis. Si la demande ne contient rien d'autre qu'un nom et une adresse, elle sera classée comme si elle provenait d'un membre du public.
    Merci.
(0935)
    Monsieur Carmichael, il vous reste une minute et demie.
    Merci, madame la présidente.
    Madame Legault, il est clair que je dois vous interroger très rapidement.
    Comme vous le savez, l'autre jour, M. Péladeau a témoigné devant nous et a déclaré qu'il n'avait jamais présenté une demande d'accès à l'information concernant des activités journalistiques. J'en conclus que les sources et l'intégrité journalistiques sont protégées.
    Compte tenu des organisations que vous avez examinées jusqu'à maintenant relativement à l'accès à l'information, pouvez-vous confirmer ou réfuter ces observations?
    Comme je l'ai dit, chaque fois qu'on a affirmé qu'une demande traitait de sources journalistiques, je n'ai examiné aucun de ces documents. Par conséquent...
    C'est-à-dire jusqu'à maintenant...
    ... aucun de ces cas n'a été traité.
    Je crois comprendre que la grande majorité des demandes parlent d'argent: où l'argent est-il dépensé? En d'autres termes, une société publique ou une société d'État financée par des deniers publics, lesquels disparaissent dans un profond trou noir. Des témoins qui ont comparu auparavant ont laissé entendre qu'au sein des organisations, il existait des fiefs ou des empires sur lesquels les cadres supérieurs n'avaient aucun contrôle.
    Ce qui me préoccupe, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez...
    Monsieur Carmichael, votre temps de parole est écoulé. Vous pourrez poursuivre vos questions au cours de la prochaine intervention conservatrice. Je vais donc permettre à Mme Legault de répondre très brièvement à votre question.
    S'ils n'ont rien à cacher, pourquoi cherchent-ils à gagner du temps?
    Je ne peux pas vraiment formuler des observations à ce sujet. De mon point de vue, ce qui importe, c'est que 196 cas n'ont pas été examinés; ils sont en attente parce que la SRC soutient que les demandes ou une partie de celles-ci se rapportent à des activités de création, de programmation ou de journalisme. Il y en a 175 qui invoquent à une flopée d'exceptions ou d'exemptions, et nous allons devoir les traiter.
    Merci, madame Legault.
    Madame Brosseau.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
     Merci, mesdames Legault et McCarthy, d'avoir pris le temps de nous rencontrer de nouveau. C'est un plaisir pour moi de vous revoir.
    Je voulais simplement vous demander combien de temps vous consacrez aux dossiers relatifs à des institutions qui sont devant la cour. Est-ce que cela représente beaucoup de temps?
     Cela représente très peu de temps. Les dossiers qui sont présentés devant la cour sont très peu fréquents. Comme je le disais plus tôt, en ce moment, notre bureau a porté devant la cour quatre dossiers, incluant celui de Radio-Canada. Nous en avions un impliquant Postes Canada. Nous avons maintenant une entente avec cette société. Il reste quelques procédures à conclure à la cour, mais le dossier sera clos au cours des prochaines semaines. Nous avons un dossier impliquant le ministère de la Justice et un autre impliquant la Gendarmerie royale du Canada.
    Nous avons quelques dossiers où nous faisons des interventions relativement à certains points, mais qui impliquent aussi d'autres parties. Nous en avons un à Terre-Neuve-et-Labrador contre Hibernia et un autre dossier en Colombie-Britannique en lien avec les pêches. Il y a également une action intentée en justice contre nous, un bref de mandamus.
    Nous avons donc sept dossiers devant la cour. L'année passée, nous avons traité 2 100 dossiers, alors cela vous donne une idée du pourcentage de dossiers qui se rendent jusqu'à la cour. En fait, c'est très peu.
    La SRC a reçu la note F, contrairement à d'autres. Après avoir reçu cette note, la SRC a fait d'autres démarches pour améliorer ses services. Par rapport aux autres, où se situe CBC/Radio-Canada?
    Ces gens ont obtenu la note F il y a deux ans, mais les choses se sont améliorées depuis.
    Quand on a établi les fiches de rendement, on a examiné le rendement de certaines institutions qui avaient été assujetties à la loi après l'adoption de la Loi fédérale sur la responsabilité. Le rendement de Postes Canada était vraiment très mauvais. Ses problèmes étaient différents, mais il reste que son rendement était vraiment très mauvais. Le dossier des ces deux sociétés d'État n'était pas très bon, comparativement à celui de VIA Rail, notamment. J'ai d'ailleurs rencontré, avec Me McCarthy, des représentants de VIA Rail la semaine dernière. Cet organisme, qui est aussi une société d'État, a eu un très bon rendement. Certaines dispositions spécifiques s'appliquent à lui. La collaboration, dans son cas, avait été très bonne. Il fonctionne très bien.
    L'organisme Énergie atomique du Canada fait lui aussi l'objet d'une exclusion. Par contre, il a accepté de nous laisser vérifier les documents. Nous avons très peu de dossiers relativement à cette agence, qui est fort efficace. Son service d'accès à l'information fonctionne très bien.
    Les deux organismes qui causent encore problème sont Postes Canada et Radio-Canada. Toutefois, ils semblent tous deux faire des progrès.
(0940)
     La SRC a entamé des procédures judiciaires contre vous. Quant à l'article 68.1, il y a vraiment une zone grise en ce qui concerne les règles en matière journalistique et de programmation.
    Pensez-vous que l'on doive étudier l'article 68.1 et y apporter des changements?
    J'ai suggéré des changements aujourd'hui. En réalité, des termes comme « journalisme », « création » et « programmation » appartiennent au langage de la Loi sur la radiodiffusion. C'est probablement une bonne idée de conserver les termes de cette loi. Ce que je propose, c'est vraiment de changer le régime, c'est-à-dire de passer d'une exclusion à une exemption. Ça va quand même assurer la protection nécessaire, mais ça va vraiment permettre la tenue d'une révision, d'une analyse en matière de préjudice et d'intérêt public. Dans les circonstances, ça me semble plus approprié.
    D'ailleurs, même la Cour suprême, dans le cas de la divulgation des sources journalistiques, a procédé à une analyse à l'égard de l'intérêt public. Ce n'est pas étranger à la question des sources journalistiques. Ça fait partie de certaines décisions de la Cour suprême du Canada.

[Traduction]

    J'ai juste une autre question à vous poser.
     Lorsque la SRC reçoit une demande, ses employés savent-ils d'où elle provient? Pourront-ils déterminer si l'information est demandée par une entreprise ou une personne? Connaissent-ils la source de la demande?
    La personne doit s'identifier suffisamment pour remplir les conditions de demandeur en vertu de la mesure législative. Elle doit prouver qu'elle réside en fait au Canada. Ceci mis à part, elle doit fournir une adresse à laquelle l'information peut être envoyée. Comme je l'ai dit plus tôt, certains demandeurs cachent délibérément leur identité ou ont recours un mandataire ou une autre personne pour présenter la demande en leur nom. C'est très commun.
    Votre temps est écoulé, madame Brosseau.
     M. Dreeshen posera la dernière question et disposera de cinq minutes.
     Merci beaucoup, madame la présidente.
     C’est bon de vous revoir, madame Legault.
     Je veux simplement passer en revue quelques questions. Ils ont parlé de la formulation des demandes en question. Je me demande si vous avez des exemples, s’ils vous ont donné des exemples du genre de formulation qui les pousserait à abandonner l’examen de certaines demandes.
    Je suppose que le meilleur moyen de se faire une idée des demandes serait d’examiner celles qui ont conduit à un litige. Je pense qu’il y en a 16.
     Les ai-je apportées? Oui, j’en ai quelques-unes en ma possession. Certaines d’entre elles sont en français et d’autres sont anglais.
     Voici l’une des demandes pour laquelle l’article 68.1 a été invoqué et qui a entraîné un litige: « les frais réglementaires versés par la SRC relativement à la présentation de demandes d’AAI. Veuillez fournir une copie des documents qui indiquent le montant des frais versés pendant l’exercice 2007-2008 en vertu de la Loi sur l’accès à l’information. » Cette demande a été soustraite à l’application de la loi en vertu de l’article 68.1.
     Il y en a une liste — « Les vérifications de la couverture des Jeux olympiques par la SRC et les dépenses que Deloitte & Touche a engagées pour les effectuer. Veuillez fournir une copie des vérifications auxquelles la couverture des trois derniers Jeux olympiques a été soumise par l’intermédiaire Deloitte & Touche ou d’un organisme de vérification équivalent. »
    Donc, dans ces cas…
    Il y en a 16. Elles ont été rendues publiques, parce qu’elles font l’objet d’une poursuite.
    Donc, dans ces cas, on ne vous a fourni aucune information. Est-ce exact?
    Dans ces cas-là, une plainte a été déposée, et l’on a invoqué l’article 68.1. Mon bureau a reçu une plainte, alors nous avons tenté d’obtenir les dossiers pour vérifier si l’article 68.1 s’appliquait dans les cas en question. C’est alors que la SRC nous a traînés devant les tribunaux relativement à notre contrôle judiciaire, en affirmant que nous ne pouvions pas ordonner la production de ces dossiers.
    Par conséquent, les situations où vous obtenez des renseignements — par exemple, nous avons examiné 16 pages, je crois, où tout était rayé, sauf la mention « 2007 F-150 » — représentent un type de scénario différent. Pouvez-vous expliquer les arguments qu’on a fait valoir dans ces cas-là?
(0945)
    Lorsque nous examinons des dossiers, nous obtenons des copies censurées et non censurées de tous les documents. En conséquence, nous passons en revue le texte des documents qui ont été censurés, et nous vérifions les exemptions qui ont été appliquées. Nous pouvons examiner toute l’information et, s’ils ont invoqué à un endroit l’article 19 concernant les renseignements personnels, nous leur demandons pourquoi ils considèrent ces renseignements personnels. Peut-être que la personne travaille pour la fonction publique et que ces renseignements ne sont pas personnels. Nous disons alors à l’institution qu’elle doit justifier le caractère personnel de ces renseignements. Il leur incombe de démontrer la raison pour laquelle ils appliquent cette exemption, puis nous prenons une décision. Si nous ne sommes pas d’accord avec eux, nous le leur indiquons, et la plupart du temps ils tombent d’accord avec nous, parce que Mme McCarthy est très persuasive.
    C’est bien.
    Parfois, ils continuent d’être en désaccord avec nous et, au bout du compte, nous officialisons le processus. Nous émettons une dernière recommandation à l’intention du dirigeant de l’institution. Dans les ministères, celle-ci est habituellement envoyée au ministre. Dans le cas de la SRC, elle serait transmise au président de l’institution. Ils prennent une décision définitive et, si nous ne sommes toujours pas du même avis, nous portons la cause devant les tribunaux.
    Dans vos observations, vous avez aussi parlé des exemptions fondées sur le préjudice. Pourriez-vous nous en dire plus long?
    Peut-être Mme McCarthy pourrait-elle vous expliquer ce qu'est une exemption fondée sur le préjudice et comment cela fonctionne. C'est prévu dans la loi.
    Je vous laisse expliquer ce mécanisme.
    Pour qu'il y ait exemption fondée sur le préjudice, il faut essentiellement que l'institution visée fournisse la preuve tangible qu'il existe un risque raisonnable de préjudice en cas de divulgation de l'information demandée. Cela diffère d'une exemption obligatoire pour laquelle il suffirait d'indiquer qu'il s'agit de renseignements personnels pour que la loi ne puisse pas s'appliquer.
    Monsieur Dreeshen, je vais devoir vous interrompre, car cette portion de notre séance devait prendre fin à 9 h 45.
    Madame Legault, je vais vous permettre une brève observation en guise de conclusion.
    Par exemple, pour les questions de sécurité nationale, il peut y avoir exemption fondée sur un préjudice. Ce n'est pas une mesure qui est étrangère à la loi ni qui favorise la diffusion massive ou inappropriée d'information. Les exemptions semblables fonctionnent en fait très bien et permettent une excellente analyse, une bonne protection et une véritable divulgation.
    Un grand merci à vous, madame la présidente ainsi qu'aux membres du comité. C'est toujours un plaisir d'être des vôtres.
    Merci beaucoup, madame Legault, pour avoir comparu devant notre comité malgré les problèmes de circulation.
    Merci, madame McCarthy.
    Nous allons interrompre nos travaux pendant quelques minutes.
(0945)

(0950)
    Nous amorçons la seconde portion de notre réunion avec nos deux témoins qui vont nous faire une déclaration préliminaire ne devant pas dépasser 10 minutes, car il nous reste moins d'une heure de séance.
    Nous commençons avec M. Bernier.

[Français]

[Traduction]

    Bonjour à tous. Merci de m'accueillir aujourd'hui. Comme je suis professeur à la chaire de recherche sur la francophonie canadienne en communication, je suis persuadé que vous comprendrez que c'est en français que je ferai ma déclaration et que je répondrai à vos questions.

[Français]

    Je ferai quelques remarques introductives. Je ne lirai pas tout mon mémoire en comité. Je vais vous en faire le résumé.
    Comme je l'ai mentionné dans le mémoire, je ne suis ici ni comme ami ni comme adversaire de Radio-Canada. Je suis ici en tant que chercheur qui mène des recherches empiriques depuis de nombreuses années, en tant qu'observateur des médias depuis 30 ans et en tant que personne ayant exercé la profession de journaliste pendant 20 ans, dont 14 années passées au service de Quebecor Media au Journal de Québec.
    J'ai publié des articles scientifiques et des livres, des ouvrages qui adoptaient une position assez critique face à CBC/Radio-Canada, notamment dans l'étude que j'ai réalisée sur les décisions de l'ombudsman de Radio-Canada. De plus, j'ai participé à quelques reprises à des causes qui se sont rendues jusqu'en Cour suprême, en tant qu'expert s'opposant à certaines prétentions de Radio-Canada.
    Je ne suis donc pas venu en comité pour défendre Radio-Canada. Je n'ai aucun lien de consultant ou de chercheur avec elle. Néanmoins, je crois qu'il y a des choses importantes à dire.
    Je veux également mentionner qu'en ce qui concerne mes travaux, l'étendue de mon expertise se limite aux pratiques journalistiques. Elle n'a rien à voir avec le bilan culturel de Quebecor Media, qui est un acteur important dont la participation en matière culturelle au Québec est très positive. Mon propos se limite surtout à la dimension journalistique.
    Au fond, je veux vous exposer ici le contexte général afin d'expliquer pourquoi nous nous retrouvons tous réunis en comité aujourd'hui.
    Depuis quelques années, on constate que Quebecor Media mène ce que j'appelle une croisade contre Radio-Canada, une croisade qui, à mon avis, est à la fois commerciale et idéologique. C'est dans ce contexte qu'il faut analyser le litige qui oppose Radio-Canada à la commissaire à l'information.
    Selon mon opinion, la stratégie de Quebecor face à Radio-Canada vise avant tout à servir des intérêts particuliers, propres à l'entreprise — qui sont légitimes, soit dit en passant —, et très peu à servir l'intérêt public.
    Je crois que cet objectif comprend notamment une campagne de presse — j'allais parler, comme certains, d'une campagne d'abus de presse — qui cherche à mobiliser une certaine opinion et, indirectement, des parlementaires comme vous. Je crois que l'un des buts est d'affaiblir Radio-Canada, dont le service de télévision est un concurrent important, surtout dans le marché québécois. Dans cette optique, Quebecor vise à accroître ses revenus et ses profits, qui sont déjà très élevés, compte tenu du haut taux de concentration et de convergence qui existe au Canada et qui est l'un des plus élevés en Occident. C'est le contexte dans lequel il faut étudier cet enjeu.
    La stratégie de Quebecor se déploie sur deux fronts. L'un m'intéresse beaucoup plus que l'autre: c'est le front journalistique. Je considère qu'il s'agit d'une sorte de détournement de la mission journalistique des journalistes d'opinion et d'information qui sont à l'emploi de Quebecor. L'autre front, c'est le grand nombre de demandes d'accès à l'information, et c'est sans doute ce qui intéresse plus particulièrement le comité. À mon avis, cette stratégie journalistique soulève des questions très importantes sur le plan de l'éthique, de la déontologie et de l'intégrité journalistique.
    Pour arriver à ses fins, Quebecor avait parmi ses stratégies celle de mettre plusieurs journalistes dans le coup, c'est-à-dire de les embrigader — j'utilise des termes plus imagés. Dans certains cas, cette forme d'embrigadement n'a pas touché que Radio-Canada; on l'a vue dans d'autres cas. J'ai moi-même entendu des témoignages de journalistes à cet effet. Ceux qui ont été un peu attentifs se souviendront qu'il y a un an, certains journalistes ont publiquement dénoncé qu'on les ait obligés ou incités à faire des articles et des reportages très négatifs à l'égard des concurrents. Je n'entrerai pas dans les détails, mais des courriels ont circulé à ce sujet.
    Au cours des derniers mois, des journalistes de Quebecor Media m'ont demandé de commenter, en tant qu'expert, des situations touchant Radio-Canada. Comme mes commentaires n'entraient visiblement pas dans la ligne escomptée, ils n'ont jamais été publiés. Je conviens qu'il s'agisse d'une sorte de liberté éditoriale, mais ça s'ajoute au contexte général.
    On pourrait croire que ce sont des faits anecdotiques. Or, en 2007, j'ai mené une enquête statistique sur une grande cohorte de journalistes québécois. Cette enquête nous révélait que les journalistes qui se sentaient les plus mal en point, ceux qui déploraient le plus l'autocensure et le manque de liberté, c'étaient les journalistes de Quebecor. On a comparé cette cohorte de journalistes avec celle de Power Corporation ou de Gesca, au Québec, et celle de Radio-Canada. Il y avait chez ces journalistes ce que je considérais être une détresse professionnelle. Les journalistes eux-mêmes, et en grand nombre, avaient l'impression que leur travail consistait assez souvent ou très souvent à servir les intérêts de l'entreprise plutôt que l'intérêt public.
    Je crois que c'est dans ce contexte général qu'il faut étudier le litige qui vous intéresse particulièrement.
     Ce détournement de la mission journalistique prend notamment appui sur la Loi sur l'accès à l'information. Des centaines de demandes d'accès à l'information, ce n'est pas à discréditer. Je me souviens avoir demandé publiquement, en 2002, par l'entremise d'une analyse publiée dans un journal, que Radio-Canada ait une plus grande obligation de rendre des comptes.
    La question de la reddition de comptes de CBC/Radio-Canada n'est pas quelque chose de nouveau. Cependant, elle a pris une tournure différente. Il faut définir le contexte dans lequel elle s'inscrit. Il en a découlé ce litige juridique dont a parlé tout à l'heure la commissaire à l'information.
    Comme professeur de journalisme, comme politologue et comme ancien journaliste, voire comme citoyen, je m'inquiète un peu de voir qu'on discute en comité parlementaire de litiges qui sont devant les tribunaux. Je suis toujours inquiet devant cette menace à l'indépendance juridique. Je me sens un peu comme mon collègue Sébastien Grammond, doyen de la Section de droit civil de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa, qui y voyait une attaque sans précédent contre la magistrature et l'indépendance judiciaire.
    Je crois donc qu'il faut faire attention à ça, bien sûr, tout en comprenant le contexte dans lequel ces choses s'inscrivent.
    Je crois également que Radio-Canada doit avoir une obligation accrue de rendre des comptes. Je crois que tout le monde le souhaite. Il faut voir maintenant dans quelle mesure cela se fait.
    Nonobstant le litige sur les 500 millions de dollars évoqué au cours de la dernière semaine, il y a des lieux de reddition de comptes en journalisme, et cela s'applique à tout le monde. Or j'ai observé au cours des deux dernières années que Quebecor Media s'était retirée de tous les lieux de reddition de comptes journalistique, soit le Conseil de presse du Québec et le Conseil de presse de l'Ontario. Quebecor Media va même, dans certains cas, jusqu'à mettre en demeure ou menacer de poursuivre, en quelque sorte, les membres du Conseil de presse du Québec si leurs décisions peuvent porter ombrage ou nuire à Quebecor.
    De mon point de vue, il faut aborder cette question dans ce contexte général que je vous énonce ce matin. Bien sûr, je ne suis pas juriste, je n'ai pas cette prétention, mais je crois qu'il y a une autre dimension importante. De fait, le nom de votre comité comprend aussi la notion d'éthique, et je crois que cette dimension doit vous préoccuper aussi.
    L'éthique est affaire de jugement moral, mais elle met en cause des valeurs comme la dignité, l'équité et l'intégrité. D'une certaine façon, personne ne devrait s'élever au-dessus de ces valeurs. Je crois aussi que ces valeurs sont bafouées par des hommes et des femmes qui prennent des décisions tant dans les entreprises privées que dans les grandes administrations publiques.
    Ce sont les raisons pour lesquelles je suis un peu inquiet de voir qu'on discute de ces choses en public alors que des procédures juridiques sont en cours.
(1000)

[Traduction]

    Il vous reste 30 secondes pour conclure.

[Français]

    J'ai terminé, madame.
    Merci beaucoup.
    La parole est à M. Trudel.
    Merci, madame la présidente. Je vais lire mon texte pour respecter le temps accordé.
    Merci de m'avoir invité et de m'accueillir.
    Je suis ici à titre de professeur de droit qui étudie depuis plus de 30 ans le droit de la radiodiffusion au Canada et à l'étranger, et aussi le droit de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels.
    Au cours des années, j'ai réalisé des mandats de recherche pour un très grand nombre d'entités gouvernementales et d'entreprises de médias, y compris Radio-Canada, Quebecor, TQS, Télé-Québec et plusieurs autres. Récemment, j'ai préparé une opinion juridique sur la portée des lignes directrices de Radio-Canada en matière d'accès aux documents, opinion qui est publiée sur le site de la Société Radio-Canada.
    Cependant, c'est à titre purement personnel que j'interviens ici aujourd'hui. Mon seul but est de fournir des informations sur la façon dont je comprends le cadre juridique qui préside au fonctionnement des entreprises de radiodiffusion au Canada.
    Pour cerner le sens et la portée de cette exclusion prévue à l'article 68.1, il faut en effet situer cette exclusion dans le contexte du régime juridique qui encadre les activités de radiodiffusion, puisque la Société Radio-Canada est a priori un radiodiffuseur et, à ce titre, elle est protégée, comme tous les autres médias canadiens, par la liberté constitutionnelle d'expression, qui n'est pas que journalistique, mais qui s'étend à l'ensemble des activités expressives auxquelles se livre la Société Radio-Canada.
    Par ailleurs, la Société Radio-Canada est aussi un radiodiffuseur chargé d'assurer le service public national de radiodiffusion qui est prévu par la Loi sur la radiodiffusion, et, à ce titre, elle est tenue à une obligation de rendre compte des ressources publiques qu'elle utilise. C'est ce double aspect de la Société Radio-Canada que concilie l'exclusion prévue à l'article 68.1 de la Loi sur l'accès à l'information. Qu'on le veuille ou non, que l'on aime cela ou non, concilier des droits contradictoires, c'est toujours difficile, c'est toujours coûteux. C'est un exercice difficile, mais c'est le prix de la démocratie.
    Comme énoncé à l'alinéa 2b) de la Charte canadienne des droits et libertés, la liberté d'expression, y compris la liberté de la presse et les autres moyens de communication, est comprise au Canada, pour l'ensemble des citoyens et des médias publics et privés, comme emportant la liberté éditoriale, soit celle de déterminer ce qui est approprié de diffuser. La liberté éditoriale est donc protégée par l'alinéa 2b) de la Charte. Elle ne peut être écartée que par une règle de droit et dans la mesure où cela est raisonnable et justifiable dans une société libre et démocratique.
    Depuis longtemps, les tribunaux canadiens ont reconnu que tous les radiodiffuseurs, qu'ils soient privés ou publics, ont la liberté éditoriale. Cette liberté suppose une autonomie de principe dans les décisions relatives au choix, au traitement et à la diffusion des informations. Elle a pour contrepartie la responsabilité: les détenteurs de la liberté éditoriale répondent, devant les tiers, des informations diffusées, à l'exclusion...
(1005)

[Traduction]

    Monsieur Trudel, pourriez-vous ralentir un peu? Comme les interprètes n'ont pas votre texte en main, ils ont beaucoup de mal à vous suivre.
    D'accord.
    Merci, madame la présidente.

[Français]

    S'il est loisible aux autorités publiques de réglementer l'usage des ondes et des autres ressources publiques utilisées en radiodiffusion, celles-ci ne peuvent se substituer aux détenteurs de licence lorsque vient le temps de décider ce qui sera diffusé. Tout comme aux États-Unis et en Grande-Bretagne, les tribunaux canadiens ont refusé de considérer que les radiodiffuseurs, y compris Radio-Canada, accomplissent une activité gouvernementale. En somme, Radio-Canada a un degré de liberté éditoriale analogue à celui qui prévaut à l'égard des autres entreprises de radiodiffusion.
    La Loi sur la radiodiffusion énonce à quatre endroits le principe de la liberté éditoriale et de l'indépendance en matière de journalisme, de création et de programmation dont jouissent les entreprises de radiodiffusion. Ces dispositions de la Loi sur la radiodiffusion imposent une cloison étanche entre les instances gouvernementales et la Société Radio-Canada. Par exemple, le paragraphe 46(5) interdit au ministre d'exiger de la Société Radio-Canada qu'elle livre des renseignements dont la remise est susceptible de porter atteinte à son indépendance en matière de journalisme, de programmation et de création.
     Ainsi, pour ses activités de programmation, la Société Radio-Canada est tenue de rendre des comptes au CRTC et non aux décideurs politiques. Si la Loi sur la radiodiffusion a pris soin de prévoir que même les ministres n'ont pas le droit d'obtenir certains renseignements dont la divulgation serait susceptible de porter atteinte à l'indépendance de Radio-Canada, il faut postuler que, à plus forte raison, toutes les personnes pouvant se prévaloir de la Loi sur l'accès à l'information ne peuvent se trouver dans une position plus favorable que les ministres au regard de ces renseignements.
    En somme, l'intention qui ressort de l'ensemble de ces dispositions est de garantir un espace d'indépendance aux radiodiffuseurs en général et au radiodiffuseur public en particulier. Il s'agit d'assurer que les radiodiffuseurs disposent effectivement des conditions adéquates pour l'accomplissement de leurs obligations en vertu de la Loi sur la radiodiffusion.
    La portée de l’exclusion prévue à l’article 68.1 doit se comprendre dans le contexte général du droit relatif aux entreprises de radiodiffusion, lequel veut que toutes ces entreprises bénéficient de l’indépendance inhérente en matière de journalisme, de création et de programmation. Mais dans le cas de la Société Radio-Canada, il faut aussi assurer la transparence de sa gestion pour le public canadien qui, par ses ressources, finance ses activités. L'option qui a été retenue est une exclusion, à l'instar de ce qui se fait à l'échelle internationale dans ce domaine. Ainsi, dès lors qu’un renseignement est sous le contrôle de la Société Radio-Canada et qu’il se rapporte à ses activités de journalisme, de création et de programmation, il n’est pas visé par la Loi sur l’accès à l'information et cette dernière ne s’y applique pas.
    Pour ce qui est de savoir qui devrait avoir l'autorité de déterminer en appel ou en second lieu si un document tombe ou non sous le coup de la Loi sur l'accès à l'information, la question est entre les mains de la Cour d'appel fédérale. Je vais me limiter ici à lancer quelques idées sur les options en matière de politiques publiques qui, je pense, sont du ressort du pouvoir législatif. L'interprétation de la loi étant du ressort du domaine judiciaire, je ne souhaite pas me prononcer sur cet aspect.
    En ce qui concerne les options en matière de politiques publiques, il faut rappeler que le paragraphe 3(2) de la Loi sur la radiodiffusion précise:
    [...] que le système canadien de radiodiffusion constitue un système unique et que la meilleure façon d’atteindre les objectifs de la politique canadienne de radiodiffusion consiste à confier la réglementation et la surveillance du système canadien de radiodiffusion à un seul organisme public autonome.
     Il s'agit en l'occurence du CRTC. Il importe en effet de prendre en considération la nécessité d'assurer une réglementation qui soit simple et facile à appliquer, et ce, à l'égard de l'ensemble des entreprises de radiodiffusion. La multiplication des instances auxquelles la Société Radio-Canada est appelée à rendre des comptes contribue à compliquer les normes de reddition de comptes du radiodiffuseur public.
    Dans cette perspective, il n'est pas évident que le commissaire à l'information soit l'instance la mieux placée pour contrôler les décisions de Radio-Canada quant à la question de savoir si un document relève ou non de l'exclusion de la Loi sur l'accès à l'information.
    Le CRTC est l'instance spécialisée en matière de radiodiffusion, et possède assurément une expertise plus susceptible d'évaluer, en conformité avec les exigences de la liberté éditoriale de l'ensemble des radiodiffuseurs, la mesure dans laquelle un document dont l'accès est demandé relève ou non des activités de journalisme, de programmation et de création.
    Le CRTC est en effet en position d'avoir une vision d'ensemble du système canadien de radiodiffusion au sein duquel s'inscrit la Société Radio-Canada. Par exemple, il est assurément doté de l'expertise nécessaire pour déterminer si la divulgation d'un document appartenant à une entreprise de radiodiffusion est de nature à compromettre les activités de programmation, de création et de journalisme de cette entreprise, compte tenu du contexte concurrentiel dans lequel celle-ci peut évoluer.
    En conclusion, madame la présidente, mesdames et messieurs les députés, l'article 68.1 de la Loi sur l'accès à l'information exclut du régime de l'accès aux documents publics, a priori, les renseignements qui se rapportent aux activités de journalisme, de création et de programmation de la Société Radio-Canada. Il vise à assurer que la Société Radio-Canada se trouve dans une position analogue à celle des autres entreprises de radiodiffusion, tout en garantissant que celle-ci rend compte de l'usage qu'elle fait des ressources publiques mises à sa disposition. Il en découle donc que sont accessibles seuls les documents qui ont trait à l'administration de la Société Radio-Canada et qui ne révèlent pas les renseignements qui ont trait au journalisme, à la programmation et à la création.
    En fait, la question à se poser...
(1010)

[Traduction]

    Je vous prierais de conclure.

[Français]

    Je conclus. Si l'on veut dégager la portée de l'article 68.1 à l'égard de n'importe quelle entreprise de radiodiffusion, il importe de se demander ce qu'on trouverait légitime de diffuser.

[Traduction]

    Merci, monsieur Trudel.
    Je dois m'assurer du respect des délais impartis, car il faut laisser du temps aux députés pour poser leurs questions.
    Chacun a droit à un maximum de sept minutes en incluant ses questions et vos réponses.
    Nous débutons avec M. Angus.
    Merci, madame la présidente, et merci à nos témoins pour leur comparution.
    Voilà un débat intéressant au sujet du rôle de Quebecor dans le paysage médiatique québécois, mais également canadien. Comme tous les empires médiatiques, Quebecor n'est pas le fruit d'un développement naturel. Il résulte d'une décision de l'organisme public de réglementation qui autorise une concentration médiatique très poussée. Toutes les fois que ces entreprises se sont présentées devant le CRTC pour obtenir le droit d'avaler des compétiteurs, elles ont fait valoir que la transaction allait nous procurer une plus grande diversité des voix.
    J'ai justement posé à M. Péladeau une question que j'estimais plutôt simple concernant le manque de diversité des voix. En effet, chaque fois qu'un petit journal est absorbé, on voit disparaître du même coup les éditoriaux et les points de vue locaux. On peut constater que les ordres d'exécution ont été donnés: il faut attaquer Radio-Canada. Je l'ai noté dans tous les journaux des petites villes canadiennes. Alors j'ai demandé à M. Péladeau, pas une seule fois mais bien à sept reprises, de nous dire s'il s'agissait d'un phénomène naturel — que les journalistes de tout le pays qui travaillent pour lui se sont soudain mis à détester Radio-Canada — ou si les ordres à cet effet venaient d'en haut. J'ai eu de la difficulté à obtenir une véritable réponse.
    Monsieur Bernier, vous avez écrit un article intitulé « Quebecor — un bilan éthique et démocratique entaché ». Vous avez indiqué dans cet article que des journalistes étaient forcés par la direction de Quebecor de s'en prendre à la société Radio-Canada. Est-ce bien le cas?

[Français]

    Dans le cas de Radio-Canada, c'est plus confus. Cependant, il y a eu des preuves et des témoignages publics selon lesquels, par exemple, il y avait une ligne hiérarchique. C'était notamment le cas au Journal de Montréal, que je connais davantage. Une consigne était donnée d'un palier hiérarchique à l'autre demandant d'attaquer une journaliste d'un média concurrent.
    Les témoignages entendus lors du congrès de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec tenu en décembre 2010 étaient troublants. C'est dans cet état d'esprit que j'ai écrit le papier auquel vous faites référence. Ils étaient troublants en soi, mais en plus ils s'inscrivaient dans un système plus large que j'avais pu documenter dans une recherche quantitative précédente et dans des recherches qualitatives menées auprès de journalistes à qui on avait demandé d'expliquer les choses plutôt que de simplement cocher des cases.
    Effectivement, les journalistes de Quebecor partagent ce sentiment d'avoir une ligne à suivre. Ce n'est cependant pas le cas pour tous, il faut être clair. Ce ne sont pas tous les journalistes qui le font. Comme on le voit en sociologie du journalisme, certaines études le démontrent. Lorsqu'il est temps d'embaucher certains journalistes d'opinion, certains chroniqueurs, certains pigistes, on choisit des gens qui vont propager la bonne parole.
(1015)

[Traduction]

    Vous parlez d'une impression générale, mais vous mentionnez également que les directives venaient des gestionnaires.
    Est-ce que ces directives prenaient la forme de courriels pour rappeler à l'ordre les journalistes qui n'étaient pas sur la bonne voie?

[Français]

    L'année dernière, lorsqu'il y a eu ce témoignage public, j'ai essayé d'obtenir une preuve empirique et matérielle. J'ai obtenu un courriel où l'on voit la commande qui est passée, d'un cadre à un autre, pour qu'un journaliste écrive au sujet d'une certaine journaliste que l'on traite de « salope », de « grosse sale écoeurante » et de « fumeuse imbécile ».
     Bref, voici un peu la commande qui avait été passée. C'est le cas que j'ai ici. Je n'en ai pas d'autres, mais il en existe peut-être d'autres. Ce n'est pas à moi de faire cette investigation. Ce que je veux dire, c'est que...

[Traduction]

    Des commandes pour faire quoi exactement?

[Français]

    On demandait qu'on parle d'elle dans le journal du lendemain et qu'on l'appelle pour voir comment elle réagissait. Le courriel dit textuellement: « Le peuple ne sait pas que c'est elle. Avec plusieurs photos de la salope, la caricaturée... » Donc, on parle d'une journaliste dont on veut malheureusement ternir la réputation dans le journal du lendemain.
    Je ne dis pas que c'est systématique et que ça se fait partout, mais c'est très inquiétant. Quand on voit ça, comme journaliste — j'ai été journaliste —, c'est très inquiétant. Dans les jours qui ont précédé cette demande, cette journaliste avait parlé de Quebecor Media. C'est inquiétant de voir cette forme de réponse d'entreprise à des journalistes qui font leur travail, convenablement ou non, dans d'autres médias.

[Traduction]

    Concernant cette journaliste qui s'en est prise à Quebecor et que l'on a qualifiée de « salope » dans le courriel de la direction, on leur a dit qu'il fallait la cibler?

[Français]

    C'était ce qu'on demandait à un journaliste. On disait qu'on allait assigner cette tâche à un jeune journaliste. Après ça, le courriel a été acheminé au jeune journaliste en question.

[Traduction]

    Et on a dicté au journaliste ce qu'il devait écrire.

[Français]

    Oui, mais, à ma connaissance, il ne l'a pas fait. Il a su résister. Car il y a quand même des gens qui résistent, dans les organisations.

[Traduction]

    Je pense que c'est très important. Lorsqu'on permet à une seule personne de contrôler une telle proportion de l'espace médiatique canadien, elle ne peut pas s'intéresser uniquement au profit de son entreprise, elle doit rendre des comptes.
    J'ai demandé à M. Péladeau s'il y avait des commandes qui étaient passées par la direction. Il m'a répondu: « Quelle est votre question? » Je lui ai demandé si des journalistes étaient forcés d'écrire des articles visant un objectif précis. Il a dit: « Je ne sais pas d'où [on] tire une telle information. »
    Je lui ai demandé: « Quel est le niveau d'ingérence dans les salles de presse...? Qui décide d'imposer une ligne directrice? Il a répondu: « Nous ne sommes pas un parti, mais une entreprise... »
    Je lui ai alors posé la question suivante: « Parlez-vous de gérer la salle de presse? Les journalistes nous disent qu'ils sont forcés de rédiger... » Il a déclaré: « Nous sommes responsables envers les actionnaires et nous leur rendons des comptes... »
    Ma cinquième question était: « Est-ce que vos journalistes reçoivent l'ordre de se conformer à la politique de l'organisation? » Il a rétorqué: « Je n'ai rien à répondre. » J'ai insisté: « Faudrait-il séparer la salle de rédaction de vos autres entreprises verticalement intégrées? » Il a de nouveau répondu: « Nous ne sommes pas un parti, mais une entreprise... »
    En septième lieu, je lui ai demandé s'il y avait une cloison étanche pour protéger ses journaliste des intérêts organisationnels de Quebecor et il a répondu: « Nos journalistes... ont un travail à faire et personne ne leur dira quoi écrire. »
    Est-ce que M. Péladeau a raison de prétendre que ses journalistes sont protégés par une cloison étanche ou bien, comme il l'avait indiqué précédemment, il gère l'organisation comme une entreprise et les journalistes n'ont pas leur mot à dire?

[Français]

    Écoutez, on n'a pas d'enquête empirique très approfondie, mais à la lumière des résultats que j'ai obtenus lors d'une enquête que j'ai menée, on peut affirmer que le mur n'est pas aussi étanche qu'il devrait l'être, en principe.
    Au fond, il y a ce genre de consigne, de dogme ou de doctrine chez les journalistes voulant qu'un mur doit séparer la partie des affaires de la partie journalistique.
    À vrai dire, la liberté de presse correspond aussi à la liberté des journalistes sur le terrain de raconter au public ce qui est important.

[Traduction]

    Il reste cinq secondes, monsieur Angus.
    Merci.
    Vous avez dit que Quebecor a « un bilan éthique et démocratique entaché ». Que voulez-vous dire par là?
(1020)
    Une réponse brève, s'il vous plaît.

[Français]

    D'accord.
    En principe, les médias doivent s'assurer de la qualité et de l'intégrité de l'information. Quand certaines commandes comme celle-là arrivent, cela attaque la crédibilité et le bilan éthique d'une entreprise de presse.

[Traduction]

    Merci, monsieur Bernier.
    Monsieur Butt, sept minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je vais essayer de nous ramener au vif du sujet après cette tentative de diversion de l'autre côté de la table. Nous parlons des demandes d'accès à l'information concernant Radio-Canada et, comme nous sommes redevables aux gens qui nous ont élus, nous devons nous en tenir au sujet de notre étude.
    Je vous prie d'excuser cette diversion, messieurs. Je vous remercie de votre présence.
    J'invoque le Règlement.
    Nous vous écoutons, monsieur Angus.
    Je n'ai pas besoin que M. Butt présente des excuses en mon nom. J'ai été élu pour faire un certain travail et je le fais. Si son intervention a un but quelconque, il devrait s'en tenir à ce but.
    Une voix: Je ne crois pas qu'il s'agisse d'un rappel au Règlement.
    Messieurs, permettez-moi d'intervenir un instant. Je crois que M. Angus faisait référence au témoignage que nous avons entendu la semaine dernière. J'ai consulté les bleus et comme le tout avait été autorisé à ce moment-là, je lui ai permis de poser des questions en se basant sur ce témoignage.
    Monsieur Butt.
    Je n'ai pas prétendu que ce n'est pas ce qu'avait dit le témoin. J'ai simplement exprimé une opinion.
    Monsieur Bernier et monsieur Trudel, je vous remercie encore une fois de votre comparution.
    Monsieur Bernier, vous avez indiqué vous sentir mal à l'aise du fait que notre comité s'intéresse à cette question dont les tribunaux sont toujours saisis. Vous savez que si notre comité effectue cette étude c'est parce que Radio Canada a décidé qu'elle n'aimait pas la décision de la cour lui disant qu'il lui fallait divulguer des documents et ne pas invoquer l'article 68.1 comme bouclier à cet égard. Vous comprenez bien que c'est ce qui justifie l'étude de cette question par notre comité.

[Français]

    Bien sûr, je sais que c'est la raison pour laquelle ce comité fait cette étude.

[Traduction]

    Ne croyez-vous pas qu'il soit normal qu'un journaliste, peu importe l'organisation pour laquelle il travaille...? Ce n'est pas nécessairement quelqu'un de Quebecor. Ce pourrait être un journaliste du Toronto Star ou de n'importe quel autre média. N'est-il pas approprié qu'un journaliste présente une demande d'accès à l'information afin d'obtenir des renseignements sur les dépenses d'un radiodiffuseur public?
    Mme Legault a donné l'exemple d'une demande d'accès à l'information parmi celles qui ont été refusées par la Société Radio-Canada. On voulait savoir combien d'argent avait été dépensé pour la couverture des Jeux olympiques. N'est-ce-pas le genre de renseignements que Radio-Canada devrait pouvoir divulguer? Cela concerne le fonctionnement de l'entreprise. L'intégrité journalistique n'est pas mise en péril. On voulait seulement connaître les coûts. Dans un contexte où la Société Radio-Canada reçoit un milliard de dollars par année en fonds publics pour le financement de ses activités, pourquoi ne serait-ce pas une requête tout à fait raisonnable?

[Français]

    Je ne connais pas le dossier des dépenses olympiques. Je ne sais pas ce que couvre ce budget. Cela couvre sûrement des activités de déplacement, de logement et des activités journalistiques aussi. Ce n'est pas mon rôle d'interpréter la loi.
    Toutefois, je suis tout à fait d'accord avec vous: cela fait partie du travail des journalistes de faire des demandes d'accès à l'information sur des sujets d'intérêt public. Je l'ai fait quand j'étais journaliste. Il est heureux que nous ayons cette loi.

[Traduction]

    Je vous remercie. J'allais justement vous demander si vous aviez déjà formulé de telles demandes. C'est bien évidemment le cas. Je suppose que l'organisation en question a agi de façon responsable en vous fournissant sans délai l'information demandée, n'est-ce pas?

[Français]

    Tout à fait. Sinon, la valeur journalistique de l'information peut disparaître assez rapidement, dans le cas de certains sujets. Ce n'est cependant pas le cas pour tous. Certains sujets sont toujours pertinents, mais parfois, la valeur journalistique de la nouvelle disparaît avec le temps, elle s'étiole.

[Traduction]

    D'accord.
    Monsieur Trudel, je crois vous avoir entendu dire dans votre déclaration préliminaire que vous êtes d'avis que c'est le CRTC qui devrait décider de l'application de l'article 68.1. Pourriez-vous nous expliquer ce point de vue? Je ne suis pas nécessairement de votre avis, mais j'aimerais bien savoir pour quelles raisons vous croyez que la commissaire à l'information... Lors de son témoignage devant notre comité, elle a dit pouvoir compter au sein de son bureau sur de nombreux experts tout à fait qualifiés pour interpréter les dispositions de l'article 68.1, mais vous semblez croire que cela devrait relever du CRTC. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous pensez que c'est le CRTC qui devrait déterminer si l'article 68.1 doit s'appliquer, plutôt que notre commissaire à l'information, une instance indépendante et tout à fait compétente?

[Français]

    La principale raison est que Radio-Canada fait partie intégrante d'un système, soit le système canadien de radiodiffusion, au sein duquel on a voulu qu'il y ait de la concurrence entre l'organisme public, Radio-Canada, et les entités privées. Le CRTC a reçu le mandat, en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, de voir au bon fonctionnement de ce système.
    L'exemple des Jeux olympiques est intéressant. Il faut savoir que les radiodiffuseurs canadiens, Radio-Canada comme les autres, sont en concurrence pour obtenir les droits de diffusion de ces Jeux olympiques. Lorsqu'il s'agit de déterminer si un radiodiffuseur est tenu de divulguer certaines informations, il faut se demander s'il est approprié de placer l'une des entreprises faisant partie du système de radiodiffusion dans une situation où elle pourrait voir sa position concurrentielle compromise par son obligation de divulguer des informations que d'autres, par exemple des entreprises privées, ne sont pas tenues de divulguer. Le CRTC serait donc en meilleure position pour déterminer si, au nom de l'intérêt public, il est opportun que les entreprises de radiodiffusion, qu'elles relèvent du public ou du privé, révèlent au public un certain nombre de leurs informations. Il doit cependant s'assurer qu'elles ne révèlent pas des informations qui doivent rester secrètes, au nom du bon fonctionnement de la concurrence au sein du système de radiodiffusion canadien.
(1025)

[Traduction]

    Dans le cas de Radio-Canada, la commissaire à l'information a un rôle à jouer uniquement lorsque la société d'État refuse d'acquiescer à une demande d'accès à l'information.
    Le demandeur qui a essuyé un refus de la part de la Société Radio-Canada dépose une plainte auprès de la commissaire parce que l'information demandée ne lui a pas été fournie. Comme elle l'a fait des centaines de fois, d'après ce qu'on nous a dit, Radio-Canada peut invoquer l'article 68.1 pour justifier son refus. Croyez-vous que cette justification soit acceptable dans tous les cas?

[Français]

    Je pense qu'un défi réel se pose lorsqu'il s'agit de suggérer un juge ou une personne indépendante qui pourrait éventuellement déterminer le bien-fondé du refus d'un organisme comme la SRC qui s'appuie sur l'exclusion prévue à l'article 68.1.
    Compte tenu de la façon dont est structuré le système canadien de radiodiffusion, avec des entités publiques et des entités privées, je ne suis pas certain que le commissaire à l'information, dont le mandat est, à juste titre, de promouvoir le meilleur accès à l'information et aux documents détenus par les organismes publics, ait la vue d'ensemble qui lui permette de bien examiner le dossier et de s'assurer que ce type de divulgation ne met pas en péril les conditions de concurrence qui doivent prévaloir pour assurer le bon fonctionnement du système canadien de radiodiffusion.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Vous n'avez plus de temps. Merci, monsieur Butt.
    Monsieur Andrews, sept minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais adresser ma question à M. Bernier en poursuivant dans le sens de l'intervention de M. Butt concernant la couverture des Olympiques. Cet exemple montre bien que les conservateurs ne comprennent pas que les intérêts de deux entreprises entrent en conflit, et que Quebecor se sert des demandes d'accès à l'information pour obtenir indûment un avantage commercial sur la Société Radio-Canada. Dans le cas de n'importe quelle autre société ayant des intérêts commerciaux, ces renseignements ne seraient pas divulgués. C'est ce que M. Butt ne semble pas vouloir comprendre.
    Monsieur Bernier, vous avez indiqué dans votre déclaration que vous aviez l'impression que les intérêts des propriétaires et des actionnaires avaient préséance sur l'intérêt public, en ajoutant qu'il y avait entrave au travail journalistique. Pourriez-vous nous en dire plus long?

[Français]

    Cette façon de gérer l'entreprise n'est pas illégale. M. Péladeau et les gestionnaires de Quebecor ont le droit de la gérer comme cela. Cependant, on a aussi le droit d'avoir un regard critique sur la façon dont cela se fait.
    M. Péladeau — ce n'est pas personnel, mais j'utilise son nom puisqu'il incarne Quebecor, il en est le patron — n'a jamais caché le fait qu'il avait besoin de faire usage de ses médias pour faire la promotion de ses médias et de ses produits culturels, c'est-à-dire la promotion des intérêts de Quebecor, afin de donner de la valeur aux actions de cette compagnie sur le marché. Tous les gestionnaires d'entreprise veulent faire cela. Le problème, dans ce cas-ci, est qu'on est dans un contexte d'entreprise de presse où des journalistes ont aussi des obligations professionnelles, en matière d'éthique et de déontologie, et envers le public eu égard à la qualité et l'intégrité de l'information.
    Il y a donc un problème. Il y a un décalage entre les intérêts du gestionnaire et le droit du public à une information de qualité. Dans plusieurs cas, les journalistes eux-mêmes ont dénoncé cela.
    Je vous rappellerai que les journalistes du Journal de Montréal ont déposé une plainte auprès du Conseil de presse du Québec parce qu'ils étaient obligés de faire de la promotion pour une émission qui s'appelait Star Académie à l'époque. Je crois qu'elle existe encore, d'ailleurs.
    C'est là que l'intérêt de l'entreprise prend le dessus sur le droit du public ou l'intérêt public en matière d'information.
(1030)

[Traduction]

    De même, M. Péladeau nous indiquait l'autre jour que l'une de ses demandes d'accès à l'information portait sur la publicité extérieure de Radio-Canada. Il va de soi que l'on souhaitait connaître les montants investis par la SRC pour la publicité extérieure afin de pouvoir répliquer en conséquence. C'est comme ça que nous en sommes arrivés là.
    Vous venez de parler des médias et des affectations. Vous avez indiqué que certains journalistes se voient assigner des mandats visant expressément à s'en prendre à des médias concurrents.
    Pourriez-vous nous expliquer la structure hiérarchique d'une autre organisation médiatique comme Quebecor quand vient le temps de donner une affectation? D'où émane l'affectation? À quel niveau de l'organisation se situe-t-on? Est-ce l'initiative d'un jeune journaliste malavisé qui essaie d'impressionner la haute direction?
    Expliquez-nous donc comment de telles affectations peuvent être confiées à l'intérieur de la structure hiérarchique d'un groupe médiatique comme Quebecor.

[Français]

    Pour vous donner une réponse claire et irréfutable, il faudrait faire une enquête très approfondie sur la façon dont fonctionne Quebecor. Il reste que dans les entreprises de presse, la façon de fonctionner en matière d'assignations varie généralement. Certains journalistes ont beaucoup d'autonomie. C'est le cas de ceux qui sont spécialisés. Les cadres, dans la salle de presse, doivent pour leur part livrer un produit médiatique. Ils ont chaque jour, voire chaque heure depuis l'avènement d'Internet, une obligation de production. En outre, il y a une hiérarchie que je qualifierais de locale, confinée à la salle de rédaction. Il peut arriver dans certains cas que des commandes viennent du siège social. Toutefois, c'est difficile à documenter parce que le vrai mur pare-feu se situe souvent entre les niveaux hiérarchiques.
    Vous avez parlé plus tôt de publicité. Or il faut toujours protéger les journalistes de ces aspects commerciaux parce que, en définitive, ils travaillent pour le public, pour l'intérêt public. Bien sûr, ils sont payés par une entreprise de presse, mais leur premier patron est le droit du public à l'information.

[Traduction]

    Avez-vous suivi les poursuites judiciaires? Êtes-vous au fait des détails du conflit juridique qui oppose la Société Radio-Canada et la commissaire à l'information?

[Français]

    Pas dans ce cas-ci, parce que ça relève davantage de l'interprétation d'une loi. Or je n'ai pas les compétences juridiques nécessaires pour m'insérer dans ce débat hautement juridique.

[Traduction]

    D'accord.
    Vous avez aussi parlé du fait que les parlementaires, et notre comité tout particulièrement, se penchent sur cette question dont les tribunaux sont saisis. Nous avons même vu nos collègues conservateurs essayer de faire comparaître un juge devant notre comité.
    De votre point de vue d'expert, que pensez-vous du seul fait que nous étudions cette question au sujet de laquelle les tribunaux n'ont pas encore tranché?

[Français]

    Je ne voudrais pas être aussi spécifique que vous l'êtes dans votre question. Ayant fait office d'expert dans des causes qui se sont rendues jusqu'à la Cour suprême, je vous dirais que généralement, on attend la décision des tribunaux avant de déterminer si on change la loi ou non. Le fait de voir qu'il y a un débat parallèle alors que la cause est devant les tribunaux est un peu ce qui indispose le politologue et le professeur de journalisme que je suis. Je pense que par respect pour les tribunaux, qu'on les aime ou non, il aurait peut-être fallu retarder cette question, qui est néanmoins très importante. Il importe de voir dans quelle mesure la Société Radio-Canada est soumise à la loi. Est-ce que c'était une urgence, aujourd'hui? C'est ce que je me demande.

[Traduction]

    Merci.
    Merci.
    Madame Davidson, vous avez sept minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Un grand merci également aux témoins qui comparaissent devant nous ce matin. Vous nous avez certes apporté un point de vue différent de ce que nous avons pu entendre auparavant, ce qui nous permet de voir les deux côtés de la médaille. Comme on l'a déjà indiqué, vous devez comprendre que nous procédons à cette étude parce qu'on a refusé de s'en remettre au pouvoir décisionnel de la commissaire.
    J'ai seulement quelques observations.
    Monsieur Trudel, je crois que vous avez déclaré que la commissaire n'était pas nécessairement la personne la mieux qualifiée pour s'occuper de l'application de l'article 68.1, et qu'il serait peut-être préférable de confier ce mandat au CRTC. Des témoins que nous avons reçus au cours des dernières semaines nous ont affirmé catégoriquement qu'ils estimaient que la commissaire à l'information était tout à fait qualifiée et assurément apte à rendre ces décisions. Nous avons aussi bien sûr reçu ce matin la commissaire elle-même qui a suggéré de possibles changements à la Loi sur l'accès à l'information. Je ne sais pas si vous étiez des nôtres et si vous avez pu entendre ces suggestions.
    Je vais vous résumer les propositions de la commissaire.
    Les exceptions à l'application du droit d'accès doivent être limitées et bien précises. Elles doivent être discrétionnaires et reposer sur le préjudice probable. Le libellé des exceptions devrait être clair et objectif. Les exceptions fondées sur le préjudice probable exigent que l'institution publique démontre qu'il existe un risque vraisemblable de préjudice, et présente une preuve précise à l'appui de cette démonstration. Une exemption discrétionnaire fait en sorte que le responsable de l'institution fédérale tiendra compte de l'intérêt du public à obtenir l'accès aux renseignements demandés, même lorsque ceux-ci seraient par ailleurs visés par une exception.
    Elle ajoute qu'en lieu et place d'une exclusion, le Commissariat à l'information devrait proposer une exception discrétionnaire comportant un critère de préjudice selon les modalités suivantes: le responsable de la Société Radio-Canada peut refuser la communication des documents contenant des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire à l'indépendance en matière de journalisme, de création ou de programmation dont jouit la société.
    Pourriez-vous tous les deux nous dire ce que vous pensez des changements suggérés ce matin par la commissaire? Pourriez-vous également nous indiquer si vous croyez que Radio-Canada devrait être assujettie à la loi?
(1035)

[Français]

    En fait, à partir du moment où l'on choisit de dire que Radio-Canada fait partie du système de radiodiffusion, il faut se demander si on est prêt à forcer l'ensemble des entreprises de radiodiffusion à se soumettre à la Loi sur l'accès à l'information. À partir du moment où on ne le fait pas, on va devoir revenir à l'exclusion.
    C'est pour cette raison que l'on a choisi une exclusion. C'est parce qu'il s'agit ici de protéger la liberté de presse, la liberté journalistique. Imposer à un organisme de presse l'obligation, chaque fois qu'on lui demande un document, de démontrer un tort particulier que pourrait causer la divulgation d'un document, c'est affecter très lourdement son indépendance et sa marge de manoeuvre pour faire du journalisme d'enquête, développer des émissions, être actif sur le marché d'achat des droits des émissions et sur le marché publicitaire. C'est pour cela qu'il y a une exclusion.
    C'est pour cette raison que, selon moi, une exception, une injury-based exception, comme on le mentionnait, ne me semble pas être une façon adéquate d'assurer que le radiodiffuseur public fonctionne de façon à ce que l'on respecte la liberté constitutionnelle d'expression, qui protège aussi bien les radiodiffuseurs privés que le radiodiffuseur public. J'ai même beaucoup de doutes sur la validité constitutionnelle d'une disposition qui forcerait Radio-Canada à démontrer, chaque fois qu'on lui demande un document, que cela va lui causer un dommage. Cela équivaudrait à demander à un journal ou à une station de télévision de démontrer de façon continue que sa liberté éditoriale peut être compromise.
    Or, ici on parle d'un environnement pour produire de l'activité créatrice, des émissions et des nouvelles. Si une organisation de radiodiffusion comme Radio-Canada est obligée de se mobiliser pour être continuellement en train de se défendre contre des demandes d'accès à l'information, je ne suis pas du tout certain que l'on pourra considérer qu'elle possède encore la liberté éditoriale qui est reconnue à l'ensemble des radiodiffuseurs.
(1040)
    Pour ma part, je ne suis pas juriste. Je n'ai donc pas la compétence requise pour intervenir sur ce sujet, mais je me permettrai de souligner que la protection de la liberté de presse et l'application du principe d'équité sont deux éléments très importants dans ce type de décision. Puisque j'ai été journaliste, je sais qu'il y a effectivement des dépenses associées à des activités journalistiques dont la divulgation ne semble poser aucun problème a priori, ne serait-ce que l'endroit où se déplace une équipe d'information pour faire des entrevues ou le moment où les journalistes y sont allés. Bref, ce sont des choses qui peuvent influer sur la confiance de ces sources d'information à l'égard de ces journalistes. Si elles ont peur que leur nom soit éventuellement divulgué dans un processus d'accès à l'information parce qu'elles comprennent mal la loi ou ne la comprennent tout simplement pas, cela peut susciter chez elles la crainte de dévoiler certaines informations à des journalistes.

[Traduction]

    Croyez-vous que Radio-Canada...
    Il vous reste 20 secondes.
    D'accord, je vais faire très rapidement.
    Croyez-vous alors que Radio-Canada devrait être assujettie à la loi?

[Français]

    Oui, c'est mon avis, dans la limite de ce que j'en connais. Je ne suis pas juriste, mais j'ai toujours demandé qu'il y ait plus de reddition de comptes, et ce, depuis 2002.

[Traduction]

    Merci.
    Merci.
    Comme il ne nous reste qu'environ cinq minutes, je propose que nous en laissions deux à M. Dusseault, puis deux à M. Mayes.
    Monsieur Dusseault.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Comme je dispose que de seulement deux minutes pour m'exprimer, je vais poser une question à M. Bernier.
    Tout d'abord, je tiens à vous remercier de votre présence ici.
    J'aimerais revenir sur un article de Mme Josée Pilote que j'ai lu. Je ne sais pas si cela vous dit quelque chose. Mme Pilote remarque elle aussi que la croisade de Quebecor est à la fois idéologique et commerciale, tout comme vous le mentionnez dans votre mémoire. Dans son article, Mme Pilote remet en cause la croisade commerciale de Quebecor.
    Comme vous êtes professeur d'éthique, que pensez-vous de la façon de faire de Quebecor, qui baisse le prix des publicités pour éliminer la concurrence? En langage économique, on pourrait parler de dumping. Cela est-il éthique, à votre avis?
    C'est une pratique commerciale qui échappe à mon spectre de compétences. Toutefois, dans la mesure où cela peut tuer des petits journaux indépendants, cela compromet la diversité d'information dans notre société. C'est inquiétant pour le journaliste que je suis.
    Vous savez que l'éthique du journalisme repose aussi sur des bases matérielles. Il faut que les petits journaux aient un peu d'argent pour faire du bon journalisme. Quand on les étrangle, on s'attaque à la qualité de l'information.
    Pensez-vous, comme Mme Pilote, que par ses actions, surtout dans les régions, Quebecor tâche d'éliminer la concurrence en vue d'être le seul fournisseur d'information, ce qui remet en cause la qualité de l'information?
    Cela a toujours été la grande inquiétude face à la concentration des médias au Canada, depuis les années 1970.
    Il ne faut pas toujours faire l'équation selon laquelle pluralité de médias égale diversité de l'information. Il n'empêche qu'on a une meilleure chance d'avoir de la diversité quand il y a une pluralité de médias dans un même territoire.

[Traduction]

    Merci. Vous n'avez plus de temps.
    Nous passons maintenant à M. Mayes qui dispose de deux minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Bernier, notre gouvernement a reçu en 2006 le mandat d'assurer une meilleure reddition de comptes à l'égard des fonds publics. Pour ce faire, nous avons établi un cadre fondé sur la transparence et la responsabilisation au sein des sociétés d'État, et nous avons donné au vérificateur général le pouvoir de suivre l'argent à la trace.
    Vous avez déclaré que la Société Radio-Canada croule sous une avalanche de demandes d'accès à l'information. Je vous dirais que cette avalanche aurait pu être évitée si Radio-Canada avait fait montre d'ouverture et de transparence dès le départ. Tout cela s'accumule depuis un bon moment déjà. Les gens veulent simplement savoir ce que la Société Radio-Canada fait du montant de 1,1 milliard de dollars qu'elle reçoit.
    Je trouve notamment troublant de vous entendre déclarer qu'il n'est pas nécessairement acceptable du point de vue éthique que notre comité s'intéresse à des attaques semblables à l'endroit de Radio-Canada. J'aimerais vous signaler à ce titre vos propres attaques à l'endroit de Quebecor. Vous avez remis en cause l'indépendance journalistique de ses employés. Vous avez fait valoir que l'on ne permettait pas certaines choses en ajoutant que des influences s'exerçaient sans cesse. Même Radio-Canada a sans doute une certaine forme d'influence sur une partie du travail journalistique s'effectuant au sein de la société d'État.
(1045)
    Monsieur Mayes, si vous souhaitez entendre la réponse du témoin, il vous reste 30 secondes.
    Estimez-vous que vos observations d'aujourd'hui concernant Quebecor étaient conformes à l'éthique?

[Français]

    Je suis ici parce que j'ai été invité. Je n'ai pas demandé à comparaître. J'ai fait des recherches, et je vous transmets des données empiriques de recherches qui montrent que les premiers à s'en inquiéter, ce sont les journalistes de Quebecor eux-mêmes. Ils sont les premiers témoins des problèmes éthiques qu'ils vivent dans cette entreprise.
    J'ai fait une comparaison avec CBC et avec Gesca, pour voir s'il y avait des différences. Les différences sont considérables sur le plan statistique. Ce n'est pas dû au hasard. Plusieurs choses sont déplorées par les journalistes.
    Je vous mentionnerais une chose quant aux doutes sur l'impartialité de Radio-Canada. Je viens du Québec et je peux vous dire que, depuis 40 ans, beaucoup de gens doutent également de l'impartialité de Radio-Canada sur certains sujets.

[Traduction]

    Merci beaucoup, messieurs Bernier et Trudel, pour le temps que vous avez consacré aux travaux de notre comité.
    Merci aux membres du comité pour votre participation d'aujourd'hui.
    La séance est levée.
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