IWFA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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Comité spécial sur la violence faite aux femmes autochtones
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 5 décembre 2013
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonsoir et bienvenue à tous.
J'aimerais commencer officiellement la séance numéro 3 du Comité spécial sur la violence faite aux femmes autochtones en demandant que nous observions une minute de silence en l'honneur des victimes. Ce sera demain l'anniversaire de la tragédie de l'École Polytechnique, alors je crois qu'une minute de silence en l'honneur des victimes de la violence faite aux femmes s'impose. Observons cette minute de silence maintenant.
[On observe une minute de silence.]
Merci.
Pour commencer, j'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui. Nous accueillons Mme Susanne Decock, surintendant, Bureau des services policiers des Autochtones, et Mmes Carole Brazeau et Anita Olsen Harper, du National Aboriginal Circle Against Family Violence.
Nous allons commencer par le surintendant Decock.
Bienvenue.
Bonsoir tout le monde.
Je suis très heureuse d'être ici. Je vous remercie de m'offrir l'occasion de contribuer à la discussion importante que nous allons tenir aujourd'hui et de vous fournir des renseignements provenant de la Police provinciale de l'Ontario, et en particulier du Bureau des services policiers des Autochtones, ainsi que les renseignements concernant le travail que nous faisons pour tenter de régler le problème d'une importance capitale qui fait l'objet des travaux du comité.
Je suis venue témoigner aujourd'hui parce que je me suis vraiment engagée, personnellement et professionnellement, à essayer de comprendre la violence vécue par les femmes, à y trouver une solution et à travailler auprès de nos jeunes — garçons et filles — pour rompre les cycles destructeurs et encourager le choix de modes de vie sains et responsables.
Je suis agente de police depuis plus de 20 ans, et j'occupe actuellement le poste de commandant du Bureau des services policiers des Autochtones de la Police provinciale de l'Ontario. Je suis également membre de la Première Nation d'Alderville et fière de l'être.
Permettez-moi de commencer par dresser le portrait des services policiers en Ontario en quelques observations. En Ontario, les responsabilités policières sont assumées par divers services. La Police provinciale de l'Ontario, 53 services de police municipaux et 9 services de police autochtones autogérés se partagent ces responsabilités dans la province. La Police provinciale de l'Ontario s'occupe surtout des petites régions urbaines et rurales, ainsi que des routes, des cours d'eau, des sentiers et de beaucoup d'endroits isolés de la province.
Je crois savoir que vous avez discuté avec des représentants de l'Association des chefs de police des Premières Nations. En Ontario, les neuf services de police autochtones autogérés s'occupent de 94 collectivités situées dans des réserves, dont bon nombre sont très isolées. Par ailleurs, la Police provinciale de l'Ontario s'occupe de 21 collectivités autochtones et administre les services de police de 20 autres collectivités dans le cadre de l'Entente sur les services policiers des Premières Nations de l'Ontario.
Le Bureau des services policiers des Autochtones a été créé en 2007 et chargé de s'occuper des responsabilités de la Police provinciale de l'Ontario en matière de services policiers des Autochtones ainsi que de représenter les collectivités et les peuples autochtones au sein de l'organisation. Notre rôle global consiste à nous assurer que la Police provinciale de l'Ontario se dote de la capacité d'intervenir adéquatement par rapport aux problèmes qui surviennent chez les Autochtones de la province et qu'elle maintient cette capacité.
Au sein de l'organisation, nous nous concentrons sur l'acquisition de compétences culturelles. Il est essentiel de pouvoir se faire une idée meilleure et plus large des problèmes touchant les Autochtones pour offrir des services policiers adéquats et des mesures de soutien utiles dans les collectivités.
À l'extérieur de l'organisation, nous mettons l'accent sur l'établissement de liens, ainsi que sur la promotion et le soutien à l'égard du bien-être, de la sûreté et de la sécurité des collectivités. Dans ce domaine, les programmes pour les jeunes et les initiatives visant le bien-être de la collectivité occupent une place particulièrement importante dans le travail de notre bureau en tant que moyen de soutenir nos partenaires communautaires, et surtout les jeunes qui peuvent être à risque. Je suis très fière de ce travail que notre unité fait, et j'aimerais revenir là-dessus dans un instant.
Pour ce qui est de l'aide et de la prévention de première ligne au sein de la Police provinciale de l'Ontario, c'est-à-dire des questions sur lesquelles vous m'avez demandé de me concentrer ce soir, il y a plusieurs choses que j'aimerais souligner, notamment la sensibilisation en première ligne; la formation et les mesures de soutien visant à améliorer le travail de prévention et d'enquête; la prévention de la criminalité; la collaboration avec nos partenaires communautaires à l'appui des activités de sensibilisation des collectivités et de la population et des activités de prévention; l'analyse continue des cas de femmes autochtones disparues et assassinées; et les programmes pour les jeunes autochtones.
Notre organisation a vraiment pris un virage important et un très grand engagement, si on veut, envers le volet sensibilisation. Notre unité de formation et de sensibilisation aux Autochtones est au coeur de la formation offerte à la Police provinciale de l'Ontario. Elle contribue à accroître la sensibilité, les connaissances et la compréhension relativement aux problèmes qui se posent et qui ont trait au travail de la Police provinciale de l'Ontario. Cette formation est offerte par l'unité au sein de ma section sous diverses formes. Il y a 18 séances de 5 jours à l'extérieur par année auxquelles prennent part environ 500 agents. Une formation est offerte aux recrues. Toutes les recrues de la Police provinciale de l'Ontario passent du temps avec nos formateurs chargés de les sensibiliser à la culture autochtone. Elles reçoivent presque deux jours de formation, en plus de la formation qu'elles suivent au Collège de police de l'Ontario.
Nous offrons aussi une série de dîners d'information une fois par année à notre quartier général. Nous tenons cinq ou six séances par année pour une centaine de membres du personnel, ce qui est très important, parce que, de cette manière, nous joignons aussi nos employés civils, qui comptent pour une très grande partie de notre organisation.
La formation offerte aux enquêteurs chargés des cas de violence conjugale comporte un volet et une dynamique axés sur la culture autochtone, et elle met vraiment l'accent sur les problèmes propres à de nombreuses collectivités et femmes autochtones. Il y a des coordonnateurs des enquêtes sur les cas de violence conjugale au sein de la Police provinciale de l'Ontario. Ce sont les personnes qui interviennent sur le terrain et qui sont affectées à divers détachements partout dans la province. Ils sont une centaine, et ils jouent un rôle très important par rapport aux enquêtes et à la prévention en première ligne. Ce sont eux qui fournissent la formation continue et le soutien aux agents de première ligne chargés des enquêtes. Ils collaborent avec beaucoup de partenaires communautaires, sensibilisent les gens et se concentrent sur les façons d'améliorer la manière dont nos agents interviennent face à un incident.
La Police provinciale de l'Ontario met toujours l'accent sur l'analyse des dossiers de femmes autochtones disparues et assassinées, depuis les préoccupations soulevées par les conclusions de l'Association des femmes autochtones du Canada. Nous cherchons à comprendre la situation sur le territoire de la Police provinciale de l'Ontario, et, dans la mesure du possible, dans l'ensemble de la province. Nous discutons constamment avec nos partenaires des services de police provinciaux et nationaux dans le but de regrouper les renseignements pertinents et les données d'analyse, d'assurer une coordination et d'échanger de l'information.
Pour ce qui est de ce que nous faisons pour les jeunes, j'aimerais d'abord vous dire à quel point ce travail est utile et à quel point je suis fière de certains des programmes que nous offrons, parce que je crois vraiment que les jeunes sont une priorité. La section de sensibilisation à la culture autochtone de notre bureau s'occupe de ces programmes. Les programmes pour les jeunes et les initiatives visant le bien-être des collectivités sont des éléments importants de nos mesures de soutien des collectivités, et en particulier des jeunes qui peuvent être à risque. Bon nombre de nos initiatives portent sur l'identité et visent à aider les jeunes à connaître leurs racines et à les retrouver. Elles les aident à bâtir leur confiance en soi et leur estime de soi, à être fiers de leur identité et à nouer des liens sains et axés sur le respect — toutes choses qui sont évidemment essentielles à leur bon développement. Il est très important que je mentionne que toutes ces initiatives et tous ces programmes que nous offrons, nous les offrons en partenariat avec les collectivités des Premières Nations, et souvent avec les services de police autochtone locaux, avec d'autres partenaires des services de police et aussi avec des groupes communautaires.
Je vais vous donner rapidement un exemple de programmes que nous offrons. Le programme intitulé Walking the Path est vraiment devenu le fondement de la plupart de nos programmes pour les jeunes. Il s'agit d'un programme de 10 semaines pour les jeunes de la maternelle à la 12e année, et il est offert dans les écoles et dans d'autres contextes communautaires. Il est offert directement aux jeunes et aussi au moyen de la formation d'animateurs.
Le programme Niigan Mosewak est un programme d'intervention auprès des jeunes axé sur la culture. Il s'agit d'un camp d'été d'une semaine pour les jeunes qui sont vulnérables. Il comprend un volet leadership axé sur la création continue de jeunes mentors. C'est un programme important, bien entendu.
Nous menons l'initiative pour les jeunes intitulée Medicine Wheel à Pikangikum, où nous travaillons en collaboration avec les membres de cette Première Nation du nord de l'Ontario. Vous savez probablement qu'il s'agit d'une collectivité qui fait face à de nombreux problèmes systémiques, dont des taux élevés de toxicomanie et de suicides de jeunes. Nous faisons un travail régulier là-bas une fois par mois depuis presque deux ans, et nous avons noué d'excellents partenariats avec des membres et des aînés de la collectivité, ainsi qu'avec le personnel de l'école.
La continuité et la durabilité sont évidemment essentielles au succès de toutes ces initiatives. Comme je l'ai dit, ces initiatives s'appuient sur des partenariats avec les collectivités et avec les écoles, ainsi qu'avec les aînés.
Voilà donc quelques éléments d'information au sujet du Bureau des services policiers des Autochtones, et j'ai parlé de certains des autres programmes que nous menons au sein de la police provinciale de l'Ontario et qui touchent les enquêtes, mais je suis très heureuse de vous avoir donné ce bref aperçu.
Merci beaucoup, c'est très apprécié.
Je crois savoir que vous aimeriez utiliser vos 10 minutes, madame Olsen Harper, et que, ensuite, Mme Brazeau va vous aider à répondre aux questions.
Vous avez 10 minutes. Vous pouvez les utiliser...
Mani nindjinicoz. Kitigan Zibi nin donjiba.
Bonsoir.
Je m'appelle Carole Brazeau. Je représente le National Aboriginal Circle Against Family Violence. Le sigle est NACAFV. Notre mission première est de mettre fin à la violence dans nos collectivités autochtones.
Le NACAFV offre également de la formation aux professionnels de première ligne dévoués des refuges situés dans les réserves et financés par AADNC, surtout, et aussi des maisons de transition de l'ensemble du Canada. En réaction à la violence faite aux femmes autochtones, la présidente du NACAFV, Mme Sheila Swasson, a dit ce qui suit il y a près de 10 ans, et cela demeure vrai:
Le NACAFV est bien conscient de l'énormité du problème; nos travailleurs de première ligne, les femmes qui oeuvrent dans les tranchées, sont habituellement les premières personnes à entrer en contact avec les femmes et les enfants ayant été exposés à certains des cas de violence les plus extrêmes.
En outre, le NACAFV a souligné le fait que le manque d'équité dans le financement des refuges pour les Autochtones contribue aux écarts de qualité et d'accès aux services dans notre pays pour les femmes et les enfants autochtones qui en ont besoin. Aujourd'hui, le NACAFV demande au gouvernement fédéral du Canada de répondre à une demande venant de toutes parts en adoptant une stratégie nationale visant à régler les problèmes liés à la violence faite aux femmes autochtones. Il doit le faire en même temps qu'il corrige le manque d'équité dans le financement des programmes et des services offerts aux femmes et enfants autochtones qui doivent avoir accès aux refuges pour leur propre sécurité.
Le NACAFV est disposé à collaborer avec tous les ordres de gouvernement ainsi qu'avec d'autres organisations dans le but de trouver des stratégies et des solutions efficaces pour mettre fin à la violence faite aux femmes et aux enfants autochtones. Les refuges pour femmes peuvent assumer un rôle important dans la coordination, la conception et la planification des programmes de sensibilisation et de formation à offrir.
En février dernier, à l'occasion de notre forum annuel de formation, j'ai demandé aux travailleurs de première ligne de nous donner des idées de mesures à prendre pour prévenir la violence familiale et les homicides au sein des familles, et les réponses que j'ai obtenues portaient surtout sur la sensibilisation et la prévention.
C'est à ce sujet que l'expertise de Mme Olsen Harper nous est utile.
Je m'appelle Anita Olsen Harper. Je suis une Anishinabe de la Première Nation du lac Seul, dans le nord-ouest de l'Ontario.
Notre déclaration préliminaire concernant les solutions à apporter aux problèmes de l'aide en première ligne et de la prévention de la violence est axée sur les réflexions proactives qui suivent. Celles-ci sont réparties en deux grandes catégories: la sensibilisation et la prévention.
Les enfants, les jeunes, les femmes et les hommes, et les parents doivent être sensibilisés. L'objectif est de rompre les cycles de la violence au sein des ménages et des collectivités. Il est important que les jeunes prennent connaissance de l'étude de l'influence des rôles attribués en fonction du sexe dans la culture occidentale sur la vie des Autochtones. Il n'est jamais trop tôt pour commencer à apprendre ce qui s'est passé: il faut que l'apprentissage commence à la maternelle et ne se termine pas avant la dernière année d'école.
Comprendre comment des rôles ont été attribués en fonction du sexe peut aider les jeunes à reconnaître l'existence d'attentes et de stéréotypes dangereux touchant les hommes et les femmes et à s'en débarrasser. Cela aide à renverser l'idée sexiste selon laquelle il est naturel que les hommes soient favorisés et que les femmes soient soumises, alors que cette idée a été créée et alimentée délibérément.
En outre, ce type d'enseignement aide les élèves à comprendre le régime matriarcal qui a gouverné de nombreuses Premières Nations dans le passé. Une démarche de sensibilisation communautaire et scolaire peut faire intervenir toute la collectivité et surtout cibler les jeunes parents en leur apprenant à participer à la sensibilisation de leurs enfants à la violence. Il faut aussi donner l'exemple aux parents, pour qu'ils le donnent eux-mêmes. Il s'agit d'une démarche d'enseignement intergénérationnelle.
La détérioration de relations qui étaient saines entre les femmes et les hommes et entre les garçons et les filles est largement attribuable aux valeurs et à la place occupée en fonction du sexe dans l'esprit européen. Au sein des vieilles sociétés autochtones, les hommes et les femmes avaient des rôles et des responsabilités différents, mais complémentaires. Ceux-ci étaient fondés sur le respect et sur l'honneur. On enseignait aux enfants et aux jeunes la façon d'occuper leur place et de s'acquitter de leurs responsabilités en vue de permettre à la société de vivre en paix.
Il est essentiel que les jeunes soient sensibilisés à la violence et assument la responsabilité de leurs actes. Une seule personne peut faire entrer la violence dans une maison. Ainsi, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui au sein de la plupart des peuples des Premières Nations, les problèmes sociaux étaient auparavant contrés par des façons de faire et des protocoles précis qui permettaient aux jeunes de réaliser librement leur plein potentiel en tant qu'être humain et que membre actif et productif d'une tribu.
Le sexisme est perpétué par des croyances culturelles au sujet de différences essentielles et sous-jacentes entre les femmes et les hommes et par l'établissement de structures sociales qui viennent appuyer ces croyances. Il est très important de parler de la violence faite aux femmes dans les écoles. Une chercheuse universitaire a affirmé que les recherches qu'elle avait menées sur 20 ans au sujet du harcèlement sexuel entre pairs avaient confirmé que les écoles pourraient bien être le lieu où les jeunes apprennent à se livrer à des actes de violence conjugale, puisque le harcèlement sexuel y est pratiqué et permis.
Ces réflexions sont peut-être trop intenses pour des enfants en très bas âge, mais elles peuvent tout de même servir à cerner les rôles attribués en fonction du sexe dans les médias, que ces enfants connaissent sans aucun doute déjà très bien.
Des programmes de base peuvent être établis dans le but d'examiner les diverses expressions occidentales intégrant l'infériorité et la subjugation des femmes dans les normes culturelles. On peut montrer aux élèves comment détecter ces portraits normatifs. Les valeurs, les idéaux et les incitations suggestives qui ressortent des représentations populaires sexistes visant les enfants et les jeunes devraient être examinés et remis en question avec sérieux. Des instructeurs qualifiés peuvent montrer aux parents comment lancer et approfondir le discours auprès des élèves et les amener à prendre conscience du fait que ces conceptions idéalisées et stéréotypées peuvent facilement mener à l'intimidation et à la violence faite aux femmes et aux filles.
L'enseignement adapté aux Premières Nations au sujet de la discrimination fondée sur le sexe pourrait inclure une étude des catégorisations légales d'un « Indien » aux termes de la Loi sur les Indiens. Les enseignants créatifs et imaginatifs peuvent aider les jeunes, garçons et filles à se situer dans la législation fédérale. Ils peuvent mettre au point un programme d'étude intéressant et interpeller directement les élèves au moyen d'une étude de la place qu'ils occupent dans le Système d'inscription des Indiens. Connaître son identité donne de la force à une personne et l'aide à chercher des moyens adéquats de s'exprimer sans recourir à la violence.
De façon plus générale, les discussions de ce genre peuvent aider les élèves à prendre conscience de la violence inhérente à la Loi sur les Indiens, ainsi que la résilience des Premières Nations face aux efforts d'extermination enchâssés dans cette loi. Le projet de loi C-31 en particulier est un bon sujet d'étude, y compris l'histoire de son élaboration par des femmes à qui se sont opposées activement aux gouvernements et aux organisations nationales autochtones en raison d'une discrimination sexiste internalisée contre elles.
Les protocoles suivis dans les écoles, dans les collectivités et par les parents doivent se compléter pour permettre la lutte la plus efficace possible contre l'intimidation fondée sur le sexe, le harcèlement et les politiques empreintes de violence. Les études montrent que les comportements et les attitudes sexistes font tellement partie de l'éthos des écoles qu'on ne les remarque même plus. Ils sont maintenant normalisés.
En second lieu, il faut mettre en place des programmes de prévention. Nous avons besoin de plus de programmes pour les parents, afin de les aider à exclure la violence de leur ménage. Il faut qu'il y ait des lois strictes en ce qui concerne la violence. La collectivité doit prendre position. Les dirigeants doivent donner l'exemple et prôner un mode de vie exempt de violence. Ils doivent eux-mêmes vivre de façon saine et sans violence pour être en mesure de soutenir les familles de leur collectivité.
Nous avons besoin de plus de programmes pour les garçons, pour les jeunes hommes et pour les hommes. Montrez-leur à créer des milieux sûrs pour le développement des deux sexes, à partir de la salle de classe. Tenez une campagne de prévention de la violence familiale durant une semaine complète, par exemple.
Les programmes de prévention doivent comprendre des activités pratiques incluant des études de cas réels. Ils doivent comporter des ateliers avec des aînés, des dirigeants de la collectivité et des experts dans les domaines de la santé, de la justice et des sports. Expliquez, par exemple, aux gens que la violence familiale a une incidence négative sur la participation aux activités sportives.
Toute la collectivité doit s'entraider, doit venir en aide aux victimes, aux auteurs d'actes de violence, aux jeunes, aux aînés et au personnel des refuges. Au besoin, des cercles de discussion devraient être tenus par des groupes de femmes, de femmes et d'hommes, et de familles. Des rassemblements de femmes pour parler de sujets particuliers seraient aussi utiles. Ce genre d'activités devrait aussi être organisé pour les hommes.
Les membres de la collectivité qui n'ont peut-être pas un profil de leadership particulier au sein de celle-ci, par exemple les jeunes et les aînés — les membres ordinaires de la collectivité — doivent disposer d'occasions de prendre la parole. Tout le monde doit pouvoir prendre conscience de ses désirs et de ses besoins et doit pouvoir les exprimer. Pour que cela soit possible, il faudrait que des intervenants compétents appliquent toutes sortes de techniques de guérison et d'enseignement.
Les gens ont besoin de revenir aux enseignements et aux récits propres à leur culture, en particulier le récit de leurs origines. Ils ont besoin de connaître leurs traditions et de disposer d'assises fortes et résistantes pour les protéger contre les événements négatifs qui vont à coup sûr se produire pendant leur vie.
La prévention inclut des activités de sensibilisation et la connaissance de l'aspect de la sécurité publique.
Enfin, le travail de prévention doit toujours passer par une lutte contre l'oppression systémique, puisque celle-ci est à l'origine de l'oppression interne. L'oppression fait naître la violence: la violence contre les gens les plus vulnérables, c'est-à-dire les femmes et les enfants des collectivités autochtones.
Meegwetch.
Merci beaucoup.
Vous nous avez présenté deux exposés extraordinaires et beaucoup de choses auxquelles réfléchir, alors nous allons passer tout de suite aux questions, en commençant par Mme Mathyssen.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci beaucoup d'être ici et de nous faire profiter de votre expertise. Nous vous en sommes très reconnaissants.
J'ai deux ou trois questions à vous poser. Je vais partager mon temps avec Mme Ashton, alors je vais essayer d'être concise.
Voici la première chose à laquelle je réfléchissais. Il y a trois ans, le Comité permanent de la condition féminine a entrepris de mener des consultations auprès de collectivités de Premières Nations de l'ensemble du pays et d'organisations qui viennent en aide aux femmes, qui s'occupent des femmes. L'une des choses que nous n'avons entendues que trop souvent, c'était que les femmes ne faisaient pas confiance aux services de police. Bien souvent, elles avaient l'impression de ne pas être traitées adéquatement ou équitablement. Dans certains cas, elles avaient été incarcérées. Leurs enfants leur avaient été enlevés.
Ma question est la suivante: comment faire pour rétablir la confiance? Comment faire pour créer une relation positive à cet égard? Faut-il mener une campagne nationale de sensibilisation? Faut il sensibiliser les membres des services de police? Comment devons-nous nous y prendre?
Ma question s'adresse à quiconque voudra bien y répondre.
Merci. Je serais heureuse de répondre à la question.
C'est une très bonne question, évidemment, et une question que nous nous sommes assurément tous souvent posée.
Certaines activités de sensibilisation auprès des policiers que j'ai mentionnées illustrent vraiment notre engagement, en tant qu'organisation, à progresser dans cette voie.
Les services de police de l'ensemble du Canada ont depuis longtemps beaucoup de contacts avec les collectivités des Premières Nations. Évidemment, ces contacts n'ont pas toujours été positifs. Comme je l'ai mentionné, dans notre cas, à la Police provinciale de l'Ontario, nous avons vu l'organisation prendre un vrai virage et un engagement à l'égard de la sensibilisation des agents. Il faut que nous leur fournissions les outils dont ils ont besoin pour appliquer la loi dans les collectivités, et, comme vous le disiez, c'est entièrement une question de confiance.
Une autre chose que notre bureau a, c'est une équipe provinciale de liaison. Il s'agit d'agents de première ligne ayant reçu une formation spéciale visant l'acquisition de compétences en matière de communication et de résolution de conflits. Ces agents sont déployés partout dans la province lorsqu'un incident important survient. Ils passent beaucoup de temps dans les collectivités, à apprendre à connaître les membres de celles-ci. Nous parlons beaucoup de cela, de l'investissement qu'on peut faire en apprenant simplement à connaître sa collectivité. Ces relations sont souvent utiles en période de querelle et de conflits.
Oui. J'estime que c'est important.
Le rôle de la police, c'est de servir et de protéger les gens, je crois. Lorsque des femmes qui se trouvent en situation de violence familiale lui téléphonent, il est important que la police intervienne. C'est un acte criminel qui est posé. Certains directeurs de refuge nous ont dit qu'il y a des collectivités où la police n'intervient pas. Il serait important qu'elle intervienne.
Pour ce qui est de la confiance, bien entendu, c'est justifié. Lorsque j'étais coordonnatrice à la justice et à la sécurité publique et que j'ai travaillé auprès des femmes autochtones du Québec, nous organisions des ateliers pour les agents de police sur la façon d'intervenir auprès des femmes et des enfants autochtones, auprès des victimes de violence familiale ou d'autres types de violence, et, après la formation qu'ils ont suivie avec nous, les agents se sentaient plus à l'aise d'intervenir dans les cas de ce genre.
Je crois donc qu'il pourrait leur être utile de recevoir une formation de la part d'une organisation autochtone.
Je peux peut-être adresser ma question à Mme Harper — et vous pourrez compléter si vous le souhaitez, madame Brazeau.
À la lumière de la discussion et de votre exposé... Je tiens à vous remercier sincèrement des exposés que vous avez présentés. Je veux aussi souligner la grande utilité de l'analyse que vous nous avez présentée. Malheureusement, le comité n'a vraiment pas beaucoup de temps pour aborder une question aussi sérieuse, et votre analyse est unique et très importante par rapport à ce que nous faisons ici.
J'ai présenté une motion visant la mise au point d'un plan d'action national pour mettre fin à la violence faite aux femmes. Le Canada est le seul pays, parmi ceux qui abordent le dossier de la même façon, à ne pas avoir de plan d'action national. Notre motion porte sur les lignes directrices et sur la nécessité de mettre l'accent surtout sur les femmes autochtones et la violence faite aux femmes autochtones.
Je me demandais si vous étiez d'avis que nous avons besoin d'un plan d'action national qui prévoit des mesures de réaction et de prévention et toutes les choses de ce genre en ce qui concerne les femmes autochtones, ainsi que les autres femmes.
Merci de m'avoir posé la question.
Oui, je vois bel et bien la nécessité d'un plan d'action national, d'une stratégie nationale, de quelque chose de proactif et qui tienne compte de l'histoire. La question précédente concernait le manque de confiance. Ce n'est pas un manque de confiance superficiel; il est bien enraciné, il découle de l'histoire. Ces choses doivent être abordées, et il faut que cela soit reconnu dans un plan d'action national. Ce plan doit reconnaître les sentiments qu'entretiennent la plupart des Canadiens à l'égard des Autochtones, et plus précisément à l'égard des femmes et des enfants autochtones. C'est vraiment nécessaire.
Merci, Niki. Meegwetch.
Merci, madame la présidente.
Bienvenue, et merci d'être ici.
Susanne, je pense que vous avez dit quelque chose au sujet des partenariats dans votre déclaration préliminaire, et je voudrais simplement dire à tout le monde que notre gouvernement prend très au sérieux la question de la violence faite aux femmes autochtones et qu'il continue de travailler en partenariat avec les gouvernements provinciaux, les gouvernements territoriaux, les Autochtones et les autres intervenants à la mise au point de solutions efficaces et adéquates. Nous recourons assez souvent aux partenariats.
Je suis également secrétaire parlementaire à la condition féminine, et je peux donc vous dire que nous avons aussi financé d'excellents projets visant à répondre aux besoins des femmes et des filles autochtones. En Colombie-Britannique, par exemple, je pense que c'était autour de 186 000 $. C'était un projet d'une durée de 24 mois visant à répondre aux besoins particuliers des femmes autochtones ayant été victimes de violence, pendant leur transition vers une vie exempte de violence. Au Yukon, c'était environ 265 000 $ pour un projet de 36 mois qui a aidé les femmes autochtones à faire la transition vers une vie sans violence. Nous avons aussi consacré plus de 24 millions de dollars sur deux ans au Programme de prévention de la violence familiale. Cela permet au programme d'atteindre un niveau de financement annuel de plus de 30,4 millions de dollars.
J'aimerais demander à Carole ou à Anita de parler de l'importance de ce financement et de la façon dont leur organisation en a bénéficié.
Certainement. Le financement de base du NACAFV est de 250 000 $ par année. Nous recevons 125 000 $ pour notre forum annuel de formation et notre assemblée générale annuelle, ainsi qu'une formation elle aussi annuelle pour les directeurs de refuge et les maisons de transition.
En quoi cela vous a-t-il aidé? Vous avez précisé les sommes que vous avez reçues pour différents secteurs, mais comment les femmes en ont-elles profité?
Essentiellement, nous lançons, concevons et offrons des programmes et des services adaptés sur le plan culturel et de la formation pour les travailleurs de première ligne des refuges des maisons de transition, et nous avons également publié certains documents. Mme Olsen Harper est l'auteure d'un de ces documents. Il s'intitule Addressing Funding Policy Issues: INAC-Funded Women's Shelters. Vous pouvez le trouver sur notre site Web, et il contient des détails concernant le financement.
Excellent, merci.
Vous pourriez peut-être simplement parler de quelques-uns des programmes qu'offre votre organisation pour lutter contre la violence faite aux femmes et de ceux qui, selon vous, ont le taux de succès le plus élevé. Y en a-t-il un qui fonctionne mieux les autres, peut-être?
Je voudrais simplement souligner le fait que les membres du National Aboriginal Circle Against Family Violence sont surtout les refuges pour femmes dans les réserves, ce qui fait que nous n'offrons nous-mêmes que des programmes financés à même les fonds réservés à l'assemblée générale annuelle. Nous ne dirigeons pas de refuge. Les refuges sont dirigés par les directeurs généraux. Nous sommes une association nationale de refuges pour femmes dans les réserves. Nous jouons en quelque sorte le rôle d'organe de coordination des initiatives de sensibilisation.
Merci.
À Condition féminine Canada, l'un des objectifs poursuivis est d'amener les hommes et les garçons à faire de la sécurité des femmes une priorité et une responsabilité partagée. Une de mes initiatives préférées parmi celles que nous avons menées, c'est Be More than a Bystander, et je crois — corrigez-mois si je me trompe — que vous avez un forum la semaine prochaine.
L'objectif est de faire une place importante aux hommes au sein du National Aboriginal Circle Against Family Violence, ce qui est une excellente idée, je trouve. Vous cherchiez des Autochtones de sexe masculin qui pouvaient servir d'exemples à suivre pour 2013 et 2014. Pouvez-vous me parler de l'importance pour vous d'axer vos efforts sur la sensibilisation des hommes autochtones, c'est-à-dire de les faire participer à la résolution des problèmes auxquels les femmes font face?
Oui, eh bien, le thème de la conférence de cette année a trait au soutien des initiatives de lutte contre la violence menées par des hommes qui sensibilisent les membres des collectivités autochtones. Les hommes nishiiyuu qui ont marché de Mistissini à Chisasibi vont être là eux aussi. Il s'agit simplement de donner l'exemple et c'est surtout de cette façon que nous procédons.
Quel travail allez-vous faire pour arriver à sensibiliser et à mobiliser les hommes et les garçons de façon à promouvoir la sécurité des femmes dans vos collectivités?
Le forum de la semaine prochaine est en fait le premier de ce genre auquel le NACAFV participe et qui est précisément axé sur les hommes et les garçons. Habituellement, nos efforts visent le personnel de première ligne et les directeurs généraux des refuges pour femmes dans les réserves. J'espère vraiment que cela fait partie de quelque chose qui va revenir assez régulièrement, parce que, lorsque nous abordons les problèmes auxquels les femmes font face seulement du point de vue des femmes, nous négligeons l'autre point de vue, celui des hommes et des garçons.
Merci. Je suis d'accord.
Alors je sais ce que vous espérez réaliser à cette conférence, mais comment prévoyez-vous vous y prendre? Comment allez-vous mobiliser les hommes qui ont participé pour qu'ils puissent enseigner quelque chose à leur collectivité ou peut-être à de jeunes garçons?
Ce sont des hommes qui vont diriger la conférence, et c'est aussi ça, l'idée. Notre rôle consiste à soutenir toutes leurs initiatives. Nous sommes là pour les encourager.
Merci encore.
Une chose que d'autres personnes nous ont dite, dont les fonctionnaires, c'est que les données ne sont pas d'aussi bonne qualité qu'elles pourraient l'être. Nous avons entendu dire qu'il y a peut-être en Nouvelle-Zélande une meilleure façon de faire le suivi à l'égard du problème auquel nous nous attaquons.
Ma question s'adresse à tous les témoins. Évidemment, le taux de classement des meurtres semble être préoccupant, mais disposez-vous de données sur les décès attribuables aux partenaires intimes, à un étranger et au commerce du sexe? Comment faire pour régler le problème, si nous ne savons pas à quoi nous avons affaire?
Avons-nous une démarche géographique pour ce qui est du financement fondé sur les besoins? Comment faites-vous pour savoir si ces programmes donnent des résultats? Constatez-vous une diminution de la fréquence de la violence lorsque les programmes sont efficaces? Nous devons certainement connaître des échecs à l'occasion. Est-ce que nous parlons des programmes qui ne fonctionnent pas, de sorte que nous puissions vraiment nous assurer que nous finançons ce qui est efficace?
Je vais simplement vous soumettre ces idées.
Je ne savais pas que vous vous occupez surtout des Premières Nations, parce que les représentants de l'association Pauktuutit et des Métis nous ont dit très clairement qu'il faut une démarche fondée sur certaines distinctions pour aborder adéquatement la question de l'identité culturelle d'une personne et pour faire certaines des choses dont nous savons qu'elles fonctionnent vraiment.
La troisième question à laquelle vous pouvez toutes répondre comme vous le souhaiterez concerne, je crois, le manque de collaboration entre les forces policières qui est certainement perçu par les familles avec lesquelles nous avons parlé. Certaines personnes ont même demandé non seulement un plan d'action national, mais également un groupe de travail qui se pencherait sur la GRC, les services de police provinciaux et les services de police des Autochtones. Comment faire pour démontrer que les gens se parlent et que les enquêtes ont vraiment lieu et sont efficaces?
Je pense que c'est à l'occasion de la table ronde que nous avons tenue le 3 octobre avec des familles qu'un beau-père nous a dit qu'il aurait dû être considéré comme le suspect et que personne ne l'a même interrogé, que les gens n'ont pas l'impression que la question est prise au sérieux et que, dans le cas de certaines de ces femmes disparues et assassinées, on considère simplement que c'était une perte inévitable et c'est à cet égard, je crois que nous constatons le manque de confiance.
Répondez à la question de votre choix.
Vous voudrez peut-être répondre, madame Decock?
Certainement. Merci. Je serais heureuse de commencer.
Je vais parler de la première chose que vous avez abordée, c'est-à-dire la question de l'évaluation, des programmes. C'est assurément une chose qui pose des difficultés. Nous pouvons affirmer que nous pensons que les programmes fonctionnent, ou encore que nous faisons de l'excellent travail, mais comment en être sûrs? La formation que nous offrons au Bureau des services policiers des Autochtones aux agents de nos équipes de liaison provinciale et, ce qui est peut-être plus important encore, les programmes que nous offrons aux jeunes, sont une chose en particulier sur laquelle nous avons travaillé...
Faites-vous le suivi des incidents qui surviennent dans les écoles et ensuite de leur diminution? Comment évaluez-vous ce qui se passe?
L'évaluation dont je parle concerne le programme que nous offrons aux jeunes dans les collectivités. Nous cherchons à établir des partenariats avec des tiers en mesure de nous évaluer, si vous voulez, de sorte que ce ne soit pas nous qui procédions à l'évaluation de nos propres programmes. Nous avons eu des discussions avec des dirigeants des collectivités des Premières Nations. Nous nous adressons à des universités locales.
Pour être franche, je dois vous dire que l'évaluation par une tierce partie a posé des difficultés, mais c'est toujours...
Nous sommes nombreux à penser que nous devons passer de l'évaluation à la recherche appliquée, et que la recherche appliquée exige habituellement une espèce de prêt d'étudiant diplômé de niveau postsecondaire aux organisations communautaires pour déterminer ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas. Je ne pense pas qu'il suffise de constater ce que tout un chacun a pensé d'un programme.
C'est assurément un bon point. Nous avons eu des discussions avec une étudiante diplômée de l'Université York récemment. Elle travaille sur les incidents importants touchant les Autochtones, et sur l'intervention policière en particulier. Elle fait ce travail à l'échelle nationale et nous y avons pris part avec plaisir, et, oui, nous envisageons de conclure des partenariats avec certaines universités, de les amener à examiner nos chiffres concernant les programmes offerts aux jeunes. C'est certainement quelque chose de difficile à mesurer.
Je pense que votre question concernant l'évaluation est tout à fait valable. J'ai fait quelques évaluations, mais j'ai constaté que, dans presque tous les cas, les gens qu'on n'est jamais tenus de consulter sont ceux qui reçoivent les programmes, ce qui me semble être une contradiction évidente.
Il est très difficile de mener des travaux de recherche dans les collectivités autochtones. Le risque est très élevé dans ce domaine. Il faut beaucoup de temps pour suivre un protocole éthique, quel qu'il soit, et il est très difficile d'obtenir le consentement du chef et du conseil ou des autorités sanitaires.
Je suis d'accord pour dire qu'il faut faire davantage de travail dans ce domaine, parce que j'ai constaté que c'est vraiment un point faible, et que, comme vous dites, il y a probablement des choses qu'on répète constamment sans qu'il soit vraiment sûr et clair qu'on aide les gens en les faisant.
Lorsqu'on nous demande des rapports sur les programmes que nous offrons, nous ne sommes même pas sûrs que ces rapports sont lus, sans parler de l'effet des recommandations que nous formulons.
Pour ce qui est du financement fourni aux refuges, nous avons entendu ici et dans le cadre des audiences concernant le projet de loi S-2 qu'il semble ne pas y avoir suffisamment de refuges, et s'il n'y a pas de refuge, il n'y a probablement pas de maison de transition. Chose certaine, il y a matière à préoccupation lorsqu'on entend dire que 70 % des collectivités du Nunavut n'ont pas de refuge.
Si les refuges sont toujours pleins, comment déterminez-vous à quel endroit vous devez investir davantage?
Nous savons que les refuges sont un lieu sûr pour les femmes et les enfants, et nous croyons qu'ils servent à prévenir des homicides au sein des familles lorsqu'une femme se retrouve dans une situation de ce genre; je crois donc qu'il faudrait qu'il y ait beaucoup plus de refuges qu'il y en a à l'heure actuelle. Ceux qui existent sont sous-financés.
Il est également important de rencontrer les membres de la famille des personnes assassinées, qui ont disparu ou qui sont victimes d'homicides au sein de la famille, pour que ces gens sachent que l'AFAC est là pour les soutenir.
Pour être juste, je vais devoir vous interrompre et donner la parole à Mme Brown pour les sept prochaines minutes.
Merci, madame la présidente.
Merci beaucoup, mesdames, de nous faire part de vos réflexions. Je suis contente d'entendre votre témoignage.
Madame Decock, je vais commencer par vous, si vous me le permettez. Vous avez dit appartenir à une bande.
Pouvez-vous nous parler un peu de ce qui vous a amenée à devenir policière, des raisons pour lesquelles vous avez choisi de faire carrière dans ce domaine? Je pense que c'est une vocation.
Je suis membre de la Première Nation d'Alderville. C'est une belle petite localité située sur les berges du lac Rice, en Ontario, à peu près une heure à l'est de Toronto. Oui, dans mon cas, je dirais que c'est une vocation. Je ne sais pas si tout le monde serait d'accord pour dire cela.
Mon père est un membre à la retraite de la Police provinciale de l'Ontario. Il a pris sa retraite il y a 20 ans, et il a été l'un de nos premiers agents autochtones à faire une carrière complète de 30 ans dans la Police provinciale de l'Ontario. Cela m'a certainement beaucoup influencée quand j'étais jeune. Nous avons déménagé à quelques reprises pour nous installer à différents endroits dans la province, mais il a beaucoup parlé de sa jeunesse dans la réserve, de sa famille, des leçons qu'il avait apprises et de l'histoire aussi.
Je dirais certainement que c'était une vocation pour moi, oui. En fait, ma soeur a pensé la même chose, et elle est elle aussi agente dans la Police provinciale de l'Ontario.
Eh bien, merci de vos services. Je suis bénévole auprès de la police régionale de York depuis 13 ans, et j'ai rencontré énormément d'agents pour qui je crois que c'est une vocation que d'offrir les services dont ils s'occupent.
Vous avez parlé un peu de la formation qui a été offerte au sein de la Police provinciale de l'Ontario. Pouvez-vous nous dire combien des agents ont reçu la formation nécessaire pour travailler dans les réserves ou dans nos collectivités autochtones? Est-ce que les gens suivent cette formation par choix, ou est-ce qu'elle fait partie de la formation généralement offerte au sein de la Police provinciale de l'Ontario?
Merci. Il s'agit d'une excellente question.
Je dirai tout d'abord qu'une part considérable de notre formation est à caractère obligatoire. Après la Commission d'enquête sur Ipperwash, nous avons procédé à un examen très sérieux de notre formation. Cela a donné lieu à la création du Bureau, et nous avons cerné quelques mesures concrètes que nous devions prendre afin d'aller de l'avant. Je peux dire, par exemple, que les membres de nos unités spécialisées doivent obligatoirement suivre le cours d'une durée de une semaine. Là encore, cela nous ramène à l'engagement organisationnel. En l'occurrence, ceux qui doivent suivre ce cours sont les membres de notre équipe tactique, les membres des équipes de recherche et sauvetage, les formateurs et les agents du renseignement. En outre, nous mettons l'accent sur tout détachement situé dans une zone où se trouve une population des Premières Nations ou située à proximité d'une telle population. Ainsi, cette formation est obligatoire.
Par ailleurs, le temps que nous passons avec les recrues s'est révélé extrêmement précieux. Nous les rencontrons lorsqu'elles se présentent pour la première fois à l'école de police, et nous les rencontrons également au Collège de police de l'Ontario — en d'autres termes, nous rencontrons chaque recrue de l'Ontario. Et puis, lorsque les recrues de la PPO reviennent à l'école, nous passons de nouveau un certain temps avec elles.
Cette formation comporte des cours sur l'histoire des services de police des Premières Nations en Ontario, sur la culture des Premières Nations de même que sur des questions d'actualité, car s'il est très important d'aborder des questions liées à la culture et à l'histoire — notamment, bien entendu, les pensionnats autochtones —, il faut également aborder des sujets dont les agents entendent parler dans les bulletins d'information et des enjeux actuels. Ainsi, un volet de la formation porte là-dessus.
Nous évaluons continuellement la formation. Nous travaillons en étroite collaboration avec l'école de police provinciale afin d'établir la matière et les objectifs de la formation. En outre, nous consultons constamment les agents et les collectivités des Premières Nations en vue de continuer à offrir le meilleur produit possible.
J'ai fait allusion aux dîners-causeries. Comme la demande est énorme, notre problème à ce chapitre en est un de capacité. Je n'ai malheureusement pas les chiffres sous la main, mais je sais que, même dans le cadre du cours de sensibilisation aux Autochtones dispensé à l'extérieur et d'une durée d'une semaine, dont j'ai parlé plus tôt, nous accueillons environ 500 agents chaque année. Les agents des services de police des Premières Nations, des représentants des municipalités, d'autres partenaires ministériels et des membres des organismes communautaires locaux peuvent également participer à cette formation s'ils le souhaitent et si nous sommes en mesure de les accueillir — nous sommes heureux lorsque ces gens — surtout les chefs des Premières Nations avec lesquels nous collaborons — suivent ce cours, car, bien sûr, leur contribution et leurs commentaires sont les bienvenus, ce qui nous ramène à la question de l'évaluation.
Comment réagissent les membres des collectivités autochtones lorsque la PPO est appelée sur les lieux d'un incident? Vous pourriez également nous indiquer par le fait même si le nombre de fois où elle a été appelée sur les lieux d'un incident a augmenté ou diminué.
Vous avez indiqué que vous collaboriez également avec les groupes de police autochtones. Nous avons accueilli quelques-uns de leurs représentants la semaine dernière. Pourriez-vous nous dire quelques mots à ce sujet?
Bien entendu, la relation varie d'un endroit à l'autre. J'aimerais dire que, pour l'essentiel, nous avons fait des progrès importants et positifs au fil des ans. J'estime que cela est attribuable dans une large mesure aux efforts que nous avons déployés afin d'apprendre à connaître les collectivités et les jeunes qui y vivent. Cela dit, la relation varie d'un endroit à l'autre.
En règle générale, elle est positive. Nous travaillons en très étroite collaboration avec nos partenaires des services de police autochtones. J'ai fait allusion au programme provincial de l'équipe de liaison; ce programme très récent a pour but de permettre à nos agents d'acquérir les outils dont ils ont besoin, par exemple des aptitudes en communication et des compétences liées au mode substitutif de règlement des différends. On parle beaucoup de diversité, plus particulièrement de diversité au sein des collectivités des Premières Nations, mais on oublie parfois que chaque collectivité est unique en son genre.
Ce qui nous facilite beaucoup les choses, c'est la présence de commandants de détachement locaux — des agents qui se trouvent sur le terrain, en première ligne. La relation qu'ils ont établie au fil des ans avec les collectivités locales facilite énormément les choses en temps de crise.
Merci beaucoup.
S'il me reste du temps, cela dépendra de la longueur des réponses —, je céderai une partie de mon temps à Mme Mathyssen pour qu'elle puisse poser une question.
J'aimerais aborder la question des refuges pour femmes. J'aimerais entendre ce que Mme Brazeau et Mme Olsen Harper ont à dire à ce sujet.
Grâce à une étude menée en 2012, nous savons que le taux de violence conjugale à l'endroit des femmes autochtones est au moins deux fois plus élevé qu'il ne l'est au sein de la population générale. Il s'agit d'une statistique grave. Ce dont il est question ici, ce sont de femmes qui ont besoin d'aide.
J'aimerais savoir si vous avez des chiffres ou des renseignements à nous fournir sur l'état de la situation en ce qui a trait au financement des refuges pour femmes dans les réserves, de même que sur la demande relative à l'instauration de refuges ou de maisons d'hébergement dans les collectivités des Premières Nations partout au Canada. Pour l'essentiel, j'aimerais savoir si les femmes autochtones qui vivent dans des réserves partout au Canada ont accès aux services dont elles ont besoin.
Il est très difficile d'obtenir des chiffres concernant le taux de violence familiale dans les collectivités autochtones. Vous avez dit que ce taux était deux fois plus élevé dans les collectivités autochtones qu'il ne l'est dans les autres collectivités du pays, mais je crois qu'il s'agit là d'une statistique très conservatrice. Ce taux n'est-il pas neuf fois plus élevé au Nunavut, par exemple? Ces statistiques sont tout simplement effroyables.
Il n'y a que 44 ou 45 refuges pour femmes situés dans les réserves du pays, et il y a 633 Premières Nations au Canada. J'aimerais pouvoir vous dire que nous avons de moins en moins besoin de refuges, mais, malheureusement, en raison des facteurs dont nous avons parlé plus tôt, par exemple les causes historiques, la culture de domination masculine et la dépendance économique — laquelle constitue la principale raison pour laquelle les femmes restent au sein d'une relation marquée par la violence —, je ne constate absolument aucune amélioration. Toutefois, cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas continuer de fournir davantage d'aide aux femmes, de même qu'aux enfants, qui représentent l'avenir.
Je crois vraiment en une démarche pédagogique. Les gens qui travaillent dans les refuges sont parfaitement à même de mettre en oeuvre une telle démarche, mais ils manquent cruellement de financement à cette fin. Le financement octroyé à certains refuges dans les réserves représente la moitié de celui offert aux refuges pour femmes de la population générale ou financés par le gouvernement provincial. Il s'agit d'un grave problème.
Ai-je répondu à votre question, Niki?
Ma question est liée au rapport que nous allons rédiger.
Quelle est la plus importante recommandation que nous pourrions formuler à l'intention du gouvernement du Canada?
Il s'agirait de recommander que l'on crée une stratégie nationale ou un plan d'action national sur la prévention de la violence à l'endroit des femmes et des filles autochtones.
Merci.
Avez-vous autre chose à dire concernant les recommandations que nous devrions formuler dans le cadre de notre rapport? Est-ce qu'un accroissement du financement serait également important?
Merci.
J'aimerais ajouter que la PPO appuierait tout plan d'action national qui serait élaboré. Je crois que cela pourrait donner lieu à des partenariats et à une certaine forme de collaboration. Bien souvent, de nombreux organismes et partenaires bien intentionnés d'une même collectivité font un travail semblable, et un plan de cette nature pourrait les aider à collaborer.
Vous dites que cela pourrait instaurer une certaine coordination qui rendrait leurs activités plus efficaces qu'elles ne le seraient autrement?
Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins de nous faire part de leur expertise ce soir.
J'aimerais vous dire que je connais bien la Première Nation d'Alderville. Ma famille a possédé pendant de nombreuses années un chalet dans la région du lac Rice, et j'ai vécu d'innombrables bons moments au sein de cette collectivité — je fréquentais son magasin général et j'avais recours à d'autres services qu'elle offrait. J'ai toujours été impressionné par le cénotaphe dédié aux membres de cette collectivité qui ont combattu pendant la Première et la Deuxième Guerres mondiales. Il s'agit d'un véritable hommage aux gens de cette collectivité.
J'aimerais savoir si vous connaissez le Centre national pour les personnes disparues et restes non identifiés, qui a été établi par la GRC. Est-ce que la Police provinciale de l'Ontario a des contacts avec ce centre?
Oui. Notre commandement des enquêtes dispose d'une unité des personnes disparues et des corps non identifiés, qui travaille en étroite collaboration avec ce centre.
Je crois comprendre qu'un manuel sur les pratiques exemplaires en matière d'enquêtes relatives aux personnes disparues a été créé, et que les services de police de toutes les régions du Canada l'utilisent.
D'accord. Si j'ai bien compris, ce centre dispose également d'un registre national des personnes disparues, que tous les policiers peuvent consulter par le truchement du CIPC.
D'accord.
La semaine dernière, nous avons accueilli deux représentants de services de police des Premières Nations. Chacun d'eux était chef de sa Première Nation respective. L'un d'eux était le chef du service de police de la Première Nation de Rama, près d'Orillia, en Ontario.
Je lui ai demandé de me dire s'il connaissait le taux de résolution de cas de disparitions d'Autochtones, et si ce taux était différent de celui que l'on peut observer au sein de la population générale. Connaissez-vous ces taux?
Notre organisation a recueilli des statistiques concernant les femmes autochtones disparues ou assassinées, et je serai heureuse de vous les transmettre. Elles sont tirées de travaux menés à l'interne.
Diriez-vous que le taux de résolution varie selon que le cas concerne une personne vivant dans une réserve ou à l'extérieur d'une réserve?
Nous n'avons malheureusement pas effectué une telle comparaison ni examiné toutes les statistiques liées aux femmes disparues. Je crois que c'est ce que vous vouliez savoir.
Oui. Néanmoins, savez-vous si le taux de résolution des cas de disparition s'est accru ou a diminué au cours des dernières années?
Là encore, en ce qui concerne strictement la PPO, je peux vous dire qu'il s'agit d'une priorité, comme je l'ai mentionné durant mes observations préliminaires, surtout depuis que l'Association des femmes autochtones du Canada a mis la question au premier plan il y a deux ou trois ans et en a fait quelque chose d'incontournable pour tous les services de police.
Nous avons créé au sein de notre organisation un groupe de travail composé de représentants de tous nos partenaires, qu'il s'agisse du Bureau des services policiers des Autochtones, de notre Direction des enquêtes criminelles ou de notre unité du renseignement. Ce groupe comporte des représentants de tous les secteurs pertinents. Nous avons commencé à examiner nos statistiques, et nous nous sommes réellement penchés sur quelques-unes des prochaines mesures que nous devrons prendre à l'interne. Nous avons eu des discussions concernant la collecte de données, par exemple la collecte de données en fonction de l'origine ethnique, type de collecte que nous n'avons jamais effectué. Ainsi, à coup sûr, nous avons discuté de ces choses.
Est-ce que vous faites part aux services de police des Premières Nations de vos pratiques exemplaires en matière d'enquête sur des cas liés à des Autochtones ou des cas de disparition?
Nous travaillons en très étroite collaboration avec les services de police des Premières Nations de l'Ontario. Selon toute vraisemblance, en cas d'homicide ou de disparition dans une collectivité, c'est notre Direction des enquêtes criminelles qui serait appelée à intervenir et à collaborer avec ces services de police.
En ce qui concerne les pratiques exemplaires, je vous dirai que toutes les organisations sont représentées au sein de divers comités provinciaux — relevant de l'Association des chefs de police de l'Ontario — et nationaux relevant de l'Association canadienne des chefs de police. Il se trouve que je suis coprésidente du sous-comité sur les services de police des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Nous discutons souvent de pratiques exemplaires.
Dans ce cas, croyez-vous que ces divers services de police échangent suffisamment de pratiques exemplaires en matière d'enquête sur des cas de disparition et d'homicides? Est-ce que la Police provinciale de l'Ontario et, par exemple, les services de police des Premières Nations de l'Ontario se fournissent réciproquement de la formation?
Oui, tous nos partenaires des services de police des Premières Nations peuvent participer aux formations dispensées par la PPO.
Merci beaucoup.
Je vous remercie une fois de plus tous les trois de nous avoir fait part de votre expertise au cours des 60 dernières minutes. J'espère que le temps est passé aussi vite pour vous que pour nous. Nous vous sommes vraiment très reconnaissants d'être venues sur la Colline parlementaire pour témoigner durant le comité et contribuer à son rapport. Merci infiniment.
Je vais suspendre la séance pendant une minute ou deux pour donner le temps aux prochains témoins de s'installer, et nous reprendrons ensuite nos travaux.
Je vous souhaite la bienvenue à la deuxième heure de la réunion.
Nous sommes très heureux d'accueillir M. Jeffrey Cyr, directeur général, Association nationale des centres d'amitié.
Nous recevons également trois représentants de l'Assemblée des Premières Nations, soit Shawn Atleo, chef national, Cameron Alexis, chef régional de l'Alberta, et Charlene Belleau, ancienne chef de la Première Nation d'Alkali Lake, en Colombie-Britannique.
Bienvenue à tous.
Monsieur Cyr, êtes-vous disposé à ouvrir le bal avec votre exposé de dix minutes?
Je remercie la présidente et les éminents membres du Comité spécial sur la condition féminine de me donner l'occasion de m'adresser à eux à propos d'un sujet très sérieux.
Je tiens tout d'abord à souligner que nous nous trouvons aujourd'hui sur le territoire traditionnel de la nation algonquine.
Je m'appelle Jeff Cyr. Je suis un Métis du Manitoba, et j'occupe les fonctions de directeur général de l'Association nationale des centres d'amitié.
J'aimerais simplement mentionner, pour votre gouverne, que l'Association nationale des centres d'amitié est une organisation autochtone qui regroupe 119 organismes de services établis en milieu urbain et sept associations provinciales et territoriales de toutes les régions du pays.
Notre organisation fournit des services communautaires de première ligne depuis plus de 60 ans au Canada, et elle fait partie du patrimoine social du pays. Les activités que nous menons en ce qui concerne plus particulièrement le sujet de la réunion de ce soir est exclusivement du travail de première ligne, à notre avis.
Le travail qu'effectue le comité spécial est très important pour le mouvement des centres d'amitié. Bon nombre des cas documentés de disparition et de meurtres de femmes autochtones au Canada sont liés à un milieu urbain. En outre, comme ces femmes et ces filles sont des membres de nos collectivités, nous sommes obligés de faire entendre notre voix. Nous sommes obligés de chercher à changer les choses.
Ce dont j'aimerais vraiment vous parler aujourd'hui, c'est de mesures concrètes. Je crois que nous devons mettre l'accent sur les mesures qui permettent de changer concrètement la vie des Autochtones à un échelon sociétal. Le problème des femmes et des filles assassinées, disparues ou violentées est essentiellement un problème canadien. Contrairement à ce qu'on avance souvent, il ne s'agit pas d'un problème spécifiquement autochtone. Les femmes et les filles sont les personnes les plus vulnérables de notre société.
Je soutiens depuis longtemps qu'on ne peut pas régler les problèmes complexes de façon isolée. Ces problèmes ne peuvent pas être réglés par un seul intervenant, qu'il s'agisse de mon organisation, des services de police ou du gouvernement. Pour changer les choses, il faut que nous nous fixions des objectifs communs, que nous prenions des mesures collectives et que nous fassions preuve de leadership. Voilà notre défi.
La base de données créée dans le cadre de l'initiative Soeurs par l'esprit, de l'Association des femmes autochtones du Canada, indique que, jusqu'en 2010, 70 % des cas de disparition et 60 % des cas de meurtres étaient survenus en milieu urbain. l'Association nationale des centres d'amitié estime qu'il s'agit d'un problème sociétal de vaste envergure, et qu'on doit prendre des mesures à tous les échelons pour assurer la sécurité des femmes et des filles autochtones.
Toutes sortes de travaux ont été menés sur cette question complexe, par exemple ceux de l'Association des femmes autochtones du Canada, de l'Enquête publique sur l'administration de la justice et les peuples autochtones, de la Commission royale sur les peuples autochtones et de la commission d'enquête sur les femmes disparues de la Colombie-Britannique. Ces travaux ont révélé que les femmes et les filles autochtones étaient plus sujettes que les autres à être victimes de violence.
En réaction à ces constatations, durant son assemblée générale annuelle de 2009, l'Association nationale des centres d'amitié a adopté une résolution, et l'ensemble de ses membres ont mené une étude sur la pauvreté et l'exclusion sociale. Je vous indiquerai dans quelques instants le lien entre ces sujets et celui dont nous parlons.
Je vais mentionner quelques résultats de cette étude. Selon 94 % — j'ai bien dit 94 % — des répondants, l'exclusion sociale est un problème qui touche nos bénéficiaires. En outre, 58 % des répondants ont affirmé que l'exclusion sociale était l'un des principaux facteurs de pauvreté. Selon l'étude, l'exclusion sociale vécue par les Autochtones en milieu urbain tient à plusieurs facteurs, principalement le racisme, les préjugés, les stéréotypes, le faible degré de scolarisation et d'alphabétisation, la pauvreté et le chômage, l'absence de politiques et de programmes gouvernementaux destinés aux Autochtones vivant en milieu urbain et la réticence des gouvernements à tenir compte des Autochtones vivant dans les villes dans le cadre de leurs politiques.
D'après les centres d'amitié, les principaux enseignements que l'ensemble des gouvernements peuvent tirer de cette étude tiennent à ce que la pauvreté et l'exclusion sociale chez les Autochtones vivant dans les villes canadiennes sont des problèmes très graves qui ont des répercussions sur la vie quotidienne de milliers d'enfants, de jeunes et de mères de familles monoparentales; et que ces répercussions ont des effets dévastateurs sur la santé, l'éducation sociale, le bien-être économique et l'avenir des peuples autochtones en milieu urbain. De surcroît, la pauvreté et l'exclusion sont liés à la violence qui sévit dans nos collectivités.
Les femmes et les filles autochtones font malheureusement partie des personnes les plus vulnérables de la société canadienne. Ceux qui, comme nous, fournissent des services à ces personnes savent que nos collectivités sont en butte à d'importants obstacles et à de graves problèmes systémiques. Nous savons que les traumatismes historiques, l'exclusion sociale et le racisme systémique ne représentent que quelques éléments de la situation dans laquelle se trouvent ces collectivités vulnérables et quelques-uns des obstacles qu'ils doivent surmonter au moment de rechercher la sécurité.
L'ANCA a mené des travaux à ces sujets. Nous avons créé le site Web Nouveaux débuts afin de fournir de l'information directement aux Autochtones, plus particulièrement aux femmes des Premières Nations, qui en ont besoin au moment de faire la transition d'une réserve ou d'une collectivité isolée à une ville. Des milliers d'organisations et d'organismes offrant des services sont mentionnés dans ce site, qui contient également des guides permettant aux femmes, aux étudiants et aux familles de planifier leur transition vers un milieu urbain.
Toutefois, selon nous, ces enjeux exigent des mesures systémiques et un changement à grande échelle. Nous devons insister sur des approches d'intégration à l'action collective. Des approches novatrices et des mesures systémiques à grande échelle sont nécessaires dans les secteurs des services de police, de l'éducation, des services sociaux et de la santé publique, entre autres, afin d'offrir des mesures de soutien efficaces à nos populations les plus vulnérables.
Un exemple de formule prometteuse illustrant comment on peut faire les choses dans nos collectivités est le modèle de réseau créé à Prince Albert, en Saskatchewan, dirigé par le chef de police de la localité. Ce modèle montre comment on peut établir des liens entre les fournisseurs de services dans le but de réduire le taux de criminalité, et il a fait ses preuves. L'emploi d'équipes travaillant sur des cas à court terme composées de membres du personnel de toute une gamme de services à la personne est une façon de reconnaître que la prévention de la violence et de la criminalité est une responsabilité communautaire. Ils ont réussi des choses qu'ils n'auraient pas été possibles sans une approche intégrée. Le succès tenait non pas à l'argent, mais à l'adoption d'une approche intégrée.
Les collectivités autochtones reconnaissent le rôle qu'elles jouent et elles prennent des mesures. Deux programmes particuliers de centres d'amitié abordent la violence faite aux femmes autochtones. D'une part, il y a la Moosehide Campaign. Dans le cadre de cette campagne, les hommes portent un petit carré de cuir d'orignal qui symbolise leur engagement à lutter contre la violence faite aux femmes et aux enfants autochtones. J'en porte un ce soir. Je vais citer mon collègue de la Colombie-Britannique, Paul Lacerte:
Nous devons dénoncer la violence, poser des gestes constructifs et nous soutenir les uns les autres, en tant qu'hommes autochtones, dans notre cheminement vers la guérison.
D'autre part, il y a le programme Taking Care of Each Other's Spirit. Il s'agit d'une campagne lancée par la Fédération des centres d'amitié indiens de l'Ontario pour lutter contre la violence faite aux femmes dans les collectivités autochtones de l'Ontario. Les outils offerts aux collectivités comprennent une feuille de route pour l'établissement d'un plan d'action visant à mettre fin à la violence contre les femmes autochtones ainsi que des ressources à l'intention des femmes autochtones qui sont victimes de violence ou à risque de le devenir.
Je suis entouré de témoins éminents aujourd'hui, alors je veux rester bref et laisser au comité assez de temps pour faire son travail. J'aimerais terminer sur quelques idées concernant la voie à suivre. Premièrement, je crois que nous devons adopter un ensemble d'objectifs partagés aux échelons communautaire, régional et national.
Deuxièmement, nous devons nous défaire de nos perceptions en ce qui concerne nos sphères d'influence et de compétence — par rapport aux villes, aux provinces et aux collectivités — et construire un modèle d'action collective qui donne aux collectivités les outils nécessaires pour prendre des mesures. Le modèle de réseaux de Prince Albert va peut-être mettre en lumière des solutions clés sur la façon de procéder. Le succès tient non pas à l'argent, mais à l'effort.
Enfin, nous devons faire preuve de leadership. Nous devons nous servir de notre force, de notre influence et de notre pouvoir collectifs pour faire bouger les collectivités et les gouvernements et préparer le terrain pour de nouvelles formes de mesures intégrées.
Merci beaucoup.
[Le témoin s'exprime en Nuu-chah-nulth.]
Salutations. Je m'appelle A-in-chut.
[Le témoin s'exprime en Nuu-chah-nulth.]
Je veux joindre ma voix aux autres et reconnaître que nous sommes ici en territoire algonquin non cédé.
Je suis honoré de vous présenter quelques idées en ma qualité de chef national de l'Assemblée des Premières Nations. Comme je l'ai mentionné, je m'appelle A-in-chut — ou Shawn — Atleo.
Mes collègues m'accompagnent ici ce soir.
J'ai avec moi le chef régional pour l'Alberta, Cameron Alexis, qui est responsable du portefeuille national au sein du comité exécutif de l'Assemblée des Premières Nations. Le comité exécutif est composé de représentants des 10 régions, du Pacifique à l'Atlantique en passant par l'Arctique. Il exerce les responsabilités du comité pour les questions de justice, a également été chef de sa collectivité et jouit d'une expérience de plus de 20 ans en tant que policier de la GRC.
Charlene Belleau, ancienne chef de la Première Nation d'Alkali Lake, m'accompagne également.
Merci à la présidente de l'avoir reconnue en tant qu'ancienne chef.
Elle travaille avec l'Assemblée des Premières Nations et, à mon avis, elle a fait preuve d'un des leadership crucial à l'égard des questions que nous devons examiner ce soir, avec le comité, ainsi que dans sa collectivité, en ce qui concerne les enjeux de la sécurité, de la sûreté, de la justice et de la guérison.
Je suis vraiment reconnaissant de l'occasion d'être ici et de contribuer à vos recommandations.
Ce faisant, l'Assemblée des Premières Nations aimerait souligner le leadership dont vous avez fait preuve, Mme Carolyn Bennett, en présentant la motion visant à créer le comité.
Je tiens aussi à reconnaître le soutien qu'ont apporté tous les partis pour faire avancer cette initiative. Nous nous sommes réjouis de la reconstitution du comité, madame la présidente, pour la nouvelle session parlementaire. Je tenais à vous le dire à tous.
Vous avez déjà entendu un certain nombre de témoignages et comprenez bien le contexte et l'historique, alors je vous fais grâce de ces aspects ce soir.
Nous savons que beaucoup de facteurs combinés accroissent la vulnérabilité des femmes et des filles autochtones: des réalités historiques, socioéconomiques et juridiques sont à la source de conditions qui permettent à la violence faite aux femmes et aux filles autochtones de persister. Vous savez aussi qu'il est simplement et tristement vrai que les Autochtones, particulièrement les femmes et les filles, continuent d'être victimes d'un degré de violence inacceptable. Or, la sécurité des femmes et des filles autochtones est essentielle à la santé et au bien-être de toutes nos nations.
Les facteurs à la source du taux de violence actuel sont extrêmement complexes et interreliés, comme je viens de le dire. Ainsi, notre intervention doit aussi être exhaustive et avoir une grande portée.
À l'Assemblée générale annuelle de 2012 de l'Assemblée des Premières Nations, plus de 800 chefs, dirigeants et citoyens ont fait la promesse de « vivre sans violence et de s'efforcer d'assurer la sûreté et la sécurité de tous les Autochtones — femmes et hommes, filles et garçons ». Au Conseil de la fédération de 2012, les premiers ministres provinciaux et territoriaux ont pris cet engagement à titre de rappel, dans leur vie professionnelle et personnelle, de la responsabilité qu'ils ont d'assurer la sécurité des femmes et des filles autochtones.
Depuis, des milliers de citoyens de Premières Nations et de Canadiens ont pris cet engagement. Il s'agit d'une reconnaissance claire du fait que nous sommes tous responsables de mettre fin à la violence et d'assurer la sécurité et la sûreté de tous les citoyens, particulièrement les plus vulnérables.
Le changement commence à l'intérieur de nous tous, et nous avons tous un rôle à jouer. En avril dernier, l'Assemblée des Premières Nations et l'Association des femmes autochtones du Canada ont conjointement tenu un forum national sur la sécurité communautaire et l'élimination de la violence. Nous nous sommes rassemblés pour déterminer les éléments et les mesures clés nécessaires à la prévention, à l'intervention et au soutien continu.
On a défini des mesures précises s'inscrivant dans les grands thèmes suivants: s'attaquer à la violence et au racisme structurel/étatique; reconstruire des collectivités fortes et en santé par le renforcement des capacités et le soutien; multiplier et renforcer les partenariats; et accroître la sensibilisation et la responsabilisation. Nous vous avons transmis le fruit de tout ce travail — le plan d'action national — et je vous encourage à l'intégrer à vos constatations.
En préparation pour cet événement conjoint, nous avons fait le résumé de recommandations issues d'enquêtes et d'études antérieures, et j'ai constaté que, si nous faisions une pile de tous les rapports et de toutes les études liés à des questions de justice et de violence dans les Premières Nations, elle serait plus grande que nous tous. Ce n'est pas la réflexion qui manque. Ce qui nous manque, c'est la responsabilisation et l'action.
En janvier dernier, lorsque j'ai rencontré, avec d'autres, le premier ministre et parlé précisément d'une commission d'enquête nationale sur les femmes disparues et assassinées, il a répondu qu'il n'avait toujours pas vu la preuve qu'une nouvelle commission d'enquête pourrait avoir un impact particulier. Il a plutôt voulu savoir quelle mesure devrait être prise. J'ai entendu depuis ce propos répété par le ministre des Affaires autochtones et du Développement du Nord du Canada.
Je tiens à vous le dire très clairement ce soir. Les familles qui ont perdu un être cher — une mère, une soeur, une fille ou une amie — ne veulent pas davantage d'études qui retarderont la prise de mesures que nous savons nécessaires. L'APN ne dit pas que nous devons rester passifs et ne pas entreprendre les efforts nécessaires pour mettre fin à la violence faite aux femmes et aux filles autochtones. Je veux plutôt que vous sachiez qu'une commission d'enquête publique nationale est essentielle à la responsabilisation et au changement. Qu'est-ce qui nous a empêchés d'aller de l'avant par le passé? Est-ce une question de coût, de la négligence ou est-ce une question de surveillance?
Les enfants, les familles et les collectivités marqués à jamais par la violence méritent des réponses et une responsabilisation pour l'avenir, ainsi qu'un engagement selon lequel nous travaillerons tous à assurer leur sécurité.
Je crois que vous avez un rôle unique et très puissant, et je vous demande instamment de l'utiliser pour obtenir les meilleurs résultats possible. Le changement structurel et la véritable réconciliation dans le pays, après des dizaines d'années sous le régime de lois et de politiques vaines et oppressives, prendront du temps, mais le comité peut recommander des mesures immédiates qui illustrent l'engagement et la volonté politique nécessaires au changement.
Ces mesures englobent la création d'une commission d'enquête publique nationale indépendante sur la violence faite aux femmes et aux filles autochtones, dont l'un des objectifs serait l'élaboration de plans d'action pour s'attaquer à la violence et à ses causes, une commission inclusive qui tient compte du point de vue des femmes et des collectivités autochtones ainsi que des familles de femmes disparues ou assassinées.
Nous demandons un engagement clair et indéfectible à l'égard de l'action, démontré par la création d'un plan d'action publique national. Les collectivités et les organisations autochtones, les provinces et les territoires proposent des stratégies pour mettre fin à la violence, mais, sans l'établissement d'objectifs nationaux explicites et sans effort coordonné, dirigé par le gouvernement fédéral, ces initiatives ne seront pas à la hauteur de l'intervention nécessaire pour prévenir la violence à l'égard des femmes et des filles autochtones et y mettre fin et rendre des comptes aux familles des femmes et des filles disparues ou assassinées.
Troisièmement, il faut immédiatement accroître les investissements touchant les services de première ligne et les refuges dans les réserves et dans les régions rurales, pour que chaque femme et fille des Premières Nations qui est victime de violence ait accès à un soutien immédiat. En outre, on a besoin d'efforts coordonnés visant la prévention chez les jeunes et à l'échelle de la population, avec un volet de services d'approche particulier pour les collectivités éloignées et, comme on l'a mentionné, dans les centres urbains.
Vous avez entendu des représentants de services de police, et notre travail a fait ressortir des recommandations particulières pour ces derniers, qu'il est intéressant de noter ici et dans votre rapport final. Les services de police doivent travailler ensemble pour produire des chiffres vérifiables sur les incidents de violence contre des femmes et des filles autochtones, de sorte qu'on puisse mesurer les progrès. Les services de police des Premières Nations ont besoin de ressources adéquates et durables. Il faut établir des protocoles obligatoires — entre les services de police et au sein de ceux-ci — pour l'échange d'information et l'intervention immédiate et pour la tenue d'une enquête adéquate lorsqu'une personne est déclarée disparue par une famille autochtone.
Pour conclure, la lutte contre la violence faite aux femmes et aux filles autochtones est une responsabilité qui incombe à tous: les particuliers, les représentants élus, les législateurs et la police. Je crois que nous connaissons les solutions. Ce qui est nécessaire maintenant, c'est l'engagement, la volonté et le leadership qui nous permettront de les appliquer.
Merci.
Merci beaucoup.
J'aimerais remercier les témoins d'être venus nous parler de ce sujet très difficile, et je tiens à remercier le chef national et M. Cyr d'avoir fait mention de la quantité de rapports et d'études déjà produits. Les femmes, leurs familles et les organisations autochtones du Pacifique à l'Atlantique en passant par l'Arctique nous le disent: elles veulent certainement voir une commission d'enquête nationale, mais elle veulent aussi voir de l'action.
Nous avons eu l'occasion de regarder le plan d'action national qui a été mis au point. Il s'agit d'un plan d'action très rigoureux. Vous avez mentionné quelques points de ce plan d'action, chef national, et je veux en aborder d'autres.
Parmi les deux éléments que je veux mentionner, premièrement, il y a les subventions pour l'action communautaire locale à l'appui de l'élaboration de plans d'action communautaire.
Monsieur Cyr, je crois que vous avez parlé des plans d'action communautaire en particulier.
Et, deuxièmement, il y a la question de la création d'une campagne publique nationale de sensibilisation et de prévention sur la violence faite aux femmes et aux filles autochtones.
Si vous deviez recommander 3 mesures immédiates clés, quelles seraient vos 3 priorités, sur les quelque 8 ou 10 mesures énumérées à la fin du rapport? Quelles sont vos 3 priorités?
Juste pour être clair, je crois que le plan d'action est absolument parallèle à l'appel à l'établissement d'une commission d'enquête publique nationale, et je crois qu'il faut insister sur ce point, car certains pourraient croire que la commission d'enquête publique nationale ne s'attacherait qu'à ce qui est arrivé au cours de l'histoire, que cela ne concernerait que des choses qui se sont produites dans le passé. Ce dont nous parlons, ce sont les deux ou trois femmes qui disparaissent chaque semaine. À l'instar de bien des organismes, y compris — j'en suis certain — les centres d'amitié, entre autres, nous offrons du soutien aux familles. Pour nous, bien souvent, c'est Charlene qui finit par jouer ce rôle, et elle a peut-être d'autres réflexions à ajouter en réponse à votre question.
Je veux souligner cela dans le cadre de ma réponse à votre question. Je crois qu'il y a une certaine perception selon laquelle ces mesures visent à étudier des événements passés. Or, il est absolument question de ce qui se passe maintenant, et l'objectif est de lever le voile sur la chose, pour que le pays comprenne la profondeur de la crise actuelle, et d'inculquer au pays un sentiment de responsabilité collective à l'égard des événements qui surviennent à l'heure actuelle.
Je sais que cette réponse reste partielle. Peut-être que je pourrais demander à Charlene de parler du reste de ce qui est ressorti du plan d'action et d'aider à mettre en lumière les priorités globales qui s'y rattachent. Elles sont toutes importantes.
Merci, chef national.
Merci de m'avoir invitée ici ce soir. Avant de venir à la séance, je songeais au fait que nous sommes préoccupés par les événements passés, mais le chef national a raison lorsqu'il dit que nous intervenons chaque semaine dans des cas de femmes disparues ou assassinées à l'échelle du pays. Nous recevons régulièrement des rapports de corps policiers. Si je m'en tiens aux 30 derniers jours — pour illustrer le fait qu'il s'agit non pas d'un problème historique, mais d'un problème actuel —, nous sommes intervenus dans au moins deux cas d'homicide: une femme de 21 ans et une femme de 24 ans. Une fille de 17 ans s'est suicidée. Songeons aux causes fondamentales du suicide: y avait-il de la violence? Il y avait une fille de 14 ans. Une autre, âgée de 15 ans, heureusement, a été retrouvée. Une fille — une enfant de 12 ans — a été portée disparue. De ces six personnes, une a été retrouvée. Elles proviennent de différentes régions du pays, seulement pour que vous sachiez que le problème ne se rattache pas à une seule province. Elles proviennent de partout au pays.
Deux personnes de sexe masculin, un adolescent de 16 ans et un homme de 21 ans, ont aussi été assassinées. Je les inclus, car, selon moi, nos hommes souffrent aussi.
Cela vous donne une idée des cas actuels. Ils datent de 30 jours, tout au plus, alors il ne s'agit pas d'événements survenus il y a 10 ou 15 ans. Nous en avons aussi. Il est important pour moi de souligner ce qui est si révoltant et choquant. Ces femmes meurent à un très jeune âge et d'une façon très, très violente. Dans la plupart des cas, les auteurs présumés de ces crimes sont toujours en liberté, car la police n'a pas réussi à élucider ces affaires, alors les familles continuent à vivre le traumatisme d'avoir perdu leur fille. Des enfants se retrouvent sans mère. Dans l'affaire Pickton seulement, 77 enfants ont perdu leur mère. Alors, l'impact est énorme dans diverses administrations, je crois, lorsqu'on songe à la perte d'une mère et aux répercussions sur l'enfant. Je crois qu'il y a beaucoup à dire sur les événements actuels, mais, même à la lumière de l'instantané que j'ai présenté — selon lequel, en 30 jours, autant de femmes pouvaient être assassinées, autant de femmes et d'enfants pouvaient disparaître —, on voit que nos collectivités sont en crise et ont besoin de la commission d'enquête.
Je crois que c'est tout ce que j'aimerais dire pour l'instant, à moins qu'il y ait autre chose à ajouter.
Merci de votre réponse, madame Belleau.
Je crois qu'il importe de rappeler aux gens qu'il s'agit non pas d'un phénomène historique, mais d'une réalité courante. Mme Olsen Harper et Mme Brazeau sont venues témoigner, durant l'heure précédente, et elles ont déclaré que, lorsqu'il est question de la violence faite aux femmes et aux filles autochtones, les cas sont probablement sous-déclarés, et qu'il y en a probablement beaucoup plus que ce qui est signalé. Estimez-vous que cela reflète aussi votre expérience?
Je viens d'une collectivité où nous avons vécu au moins 30 années de sobriété, et nous savons que l'alcoolisme et la toxicomanie sont seulement des symptômes de problèmes plus profonds. Nous devions remonter aux causes qui expliquaient pourquoi nos gens ont même commencé à consommer de la drogue et de l'alcool.
Au cours des 30 dernières années, nous avons eu l'occasion de mettre sur pied des programmes communautaires nous permettant de créer un espace sécuritaire pour réagir à la violence faite aux femmes, à la violence sexuelle survenue dans les pensionnats indiens et au mal que nous nous sommes fait les uns aux autres — la violence sexuelle et l'inceste — dans nos collectivités. Nous avons pris ces mesures avec le concours des services de police, avec le soutien inconditionnel du procureur de la Couronne et des juges. Et, à la lumière de cette expérience, nous savons que, pour une victime donnée, il y a de 20 à 30 délinquants. Pour un délinquant donné, il y a de 20 à 30 victimes. Alors, tôt ou tard, toute la collectivité est concernée.
Quant au processus de guérison que nous avons établi dans notre collectivité pour surmonter ces agressions et cette violence... Si nous voulons réussir le travail qui doit être mené au chapitre de la violence faite aux femmes, certes, il faut commencer dans nos propres collectivités, mais il faut aussi travailler en étroite collaboration avec les différentes administrations provinciales et fédérales. En même temps, il est certain que nous avons besoin de la commission d'enquête pour pouvoir découvrir et connaître toute l'ampleur de ce qui arrive à nos femmes et à nos enfants dans nos collectivités, pas seulement dans une région, mais partout au pays. Les cas que je viens de mentionner — même ceux des 30 derniers jours — proviennent de toutes les provinces au pays. C'est vaste.
Merci.
Merci beaucoup. Nous vous sommes reconnaissants de nous avoir fait part de vos commentaires.
La parole est à vous, monsieur Strahl.
Merci, madame la présidente.
Merci aux témoins d'être venus nous parler aujourd'hui. Nous étudions une question difficile.
Je pense à un résident de ma circonscription, Ernie Crey, aîné Stó:lo qui a perdu sa soeur en Colombie-Britannique. L'affaire a été hautement médiatisée. C'est l'un des cas qui ont mené à la création de la Commission d'enquête de la Colombie-Britannique sur les femmes disparues.
En tant que Britanno-Colombiens, nous avons peut-être suivi cette commission d'enquête d'un peu plus près que les autres. C'était toujours aux nouvelles. Le commissaire a beaucoup fait parler de lui. Selon mon souvenir, la commission s'est lentement désintégrée. Certaines personnes ne voulaient pas y participer, certains groupes n'y ont pas participé, et d'autres ont déclaré, à mi-chemin, qu'ils trouvaient le processus insatisfaisant. Ce n'est pas vraiment ce qu'on attendrait d'une commission d'enquête. On entretenait de grands espoirs à son égard. Elle a formulé ses recommandations, il y a de cela presque un an jour pour jour, et je ne crois pas que quiconque se soit engagé sur le chemin de la réconciliation ou de la mise en oeuvre des solutions. Vous avez dit: « Nous savons quelles sont les solutions », et peut-être que l'étude de la commission a révélé des solutions.
Chef national, je vous le demande, en votre qualité de Britanno-Colombien, qu'avez-vous retenu de cette commission d'enquête? Quelles leçons en ont été tirées? J'ignore si quelqu'un, en regardant ce processus, dirait: « C'est une chose que nous devons reproduire à l'échelle nationale. »
Je vous remercie, monsieur Strahl, non seulement en tant que Britanno-Colombien, mais aussi parce que j'ai de proches parents dont les restes ont été retrouvés sur cette ferme, et j'ai souvent dû aider des membres de ma famille à chercher dans le Downtown Eastside des membres de ma collectivité qui manquaient à l'appel.
M. Cyr a énoncé toute la gamme de raisons que j'ai décidé de ne pas aborder ce soir, car je crois que le comité ne les connaît que trop bien. Il faut comprendre pourquoi il est difficile pour les gens des Premières Nations de faire confiance aux systèmes qui sont censés les servir — que ce soit la police ou le gouvernement —, le genre d'expériences que nous avons vécues et celle qui se rattache à la commission d'enquête provinciale. Selon moi, la première étape est de reconnaître que nous soutenons l'amorce d'un tel processus à l'échelle nationale, qu'une telle intervention d'envergure nationale s'impose et, à notre avis, qu'un leadership national solide est nécessaire.
Le Parlement a reconnu cela et a renouvelé le mandat du comité, ce qui, à bien des égards, a suscité une réaction favorable, mais cela témoigne également du fait que le problème est majeur et requiert une attention nationale et un leadership national.
La question posée plus tôt au sujet des trois ou quatre choses est extrêmement difficile. La commission d'enquête publique vise la mobilisation à l'échelle nationale: il faut qu'on insiste sur la responsabilisation et qu'on mène l'enquête en tenant compte, à certains égards, d'autres commissions d'enquête dont le travail a été perçu comme insatisfaisant.
Les peuples autochtones du pays ont l'habitude de travailler en partenariat avec le gouvernement fédéral. Nous avons tout lieu d'apprendre des bonnes expériences ainsi que des expériences qui n'ont pas été à la hauteur de nos attentes.
Dans une certaine mesure, j'ai participé à la démarche dans le cadre de mon ancien rôle de chef régional pour la Colombie-Britannique. Je crois que l'ampleur de la participation est un aspect duquel nous pourrions apprendre; la participation active des familles directement touchées, le fait qu'elles nous aident à concevoir une approche qui semble juste, qui nous donne l'impression que nous pouvons avoir ces conversations au pays en toute confiance et qu'un déséquilibre dans les rapports de force ne se fera jamais sentir dans le déroulement du travail.
Si tout est bien établi à l'avance, alors je crois qu'on a de bien meilleures chances de réussir ce partage de la responsabilité, car c'est là le thème récurrent des témoignages que vous avez entendus ici ce soir: un sentiment de responsabilité partagée. Je crois qu'il y a des choses que nous pouvons examiner; pas seulement la commission d'enquête en Colombie-Britannique, d'autres commissions d'enquête. Nous pouvons apprendre de ces expériences.
De toute évidence, le contexte ici est fondamentalement différent. Nous finissons par travailler dans toutes les régions du pays. Pour revenir à la dernière question, je crois que le comité a l'occasion de lancer un appel à la création d'une commission d'enquête publique nationale en bonne et due forme.
Mais la première chose, sur la courte liste de trois, est de soutenir l'élaboration d'un plan d'action publique national, où les collectivités autochtones et différentes organisations se rassemblent pour établir des objectifs nationaux que le comité juge nécessaires à l'heure actuelle, afin de passer à l'action à ce chapitre et de soutenir l'établissement d'un plan d'action national qui rassemble les différentes voix.
Deuxièmement, il faut intervenir immédiatement à l'égard des besoins de refuges. Je crois que Charlene y a fait allusion à certains égards: le fait que toutes les femmes et toutes les filles doivent pouvoir accéder à des services. À l'heure actuelle, ce n'est pas le cas. Je me joins à ceux qui demandent ces services dans le programme urbain, mais j'insisterais sur un volet rural.
Troisièmement, pour équilibrer les choses, nous avons besoin d'efforts coordonnés visant la prévention. Charlene a parlé de ces situations, des choses qui se produisent dans une famille et accroissent sa vulnérabilité. Elle a de l'expérience, comme beaucoup de gens, dans le soutien du travail de guérison qui a lieu dans les collectivités.
Je comprends la question, et on perçoit une certaine réticence, du fait que ce qui est arrivé dans une administration ne s'applique pas à l'échelle nationale. Or, elles s'appliquent tout à fait à l'échelle nationale. Nous demandons au comité de lancer un appel à la création d'une commission d'enquête publique nationale en bonne et due forme.
Merci beaucoup.
Merci à tous.
Tout d'abord, félicitations pour la conférence tenue à Edmonton en avril. J'ai trouvé cela très, très important. Je crois que toutes les voix se sont unies vers un objectif commun.
Depuis, le plan d'action, « Mise à jour de l'ébauche — pour discussion et commentaires », qui a été distribué à tous les membres du comité, je crois, a été publié en juin 2013. Pouvez-vous seulement me dire ce que vous avez accompli depuis la publication de l'ébauche? Y a-t-il du travail en cours? Si je regarde les 10 points auxquels s'est reportée ma collègue concernant la mise en oeuvre directe, beaucoup de choses s'appliquent très précisément aux Premières Nations. À quel point sommes-nous près d'un plan d'action si nous...
Il semble que vous ayez fait beaucoup de travail, comme bien d'autres. Mais, vu les particularités du contexte urbain et des centres d'amitié, des femmes autochtones et, bien entendu, des rôles chez les Inuits, comment arriverez-vous à regrouper tout ça dans un plan d'action national qui permettrait de simplement passer aux choses dont vous avez parlé ici?
Premièrement, il y a du travail en cours sur le cadre. Une résolution a été adoptée à l'occasion de notre assemblée générale annuelle l'été dernier.
Pour être clair, en réponse à la question que Jean Crowder a posée plus tôt au sujet des trois mesures clés que je choisirais, on en a essentiellement retenu quatre... L'appel à la création d'une commission d'enquête publique. La première des trois est de demander au comité de lancer un appel à l'élaboration d'un plan d'action national coordonné.
Nous — l'Assemblée des Premières Nations — avons fait ce travail. Nous avons travaillé avec l'Association des femmes autochtones du Canada. Il y a beaucoup d'autres participants, toutefois. Vous venez d'entendre le représentant des centres d'amitié. Comme vous l'avez à juste titre mentionné, les Métis et les Inuits, et bien d'autres, des organisations populaires, notamment, y compris celles à vocation politique, à l'échelon régional ou autre, sont préoccupés par cette question et travaillent sur ce dossier.
Je crois que la première étape est de discuter de la façon dont le comité peut lancer un appel à la recommandation d'adopter des objectifs nationaux, des buts nationaux, ainsi que les plans sur lesquels nous avons travaillé.
En particulier, peut-être que le chef régional aimerait parler de cette séance qu'on a tenue. Comme il est responsable du portefeuille, cela relevait de lui.
Peut-être que, si la présidente n'y voit pas d'objection, je pourrais demander au chef régional de prendre le relais sur cette question.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci beaucoup, mesdames et messieurs. Je serai très bref, je sais que nous avons peu de temps.
En ma qualité d'ancien policier, j'ai coprésidé le forum, et le forum s'est révélé un excellent exercice, car nous avons permis à toutes les personnes touchées de parler ouvertement de leurs expériences passées, actuelles et permanentes. Il a été très difficile d'écouter beaucoup des témoignages.
Je suis d'accord avec le chef national lorsqu'il dit que la commission d'enquête, la prise de mesures et les programmes doivent commencer immédiatement. Il faut passer à l'action, car ces choses arrivent à l'heure où on se parle. Il faut des programmes inclusifs de façon concertée. Autrement dit, les Autochtones devraient être entièrement intégrés et consultés au sujet de ce qui se passe, à partir de la collectivité jusqu'aux centres urbains ou aux municipalités.
En tant qu'ancien policier, je peux vous dire qu'il y a beaucoup de travail à faire, et le mot « racisme » fera surface, car je l'ai observé. J'ai travaillé en Colombie-Britannique. Plus précisément, j'ai travaillé à Chilliwack. Je crois que c'est de là que vient M. Strahl. Il y a environ 15 Premières Nations situées dans la vallée. Bien souvent, on ne peut même pas distinguer les nations et les municipalités.
Il y a peut-être des querelles de territoire entre les services de police qui doivent tous unir leurs efforts.
Mon aîné — qui est un ancien chef et mon oncle — m'a souvent rappelé que les Premières Nations, les peuples autochtones n'ont plus besoin d'études: nous avons besoin de passer à l'action. Nous avons besoin de programmes. Je vais aussi répéter ceci, car je l'ai entendu à plusieurs reprises maintenant: il s'agit d'un problème canadien. Le problème n'appartient pas seulement aux Premières Nations ou aux Autochtones. C'est la responsabilité du pays, car nous sommes tous concernés. Il n'y a pas de cloisonnement, pas de territoire au chapitre des programmes. C'est englobant: l'éducation, la santé, la justice et les services de police. Nous sommes tous touchés et nous devons nous attaquer ensemble au problème pour l'avenir du pays. Selon mes observations, le pays est toujours en développement, et nous devons l'aider collectivement à se développer.
Sur ce, isniyés. Dans ma langue, cela veut dire « merci ». [Le témoin s'exprime dans une langue autochtone.] signifie « bien », « bon travail ». J'espère que votre travail portera des fruits.
Merci.
Je vais ajouter brièvement quelques commentaires.
Je souscris entièrement aux commentaires du chef national et du chef Cameron sur la responsabilité partagée et la nature fondamentalement canadienne du problème, que nous avons collectivement créé au fil du temps et que nous pouvons collectivement régler au fil du temps. Il faut une action concertée. Il faut un leadership concerté des intervenants de ce côté-ci et de votre côté de la table.
Il est effectivement nécessaire de passer immédiatement à l'action, et je demanderais au comité de partir le bal. Il me semble que votre mandat vous permet d'aborder la question à l'échelle nationale. Il y a assez d'expertise. Assez de gens savent ce qui se passe.
Je ne crois pas que les solutions soient difficiles à réaliser, mais j'insisterais vraiment sur un exercice d'établissement d'objectifs nationaux collectifs sous une forme ou une autre. Je suis heureux de travailler avec l'APN sur son plan d'action afin visant à établir des objectifs pour les centres urbains — nous sommes presque toujours d'accord sur ces objectifs et sur la façon de les réaliser — et d'offrir le soutien inconditionnel de mon organisation, à l'échelle du pays, pour contribuer à la réalisation de ces objectifs.
Je crois qu'il faudra donner aux collectivités les bons outils à l'échelon local, et cela peut venir de l'échelon national.
Merci, madame la présidente.
Je crois que, chacun de nous, en venant assister à ces séances, réfléchit aux raisons d'être ici. Je tiens à souligner que c'est aujourd'hui le premier anniversaire du tragique meurtre de CJ Fowler, adolescente de 16 ans, à Kamloops.
Ce meurtre n'a toujours pas été résolu. Je regarde dans le journal d'aujourd'hui les photos de cette fille ravissante portant un kangourou rose, et je sais qu'elle a connu une mort très violente. Je crois que nous voulons tous de tout du coeur travailler à trouver des solutions, et à en arriver aux solutions qui nous permettront d'atteindre nos objectifs. C'est arrivé le 5 décembre, il y a un an, alors c'est une journée difficile particulièrement pour sa famille. On regarde les photos, et c'est tout à fait tragique.
Cela m'amène pas parler du fait que l'événement a eu lieu en milieu urbain. Il s'agissait d'une fille d'une collectivité éloignée en visite. M. Cyr a déclaré que beaucoup de ces tragédies surviennent en milieu urbain. L'une des choses que j'ai remarquées des centres d'amitié, c'est leur capacité incroyable de faire tant de choses avec si peu. Certes, c'est ce que je me dis lorsque je vois tout ce qu'accomplit le centre d'amitié de Kamloops.
En votre qualité de représentant des centres d'amitié, en tant que responsable, quel est le rôle que vous envisagez pour vos organisations dans la lutte contre ce problème? Vous avez parlé plus tôt des différents échelons — l'échelon national et l'échelon communautaire — à partir desquels nous devons intervenir. Pouvez-vous nous parler un peu de votre organisation à ces différents échelons?
Bien sûr. Je tenterai d'être bref, compte tenu du temps qu'il reste.
Les centres d'amitié, à l'instar des Premières Nations, fonctionnent aux trois échelons: il y a un organe national, des organes régionaux et des organes communautaires. Ce sont les collectivités qui créent les centres d'amitié. Nous ne les créons pas. Ce sont les collectivités où ils se trouvent qui les créent.
À l'échelon national, je peux participer avec mes collègues ici présents et avec vous à Ottawa, et avec des intervenants de partout dans le pays, à l'établissement d'objectifs nationaux et aborder les enjeux dont nous avons discuté plus tôt, mais je crois que la véritable action — la réelle interaction — va se passer à l'échelon communautaire. C'est là que se situent le coeur et l'esprit des centres d'amitié. Ils sont dans les collectivités.
Ils ont des partenaires. Ils connaissent les joueurs communautaires. Ils savent qui sont les personnes vulnérables et comment les aider. Il s'agit d'une interaction entre les forces policières, les services sociaux, d'autres organisations de services à la personne et les services d'éducation, comme vous l'a dit le groupe de témoins précédent. Ils doivent tous unir leurs efforts collectivement, et c'est pourquoi j'ai décrit le modèle de réseau de Prince Albert comme une approche collective axée sur le lieu où des interventions et sur la façon dont les gens peuvent travailler ensemble.
Nos organisations peuvent avoir un impact et une influence à chaque échelon, mais le véritable changement aura lieu lorsque les collectivités auront les outils pour intervenir. Or, ce sont les gouvernements national et provinciaux qui procurent ces outils aux collectivités.
Madame Belleau, nous avons parlé de refuges dans les régions rurales et éloignées. J'ai évolué dans le domaine des soins de santé, et j'ai travaillé dans des collectivités rurales et éloignées. Nous avons toujours eu de la difficulté avec le concept des refuges. En milieu urbain, on prend beaucoup de précautions pour protéger l'anonymat, même dans les petites collectivités de 90 000 habitants. J'ai toujours été préoccupée par les refuges et leur rôle dans les petites collectivités — où, bien sûr, tout le monde sait où sont les refuges —, et par les mesures de protection nécessaires.
Pouvez-vous parler un peu de cet aspect? J'ai vraiment du mal à imaginer que ces mesures sont des modèles de soutien efficaces. Peut-être que vous pourriez m'expliquer pourquoi ces modèles de soutien fonctionnent dans les collectivités éloignées.
Bien. Merci.
J'aimerais demander d'abord au chef national de réagir au sujet de CJ Fowler, puis je donnerai une réponse à la question sur les refuges en milieu urbain et dans des collectivités des Premières Nations.
Nous savons qu'une cérémonie sera tenue avec la famille ce soir. Charlene et moi-même avons rencontré la famille à l'endroit d'où elle vient, dans la région de Gitanmaax, juste aux abords de Terrace. C'est pourquoi cet effort doit absolument être coordonné: la circulation fluide des gens de nos peuples entre les collectivités, du milieu urbain au milieu rural, et vice-versa.
Ils nous ont demandé il y a un an de venir. Mes pensées vont à Matilda et à Glen, qui prendront part à cette cérémonie pour CJ, leur fille, aujourd'hui disparue. Nous les avons accompagnés le jour où ils sont allés identifier le corps. Cela fait un an aujourd'hui.
La multitude incroyable de difficultés auxquelles ces gens font face, dont l'extrême pauvreté, les problèmes liés à la protection de l'enfance, à l'éducation, où nous déployons tous les efforts possibles pour provoquer des transformations, des changements et des améliorations et la coordination entre les administrations concernant des choses comme les services de police et — oui — même les efforts pour que les coroners comprennent et reconnaissent les énormes défis auxquels font face les Premières Nations et leur offrent du soutien, c'est la gamme complète.
C'est là où nous en sommes, et c'est là où en sont nos organisations. À ce chapitre, c'est Charlene en particulier que je tiens en si haute estime, car c'est souvent elle qui assure le premier contact avec ces familles en notre nom. Car les structures ne sont pas toujours là. L'Association des femmes autochtones et bien d'autres intervenants font tout ce qu'ils peuvent. C'est pourquoi nous ne saurions trop insister pour que vous compreniez la possibilité que vous avez de vous attaquer avec le plus de vigueur... Dans le respect, bien sûr, mais avec le plus de vigueur possible, en sachant qu'il y a encore une famille qui, à l'occasion d'une cérémonie ce soir, revivra les événements survenus il y a un an.
Ce n'est là qu'une expérience parmi tant d'autres à partir de laquelle nous pouvons apprendre; et c'est pour nous une raison de plus de tenir à vous voir envisager une initiative aussi vigoureuse et à vous encourager à le faire.
Nous voulions honorer la mémoire de CJ. Nous étions dans la pièce avec ses parents à ce moment-là. Nous savons qu'ils assistent à une cérémonie, et nous savons que, si l'occasion se présentait ce soir, ils voulaient que nous en parlions. Vous avez abordé le sujet. Je tiens à vous exprimer ma gratitude pour cela.
Nous parlons de vrais gens aux quatre coins du pays, et il ne fait aucun doute que c'est une question qui suscite beaucoup d'émotions, alors nous nous émouvons. Il ne s'agit pas simplement d'une conversation intellectuelle, et le sujet devrait être émouvant pour tout le pays, lorsque nous disons que nous avons une obligation partagée... Alors, passons à l'élaboration de ces plans d'action qui englobent des questions comme les refuges. J'étais hier au Centre canadien de protection de l'enfance. J'ai été très ému, impressionné et enthousiasmé par le travail qu'on y fait pour les enfants dans les familles et dans les collectivités à l'heure actuelle. Je veux nous voir passer immédiatement à l'étape où nous parlons de la protection des familles et des enfants. C'est le rôle de leadership que vous pouvez jouer.
En ce qui concerne la question particulière des refuges, Charlene...
Je vais vous interrompre un instant, car le temps accordé à Mme McLeod est dépassé depuis longtemps.
Je vous signale, madame Ashton, qu'il reste environ deux minutes à la séance, alors allez-y, s'il vous plaît.
Rapidement, je tiens à vous exprimer ma vive reconnaissance et à vous remercier d'avoir témoigné avec tant d'émotion au nom des familles.
Hier soir, j'ai appris qu'une jeune femme — Robin Anne Redhead, âgée de 19 ans, membre de la Première Nation de Shamattawa, l'une des Premières Nations les plus pauvres au Manitoba — a été portée disparue dans ma ville natale de Thompson. Je pense à sa famille et à la collectivité qui souffre. Dans un centre urbain où nous avons du mal à offrir collectivement le soutien pour essayer de trouver pour cette famille... Chacune de nos collectivités est touchée, et nous partageons votre douleur.
Chef national, j'aimerais vous demander de nous faire part de quelques dernières idées avant que le temps soit écoulé. Merci.
Mes deux collègues étaient en train de parler de la question des refuges, de l'impression que les services en place ne sont pas suffisants et de la nécessité que ce soient les collectivités qui conçoivent les approches pour qu'elles fonctionnent. Nous avons besoin d'un plan d'action qui est le fruit d'une mûre réflexion d'une part, et qui repose sur l'apport de personnes sur le terrain qui possèdent les meilleures connaissances, d'autre part, afin de favoriser la sûreté et la sécurité des personnes les plus vulnérables dans toute société.
C'est sur une telle base que nous devrions réfléchir à notre pays. Le fait est qu'il s'agit d'une réalité absolue. Il s'agit d'une crise humanitaire, comme l'ont déclaré des groupes comme Amnesty. Le rapporteur spécial de l'ONU sur les droits des populations autochtones, dans le cadre de ses réflexions après avoir passé un bon moment à parler aux collectivités d'un bout à l'autre du pays, a lancé un appel à l'établissement d'une commission d'enquête publique nationale en bonne et due forme.
Certes, cela se rattache à tout l'éventail de difficultés auxquelles nous faisons face, que ce soit la reconnaissance de nos traités... Nous reconnaissons aussi qu'il y a un an que le mouvement Idle No More a vraiment suscité l'attention du pays. Des membres des Premières Nations — vivant dans des réserves ou hors réserve, inscrits ou non —, des Inuits et des Métis se sont serrés les coudes, avec d'autres Canadiens qui se sont joints à nous pour dire qu'il faut que ça change.
Il y a une mobilisation sans précédent dans nos peuples, partout au pays. Nous constatons une mobilisation sans précédent chez les jeunes, et ils sont extrêmement inspirants. Ils veulent nous voir bâtir un meilleur présent et un meilleur avenir.
En effet, le mouvement Idle No More était largement dirigé par des jeunes.
Dans les années 1960 et 1970, nous avions seulement une dizaine de personnes ayant fait des études postsecondaires. Maintenant, nous comptons 30 000 Autochtones instruits ayant fait des études postsecondaires.
Je crois réellement que le Canada commence... Grâce au bon travail de la Commission de vérité et réconciliation, et le travail se poursuivra pendant encore un an.
Nous avons entendu Mme Bernice King, fille du regretté Martin Luther King, lorsqu'elle a prononcé un discours à l'occasion du rassemblement de 70 000 personnes marchant à Vancouver, en toute solidarité, avec des survivants des pensionnats indiens, pour demander instamment au pays de comprendre que c'en est fini des voeux pieux: on veut mieux!
C'est une époque où, à mon avis, comme je l'ai dit au début, votre comité a d'énormes responsabilités et possibilités d'aller au coeur de ce dossier, de dire au Canada: « Nous allons être ouverts et responsables. » Nous sommes un pays industrialisé, officiellement le troisième parmi les pays les plus riches au monde, et nous vivons une tragédie d'une ampleur tout à fait incompréhensible, causée par des décennies d'oppression et de politiques néfastes, comme celles qui ont mené aux pensionnats indiens. Il est temps que le pays le reconnaisse, tout simplement, accepte d'en partager la responsabilité et mette au point une approche menée à juste titre par le gouvernement fédéral. En votre qualité de comité national, vous pouvez intervenir directement et exercer ce leadership.
Nous vous épaulerons grâce au travail que nous avons accompli. Récemment, à Winnipeg, le groupe de travail des ministres des Affaires autochtones, conjointement avec des groupes comme les Inuits et les Métis, ont accepté de travailler sur ce dossier. Vous venez d'entendre le directeur général de l'Association nationale des centres d'amitié dire qu'ils vont faire le travail.
Ce que nous cherchons, c'est un leadership de la part du comité.
Je sais qu'il est difficile pour le Canada de réellement réfléchir à cette question, mais c'est une occasion pour le pays de faire preuve de leadership. Les droits des Autochtones sont des droits de la personne, et, si nous voulons être reconnus comme un champion des droits de la personne à l'échelle mondiale, il faut que ce travail commence ici, maintenant.
Merci.
Sur ce, je vais clore la séance du comité.
Mais, juste avant, j'aimerais aborder une petite question d'administration interne avec les membres du comité, en ce qui concerne notre séance de lundi avec les familles. J'aimerais simplement vous décrire l'ordre du jour pour la matinée. La prochaine fois que nous nous réunirons sera lundi matin, alors je vous invite, à 10 heures, à une rencontre informelle avant la séance dans l'antichambre de la Salle des peuples autochtones.
La séance proprement dite avec les familles se tiendra de 11 heures à 13 heures dans la Salle des peuples autochtones. Elle est située dans l'édifice du Centre, sur la Colline du Parlement, du côté du Sénat.
Nous dînerons de 13 heures à 14 heures avec les familles. Ce sera un simple dîner informel, où nous pourrons poursuivre la conversation autour d'un bon repas, puis nous nous réunirons pour la période de questions.
Je tiens à remercier les témoins d'être venus, de nous avoir fait part de leur expertise et de leur point de vue et d'avoir tant contribué à notre étude. Nous vous sommes réellement reconnaissants d'être venus passer du temps avec nous un jeudi soir. Merci beaucoup.
La séance est levée.
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