propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
— Monsieur le Président, le projet de loi que j'ai déposé devant la Chambre et dont nous allons débattre aujourd'hui est la dernière étape d'une série de mesures mises en avant par le Bloc québécois pour affaiblir le crime organisé. Je pense qu'il est important, avant d'en arriver directement au coeur du projet de loi, de retracer les actions entreprises à la Chambre sous l'impulsion du Bloc québécois en matière de lutte contre le crime organisé.
Alors que la guerre des motards faisait rage au Québec pendant les années 1990, il est rapidement devenu évident qu'une nouvelle loi était nécessaire pour aider les forces de l'ordre dans leur lutte contre le crime organisé. Dès le départ, le Bloc s'est fait le porte-parole de cette réalité à la Chambre des communes et a mis de la pression sur le gouvernement libéral de l'époque. C'est l'ancien député bloquiste Réal Ménard qui a le premier déposé un projet de loi antigang à la Chambre des communes, en 1995.
En 1997, le projet de loi C-59 était adopté et marquait un premier pas dans la lutte contre le crime organisé. Les modifications apportées au Code criminel étaient cependant trop complexes et exigeantes pour obtenir efficacement des condamnations devant les tribunaux. Par exemple, la poursuite devait démontrer hors de tout doute raisonnable que l'accusé avait participé aux activités d'un gang et avait été partie à la perpétration d'un acte criminel commis en lien avec le groupe criminalisé.
Puisque ces deux conditions cumulatives rendaient difficile l'obtention de condamnations, des forces de l'ordre ont rapidement exigé des modifications, et encore une fois, c'est le Bloc québécois qui a été le premier à agir et à porter ces revendications dans l'arène politique.
Par la suite, en 2000, le Bloc québécois a mené la charge pour faire modifier cette première loi antigang, soit le projet de loi C-59, et en faire élargir l'application. Notre chef de l'époque, M. Gilles Duceppe, a même été la cible de menaces et d'intimidation de la part d'organisations criminelles pour le dissuader d'aller de l'avant.
M. Duceppe s'est tenu debout et le Bloc a fait preuve de détermination. C'est pourquoi nos efforts ont abouti, en 2002, à l'adoption du projet de loi , qui créait dorénavant deux infractions distinctes pour mieux combattre le crime organisé. Ainsi, la participation aux activités d'une organisation criminelle et la perpétration d'un acte criminel au profit d'une organisation criminelle sont devenues deux infractions distinctes. Il était dorénavant possible d'obtenir une condamnation contre les membres d'organisations criminelles pour une infraction mieux connue sous le nom de crime de gangstérisme. Le fait de charger une personne de commettre une infraction au profit d'une organisation criminelle est devenu punissable d'une peine d'emprisonnement à perpétuité.
Pour mieux protéger les citoyens et les officiers de justice occupés à combattre le crime organisé, cette loi ajoutait également des dispositions pour lutter contre l'intimidation commise à l'endroit des journalistes, des élus fédéraux, provinciaux et municipaux, tout comme à l'endroit de toute personne qui jouait un rôle dans l'administration de la justice pénale et criminelle.
En 2009, le Bloc québécois revenait à la charge avec une motion pour que les organisations criminelles telles que les groupes de motards criminalisés soient reconnues illégales. Toujours en 2009, le Bloc a appuyé le projet de loi sur le crime organisé pour que tout meurtre commis au bénéfice d'une organisation criminelle soit jugé comme un meurtre prémédité passible d'une peine de prison à perpétuité.
En parallèle, c'est également à l'initiative du Bloc québécois que le Code criminel a été modifié pour inverser le fardeau de la preuve et forcer les groupes criminalisés à démontrer la provenance de leurs revenus. C'était là une avancée importante dans la lutte contre le crime organisé.
Auparavant, à la suite d'une conférence internationale sur le blanchiment d'argent et le crime organisé tenue à Montréal en 1998, le Bloc québécois avait persuadé le gouvernement de faire retirer les billets de 1 000 $, qui, on le sait tous, ne servaient qu'à blanchir l'argent du crime organisé la plupart du temps.
Bref, le Bloc québécois a toujours été une épine dans le pied du crime organisé. Il faut reconnaître que les gangsters ont une grande capacité d'adaptation, et depuis 2016, l'an dernier, il semble que les groupes de motards criminalisés soient de retour.
Nous avons encore une fois la responsabilité d'agir. Je tiens à rappeler que la dernière guerre des motards, de 1994 à 2002, a été particulièrement meurtrière. En huit ans, on a dénombré plus de 150 morts, dont 9 innocents, en plus de 9 disparus et de 181 tentatives de meurtre. Les choses risquent maintenant de reprendre de plus belle. Depuis l'été 2016, les experts et les observateurs de la scène du crime organisé constatent un retour en force des motards criminalisés. En effet, à la suite de l'opération SharQc, en 2009, la plupart des motards accusés sont maintenant en liberté en raison notamment du fait que certains procès se sont terminés en queue de poisson et que plusieurs individus condamnés ont vu leur peine réduite.
On assiste donc de plus en plus à des démonstrations de visibilité et, par le fait même, à des démonstrations de force. Au cours des derniers mois, les motards ont recommencé à se réunir, affichant sans gêne et en toute impunité leurs emblèmes. Notre système de justice criminelle s'attaque au moins autant à la mentalité criminelle qu'aux actes criminels eux-mêmes. Pour s'en convaincre, il suffit de songer aux crimes de complicité: celui de complot et celui de tentative, ou même au crime d'incitation, également appelé « conseil ».
Ce n'est que pour des raisons pratiques, dont l'extrême difficulté d'en faire la preuve, que la mentalité criminelle est plus rarement punie que les actes criminels eux-mêmes. Cette difficulté de présenter une preuve complète ne doit toutefois pas décourager la répression des comportements qui doivent être réprimés.
À l'heure actuelle, le Code criminel prohibe la participation à une organisation criminelle seulement dans la mesure où il est démontré que la personne avait l'intention d'accroître la capacité de l'organisation à faciliter ou à commettre un acte criminel. C'est une preuve difficile à faire, notamment pour des organisations criminelles extrêmement difficiles à infiltrer par les forces policières.
C'est donc dans cette optique que nous proposons: dans un premier temps la création, comme c'est le cas pour les organisations terroristes, d'une liste d'organisations criminelles; et dans un deuxième temps, l'interdiction du port d'emblème tel que les patchs des organisations qui sont inscrites sur une telle liste.
Il s'agit là d'une demande historique du Bloc québécois. Dès l'automne 2001, à l'occasion d'une journée de l'opposition, le Bloc avait présenté une motion engageant le Parlement à considérer comme une infraction l'appartenance à une organisation criminelle. La même année, à l'étape de l'étude du projet de loi au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, le Bloc québécois avait déposé un amendement pour interdire l'appartenance à une organisation criminelle. Cet amendement avait été appuyé par la direction des enquêtes criminelles du service de police de Montréal de l'époque, le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal.
Les parlementaires, malheureusement, ont rejeté cette motion. Par la suite, en 2009, le Bloc québécois a fait adopter une motion au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, afin que celui-ci se penche sur la possibilité de créer une liste d'organisations basée, encore une fois, sur le modèle de la liste des entités terroristes. Je le rappelle, la dernière guerre des motards a fait plus de 150 morts au Québec seulement, dont un enfant âgé de 11 ans.
Le crime organisé coûte cher en vies humaines, on ne peut rester là à ne rien faire. Les témoins provenant de la Sûreté du Québec, du SPVM et de la GRC ont tous appuyé l'établissement d'une telle liste.
Selon eux, l'inscription d'une organisation criminelle sur une liste faciliterait le travail des procureurs de la Couronne, du fait que ceux-ci n'auraient plus à faire la preuve, à chaque procès, de l'existence d'une organisation criminelle. Cela entraînerait une efficacité accrue en temps d'audition, en coût et en cohérence.
Voici ce qu'en disait un inspecteur-chef de la Sûreté du Québec:
La proposition [...] serait toutefois une avancée majeure et significative, afin d'éviter de refaire la même démonstration d'organisation criminelle à chaque procès, pour la même organisation. Cela permettrait d'épargner des semaines, voire des mois de témoignages et de préparations afin de démontrer des aspects déjà acceptés lors de précédentes procédures judiciaires, et constituerait donc une avenue importante pour nous permettre d'être encore plus efficaces dans notre lutte sur le terrain contre le crime organisé.
On conviendra qu'à l'ère de l'arrêt Jordan, gagner des semaines, voire des mois, serait pour le moins bénéfique à notre système judiciaire. C'est pourquoi nous revenons, cette année, à la charge, avec deux nouvelles mesures.
Primo, donner la possibilité au gouverneur en conseil de créer une liste d'organisations criminelles et d'y inscrire celle recommandée par le ministre de la Sécurité publique.
Secundo, rendre criminel le fait de s'afficher en tant que membre d'une organisation criminelle inscrite sur la liste par le port d'emblème tel les patchs.
D'abord, en ce qui concerne la création d'une liste d'organisations criminelles, il n'y a pas de raison légitime de faire sciemment partie d'un groupe criminel. Ici, notre projet de loi propose tout simplement d'interdire l'appartenance à un tel groupe. Actuellement, porter une accusation de gangstérisme nécessite d'abord de faire la preuve de l'existence d'une telle organisation. Nous l'avons vu dans les mégaprocès, il s'agit d'une preuve longue et fastidieuse qui peut littéralement faire avorter des procès. Du coup, plutôt que de servir la justice avec un grand J, les délais nécessaires pour l'administration d'une telle preuve ne servent que des criminels. Ce n'est évidemment pas ce que nous souhaitons. L'établissement d'une liste d'organisations criminelles aurait donc pour effet de raccourcir la durée des procès et permettrait à la justice de suivre son cours dans des délais raisonnables et d'atteindre son but.
La population croit, avec raison, qu'il est anormal qu'il soit permis de faire partie d'une organisation criminelle. Pourquoi la population croit-elle cela? C'est tout simplement parce qu'il est anormal de faire partie d'une organisation criminelle.
En adoptant ce projet de loi, le Parlement enverrait un message à la population et aux criminels: l'État ne reste pas les bras croisés. L'État agit pour la justice, pour le bien commun, pour la sécurité de tous.
Les élus de la Chambre ne resteront pas béatement inactifs devant une absurdité pareille.
Le a déjà le pouvoir d'établir une liste de groupes terroristes, une liste qui — faut-il le souligner — à ce jour n'a jamais fait l'objet d'aucune contestation.
En 2005, dans l'affaire R. c. Lindsay, la juge Fuerst de la Cour supérieure de l'Ontario a établi que les Hells Angels constituaient une organisation criminelle dans tout le Canada. Toutefois, ce jugement n'a pas dispensé les procureurs de la Couronne d'avoir de nouveau à faire cette preuve selon laquelle les Hells Angels constituaient une organisation criminelle dans d'autres procès.
Je suis conscient qu'une telle mesure ne permettra pas à elle seule de mettre en échec le crime organisé et que la preuve de gangstérisme ne sera pas toujours facile à faire, mais n'est-ce pas, de toute façon, le cas dans chaque infraction actuellement prise isolément?
En ce qui concerne les emblèmes, dans le deuxième volet de notre projet de loi, nous proposons d'instituer comme constituant une infraction, le fait de s'afficher en tant que membre d'une organisation criminelle par le port d'une emblème ou de patch.
Le paragraphe 467.11(1) du Code criminel énonce ce qui suit:
Est coupable d’un acte criminel [...] quiconque sciemment, [...] participe à une activité d’une organisation criminelle ou y contribue dans le but d’accroître la capacité de l’organisation de faciliter ou de commettre un acte criminel [...].
Nous croyons que le fait...
:
Madame la Présidente, je vais commencer par remercier mon collègue de sa présentation sur le projet de loi .
[Traduction]
Je suis heureux de participer au débat sur le projet de loi visant à modifier le Code criminel, de sorte que l'on puisse établir une liste d'organisations criminelles et également ériger en infraction le fait pour quiconque de porter l'emblème d'une entité inscrite comme organisation criminelle. Le projet de loi vise à faire en sorte qu'il soit plus facile pour la police et les procureurs de mener des enquêtes et d'intenter des poursuites contre les organisations criminelles.
Cependant, de nombreuses préoccupations ont déjà été exprimées au sujet du projet de loi. Je partage ces préoccupations et j'encouragerai donc les députés à rejeter cette mesure.
La criminalité organisée préoccupe énormément les Canadiens et tous les ordres de gouvernement. En tant qu'ancien procureur fédéral, je prends ce dossier très au sérieux. Qu'il s'agisse de gangs de rue plus ou moins organisés ou de clubs de motocyclistes hautement structurés, la criminalité organisée prolifère dans à peu près toutes les sphères de la société. Des activités comme le vol et la revente de produits légaux, le trafic des drogues et des armes à feu, le terrorisme, le blanchiment d'argent, la fraude et la traite des personnes coûtent à l'économie canadienne des milliards de dollars et représentent des risques élevés pour la sécurité des Canadiens.
Comme je l'ai dit, la criminalité organisée a une incidence directe sur l'économie canadienne, mais la violence utilisée pour commettre des crimes pour le compte d'organisations criminelles touche également des personnes innocentes, réduit la sécurité publique et mine les valeurs fondamentales de notre société.
En 2013, le Service canadien de renseignements criminels rapportait la présence de 672 organisations criminelles au Canada, basées pour la plupart dans les régions métropolitaines, surtout celles où il y a un port et où l’activité économique est importante. Selon le Service, la majorité des groupes du crime organisé s’intéresse au trafic de la drogue en raison des revenus élevés que rapportent son importation et son exportation. À ce sujet, j’aimerais faire remarquer que l’approche adoptée par le gouvernement dans le projet de loi vise justement à priver les organisations et les bandes de criminels de la source même des profits du trafic de drogue.
Le marché noir du Canada est aujourd’hui évalué à 77,83 milliards de dollars, dont 44,5 milliards, soit 57 % environ, viennent du trafic de drogue. Ce sont là des chiffres importants.
[Français]
La structure et la manière dont fonctionne le crime organisé semblent également changer. Historiquement, le crime organisé consistait en des groupes sophistiqués et cohérents, tels que les groupes de motards hors-la-loi et la mafia, et chaque groupe avait tendance à être impliqué dans des entreprises criminelles particulières pendant de longues périodes.
Aujourd'hui, le crime organisé est plus fluide, les groupes se réunissant à des fins différentes et travaillant ensemble pour atteindre leurs objectifs en s'appuyant sur des compétences particulières pour compléter un acte criminel spécifique. Une fois que l'entreprise criminelle est terminée, ces personnes peuvent ou non continuer à travailler ensemble.
Ce point souligne l'une des raisons pour lesquelles je ne crois pas que le projet de loi soit la solution adéquate pour faire face à certains des défis liés à l'enquête et à la poursuite des organisations criminelles. La plupart des groupes sont fluides, et par conséquent, garder une liste de ces groupes en cours constituerait un défi permanent qui consommerait beaucoup de temps et de ressources, et serait probablement inutile dans la majorité des cas.
Le Code criminel contient déjà des lois solides visant à lutter contre le crime organisé, et contient quatre infractions spécifiques. Ces infractions s'adressent à ceux qui soutiennent les activités des organisations criminelles, ceux qui commettent des infractions pour des organisations criminelles et ceux qui demandent aux autres de commettre des infractions pour des organisations criminelles.
Le Code criminel contient également des réponses accrues aux peines pour les délinquants liés au crime organisé, ce qui garantit que ces personnes sont punies plus sévèrement. Enfin, le Code criminel contient des dispositions particulières concernant le crime organisé.
[Traduction]
Le projet de loi vise à modifier dans le Code criminel la définition d’organisation criminelle afin qu’elle désigne toute entité établie par le gouverneur en conseil.
Certains observateurs sont excédés que, chaque fois qu’un tribunal détermine qu’un groupe correspond à la définition d’une organisation criminelle, cette conclusion ne soit pas prise en considération dans toute poursuite ultérieure contre le même groupe. Je crois toutefois que ce que propose le projet de loi pour surmonter cet obstacle n’est pas la solution; cela pourrait même causer concrètement plus de problèmes qu'en résoudre. Par exemple, si un groupe fait partie de la liste, il se pourrait que les agences d’application de la loi ne recueillent pas aussi minutieusement les éléments de preuve qu’elles ne le font actuellement, en pensant que c'est inutile.
Toutefois, l’utilisation de cette liste en vue de prouver l’existence d’une organisation criminelle serait très certainement contestée lors d’une poursuite pénale, comme on l’a d’ailleurs déjà vu. Ainsi, l’avocat de la défense pourrait faire valoir que le groupe figurant sur la liste n’est pas le même que celui qui fait l’objet de la poursuite, que les accusations de complot sont légèrement différentes ou que les motifs invoqués ne sont pas les mêmes d’une affaire à l’autre. En conséquence, le procureur aurait encore besoin d'éléments de preuve pour contester ces affirmations, éléments de preuve qui pourraient ne pas avoir été recueillis.
Par ailleurs, un avocat de la défense pourrait soutenir que la cour ne peut pas s'appuyer sur cette liste parce que la norme de preuve qui doit être appliquée pour inscrire des organisations criminelles sur la liste, soit le fait d'avoir des motifs raisonnables de croire qu'un groupe s'adonne à des activités du crime organisé, est inférieure à celle exigée pour un procès criminel, à savoir la preuve hors de tout doute raisonnable.
Ce genre de problème inévitable entraînerait des retards et même possiblement des poursuites alimentées par la frustration. Je sais que personne à la Chambre ne souhaite qu'un tel scénario se produise.
Je m'inquiète aussi du fondement sur lequel un groupe serait inscrit sur la liste. Le projet de loi stipule que le groupe doit avoir mené des « activités du crime organisé », mais cette phrase n'est pas définie dans le projet de loi. Les activités du crime organisé se traduisent-elles uniquement par des infractions criminelles ou comprennent-elles également une conduite qui favorise l'aptitude d'une organisation criminelle à commettre des crimes? Voilà une autre question qui serait inévitablement contestée devant les tribunaux et qui pourrait engendrer des années de retard et de confusion.
J'ai aussi quelques questions au sujet de la conformité à la Charte des propositions dans le projet de loi. Il est primordial que la Couronne porte le fardeau de déterminer hors de tout doute raisonnable tous les éléments essentiels. Je m'inquiète aussi que l'inscription des groupes sur cette liste pourrait effectivement miner le droit d'un individu d'être présumé innocent en vertu de la Charte. Le fait d'invoquer une telle liste entraînerait probablement des contestations fondées sur la Charte, ce qui ne ferait que compliquer davantage les poursuites au lieu de les simplifier. À cela s'ajoute une augmentation de la durée des procès, ce qui engorgerait encore plus les tribunaux.
À la lumière de l'arrêt Jordan, il est important que nous soyons bien conscients des changements qui pourraient faire que notre système de justice pénale soit plus lent et moins efficace. Il convient de noter qu'il faudra du temps à l'appareil gouvernemental pour dresser une liste, et qu'il devra y consacrer des ressources importantes et permanentes afin d'en assurer le maintien.
La proposition d'ériger en infraction le fait de porter l'emblème d'une organisation criminelle inscrite à la liste soulève des risques relatifs à la Charte et au droit de liberté d'expression de l'accusé. Bien que je crois que nous sommes tous d'accord pour dire que certains emblèmes et badges sont très offensants, il pourrait y avoir des retards si nous nuisons au dénouement des procès. En effet, des cas de ce genre ont déjà fait surface en Saskatchewan, qui a déjà rejeté des propositions similaires à celles que l'on trouve dans le projet de loi .
L'un des moyens efficaces que nous avons de lutter contre le crime organisé est de l'empêcher de profiter du marché noir. En ce sens, le projet de loi du gouvernement, qui vise la légalisation et la réglementation stricte du cannabis, aura un impact positif. Il réduira le rôle du crime organisé dans la vente du cannabis et leurs profits illicites. Comme l'ont déjà fait remarquer mes collègues à maintes reprises, il aura aussi comme effet de restreindre l'accès des enfants au cannabis.
Bien que je reconnaisse que le crime organisé soit une menace omniprésente pour les Canadiens, je ne crois pas que le projet de loi améliorera vraiment le système de justice pénale. Au contraire, il risque de créer plus de problèmes qu'il n'en réglera. C'est pourquoi le gouvernement n'appuiera pas le projet de loi . J'invite tous les députés à voter contre.
:
Madame la Présidente, je suis heureuse de prendre la parole au sujet du projet de loi , Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence en ce qui a trait aux organisations criminelles et à la lutte contre le crime organisé, une question de grande importance.
Le projet de loi a pour objet de créer un registre gouvernemental de symboles liés au crime organisé. Il serait illégal de porter ou d'afficher bien en vue les symboles figurant sur cette liste. Une personne qui exhiberait intentionnellement un tel symbole serait passible d'une peine allant jusqu'à deux ans d'emprisonnement.
L'intention est bonne, mais le projet de loi laisse à désirer.
Dans sa forme actuelle, il n'exige pas que le registre soit facilement accessible au public. C'est un élément important. Si les Canadiens n'ont pas accès au registre, comment vont-ils savoir qu'ils enfreignent la loi? La situation est particulièrement préoccupante, puisque les contrevenants, qu'ils le soient intentionnellement ou non, pourraient être condamnés à une peine d'emprisonnement pour avoir porté un emblème interdit.
Comme le projet de loi vise à assurer la sécurité du public, l'omission est de taille. La préoccupation plus générale est celle-ci: quand une organisation est accusée d'une infraction qui mène à l'ajout de son emblème au registre, c'est l'emblème, et non l'organisation, qui est visé et interdit. Il y a un problème plus fondamental: le projet de loi ne contribue pas à faire obstacle au crime organisé de façon importante. Certaines organisations criminelles utilisent plusieurs symboles ou emblèmes, d'autres n'en utilisent aucun.
Chaque faction d'une même organisation criminelle peut avoir ses propres symboles. Si le registre qu'on propose de créer devait les contenir tous, il serait très volumineux et risquerait d'être peu pratique pour les policiers. On peut prévoir que les membres des bandes criminelles changeront de symboles pour contourner les interdictions ou qu'ils cesseront de porter des vêtements affichant les logos interdits. De plus, pour faire connaître leurs allégeances, ils pourraient tout simplement avoir recours à d'autres signes — par exemple, des tatouages —, dont il n'est pas question dans le projet de loi.
Lorsqu'elles cherchent à intimider, les organisations et les bandes n'ont pas de mal à faire clairement comprendre qui elles sont. Le projet de loi est peu susceptible de les en empêcher.
Il sera facile aux bandes criminelles de contourner cette mesure législative, mais d'autres groupes qui n'ont aucun lien avec le crime organisé pourraient être injustement touchés. Selon le projet de loi, ces mesures viseraient uniquement les gens qui portent sciemment les symboles d'une entité inscrite dans le but de démontrer leur appartenance à une organisation criminelle. Selon moi, la culpabilité des délinquants serait aussi difficile à prouver que l'innocence des personnes ayant fait une erreur par mégarde. Les membres des bandes pourrait facilement dire qu'ils n'ont aucun lien avec le symbole ou qu'ils portent l'emblème à d'autres fins.
S'ils ne connaissent pas les antécédents d'une personne, les services de police et les autres responsables de l'application de la loi auront du mal à prouver le contraire. Il serait aussi utile d'éclaircir les exemptions qui s'appliquent aux types de symboles qui sont moins répréhensibles.
Même des pays qui ne sont pas à l'aise avec des symboles du passé autorisent qu'ils soient utilisés à des fins historiques ou éducatives. Le projet de loi devrait autoriser l'utilisation des symboles, par exemple dans des oeuvres journalistiques ou dramatiques, ce qui pourrait aider à faire la lumière sur le crime organisé et ses effets néfastes sur la société.
Le gouvernement conservateur précédent a pris des mesures concrètes pour lutter contre le crime organisé. Il a élargi la définition des infractions graves figurant dans le Code criminel pour qu'elle englobe la prostitution, le jeu illégal et de nombreux crimes liés à la drogue. Il a alourdi les sanctions pécuniaires associées à ces infractions, qui constituent des sources de revenus importantes pour le crime organisé. Les services de police ont obtenu les outils dont ils avaient besoin pour s'attaquer aux gangs. Le financement des activités de lutte antidrogue de la GRC a été accru considérablement, et la Stratégie nationale antidrogue a contribué à la lutte contre le trafic de drogue. Qui plus est, on a augmenté le financement des mesures de lutte contre le trafic de drogue international dans les Amériques. Le trafic de drogue et les activités criminelles qui en découlent ne s'arrêtent pas à la frontière canadienne.
Ces initiatives ont toutes contribué à la lutte contre le crime organisé. Toutefois, le projet de loi à l'étude aujourd'hui serait inefficace à cet égard, car il met l'accent sur des symboles plutôt que sur les crimes en tant que tels.
Le projet de loi soulève aussi de graves préoccupations à l'égard de la liberté d'expression, qui est un droit constitutionnel fondamental. L'article 2 de la Charte établit clairement que la liberté d'expression est protégée. Dans sa forme actuelle, le projet de loi aurait probablement de la difficulté à résister à une contestation constitutionnelle.
Il serait peu susceptible de résister à une contestation en vertu de la Charte conformément aux limites raisonnables puisqu'il cible les symboles plutôt que les criminels eux-mêmes ou les organisations qui sont responsables des crimes.
Enfin, le projet de loi ne tient pas compte des différents sens que peuvent avoir les symboles et du fait qu'ils peuvent changer considérablement au fil du temps et d'un endroit à l'autre. L'insigne adopté par un gang dans une ville peut être un symbole totalement anodin ailleurs dans le pays. Les connotations de nombreux symboles varient souvent entièrement d'une culture à l'autre et d'un contexte à l'autre.
Vu leur nature, les organisations criminelles n'ont guère de raisons de respecter les symboles de droit d'auteur ou les symboles qui sont déjà utilisés par d'autres personnes. Qu'arriverait-il si une organisation criminelle essayait de s'approprier les symboles d'organismes légitimes?
La situation est particulièrement préoccupante puisque les gangs se servent souvent de symboles ethniques ou existants comme insigne. Le projet de loi nous porterait à interdire ces symboles, et ce, peu importe leur sens dans d'autres contextes.
Comme je l'ai déjà dit, le projet de loi comporte beaucoup de lacunes. Son objectif principal de lutter contre le crime organisé serait essentiellement voué à l'échec et ses dispositions soulèvent beaucoup de vives préoccupations. Par conséquent, je n'appuierai pas le projet de loi.
:
Madame la Présidente, aujourd'hui nous débattons du projet de loi . Je vais commencer en remerciant le député de , qui parraine ce projet de loi, comme je l'ai fait dans mes questions.
Le fait que nous parlions encore de ce problème est très important. Nous reconnaissons tous que, malheureusement, en politique, que ce soit en rapport avec le crime organisé ou avec autre chose, on attend trop souvent une tragédie avant de s'attaquer à un enjeu important. L'enjeu devant nous, celui du crime organisé, est évidemment extrêmement important.
Nous devons être francs et reconnaître que peu importe nos allégeances politiques et peu importe les méthodes que nous croyons être les meilleures pour éradiquer ou du moins minimiser la menace posée par le crime organisé sur le plan humain, personnel, physique et économique, nous sommes tous d'accord sur le fait qu'il faut tout faire en notre pouvoir en tant que législateurs pour la combattre.
Je vais justement parler des solutions qui sont proposées dans le projet de loi. Je vais me concentrer en particulier sur la création de cette liste, de ce registre d'organisations criminelles. Quand j'ai pris le temps de relire les témoignages du Comité permanent de la Justice datant de l'époque à laquelle on menait l'étude proposée par le Bloc québécois en 2009, j'ai constaté des aspects intéressants. Il y a un réel enjeu par rapport au fardeau de la preuve mis sur les épaules des corps policiers, entre autres. Ces derniers doivent prouver qu'une organisation est criminelle et le prouver de nouveau chaque fois, même quand la réalité semble très évidente. Un citoyen qui regarderait la situation dirait que cela n'a pas de bon sens, qu'on sait très bien qui sont les organisations criminelles au Québec et au Canada.
Malgré cela, ce fardeau existe et la Couronne doit constamment prouver, par rapport à tout crime commis relatif au crime organisé, que l'organisation en question est effectivement une organisation criminelle. Cela cause énormément d'ennuis et cela occasionne beaucoup de travail aux procureurs et aux corps policiers.
J'ose avancer que la liste proposée n'est pas la solution adéquate pour alléger la tâche de la police. J'ai retenu des propos provenant des témoignages entendus lors de cette étude. William Barclay, un avocat travaillant à la Section de politique en matière de droit pénal au ministère de la Justice, a dit: « En effet, même si un groupe figurait sur la liste, la police devait tout de même recueillir des preuves pour une affaire qui serait entendue par un tribunal, puisque l'inscription du groupe visé sur la liste pourrait tout de même être contestée. »
Ce qu'on constate avec cela et ce que d'autres avocats ont indiqué, c'est qu'il y a néanmoins une obligation pour les corps policiers, et conséquemment pour la Couronne, de recueillir les différents éléments nécessaires pour prouver que l'organisation en question est criminelle.
Quand on parle du mécanisme de la liste, plusieurs éléments nous préoccupent.
Premièrement, nous sommes toujours inquiets, malgré le fait que nous reconnaissons que parfois ce doit être fait, lorsque nous voyons quelque chose qui demeure quasiment à la discrétion d'un ministre. Dans le projet de loi, on constate qu'il y a un mécanisme de contestation, mais selon moi, le mécanisme de contestation n'est pas à la hauteur.
Je vais donner un exemple provenant de cette section du projet de loi. Il est dit que si un groupe conteste devant un juge son inscription sur la liste, on peut soumettre en preuve tout élément, même des preuves qui ne seraient normalement pas admissibles selon d'autres lois canadiennes.
C'est très préoccupant. Prenons par exemple un cas récent à Montréal où on a essentiellement mis à la poubelle un mégaprocès contre différents groupes organisés. Une des raisons pour lesquelles on a fait cela, c'est parce que la GRC avait participé à différentes opérations d'écoute électronique jugées illégales et qui auraient certainement été contestés parce qu'elles étaient illégales et anticonstitutionnelles.
On pourrait revivre la même situation si on accorde ce genre de pouvoir discrétionnaire assorti d'un mécanisme de contestation qui n'est pas à la hauteur. Bien que ce soit un mécanisme différent, c'est un peu la même chose pour ce qui est de la No Fly List, la liste d'interdiction de vol du Programme de protection des passagers. On voit que l'absence d'un mécanisme de recours robuste crée énormément de problèmes aux individus qui s'y retrouvent.
Or on peut constater que le contre-argument serait que le nom des groupes du crime organisé sont assez connus. Qu'on les cible ou non, on ne peut pas s'attendre à ce qu'ils commence à le contester. Le problème survient quand on examine ce genre de listes. Évidemment, il y a les groupes qu'on connaît tous, qu'on peut nommer, des groupes de motards qu'on connaît très bien, par exemple, et qui figurent régulièrement dans l'actualité.
Plusieurs experts ont soumis un problème pendant l'étude en 2009. En effet, parler de crime organisé, cela peut vouloir dire des groupes de motards, mais cela peut aussi vouloir dire, par exemple, des gangs de rues. Comme le député de l'a lui même dit dans son discours, ces groupes savent s'adapter. Une mouvance constante existe par rapport à l'identité des groupes: les noms et la composition des groupes, ainsi que les crimes dans lesquels ils sont en train de s'impliquer dans notre société. Cela présente donc un énorme défi.
L'exemple le plus frappant, c'est qu'un des groupes qui appuie en principe la création d'une telle liste, c'est la GRC. Or quand on relit le témoignage de la GRC, on constate qu'elle a effectivement reconnu qu'une telle liste serait extrêmement difficile à maintenir, notamment en ce qui concerne le fardeau administratif lié à son maintien et le fait de s'assurer que les informations sont exactes et que la communication avec le est robuste et appropriée.
Je ne suis pas juste ici pour dire que, selon moi, ce mécanisme n'est pas la solution. On doit aussi examiner différentes solutions, parce qu'avec son projet de loi, le député parle effectivement d'un enjeu important. Comme il l'a très bien dit dans son discours, avec l'arrêt Jordan, on est dans une nouvelle réalité. On voit des procès qui prennent fin trop tôt au détriment des victimes. Des criminels sont remis en liberté à cause du système judiciaire et de toutes sortes de facteurs. Ce sont parfois des facteurs législatifs ou administratifs, tandis que d'autres fois, disons-le franchement, c'est en raison de l'incompétence du gouvernement, en particulier du gouvernement actuel, en ce qui concerne la nomination des juges, par exemple. Toutefois, il faut reconnaître qu'il faut composer avec cette réalité.
J'adhère à une solution proposée par des représentants du ministère de la Justice au cours d'une étude en 2009. La loi permet actuellement d'inclure des témoignages d'experts de procès précédents pour essayer de faciliter la collection de preuves, afin de prouver qu'une organisation est criminelle. Il faut aller plus loin et ce serait la solution à préconiser.
Dans une cause en Ontario par exemple, si un juge conclut, dans un procès contre un individu associé à un groupe de motards, qu'il s'agit d'une organisation criminelle, cette décision serait recevable dans un nouveau procès. Selon les experts auxquels nous avons demandé une opinion et les témoignages que nous avons lus pendant l'étude, ce serait une façon beaucoup plus robuste et beaucoup plus susceptible d'être de nature constitutionnelle et moins susceptible d'être contestée en vertu de la Charte.
Si on veut parler justement des questions liées à la sécurité publique, de cette réalité de l'arrêt Jordan et de tout le fardeau administratif qui existe dans le système de justice actuellement, on doit reconnaître, qu'on le veuille ou non, que tout fardeau additionnel crée un autre outil dont les avocats de la défense peuvent se servir pour contester une décision en vertu de la Charte. Il faut reconnaître également que cela peut mener à des procédures qui durent beaucoup plus longtemps et qui aboutiront peut-être, malheureusement et inévitablement dans certains cas, à la remise en liberté et à la fin des procédures. Je crois que personne à la Chambre ne voir cela se produire. Au contraire, comme je l'ai dit d'entrée de jeu, tous les députés veulent tout faire pour s'attaquer au crime organisé.
Nous reconnaissons donc qu'un outil qui peut sembler évident, crée malheureusement trop de problèmes. Ce sont des problèmes qui vont alourdir plutôt qu'alléger le fardeau du système de justice. Cependant, nous reconnaissons également qu'il y a une solution.
En terminant, l'autre solution concerne les ressources. Je siège au Comité permanent de la sécurité publique et nationale, et j'ai déjà posé une question au commissaire Paulson de la GRC sur la concentration sur la lutte contre le terrorisme et la conséquence que cela avait dans la lutte contre le crime organisé ou le crime en col blanc. Il m'a dit qu'il y avait effectivement un manque de ressources. De toute évidence, l'argent est aussi le nerf de la guerre.
Dix minutes ne sont pas suffisantes pour exprimer complètement ma pensée. Nous ne pouvons malheureusement pas appuyer ce projet de loi, mais je félicite le député de l'avoir mis en avant et nous espérons trouver les bonnes solutions.
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Madame la Présidente, je ne suis pas avocat et je ne suis pas un expert, et depuis que j'entends mes collègues libéraux et conservateurs intervenir dans le débat, je dois dire que je suis heureux de ne pas l'être.
Toutefois, s'il y a une chose que je connais, c'est la Charte canadienne des droits et libertés et l'arrêt Oakes. Quand ma collègue du Parti conservateur parle de droits d'auteur et de tatouages, franchement, cela me donne une impression de mauvais goût. Ce n'est pas sérieux. La population a l'impression que les législateurs ont baissé les bras.
Depuis des années, les intervenants de première ligne contestent la portée de la Charte en vertu des articles 2 et 7, et mes collègues nous disent que la liberté d'expression pourrait être atteinte de façon déraisonnable dans une société libre et démocratique et que la justification ne pourrait pas se faire en cour.
J'espère que les électeurs ont entendu le brillant exposé de mon collègue de . Lorsque j'entends mes collègues parler, j'ai l'impression que, à l'étape du principe, il faudrait que tout le projet de loi soit parfait. Combien de projets de loi déposés à la Chambre ont été bonifiés par le travail en comité? En quoi les interventions de mes collègues justifient qu'on s'oppose au principe voulant qu'on lutte contre le crime organisé? Si c'est bon de faire une liste des associations terroristes, pourquoi n'est-ce pas aussi le cas pour le crime organisé? On brandit la Charte canadienne des droits et libertés de la personne.
Selon plusieurs constitutionnalistes, la Charte canadienne aurait intérêt à être révisée, parce qu'elle a des effets pervers. Parlons-en aux policiers, aux intervenants de première ligne et à ceux qui travaillent à la preuve, pour déposer devant la cour des dossiers solides du point de vue de la justice. Parlons-leur de la Charte canadienne des droits et libertés de la personne, et on verra ce qu'ils en diront. On parle tout de même de liberté d'expression et de liberté d'association en lien avec des organisations criminelles. Qui, à la Chambre, se lèvera pour me dire que l'article 1 ne vient pas sauvegarder le projet de loi de mon collègue de ? Qui me dira cela sérieusement, ici et maintenant, ce soir à 18 h 20? Franchement!
Le projet de loi doit réussir le test de l'arrêt Oakes. Or que dit l'arrêt Oakes, un arrêt cité dans plusieurs arrêts de la Cour suprême? On y dit que ce test doit déterminer si la démonstration de l'objectif de la loi peut être justifiée « en vertu d'une société libre et démocratique ». Le test s'applique lorsque le demandeur a prouvé qu'une disposition de la Charte a été violée. Il incombe donc à la Couronne de prouver que sa restriction satisfait aux exigences du test Oakes. Il doit donc y avoir un objectif réel et urgent.
À la Chambre, tout le monde a dit qu'il était urgent de lutter contre les organisations criminelles. Tout le monde s'entend sur le principe qu'il faut effectivement améliorer le Code criminel pour mieux lutter contre le crime organisé et les associations criminelles. Toutefois, certains ont dit que ce qui est proposé n'est pas tout à fait ce qu'il faudrait. À mon avis, cela mérite d'être envoyé en comité, pour qu'on étudie de quelle façon cela peut être bonifié et pour évaluer les prétentions de ceux qui, trop souvent, font appel aux experts.
Dans une autre vie, j'étais professeur de philosophie. On disait que l'appel à l'autorité des experts ou à la science est un sophisme. Quand on fait trop souvent appel à une autorité autre et qu'on en fait son principal argument, ce n'est pas un argumentaire solide.
Cela arrive trop souvent à la Chambre. Le projet de loi de mon collègue mérite absolument un débat en comité, comme le veut une tradition parlementaire digne de respect.
La feuille de route du Bloc québécois en matière de lutte contre le crime organisé semble gêner mes collègues. Or ce n'est pas le Parti libéral qui a mis son imprimatur sur la lutte contre le crime organisé. Les libéraux ont plutôt mis leur imprimatur sur la Charte canadienne des droits et libertés. Ils font une interprétation outrancière de la liberté d'expression et de la liberté d'association. Qu'ils demandent à M. et Mme Tout-le-Monde s'ils considèrent qu'il est déraisonnable de porter atteinte au droit d'association des organisations criminelles en créant une liste et en luttant contre l'intimidation.
Depuis un an et demi, j'entends certains de mes collègues faire des discours enflammés contre l'intimidation que vivent nos jeunes dans les écoles. Toutefois, ils sont prêts à accepter que des groupes organisés se promènent avec leur patch pour intimider des gens dans leurs milieux de vie. Est-ce qu'on pourrait être un peu plus cohérent?
À la lumière de l'arrêt Jordan et du fait qu'on libère des gens parce qu'on n'arrête pas de retarder les procédures, mon collègue de a la prétention de penser, après avoir étudié la question et avoir consulté des experts, qui ne sont pas les mêmes que ceux que les députés d'en face ont consultés, qu'il y a une économie de temps à faire. Pourquoi faudrait-il défaire maintenant ce projet de loi plutôt que d'en discuter et d'inviter ces experts en comité pour en juger?
La position de mes collègues est une position partisane qui ne respecte pas l'esprit d'un débat parlementaire. Ce n'est pas ce que veut la population du Québec et les électeurs. On ne veut pas de débats teintés de partisanerie où on veut défaire des projets de loi en prétendant, dans un discours de 10 minutes, qu'ils ne tiennent pas la route sur le plan légal, alors que les arguments de mon collègue valent au moins les arguments de mes collègues d'en face.
Je vais me calmer, parce que je parle au nom des citoyens que je représente. Lorsque les conservateurs, qui ont déposé le projet de loi , me parlent de droits d'auteur et me disent que le projet de loi dont il est question aujourd'hui va porter atteinte de façon déraisonnable à la liberté d'expression et d'association, ils ont strictement un point de vue partisan.
D'ailleurs, je suis heureux que mon collègue puisse déposer un projet de loi, parce que depuis un an et demi, nous avons seulement été capables d'en déposer deux à la Chambre. C'est le traitement qu'on accorde aux députés du Bloc québécois au Parlement, un traitement qu'aucun Parlement occidental ne réserve à des élus du peuple.
J'entends parfois des gens remettre en question l'utilité du Bloc québécois. Eh bien, contrairement à ce que certains peuvent penser, si ce n'était pas du Bloc québécois, de sa feuille de route et de ses interventions pour lutter contre le crime organisé, il n'y aurait pas eu d'amélioration du Code criminel en matière de lutte contre le crime organisé.
En toute honnêteté, je pense que le projet de loi de mon collègue mérite une discussion en comité et mérite d'être examiné comme on examine tous les autres projets de loi auxquels nous avons accordé notre appui de principe, et ce, même si nous leur trouvions des lacunes.
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Madame la Présidente, encore une fois, je tiens à féliciter mon collègue pour le projet de loi qu'il nous présente cet après-midi et pour le courage qu'il a de le présenter. C'est quelque chose de s'attaquer au crime organisé.
Je veux rappeler que ce projet de loi est appuyé par les différents corps policiers qu'il a énumérés tantôt. On nous demande cela pour faciliter la lutte contre le crime organisé.
Je suis outré par la réaction des trois partis fédéralistes qui se sont exprimés ici contre le projet de loi. Je suis vraiment outré. Ils nous disent qu'en principe ils luttent contre le crime organisé, mais, alors que nous avons ici une mesure concrète qui s'appuie sur les demandes des corps policiers, ils ne font rien.
Nous avons eu droit à toutes sortes d'exemples frivoles, le plus frivole venant, à mon avis, des conservateurs qui disaient que si une troupe de théâtre se déguisait en Hells Angels, il ne faudrait pas l'emprisonner pour cela. C'est un exemple farfelu, et je n'en reviens pas.
Le gouvernement nous dit qu'il va légaliser le pot et que cela va tout régler. Franchement! Qu'est-ce que c'est que ça? Le message envoyé au Québec, cet après-midi, c'est que le Canada ne fait rien pour éradiquer le crime organisé, parce qu'il est représenté par des partis pleutres, rien de moins. Je pense que, plus que jamais, le message est clair.
Je suis fâché. Je n'en reviens pas. Nous sommes à l'étape du principe. Ils nous disent que, par principe, ils sont contre le crime organisé, mais ils trouvent toutes sortes d'exemples frivoles pour s'opposer au projet de loi du député. Ils se défilent, tout simplement.
Je me souviens qu'il y a eu un rassemblement d'un groupe criminalisé ici, dans la région, il y a quelques mois. Lors d'un vox pop dans la communauté concernée, les gens disaient que c'était bien, qu'ils étaient contents, parce que ce groupe venait dépenser là. Les gens ont peur du crime organisé et de ce qu'il représente. C'est à nous d'être courageux, de nous lever, de mettre nos culottes pour faire changer cela. C'est ce que mon collègue apporte ici, mais la réaction des autres partis nous montre qu'ils ont peur.
Je suis convaincu que les gens du crime organisé qui écoutent le débat en ce moment se disent que tout va bien, qu'ils vont rester au Canada et qu'ils n'auront pas de problème à appuyer les trois partis. En effet, ceux-ci s'opposent à eux par principe, mais dans les faits, ils font tout pour que les criminels poursuivent leurs activités. C'est inacceptable.
En conclusion, je tiens encore une fois à féliciter le courage de mon collègue de et tout ce que le Bloc québécois a fait pour éradiquer le crime organisé.