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Monsieur le Président, c'est avec beaucoup de fierté, comme toujours, que j'interviens à la Chambre pour parler, au nom des gens de , du projet de loi .
Il s'agit encore une fois d'un projet de loi qui cherche à rafistoler la Loi sur les Indiens, une mesure très problématique. Ce projet de loi arrive alors que la relation entre le gouvernement du Canada, donc la Couronne, et les Premières Nations est très houleuse. En effet, le gouvernement semble croire non seulement qu'il peut revenir à un comportement colonialiste envers les Premières Nations, mais aussi qu'il appartient au ministre de prendre des décisions qui devraient plutôt relever des communautés.
Certaines dispositions du projet de loi tentent de retoucher des aspects problématiques de la Loi électorale. D'autres tentent de régler des problèmes posés par la Loi sur les Indiens. Néanmoins, l'enjeu fondamental demeure l'absence d'une relation de confiance, et le fait que le gouvernement agit sans les communautés.
Encore une fois, c'est Ottawa, le ministère des Affaires indiennes, qui dicte aux Autochtones comment résoudre certaines situations plutôt que de reconnaître qu'il est inacceptable au XXIe siècle de traiter tout un pan de la population canadienne comme des otages à la merci d'une bureaucratie.
En ce moment même, dans les collectivités que je représente, nous en sommes probablement au 15e état d'urgence que j'ai vu dans la région de la baie James à cause de l'état de délabrement des infrastructures et de l'échec des mesures gouvernementales de base en matière de santé, de sécurité et de logement. Soixante-dix personnes, hébergées dans des roulottes de chantier, se retrouvent sans abri à la suite d'un incendie.
Pour que ceux qui nous écoutent comprennent de quoi il s'agit, ce n'est pas un local d'habitation. C'est un pavillon-dortoir qu'on a fait venir d'urgence à Attawapiskat en 2008 à la suite de problèmes d'infrastructure, en raison de la défaillance du réseau d'égout.
La plupart des Canadiens ne peuvent pas comprendre comment une infrastructure municipale telle que le réseau d'égout peut flancher. Pourtant, dans chacune des collectivités de la baie James que je représente, j'ai vu le réseau d'égout ou d'aqueduc cesser complètement de fonctionner à cause d'un manque de financement, de projets mal planifiés. À Fort Albany, les infrastructures ont rendu l'âme pendant l'hiver de 2009; à Kashechewan, en 2005-2006, les 2 000 habitants ont tous été évacués; à Attawapiskat, une première défaillance en 2008, et encore une autre en 2011.
En 2008, quand les égouts ont refoulé et détruit de nombreuses maisons à Attawapiskat, les membres de la collectivité ont demandé de l'aide au gouvernement fédéral. Voici la réponse qu'ils ont obtenue: « Débrouillez-vous tout seuls ».
Nous parlons des problèmes financiers de ces collectivités. C'est la bande qui a été forcée d'évacuer 80 personnes vers Cochrane et de payer de sa propre poche des chambres d'hôtel pendant plusieurs mois de suite, ce qui l'a sérieusement endettée.
Nous venons tout juste de recevoir un rapport du vérificateur général sur l'échec total des protocoles de sécurité de base du gouvernement fédéral. Selon le rapport, le gouvernement met de côté 19 millions de dollars pour intervenir en cas d'urgence partout au Canada, qu'il s'agisse de feus, d'inondations ou d'autres situations qui nécessitent une évacuation. Pourtant, en 2009-2010, il a dépensé 286 millions de dollars, dont 180 millions pour l'intervention et la reprise d'activités, mais seulement 4 millions pour la prévention et l'atténuation.
Cela veut dire qu'une partie de l'argent prévu pour la construction d'écoles et de maisons ainsi que l'approvisionnement en eau potable a plutôt servi à des interventions en cas d'urgence, peu importe de quoi il s'agissait.
Je tiens à bien situer le contexte. Il n'y a aucune localité non autochtone ravagée par un incendie à laquelle le gouvernement dirait: « Eh bien, devinez quoi? Il n'y aura pas de nouvelles écoles chez vous pendant les cinq prochaines années. » Cependant, il dirait: « Savez-vous pourquoi nous n'allons pas construire un hôpital pour votre collectivité? Parce qu'elle a fini par être inondée. »
Nous avons tous vu l'incroyable élan de solidarité dont tout le Canada a fait preuve envers High River et Calgary. Le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial ont aidé les résidants de ces collectivités.
Cependant, quand nos collectivités sont inondées, les journalistes des principaux médias tournent en dérision notre situation et insultent nos membres en les blâmant d'avoir été victimes d'une catastrophe naturelle, et nous constatons que le gouvernement choisit d'ignorer nos membres.
Cela déstabilise les conseils de bande en les empêchant de s'occuper du développement de nos collectivités, étant donné qu'ils doivent tenter constamment de trouver des fonds pour régler le problème fondamental, à savoir l'infrastructure défaillante.
Pendant que nous discutons à la Chambre de ce projet de loi imposé par le gouvernement qui n'a pas fait l'objet de consultations adéquates, je tiens à mentionner que les collectivités des Premières Nations ont nettement le sentiment que le gouvernement a trahi leur confiance — en particulier, en abusant des excuses qu'il a présentées au sujet des pensionnats autochtones.
Le jour où j'ai vu le gouvernement du Canada reconnaître à la Chambre ce qui s'était produit dans les pensionnats autochtones a été le moment dont je suis le plus fier depuis que je suis député. Depuis ce jour de grande fierté, j'ai constaté que le gouvernement fédéral s'en prenait systématiquement aux survivants de ces institutions — en particulier, ceux du pensionnat de St. Anne. De toutes les histoires de mauvais traitements et d'avilissement liées aux pensionnats autochtones, celles du pensionnat de St. Anne de distinguent en raison de leur caractère particulièrement sombre et brutal.
En 1992, la Police provinciale de l'Ontario a lancé une enquête sur les mauvais traitements qui avaient cours au pensionnat de St. Anne. Mis à part l'affaire de Mount Cashel, il s'agissait probablement de la plus grande enquête policière jamais menée sur la torture et les mauvais traitements infligés à des enfants. Plus de 900 témoignages ont été réunis, et des milliers de pages de documents ont été exigées et obtenues auprès de l'église catholique de Montréal et de Moose Factory. La Police provinciale de l'Ontario a fait un travail exceptionnel.
Les survivants du pensionnat de St. Anne se sont enfin manifestés pour prendre part au processus d'évaluation indépendant établi par le gouvernement. Le gouvernement a dit aux survivants de cette violente institution que, s'ils se manifestaient et racontaient leur histoire, il allait les aider à trouver une solution. En vertu des appendices VIII et X de l'annexe D, portant sur le processus d'évaluation indépendant, de la convention de règlement, le gouvernement fédéral avait la responsabilité juridique de fournir un exposé de faits, une transcription de tous les cas connus de violence au pensionnat de St. Anne. Toutefois, il a choisi de ne pas présenter aux survivants, à leurs équipes juridiques ou à leurs arbitres les milliers de pages d'éléments de preuve réunis par la police dont il était au courant, ce qui a miné et compromis le processus d'évaluation indépendant.
J'ai écrit au au sujet de cette violation, parce qu'elle est grave. L'obligation de divulgation de la preuve est un principe de justice fondamental. Le 17 juillet, le ministre a répondu que le Canada était au courant des enquêtes relatives au pensionnat indien de St. Anne et des procès qui ont suivi. Il a toutefois dit qu'il n'incombait pas au gouvernement d'obtenir les preuves ni surtout de les communiquer aux survivants.
Il a également affirmé que les preuves n'étaient pas admissibles, que les déclarations faites à la Police provinciale de l'Ontario au cours des enquêtes ne pouvaient servir de preuve dans le cadre du processus d'évaluation indépendant et que seul le témoignage de vive voix des témoins était considéré à titre de preuve. Il m'a ensuite renvoyé au paragraphe 10 de la convention d'entente, à la page 10. Je l'ai lu, et je n'y ai rien trouvé de tel.
Le avance quelque chose de complètement faux au sujet de la rétention de la preuve de mauvais traitements et de torture d'enfants. En fait, les dispositions de la convention d'entente portant sur le processus d'évaluation indépendant disent tout à fait le contraire de ce qu'il prétend, et énoncent que les « décisions rendues dans des instances civiles ou pénales peuvent être acceptées en preuve sans autres formalités ». Voilà la question clé.
Ce fut loin d'être facile pour les survivants qui ont choisi de se manifester. Cependant, je sais que beaucoup de gens à Fort Albany, à Moose Factory, à Attawapiskat et à Peawanuck n'ont pas participé au processus d'évaluation indépendant car ils ne pouvaient supporter l'idée d'être traumatisés par des questions et d'avoir à revivre tout ce qui s'est passé. Le gouvernement le savait bien. Tous les éléments de preuve étaient là, tout particulièrement ceux démontrant que les administrateurs de l'école avaient construit une chaise électrique pour électrocuter les enfants, tout simplement pour divertir les employés. C'est ce qu'on peut lire dans les documents de la police. Les survivants qui choisiraient de se manifester seraient obligés de dire tout cela et leurs témoignages seraient contestés par des avocats du fédéral, qui feraient valoir qu'ils sont mensongers ou inadmissibles. C'est l'élément central de l'abus de confiance qui montre la noirceur du coeur du gouvernement.
Quand il a été révélé qu'il avait dissimulé des preuves et fait entrave au processus de vérité et de réconciliation, le gouvernement a reconnu qu'il allait devoir régler la question devant la Cour supérieure de l'Ontario, qui entendra la cause mardi prochain, le 17 décembre.
Depuis la lettre du 17 juillet du , nous avons appris que le gouvernement fédéral avait ces preuves depuis le début.
Le gouvernement fédéral s'est adressé à une cour ontarienne en 2003, exigeant d'obtenir toutes les preuves recueillies par la police. Le gouvernement ne représentait pas les intérêts des victimes. Il affirmait que c'était son droit, en tant que partie défenderesse et entité responsable d'avoir abusé ces enfants, de consulter des milliers de pages de témoignages de la police et quelque 900 documents de témoins concernant les sévices commis à l'endroit des enfants.
En 2003, le gouvernement fédéral a mis la main sur ces témoignages. Dans la décision qu'il a rendue en 2003, le juge Trainor a dit que ces éléments de preuve devraient être utilisés par d'éventuels futurs plaignants. Cependant, ce n'est pas ce qu'on leur a dit. On leur a menti dans le processus judiciaire. Les preuves ont été dissimulées.
C'est une très grave violation des obligations juridiques et fiduciaires. Le gouvernement fédéral est la partie défenderesse dans l'affaire concernant les sévices commis à l'endroit des enfants, mais dans le processus d'évaluation indépendant, il doit également soumettre tous les éléments de preuve au jugement des équipes juridiques. Le gouvernement a décidé de dissimuler des preuves et d'affirmer ne pas savoir où elles étaient et ne pas y avoir accès. Le gouvernement a même tenté d'invoquer le droit à la vie privée pour empêcher les survivants d'y avoir accès.
Les gens des collectivités que je représente vivent toujours avec les séquelles des mauvais traitements infligés au pensionnat St. Anne's. Je n'ai pas rencontré une seule famille qui soit complètement remise des torts intergénérationnels causés et de la tentative de détruire carrément le peuple de la Baie James au moyen de cet horrible établissement.
Le gouvernement fédéral connaissait l'ampleur des mauvais traitements. Il connaissait le nombre de personnes les perpétrant. Il a gardé le secret et a dit aux survivants participant à un processus judiciaire qu'il n'existait aucune preuve pour appuyer leurs déclarations. Que vais-je dire aux survivants de Fort Albany lorsque je retournerai chez moi, à la Baie James, au sujet d'un gouvernement aussi mercenaire et sans pitié?
Vu l'attitude coloniale qu'adopte le gouvernement conservateur à l'égard de l'éducation des Premières Nations, vu la façon dont il manipule l'information et désinforme, vu ses attaques à l'endroit des dirigeants des collectivités des Premières Nations et ses reproches pour ce qu'il qualifie de gaspillage de deniers publics, les collectivités que je représente savent pertinemment qu'il est de mauvaise foi envers elles. Elles savent qu'il ne respecte pas la promesse fondamentale prononcée par le lorsqu'il s'est adressé aux survivants des pensionnats.
Les pensionnats ont été établis pour détruire l'Indien dans l'enfant. Sous la direction de Duncan Scott, le plan était d'éradiquer un peuple. Le gouvernement conservateur continue de traiter de manière abusive et irrespectueuse les survivants, les petits-enfants et les arrière-petits-enfants qui ont souffert sous ce régime.
Nous pourrions continuer de parler de modifications à la Loi sur les Indiens. Nous pourrions parler d'objectifs à long terme, mais je n'ai jamais entendu le gouvernement présenter des objectifs à long terme en ce qui a trait aux Premières Nations. Autrement, nous pourrions dire que quelque chose de fondamentalement inacceptable s'est produit lors que les traités ont été violés et que les enfants ont été envoyés dans les pensionnats indiens. Il revient à la chambre des Canadiens ordinaires — les Communes — de réparer ce tort. Pour y parvenir, nous devons tourner le dos à l'attitude abusive, désintéressée, arrogante et incompétente du gouvernement lorsqu'il est question des collectivités des Premières Nations, de la gouvernance des Premières Nations et des enfants des Premières Nations.
Actuellement, le prépare une loi sur l'éducation des Premières Nations. Je n'ai jamais vu un homme s'éloigner aussi rapidement d'une mesure législative qui, selon ses dires, serait très avantageuse pour tous les enfants des Premières Nations. Il doit se défiler parce que le gouvernement n'a pas consulté les collectivités. On tente encore une fois d'imposer un modèle qu'aucune autre collectivité au Canada ne permettrait.
L'éducation concerne les enfants. L'éducation est axée sur les enfants. Le gouvernement croit qu'il peut imposer des décrets et changer les choses, mais il ne comprend pas que le est de fait le ministre de l'Éducation de l'une des plus importantes populations scolaires au pays.
Il n'arrive même pas à nous dire combien d'écoles sont condamnées. Il ne peut même pas nous dire combien d'écoles doivent être construites. Il ne peut pas nous donner le coût moyen par personne pour l'éducation d'un enfant sous sa responsabilité. Une telle négligence est stupéfiante, parce qu'il est question d'enfants.
La menace que le gouvernement fait maintenant peser relativement à la loi sur l'éducation des Premières Nations, c'est qu'il y consacrera un peu d'argent pourvu que tout le monde joue le jeu, sans quoi l'argent sera retiré. Il croit qu'il peut utiliser la technique de la carotte à l'égard de collectivités qui n'ont accès qu'à une éducation de piètre qualité. Dans ma circonscription, il y a des collectivités comme Attawapiskat où l'on attend 13, 14 ou 15 ans avant de peut-être avoir une école. À Kashechewan, dans ma circonscription, il n'y a toujours pas d'école primaire. Je peux nommer des collectivités de partout au pays où les écoles sont condamnées depuis des années.
Le gouvernement offre de mettre un peu d’argent sur la table et les gens doivent alors faire ce qu’il dit ou il retire cet argent. On peut se demander quel genre de gouvernement utiliserait des enfants comme monnaie d’échange. On avait l’habitude d’entendre le ministre dire que le gouvernement donne plus d’argent pour les enfants des Premières nations que les gouvernements provinciaux, mais, naturellement, il s’est fait ridiculiser pour cela; alors maintenant, il dit que le gouvernement fournira un peu d’argent et que si les gens ne sont pas d’accord, il mettra fin à tout le projet.
Je disais donc que je me demandais quel genre de gouvernement utiliserait des enfants comme monnaie d’échange. Je me rappelle que le gouvernement fédéral a imposé un tiers administrateur à la bande d'Attawapiskat en 2011-2012. Il croyait que la collectivité allait se plier à sa volonté, mais elle ne l’a pas fait et elle est allée devant les tribunaux. Lorsque la bande s’est adressée aux tribunaux, le gouvernement a suspendu tout le financement, y compris le financement pour l’éducation, et la collectivité a été privée d’argent pour l’éducation pendant deux mois. Un tel comportement serait illégal pour tout autre gouvernement.
Le gouvernement a eu beaucoup de querelles avec des administrations municipales, mais imaginez ce qui arriverait s’il avait maille à partir avec la municipalité de Toronto et s’il la menaçait de couper les fonds destinés à toutes les écoles tant que le maire n’obtempérerait pas! Cela ne pourrait pas arriver, mais c’est ce qui s’est produit à Attawapiskat. Le gouvernement a imposé un tiers administrateur, au tarif de 1 800 $ par jour – il devait être mieux payé que le –, mais les jeunes étaient expulsés de leur école parce que les fonds n’étaient pas transférés.
Il y a des problèmes fondamentaux dans les relations avec les Premières nations, et j’aimerais dire à mes collègues qu’il peut en être tout autrement. Lorsque je vois des collectivités des Premières nations un peu partout au pays, je vois tant d’immenses possibilités. Je vois des jeunes motivés qui s’apprêtent à devenir des leaders. Sur la côte de la baie James, j’ai vu toute une nouvelle génération de jeunes leaders structurés qui ont une perception beaucoup plus large du monde et qui veulent en faire partie. Je vois des gens d’affaires désireux de faire la paix avec les collectivités locales et dire que pour réaliser des projets de développement, ils ont besoin de collectivités des Premières nations formées et en pleine possession de leurs moyens, mais je ne vois le gouvernement nulle part.
Par exemple, le gouvernement fédéral a affirmé que le Cercle de feu…
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Monsieur le Président, je signale tout d'abord que je vais partager mon temps de parole avec le député de .
J'interviens à l'étape de la troisième lecture pour m'opposer au projet de loi , qui a un très long titre, et pour montrer que je l'ai lu, je vais en citer le titre. C'est la Loi concernant l’élection et le mandat des chefs et des conseillers de certaines premières nations et la composition de leurs conseils respectifs.
Je suis toujours un peu contrarié lorsque les députés d'en face laissent entendre que si on n'est pas d'accord, c'est parce qu'on n'a pas lu le projet de loi. En fait, je suis déçu de devoir m'opposer à celui-ci, car il y a eu des débuts prometteurs avec certaines Premières Nations, et on a essayé de proposer un projet de loi pour réformer les règlements d'application de la Loi sur les Indiens concernant la tenue des élections. Cependant, je pense que l'affaire a déraillé en chemin, parce que nous discutons de ces questions de gouvernance depuis bien longtemps. J'aimerais consacrer une partie de mon temps de parole à ce qui nous a amenés dans la situation actuelle, ou plus exactement, dans l'impasse où nous nous trouvons.
Quand je parle de ce qui nous a amenés ici ou de l'impasse actuelle, je fais référence à la grande question sous-jacente de l'autonomie gouvernementale des Premières Nations. C'est un principe qui a été reconnu pour la première fois par ce Parlement il y a plus de 30 ans, quand tous les partis se sont mis d'accord, en 1983, pour appuyer le rapport Penner, du nom du président de ce qu'on appelait le Comité sur l'autonomie gouvernementale des Indiens. Ce fut un comité exceptionnel dans l'histoire de la Chambre des communes, puisqu'on avait invité une représentante des Premières Nations, Mme Roberta Jamieson, chef très respectée de la nation Mohawk, à siéger en tant que membre à part entière du comité. Ce fut sans doute la première, et peut-être, la seule fois où un comité des Communes a accueilli quelqu'un de l'extérieur parmi ses membres. On a retenu cette formule parce qu'on tenait à ce que les Premières Nations se fassent entendre.
Le comité a voyagé en long et en large dans tout le pays, littéralement d'un océan à l'autre, pour entendre directement le point de vue des Premières Nations et de leurs communautés. Je connais très bien ce comité, car en tant que jeune chercheur à la Chambre des communes, j'ai fait partie de son personnel, et j'ai voyagé dans tout le pays pendant près d'un an avec lui.
Le rapport Penner était révolutionnaire par ses recommandations et par le fait qu'il tenait réellement compte de ce que les Premières Nations avaient à dire. En adoptant ce rapport, la Chambre des communes innovait puisque cela revenait à dire que les Canadiens devaient reconnaître le droit à l'autonomie gouvernementale des Premières Nations et l'inscrire dans la Constitution. Il fallait ensuite adopter des mesures législatives pour concrétiser cette autonomie gouvernementale en reconnaissant les Premières Nations comme troisième ordre de gouvernement, indépendant des gouvernements fédéral et provinciaux dans ses champs de compétence.
Il y a 30 ans que s'est amorcée cette aventure qui visait à faire de l'autonomie gouvernementale des Premières Nations une réalité au Canada. Malheureusement, le projet de loi nous confirme que nous n'y sommes toujours pas parvenus.
La nouvelle approche adoptée par le rapport Penner a été inscrite dans la Loi constitutionnelle de 1982, laquelle reconnaissait et confirmait les droits existants — ancestraux ou issus de traités — des peuples autochtones et prévoyait la tenue de conférences constitutionnelles en vue de définir et de mettre en oeuvre ces droits. Les quatre conférences qui ont eu lieu entre 1983 et 1987 n'ont malheureusement pas permis de parvenir à une entente concernant la définition de ces droits et les mesures législatives à adopter pour les mettre en oeuvre.
En 1987, l'échec des conférences constitutionnelles et l'exclusion des peuples autochtones des négociations devant mener à l'accord du lac Meech marquaient le pire recul qu'ait connu le Canada relativement à la reconnaissance de l'autonomie gouvernementale des Premières Nations. On assiste parfois à un retour du destin, comme en témoigne l'échec de l'accord du lac Meech, qui a été défait à l'Assemblée législative du Manitoba par un seul vote, celui d'Elijah Harper, chef respecté des Premières Nations.
On a tenté de reprendre le débat à Charlottetown. Cette fois-ci, les peuples autochtones avaient été inclus dans les négociations constitutionnelles. L'accord de Charlottetown aurait permis d'inscrire explicitement le droit à l'autonomie gouvernementale dans la Constitution, mais il a malheureusement été rejeté lors d'un référendum.
Je vais continuer à parler d'histoire encore un peu pour expliquer ce qui est foncièrement mauvais dans le projet de loi , dans sa forme actuelle.
En 1996, la Commission royale sur les peuples autochtones a publié ses recommandations, qui faisaient écho à ce qui figurait déjà dans le premier rapport publié par la commission Penner quelque 13 années auparavant. Encore une fois, on disait qu'il fallait reconnaître et inscrire dans la loi le droit à l'autonomie gouvernementale; reconnaître les gouvernements des Premières Nations comme un troisième ordre de gouvernement égal en tous points aux gouvernements fédéral et provinciaux; réorganiser nos institutions fédérales en conséquence.
Malheureusement, en 1998, le gouvernement libéral s'est contenté de répondre qu'il était prêt à discuter. Les libéraux n'ont rien fait pour donner suite à ces recommandations.
Parallèlement à ce ralentissement du processus politique, des avancées juridiques importantes ont été faites par rapport aux droits des Autochtones reconnus dans la Loi constitutionnelle de 1982. Je parle de certaines décisions de la Cour suprême du Canada, à commencer par celle rendue en 1990 dans l'affaire R. c. Sparrow, qui a établi l'obligation du gouvernement fédéral de consulter et d'accommoder les Premières Nations lorsqu'il propose des mesures pouvant enfreindre ou limiter des droits ancestraux ou issus d'un traité. La Cour suprême du Canada a conclu que cette obligation découlait non seulement de l'article 35.1 de la Loi constitutionnelle, mais également des responsabilités fiduciaires de la Couronne envers les peuples autochtones, ainsi que de l'obligation de préserver l'honneur de la Couronne en traitant les peuples autochtones de façon juste et équitable.
Pour revenir au projet de loi , personne ne nie que le processus électoral prévu dans la Loi sur les Indiens pourrait être amélioré. Cependant, dans ce cas-ci, deux questions sont bien plus importantes. Comment le projet de loi C-9 se mesure-t-il par rapport à ces deux principes constitutionnels qui gouvernent les relations entre le gouvernement fédéral et les Premières Nations, soit la reconnaissance du droit à l'autonomie gouvernementale et le devoir de consulter? Je crois que, dans les deux cas, le projet de loi est un échec lamentable.
Demander aux gens de parler pour ensuite ignorer leur point de vue, ce n'est pas de la consultation. Je le répète, le processus avait pourtant bien commencé, avec la participation des Premières Nations des provinces de l'Atlantique et les chefs du Manitoba, mais il a commencé à dérailler lorsque des préoccupations concernant certains aspects du projet de loi ont été soulevés. Le gouvernement a alors décidé d'aller de l'avant quand même, quitte à perdre l'appui de ses partenaires dans ces consultations. La consultation n'est pas définie ainsi dans la loi canadienne. Consulter correspond à écouter le point de vue de l'autre, le prendre au sérieux et tenter de répondre aux préoccupations concernant les droits des Premières Nations. Les choses ne se sont pas déroulées ainsi avec ce projet de loi.
Le respect de l'autonomie gouvernementale consiste aussi à reconnaître que les gouvernements des Premières Nations sont égaux dans l'ordre constitutionnel. Donner au ministre le droit de décider le genre d'élections que les Premières Nations utiliseront est une disposition fondamentalement inacceptable du projet de loi, à laquelle les Premières Nations s'opposent.
Le projet de loi oblige même les Premières Nations qui tiennent leurs élections selon la coutume à se plier aux dispositions de ce nouveau processus parallèle, même si elles s'y opposent. S'il soupçonne l'existence de corruption au sein d'une Première Nation, ou d'irrégularités dans son processus d'élections, le ministre peut de son propre chef forcer cette dernière à choisir ses dirigeants selon un procédé dont elle ne veut pas. Une telle disposition porte directement atteinte au droit à l'autonomie gouvernementale.
Il y a cinq Premières Nations dans ma circonscription. Quatre d'entre elles tiennent leurs élections en vertu de la Loi sur les Indiens. Il s'agit de la Première Nation Songhees, de la Première Nation Scia'new, de la Première Nation T'Sou-ke et de la Première Nation Pacheedaht. Il est vrai que la Loi sur les Indiens comporte des lacunes, plus particulièrement en ce qui a trait au mandat de deux ans pour les dirigeants. Toutefois, les Premières Nations n'ont pas été consultées directement et n'ont pas demandé ces changements.
L'une des Premières Nations dans ma circonscription, la Première Nation Esquimalt, tient des élections selon la coutume. Elle n'a certainement pas été consultée et ne voudrait absolument pas donner au ministre le pouvoir de la contraindre à abandonner ce mode d'élection.
Les Premières Nations de ma circonscription devraient s'inquiéter de l'absence de consultation, mais elles sont encore plus préoccupées par le fait qu'on ne les traite pas comme des partenaires égaux au sein de la Confédération.
Malheureusement, plus tôt aujourd'hui à la Chambre, le a confirmé l'attitude d'intimidation adoptée par les conservateurs à l'égard des Premières Nations quand il a répété encore une fois qu'il ne discuterait pas de financement pour l'éducation des Premières Nations tant que ces dernières n'auront pas d'abord accepté son projet de loi visant à réformer le système d'éducation des Premières Nations. C'est un manque de respect flagrant pour le droit de consultation et le droit à l'égalité des Premières Nations.
Je constate que le temps qui m'est alloué tire à sa fin. Je voudrais dire que, dans ma circonscription, nous n'avons certainement pas de problèmes avec les dirigeants des Premières Nations. Un grand nombre d'initiatives ont été prises par des chefs de ma circonscription, y compris le chef Rob Sam de la Première Nation Songhees, qui est sur le point d'ouvrir un centre de mieux-être; le chef Andy Thomas de la Première Nation Esquimalt, qui a formé un partenariat pour offrir des programmes d'apprentissage dans l'industrie de la construction navale; le chef Russell Chipps, qui s'est engagé dans un partenariat pour construire un nouveau lotissement résidentiel dans la réserve de la Première Nation Scia'new; et le chef Gordon Planes, qui a fait de sa Première Nation une nation solaire, conformément à une décision des aînés, en la débranchant du réseau d'alimentation, en utilisant un système de chauffage solaire à eau chaude dans chaque nation et en installant des cellules solaires sur le toit du bureau des Premières Nations. C'est certainement une initiative formidable. Quant à la Première Nation Pacheedaht, sous la direction du chef McClurg, elle a récemment acheté une concession de ferme forestière pour assurer la gestion durable des forêts et favoriser le développement économique durable de la collectivité.
Le projet de loi dont nous sommes saisis vise à régler un problème qui n'existe pas vraiment dans ma circonscription. Il mettrait en oeuvre des mesures même si le gouvernement n'a pas consulté les Premières Nations de ma circonscription, ne les a pas écoutées et ne respecte pas leur droit à l'autonomie gouvernementale.