(au nom de la leader du gouvernement à la Chambre des communes et ministre de la Petite Entreprise et du Tourisme)
propose:
Qu'un message soit envoyé au Sénat pour informer Leurs Honneurs que la Chambre rejette les amendements apportés par le Sénat au projet de loi C-4, Loi modifiant le Code canadien du travail, la Loi sur les relations de travail au Parlement, la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique et la Loi de l'impôt sur le revenu.
-- Madame la Présidente, je suis heureuse de participer à ce débat important et de parler du projet de loi . Je tiens avant tout à demander aux députés de rejeter les amendements apportés par le Sénat à ce projet de loi.
Les projets de loi et du gouvernement précédent visaient expressément à affaiblir les syndicats et à éliminer le mouvement ouvrier au Canada. Plus précisément, le projet de loi complique la vie des travailleurs canadiens qui souhaitent se syndiquer et il accorde un avantage considérable aux employeurs. En rejetant les amendements apportés par le Sénat, nous pouvons rétablir de saines relations de travail entre le gouvernement, les employeurs et les syndicats.
Le gouvernement croit que de saines relations de travail contribuent à la prospérité de la classe moyenne et à la vigueur de l'économie. En 2015, les Canadiens ont dit clairement qu'ils souhaitaient élire un gouvernement qui valorise l'équité, la transparence et la collaboration et qui accorde la priorité absolue à leur bien-être.
Nous nous sommes engagés, entre autres choses, à ne ménager aucun effort pour rétablir la confiance envers les institutions publiques, dont le Parlement, en travaillant de façon plus ouverte et transparente, en favorisant les votes libres et en réformant les comités afin de les renforcer.
Pendant la campagne, nous avons également parlé de la nécessité de veiller à la croissance de la classe moyenne pour faire en sorte que les Canadiens puissent jouir d'une vie et d'un revenu stables. Nous avons aussi souligné le rôle qu'ont joué les syndicats au fil des ans dans la concrétisation de tels objectifs.
Nous nous sommes engagés à rétablir une approche juste et équilibrée des relations de travail; le projet de loi est une pièce maîtresse de cette démarche.
[Français]
Il est nécessaire de rétablir l'équilibre des relations de travail entre les employés et les employeurs. Pour ce faire, nous devons appuyer le projet de loi .
[Traduction]
Le gouvernement respecte les syndicats et leurs membres et sait combien ils sont importants. C'est aussi, nous le savons, le cas des employeurs. Tant les employeurs que les syndicats ont un rôle essentiel à jouer pour que les travailleurs touchent un salaire décent et soient traités équitablement dans un milieu de travail sain et sans danger.
Les lois du travail permettent de veiller à l'équilibre entre les droits des syndicats et les droits des employeurs. Le projet de loi , dans sa version originale, témoigne de nos valeurs et de nos principes directeurs.
Le projet de loi vise à abroger des modifications adoptées dans les projets de loi et , qui ont été présentés par le gouvernement précédent.
[Français]
Je tiens à rappeler à la Chambre, que dans sa forme originale, le projet de loi visait à rétablir l'équité, l'équilibre et la stabilité au système fédéral des relations du travail. Dans l'ensemble, le projet de loi C-4 visait à abroger les modifications apportées par les projets de loi et .
[Traduction]
Les projets de loi et ont une sérieuse incidence sur les travailleurs et les syndicats au Canada.
Le projet de loi propose de revenir au système d'accréditation par vérification des cartes qui était en place avant la présentation du projet de loi . Cette mesure propose également de supprimer les exigences imposées aux syndicats en matière de renseignements financiers, exigences qui, je le précise, ont été introduites dans le projet de loi .
Le projet de loi a déjà été débattu, et je me réjouis que la Chambre en ait adopté la version initiale. À l'étape de la troisième lecture à la Chambre, 204 députés ont voté pour ce projet de loi, ce qui représente une proportion de 72 % de l'ensemble des voix.
Le projet de loi a ensuite été renvoyé au Sénat, qui en a débattu et l'a adopté après avoir apporté des amendements aux articles concernant l'accréditation syndicale, ce qui a eu pour effet que le projet de loi reste en vigueur. Or, comme je l'ai mentionné, cette mesure nuirait aux syndicats et à leurs membres.
Les deux projets de loi modifiés par le projet de loi ne favorisent pas des relations positives entre employeur et employés, en particulier le projet de loi , qui fait qu'il est désormais plus difficile pour les travailleurs canadiens de se syndiquer. Cette situation est attribuable au fait que le projet de loi a modifié les systèmes d'accréditation et de révocation de cette accréditation en vertu de trois lois fédérales sur le travail.
[Français]
Les lois visées par le projet de loi posent toutes deux obstacle à des relations employeurs-employés positives. Toutefois, le projet de loi a particulièrement compliqué la vie des Canadiens qui souhaitent se syndiquer.
[Traduction]
Ce projet de loi complique l'accréditation d'un syndicat à titre d'agent négociateur et il en facilite la révocation.
Avant l'entrée en vigueur du projet de loi , les syndicats de responsabilité fédérale pouvaient obtenir leur accréditation au moyen d'un système de vérification des cartes de membre. Si un syndicat prouvait qu'une majorité de travailleurs avaient signé leur carte de membre, il pouvait être accrédité comme étant leur agent négociateur. Un vote n'était nécessaire que lorsqu'un nombre de travailleurs inférieur à la majorité, mais tout de même significatif, avait signé sa carte de membre. Le Code canadien du travail parle par exemple de 35 %. Aux termes du projet de loi , les syndicats doivent maintenant prouver qu'ils ont l'appui d'au moins 40 % des travailleurs avant de tenir un scrutin secret et ils doivent tenir un vote même lorsque plus de la moitié des membres votants ont signé leur carte de membre. Le projet de loi a aussi simplifié le processus permettant de révoquer l'accréditation d'un syndicat, puisque le seuil pour tenir un vote à ce sujet n'est plus que de 40 %, alors qu'avant, il fallait que la majorité des travailleurs se disent en faveur.
Malheureusement, il y a eu des exemples d'employeurs prêts à faire n'importe quoi pour dissuader leurs employés de se syndiquer. Concrètement, le projet de loi permet aux employeurs de savoir précisément à quel moment un syndicat peut être en train de s'organiser dans le milieu de travail. Grâce au projet de loi , les employeurs disposent maintenant d'un nouvel outil puissant pour ralentir ou interrompre le processus d'accréditation syndicale. De façon plus générale, il leur est maintenant possible d'influencer indûment le processus de négociation collective.
La formation des syndicats au moyen d'un système de cartes, où l'on se fie au nombre de cartes signées pour conclure à l'appui de la majorité, est utilisée avec succès et depuis longtemps par les secteurs de compétence fédérale et dans plusieurs provinces. Selon différents syndicats, dont Unifor et l'Association canadienne des pilotes de ligne, il s'agit d'une méthode rapide et efficace et, comparativement au vote secret préconisé dans le projet de loi , elle est beaucoup moins vulnérable à l'ingérence de l'employeur.
[Français]
D'autres intervenants, comme le Congrès du travail du Canada, s'opposaient à la mise en oeuvre d'un système de vote obligatoire aux termes du projet de loi .
[Traduction]
Le projet de loi a apporté des changements considérables à un système qui fonctionnait bien. Un système juste et démocratique était en place pour permettre aux employés d'exprimer leur appui à un syndicat. Comme je l'ai mentionné, le système de vérification des cartes repose sur l'appui de la majorité, un principe clé de la démocratie.
Non seulement le projet de loi pose un problème aux syndicats, mais il impose aussi un lourd fardeau à d'autres intervenants. Par exemple, il a de véritables conséquences pour le Conseil canadien des relations industrielles et la Commission des relations de travail et de l'emploi dans la fonction publique. Ces organismes doivent assumer le coût total et les responsabilités logistiques découlant des scrutins de représentation. Après ces modifications, le Conseil canadien des relations industrielles serait obligé de tenir un scrutin pour l'accréditation d'un syndicat non seulement dans les quelque 20 % des cas où moins de la majorité des travailleurs ont signé une carte, mais bien dans tous les cas, ce qui quintuplerait sa charge de travail.
Passons maintenant au projet de loi . Bien que je souligne que les amendements du Sénat n'ont pas d'incidence sur l'abrogation du projet de loi , je veux rappeler aux députés la teneur du projet de loi afin que nous puissions nous souvenir des raisons pour lesquelles il est important d'abroger les deux projets de loi.
Le projet de loi fait pencher la balance en faveur de l'employeur au cours du processus de négociation collective. Il oblige les organisations syndicales et les fiducies de syndicat à soumettre à l'Agence du revenu du Canada des déclarations détaillées sur leurs finances et d'autres aspects de leurs activités. Ces renseignements sont ensuite rendus publics sur le site Web de l'Agence du revenu du Canada. Par exemple, au cours du processus de négociation collective, les employeurs seront en mesure de savoir à combien s'élève le fonds de grève du syndicat, ce qui leur donnera un net avantage.
Le seul but des projets de loi et était d'affaiblir les syndicats en donnant un avantage considérable aux employeurs. C'est pourquoi le gouvernement a présenté le projet de loi . Il visait à rétablir des relations de travail justes et équilibrées au Canada.
Les syndicats jouent un rôle crucial dans la protection des droits des Canadiens et le maintien d'une classe moyenne prospère. Il faut protéger la liberté d'association au Canada. Le gouvernement respecte les syndicats et les travailleurs et il est conscient du rôle essentiel qu'ils jouent pour maintenir une économie forte et une société florissante. Le droit du travail devrait assurer un équilibre entre les droits des syndicats et ceux des employeurs. Comment se fait-il que les projets de loi et aient été adoptés s'ils ne respectent pas cet équilibre?
L'ancien gouvernement a présenté et adopté ces projets de loi en rejetant la longue tradition canadienne des consultations tripartites. Les consultations tripartites permettent aux employeurs, aux syndicats et aux gouvernements de contribuer collectivement à la modification du droit du travail. Elles favorisent depuis longtemps la stabilité des relations de travail dans l'ensemble du Canada. Or, l'ancien gouvernement n'a pas respecté ces relations. L'adoption des projets de loi et montre que l'ancien gouvernement faisait fi de la grande valeur que représentent les négociations collectives et l'approche tripartite.
Le gouvernement libéral juge que, pour que les politiques soient équitables et équilibrées, elles doivent être élaborées dans le cadre d'un processus sérieux de consultation impliquant la participation de tous les partenaires. L'équilibre, l'équité et la viabilité de relations patronales-syndicales ne peuvent être atteintes que lorsque toutes les parties, c'est-à-dire le gouvernement, les syndicats et les employeurs, prennent part au processus. Le gouvernement tient énormément à cette façon de procéder.
L'efficacité des négociations collectives et l'équité des relations patronales-syndicales sont les fondements de l'économie canadienne. Elles permettent d'accroître la stabilité de la main-d'oeuvre afin de pouvoir mieux la planifier. Ces deux éléments sont essentiels à la vigueur de l'économie.
Lorsqu'on devra de nouveau modifier le droit du travail, notre gouvernement est fermement déterminé à ce que l'élaboration des politiques soit fondée sur des données probantes et la collaboration dans le cadre de la relation tripartite. Cette approche est indispensable pour élaborer, au moyen de véritables consultations, des politiques de travail justes, équilibrées et basées sur des faits. Ces politiques sont essentielles pour la prospérité des travailleurs et des employeurs, de la société canadienne, et de l'économie globale. Grâce à elles, les droits des travailleurs canadiens sont protégés et la classe moyenne peut croître et prospérer.
En abrogeant les changements découlant des projets de loi et , notre gouvernement contribuera à restaurer une approche juste et équitable en matière de relations de travail au Canada.
Soyons clairs. Les projets de loi et ont atténué et affaibli le mouvement syndical du pays. La manière dont ils ont été adoptés n'a pas permis aux employeurs et aux syndicats de jouer leur rôle habituel d'éclairer la prise de décisions du gouvernement.
Même s'il y avait des opinions divergentes concernant le bien-fondé des changements imposés par le projet de loi , les représentants des deux côtés de la table de négociation ont sévèrement critiqué la façon dont le gouvernement précédent avait amené ces changements.
Notre gouvernement n'était pas le seul à être préoccupé par ces deux projets de loi. Beaucoup d'intervenants ont aussi exprimé leurs inquiétudes. Il existe une multitude de préoccupations liées au contenu de ces mesures législatives et au dommage qu'elles font au mouvement syndical et à la relation juste et équilibrée entre les employeurs et leurs employés.
Comme je l'ai déjà rappelé aux députés, il ne faut pas oublier la manière dont ces changements ont été mis en oeuvre. Les employeurs et les syndicats n'ont jamais eu la chance de contribuer aux décisions du gouvernement précédent. Je n'apprendrai rien à personne si je dis que, bien souvent, les politiques élaborées sans consultations dignes de ce nom, comme l'ont été ces deux projets de loi, causent plus de mal que de bien.
Les modifications qui touchent le domaine syndical sont importantes, car elles ont de vastes conséquences qui touchent à la fois les travailleurs, les syndicats, les employeurs et la population en général. C'est pourquoi, quand on effectue des modifications au droit du travail, il faut prendre le temps de bien faire les choses, et c'est exactement ce que le gouvernement continuera de faire.
Des négociations collectives fructueuses et des relations employeur-employés équitables, voilà la clé de la vigueur économique. Ces deux éléments apportent en effet stabilité et prévisibilité au marché du travail, deux éléments essentiels à la bonne marche de l'économie. Ils sont aussi synonymes de salaires intéressants et de milieux de travail sans danger, deux droits fondamentaux dont devraient jouir tous les Canadiens, et ils se traduisent par des politiques syndicales adéquates pour des millions de travailleurs canadiens.
Les droits des syndicats et des travailleurs qu'ils représentent sont aussi les droits de tous les Canadiens. Les élus que nous sommes ont la responsabilité de protéger ces droits. Nous devons tout faire pour que les politiques syndicales servent au mieux les intérêts des Canadiens. En plus d'être néfastes, les projets de loi et ne contribuent aucunement à améliorer les relations de travail du pays.
Nous devons continuer à tout mettre en oeuvre pour que le processus de consultation tripartite entre les employeurs, les syndicats et les gouvernements demeure intact. C'est en collaborant tous ensemble aux modifications du droit du travail que nous pourrons garantir la vigueur et la stabilité des relations de travail du pays. En nous opposant aux amendements adoptés par le Sénat, nous pourrons revenir à des relations de travail justes et équilibrées dans l'ensemble du pays, un élément essentiel à la vigueur de la classe moyenne et de l'économie.
[Français]
Nous croyons que, pour assurer l'équité et l'équilibre, les amendements proposés devraient être rejetés par la Chambre.
[Traduction]
Je demande à tous les députés de s'opposer aux amendements apportés au projet de loi par le Sénat et de traiter les relations de travail avec le respect qu'elles méritent.
:
Madame la Présidente, aujourd'hui, je prends la parole pour me porter à la défense du scrutin secret, un principe fondamental et précieux de la démocratie. Comme je l'ai fait plus tôt, je commencerai en citant la décision du juge Ivan Rand, en 1946, dans une affaire opposant Ford Motors au Syndicat des travailleurs unis de l'automobile—CIO.
Avant de citer le passage, que l'on me permette d'en expliquer l'importance.
La décision du juge Ivan Rand, en 1946 a tracé les balises de la politique générale sur l'accréditation syndicale et le financement des syndicats dans les 10 provinces et dans les domaines relevant de la compétence fédérale. Le juge Rand a conclu que tous les membres de l'unité de négociation de Ford Motors devraient verser des cotisations au syndicat et que le syndicat serait tenu de tous les représenter. Le syndicat négocierait les conventions collectives et il représenterait les travailleurs lors de griefs. Cependant, pour que le syndicat puisse contrôler l'unité de négociation et lui servir d'agent négociateur, il devrait obtenir l'appui de la majorité des syndiqués. La façon de déterminer si un syndicat a l'appui de la majorité des travailleurs de l'unité de négociation est ce dont nous débattons aujourd'hui.
Il y a deux possibilités. La première est un processus appelé « accréditation par vérification des cartes d'adhésion ». Selon ce modèle, les employés qui désirent l'accréditation syndicale ou qui veulent représenter les employés d'un lieu de travail demandent à leurs collègues de signer une pétition. Puis, lorsque le nombre de signatures représente au moins 50 % des employés plus un, ils présentent la pétition au Conseil canadien des relations du travail en disant: « Nous avons l'appui de la majorité, alors veuillez nous conférer les pouvoirs de représentation exclusifs pour l'ensemble de l'unité. » L'autre possibilité, c'est que, une fois que les signatures sont recueillies, le Conseil dise: « Vous êtes maintenant autorisés à tenir un scrutin secret. » Ce modèle fait en sorte que les membres de l'unité en question puissent exprimer leur volonté à l'abri de toute intimidation venant de l'employeur ou du syndicat qui entend les représenter. Les travailleurs votent dans un isoloir, il cochent oui ou non sur le bulletin de vote, puis, si le syndicat reçoit 50 % des votes plus un, il devient l'agent négociateur pour l'unité de négociation.
Je reviens au juge Ivan Rand. Dans les toutes premières pages de sa décision, il écrit:
Mais toute puissance doit avoir ses limites, et le maintien de l'équilibre social exige que l'exercice du pouvoir soit assujetti à des restrictions. Une opinion publique éclairée et la pratique du vote secret constituent le fondement de l'ordre politique.
Pourquoi le scrutin secret est-il nécessaire? Pourquoi ne pas simplement recueillir ouvertement des signatures et s'en servir pour amorcer la démarche de représentation? La réponse, bien entendu, c'est que le seul moyen pour une personne de réellement exprimer sa volonté est de le faire en privé dans un isoloir où elle peut cocher oui ou non, en toute confidentialité. Si l'on enlève cette possibilité, la personne risque de subir des pressions de part et d'autre. Lorsqu'on force quelqu'un à inscrire son nom sur une liste publique plutôt que de lui permettre d'exprimer sa volonté en privé, cette personne risque d'être victime d'intimidation de la part du syndicat ou même de l'employeur.
Nous avons entendu la ministre dire que la tenue d'un vote secret coûte trop cher, qu'elle demande trop de temps et qu'elle est trop compliquée pour les travailleurs qui veulent se syndiquer. Voyons si ces objections tiennent la route.
D'abord, elle affirme que ce serait trop coûteux. Elle mentionne que, selon la législation canadienne concernant les lieux de travail relevant de la compétence fédérale, un syndicat doit obtenir suffisamment de signatures pour déclencher un vote, puis faire campagne pour tenter de remporter le vote. Des boîtes de scrutin doivent ensuite être installées pour la tenue du vote puis, évidemment, les travailleurs de l'unité de négociation doivent trouver le temps d'aller mettre un X sur leur bulletin de vote.
Tout cela est vrai. C'est vrai dans le cas d'un vote en milieu de travail et c'est vrai dans le cas d'une élection générale pour élire le gouvernement. C'est vrai qu'il faut du temps pour tenir une élection générale. Il faut même arrêter les travaux du Parlement pendant 36 jours; 36 jours sans adoption de projets de loi, sans débats, sans annonces gouvernementales, presque sans activité du gouvernement au niveau exécutif. Pourquoi? Parce que tout le monde doit consacrer tout son temps à cette gigantesque interruption, à cette vaste entreprise à laquelle s'oppose le Parti libéral dans le cas de la démocratie en milieu de travail.
La démocratie prend-elle beaucoup de temps? Bien sûr, mais lorsqu'on compare les pays qui appliquent un régime démocratique à ceux qui ne le font pas, il devient évident que cet investissement en temps en vaut extraordinairement la chandelle.
Les élections ont un coût, c'est vrai. Les dernières élections ont coûté quelque chose comme un quart de milliard de dollars, je crois. Il a fallu acheter des boîtes de scrutin, imprimer les bulletins de vote, embaucher des directeurs du scrutin et louer des locaux pour les bureaux de vote. Tout cela coûte de l'argent. Quand le gouvernement soutient que nous n'avons pas les moyens de dépenser pour gérer la démocratie, il semble dire que nous n'avons pas le moyen de tenir des élections au Canada. Comme on le sait, les libéraux ont tenté de remanier l'ensemble du système électoral en leur faveur sans demander l'avis de la population par voie de référendum. Ce geste, à lui seul, montre que le scrutin est une pratique et une institution qu'ils détestent. Se pourrait-il que leur mépris s'étende aux lieux de travail sous réglementation fédérale?
La démocratie a-t-elle un coût? Oui, elle a un coût, mais absolument chaque dollar dépensé en vaut la peine. Cela vaut le coût parce que c'est la seule façon de connaître réellement la volonté des gens touchés par une décision.
Puisqu'il est question d'argent, quelle décision prend-on quand on accrédite un syndicat dans un lieu de travail? On donne à ce syndicat le droit de percevoir des sommes auprès de tous les travailleurs de cet endroit.
Au Canada, les travailleurs d'une unité de négociation, au sein d'un milieu syndiqué, sont tenus de payer des cotisations, et ce, même s'ils choisissent de ne pas être membres du syndicat et même s'ils désapprouvent la façon dont ces fonds sont dépensés. Les travailleurs n'ont pas le choix d'y contribuer. Le Canada est l'un des rares pays du monde libre et démocratique qui est doté d'une telle règle. De plus en plus, en Europe, en Australie, en Nouvelle-Zélande et ailleurs, les travailleurs gagnent le droit de ne pas verser de cotisations syndicales. Ces pays jouissent de la liberté d'association en milieu de travail. Au Canada, dans les 10 provinces et au fédéral, un milieu syndiqué donne le pouvoir à l'agent négociateur de percevoir des cotisations obligatoires contre la volonté d'un grand nombre des membres syndiqués.
En contrepartie, dans ce modèle de représentation majoritaire exclusif, il faut à tout le moins détenir une majorité afin de profiter de l'énorme privilège incomparable de percevoir des cotisations obligatoires auprès des travailleurs. Il ne faut pas oublier qu'aucun autre groupe de défense n'a de tels privilèges dans tout le Canada. Même les groupes qui défendent les intérêts d'autres gens n'ont pas ce type de pouvoir. Voici ce que certaines personnes pensent: « Les syndicats luttent pour défendre les droits des travailleurs, qui doivent payer pour ce service. Autrement, ils seraient des profiteurs. »
La Société canadienne du cancer défend les intérêts des patients atteints du cancer, mais on ne perçoit pas de cotisations syndicales obligatoires auprès des malades pour assurer le financement. Les gens y contribuent au moyen de dons. Je ne cite pas cet exemple pour m'opposer aux cotisations syndicales obligatoires. Je cherche simplement à signaler le privilège extraordinaire qui est octroyé aux syndicats une fois qu'ils sont accrédités dans un milieu de travail. Le moins que nous puissions offrir aux travailleurs, c'est le droit de voter sur la décision d'offrir ce privilège à leurs dépens.
Si le gouvernement s'inquiète tant des coûts exorbitants associés à la tenue d'un vote, pourquoi ne se préoccupe-t-il pas des coûts subséquents que l'accréditation entraîne pour les travailleurs? Au risque de me répéter, si les libéraux croient que tenir un vote coûte trop cher aux milieux de travail, pourquoi ne considèrent-ils pas aussi que voter coûte trop cher pour notre démocratie? En fait, je suis sûr que si l'on consulte l'encyclopédie des dictateurs fantoches, l'on verra que bon nombre d'entre eux ont avancé exactement les mêmes arguments que le gouvernement invoque aujourd'hui pour éviter d'affronter l'électorat de leur pays.
Pour conclure, les libéraux disent que tenir un scrutin secret complique trop les choses pour les syndicats. Ils prétendent que sans scrutin secret, les syndicats réussiraient à accréditer plus de milieux de travail, plus facilement. En fait, lorsque la prédécesseure de la ministre a ressorti un document de mon ancien ministère, où j'étais ministre de l’Emploi et du Développement social, elle a dit: « Ah, ah! Les scrutins secrets sont associés à un taux d’accréditation syndicale plus faible. Je viens de te prendre en défaut. On a découvert ton plan. » C'était son argument massue. Sa preuve irréfutable. « Nous venons de prouver que lorsque les travailleurs ont la possibilité de voter, ils prennent des décisions que nous n'aimons pas, maintenant nous en avons la preuve, et comme ils prennent des décisions qui ne nous conviennent pas, nous allons simplement leur enlever le pouvoir de décider. »
Telle est leur conception de la démocratie. Si les gens votent d'une façon qui déplaît aux libéraux et aux groupes d'intérêts spéciaux qui les appuient, les libéraux retireront simplement le droit de vote, invoquant qu'il s'agit d'un inconvénient majeur et coûteux. La démocratie n'est pas un inconvénient. C'est le fondement de notre pays tout entier.
Enfin, les libéraux ont affirmé qu'un scrutin secret permettrait aux employeurs d'exercer des pressions indues sur les travailleurs. Un scrutin secret est secret. L'employeur ne peut pas savoir de quelle façon son employé a voté. Ce n'est que sous le régime que le gouvernement tente de rétablir qu'un employeur pourrait savoir ce qu'un employé choisit de faire relativement au processus d'accréditation. De ce côté-ci de la Chambre, nous tentons de protéger les travailleurs contre toute mesure d'intimidation et toute influence indue de la part d'une partie ou de l'autre dans un différend lié à l'accréditation.
Les quatre arguments suivants ont été invoqués: le scrutin secret est trop coûteux, il est dérangeant, il donne aux employeurs la possibilité d'influer sur le résultat, et il rend l'accréditation trop difficile pour les syndicats.
Je suppose que le gouvernement pourrait faire valoir que le scrutin secret est très dangereux lorsqu'il s'agit d'élections fédérales, parce que les libéraux pourraient avoir du mal à se faire élire à l'avenir, n'est-ce pas? Ce serait tout simplement trop difficile. Par conséquent, il faut trouver un processus plus simple qui permettra aux libéraux d'obtenir le résultat qu'ils souhaitent. Il n'est bien évidemment pas question des travailleurs, des syndicats, de l'amélioration de la dynamique dans le milieu de travail ou du rétablissement d'un équilibre. Il s'agit d'enlever le pouvoir aux travailleurs et de le donner aux groupes d'intérêts puissants qui ont contribué à faire élire le gouvernement libéral.
De ce côté-ci de la Chambre, nous continuons de défendre le droit des travailleurs de voter afin qu'ils puissent orienter leur propre destinée, plutôt qu'elle leur soit imposée par le gouvernement actuel ou tout autre groupe d'intérêts l'ayant élu.
Par conséquent, je propose: « Que la motion soit modifiée par substitution, au libellé commençant par le mot « Qu'un », de ce qui suit: Que les amendements apportés par le Sénat au projet de loi , soient lus pour la deuxième fois et adoptés. »
Je suis heureux de pouvoir présenter cette motion. Je vais la transmettre à la présidence et je compte donner aux députés la possibilité d'affirmer de nouveau l'engagement du Canada à l'égard de la démocratie et de l'un de ses piliers centraux, soit le droit de chaque homme et de chaque femme de voter secrètement, à l'abri des pressions indues et de l'intimidation. Nous pourrons exprimer notre grande détermination à maintenir ce principe démocratique partout au pays, y compris dans nos milieux de travail.