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FAAE Rapport du Comité

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LA POLITIQUE CANADIENNE RELATIVE À LA BIRMANIE

Les porte-parole du MAECI et de l’ACDI nous ont donné un aperçu de la politique et des programmes canadiens concernant la Birmanie, notamment la réaction du Canada aux événements survenus récemment en Birmanie et l’évolution de la politique canadienne en conséquence.

M. Giokas a dit au Sous-comité que le Canada n’a jamais cessé de dénoncer la situation des droits humains en Birmanie :

en faisant connaître ses préoccupations à ce sujet par les voies bilatérales toutes les fois où cela était possible, y compris dans des enceintes internationales telles que l'Assemblée générale et le Conseil des droits de l'homme des Nations Unies. S'agissant des préoccupations précises que nous avons soulevées, il convient de mentionner la détention de centaines de prisonniers politiques, des affrontements ainsi que des violations dans des régions peuplées par des minorités ethniques[348].

En 2011, dans sa déclaration durant la partie de l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme des Nations Unies portant sur le Myanmar consacrée à la discussion interactive, le Canada « s’est déclaré préoccupé par la situation des droits de l’homme et a demandé qu’il soit répondu à la liste des questions établies à l’avance, s’agissant en particulier de la législation prévue par le nouveau Parlement pour combler les lacunes dans le domaine des droits de l’homme et le manque de participation aux instruments internationaux relatifs aux droits de l’homme[349] ».

Par suite des mesures prises récemment en faveur de changements démocratiques en Birmanie, le ministre des Affaires étrangères, John Baird, s’est rendu en Birmanie le 8 mars 2012. Selon M. Giokas, il « s'agissait de la première visite officielle d'un ministre des Affaires étrangères du Canada dans ce pays. II a dit que le Canada espérait que les progrès accomplis à ce jour se poursuivent et mènent à d'autres réformes[350] ». M. Giokas a ajouté que le gouvernement du Canada est prêt à s’engager et à soutenir la Birmanie dans sa transition vers la démocratie[351]. Le 13 juillet 2012, le ministre Baird a annoncé l’intention du Canada d’ouvrir une ambassade en Birmanie[352].

Les témoins ont souligné que la Birmanie aura besoin d’aide pour se doter de la capacité voulue pour mettre en œuvre ses réformes démocratiques. M. Giokas a dit au Sous-comité qu’un secteur où le Canada pourrait faire œuvre utile concerne les relations et les échanges parlementaires avec le gouvernement birman[353]. Le Sous-comité estime que le partage d’informations et de points de vue sur le rôle des parlements et des gouvernements d’États fédéraux dans le contexte de pareils échanges devrait faire partie de l’exercice. M. Nankivell a dit au Sous-comité que l’ACDI « suit de très près » l’évolution de la situation en Birmanie et travaille en liaison avec la Banque mondiale, la Banque asiatique de développement, les agences de l’ONU et les organismes donateurs de pays ayant des vues similaires relativement à leurs activités sur le terrain[354].

Le gouvernement du Canada ne fournit pas d’aide directe au gouvernement birman. Le Canada accorde de l’aide humanitaire aux réfugiés et aux personnes déplacées en Birmanie et dans des régions frontalières, ainsi que de l’aide alimentaire et d’autres formes d’aide humanitaire aux personnes touchées par des désastres naturels. Le Canada a également commencé depuis peu à soutenir certains programmes en Birmanie à l’appui de la transition vers la démocratie[355] Depuis 1988, l’ACDI accorde une aide non négligeable aux migrants et réfugiés birmans dans les zones frontalières par le truchement du programme d’assistance frontalière de Birmanie, qui est mis en œuvre par Inter Pares, une ONG canadienne[356].

Les témoins ont attiré l’attention du Sous-comité sur le fait qu’un certain nombre de pays qui ont traditionnellement soutenu les organismes de la société civile dans les régions frontalières de la Birmanie ou dans les pays voisins ont commencé à déplacer leurs ressources vers des groupes de l’intérieur du pays. Compte tenu des besoins humanitaires sérieux dans les zones frontalières birmanes et de la capacité des organisations existantes de contribuer au renforcement de la société civile à l’intérieur du pays, M. Davis a exhorté le Canada à continuer de soutenir les organisations de la société civile qui exercent leur activité près de la frontière et qui font la promotion des réformes depuis l’extérieur du pays[357].

A. Sanctions

À la lumière des réformes récemment entreprises en Birmanie, le Canada — à l’instar d’autres pays de par le monde — a décidé, avec un optimisme modéré, de modifier sa politique et de faire preuve d’ouverture envers la Birmanie. Il a donc suspendu la plupart des sanctions. Il a, notamment levé les interdictions frappant les exportations, les importations, les services financiers et les investissements qui avaient été imposées en vertu du Règlement sur les mesures économiques spéciales visant la Birmanie[358]. Il a également retiré la Birmanie de la Liste des pays visés, ce qui signifie que les exportateurs n’auront plus à se procurer une licence d’exportation auprès du ministre des Affaires étrangères pour exporter en Birmanie la plupart des produits non militaires ainsi que les produits et les technologies qui ne sont pas à applications bivalentes[359]. Le Canada maintient l’interdiction de tout commerce d’armes et de matériel connexe ainsi que la fourniture d’aide technique et d’assistance financière connexes. Il maintient en outre le gel des actifs et l’interdiction des opérations par les personnes et entités désignées visées dans le Règlement (la « liste des personnes désignées »)[360].

Le Canada, à l’instar d’autres pays, réévalue actuellement sa politique de sanctions par suite de l’évolution de la situation en Birmanie. L’Union européenne a levé les sanctions, exception faite de son embargo sur les armes[361]. Les États-Unis ont également assoupli leurs restrictions, notamment en levant certaines sanctions afin d’autoriser les investissements américains en Birmanie, par la délivrance d’une licence aux entreprises américaines[362].

Comme M. Giokas l’a dit, la question pour le Canada maintenant est celle de « savoir ce que nous pouvons faire pour encourager, faciliter et soutenir le développement et l'évolution de la démocratie. La suspension des sanctions nous permet d'aborder ces questions. Perdons-nous de l'influence ou en obtenons-nous davantage? Nous ne le savons pas encore[363] ».

Le Sous-comité a appris que si elle n’a eu aucunes relations avec nombre de pays occidentaux ces dernières années, la Birmanie n’en a pas moins forgé des liens économiques et politiques avec ses voisins asiatiques. Par exemple, M. Giokas a dit au Sous-comité que lorsque les entreprises occidentales ont quitté la Birmanie en raison des sanctions économiques, la Chine, la Thaïlande et l’Inde ont pris le relais[364]. Avant l’assouplissement des sanctions, certains membres de la communauté internationale, comme M. Markus Loening, le commissaire fédéral de la politique relative aux droits humains de l’Allemagne, a dit craindre que le maintien des sanctions des pays occidentaux contre la Birmanie n’ait permis à la Chine d’accentuer sa présence stratégique en Birmanie. Dans un article paru en juin 2011, M. Loening a fait valoir que « Beijing profite du vide que nous avons laissé avec notre politique de sanctions draconienne et universelle[365]. En effet, selon l’Economist Intelligence Unit, les relations entre la Birmanie et la Chine ont pris de l’ampleur ces dernières années : la Chine était le plus ferme appui de la junte militaire qui a été au pouvoir jusqu’en 2010 et reste un très important partenaire en matière de commerce et d’investissements[366].

Quoi qu’il en soit, tous les témoins entendus par le Sous-comité ont exprimé le point de vue selon lequel les sanctions canadiennes avaient contribué de façon marquée à faire changer les choses en Birmanie. Certains d’entre eux ont souligné que le Canada pourrait voir sa capacité de promouvoir d’autres changements en Birmanie amoindrie si les sanctions qui restent sont levées trop rapidement. Par exemple, certains témoins ont dit que la levée prématurée des sanctions pourrait compromettre les négociations de paix entre l’armée et les groupes ethniques armés qui ont cours actuellement. Un témoin a signalé que la « majorité de ces groupes en Birmanie croient que le régime a entamé ces négociations dans le but d'obtenir des concessions d'ordre économique de la part des groupes ethniques armés. Si la communauté internationale récompense le régime en lui procurant des gains économiques, elle annule d'importants moyens de pression favorisant la réconciliation politique et la paix au pays[367]. »

Ces témoins ont proposé une approche graduelle à la réduction des sanctions qui fixe des objectifs clairs pour le progrès démocratique et prévoit une réévaluation de la situation dans l’avenir. Ainsi, M. Din a dit au Sous-comité :

[J]'appuie une levée graduelle des sanctions qui soit directement liée aux progrès accomplis. Une telle approche permet aux gouvernements de la communauté internationale de tendre la main au gouvernement birman et de l'inciter à adopter une voie qui appuie une véritable réforme politique soutenue vers la démocratisation, la paix durable et un plus grand respect des droits humains[368].

M. Davis a déclaré :

Je pense que si la Birmanie est vraiment sur la voie de la réforme, les gens, les dirigeants et la classe moyenne de Rangoon et de Mandalay en verront les avantages et cela constituera un appui qui favorisera l'adoption de plus de réformes. Donc, il y a eu la politique de la carotte et du bâton sous forme de sanctions, et elles seront maintenues jusqu'à ce que les diverses exigences soient satisfaites. À mon avis, cela devrait inclure l'arrêt des violations des droits humains[369].

Inter Pares et M. Wakar Uddin ont eux aussi souligné la nécessité que soient atteints des objectifs concrets en matière de droits humains avant la levée permanente des sanctions[370].

Plusieurs témoins ont recommandé que le gouvernement du Canada ne prenne pas d’autres mesures pour lever les sanctions pour le moment. M. Davis, par exemple, recommande instamment que soient maintenues toutes les sanctions subsistantes, notamment celles qui visent les individus du régime birman soupçonnés de violations des droits humains et les associés du régime soupçonnés de bénéficier de ces violations[371].

Le Sous-comité signale que le MAECI a annoncé que la liste des personnes désignées du Canada sera mise à jour à la lumière des récentes réformes[372]. Les témoins ont souligné que cette liste favorise les changements en Birmanie et qu’il faut la maintenir à jour à mesure que progressent les réformes. M. Davis, par exemple, a recommandé que le Canada veille à ce que sa liste de personnes désignées soit « élargie pour inclure ceux qui ont profité des violations des droits humains, par exemple du travail forcé et du déplacement de populations[373] ». M. Din, au nom de la U.S. Campaign for Burma, a proposé que, dans le cadre de cette mise à jour, le Canada songe à inscrire sur la liste le nom des personnes et des entreprises liées de près au Parti pour la solidarité et le développement de l’Union  (USDP) et à l’armée birmane après les élections de 2010, en accordant une attention particulière aux suivantes :

  • les personnes occupant un poste de haut commandement dans l’armée birmane;
  • le haut commandement militaire de l’État du Shan du Nord et de l’État du Kachin, où se poursuivent les conflits armés entraînant de graves violations du droit international humanitaire et des violations flagrantes des droits humains internationaux;
  • les commandants militaires régionaux et divisionnaires dont les activités économiques se sont traduites par, ou ont entraîné des confiscations de terres, du travail forcé, des déplacements forcés et d’autres violations des droits humains;
  • les ministres, sous-ministres et députés des assemblées fédérales et régionales nommés par l’armée;
  • un large éventail d’entreprises appartenant à des militaires;
  • les entreprises et ressortissants birmans qui sont étroitement liés à l’armée et qui s’emploient à miner les réformes ou s’y opposent ou qui sont complices de la perpétration de violations des droits humains; les ministres du gouvernement birman et les dirigeants de l’USDP qui s’opposent à la réforme démocratique[374].

M. Giokas a dit au Sous-comité que le ministère était disposé « à les [les sanctions] rétablir si la situation le justifiait[375] ». Le gouvernement du Canada estime certes que les progrès réalisés jusqu’à maintenant justifient la levée des sanctions, mais il reste que M. Giokas a précisé que le Canada suivra de près l’évolution de la situation en Birmanie « afin de prodiguer des encouragements, mais aussi de veiller à ce que les choses se passent dans le respect des règles et en tenant compte comme il se doit des préoccupations qui ont justifié les sanctions au départ[376] ». Le Sous-comité souscrit à cette démarche prudente, mais soutenant les réformes en Birmanie.


[348]         Témoignages, réunion no 33, 1re session, 41e législature, 26 avril 2012.

[349]         Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, Rapport du Groupe de travail sur l'Examen périodique universel ‒ Myanmar, 24 mars 2011, doc. de l’ONU A/HRC/17/9, par. 34.

[350]         Témoignages, réunion no 33, 1re session, 41e législature, 26 avril 2012.

[351]         Ibid.

[352]         MAECI, « Le ministre Baird annonce l'intention du Canada d'ouvrir une ambassade en Birmanie », communiqué, 13 juillet 2012.

[353]         Témoignages, réunion no 33, 1re session, 41e législature, 26 avril 2012 (M. Greg Giokas).

[354]         Témoignages, réunion no 33, 1re session, 41e législature, 26 avril 2012 (M. Jeff Nankivell).

[355]         MAECI, “Relations Canada-Birmanie

[356]         Ibid.; mémoire d’Inter Pares.

[357]         Témoignages, réunion no 37, 1re session, 41e législature, 10 mai 2012.

[358]         DORS/2007-285.

[359]         Loi sur les licences d’exportation et d’importation, art. 4; Liste des pays visés, modifiée par le DORS/2012‑86, art. 1; gouvernement du Canada, site Web de l’ambassade du Canada en Thaïlande, La politique du Canada concernant la Birmanie.

[360]         Loi sur les mesures économiques spéciales, L.C. 1992, ch. 17, Règlement sur les mesures économiques spéciales – visant la Birmanie, art. 3, 4 et annexe du Règlement; gouvernement du Canada, site Web de l’ambassade du Canada en Thaïlande, ibid.

[361]         Conseil de l’Union européenne, « Conclusions du Conseil sur le Myanmar/la Birmanie », communiqué, 22 avril 2013.

[362]         Département d’État des États-Unis, « Remarks With Foreign Minister of Burma U Wunna Maung Lwin After Their Meeting », observations d’Hillary Rodham Clinton, 17 mai 2012; département d’État des États‑Unis, « Background Briefing on the Administration’s Policies Toward Burma Sanctions », 2 mai 2013.

[363]         Témoignages, réunion no 33, 1resession, 41e législature, 26 avril 2012 (M. Greg Giokas).

[364]         Ibid.

[365]         M. Markus Loening, « It is time to fine-tune sanctions on Burma », Financial Times, 20 juin 2011.

[366]         EIU, Country Report: Myanmar (Burma), mars 2012. Les répercussions des relations entre la Chine et la Birmanie sur la situation politique et économique et sur les droits humains sont traitées en détail dans un rapport récent de l’International Crisis Group, China’s Myanmar Strategy: Elections, Ethnic Politics and Economics, Asia Briefing no 112, 21 septembre 2010.

[367]         Témoignages, réunion no 36, 1re session, 41e législature, 8 mai 2012 (M. Aung Din).

[368]         Ibid.

[369]         Témoignages, réunion no 37, 1re session, 41e législature, 10 mai 2012 (M. William Davis).

[370]         Mémoire d’Inter Pares; Témoignages, réunion no 44, 1re session, 41e législature, 19 juin 2012 (M. Wakar Uddin).

[371]         Témoignages, réunion no 37, 1re session, 41e législature, 10 mai 2012 (M.William Davis).

[373]         Témoignages, réunion no 37, 1re session, 41e législature, 10 mai 2012.

[374]         Mémoire de M. Aung Din au Sous-comité des droits internationaux de la personne, 10 août 2012.

[375]         Témoignages, réunion no 33, 1re session, 41e législature, 26 avril 2012.

[376]         Ibid.