propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, je suis honoré de lancer le débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi .
Je suis fier de prendre la parole à la Chambre et de perpétuer la tradition du NPD qui consiste à défendre les droits des Canadiens transsexuels et transgenres. Je remercie également les 18 comotionnaires de leur soutien. Cela montre le vaste appui dont bénéficie ce projet de loi au Parlement.
Comme bon nombre de députés le savent, la Chambre des communes avait adopté le projet de loi il y a environ deux ans, mais il est mort au Feuilleton du Sénat, en février 2011, lorsque les élections ont été déclenchées. J'espère que nous obtiendrons de nouveau suffisamment d'appui de tous les partis pour adopter cette mesure législative bien nécessaire.
Je commencerai par expliquer pourquoi ce projet de loi est si nécessaire dans un pays comme le Canada, où la Charte des droits et libertés fait maintenant partie de ce que l'on pourrait appeler notre « ADN national » et où nous croyons fermement que les droits sont entièrement protégés. Cependant, le problème, c'est que la loi ne protège pas pleinement les droits de tous les Canadiens et que, dans bien des cas, certains citoyens font l'objet de discrimination et se voient refuser l'accès à des services publics. De plus, ils sont trop souvent victimes de harcèlement et d'actes de violence.
Nous débattons de ce projet de loi aujourd'hui parce que les droits en matière d'identité et d'expression sexuelles ne sont pas protégés formellement au Canada. Les droits et les libertés des Canadiens transsexuels et transgenres ne sont pas autant protégés que ceux des autres Canadiens. Ce projet de loi tente de corriger cette situation.
D'autres groupes minoritaires sont protégés par la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Charte des droits et libertés. Toutefois, les Canadiens transsexuels et transgenres ne bénéficient pas de la même protection parce qu'ils ne sont pas définis dans la loi comme un groupe identifiable.
Actuellement, les Canadiens ne peuvent pas faire l'objet de discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état matrimonial, la situation de famille, l’état de personne graciée ou la déficience. Malheureusement, les Canadiens transgenres ne sont pas protégés parce que la discrimination dont ils sont victimes ne correspond à aucune de ces catégories.
J'aimerais préciser de nouveau, parce qu'il y a parfois des malentendus à cet égard, que l'orientation sexuelle n'est pas une catégorie générale qui protège les Canadiens transgenres contre la discrimination, les préjugés et les actes de violence dont ils sont victimes. En fait, lors d'une récente étude menée par Trans PULSE Canada, 30 p. 100 des participants ont déclaré qu'ils étaient hétérosexuels.
« Transgenre » et « transsexuel » ne sont pas que d'autres mots pour définir l'orientation sexuelle. Il s'agit d'une catégorie distincte absente de la législation canadienne.
Partout dans le monde, les personnes transsexuelles et transgenres font l'objet de beaucoup de discrimination, de préjugés et de violence. Cependant, au Canada, un pays qui prétend promouvoir l'équité, l'acceptation et la diversité, les transgenres sont traités de la même façon.
Chaque novembre, on célèbre partout dans le monde la Journée du souvenir trans pour attirer l'attention sur les actes de violence commis contre les transgenres. L'année dernière, cette journée a servi à rendre hommage aux 220 personnes qui sont mortes dans le monde après avoir été attaquées à cause de leur identité ou expression sexuelles.
Il reste encore beaucoup à faire ailleurs dans le monde, mais chez nous aussi. Je conviens que la modification des lois à elle seule ne suffira pas pour régler tous les problèmes, mais je crois que l'adoption de ce projet de loi serait un premier pas dans la bonne direction, pour veiller à ce que les transgenres bénéficient des mêmes droits que tous les autres Canadiens et que ces droits soient défendus.
Comme société, nous devons prendre cette question très au sérieux pour que les transgenres soient reconnus comme des citoyens à part entière et bénéficient des mêmes droits que tous les autres Canadiens afin de pouvoir jouer un rôle actif dans leur collectivité. Je crois que le projet de loi serait un premier pas dans la bonne direction.
Le projet de loi modifierait la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d’intégrer l’identité et l’expression sexuelles à la liste des motifs de distinction illicite. Il modifierait également le Code criminel afin d’intégrer l’identité et l’expression sexuelles à la liste des caractéristiques distinctives protégées par l’article 318 et à celle des circonstances aggravantes dont il faut tenir compte pour déterminer la peine à infliger en application de l’article 718.2 du Code criminel.
J'aimerais prendre quelques instants pour aborder la question des définitions, puisque certains ont dit que les termes identité sexuelle et expression sexuelle sont vagues. Ces termes ne sont pas vagues dans le droit canadien. La Commission canadienne des droits de la personne et d'autres instances ont résolu des litiges concernant ces termes en leur accordant une définition très claire.
L'identité de genre correspond à la conception qu'une personne a de soi en tant qu'homme, femme, les deux ou ni l'un ni l'autre, et qui doit être distinguée du sexe assigné à la naissance. L'expression sexuelle, de son côté, correspond à la manière dont une personne communique son identité sexuelle aux autres, que ce soit en mettant l'accent sur certaines caractéristiques, en tentant au contraire de les atténuer ou en modifiant son comportement, son habillement, son discours ou la manière dont elle se conduit.
Le projet de loi vise à remédier à l'absence de protection explicite à l'égard tant de l'identité de genre que de l'expression sexuelle.
Je saisis l'occasion pour répéter que nous discutons de droits fondamentaux dont jouissent tous les autres Canadiens, et pas de droits spéciaux relevant d'une catégorie particulière. Ce sont simplement les mêmes droits qui sont prévus dans la législation canadienne et dont peuvent se prévaloir tous les autres citoyens. Ces droits et ces protections sont nécessaires pour que les Canadiens transgenres puissent mener leur vie en toute sécurité, comme n'importe quel autre Canadien.
Il convient de souligner que nous n'ouvrirons pas une nouvelle ère lorsque nous adopterons le projet de loi . Celui-ci offrira et inclura des protections semblables à d'autres qui sont mises en oeuvre ailleurs au Canada et dans le monde. En fait, en 2002, les Territoires du Nord-Ouest ont ajouté des mesures de protection pour les personnes transsexuelles et transgenres dans leur loi sur les droits de la personne. Les Territoires du Nord-Ouest ont donc déjà pris les devants dans ce dossier. De surcroît, Vancouver, Ottawa et Toronto ont toutes modifié leurs politiques de lutte contre la discrimination pour interdire la discrimination fondée sur l'identité de genre et l'expression sexuelle.
Nous ne ferons pas non plus figure de précurseurs, puisque le Comité de révision de la Loi canadienne sur les droits de la personne avait recommandé ces modifications dans son rapport publié en 2000. Un député, Bill Siksay, avait présenté le même projet de loi en 2005, 2006 et 2008 à la Chambre, avant que cette dernière ne l'adopte en 2011. D'aucuns diraient que ce projet de loi aurait dû être adopté depuis longtemps.
Finalement, je souligne que — en vertu de la Déclaration relative aux droits de l'Homme et à l'orientation sexuelle et l'identité de genre que le Canada a signée le 18 décembre 2008 — l'identité et l'expression sexuelles sont des motifs de protection. Par conséquent, puisque le Canada a volontairement signé cette convention internationale, on pourrait soutenir qu'il est obligé d'apporter les modifications nécessaires à ses lois pour y inscrire ces protections.
De plus, en novembre 2011, la haut-commissaire aux droits de l'homme a, pour la première fois, publié un rapport très détaillé sur les droits associés à l'orientation sexuelle et à l'identité de genre, et elle a présenté une série de recommandations à tous les États membres. Quatre recommandations sont très pertinentes pour le Canada.
Dans son rapport, la haut-commissaire aux droits de l'homme recommande à tous les États membres de promulguer des lois antidiscriminatoires complètes qui font figurer l'orientation sexuelle et l'identité de genre parmi les motifs interdisant la discrimination. C'est exactement ce que nous essayons de faire au moyen du projet de loi .
La haut-commissaire recommande également à tous les pays de faciliter la reconnaissance juridique du genre de préférence des personnes transgenres et de prendre des mesures pour permettre la délivrance de nouveaux documents d'identité faisant mention du genre de préférence et du nom choisi, sans qu'il soit porté atteinte aux autres droits de l'homme.
Si nous adoptons le projet de loi , il sera plus facile d'apporter les modifications nécessaires aux mesures législatives régissant l'émission de pièces d'identité — un problème de taille auquel se heurtent beaucoup de Canadiens transgenres. Cela réglerait les problèmes liés aux modifications discriminatoires apportées récemment à la réglementation sur la sûreté aérienne en ce qui concerne l'identité des voyageurs.
La haut-commissaire recommande également de mettre en place des programmes adaptés de sensibilisation et de formation destinés aux policiers, au personnel pénitentiaire, aux gardes frontière, aux agents de l'immigration et aux autres employés chargés de l'application des lois, afin de lutter contre l'homophobie et la transphobie, et de veiller à ce que les fonctionnaires de l'État respectent les droits des citoyens transgenres en toutes circonstances.
Je le répète, la haut-commissaire aux droits de l'homme a demandé au Canada, en tant que membre des Nations Unies, de prendre le genre de mesures que je propose dans le projet de loi .
Certains se demandent pourquoi il est urgent de combler cette lacune dans la législation canadienne sur les droits de la personne. Quiconque a, comme moi, rencontré de nombreux représentants d'organisations de transgenres et parlé avec des Canadiens transsexuels et transgenres sait que ces personnes font systématiquement l'objet de discrimination grave dans trois domaines, dont j'aimerais parler brièvement: l'accès aux soins de santé, la protection contre la violence et l'inégalité économique.
Au Canada, nous sommes fiers du fait que tout le monde bénéficie d'un accès égal aux soins de santé. En effet, il est stipulé dans la Loi canadienne sur la santé que la politique canadienne de la santé a pour premier objectif de protéger, de favoriser et d'améliorer le bien-être physique et mental des habitants du Canada. Cependant, les Canadiens transgenres se voient souvent refuser des soins de santé nécessaires parce qu'ils sont obligés de régler la question de leur genre avant de pouvoir obtenir des services. Ils ont également un accès restreint aux soins de santé psychologiques et ils sont souvent traités de façon hostile et insensible parce que les institutions publiques ont des espaces réservés aux hommes ou aux femmes.
Les besoins des Canadiens transsexuels et transgenres sont urgents dans tous les domaines, mais ils le sont encore plus en ce qui concerne les soins de santé.
Certaines personnes transsexuelles estiment devoir subir une chirurgie pour établir leur pleine identité. Cependant, l'accès à ce type de chirurgie n'est pas le même dans toutes les provinces. En inscrivant l'identité et l'expression sexuelles dans la Loi sur les droits de la personne et le Code criminel, nous pourrons promouvoir l'accès à ce type de chirurgie. Cependant, certaines personnes transsexuelles ne pensent pas qu'il est nécessaire de subir une chirurgie pour compléter leur transition et se trouvent donc dans une situation où, parce qu'elles n'ont pas changé de sexe, elles ont un accès limité aux soins de santé et à d'autres services. Je répète que les personnes transgenres sont victimes de deux sortes de discrimination: d'une part, elles n'ont pas toujours accès à la chirurgie et, d'autre part, elles ne peuvent faire une transition complète parce qu'elles n'ont pas subi de chirurgie. Le projet de loi réglerait ce problème.
En ce qui concerne les soins de santé mentaux, nous savons que les ressources dont nous disposons au Canada sont déjà très limitées et qu'il faut parfois attendre longtemps pour consulter un thérapeute, quel que soit le problème de santé mentale. Voilà qui exacerbe davantage les problèmes auxquels les Canadiens transgenres sont confrontés.
Selon un sondage mené par Trans Pulse Canada, le taux de dépression chez les Ontariens transgenres se situe entre 61 et 66 p. 100. Par ailleurs, 77 p.100 des personnes transsexuelles ou transgenres de l'Ontario ont déclaré qu'elles avaient déjà, hélas, envisagé de se suicider, et 43 p. 100 ont déclaré qu'elle avait déjà tenté de se suicider. Près de la moitié des personnes qui ont déjà envisagé le suicide ont entre 16 et 24 ans. Nous manquons vraiment à nos obligations à l'égard des Canadiens transgenres en ce qui concerne la santé mentale et la prévention du suicide.
Bien des sondages révèlent qu'un grand pourcentage de Canadiens transgenres sont victimes de violence. Or, les services policiers du Canada ne tiennent pas de statistiques sur l'expression et l'identité sexuelles. Il n'y a donc pas de statistiques officielles qui permettraient de connaître l'ampleur du problème.
Egale Canada a mené un sondage à grande échelle sur l'intimidation des LGBTQ au Canada. Ce sondage révèle que 90 p. 100 des jeunes reconnus comme transgenres sont quotidiennement la cible de remarques transphobiques; 23 p. 100 de ces étudiants déclarent que des enseignants leur font quotidiennement des remarques transphobiques, 25 p. 100 déclarent qu'on les a déjà menacés physiquement et 24 p. 100 déclarent qu'on leur a volé ou endommagé des biens. Ce petit sondage mené auprès de jeunes transgenres nous montre le très grand degré de violence dont sont victimes les transgenres.
En intégrant cette notion dans la partie du Code criminel qui traite des crimes haineux, nous dirions haut et fort qu'un tel comportement est inacceptable au Canada et que les droits des personnes transgenres doivent être reconnus, notamment celui de participer pleinement à la vie en milieu scolaire et en société.
Enfin, le monde du travail est un milieu où les personnes transgenres sont souvent victimes de discrimination. Plus de 20 p. 100 de celles interrogées antérieurement en Ontario dans le cadre du projet Trans PULSE avaient déclaré être sans travail, ce qui correspondait à un taux 2,5 fois plus élevé que le taux de chômage moyen de cette province. La stabilité d'emploi est souvent inexistante, et les personnes qui choisissent de vivre leur transition alors qu'elles occupent un emploi ont souvent beaucoup de difficulté à le conserver en raison de l'hostilité manifestée par leur employeur ou leurs collègues.
Permettez-moi de rappeler, en guise de conclusion, que le projet de loi a pour objet de combler une lacune dans le cadre législatif qui régit les droits de la personne. Il ne vise pas à créer des droits spéciaux pour qui que ce soit, mais plutôt à assurer les mêmes droits à l'ensemble des Canadiens. Tout comme chacun de nous, les personnes transgenres veulent pouvoir suivre le conseil d'Oscar Wilde, qui dit: « Soyez vous-même, tous les autres sont déjà pris ».
Grâce à ce projet de loi, les personnes transgenres et transsexuelles du Canada se sentiront libres d'être elles-mêmes et jouiront des mêmes protections — y compris à l'égard de leurs droits — que l'ensemble des Canadiens. Comme je l'ai déjà dit à maintes reprises, les personnes transgenres, ce sont nos frères, nos soeurs, nos enfants, nos parents, nos conjoints, nos amis et nos collègues, et elles méritent de bénéficier des mêmes droits et des mêmes protections que tous les autres Canadiens.
J'attends avec impatience l'adoption du projet de loi pour que tout cela devienne réalité.