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FOPO Rapport du Comité

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RAPPORT SUR LE SECTEUR DU CRABE DES NEIGES DANS LES PROVINCES DE L’ATLANTIQUE ET AU QUÉBEC

Introduction

Le crabe des neiges est, de loin, l’espèce de crabe la plus répandue sur la côte Est du Canada, et il est pêché au Québec ainsi que dans les quatre provinces de l’Atlantique. Les principales zones de pêche du crabe des neiges incluent la côte Est de Terre-Neuve et le golfe du Saint-Laurent. La pêche du crabe des neiges est l’une des plus lucratives dans l’est du Canada. En 2008, la valeur au débarquement pour l’ensemble de la région a atteint 356 millions de dollars, classant le crabe des neiges au deuxième rang derrière le homard (600 millions de dollars), loin devant la crevette (258 millions de dollars)[1].

Le 28 avril 2010, le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes (le Comité) a décidé d’entamer une étude du secteur de la pêche du crabe des neiges au Canada atlantique et au Québec et de faire comparaître, le 12 mai 2010, la ministre des Pêches et des Océans accompagnée des fonctionnaires compétents, des scientifiques et des conseillers scientifiques du Ministère des Pêches et Océans (MPO). Le Comité a convenu de tenir des audiences sur la côte Est du 25 au 28 mai 2010 afin de recevoir les témoignages de représentants des communautés, des flottilles commerciales, traditionnelles et autochtones, ainsi que du secteur de la transformation. Le Comité a par ailleurs convenu de déposer un rapport à la Chambre des communes sur ses constatations. L’étude du Comité fait suite aux préoccupations exprimées sur les répercussions de la décision du MPO de réduire les quotas de capture dans le sud du golfe du Saint-Laurent de 20 900 tonnes en 2009 à 7 700 tonnes en 2010, ainsi qu’aux difficultés éprouvées par le secteur dans nombre de zones de pêche.

Le Comité a tenu des audiences à Grande-Rivière (Québec), à Deer Lake (Terre-Neuve-et-Labrador), à Sydney (Nouvelle-Écosse) et à Moncton (Nouveau‑Brunswick), et a visité deux usines de transformation, l’une à Ste‑Thérèse-de-Gaspé (Québec), E. Gagnon & Fils, et l’autre à Louisbourg (Nouvelle‑Écosse), A&L Seafood. D’autres audiences ont eu lieu à Ottawa pour recueillir les témoignages de responsables du MPO. Enfin, le Comité s’est réuni de nouveau à l’automne 2010 afin d’étudier d’autres témoignages et d’élaborer un rapport sur l’industrie du crabe des neiges à l’intention de la Chambre des communes.

Les audiences ont permis au Comité de se familiariser avec les enjeux communs à toutes les régions et zones de pêche du crabe des neiges, ainsi qu’avec des questions propres à chacune.

Parmi les enjeux communs sont ressortis la gestion de la pêche du crabe des neiges, notamment le processus décisionnel du MPO en matière de gestion des pêches; l’usage des avis scientifiques formulés; et le moment et la façon de communiquer les décisions. Nombre des observations formulées pourraient toutefois valoir pour bien d’autres secteurs de pêche dans tout le pays. Partout, les témoins ont discuté de la capacité de capture, de la nécessité d’assurer une forme quelconque de rationalisation, et des conditions actuelles dans lesquelles sont accueillis les nouveaux et les jeunes pêcheurs.

D’autres questions étaient particulières à certaines régions. À Terre-Neuve-et-Labrador, on a exprimé des préoccupations quant au prix perçu par les pêcheurs pour leurs captures, et au mode de fixation des prix. Certains ont parlé du lien entre les secteurs de la pêche et de la transformation, ainsi que de l’intégration verticale dans le secteur de la pêche. D’autres ont souligné qu’il existe d’autres modèles de fonctionnement pour l’industrie. Au Cap-Breton, les audiences ont porté principalement sur les ententes de partage de la ressource entre les flottilles traditionnelles et autochtones et les entreprises détentrices de quota. Des points de vue divergents sur les décisions prises par le ministère à propos de ces ententes de partage ont été exprimés. À Moncton, les ententes de partage ont aussi figuré parmi les principaux sujets de discussion.

À Moncton et à Grande-Rivière, les audiences se sont concentrées sur l’impact de la décision du MPO de réduire de 63 % le volume de crabe des neiges pouvant être pêché en 2010. Des représentants de tous les groupes ont offert des témoignages convaincants à propos des difficultés engendrées par cette décision pour leurs communautés. De nombreuses suggestions ont été présentées afin d’atténuer les conséquences des décisions difficiles de gestion des pêches telles que celle-ci.

Le Comité est heureux de déposer le présent rapport, dans lequel il formule des recommandations au gouvernement fédéral, particulièrement au MPO. Ces recommandations reposent sur les témoignages reçus par les membres du Comité au cours de son étude, ainsi que sur l’analyse qu’ils ont faite de la situation.

Contexte

Biologie du crabe des neiges

Le crabe des neiges (Chionoecetes opilio) est un crustacé comme le homard et la crevette. Il vit habituellement dans les eaux froides, où il se tient dans des fonds boueux ou sablonneux. Bien qu’il préfère les eaux relativement profondes, on le retrouve également dans les zones peu profondes. Dans l’Atlantique Nord-Ouest, le crabe des neiges est présent du Groenland jusqu’au golfe du Maine. Ailleurs dans le monde, on trouve le crabe des neiges dans la mer de Béring, dans l’océan Arctique et dans la mer du Japon.

Le crabe des neiges est sexuellement dimorphe : à maturité, le mâle et la femelle présentent une différence physique importante. Le poids du mâle peut atteindre 1,35 kilogramme, le diamètre de sa carapace mesure de 4 à 16 centimètres et ses pattes ont une envergure de 90 centimètres. Plus petite, la femelle pèse moins de 0.5 kilogramme. Sa carapace dépasse rarement 9,5 centimètres et ses pattes ont une envergure d’environ 38 centimètres[2].

Après l’éclosion des œufs, les crabes des neiges passent à un stade larvaire pendant lequel ils flottent librement aux côtés du plancton. Les jeunes crabes coulent ensuite au fond de la mer et entreprennent un stade benthique qui durera de sept à quinze ans. La croissance du crabe des neiges suit un cycle de mue annuelle pendant lequel il largue sa coquille. La dernière mue du mâle (il peut y en avoir treize) survient entre quatre et onze ans. Chez la femelle, la dernière mue se produit vers quatre à six ans. C’est à ce moment que la plupart des femelles deviennent sexuellement matures. Après la mue, la nouvelle carapace doit durcir, ce qui prend habituellement de huit à dix mois. Ce sont ces crabes que l’on dit « à carapace molle » ou que l’on appelle crabes blancs.

La prédation est l’une des causes naturelles de mortalité chez le crabe des neiges. Les prédateurs connus sont le flétan, la raie, la morue, le phoque et la plie canadienne. Les crabes plus petits ou à carapace molle sont particulièrement vulnérables aux prédateurs. Certains croient que le déclin de populations de poisson de fond a eu un effet positif sur l’abondance du crabe des neiges. Cependant, l’augmentation au cours des dernières années de la population résidante de phoques gris dans le golfe du Saint-Laurent est une source d’inquiétude en ce qui concerne l’état du stock de crabe des neiges, particulièrement lorsque celui-ci se situe dans un creux du cycle d’abondance.

Le Comité recommande :

Recommandation 1

Que Pêches et Océans Canada mette en place immédiatement un plan, fondé sur des preuves scientifiques, pour atténuer les impacts de la croissance rapide de la population du phoque gris sur la ressource de crabe des neiges du Golfe du Saint-Laurent, y compris le prélèvement ciblé de phoques gris.

Description de la pêche

La pêche du crabe des neiges ne vise que les mâles adultes à carapace dure d’au moins 9,5 centimètres. Les mâles pêchés ont subi leur dernière mue. Le débarquement de femelles est strictement interdit. L’abondance de la biomasse pouvant être récoltée se caractérise par sa nature cyclique marquée par des périodes de forte et de faible abondance dues à l’influence des changements environnementaux, à la structure des stocks et à la fluctuation du ratio proie-prédateur. Depuis 1988, deux périodes d’abondance suivies de périodes de déclin ont été observées.

La pêche du crabe des neiges se fait au moyen de gros casiers (de forme conique, pyramidale ou rectangulaire) dans lesquels on place des appâts : hareng, maquereau ou calmar. La gestion de la pêche est fondée sur des quotas et des contrôles exercés, entre autres, sur le nombre de permis délivrés, le nombre de casiers de taille et à ouverture bien définies, ainsi que la durée de la saison. Dans certaines zones, le nombre de voyages est limité. Des mécanismes de vérification à quai sont en place en tout temps, et des observateurs sont présents en mer. La taille des navires varie selon le type de pêche : côtière, semi-hauturière ou hauturière. Après la capture, le crabe des neiges est conservé sur la glace dans le réservoir vivier du navire. Certains navires sont équipés d’un circuit à eau de mer (EMR ou eau de mer réfrigérée) et peuvent ainsi effectuer de plus longs séjours en mer sans compromettre la qualité des crabes jusqu’à leur transformation.

Le gros des stocks de crabe des neiges pêchés sur la côte Est est débarqué à Terre-Neuve-et-Labrador. Le sud du golfe du Saint-Laurent est la deuxième région en importance, suivie du Plateau néo-écossais. Selon les données du MPO, plus de 750 permis de pêche du crabe des neiges ont été délivrés dans les Maritimes et au Québec en 2009, comparativement à environ 500 en 1992. À Terre-Neuve-et-Labrador, le nombre de permis est passé d’environ 750, en 1992, à plus de 3 400 actuellement[3]. Dans le Plateau néo-écossais, en Nouvelle-Écosse, on a délivré 202 permis de pêche du crabe en 2008. Les statistiques sur les débarquements et leur valeur de 2003 à 2009 sont présentées dans les tableaux 1 et 2 ci-après.

Tableau 1 — Pêche du crabe des neiges au Canada atlantique et au Québec, 2003‑2009 - Débarquements par région du MPO et par année

Région du MPO

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

(tonnes métriques)

Maritimes*

10 779

9 924

8 149

5 343

5 396

8 869

11 219

Golfe

15 158

22 485

27 023

21 531

19 932

18 527

16 871

Québec

12 606

15 289

16 219

15 270

14 736

13 463

15 018

Terre-Neuve-et-Labrador

58 355

55 656

43 957

47 238

50 208

52 748

53 446

Total

96 898

103 354

95 348

89 382

90 272

93 607

96 554

* Anciennement Scotia-Fundy

Source : Données du MPO (pêche commerciale, pêche maritime, débarquements, et rapport de quota pour 2009).

Tableau 2 — Pêche du crabe des neiges au Canada atlantique et au Québec, 2003-2009 - Valeur des débarquements par région du MPO et par année

Région du MPO

2003

2004

2005

2006

2007

2008

2009

(en milliers de dollars)

Maritimes*

71 732

65 633

34 642

15 232

24 436

40 622

s.o.

Golfe

99 071

148 668

120 743

59 898

100 927

85 596

s.o.

Québec

79 387

98 134

61 960

38 936

62 966

50 447

s.o.

Terre-Neuve-et-Labrador

263 583

300 577

140 252

101 000

177 456

179 513

s.o.

Total

513 773

613 012

357 597

215 066

365 785

356 178

s.o.

* Anciennement Scotia-Fundy

Source : Données du MPO (pêche commerciale, pêche maritime, débarquements).

Les saisons de pêche dans les différentes zones vont du printemps à l’automne (voir le tableau 3). Dans bien des zones, l’ouverture et la fermeture de la saison tiennent compte de la mue des jeunes crabes et de la période de reproduction. Délimiter la saison de pêche en tenant compte des périodes clés du cycle de vie du crabe des neiges permet de préserver la ressource et d’en assurer la durabilité. Les saisons tardives peuvent augmenter le risque de prendre un nombre plus élevé de crabes à carapace molle, ce qui constitue l’un des plus graves problèmes de conservation de cette pêche[4]. En réalité, la saison de pêche peut être assez courte. Par exemple, dans la zone 12 du sud du golfe du Saint-Laurent, les pêcheurs ont capturé 80% du total des prises autorisées (TPA) dans les six premières semaines de la saison en 2009 et durant les quatre premières semaines de la saison en 2010. Pour la zone 19, il n’aura suffi que de trois semaines pour capturer 80% du TPA en 2009, et seulement une semaine en 2010.

Tableau 3 — Saisons de pêche du crabe des neiges

Région

Zone

Ouverture

Fermeture

Terre-Neuve-et-Labrador

2J (Nord)

15 juin

30 août

Terre-Neuve-et-Labrador

2J (Sud)

1er mai

15 juillet

Terre-Neuve-et-Labrador

3K (3A)

1er avril

7 juillet

Terre-Neuve-et-Labrador

3K (3B, 3C, 3BC)

1er avril

30 juin

Terre-Neuve-et-Labrador

3K (3D)

1er avril

15 juin

Terre-Neuve-et-Labrador

3K (4)

1er avril

10 juin

Terre-Neuve-et-Labrador

3LNO

1er avril

31 juillet

Terre-Neuve-et-Labrador

3Ps

1er avril

31 mai

Terre-Neuve-et-Labrador

3Ps (10A)

1er avril

30 juin

Terre-Neuve-et-Labrador

4R3Pn

1er avril

30 juin

Sud du golfe du Saint-Laurent

12, 18, 25, et 26

16 avril

18 juillet

Québec (Côte Nord)

14

18 avril

24 juillet

Québec (Côte Nord)

15

5 avril

12 juillet

Québec (Côte Nord)

16 (groupe A)

5 avril

10 juillet

Québec (Côte Nord)

16 (groupe B)

12 avril

10 juillet

Québec (estuaire du Saint-Laurent)

17

30 mars

21 juin

Sud-Ouest de la Nouvelle-Écosse

23 et 24

7 avril

30 septembre

Source : Décisions de gestion des pêches du MPO.

Développement de la pêche du crabe des neiges

La pêche du crabe des neiges dans l’Est du Canada a commencé en 1960 par des captures fortuites effectuées par des dragueurs de poissons de fond près de Gaspé, au Québec[5]. Le développement de cette pêche a été lent jusque dans les années 1980 et a connu un essor rapide par la suite pour devenir l’un des secteurs de pêche les plus importants au Canada au chapitre des débarquements et de leur valeur.

Dans toute la région de l’Atlantique, les débarquements de crabe ont commencé à fléchir à partir du milieu jusqu’à la fin des années 1980, provoquant une inquiétude généralisée. En conséquence, les pêcheurs et le MPO ont commencé à s’intéresser à la conservation de la ressource et à axer leurs efforts sur la recherche, la gestion et l’application des règlements de pêche. Les quotas individuels par bateau ont été instaurés et des ententes de cogestion ont été conclues entre le MPO et certaines flottilles. Selon le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques, « ces initiatives ont amélioré la gestion de la pêche et donné la possibilité aux pêcheurs de participer directement à la conservation des ressources[6] ».

Jusqu’au milieu des années 1990, la pêche dans le golfe du Saint-Laurent était l’apanage de 130 pêcheurs semi-hauturiers du Nouveau-Brunswick, du Québec et de la Nouvelle-Écosse : la flottille traditionnelle. Après l’imposition de moratoires sur les poissons de fond au début des années 1990, et en partie à cause de la pression exercée par les pêcheurs côtiers qui voulaient accéder à une plus grande part des ressources, des allocations temporaires ont été octroyées à des pêcheurs de crabe non traditionnels. Suite à l’arrêt Marshall de la Cour suprême, les Premières nations ont, elles aussi, obtenu des allocations. Pour justifier sa décision de fournir une part du TPA à des pêcheurs dépendant du poisson de fond, le MPO a notamment avancé que cela réduirait l’effort de pêche dans les secteurs du homard et du poisson de fond. Les associations de pêcheurs participant à l’administration de ce nouvel accès ont proposé de recourir à un système de rotation entre les pêcheurs. En 2003, le nouvel accès des crabiers non traditionnels a été réparti au prorata des parts traditionnelles. Les ententes de partage ont été stabilisées depuis par le MPO : environ 70 % des prises autorisées reviennent désormais à la flottille traditionnelle, et les Premières nations et les nouveaux pêcheurs ont droit, chacun, à 15 %. La répartition du TPA réservé aux nouveaux pêcheurs est sensiblement la même qu’en 2003, à l’exception de la part des pêcheurs de l’Î.-P.-É., qui a diminué au profit de celle des pêcheurs néo-brunswickois.

La région du sud du Golfe coïncide essentiellement avec la zone de pêche au crabe (ZPC) 12. Cette zone englobe une bonne partie du sud du golfe du Saint-Laurent, bordée au nord-ouest par la péninsule de Gaspé, au sud-ouest par le Nouveau-Brunswick et au sud-est par le Cap-Breton. Cette région englobe également la ZPC 19, le long de la côte Nord-Ouest du Cap-Breton. Les zones exploratoires 12E et 12F, au nord-est de la zone 12, sont gérées séparément. Les ZPC 18, 25 et 26 ont été intégrées à la ZPC 12 en vue de former une seule zone de gestion. Par contre, le Règlement de pêche de l’Atlantique de 1985 de la Loi sur les pêches n’a pas été modifié en conséquence.
L’illustration 1 illustre les zones de pêche du crabe dans le sud du golfe du Saint-Laurent.

Illustration 1 — Zones de pêche du crabe des neiges dans les provinces de l’Atlantique et au Québec

zones de pêche du crabe des neiges dans les provinces de l'Atlantique et au Québec

Source : Conseil pour la conservation des ressources halieutiques, Un cadre pour la conservation stratégique du crabe des neiges de l’Atlantique, 2005.

 Terre-Neuve-et-Labrador, c’est en 1968, dans la baie de la Trinité, qu’à commencé la pêche du crabe des neiges, initialement au moyen de filets maillants. Au début, elle était limitée aux divisions de l’Organisation des pêches de l’Atlantique Nord-Ouest (OPANO) 3KL, où la ressource a connu un déclin jusqu’au milieu des années 1980. Vers la même période, de nouvelles zones de pêche ont été créées dans les divisions de l’OPANO 2J, 3Ps et 4R, et dans la division hauturière 3K. Comme cela s’est produit dans le Golfe, on a élargi l’accès à cette pêche aux pêcheurs de poissons de fond dont les revenus avaient chuté à la fin des années 1980[7]. De nos jours, on dénombre plusieurs secteurs de la flottille, et la majorité des permis sont octroyés à des flottilles côtières. La gestion de la pêche du crabe est basée sur des zones de pêche (voir l’illustration 1), mais aux fins des rapports, les zones statistiques de l’OPANO 2J, 3K, 3Ps, 3L, 4R3Pn et 3LNO sont utilisées.

En Nouvelle-Écosse, la pêche du crabe des neiges remonte au début des années 1970. Les stocks sont exploités dans tout le Plateau néo-écossais (le secteur au large de la côte Ouest de l’île du Cap-Breton est inclus dans le sud du golfe du Saint-Laurent). Pour les Maritimes, les zones de gestion sont le Nord-Est de la Nouvelle-Écosse (N.-E.N.-É), qui correspond aux ZPC 20 à 22, le Sud-Est de la Nouvelle-Écosse (S.-E.N.-É.), qui englobe les ZPC 23 et 24, et la zone statistique de l’OPANO 4X (voir la figure 1). Il convient de mentionner qu’aucune décision sur la gestion des pêches n’a été prise, et qu’aucun débarquement n’a été déclaré pour cette dernière zone au cours des dernières années[8].

Évaluation de la biomasse de crabe des neiges

L’état de la ressource est évalué selon les tendances des captures par unité d’effort (CPUE), les indices de biomasse exploitable, les perspectives de recrutement et les indices de mortalité. Selon le MPO, l’exploitation annuelle du crabe des neiges est gérée en fonction des prises admissibles totales, lesquelles sont fixées au printemps de chaque année pour chacune des nombreuses zones de pêche au crabe. Dans le sud du golfe du Saint-Laurent et dans l’est de la Nouvelle‑Écosse, les niveaux de biomasse sont estimés annuellement au moyen de relevés au chalut réalisés au terme de la saison de pêche. Dans d’autres régions, les particularités physiques du fond marin ne permettent pas de recourir à cette méthode. C’est le cas de Terre-Neuve-et-Labrador, où des pêcheurs effectuent des relevés au casier post-saison. De plus, des données sur les pêches sont obtenues à partir des taux de prise inscrits dans les registres des pêcheurs[9].

Toutes ces sources de données permettent aux scientifiques du MPO d’établir des rapports d’évaluation des stocks annuels dans lesquels ils estiment certains des indicateurs de la santé de la population de crabe à des fins commerciales, notamment l’effort de pêche (en général, le nombre de casiers levés au cours d’une période donnée), les prises par unité d’effort (poids en kilogramme des poissons capturés dans les casiers levés ou CPUE), l’abondance du stock (biomasse exploitable totale) et les tendances relatives au recrutement (estimation du nombre de crabes qui approchent de la taille réglementaire minimale ou qui l’ont atteinte et, par conséquent, qu’il est permis de pêcher)[10]. Les scientifiques analysent et discutent par ailleurs de différentes méthodes de prise.

Fixation des prix et commercialisation du crabe des neiges

L’industrie du crabe des neiges repose sur deux marchés : les États-Unis et le Japon. Selon le MPO, la pêche canadienne compte pour la moitié de l’approvisionnement mondial, le gros des prises (70 %) étant exporté aux États-Unis[11]. Au fil des années, les sections de pattes surgelées ont pratiquement remplacé la chair décortiquée, cuite et surgelée comme produit de transformation du Canada atlantique.

Les prix perçus par les pêcheurs et les transformateurs sont dictés par les grands marchés étrangers et fluctuent donc selon la situation économique de ces pays et les taux de change.

Il n’y a pas de prix unique pour le crabe. La taille, la qualité et la couleur sont autant de facteurs qui entrent en ligne de compte. Les sections de pattes plus grosses (de huit à dix onces) coûtent de 40 à 50 cents de plus la livre que les sections de cinq à huit onces, et les plus petites sections (quatre onces) sont habituellement vendues à rabais[12]. Au débarquement, le chargement d’un navire peut contenir des crabes de différentes tailles.

En 2009, les pêcheurs ont touché de 1,30 $ à 1,75 $ par livre de produit au débarquement.

Dans les Maritimes et au Québec, les pêcheurs négocient directement avec les acheteurs ou les transformateurs. À Terre-Neuve-et-Labrador, on utilise une méthode différente : un prix minimal est fixé à l’issue d’un processus établi. La plupart du temps, les parties ne réussissent pas à s’entendre, et la question est référée à un comité permanent spécial de fixation du prix des poissons[13]. Aussi, jusqu’à tout récemment, une formule de réajustement a été utilisée pour moduler les prix durant la saison selon plusieurs facteurs, notamment les taux de change et les prix du marché aux États-Unis et au Japon[14].

Le Comité a appris que dans les régions de la côte Est, le crabe pêché est destiné à des différents marchés. Le crabe du Golfe est vendu à des entreprises japonaises haut de gamme et celui de Terre-Neuve-et-Labrador est acheté principalement par des entreprises japonaises pour être traité de nouveau en Chine. Par conséquent, l’écart de prix entre ces deux produits est considérable, et les produits les plus recherchés sont surgelés au gaz et conditionnés dans de luxueux emballages[15]. La couleur du produit est également importante. Selon M. Phil Barnes, les clients japonais « mangent le crabe avec leurs yeux. C’est la couleur qui prime. Lorsqu’ils se mettent à table, ils ne veulent voir que du rouge, et le crabe du Golfe a une couleur beaucoup plus intéressante que le crabe de Terre-Neuve[16] ».

Le Comité note que la réglementation des prix et des conditions de vente du poisson est de compétence provinciale. Le rôle du fédéral en la matière est donc limité.

Décision de gestion de 2010 pour le sud du golfe du Saint-Laurent

Tout juste avant le début de la saison de pêche 2010 dans le sud du golfe du Saint-Laurent, le MPO a communiqué que le TPA de crabe des neiges avait été fixé à 7 700 tonnes métriques pour les zones 12, 18, 25 et 26[17], une réduction de 63 % par rapport à l’année précédente. Même si on s’attendait à une diminution du TPA, la plupart des témoins ont dit au Comité avoir été étonnés par l’ampleur de la réduction. De plus, en raison du moment où la décision a été annoncée, la plupart des intervenants n’ont pu modifier leurs projets pour la saison de pêche qui allait débuter.

Les pêcheurs de la zone 19, au nord-ouest du Cap-Breton, se sont vu imposer une réduction de 44 % de leur TPA en 2010, et ce, après avoir accepté une baisse de 19 % l’année précédente.

Approche de précaution pour la gestion de la pêche du crabe des neiges

Pour la première fois en 2010, la gestion de la pêche du crabe des neiges dans le sud du golfe du Saint-Laurent a misé sur une approche de précaution. L’approche de précaution est définie dans un énoncé de principe du MPO comme « faire preuve de prudence lorsque les données scientifiques sont incertaines, peu fiables ou inadéquates. Le manque de données scientifiques adéquates ne saurait être invoqué pour ne pas prendre de mesures visant à éviter un préjudice grave à la ressource ou pour en différer l’adoption[18] ». Il est généralement compris que l’approche de précaution est moins rigoureuse dans son application que le principe de précaution. Bien que le ministère ait affirmé vouloir appliquer une approche de précaution à sa gestion des pêches au pays depuis quelques années, un cadre décisionnel à cet effet n’a été parachevé qu’en avril 2009. L’application d’une approche de précaution au plan de gestion de la pêche du crabe des neiges est conforme à ce cadre décisionnel, et il semble que la pêche du crabe des neiges soit l’une des premières à en bénéficier.

Le cadre décisionnel intégrant l’approche de précaution donne les lignes directrices pour établir des points de référence qui permettent de déterminer si la population de crabe des neiges est à un niveau sain, à un niveau où la précaution est recommandée, ou dans une situation critique. Ces points de référence sont établis dans un rapport séparé du MPO dans lequel la population de crabe des neiges du sud du golfe du Saint-Laurent est considérée comme saine lorsque la biomasse commerciale est au-dessus de 34 000 tonnes, ce qui correspond à 40 % de la biomasse maximale pour la période de 1997 à 2008. Le stock se situe dans la zone de précaution au-dessous de ce seuil[19].

En vertu du cadre décisionnel intégrant l’approche de précaution, le taux d’exploitation ne doit pas dépasser 40 % lorsque la biomasse est à un niveau sain[20]. Lorsque le stock se situe dans la zone de précaution, le taux d’exploitation devrait être réduit en proportion de la sévérité de la situation. En 2010, la biomasse commerciale dans la ZPC 12 était de 22 100 tonnes, plaçant ainsi le stock dans la zone de précaution. Conséquemment, le TPA fut établi à 7 700 tonnes, ce qui correspondait à un taux d’exploitation de 35 % en conformité avec l’approche de précaution (voir l’illustration 3). Le Comité note qu’en 2002 et 2009 les taux d’exploitation étaient de 54% et de 47% respectivement. Si un taux d’exploitation de 40% (en conformité avec l’approche de précaution) avait été utilisé pour ces deux années, les TPA et les débarquements auraient été bien moindres qu’ils étaient en réalité.

M. David Bevan, du MPO, a dit au Comité que « les estimations de biomasse pour la pêche de 2010 ont diminué par rapport aux niveaux de 2009 ». Le stock est maintenant passé dans la zone de précaution, et le ministère doit donc s’assurer « d’adopter une approche de précaution pour éviter que le stock ne tombe dans la zone critique[21] ».
Ces mesures de gestion plus strictes pourraient faire en sorte que la période actuelle de faible biomasse ne se prolonge pas. De plus, l’adoption de l’approche de précaution pour la pêche du crabe des neiges permettrait de satisfaire à certains des critères d’éco-certification, et, ainsi, de conférer un avantage sur les marchés.

Fixer le taux d’exploitation à 40 % de la biomasse commerciale semble quelque peu arbitraire. Ce taux de 40 % correspond en effet au taux moyen d’exploitation pour la période de 1998 à 2009[22] et exclut les taux beaucoup plus faibles des années précédentes. Les membres du Comité ne voient pas en quoi cette mesure est compatible avec l’approche de précaution et contribue à la conservation de la ressource.

Évaluation scientifique des stocks et gestion de la pêche

La controverse sur le calcul de la biomasse est un enjeu crucial pour l’évaluation et la gestion des pêches. Ces dernières années, les avis scientifiques sur le crabe des neiges dans le sud du golfe du Saint-Laurent ont révélé que le cycle d’abondance de la ressource se dirigeait vers un creux. Des rapports d’évaluation des stocks du MPO ont clairement indiqué que la biomasse commerciale du crabe des neiges déclinait, tel que démontré à l’illustration 2. En 2004, au plus fort du cycle actuel, la biomasse dans la zone 12 était estimée à 77 300 tonnes. En 2007 et en 2008, elle avait diminué respectivement de 35 % et de 42 %[23].

Illustration 2 — Tendance annuelle pour la biomasse commerciale exploitable de crabe des neiges dans le sud du golfe du Saint-Laurent

tendance annuelle pour la biomasse commerciale exploitable de crabe des neiges dans le sud du golfe du Saint-Laurent

Le cycle d’abondance précédent pour le crabe des neiges dans le sud du golfe du Saint-Laurent a culminé à 126 700 tonnes en 1993 (données recalculées). Durant ce cycle, les taux d’exploitation étaient établis entre 15 % et 31 % de la biomasse commerciale[24]. Le Comité note que depuis lors, le taux d’exploitation a augmenté, atteignant un sommet en 2002, puis en 2009 (voir l’illustration 3). À l’exception de ces deux années, le TPA a suivi de près la tendance de la biomasse commerciale, y compris en 2010.

Il est important de souligner que les chiffres recalculés présentés par le MPO en ce qui a trait à l’estimation de la biomasse commerciale exploitable de crabe des neiges dans le sud du golfe du Saint-Laurent pour la période de 1989 à 2005 diffèrent de ceux publiés au moment des relevés (voir la comparaison des biomasses originale et recalculée, à l’illustration 2). En moyenne, durant la période au cours de laquelle le rajustement a été effectué, la biomasse commerciale dépassait de près de 50 % les chiffres originaux. Qui plus est, au plus fort du cycle d’abondance de 1993, la biomasse recalculée correspondait à un peu moins du double de ce qui avait été estimé à l’époque. La sous-estimation et le recalcul résultant de la biomasse sont lourds de conséquences. En effet, le taux d’exploitation, fixé à 35 % en 1995, s’est avéré être plutôt 17 % (les taux d’exploitation en fonction des biomasses originale et recalculée sont comparés à l’illustration 3). Malgré cela, la biomasse a fléchi à 34 000 tonnes en 2000, selon les estimations.

Illustration 3 — Taux d’exploitation du crabe des neiges dans le sud du golfe du Saint-Laurent selon les estimations originale et recalculée de la biomasse commerciale

taux d'exploitation du crabe des neiges dans le sud du golfe du Saint-Laurent selon les estimations originale et recalculée de la biomasse commerciale

Plusieurs témoins ont parlé du recalcul des données sur la biomasse du MPO, soulignant que le ministère avait changé sa méthodologie pour le relevé d’automne dans le sud du golfe du Saint-Laurent. Les nouveaux chiffres ont été qualifiés d’irréalistes[25]. M. Marc Lanteigne, du MPO, a expliqué pourquoi il fallait refaire les calculs :

Au fil des ans, nous avons perfectionné notre outil d’estimation de la biomasse. Quand nous avons commencé à faire des relevés, en 1988, nous avions environ 150 stations dans toute la partie sud du Golfe. À l’époque, les scientifiques effectuaient principalement les relevés sur les lieux de pêche, et les lieux de pêche ne couvraient pas la totalité du sud du Golfe. Nous avons utilisé cette méthode à peu près jusqu’à la fin des années 1990. À un certain moment, nous avons commencé à mettre d’autres stations en place, au fur et à mesure que la pêche commençait à s’étendre en périphérie des lieux de pêche initiaux. En 2010, nous avons 350 stations. Nous couvrons donc une superficie beaucoup plus grande.

Les intervenants font probablement référence au fait qu’en 2005, nous avons mis en œuvre un cadre scientifique au moyen duquel nous avons examiné la procédure que nous employions pour l’évaluation du stock. À ce moment, les scientifiques qui participaient à l’examen en sont venus à la conclusion qu’en 2005, nous en étions arrivés à couvrir toutes les régions où l’on trouve du crabe des neiges dans la partie sud du Golfe. Nous faisons donc des relevés dans les 35 000 kilomètres carrés où il y a du crabe des neiges. En fait, nous couvrons 35 000 kilomètres carrés dans cette partie du Golfe depuis 1999. Auparavant, la surface couverte était d’environ 25 000 kilomètres carrés. Voilà la différence.

Nous avons décidé, à cette époque, de procéder à des calculs rétrospectifs. Pour pouvoir comparer les estimations de biomasse de l’époque à celles du passé, nous devions faire des calculs rétrospectifs pour la période allant de 1988 à 1998, afin d’obtenir des biomasses comparables. C’est probablement de cela que les intervenants parlent lorsqu’ils disent que les scientifiques ont changé de méthode. La méthode n’a pas vraiment changé; on l’a ajustée. Quand on a procédé à cet ajustement, quelqu’un a estimé le nombre de crabes qui peuplaient les régions où nous n’avions pas fait de relevés. C’était la meilleure manière de procéder pour obtenir des estimations qui pouvaient être comparées à celles que nous faisions alors. Cela n’a donc pas porté atteinte à la qualité des relevés effectués depuis 1999[26].

Au terme de ses audiences, le Comité s’est interrogé sur la validité et la précision du recalcul, par le MPO, de la biomasse commerciale estimée dans le sud du golfe du Saint-Laurent. Le Comité a donc demandé au Ministère de lui fournir des renseignements supplémentaires. Le MPO nous a répondu que bien que la méthodologie de recalcul proprement dite n’a pas fait l’objet d’une évaluation par des pairs externes, le ministère a tenu une réunion du processus de consultation régional (PCR)[27] et a invité des scientifiques et des représentants de l’industrie des pêches à y participer. Selon les renseignements fournis par le MPO, à la réunion du PCR de 2007, un comité de scientifiques aurait exprimé des inquiétudes quant aux changements apportés à la méthodologie d’estimation de l’abondance du crabe des neiges au fil des années. Au nombre des sources d’inquiétudes sont ressortis les changements apportés aux bateaux utilisés pour les relevés au chalut, l’ajout et le repositionnement de stations d’échantillonnage et l’élargissement de la surface balayée[28].

Après la réunion du PCR, le MPO a entrepris une étude des effets des changements sur la série des données historiques sur l’abondance du crabe des neiges[29]. Les résultats de l’étude ont été présentés à la réunion du PCR de 2008[30], et les participants ont accepté les conclusions présentées. Les changements apportés aux bateaux utilisés pour les relevés au chalut n’ont toutefois pu être étudiés, faute de relevé comparatif. Par conséquent, on a présumé que les taux de prise de tous les bateaux utilisés pour les relevés au chalut au fil des ans étaient identiques. Le MPO a aussi avisé le Comité qu’un atelier sur le cadre d’évaluation du crabe des neiges avait eu lieu en 2006 et s’était attardé aux détails techniques du plan du relevé ainsi qu’au traitement des données après le relevé[31].

En présumant que le recalcul de la biomasse commerciale exploitable de 1989 à 2005 est valide et exact, le Comité note la manifestation d’une tendance inquiétante dans la biomasse de crabe des neiges. En effet, malgré des taux d’exploitation de 15 % à 31 %, ce qui est inférieur à la moyenne actuelle de 40 %, le sommet du cycle en cours a fléchi de près de 50 000 tonnes ou 39 % par rapport au cycle précédent. Par conséquent, fixer le taux d’exploitation du crabe des neiges à 40 % ne peut constituer une approche durable si l’on veut préserver les stocks à un niveau sain pour les générations futures. Il serait raisonnable de penser que la biomasse commerciale dans le sud du golfe du Saint-Laurent a fait l’objet de surpêche au cours du dernier cycle d’abondance, de 2003 à 2009, comparativement au cycle précédent, de 1995 à 2002. Néanmoins, le Comité s’étonne que les témoins n’aient pas été nombreux, s’il en est, à souligner ce point durant les audiences.

Tous ne croient pas en la validité des données d’évaluation du stock qui sert à justifier les décisions de gestion des pêches. M. Joel Gionet, président de l’Association des crabiers acadiens et pêcheurs de crabe depuis 1983, a exprimé des doutes quant à l’évaluation par le MPO des stocks de crabe des neiges dans le Golfe, mentionnant que l’estimation de la biomasse exploitable doit être accompagnée d’une vérification de « ce qui va entrer dans la pêcherie, quel sera le nouveau recrutement pour l’année suivante ». Selon M. Gionet, le MPO a estimé le nouveau recrutement pour 2009 à « 43 ou 47 millions de spécimens ». En 2010, les scientifiques ont revu leurs estimations, « [l]es pré-recrues de [2009] ne représentaient plus 47 millions de spécimens, mais seulement 31 millions[32] ». Il a affirmé que « [c]’est ce qui se passe du côté des scientifiques. Chaque mois ou tous les six mois, les chiffres changent[33] ».

M. Robert Haché, de l’Association des crabiers acadiens, a mentionné que le groupe qu’il représente n’a pas « les mêmes craintes par rapport au stock de crabe dans le sud du golfe » que les scientifiques du ministère. Il a déclaré :

On suit cette pêche depuis de nombreuses années. Jusqu’au milieu des années 1990, les prises des crabiers dans les casiers coïncidaient avec l’analyse qui était faite par le relevé au chalut du ministère. Ensuite, les scientifiques venaient nous voir pour nous dire que l’année suivante, la situation des stocks se présentait de telle ou telle manière. Ça correspondait à ce que nos pêcheurs avaient eux-mêmes prévu.

Je ne sais pas ce qui s’est passé depuis quelques années […] mais il y a une contradiction complète entre l’évaluation des stocks par les scientifiques et ce qu’on constate dans le milieu de l’industrie de la pêche[34].

[...]

Le meilleur exemple s’est produit l’an passé. Le stock de crabe des neiges se comporte de façon bizarre de temps à autre. C’est arrivé en 2001 et à nouveau l’année passée. Le stock de crabe était, comme on dit en anglais, scattered. Il était réparti par petits groupes partout dans le sud du golfe. Ça en faisait un stock très intéressant, mais extrêmement difficile à pêcher […] parce que le sud du golfe, c’est grand.

[...]

L’an passé, les pêcheurs ont remarqué que la capture était difficile. Les pêcheurs chez vous en Gaspésie, les pêcheurs chez nous ont eu de la difficulté à capturer le crabe.

[...]

Nous avons un conseiller scientifique [qui] nous a expliqué ça. Il nous a dit que nous pouvions avoir une très bonne biomasse commerciale, mais une très mauvaise biomasse pêchable. Ce serait à cause de la façon dont le crabe s’est distribué dans l’eau, à cause des courants d’eau froide et ainsi de suite.

[...]

L’an passé, quand [les scientifiques du MPO] ont fait le relevé, ils l’ont fait avec leur chalut dans la même biomasse qui était éparpillée. Ils ont donc trouvé moins de crabe, de la même façon que les crabiers en avaient trouvé moins[35].

En 2009, les scientifiques du MPO ont noté que « [l]e taux de déclin de la biomasse commerciale après 2008 [dépend] du taux d’exploitation : plus le taux sera élevé, plus le déclin sera rapide[36] ». Ils ont ajouté qu’il était probable à 46 % qu’une prise de 20 000 tonnes en 2009 entraîne un déclin supérieur à 25 % de l’indice de biomasse[37]. On s’attendait qu’une diminution des prises ralentisse le déclin et abaisse la probabilité. Pourtant, le TPA pour la saison de pêche 2009 est demeuré le même que l’année précédente, soit 20 900 tonnes, ce qui représente un taux d’exploitation de 47 %. En comparaison, le taux d’exploitation en 2005, alors que la biomasse commerciale atteignait un sommet, était de 41 %. C’est donc sans trop de surprise qu’on a appris, après la saison de pêche 2009, que la biomasse avait été estimée à 22 100 tonnes, son niveau le plus bas depuis 1988 et une diminution de 51 % par rapport aux chiffres de l’année précédente.

L’avis des scientifiques du MPO pour la saison de pêche 2009 était sans équivoque. Bien qu’il soit compris que le stock de crabe des neiges dans le sud du Golfe du St-Laurent suivait une tendance à la baisse prévue, le maintien du TPA à ou au-dessus de 20 000 tonnes pouvait accentuer le déclin du stock; c’est de fait ce qui a été observé lors du relevé de l’automne 2009. Interprétant différemment les données scientifiques, certains membres du secteur avaient cependant fait valoir que le stock pouvait soutenir des captures de 20 900 tonnes pour une année de plus.[38] À l’époque, la ministre avait indiqué que le choix de cette option pourrait causer des réductions plus sévères du TPA pour les années subséquentes.[39]

Le Comité ne connait pas tout le contenu de l’avis reçu par la ministre avant qu’elle ne rende sa décision d’autoriser un TPA de 20 900 tonnes en 2009. Le Comité note que, selon M. Bevan, la décision de la ministre a été prise en l’absence d’un cadre décisionnel intégrant l’approche de précaution à la pêche,[40] et ce, même si le principe élémentaire de précaution a toujours existé. Avec le recul, la décision de 2009, qui selon certains témoins a été prise à l’encontre du principe de conservation puisque qu’elle ne reflétait pas l’avis des scientifiques du MPO, a forcé la Ministre à rectifier la situation avec une réduction importante du TPA en 2010.

Le Comité recommande :

Recommandation 2

Que Pêches et des Océans Canada base toutes ses décisions futures de gestion des pêches sur l’approche de précaution lorsqu’un cadre décisionnel formel existe, et qu’en l’absence d’un tel cadre, le principe élémentaire de précaution s’applique.

Compte tenu des décisions de gestion des pêches qui ont été prises en 2009 et 2010, et des interrogations quant à l’évaluation scientifique des stocks de crabe des neiges dans le golfe du Saint-Laurent, plusieurs témoins ont indiqué qu’il était nécessaire d’évaluer les pratiques de gestion du MPO. Par exemple, des associations de crabiers traditionnels de la ZPC 12 ont fait savoir au Comité qu’ils présenteraient une demande au Bureau du vérificateur général du Canada (BVG) pour qu’une enquête soit menée sur l’évaluation des stocks de crabe des neiges et la gestion des pêches dans le sud du golfe du Saint-Laurent. Le groupe a demandé au Comité d’appuyer cette initiative[41].

Selon M. Daniel Desbois représentant des crabiers traditionnels de la ZPC 12, la gestion du MPO « suscite de nombreuses interrogations quant à savoir si elle s’effectue dans l’intérêt public et de manière conforme aux nouvelles politiques du ministère et aux principes de la Loi sur les pêches et de la Loi sur les océans[42]. » Étant donné que le groupe a prétendu que l’enquête était nécessaire parce que la gestion par le MPO était contraire aux principes d’une pêche durable[43], le Comité est d’avis que le Commissaire à l’environnement et au développement durable (CEDD), qui relève du BVG, est le mieux placé pour faire enquête sur la question. De fait, le rôle du CEDD est de fournir « aux parlementaires des analyses et des recommandations objectives et indépendantes sur les efforts du gouvernement fédéral pour protéger l’environnement et favoriser le développement durable[44] ». Le CEDD a évalué le rendement de Pêches et Océans Canada à plusieurs reprises. La dernière vérification, qui remonte à mai 2009, a porté sur la protection de l’habitat du poisson en vertu de la Loi sur les pêches. En outre, le dernier rapport du CEDD sur la gestion des pêches remonte à 2004. Dans l’éventualité où le vérificateur général décide de faire l’examen du processus d’évaluation des stocks de crabe des neiges et de la gestion de cette pêche dans le sud du golfe du Saint‑Laurent à la demande des crabiers traditionnels de la ZPC 12, le Comité est d’avis que le CEDD est l’entité au sein de son bureau qui est la plus appropriée pour faire ce travail. Le Comité accueillerait avec satisfaction un tel rapport.

D’autres témoins ont recommandé la tenue d’un examen moins spécifique sur la gestion de la pêche du crabe des neiges. Les problèmes liés au processus et à l’évaluation scientifiques des stocks de crabe des neiges, la méthodologie des relevés, l’équité du processus et les actions générales du ministère ont tous été mentionnés comme des questions à examiner ou à confier à un groupe de travail.

Le Comité recommande :

Recommandation 3

Que le ministre des Pêches et des Océans forme un groupe de travail composé d’experts indépendants pour revoir objectivement le processus scientifique d’évaluation de la biomasse de crabe des neiges et la gestion des pêches dans le sud du golfe du Saint-Laurent. Le groupe de travail devrait faire rapport publiquement et au ministre dans un délai d’un an après sa formation.

Gestion de la pêche du crabe des neiges dans la zone 19

La gestion des pêches dans la ZPC 19 du Golfe est unique en son genre. Il s’agit en effet de la première zone, au Canada atlantique, à avoir adopté des quotas individuels comme outil de gestion. La gestion de la pêche du crabe des neiges dans cette zone repose sur le Plan de gestion intégré de la pêche — Zone de pêche du crabe 19 — 2005‑2013. Le plan est le fruit d’une longue tradition de cogestion entre les pêcheurs de crabe des neiges et le MPO. En 1995, l’Association des pêcheurs de crabe des neiges de la zone 19 et le MPO ont commencé à discuter d’un concept de partenariat dans le but de confier aux pêcheurs plus de responsabilités en ce qui a trait à la gestion de leurs pêches. Le partenariat était vu comme un moyen de stabiliser le climat au profit de la planification à long terme des activités. Ainsi, de 1996 à 2001, l’entente de cogestion de la zone 19 a servi de référence pour la gestion des pêches. Une première pour les pêcheurs côtiers du Canada, cette entente servira ultérieurement de modèle pour d’autres. Le plan de gestion intégré des pêches a été renouvelé en 2001, puis révisé en 2005.

En ce qui a trait à l’évaluation de la biomasse de crabe des neiges, la situation dans la ZPC 19 est unique en raison de l’entente de cogestion conclue entre le MPO et l’Association des pêcheurs de crabe des neiges de la zone 19. Depuis quelques années, un relevé au chalut est effectué au printemps, juste avant l’ouverture de la saison de pêche. On estime que les résultats de ce relevé « semblent être des mesures plus fiables de l’indice de la biomasse commerciale avant la saison dans la zone 19[45] ». D’autres méthodes permettant de déterminer le niveau de biomasse dans la ZPC 19 semblent sous-estimer ce niveau, probablement en raison de l’existence d’une migration saisonnière qui se produirait après le relevé et avant la saison de pêche[46].

Pour des raisons que le Comité ne connait pas, il n’y a pas eu de relevé du printemps en 2010 dans la ZPC 19. L’association des pêcheurs a fait pression sur le MPO et a même proposé de payer l’intégralité du relevé, mais sans succès. De plus, le ministère a décidé unilatéralement, malgré l’entente de cogestion, de fixer à 35 % seulement le taux d’exploitation de la ressource en 2010, le même que pour la ZPC 12. Après quelques négociations avec l’association, le taux a été relevé à 40 %. Le Comité reconnaît que le MPO, en appliquant l’approche de précaution à la gestion de la pêche, évalue et gère le stock de crabe des neiges dans le sud du Golfe du St-Laurent comme une seule entité biologique.

Selon M. Basil MacLean de l’Association des pêcheurs de crabe de la zone 19, la saison de pêche 2010 a duré 8 jours, et au 5e jour, 94 % du TPA avait été pêché[47]. De l’avis de l’association, « il faut que le MPO rétablisse les ponts avec la [ZPC] 19. Nous devons revenir à une pêche de cogestion au lieu de subir la « dictature » du MPO mise en œuvre en 2010[48] ».

Le Comité recommande :

Recommandation 4

Que Pêches et Océans Canada continue des discussions avec l’Association des pêcheurs de crabe des neiges de la zone 19 pour développer un plan de cogestion actualisé qui reconnaît les investissements faits par les pêcheurs de crabe des neiges de la zone 19 dans la croyance que les modalités de l’entente originale de cogestion seraient respectées jusqu'à son expiration en 2013. Un plan de cogestion actualisé devrait également respecter les principes du Plan de gestion intégré de la pêche du crabe des neiges de la zone 19 pour 2005-2013 et le cadre décisionnel intégrant l’approche de précaution qui a été introduit en 2010.

Processus décisionnel, consultation des intervenants et moment de la communication des décisions

De nombreux témoins ont affirmé que le processus décisionnel du MPO était très lent et qu’il se caractérisait par des annonces tardives. Certains ont dit au Comité que lorsque des mauvaises nouvelles étaient prévues, les pêcheurs étaient peu ou pas du tout consultés. Un homme de pont a expliqué au Comité que parce que les quotas sont annoncés 72 heures avant le départ en mer, les travailleurs saisonniers n’ont pas le temps de se trouver un autre emploi[49].

Le processus décisionnel pour la gestion des pêches est long et complexe. Des représentants du MPO et des pêcheurs ont expliqué le déroulement du processus au Comité. L’avis scientifique, l’un des éléments sur lesquels reposent les décisions de gestion des pêches, est formulé à la suite d’une analyse scientifique des données recueillies durant la saison auprès des pêcheurs, des relevés au chalut et d’autres sources. Ce processus se termine habituellement en février, six mois après la fin de la saison de pêche dans la plupart des zones. Tous les intervenants sont ensuite conviés par le MPO à une réunion conjointe du ministère et du secteur pour discuter des plans pour la saison à venir. Cette réunion du PCR englobe un examen par des pairs de l’avis scientifique et une discussion ouverte à ce sujet. Ce processus vise entre autres à établir le rapport sur l’état des stocks. Les procès-verbaux sont rédigés par les employés régionaux du MPO et acheminés à Ottawa, aux fins d’étude par les cadres supérieurs.

Un comité consultatif se réunit en mars pour discuter de l’état des stocks et élaborer un avis sur la gestion des pêches (TPA, mesures de conservation, etc.). Le comité élabore un mémoire de décision à l’intention du ministre, à partir de l’avis scientifique, du compte rendu des discussions entre scientifiques et gestionnaires, ainsi que des observations formulées par les différentes régions de pêche. Le mémoire au ministre est rédigé par le personnel ministériel affecté au comité consultatif. Il faut environ deux semaines pour l’élaborer, et il parvient au bureau du ministre au début avril. La décision ministérielle repose sur les options et les recommandations formulées par les cadres supérieurs du ministère ainsi que sur les faits saillants de la réunion du PCR. Le communiqué de presse annonçant le plan de pêche est ensuite élaboré et publié. Cette étape survient habituellement quelques jours seulement avant le début de la saison de pêche, de la mi à la fin avril, soit deux mois après la réunion avec les intervenants.

Pendant que le ministère analyse les données du relevé, certains pêcheurs ont l’impression d’être laissés de côté entre la fin du relevé à la fin septembre ou début octobre, et février lorsque les données préliminaires sont communiquées. M. Joel Gionet a expliqué ce qui suit :

À partir de la fin de septembre, c’est motus et bouche cousue: on ne peut rien savoir. Le ministère nous dit que les chiffres ne sont pas compilés, le travail n'est pas terminé. Ça continue ainsi en octobre, novembre, décembre, janvier — on ne peut rien savoir. En février, le ministère publie un premier document préliminaire avec des chiffres. C’est seulement préliminaire. Ça continue jusqu’à la tenue du comité consultatif, qui se réunit habituellement au milieu ou à la fin de mars[50].

Parmi les autres plaintes sur le processus décisionnel, des témoins ont mentionné l’accès à la documentation et la transparence. Par exemple, M. Douglas Cameron, de la Snow Crab Fishermen Association de l’Î.-P.-É., a souligné que le secteur « reçoi[t] copie du procès-verbal de la réunion de février seulement six à huit semaines après l’annonce par le ministre du plan de pêche pour la nouvelle année […] soit un bon deux mois après que le ministre a pris connaissance des faits saillants de la réunion[51]. » De plus, les pêcheurs n’obtiennent pas copie des options ou recommandations présentées au ministre. M. Cameron a proposé que le PCR soit coprésidé par le MPO et un représentant du secteur, et que le procès-verbal de la réunion, ainsi que les options et recommandations à l’intention du ministre, soient signés par les coprésidents.

M. Bernie MacDonald, du Cap-Breton, a exprimé ses frustrations à propos du temps qui est consacré aux réunions de consultation, et a mentionné en particulier qu’il est impossible de savoir exactement ce qui est communiqué au ministre. Il a ajouté que « le comité consultatif devrait participer [directement] à la rédaction des notes d’information à l’intention [du] ministre. Ainsi, nous aurions la certitude que les décisions [du] ministre se fondent sur les faits qui lui auraient été communiqués […][52]. » M. Earle McCurdy, de la Fish, Food and Allied Workers de Terre-Neuve-et-Labrador, a proposé une solution :

Les dernières étapes relatives à l’évaluation des stocks de poisson prennent toujours une bonne partie de la saison morte. Il est difficile d’obtenir les données finales, les quotas exacts, mais je pense qu’on pourrait faire preuve d’une plus grande ouverture afin de communiquer plus rapidement les tendances et les orientations, même si on n’a pas les données exactes. Un pêcheur ne saura peut-être pas exactement quel sera son quota, mais peut-il s’attendre à une hausse ou à une baisse? Le cas échéant, les changements prévus sont-ils substantiels?

Je sais qu’il est possible de transmettre cette information plus tôt. Il est très difficile de se faire dire subitement, à une semaine ou deux de l’ouverture de la pêche, qu’on parle d’environ 13,5 p. 100 pour notre flotte de 3 000 bateaux, ou d’environ 63 p. 100 pour la flotte du Golfe. Obtenir cette information la veille de l’ouverture de la saison, c’est... Il n’y a pas de moment idéal pour apprendre ce genre de nouvelles, mais au moins, quand on le sait un peu plus d’avance, on peut au moins se préparer[53].

Le problème de l’annonce tardive des plans de pêche n’est pas nouveau. Dans son rapport de 2003 sur différentes questions de pêche dans l’Atlantique, le Comité avait consacré une section entière au problème et formulé deux recommandations au ministère. Le problème, qui semble s’être aggravé depuis la parution du rapport, pourrait être perçu comme « symptomatique de la structure trop hiérarchisée et centralisée du MPO », avait écrit le Comité[54].

Au sujet du processus consultatif actuel, M. O’neil Cloutier, un pêcheur du golfe représentant le Regroupement des pêcheurs professionnels du sud de la Gaspésie, nous a dit qu’il n’assistait plus aux réunions du comité consultatif parce qu’il s’était rendu compte que, souvent, une flottille a la mainmise sur l’ordre du jour et les décisions prises par le comité[55].

Le Comité recommande :

Recommandation 5

Que Pêches et Océans Canada revoit ses processus décisionnels et ses échéanciers pour la gestion des pêches de sorte que : a) toutes les flottilles puissent véritablement avoir leur mot à dire dans la préparation de l’avis au ministre; b) ces processus soient plus transparents; c) la décision finale soit prise et communiquée à toutes les parties, y compris le secteur de la transformation, au moins 30 jours avant que la saison de pêche ne s’amorce.

Ententes de partage des ressources

À Moncton et au Cap-Breton, un important sujet de discussion a été celui des ententes de partage des ressources. La plupart du temps, la controverse entourant ces ententes oppose les intérêts des crabiers qui, pour la plupart, œuvrent dans ce secteur depuis le début, et ceux des nouveaux venus ou les pêcheurs d’autres secteurs à qui on a accordé une part de la ressource de crabe des neiges. Dans le passé, le MPO a utilisé la ressource de crabe des neiges pour compenser les pertes de possibilités de pêche occasionnées par l’effondrement d’un secteur particulier. Cela a été le cas pour le golfe du Saint-Laurent, Terre-Neuve-et-Labrador et la Nouvelle-Écosse. Avec le temps, les allocations temporaires sont devenues des acquis, et le MPO a décidé de stabiliser et de rendre permanent ce nouvel accès. La montée en flèche du nombre de permis dans chaque région de pêche du crabe des neiges de 1985 à 2005 illustre bien ce qui est advenu de cette pêche (voir le tableau 4).

Tableau 4 — Nombre de permis de pêche du crabe des neiges par région en 1992 et en 2010

Nombre de détenteurs de permis

Quota (kg) par détenteur de permis

1992

2010

% augmentation

1992

2010

Région de Terre-Neuve-et-Labrador

750

3 446

359%

9 900

16 000

Région des maritimes

ZPC 20-22

61

78

28%

7 400**

7 000

ZPC 23-24

43

115

167%

31 000**

114 000

Sud du golfe du St-Laurent

ZPC 12 (incl. 18, 25 et 26)*

190

277

46%

67 000

28 000

ZPC 19

74

160

116%

23 000

8 500

ZPC 12E et 12F

0

26

n.d.

n.d.

19 000

Nord du golfe du St-Laurent et estuaire

ZPC 12A, 12B, 12C et 13-17

136

395

190%

38 000

21 000

Source: Pêches et Océans Canada, Information fournie au Comité, 13 décembre 2010.

* En 1992, la gestion de la ZPC 12 n’incluait pas les ZPC 18, 25 et 26.

** Les données de débarquements furent utilisées faute de celles sur les quotas.

Les crabiers traditionnels prétendent qu’ils ont développé cette pêche, investi des millions de dollars dans la recherche scientifique et les pratiques de conservation et de gestion des stocks, et connu les hauts et les bas des cycles d’abondance. Dans le sud du golfe du Saint-Laurent, l’Association des crabiers acadiens s’est souvent opposée au partage permanent. Selon cette association, allouer une part permanente du crabe des neiges de la ZPC 12 aux pêcheurs non traditionnels aurait pour effet de hausser définitivement le nombre de participants dans ce secteur, ce qui, en retour, aurait un effet désastreux sur les stocks puisque les cycles d’abondance naturels ne sont pas pris en considération. De plus, l’Association a indiqué qu’en période de faible biomasse, les nouveaux participants n’obtiendraient pas un quota suffisant pour se rentabiliser et feraient donc pression sur le ministre pour qu’il maintienne les quotas à un niveau excessif[56].

De nos jours, les associations de crabiers traditionnels dans la ZPC 12 recommandent qu’une allocation minimale leur soit réservée. Cette allocation équivaudrait à la plus petite attribution reçue depuis que l’élargissement de l’accès, en 1995. Ils proposent également d’appliquer la règle du « premier entré, dernier sorti », en vertu de laquelle on leur attribuerait la totalité du TPA lorsqu’il serait établi à un niveau inférieur à un seuil donné. Les pêcheurs non traditionnels ne pourraient donc pêcher le crabe des neiges durant ces années. Les crabiers traditionnels ont précisé que leur proposition ne s’appliquerait pas aux Premières nations, dont les droits ancestraux et issus de traités sont protégés par la Constitution; la part de 15 % du TPA allouée aux Autochtones demeurerait donc intacte[57]. Il importe de noter que les pêcheurs appartenant aux Premières nations ont obtenu leur permis de pêche au crabe à l’aide de programmes volontaires de retrait de permis à la suite de la décision Marshall, et ils sont ainsi considérés membres de la flottille traditionnelle. M. Robert Haché, de l’Association des crabiers acadiens, a expliqué le principe à l’appui de leur proposition :

[Le principe du premier entré, dernier sorti] est un principe bien simple qui relève de la politique du ministère à l’égard de la pêche dans la région de l’Atlantique. Vous pouvez établir un processus selon lequel les derniers arrivés seront les bienvenus pour faire cette pêche lorsque la biomasse commerciale est suffisante, mais en dessous d’un certain seuil — cela pourrait être des facteurs économiques, la biomasse ou en conjonction avec l’approche de précaution — on leur demandera d’abandonner cette pêche. Vous devez veiller à ne pas détruire une pêche pour pouvoir en sauver une autre[58].

Les associations de pêcheurs non traditionnels, comme l’Union des pêcheurs des Maritimes (UPM), ont indiqué que la question du partage permanent de la ressource n’en est pas une de conservation, mais plutôt d’équité et de répartition. Selon M. Christian Brun, de l’UPM, le déclin de la biomasse de crabe des neiges causé par le trop grand nombre de pêcheurs ou de casiers en mer est un mythe. « La flottille totale des pêcheurs de crabe des neiges compte environ 400 bateaux […] En comparaison, la flottille des pêcheurs de homard dans le sud du Golfe [compte] 4 000 bateaux, ou presque […] », a-t-il déclaré. « [L]a flottille des pêcheurs de homard a, en ce moment, 10 fois plus de pêcheurs en mer et 27,5 fois plus de casiers que la flottille des pêcheurs du crabe des neiges[59]. »

Le débat sur le partage des ressources a un effet certain sur la répartition et sur l’influence de chaque groupe sur les décisions du ministre. À propos de l’établissement du TPA dans le sud du golfe du Saint-Laurent au cours des dernières années, le représentant de l’UPM a déclaré :

[C]ompte tenu du comportement cyclique du crabe des neiges, les scientifiques ont commencé à présenter des preuves de déclin de la biomasse déjà en 2006, pour ce qui est du golfe du Saint-Laurent. En 2007, les scientifiques recommandaient aussi de diminuer le contingent global. Dans la foulée de ces recommandations, l’UPM a recommandé une diminution du contingent global du crabe des neiges. En 2008, l’UPM recommandait une diminution de 20 p. 100 du contingent alloué à la pêche.

En 2009, l’industrie en général a ignoré les conseils des scientifiques, et les pêcheurs traditionnels ont même intensifié le lobby politique à Ottawa pour conserver le statu quo. En 2010, la ministre a eu le courage d’accepter l’avis des scientifiques du ministère et elle a réduit le contingent de 63 p. 100. À notre avis, le rythme des débarquements de la saison 2010 à la baie des Chaleurs semble donner raison à la ministre[60].

D’autres groupes ont fait des observations similaires. M. Marc Diotte, de l’Association des morutiers traditionnels de la Gaspésie, a déclaré :

J’ai participé à la revue par les pairs du stock de crabe des dix dernières années. [L]es quatre dernières années, les biologistes recommandaient une baisse de 10 p. 100 du TAC afin de maintenir un léger stock de crabe pour les années à venir […] Cette recommandation a été rejetée par l’industrie pendant ces quatre dernières années. Encore l’an dernier, lors d’une séance du comité consultatif, [on nous a] dit qu’on en ressentirait l’impact et que ça ferait mal. Si on avait accepté la baisse du TAC de 10 p. 100 lors des quatre dernières années, peut-être que cette année, on ne vivrait pas ce qu’on vit en ce moment.

Cette année, les rapports scientifiques ont été pris en considération par le bureau du ministre. Comme je le mentionnais plus tôt, le problème est qu’il y a des biologistes qui sont engagés par le ministère et qui font un rapport, mais finalement, le ministère ne tient pas compte de ce qu’ils disent. Ainsi, l’industrie est passée outre. Il n’y a eu aucune baisse du TAC durant les quatre dernières années, et c’est pourquoi on se retrouve cette année avec une baisse aussi importante. Il est probable que la même chose se produise l’an prochain, selon le rapport des scientifiques qui sera soumis bientôt[61].

En Nouvelle-Écosse, le Comité s’est fait dire que le conflit entre les flottilles de pêche du crabe des neiges dans le Plateau néo-écossais portait sur l’interprétation de l’entente de partage à long terme. En 2005, en vertu d’une entente de partage à long terme, tous les participants des ZPC 20 à 24 se sont vu accorder un accès permanent. Les ententes antérieures avaient été conçues pour répondre aux besoins des collectivités aux prises avec des difficultés économiques sans compromettre la viabilité des titulaires de permis traditionnels. L’entente de 2005 faisait suite aux recommandations d’un comité consultatif sur l’accès et l’allocation pour la pêche du crabe des neiges dans l’Est de la Nouvelle-Écosse[62]. Elle prévoyait que les parts respectives du TPA attribuées à chaque flottille devaient être maintenues à un niveau donné jusqu’à ce que le TPA dépasse le seuil de 9 700 tonnes. Le Comité comprend que ce seuil a été dépassé en 2009 et qu’un désaccord est survenu quant à l’interprétation des règles de répartition du TPA. Le plan de gestion intégrée de la pêche au crabe des neiges dans les zones 20 à 24 pour 2007-2011 préparé par le MPO dit que « [d]ès lors que le TPA aura atteint 9 700 tonnes, le quota sera réparti de la manière suivante: 50 p. 100 du TPA sera réparti également entre les détenteurs de permis permanents antérieurs à 2005, et les 50 p. 100 restants seront divisés entre les détenteurs de permis convertis en permis permanents en 2005 [traduction].[63] En fin de compte, le ministère a distribué le quota de manière égale à tous les détenteurs de permis, ce qui, de l’avis des représentants des détenteurs de permis corporatifs (permis post-2005), avantageait les titulaires de permis traditionnels. Mme Norma Richardson, de la Eastern Shore Fishermen’s Protective Association, a affirmé ne pas comprendre la raison de cette « décision inéquitable et arbitraire […] prise en 2009, laquelle a eu des conséquences négatives sur plus de 600 pêcheurs côtiers de la côte Est de la Nouvelle-Écosse[64] ».

Le Comité comprend les frustrations de toutes les parties aux ententes de partage, mais il n’est pas placé pour agir comme arbitre ou médiateur en ce qui a trait aux décisions ministérielles, encore moins si elles s’appliquent à la délivrance de permis individuels.

Les témoins ont aussi parlé des décisions du ministère, notamment celle portant sur la délivrance d’un permis à un pêcheur ayant participé à une pêche exploratoire.

La loi actuelle sur les pêches confère au ministre des Pêches et des Océans un pouvoir discrétionnaire absolu en ce qui a trait à l’octroi des permis et aux questions connexes. La Loi sur les pêches ne fournit pas de cadre légal limitant le pouvoir discrétionnaire du ministre, mais au fil des ans des politiques de délivrance des permis ont été élaborées pour guider l’exercice de celui-ci. Néanmoins, on peut soutenir que les décisions ministérielles peuvent être soumises à des considérations autres que celles qui sont reliées aux principes fondamentaux de gestion des ressources tels que le principe de conservation. Le Comité estime que la situation de la pêche du crabe des neiges illustre de manière éloquente le besoin urgent d’adopter des politiques orientant l’accès à la pêche et la répartition des ressources. Certaines mesures antérieures se sont révélées prometteuses et ont même servi à l’élaboration du projet de loi C-32, qui visait à remplacer la Loi sur les pêches actuelle. Par exemple, le Groupe indépendant sur les critères d’accès (GICA) a été créé par le ministre des Pêches et des Océans en 2002 pour formuler des recommandations, en qualité d’expert, sur les décisions d’accès. Le GICA a recommandé que toutes les décisions d’accès soient fondées sur trois principes directeurs explicites : 1) la conservation des ressources; 2) la reconnaissance des droits ancestraux et issus de traités; 3) l’équité. D’autres principes directeurs ont été examinés, dont la contiguïté, la dépendance historique et la viabilité économique. Des principes clairs et cohérents comme ceux-ci devraient être considérés pour la négociation et l’interprétation des ententes de partages.

Ces situations montrent par ailleurs qu’il faut établir des mécanismes d’arbitrage et de médiation pour régler les différends qui opposent les flottilles ou les titulaires de permis. Dans son témoignage, M. Daniel Landry, de l’Association des pêcheurs professionnels membres d’équipages, a suggéré qu’il « devrait y avoir des comités neutres pour entendre les doléances des pêcheurs, des scientifiques et des gestionnaires. Il faudrait aussi avoir des arbitres sur le plan de la gestion en cours de route pour juger si les intérêts des uns et des autres sont respectés[65]. » Le Comité note qu’un tribunal des pêches comme celui dont la création était prévu par le projet de loi C-32, pourrait jouer un rôle d’arbitre exempt de toute influence. Cependant, le rôle donné par le projet de loi à ce tribunal des pêches aurait alors du être élargi au-delà de la responsabilité d’examiner les contraventions à la réglementation sur les pêches et d’entendre les appels concernant les permis.

Le Comité recommande :

Recommandation 6

Que Pêches et Océans Canada entame des discussions avec toutes les flottilles de pêche du crabe des neiges sur les principes et les mécanismes applicables à l’ajustement des allocations pendant tout le cycle d’abondance de la ressource afin d’assurer la viabilité à long terme de toutes les flottilles.

Recommandation 7

Que Pêches et Océans Canada revoie son approche actuelle pour le règlement des différends entre les flottilles ou les détenteurs de permis, identifie des modèles qui ont eu du succès pour les ententes de partage de ressource entre les intervenants, et détermine si ces modèles sont applicables à la gestion de la pêche au crabe des neiges.

Recommandation 8

Que le gouvernement du Canada présente à la Chambre des communes un projet de loi visant à renouveler la Loi sur les pêches, lequel : a) énoncerait des principes directeurs et des objectifs pour une pêche durable et une industrie viable à long terme; b) fournirait des critères et mettrait en place des processus sur lesquels seraient fondées les décisions concernant l’accès et les allocations; c) exigerait la transparence dans toutes des décisions du ministre des Pêches et des Océans prévu dans la loi.

Répercussions de la décision de gestion pour le sud du golfe du Saint-Laurent

Le MPO n’a pas cru que des mesures pour atténuer l’impact sur tous les intéressés de la décision de gestion de 2010 pour le sud du golfe du Saint-Laurent s’imposaient.
Un haut-fonctionnaire du MPO a dit au Comité que le cycle de la pêche du crabe des neiges était prévisible et qu’en moyenne, les revenus tirés de cette pêche au cours d’un cycle étaient assez bons. Le haut-fonctionnaire a ajouté que le ministère « ne pens[ait] pas que [c’était] aux contribuables de subventionner la pêche pendant le creux du cycle alors qu’à l’avenir les profits seront importants et qu’ils l’ont également été par le passé[66] ».

Le Comité a recueilli le témoignage de représentants de tous les groupes à propos des difficultés occasionnées par la décision du MPO sur le crabe des neiges pour leur communauté respective. Autant des membres d’équipage que des travailleurs d’usine de transformation ont indiqué qu’ils ne pourraient pas cumuler suffisamment d’heures pour être admissibles à l’assurance-emploi en 2010. Ces personnes, qui ne travaillaient que quatre ou cinq semaines auparavant dans le secteur du crabe des neiges, se voient maintenant réduits à ne travailler que deux semaines, selon M. Gérard-Raymond Blais, de la municipalité régionale de Bonaventure, dans la péninsule de Gaspé[67].

Des pêcheurs ont fait savoir qu’en raison des obligations financières auxquelles ils sont confrontés, ils ne peuvent faire face à une année de faible revenu. M. O’neil Cloutier a dit au Comité : « [L]e crabe doit servir à faire les paiements des bateaux qui sont tellement gros, superperformants […] Et ça, c’est malheureux. Ça exige des contingents de crabe assez élevés année après année[68] ». M. Cloutier a conclu que conséquemment, les gestionnaires de la ressource subissent des pressions pour garder les quotas élevés, malgré les avis scientifiques contraires.

Les communautés visées par la décision de gestion des pêches du MPO ont déjà eu leur part de difficultés économiques. Par exemple, la région de la péninsule de Gaspé, dont l’économie repose sur trois grands secteurs, à savoir le tourisme, la forêt et la pêche, a déjà dû composer avec de nombreuses fermetures d’usines et l’imposition de moratoires au cours des dernières années. Dans un contexte déjà morose, des problèmes de santé publique commencent à surgir et cela occasionne des coûts. Selon M. Gérard-Raymond Blais, « [c]es pertes d’emplois, cette incertitude, cette insécurité, ont des effets sur la santé de la population. […] la toxicomanie en Gaspésie est de plus en plus répandue à cause de ces pertes d’emplois, de la diminution des revenus qui survient du jour au lendemain[69] ».

Les Premières nations subissent, elles aussi, les répercussions de la décision du gouvernement fédéral. En effet, l’impact socioéconomique de la diminution draconienne des quotas de pêche sera aigu. Le mode de vie des peuples autochtones sera touché directement et négativement. Dans la communauté Listuguj, on prévoit de nombreuses pertes d’emploi chez les pêcheurs et des difficultés financières pour les familles. Le gouvernement met en péril les investissements réguliers qui sont faits dans ces communautés pour le logement, l’éducation et la santé. Selon M. Jeff Basque, représentant du gouvernement Mi’gmaq de Listuguj, en prenant cette décision, et de la façon dont il l’a fait, le gouvernement fédéral a failli à ses obligations de fiduciaire envers les Premières nations du golfe du Saint-Laurent[70].

Bien que la saison de pêche de 2010 est terminée et que le Comité croit qu’il est trop tard pour des mesures immédiates, certaines solutions visant à atténuer les effets à court terme de la décision de gestion des ressources comme celle prise par la ministre des Pêches et des Océans en 2010 ont été mentionnées par les témoins. Le gouvernement fédéral devrait s’inspirer des commentaires et suggestions mentionnés durant les audiences du Comité pour planifier l’avenir. Les témoins ont suggéré que le gouvernement se doit d’intervenir sur trois paliers : des mesures pour les pêcheurs et les aides-pêcheurs, des mesures pour les employés d’usine, et des mesures pour les communautés côtières. Par exemple, MM. Léo Lelièvre et Gaétan Cousineau ont suggéré une réduction du nombre d’heures nécessaires pour être admissible à l’assurance-emploi pour les pêcheurs et les travailleurs d’usine touchés par les décisions de gestion des pêches[71]. M. Lelièvre a aussi suggéré l’établissement d’une forme de déduction fiscale pour les résidants de collectivités de pêcheurs éloignées et dévitalisées[72]. Enfin, M. Jean Lanteigne a proposé que les frais de permis pour les pêcheurs directement touchés par les décisions de gestion des pêches soient remboursés afin de réduire les coûts d’opération[73]. Selon le MPO, tous les frais d’utilisateurs, incluant les droits pour les permis de pêche, représentaient en 2005 4,9% de la valeur totale de débarquement du secteur de la pêche au crabe des neiges dans la ZPC 12[74].

Surcapacité de la pêche

Dans son rapport de 2005, le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques (CCRH) a indiqué qu’il était nécessaire de mieux équilibrer la capacité de pêche et de transformation du crabe des neiges avec la capacité de production de la ressource dans la région de l’Atlantique[75]. En plus de plafonner le nombre de participants à la pêche du crabe des neiges, l’organe consultatif auprès du ministre a recommandé que « le MPO collabore avec les divers secteurs de flottille à établir des mécanismes efficaces, pour chaque flottille et pour chaque zone, en vue de réduire la capacité de pêche[76] ».

La surcapacité apparente de l’industrie est le résultat de l’expansion considérable de la pêche du crabe des neiges qui coïncide avec l’effondrement des stocks de poisson de fond au début des années 1990. On a soutenu que le crabe des neiges a été utilisé pour compenser les pertes dans d’autres secteurs de pêche. Il apparait donc qu’à l’époque la conservation de la ressource a été sacrifiée à des considérations socioéconomiques. Le tableau 4 illustre l’expansion de la pêche du crabe des neiges dans la région de l’Atlantique de 1985 à 2005.

Apparemment, les constatations du CCRH en 2005 sont toujours valables. Le nombre de permis de pêche du crabe des neiges n’a pas beaucoup diminué au cours des cinq dernières années, le stock dans le sud du golfe du Saint-Laurent, considéré comme sain en 2005, a connu en 2009 le plus grand déclin annuel depuis qu’on a commencé à faire des relevés de la biomasse, et, dans une perspective globale, le sommet de la biomasse commerciale exploitable en 2004 est inférieur de 39 % à celui du cycle d’abondance précédent, en 1993 (en utilisant les données recalculées de biomasse du MPO; voir l’illustration 2).

Les pêcheurs sont de plus en plus nombreux à avoir du mal à tirer un revenu décent de la pêche du crabe des neiges. Un grand nombre de témoins ont confirmé qu’il y avait trop de pêcheurs dans ces zones pour qu’il soit possible de vivre de la quantité de crabe autorisée. D’autres ont dit qu’il y avait trop de casiers et que trop de crabes mous étaient pêchés. M. Christian Brun a résumé ainsi la situation : « Si on peut retirer des permis et avoir des mesures de conservation, on a de meilleures chances d’obtenir un effet à long terme. En ce qui a trait à l’économie des pêcheurs, on réduit le nombre de pêcheurs. On améliore ainsi la tarte économique pour ceux qui restent[77] ».

Comme pour toute mesure de rationalisation[78] dans le secteur des pêches, cela revient toujours à déterminer combien cela coûtera et qui paiera la facture. Pour M. Earle McCurdy, la question est assez simple :

[…] il nous faut absolument la contribution et l’effort conscient des deux ordres de gouvernement si nous voulons établir une rationalisation et permettre la renaissance de l’industrie […] Un investissement du secteur public permettrait une transition sans heurt [des] titulaires de permis [qui] sont de plus en plus âgés, et ils pourraient ainsi quitter l’industrie.

Nous avons deux choix : ou nous créons un programme de rachat de permis ou un programme de rationalisation financé par l’industrie et les gouvernements, et nous exécutons ces programmes d’une manière relativement ordonnée, ou bien la rationalisation se produira par elle-même, par le truchement des faillites. Le choix est on ne peut plus clair. Des gens seront forcés de cesser leurs activités parce que les factures s’empileront sans que les revenus suivent[79].

Le Comité s’est trouvé devant une situation similaire en 2009 lorsqu’il a étudié la pêche du homard canadien. À la fin, le Comité a recommandé la concertation des efforts à tous les niveaux de gouvernement pour soutenir la volonté du secteur de rationaliser.

Le Comité recommande :

Recommandation 9

Que le gouvernement du Canada, en collaboration avec les gouvernements des provinces de l’Atlantique et du Québec, appuie un plan de rationalisation dirigé par le secteur pour la pêche du crabe des neiges qui serait (financé publiquement lorsqu’approprié) et qui prendrait en considération les exigences et les besoins régionaux.

Transfert intergénérationnel de l’effort de pêche

Il est nécessaire de réduire l’effort de pêche du crabe des neiges dans le Canada atlantique et au Québec, mais certains craignent que cela finisse par se produire par l’attrition d’un effectif de pêche vieillissant pour lequel il y a peu de relève. Cette préoccupation ne concerne pas seulement la pêche du crabe des neiges et va bien au-delà du secteur de la pêche. Des témoins s’inquiètent que lorsque les stocks de poisson se redresseront, le cas échéant, il n’y aura peut-être plus de pêcheurs, de travailleurs d’usine et de collectivités pour capturer et transformer la ressource.

Plusieurs raisons expliquent le manque de relève dans le secteur de la pêche, la plupart étant reliées à l’accès au capital. Selon M. Earle McCurdy, il y a des jeunes qui sont intéressés par la pêche, mais présentement, les plus âgés sont plus nombreux à quitter le secteur. Les baby-boomers délaissent graduellement la pêche et la génération plus jeune se trouve devant « une dette trop élevée, un coût trop élevé pour acquérir un permis [et] un manque de mécanisme de financement adéquat[80] ».

Il existe pourtant des circonstances qui peuvent favoriser une transition intergénérationnelle ordonnée des activités de pêche. Par exemple, certaines provinces de l’Atlantique, comme la Nouvelle-Écosse, ont mis en place des programmes de prêts pour les jeunes pêcheurs[81]. Il y a aussi le jugement de 2008 de la Cour suprême, dans Saulnier c. Banque royale du Canada, en vertu duquel il est maintenant possible d’utiliser les permis ou les quotas de pêche pour garantir des prêts[82]. Le Comité croit qu’il peut exister d’autres solutions pour assurer un transfert intergénérationnel convenable. La mise en place d’une ou de plusieurs de ces solutions, tout dépendant du contexte spécifique aux différentes régions de pêche, nécessitera, selon des témoins, la concertation et l’engagement de tous les intervenants, y compris de tous les ordres de gouvernement.

Le Comité recommande :

Recommandation 10

Que le gouvernement du Canada, en collaboration avec les gouvernements des provinces de l’Atlantique et du Québec, prenant en compte tout plan de rationalisation pour la pêche du crabe des neiges, élabore un plan stratégique pour assurer le transfert intergénérationnel dans le secteur des pêches. Ce plan pourrait porter entre autres sur : a) les programmes de prêts pour les nouveaux pêcheurs; b) le financement indépendant et l’utilisation de permis en garantie; c) des nouvelles règles en vertu desquelles les pêcheurs pourraient mieux gérer l’investissement dans leurs entreprises.

Transformation et commercialisation du crabe de neiges

Durant son voyage sur la côte Est, le Comité a visité deux usines de transformation au Québec et en Nouvelle-Écosse. Il a été à même de constater le caractère remarquable des installations et des opérations, mais a été frappé par les conditions de travail difficiles. Essentiellement, le Comité s’est fait dire que le secteur de la transformation a du mal à planifier à l’avance en raison de la nature de la ressource et du moment et de la durée de sa disponibilité. Il convient de souligner que le secteur de la transformation et la délivrance des permis de transformation sont de compétence provinciale; par conséquent, le Comité ne peut s’étendre sur la question. Toutefois, au cours de son étude, le Comité a compris que les décisions fédérales sur la gestion des pêches, notamment la décision de 2010 concernant le sud du golfe du Saint-Laurent, ont des répercussions sur le secteur de la transformation. Le moment et la durée du processus décisionnel fédéral, dont il est question ailleurs dans le rapport, jouent un rôle dans la capacité de planification des entreprises de transformation. De plus, dans ses efforts pour rationaliser les pêches au niveau des prises, le gouvernement fédéral pourrait devoir consulter les provinces pour leur permettre de revoir leur capacité de transformation.

Selon le rapport préparé par la firme Gardner Pinfold en 2006, Aperçu de l’industrie du crabe des neiges de l’Atlantique, 83 usines veillaient à la transformation du crabe des neiges dans les provinces de l’Atlantique et au Québec en 2005‑2006. C’est à Terre-Neuve-et-Labrador qu’on retrouve le plus grand nombre d’usines, et c’est aussi là où l’expansion de la capacité de transformation a été la plus importante du début des années 1990 jusqu’en 2003[83]. Voici ce qu’a expliqué le ministre provincial des Pêches et de l’Aquaculture, l’honorable Clyde Jackman :

Sous l’effet de l’augmentation fulgurante de la capacité de pêche au crabe, qui a servi à accentuer la saisonnalité des prises de crabe, ainsi que du manque de rétablissement des stocks de poisson de fond, on a délivré des permis supplémentaires de transformation du crabe à Terre-Neuve-et-Labrador. Du milieu à la fin des années 1990, le nombre de permis de transformation du crabe des neiges a plus que doublé, pour atteindre un sommet de 41 usines en activité. De 1998 à 2003, il est devenu de plus en plus évident pour le gouvernement provincial que la surcapacité dans le secteur du crabe pouvait saper la viabilité de l’industrie dans l’avenir même si de bons bénéfices demeuraient possibles dans les secteurs de la capture et de la transformation, principalement grâce à un dollar canadien relativement faible[84].

Selon l’étude de Gardner Pinfold, le secteur de la transformation se caractérise par de courtes saisons intensives durant lesquelles il doit générer plusieurs centaines de millions de dollars pour se procurer la matière première. Les auteurs de l’étude décrivent certains des défis que le secteur doit surmonter, incluant ceux-ci[85] :

  • Le secteur produit essentiellement un seul produit : les sections de crabe.
  • L’emploi dans le secteur de la transformation dure de six à dix semaines par année. Le recrutement et le maintien de la main-d’œuvre est donc difficile. En outre, à l’instar du secteur de la pêche, l’âge moyen des travailleurs d’usine est à la hausse. On dénombrerait de 7 400 à 9 000 travailleurs dans ce secteur sur la côte Est.
  • Les usines de transformation ont peu de contrôle, voire aucun, sur le moment et le taux de l’offre de la matière première.
  • Il existe des restrictions sur le commerce interprovincial du crabe vivant.
  • Chaque province établit ou rajuste sa capacité de transformation en fonction de la pointe saisonnière. La fluctuation des débarquements au fil des ans et la réorganisation des zones de pêche ont contribué à la surcapacité du secteur de la transformation.

Il y a eu des efforts de rationalisation de la capacité de transformation au cours des dernières années. Par exemple à Terre-Neuve-et-Labrador.en 2004, le gouvernement provincial s’est doté d’une politique de délivrance des permis de transformation du poisson en vertu de laquelle, dans le cas du crabe des neiges, aucun nouveau permis n’est accordé tant qu’on n’a pas atteint un certain seuil pour la ressource. La politique prévoyait également l’annulation définitive des permis de transformation non utilisés pendant deux années consécutives. Ainsi, en 2009, 33 usines de transformation du crabe des neiges étaient en activité, ce qui représente une diminution importante par rapport aux 41 permis actifs en 2002. Compte tenu des conditions actuelles du marché, une approche encore plus dynamique pourrait être nécessaire[86].

Selon M. Jackman, il est évident que l’on ne peut rationaliser le secteur de la transformation sans réduire en même temps la capacité du secteur de la pêche. Il a ajouté :

Les débarquements plus ordonnés causés par les réductions de capacité du secteur de la capture faciliteront les réductions connexes dans la capacité de transformation. Les mécanismes visant à entraîner la rationalisation du secteur de la capture, qui s’autofinancent ou qui exigent une intervention gouvernementale, n’ont pas encore été déterminés. Cependant, il est possible que ces réductions de capacité coûtent très cher, et dans la mesure où l’industrie de la pêche ne peut pas financer seule le processus, l’aide du gouvernement sera demandée[87].

La transformation du crabe des neiges va de pair avec la commercialisation des produits de cette transformation. La mise en marché des produits de crabe des neiges cible principalement les marchés extérieurs. À l’échelle mondiale, les approvisionnements de crabe des neiges canadien comptent pour les deux tiers du marché. Au cours des quatre dernières années (de 2006 à 2009), le Canada a exporté pour près de deux milliards de dollars de crabe des neiges, dont un peu plus de la moitié provenait de Terre-Neuve-et-Labrador. Les États-Unis, qui ont accaparé 73 % de la production canadienne au cours de ces quatre années, constituent le marché dominant[88]. Le reste de la production est destiné directement au Japon, ou indirectement au moyen de la réexportation via la Chine, où l’on extrait la chaire pour le marché du sushi[89]. Selon l’étude de Gardner Pinfold, la dépendance du secteur à l’égard d’un marché unique (qui est étroit, axé sur un produit et sensible aux prix) place les transformateurs dans une position de vulnérabilité. En raison de la courte saison de pêche, de la surcapacité de transformation et des pressions exercées sur les liquidités, les transformateurs ont « peu de possibilités, voire aucune, de développement de marchés ou de produits, ou de simplement gérer leurs stocks afin d’obtenir de meilleurs prix[90] ». Les gros importateurs et distributeurs comprennent et exploitent cette situation. Devant cette constatation et faute d’un processus officiel de commercialisation, un témoin a proposé la mise sur pied d’un conseil du crabe du Canada atlantique au sein duquel le fédéral et les provinces pourraient travailler ensemble à développer les marchés disponibles pour le secteur du crabe des neiges canadien[91]. Le Comité partage cet avis.

Le Comité recommande :

Recommandation 11

Que le gouvernement du Canada, de concert avec les gouvernements des provinces de l’Atlantique et du Québec et les représentants du secteur, encourage la promotion du crabe des neiges au pays et à l’étranger via un conseil multipartite de commercialisation, de recherche et de publicité qui existerait déjà et/ou qui serait à établir.

Conclusion

Le Comité a amorcé la présente étude peu après l’annonce de la décision de la ministre des Pêches et des Océans de réduire considérablement le TPA de crabe des neiges dans le sud du golfe du Saint-Laurent. L’étude a inclus une visite sur la côte Est, à la fin de mai 2010, laquelle a coïncidé avec la saison de pêche dans certaines régions.

Lors de notre visite, des pêcheurs, des transformateurs, et d’autres types d’intervenants nous ont fait part de leurs frustrations à propos du processus de prise de décisions de gestion des pêches du MPO, notamment en ce qui a trait au choix du moment pour communiquer les décisions, lesquelles ont une incidence très marquée sur leurs activités. Nombre de témoins ont remis en cause le traitement réservé aux avis scientifiques du ministère. Certains ont même exprimé des doutes quant à la validité de la méthodologie employée pour formuler ces avis. En revanche, le Comité a reçu des représentants du ministère venus expliquer et défendre leurs processus et méthodologies, en plus de décrire le contexte souvent difficile dans lequel ils doivent gérer la ressource de manière durable.

Pour compliquer les choses, le crabe des neiges est pêché par différentes flottilles. Certains le pêchent depuis toujours et ont grandement contribué au développement du secteur. D’autres y ont eu accès en contrepartie des pertes de possibilités de pêche d’autres espèces ou pour la pêche exploratoire. Il a donc fallu conclure des ententes de partage de la ressource, dont l’interprétation est maintenant source de conflits entre les flottilles, ainsi qu’entre le MPO et les associations de pêcheurs. En outre, cette situation a contribué à une augmentation de la capacité de pêche à tel point que, pour la majorité des intervenants, une rationalisation s’impose.

Le Comité croit que la réduction du TPA en 2010 aurait probablement été inférieure à 63% si la ministre avait accepté l’avis de son ministère de réduire le TPA en 2009 plutôt que de le maintenir au niveau de 2008. En rétrospective, la décision de 2009 a été considérée par certains comme n’étant pas prudente en termes de durabilité de la pêche. C’est pourquoi le Comité appuie sans réserve l’application de l’approche de précaution à cette pêche. Cela dit, les répercussions sur les pêcheurs, l’industrie et les collectivités de la décision de 2010 et, de façon générale, de la gestion par le MPO de la ressource de crabe des neiges au cours des dernières années sont loin d’être négligeables. Il est important de trouver une meilleure façon de se préparer à ces situations et d’atténuer les effets des hauts et des bas de cette ressource cyclique sur tous les intervenants. Après tout, la biologie du crabe des neiges est bien connue, et un déclin de la ressource exploitable était attendu.

Pour nombre des aspects susmentionnés, le Comité recommande des mesures à prendre par le gouvernement du Canada. Ces mesures ne remédieront pas immédiatement aux torts subis par les pêcheurs et les collectivités. Il s’agit plutôt d’outils et de suggestions permettant d’améliorer la gestion de cette pêche et de préparer plus adéquatement les collectivités dépendantes de la ressource aux fluctuations inévitables des populations de crabe des neiges.


[1]                     Pêches et Océans Canada, Valeur de la pêche commerciale de la côte atlantique — 2008, http://www.dfo-mpo.gc.ca/stats/commercial/land-debarq/sea-maritimes/s2008av-fra.htm, consulté le 21 octobre 2010.

[2]              Pêches et Océans Canada, Le monde sous-marin — Crabe des neiges, http://www.dfo-mpo.gc.ca/Science/publications/uww-msm/articles/snowcrab-crabedesneiges-fra.html, consulté le 21 octobre 2010.

[3]              David Bevan, Mémoire, 7 juin 2010.

[4]              Conseil pour la conservation des ressources halieutiques, Un cadre pour la conservation stratégique du crabe des neiges de l’Atlantique, 2005, http://www.frcc-ccrh.ca/2005/crabe.pdf, consulté le 22 octobre 2010.

[5]              Pêches et Océans Canada, Évaluation du crabe des neiges de la Nouvelle-Écosse (4VWX), Avis scientifique 2009/053, http://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/publications/sar-as/2009/2009_053-fra.htm, consulté le 22 octobre 2010.

[6]              Conseil pour la conservation des ressources halieutiques, Un cadre pour la conservation stratégique du crabe des neiges de l’Atlantique, 2005, http://www.frcc-ccrh.ca/2005/crabe.pdf, consulté le 22 octobre 2010.

[7]              Gardner Pinfold Consulting Economists Limited, Aperçu de l’industrie du crabe des neiges de l’Atlantique, rapport présenté à Pêches et Océans Canada et au Conseil des ministres des pêches et de l’aquaculture de l’Atlantique, juin 2006, p. 71.

[8]              Pêches et Océans Canada, Évaluation du crabe des neiges de Terre-Neuve et du Labrador, SCCS, Avis scientifique 2009/045, http://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/publications/sar-as/2009/2009_045-fra.htm, consulté le 22 octobre 2010. Pêches et Océans Canada, Évaluation du crabe des neiges de la Nouvelle-Écosse (4VWX), SCCS, Avis scientifique 2009/053, http://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/publications/sar-as/2009/2009_053-fra.htm, consulté le 22 octobre 2010. Pêches et Océans Canada, Évaluation du crabe des neiges du sud du golfe du Saint-Laurent (zones 12, 19, 12E et 12F), SCCS, Avis scientifique 2010/015, http://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/publications/sar-as/2010/2010_015-fra.htm, consulté le 22 octobre 2010.

[9]              David Bevan, Mémoire, 7 juin 2010.

[10]           Gardner Pinfold Consulting Economists Limited, 2006, p. 5.

[11]           David Bevan, Mémoire, 7 juin 2010.

[12]           John Sackton, Témoignages, 26 mai 2010.

[13]           Gardner Pinfold Consulting Economists Limited, 2006.

[14]           Ibid. et John Sackton, Témoignages, 26 mai 2010.

[15]           John Sackton, Témoignages, 26 mai 2010, 17, 1110.

[16]           Phil Barnes, Témoignages, 26 mai 2010, 17, 1120.

[17]           Même si les ZPC 18, 25 et 26 ont été intégrées à la ZPC 12 en vue de former une seule zone de gestion, le MPO continue de citer les quatre zones quand il divulgue de l’information sur leur gestion.

[18]           Pêches et Océans Canada, Un cadre décisionnel pour les pêches intégrant l’approche de précaution, http://www.dfo-mpo.gc.ca/fm-gp/peches-fisheries/fish-ren-peche/sff-cpd/precaution-fra.htm, consulté le 5 novembre 2010.

[19]           Pêches et Océans Canada, Points de référence conformes à l’approche de précaution pour le crabe des neiges du sud du golfe du Saint-Laurent, SCCS, Avis scientifique 2010/014, http://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/publications/sar-as/2010/2010_014-fra.htm, consulté le 22 octobre 2010. Pêches et Océans Canada, Évaluation du crabe des neiges du sud du golfe du Saint-Laurent (zones 12, 19, 12E et 12F), SCCS, Avis scientifique 2010/015, http://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/publications/sar-as/2010/2010_015-fra.htm, consulté le 22 octobre 2010.

[20]           Ibid.

[21]           David Bevan, Témoignages, 7 juin 2010.

[22]           Pêches et Océans Canada, Points de référence conformes à l’approche de précaution pour le crabe des neiges du sud du golfe du Saint-Laurent, SCCS, Avis scientifique 2010/014, http://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/publications/sar-as/2010/2010_014-fra.htm, consulté le 22 octobre 2010, p. 7.

[23]           Pêches et Océans Canada, Évaluation du crabe des neiges du sud du golfe du Saint-Laurent (zones 12, 19, 12E et 12F), SCCS, Avis scientifique 2010/015, http://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/publications/sar-as/2010/2010_015-fra.htm, consulté le 22 octobre 2010.

[24]           Pour la période de 1990 à 1999. Pêches et Océans Canada, Évaluation du crabe des neiges du sud du golfe du Saint-Laurent (zones 12, 19, 12E et 12F), SCCS, Avis scientifique 2010/015, http://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/publications/sar-as/2010/2010_015-fra.htm, consulté le 22 octobre 2010, p. 12.

[25]           Joel Gionet, Témoignages, 28 mai 2010.

[26]           Marc Lanteigne, Témoignages, 7 juin 2010, 22, 1545.

[27]           Les réunions du PCR font partie des activités habituelles de prise de décision et de consultation des intervenants pour la gestion de la pêche du crabe des neiges.

[28]           Pêches et Océans Canada, Évaluation du crabe des neiges du sud du golfe du Saint-Laurent (zones 12, E et F), SCCS, Avis scientifique 2007/021, http://www.dfo-mpo.gc.ca/csas/Csas/etat/2007/SAR-AS2007_021_F.pdf (consulté le 6 janvier 2011), p. 21.

[29]           Moriyasu, M., Wade, E., Hébert, M. et Biron, M., Revue du relevé au chalut et du protocole utilisé pour l’estimation des indices d’abondance de crabe des neiges dans le sud du golfe Saint-Laurent de 1988 à 2006, Document de recherche 2008/069, http://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/publications/resdocs-docrech/2008/2008_069-fra.htm, consulté le 6 janvier 2011, p. 39.

[30]           Pêches et Océans Canada, Évaluation du crabe des neiges du sud du golfe du Saint-Laurent (zones 12, E et F), SCCS, Avis scientifique 2008/006, http://www.dfo-mpo.gc.ca/CSAS/Csas/Publications/SAR-AS/2008/SAR-AS2008_006_f.pdf, consulté le 6 janvier 2011, p. 18.

[31]           Pêches et Océans Canada, Compte rendu de l’atelier sur le cadre d’évaluation du crabe des neiges du sud du golfe du Saint-Laurent (zones 12, E, F et 19), Processus consultatif régional du Golfe, du 11 au
14 octobre 2005, SCCS, S érie des comptes rendus 2006/042, http://www.dfo-mpo.gc.ca/csas/Csas/Proceedings/2006/PRO2006_042_E.pdf, consulté le 6 janvier 2011, p. iv + 55.

[32]           Joel Gionet, Témoignages, 28 mai 2010, 19, 1125.

[33]           Ibid.

[34]           Robert Haché, Témoignages, 28 mai 2010, 0945.

[35]           Ibid., 0950.

[36]           Pêches et Océans Canada, Évaluation du crabe des neiges du sud du golfe du Saint-Laurent (zones 12, 19, 12E et 12F), SCCS, Avis scientifique 2009/006, http://www.dfo-mpo.gc.ca/csas-sccs/publications/sar-as/2009/2009_006-fra.htm, consulté le 22 octobre 2010, p. 16.

[37]           Ibid., p. 17.

[38]           Joel Gionet, Témoignages, 28 mai 2010, 1125. Les pêcheurs de crabe traditionnels du sud de Golfe du St-Laurent ont aussi soutenu que pour pouvoir avoir accès aux 13 000 tonnes qui constituent leur seuil de viabilité économique, un TAC de 20 900 tonnes pour l’ensemble des flottes était nécessaire.

[39]           Pêches et Océans Canada, Plan de gestion du crabe des neiges pour la saison 2009 dans les zones de pêche du crabe 12, 18, 25 et 26 dans le sud du golfe du Saint Laurent, Communiqué, Ottawa, 30 avril 2009, http://www.dfo-mpo.gc.ca/media/npress-communique/2009/hq-ac09-fra.htm, consulté le 9 février 2011.

[40]           David Bevan, Témoignages, 25 novembre 2010.

[41]           Robert Haché, Témoignages, 28 mai 2010.

[42]           Daniel Desbois, Témoignages, 25 mai 2010, 16, 1005.

[43]           Jean Lanteigne, Témoignages, 28 mai 2010.

[44]           Bureau du commissaire à l’environnement et au développement durable, Commissaire à l’environnement et au développement durable, http://www.oag-bvg.gc.ca/internet/Francais/cesd_fs_f_921.html, consulté le 11 novembre 2010.

[45]           Pêches et Océans Canada, Plan de gestion intégrée de la pêche du crabe des neiges dans la zone 19 2005-2013, http://www.glf.dfo-mpo.gc.ca/f0008346, consulté le 22 octobre 2010.

[46]           Ibid.

[47]           Basil MacLean, Mémoire, 30 septembre 2010.

[48]           Ibid.

[49]           Ronald Hunt, Témoignages, 25 mai 2010.

[50]           Joel Gionet, Témoignages, 28 mai 2010, 19, 1130.

[51]           Douglas Cameron, mémoire, 30 juin 2010.

[52]           Bernie MacDonald, Témoignages, 27 mai 2010, 18, 0915.

[53]           Earle McCurdy, Témoignages, 26 mai 2010, 17, 1130.

[54]           Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, Dossiers des pêches de l’Atlantique : mai 2003, Ottawa, 2003, p. 46.

[55]           O’neil Cloutier, Témoignages, 25 mai 2010.

[56]           Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, Dossiers des pêches de l’Atlantique : mai 2003, Ottawa, 2003, p. 46.

[57]           Robert Haché (pour les présidents des associations des crabiers traditionnels de la zone 12), Mémoire, 26 août 2010.

[58]           Robert Haché, Témoignages, 28 mai 2010, 19, 1010.

[59]           Christian Brun, Témoignages, 28 mai 2010, 19, 1205.

[60]           Ibid.

[61]           Marc Diotte, Témoignages, 25 mai 2010, 16, 1155.

[62]           Michael Gardner et coll., Advisory Panel on Access and Allocation for the Eastern Nova Scotia Snow Crab Fishery, rapport à l’hon. Geoff Reagan, ministre des Pêches et des Océans, février 2005, 28 p.

[63]           Pêches et Océans Canada, Eastern Nova Scotia Snow Crab Integrated Fishery Management Plan — Crab Fishing Areas 20 – 24, 2007-2011, secteur Scotia-Fundy, région des maritimes, p. 41.

[64]           Norma Richardson, Témoignages, 27 mai 2010, 18, 0840.

[65]           Daniel Landry, Témoignages, 28 mai 2010, 1220.

[66]           David Bevan, Témoignages, 28 mai 2010, 19, 0825.

[67]           Gérard-Raymond Blais, Témoignages, 25 mai 2010, 16, 0955.

[68]           O’neil Cloutier, Témoignages, 25 mai 2010, 16, 1205.

[69]           Gérard Raymond-Blais, Témoignages, 25 mai 2010, 16, 0955.

[70]           Jeff Basque, Témoignages, 28 mai 2010, 19, 0905.

[71]           Léo Lelièvre et Gaétan Cousineau, Témoignages, 25 mai 2010.

[72]           Léo Lelièvre, Témoignages, 25 mai 2010.

[73]           Jean Lanteigne, Témoignages, 28 mai 2010.

[74]           Pêches et Océans Canada, Information fournie au Comité, 13 décembre 2010.

[75]           Conseil pour la conservation des ressources halieutiques, Un cadre pour la conservation stratégique du crabe des neiges de l’Atlantique, http://www.frcc-ccrh.ca/2005/crabe.pdf, consulté le 22 octobre 2010.

[76]           Ibid., p. 36.

[77]           Christian Brun, Témoignages, 28 mai 2010, 1215.

[78]           La rationalisation peut être définie comme une réduction de l’effort de pêche par des mécanismes de retrait des permis, de réduction progressive du nombre de cages, ou de systèmes de transfert de cages.

[79]           Earle McCurdy, Témoignages, 26 mai 2010, 1005 et 1045.

[80]           Ibid., 1115.

[81]           Trevor Decker, Témoignages, 26 mai 2010.

[82]           Pêches et Océans Canada, Fiche d’information — Répercussions de l’arrêt Saulnier sur les politiques de délivrances de permis du MPO, http://www.dfo-mpo.gc.ca/fm-gp/peches-fisheries/fish-ren-peche/saulnier/index-fra.htm, consulté le 24 novembre 2010.

[83]           Gardner Pinfold Consulting Economists Limited, Aperçu de l’industrie du crabe des neiges de l’Atlantique, rapport présenté à Pêches et Océans Canada et au Conseil des ministres des pêches et de l’aquaculture de l’Atlantique, juin 2006, p. 44.

[84]           Clyde Jackman, Témoignages, 26 mai 2010, 1155.

[85]           Gardner Pinfold Consulting Economists Limited, Aperçu de l’industrie du crabe des neiges de l’Atlantique, rapport présenté à Pêches et Océans Canada et au Conseil des ministres des pêches et de l’aquaculture de l’Atlantique, juin 2006, p. 53.

[86]           Clyde Jackman, Témoignages, 26 mai 2010.

[87]           Ibid., 1210.

[88]           Agriculture et Agroalimentaire Canada, Service d’exportation agroalimentaire, Homard et crabe des neiges canadiens, http://www.ats.agr.gc.ca/pro/5322-fra.htm, consulté le 1er décembre 2010.

[89]           Gardner Pinfold Consulting Economists Limited, Aperçu de l’industrie du crabe des neiges de l’Atlantique, rapport présenté à Pêches et Océans Canada et au Conseil des ministres des pêches et de l’aquaculture de l’Atlantique, juin 2006, p. 71.

[90]           Ibid.

[91]           Trevor Decker, Témoignages, 26 mai 2010.