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ETHI Rapport du Comité

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RAPPORT DISSIDENT SUR L’EXAMEN LÉGISLATIF DE LA LOI SUR LES CONFLITS D’INTÉRÊTS PAR LE COMITÉ PERMANENT DE L’ACCÈS À L’INFORMATION, DE LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS ET DE L’ÉTHIQUE

À titre d’Opposition officielle, le Nouveau Parti démocratique est déçu que le Comité ait raté une importante occasion de faire des recommandations qui renforceraient la Loi sur les conflits d’intérêts du Canada et responsabiliseraient davantage les titulaires de charge publique. À l’heure où le gouvernement conservateur fait l’objet de graves allégations, qui concernent notamment des conflits d’intérêts au Cabinet du premier ministre et au Sénat, la confiance du public à l’égard de l’intégrité du Parlement a été ébranlée, et il est plus nécessaire que jamais de durcir les dispositions législatives afin de prévenir la corruption et de sanctionner les contrevenants.

Les Canadiens sont frustrés de voir que l’on contourne, enfreint et dissimule de plus en plus les règles à Ottawa. En réponse à la corruption des libéraux, le Parti conservateur a adopté la Loi fédérale sur la responsabilité. Au cours des sept dernières années de gouvernement conservateur, toutefois, la corruption et la culture du « tout m’est dû » ont continué de prendre de l’ampleur à la faveur des nombreuses exemptions et échappatoires de la Loi. Devant le scandale navrant qui secoue à la fois le Sénat et le Cabinet du premier ministre, les Canadiens s’attendent à ce que le Parlement renouvelle son engagement envers les principes de la transparence, de la responsabilité et du châtiment pour ceux qui contreviennent aux règles.

Dans le cadre de son examen, le Comité a reçu de nombreuses recommandations importantes de la commissaire à l’éthique et de témoins experts. Or, il n’en a retenu que quelques-unes. De plus, il n’a pas tenu compte des propositions sérieuses concernant une rigueur accrue qu’avaient présentées la Commission Gomery sur le scandale des commandites du gouvernement libéral et la Commission Oliphant sur l’ancien premier ministre Brian Mulroney. Fait encore plus troublant : bon nombre des recommandations que contient le rapport du Comité n’ont rien à voir avec les témoignages entendus ni les mémoires reçus, et il faut s’interroger sur leur validité. En particulier, les recommandations 1, 3, 4, 5, 7, 8, 9, 10, 12, 13 et 16 sont sans rapport avec les témoignages.

Nous nous élevons vigoureusement contre la recommandation visant à étendre l’application de la Loi sur les conflits d’intérêts à tous les membres d’organismes qui négocient collectivement avec le gouvernement fédéral. D’après le Rapport sur les plans et les priorités 2013-2014 de la Commission des relations de travail dans la fonction publique : « La LRTFP [Loi sur les relations de travail dans la fonction publique] s’applique à plus de 244 000 fonctionnaires fédéraux œuvrant dans les ministères qui figurent à l’Annexe I de la Loi sur la gestion des finances publiques, dans les autres secteurs de l’administration publique centrale énumérés à l’Annexe IV ainsi que dans les organismes distincts qui sont mentionnés à l’Annexe V. » Tous ces employés sont membres d’organismes qui négocient collectivement avec le gouvernement fédéral, et la plupart, sinon tous, sont déjà assujettis à la Politique sur les conflits d’intérêts et l’après-mandat du Conseil du Trésor du Canada[i]. Non seulement cette recommandation est-elle superflue, mais en plus cela imposerait un énorme fardeau au Commissariat à l’éthique que de devoir administrer 244 000 titulaires de charge publique de plus.

D’autre part, nous estimons que la recommandation 11 du Comité, qui vise à modifier la Loi de manière à ce que « toute ordonnance et toute décision de la commissaire soient assujetties à une révision judiciaire en ce qui concerne les erreurs de droit » témoigne d’une mauvaise connaissance de l’application pratique de la Loi. La majorité des rapports de la commissaire sur les enquêtes sous le régime de la loi actuelle ne sont pas contraignants, de sorte qu’ils ne peuvent faire l’objet d’une révision judiciaire. Il appartient au premier ministre de faire respecter les recommandations de la commissaire. Il n’existe aucune disposition similaire en droit au Canada.

Dans leur plateforme électorale de 2006, les conservateurs ont promis un gouvernement responsable. Parmi leurs principaux engagements électoraux, ils ont fait les promesses suivantes :

  • Donner au commissaire à l’éthique le pouvoir de sanctionner les contrevenants.
  • Inscrire dans la législation le Code régissant les conflits d’intérêts.
  • Permettre à tous les citoyens – et non seulement aux politiciens – de porter plainte auprès du commissaire à l’éthique.
  • Assujettir au Code d’éthique les conseillers ministériels à temps partiel ou non rémunérés[ii].

Malheureusement, les conservateurs n’ont pas tenu leurs promesses : aucune de ces dispositions ne figure dans la Loi, et le Comité n’a pas recommandé de les y inclure. L’Opposition officielle, quant à elle, le ferait et recommanderait en outre d’apporter les modifications suivantes à la Loi :

  1. Conférer à la commissaire le pouvoir d’imposer des peines pécuniaires et d’autres sanctions pour les infractions à la Loi constatées à la suite d’un examen, entre autres :
    1. la suspension pendant une période déterminée[iii];
    2. la suspension du droit du député de voter pendant une période déterminée[iv];
    3. le remboursement de la valeur du cadeau, de l’accueil ou de l’avantage reçu;
    4. une amende maximale de 5000 $[v].
  2. Inscrire les lignes directrices sur la responsabilité des ministres dans la Loi : modifier l’article 16 de la Loi de manière à inclure une annexe B intitulée : « Les activités de financement et les rapports avec les lobbyistes : pratiques exemplaires à l’intention des ministres, des ministres d’État et des secrétaires parlementaires », qui contiendrait les dispositions suivantes :
    1. Les ministres, les ministres d’État et les secrétaires parlementaires doivent éviter de nommer des intervenants ministériels dans leurs équipes de financement ou de campagne, ou au sein des conseils de direction des associations de circonscription électorale.
    2. Les ministres, les ministres d’État et les secrétaires parlementaires doivent éviter d’utiliser les locaux et le matériel du gouvernement, y compris le papier à correspondance du ministère, pour leurs activités de financement ou un autre motif qui s’y rattache.
    3. Les ministres, les ministres d’État et les secrétaires parlementaires, ainsi que leur personnel, doivent éviter de discuter de sujets liés aux fonctions ministérielles pendant une activité de financement, et demander à toute personne souhaitant en discuter de prendre rendez-vous avec le cabinet du ministre ou le ministère, selon le cas.
    4. Les ministres, les ministres d’État et les secrétaires parlementaires doivent s’assurer que les communications sur les activités de financement rédigées en leur nom ne suggèrent aucun lien entre ces activités et les fonctions officielles du gouvernement[vi].
  1. Permettre aux membres du public, et non seulement aux députés, de déposer des plaintes[vii].
  2. Étendre la définition de « personnel ministériel » aux personnes qui travaillent sous contrat ou à titre bénévole[viii].
  3. Élargir la définition de « titulaire de charge publique » pour comprendre toutes les personnes nommées par le gouverneur en conseil, y compris le gouverneur de la Banque du Canada[ix].
  4. Conférer à la commissaire le pouvoir de poursuivre des enquêtes sur des affaires qui ont été renvoyées à la Gendarmerie royale du Canada.
  5. Ramener de 200 $ à 100 $ le seuil fixé pour la déclaration de cadeaux[x].
  6. Interdire aux titulaires de charge publique principaux qui exercent un important pouvoir décisionnel ou qui ont accès à des renseignements confidentiels, entre autres les ministres, les ministres d’État, les secrétaires parlementaires, les chefs de cabinet, les sous-ministres, le personnel ministériel et les employés des cabinets des ministres, de détenir des biens contrôlés. Interdire aux personnes nommées à des organismes dont le mandat est vaste de détenir des biens contrôlés. Interdire au cas par cas à tous les autres titulaires de charge publique de détenir des biens contrôlés[xi].
  7. Définir et durcir les règles applicables aux députés et aux sénateurs en ce qui concerne l’après-mandat et les emplois extérieurs.
  8. Inclure un conflit d'intérêts apparent dans la définition d'un conflit d'intérêts

Les néo-démocrates souhaitent tirer parti de cette occasion de renforcer la Loi sur les conflits d’intérêts. Nous y voyons une occasion de renouveler notre engagement envers l’adoption par le Parlement de normes éthiques plus strictes et l’élimination des échappatoires qui menacent actuellement la responsabilisation. Nous exhortons le gouvernement à étudier nos recommandations et à les adopter.


[i] http://www.tbs-sct.gc.ca/pol/doc-fra.aspx?id=25178&section=text.

[ii] Changeons pour vrai, 2006, http://www.poltext.org/sites/poltext.org/files/plateformes/can2006pc_plt._14112008_165501.pdf.

[iii] Colombie-Britannique, Members Conflict of Interest Act, alinéa 22(1)d).

[iv] Ontario, Loi sur l’intégrité des députés, alinéa 34(1)c).

[v] Colombie-Britannique, Members Conflict of Interest Act, alinéa 22(1)e).

[vi] Bureau du Conseil privé, Pour un gouvernement responsable : Guide du ministre et du ministre d’État – 2011, p. 27-28.

[vii] Colombie-Britannique, Members Conflict of Interest Act, para. 19(2).

[viii] Recommandation 2-4, 2012-2013 RAPPORT ANNUEL ayant trait à la LOI SUR LES CONFLITS D’INTÉRÊTS, 11 juin 2013,
http://ciec-ccie.gc.ca/resources/Files/French/Rapports%20publics/Rapports%20annuels/Titulaires%20de%20charge%20publique/2012-2013%20Rapport%20annuel%20-%20Loi.pdf.

[ix] Ibid., Recommandation 2-10.

[x] Ibid., Recommandation 4-8 modifiée.

[xi] Ibid., Recommandation 3-11.