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Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec la députée de .
Je suis content de pouvoir parler de la motion dont nous sommes saisis. La motion dit qu'il est dans l’intérêt public de protéger la liberté de conscience des professionnels en ce qui concerne l’aide médicale à mourir, que tout le monde a droit à la liberté de conscience et de religion en vertu de l’article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés, qu'un système qui obligerait les professionnels de la santé à diriger les patients par une recommandation efficace pourrait porter atteinte à leur liberté de conscience, et que le gouvernement devrait appuyer des mesures législatives protégeant la liberté de conscience des praticiens, infirmiers praticiens, pharmaciens et autres professionnels de la santé.
Il incombe au gouvernement fédéral d'adopter une loi qui protège la liberté de conscience des médecins. Il incombe aussi au gouvernement de protéger et de maintenir notre système de santé de manière à protéger les droits des Canadiens.
La liberté de conscience est un droit fondamental, tout comme la liberté de religion, la liberté de pensée, la liberté de croyance, la liberté d'expression, la liberté de la presse, la liberté de rassemblement pacifique et la liberté d'association. Nous tenons souvent ces droits fondamentaux pour acquis au Canada. Or, ces principes sont non négociables. On ne peut pas les mettre au rancart dès qu'on les juge encombrants. Le Canada n'est pas une dictature ni un régime totalitaire.
D'après les observations exprimées à la Chambre et au comité, je sais que tous les députés se préoccupent de la liberté de conscience. Par le passé, quand le Parlement a dû prendre en compte la liberté de conscience, il l'a toujours fermement appuyée. Ainsi, il est clairement énoncé, dans la Loi sur le mariage civil, que « nul ne peut être privé des avantages qu’offrent les lois fédérales ni se voir imposer des obligations ou des sanctions » parce qu'il exerce la liberté fondamentale de conscience garantie par la Charte des droits et libertés.
Nous pouvons établir un cadre qui soutient à la fois le droit des patients à l'aide médicale à mourir et l'objection de conscience. Le problème, c'est que le projet de loi ne prévoit pas de protection juridique de la liberté de conscience. S'il entre en vigueur, il mettra immédiatement en danger la liberté de conscience des professionnels de la santé et finira par porter atteinte au système de soins de santé.
Le gouvernement alléguera que le comité de la justice a proposé la semaine dernière un amendement au projet de loi qui vise à soustraire les professionnels de la santé à l'obligation de participer à l'aide médicale à mourir. Je lis l'amendement: « Il est entendu que le présent article n'a pas pour effet d'obliger quiconque à fournir ou à aider à fournir l'aide médicale à mourir. »
Soyons clairs. L'amendement proposé par le comité n'offre pas de protection juridique aux professionnels de la santé pour qui la moindre participation à l'aide médicale à mourir va à l'encontre de leur conscience et de leur profession.
Même si le projet de loi précise que l'article en question du Code criminel n'oblige personne à fournir de l'aide médicale à mourir, une pareille obligation pourrait être imposée par un établissement ou un organisme, ce qui violerait la liberté de conscience du professionnel de la santé. Par exemple, un employeur ou un organisme provincial de réglementation des services de santé pourraient insister pour que le professionnel fournisse une telle aide.
Les professionnels de la santé le disent clairement: pour que leur liberté de conscience soit vraiment protégée, ils ne devraient jamais être obligés de fournir de l'aide médicale à mourir ou d'aiguiller un patient vers un autre professionnel qui fournira cette aide. Ils ne devraient jamais subir aucune discrimination en raison de leurs croyances ou des choix que leur dicte leur conscience relativement à l'aide médicale à mourir.
Au cours des audiences de la Cour suprême du Canada dans l'affaire Carter, l'Association médicale canadienne a indiqué que « tout régime législatif doit protéger légalement à la fois les médecins qui décident d’administrer ce nouveau traitement à leurs patients et ceux qui s’en abstiennent. » Or, le projet de loi n'offre pas cette protection juridique.
Lors des travaux du comité, les conservateurs ont proposé de solides amendements pour que la loi protège la liberté de conscience des professionnels de la santé, mais le gouvernement a rejeté ces amendements.
Si le projet de loi est adopté sans inclure une disposition protégeant la liberté de conscience des fournisseurs de services de santé, le Canada sera le premier État au monde à légaliser le suicide assisté sans protéger fermement la liberté de conscience des fournisseurs de services de santé.
Il est important de bien comprendre qu'à défaut d'une loi claire à l'échelon fédéral, en ce qui a trait à la liberté de conscience, les professionnels canadiens de la santé seront soumis à des approches qui varieront d'un endroit à l'autre. Ce n'est pas ce que souhaite la Cour suprême du Canada. Par exemple, l'Ordre des médecins et chirurgiens de l’Ontario insiste pour que soit mis sur pied un système efficace d'aiguillage des patients vers les services qu'ils souhaitent obtenir. Un tel système poserait immédiatement problème aux médecins dont la conscience interdit une telle pratique. Ils seraient obligés de choisir entre leur carrière et leur conscience si ce projet de loi entrait en vigueur.
Mercredi, le Sénat a entendu le témoignage de la Coalition pour les soins de santé et la conscience, qui représente 5 000 médecins, 110 établissements de santé et 60 000 employés oeuvrant dans le domaine de la santé.
Ses représentants se sont dits très inquiets que le projet de loi n'offre aucune protection juridique à l'égard de la liberté de conscience des professionnels de la santé. Ils ont dit craindre que des professionnels de la santé réévaluent leur choix de carrière.
Je les cite:
Pour en avoir discuté avec les provinces, nous savons qu'il n'est pas garanti qu'elles vont légiférer. Dans ce vide juridique, les hôpitaux, les ordres professionnels, les provinces, les autorités sanitaires, les maisons de soins infirmiers et les centres d'hébergement de longue durée pourront créer des politiques qui empiéteront sur les droits constitutionnels du personnel soignant. Ce sera le chaos. Par exemple, bien que l'Ordre des médecins et chirurgiens de l'Ontario demande aux médecins d'adresser les patients à quelqu'un d'autre, au moins sept autres ordres ont déjà fait savoir qu'ils ne le feraient pas.
Il est évident que l'approche des problèmes concernant, par exemple, l'orientation des patients dans le cadre de l'aide médicale à mourir, sera fragmentée. C'est dans ce vide juridique que les professionnels de la santé seront confrontés à la discrimination parce que le projet de loi n'offre pas de protection juridique à l'égard de la liberté de conscience. Ce genre de situation nuirait non seulement à la société, mais aussi au système de santé. Des professionnels de la santé ont aussi dit qu'ils devront se résoudre à quitter leur profession si nous ne protégeons pas leur liberté de conscience.
Mercredi, la Dre Sephora Tang, psychiatre à Ottawa, a fait part au comité sénatorial de ses craintes au sujet du manque de protection dans le projet de loi .
Elle a déclaré:
En tant que médecin et psychiatre, il m'est très difficile de dire que je devrais orienter certains de mes patients vers l'aide médicale à mourir [...] Compte tenu de toute la question de l'objection de conscience, c'est presque comme si on m'empêchait d'exercer mon jugement professionnel [...] Si la loi ne me permet pas de pratiquer la médecine selon ma conscience, le temps dont je dispose pour aider mes patients sera écourté, et ce, à leur détriment, au détriment de la famille et des amis qui restent, ainsi qu'au détriment des professionnels de la santé et des membres de l'équipe qui travaillent également avec les patients.
Le Dr Matthew Meeuwissen, urgentologue de Stony Plain, en Alberta, a également exprimé son opposition à l'aide médicale à mourir. Il a déclaré qu'aider un patient à trouver un médecin pour l'aider à se suicider banalise ni plus ni moins le fait de tuer des personnes vulnérables. Il a dit ne pas connaître, en tant que médecin, de maladie où le fait de tuer son patient constitue un traitement efficace.
Bien d'autres professionnels de la santé ont un point de vue semblable et devront un jour ou l'autre choisir entre leur conscience et leur travail. Ces professionnels de la santé traitent chaque jour des personnes souffrantes et malades. Ils aident les patients qui sont en fin de vie, mais ils s'opposent à l'idée de mettre fin à leur vie.
Le serment d'Hippocrate reconnaît à juste titre cet élément de notre nature. Les professionnels de la santé font le serment de remplir leurs devoirs envers tous les patients avec conscience, loyauté et intégrité.
La liberté de conscience de tous les professionnels de la santé doit être protégée. Hope, une résidante de ma circonscription, m'a envoyé un courriel récemment dans lequel elle déclare:
La liberté de conscience est protégée par la Charte canadienne des droits et libertés et ne doit pas être bafouée. Cela dit, il doit être établi clairement que les fournisseurs de soins de santé puissent refuser pour objection de conscience d'offrir une aide au suicide ou de diriger un patient vers un autre médecin pouvant offrir une telle aide. Il ne faut pas empiéter sur les droits d'un groupe au motif que l'on défend les droits d'un autre groupe.
Une majorité de Canadiens est d'accord avec Hope. Selon un récent sondage Nanos Research, 75 % des Canadiens conviennent que les médecins devraient pouvoir refuser d'offrir une aide médicale à mourir, alors que 21 % des Canadiens ne sont pas d'accord. Même l'Association médicale canadienne a constaté qu'environ 70 % des médecins canadiens ne veulent pas offrir directement ou indirectement une aide au suicide.
Il faut accorder la priorité à la liberté de conscience, comme c'est le cas dans la Charte. Le gouvernement doit renforcer le projet de loi en ajoutant des dispositions concernant la liberté de conscience comme le prévoyait l'arrêt Carter, un peu comme c'est le cas pour la liberté de conscience et la liberté de religion dans la Loi sur le mariage civil. Il suffirait d'ajouter une disposition selon laquelle il serait considéré comme un acte criminel le fait d'intimider ou de contraindre un professionnel de la santé à offrir directement ou indirectement une aide médicale à mourir ou l'euthanasie.
Le gouvernement devrait également faire en sorte qu'il soit considéré comme un acte criminel le fait de congédier un professionnel de la santé ou de refuser de lui donner un emploi s'il refuse d'offrir directement ou indirectement une aide médicale à mourir ou l'euthanasie.
Si la liberté de conscience des professionnels de la santé n'est pas protégée, la liberté de quelques-uns empiétera sur la liberté prévue dans la Charte de ceux qui ont consacré leur vie à nous aider à guérir et à vivre en santé.
J'espère que le gouvernement appuiera cette motion et qu'il prendra de véritables mesures afin de protéger les professionnels de la santé en ce qui concerne l'aide médicale à mourir.
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Monsieur le Président, mon intervention d'aujourd'hui vise à obliger la Chambre à protéger la liberté de conscience des praticiens, des infirmiers praticiens, des pharmaciens et de tous les autres professionnels de la santé qui se refusent à prendre part, directement ou indirectement, à l’aide médicale à mourir.
Les députés connaissent peut-être Os Guinness, auteur, critique social et membre de l'équipe de conférenciers RZIM. Arrière-arrière-arrière-petit-fils du célèbre brasseur de Dublin Arthur Guinness, Os Guinness est né pendant la Deuxième Guerre mondiale en Chine, où ses parents étaient missionnaires dans le domaine médical. Témoin de la révolution chinoise de 1949, il a été expulsé du pays en 1951 comme de nombreux autres étrangers. Il est retourné en Europe et a fait ses études en Angleterre, où il a obtenu un baccalauréat à l'Université de Londres et un doctorat en sciences sociales au collège Oriel d'Oxford. Si je précise tout ça, c'est pour établir sa crédibilité.
D'après Os Guinness, « la liberté de conscience a toujours été considérée comme le premier de tous les droits ». La dignité humaine risque fort de subir les contrecoups des conflits qui ravagent le monde. La solution que propose M. Guinness passe par des conversations sur la place publique, où l'on peut promouvoir la liberté de conscience et de religion pour tous, exprimer respectueusement des idées différentes et reconnaître à chacun le droit de s'exprimer librement.
En vertu de l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés, tous les Canadiens ont droit à la liberté de conscience et de religion. Personne n'a le droit d'exiger tous les services de tous les fournisseurs en toutes circonstances.
La Coalition pour les soins de santé et la conscience regroupe plus de 100 établissements de soins de santé partout au pays, ce qui correspond à presque 18 000 lits, 60 000 employés et plus de 5 000 médecins. Elle représente des organisations qui partagent les mêmes convictions et qui s'engagent à protéger le droit à la liberté de conscience des praticiens et des établissements.
Parmi les membres de la Coalition, mentionnons l'archidiocèse catholique de Toronto, la Christian Medical and Dental Society of Canada, l'Organisme catholique pour la vie et la famille, la Canadian Federation of Catholic Physicians Societies, l'Institut canadien catholique de bioéthique, l'organisme Médecins canadiens pour la vie et l'Association catholique canadienne de la santé. Je fais miennes leurs préoccupations à l'égard du projet de loi , en ce sens qu'il ne protège pas le droit à la liberté de conscience des travailleurs et des établissements du domaine de la santé qui s'opposent moralement à pratiquer ce qu'on appelle l'aide à mourir, ou à aiguiller les patients qui en font la demande.
Aucun des pays ayant légalisé l'euthanasie ou le suicide assisté n'oblige les travailleurs du domaine de la santé, les hôpitaux et les centres de soins infirmiers ou palliatifs d'agir contre leur conscience, leur mission ou leurs valeurs. « Le droit à la liberté de conscience doit être protégé », affirme Larry Worthen, membre de la Coalition et directeur général de la Christian Medical and Dental Society of Canada, et je suis d'accord avec lui.
Selon un sondage mené dernièrement par Nanos Research, 75 % des Canadiens sont d'avis que les médecins devraient pouvoir s'abstenir d'aider un patient à mourir, alors que 21 % pensent le contraire. L'Association médicale canadienne nous apprend quant à elle qu'environ 70 % des médecins du pays ne veulent prendre part à aucune forme de mort assistée ou d'euthanasie et qu'environ 30 % d'entre eux, soit approximativement 24 000 médecins, sont prêts à le faire.
En aucun cas, un médecin, un infirmier, un pharmacien ou un professionnel de la santé ne devrait subir de la pression pour prendre part, directement ou non, à un suicide assisté ou à l'euthanasie — et encore moins y être obligé. Dans la même optique, aucun professionnel de la santé ne devrait risquer d'être renvoyé ou de ne pas être embauché parce qu'il se réclame de la liberté de conscience et de religion que lui garantit l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Comme les membres de la Coalition pour les soins de santé et la conscience, j'estime que les gens ont le droit d'accepter, de refuser et d'interrompre tout traitement de survie et de laisser le décès survenir de lui-même. J'ai moi aussi l'intime conviction morale qu'en aucun cas il ne peut être justifié pour un médecin d'enlever la vie d'un patient. Tous les jours, les travailleurs de la santé du pays accompagnent les patients qui souffrent et qui approchent de la mort, et ils continueront de le faire avec le même soin et le même sens de la compassion. Ils sont là pour aider les patients à la fin de leur vie. Ils ne veulent pas y mettre fin.
Comme je le disais la première fois que je me suis adressée à la Chambre des communes pour parler du projet de loi , nous devons et nous pouvons réduire de beaucoup le nombre de patients qui verront la mort comme la seule solution permettant de mettre fin à leurs souffrances en améliorant les soins médicaux et palliatifs ainsi que les services sociaux. Voici un exemple qui peut sembler banal mais qui en dit beaucoup: j'ai appris, lors de la journée de la Croix-Rouge qui s'est tenue sur la Colline, que le programme Nouveaux Horizons pour les aînés avait octroyé un financement permanent au comité de la Croix-Rouge de ma région afin qu'il puisse continuer à offrir un programme de visites destiné aux aînés et aux personnes souffrant de solitude. Quand ils ne sont pas appelés sur les lieux d'une catastrophe, ces bénévoles remarquables contribuent à la qualité de vie de nos aînés.
« Notre valeur comme société se mesure par le soutien que nous donnons aux plus vulnérables », affirme M. Worthen. « Nous avons besoin d'un accès accru aux soins palliatifs, ainsi qu'aux services spécialisés dans les maladies chroniques et en santé mentale pour aider les personnes qui souffrent d'un bout à l'autre du pays. »
Je crois vraiment que nous avons commis une erreur très grave en faisant passer le projet de loi avant une importante initiative de soins palliatifs.
Je suis fière de prendre la parole aujourd'hui au nom de mon médecin de famille à Esterhazy, la ville d'où je viens. Elle est un merveilleux médecin qui est profondément attachée à ses patients. Elle a investi dans la formation continue et spécialisée pour pouvoir prendre soin des aînés. Je suis tellement reconnaissante qu'elle soit le médecin de mon père, qui est atteint de la maladie d'Alzheimer. On ne devrait en aucun cas l'obliger, elle, ou obliger d'autres médecins à aider une personne à s'enlever la vie.
Je suis ici aujourd'hui, à titre de députée fédérale, pour défendre les droits des fournisseurs de soins de santé. En tant que législateurs, notre responsabilité première consiste à protéger les personnes vulnérables et la liberté de conscience. La protection de la liberté de conscience est un principe fondamental de la Charte canadienne des droits et libertés. Sans cette protection, nous perdons nos libertés et notre démocratie. Nous avons la responsabilité de respecter la liberté de conscience de nos médecins et de nos professionnels de la santé qui choisissent de ne pas participer au suicide assisté et à l'euthanasie.
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Monsieur le Président, j'interviens à la Chambre pour parler de la motion de l'opposition qui porte sur la liberté de conscience des professionnels de la santé.
La motion est directement liée au projet de loi , une mesure législative historique qui permettrait de créer un cadre législatif régissant l'aide médicale à mourir.
Je qualifie cette mesure législative d'historique, car, lorsqu'elle entrera en vigueur, le Canada deviendra l'un des premiers pays du monde à autoriser l'aide médicale à mourir et, de surcroît, même dans ce petit groupe de pays, il sera l'un des premiers à le faire dans le contexte d'un système de gouvernement fédéral.
Je suis consciente de l'importance que représente la liberté de conscience pour les professionnels de la santé ainsi que pour de nombreux groupes qui ont fait des représentations en leur nom.
De nombreux intervenants dans l'affaire Carter ont soulevé la question de la liberté de conscience, y compris, comme l'a souligné la Cour suprême du Canada aux paragraphes 130 et 131 de sa décision, l'Association médicale canadienne, la Ligue catholique des droits de l'homme, la Faith and Freedom Alliance, l'organisme Protection of Conscience Project et l'Alliance catholique canadienne de la santé.
Comme la Cour suprême l'a dit clairement dans sa décision, rien dans la déclaration de la Cour ne contraindrait les médecins à dispenser une aide médicale à mourir.
Il a souvent été question de la liberté de conscience dans les consultations menées par le comité externe fédéral dans la foulée de l'arrêt Carter. Bien des particuliers et des organismes ont présenté un mémoire et ont participé aux audiences pour défendre leur point de vue sur la liberté de conscience.
Dans la version définitive de son rapport, le comité dit que les professionnels de la santé ne s'entendent pas sur la façon dont la liberté de conscience doit être protégée sans compromettre l'accès des patients à l'aide médicale à mourir, mais que tous les intervenants sont d'avis que la liberté de conscience des médecins et des autres professionnels de la santé doit être respectée, et que ceux d'entre eux qui ne veulent pas prendre part à l'aide médicale à mourir ne doivent pas en subir les conséquences.
Comme le montre le rapport qu'il a publié en décembre dernier, le groupe consultatif provincial-territorial d'experts a aussi reçu de nombreuses contributions au sujet de la liberté de conscience et il en a fait une étude approfondie.
La liberté de conscience était aussi un élément central de l'étude que le comité mixte spécial de la Chambre des communes et du Sénat sur l'aide médicale à mourir a menée en janvier et en février derniers. De nombreux témoins ont soulevé cette question, et le rapport du comité en parle.
Après la présentation du projet de loi , j'ai suivi de près l'étude du Comité permanent de la justice et des droits de la personne sur le projet de loi ainsi que l'étude préalable du Sénat. Les deux comités ont entendu le point de vue de beaucoup de particuliers et d'organismes sur la liberté de conscience.
Par exemple, je suis consciente que les personnes qui ont témoigné devant le comité de la Chambre venaient de différents milieux dont les points de vue sur l'aide médicale à mourir étaient fort variés mais qui, de façon générale, appuyaient la liberté de conscience. Des particuliers et des organismes motivés par leurs convictions religieuses, notamment l'Alliance évangélique du Canada, le Conseil canadien des imams, le Centre consultatif des relations juives et israéliennes ainsi que le cardinal Thomas Collins, ont expliqué de manière éloquente pourquoi la légalisation de l'aide médicale à mourir, qui a pour but de respecter les droits garantis par la Charte des patients admissibles, ne devrait pas avoir pour conséquence la violation des droits des professionnels de la santé, eux aussi garantis par la Charte, ce qui serait fort regrettable.
Les organismes professionnels qui ont témoigné, entre autres l'Association médicale canadienne, l'Association des pharmaciens du Canada, la Société canadienne des médecins en soins palliatifs et l'Association canadienne de protection médicale, ont, eux aussi, souligné la nécessité de protéger la liberté de conscience non seulement par des mesures législatives, mais également au moyen d'un système qui ferait en sorte que le patient ne soit pas abandonné au moment où il a besoin d'aide mais mis en contact avec des professionnels consentant à offrir le service.
Les questions que suscite l'aide médicale à mourir ne font pas l'unanimité; on s'accorde cependant à dire qu'il faudra tenir compte de la liberté de conscience des professionnels de la santé quand la pratique sera instaurée.
À titre de ministre de la Justice et procureure générale du Canada, je tiens à exprimer ma reconnaissance à chaque personne et chaque groupe, ainsi qu'aux députés qui ont donné leur point de vue sur la question de la liberté de conscience, d'avoir contribué à un débat national sur l'aide médicale à mourir.
Je suis très consciente qu'il faut beaucoup de temps, d'énergie et d'efforts pour préparer et présenter un mémoire, que ce soit devant un tribunal, un organe consultatif ou un comité. Ils peuvent être certains que leurs voix ont été entendues.
Dans un instant, je vais expliquer comment, dans le projet de loi , l'approche du gouvernement au sujet de l'aide médicale à mourir respecte la liberté de conscience des professionnels de la santé, puis je répondrai à la motion du député d'en face.
Tout d'abord, je profite de l'occasion pour dire quelques mots sur le projet de loi et comment il respecte tous les droits garantis par la Charte, y compris le droit à la liberté de conscience. J'en dirai plus à ce sujet lorsque le projet de loi sera renvoyé à la Chambre par le comité pour le débat à l'étape de la troisième lecture.
Au Comité permanent de la justice et des droits de la personne ainsi qu'au Sénat, dans le cadre de l'étude préalable du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, les parlementaires ont entendu des témoins, qui ont dit que le projet de loi était loin d'être conforme à la Charte. Par ailleurs, nous avons entendu d'autres spécialistes du droit constitutionnel qu'à la lumière de l'évolution récente du droit, le projet de loi respecte la Charte et l'arrêt Carter.
Compte tenu de la diversité de ces avis, il est évident que personne n'a le monopole de l'interprétation de la Charte et que personne ne peut prédire avec certitude qu'un projet de loi sera un jour contesté devant les tribunaux. De plus, parmi les gens qui semblent certains que la loi sera invalidée, beaucoup oublient que le projet de loi diffère des dispositions du Code criminel qui ont été invalidées.
Je tiens à être bien claire. Le projet de loi permettrait d'offrir de l'aide médicale à mourir à une très grande proportion des personnes qui seraient susceptibles de la réclamer, notamment celles qui en sont aux derniers jours de leur vie. Les données collectées dans les endroits où il est légal de fournir de l'aide médicale à mourir le montrent bien. Il ne faut pas se leurrer: le projet de loi permettrait à la vaste majorité des Canadiens qui cherchent de l'aide médicale à mourir d'obtenir cette aide.
En revanche, tandis que le projet de loi donnerait accès à l'aide médicale à mourir à la majorité des Canadiens qui souhaitent bénéficier d'une telle aide, ce n'est pas tout le monde qui pourrait l'obtenir. L'accès serait limité en conformité avec les objectifs énoncés dans le préambule du projet de loi. Ces objectifs législatifs ne faisaient pas partie de l'ancienne loi. Ils auront une incidence sur l'analyse que l'on fera des dispositions juridiques à la lumière de la Charte, ce dont ne tiennent pas compte les personnes qui affirment que le projet de loi C-14 sera invalidé.
Même les juges de la Cour suprême ne peuvent se prononcer sur la constitutionnalité de la loi avant d'être saisis d'un cas réel, appuyé par un dossier de preuve complet et les arguments des avocats. C'est particulièrement vrai pour des questions aussi complexes et délicates que celle de l'aide médicale à mourir, qui englobe de nombreux intérêts incontestables, contradictoires et importants.
Au bout du compte, il incombe au Parlement, à juste titre, d'adopter une loi qui est conforme à la Charte et qui répond aux besoins des Canadiens afin d'établir un juste équilibre entre les divers intérêts en jeu. Comme l'a déclaré la Cour suprême dans l'arrêt Carter, les tribunaux devront faire preuve d'une grande déférence en ce qui concerne tout régime législatif. Dans le contexte de l'aide médicale à mourir, la liberté de conscience soulève des questions distinctes et nuancées sur le plan constitutionnel.
D'abord et avant tout, il est essentiel de souligner que depuis le rapatriement de la Constitution, en 1982, et l'adoption de la Charte des droits et libertés, toutes les lois, qu'elles soient fédérales, provinciales ou territoriales, doivent respecter la Charte.
En effet, cela peut sembler banal, mais nous devons nous rappeler que les droits garantis par la Charte ne sont pas issus des dispositions d'une loi ou d'un règlement donné. Ils sont issus de la Charte même. On ne gagne rien en faisant en sorte qu'une loi ordinaire confirme les droits prévus dans la Charte. Il existe un principe reconnu d'interprétation législative selon lequel les tribunaux devraient interpréter et appliquer les lois d'une manière conforme à la Charte et aux valeurs qui la sous-tendent.
Que le projet de loi ou toute autre mesure législative contienne ou non une disposition au sujet des droits prévus dans la Charte, y compris la liberté de conscience, cela ne veut pas dire que ces droits ne sont pas protégés. Au contraire, puisque la Charte fait partie de la Constitution et qu'elle est la loi suprême du pays, ces droits sont toujours protégés et ne peuvent être restreints qu'en conformité avec la Constitution, comme on l'indique à l'article 1 de la Charte, qui prévoit que les droits ne peuvent être restreints que dans des limites qui soient raisonnables et dont la justification puisse se démontrer dans le cadre d'une société libre et démocratique.
Il n'est pas nécessaire, à strictement parler, de répéter dans une loi des droits déjà garantis par la Constitution. Une telle répétition ne renforce pas les droits protégés par la Charte. Je comprends toutefois que la confirmation, par voie législative, des droits conférés par la Charte peut contribuer à la compréhension du public et rassurer les personnes concernées. Je reviendrai sur ce point dans un instant.
Deuxièmement, il est aussi important de mener une réflexion juridique sur la façon d'aborder le droit à la liberté de conscience, conformément à l'autre pilier du cadre constitutionnel qui est le nôtre depuis le début de la Confédération. Je parle bien sûr de la division des compétences entre les gouvernements fédéral et provinciaux.
Pour ce qui est de l'aide médicale à mourir, la Cour suprême du Canada a mentionné le partage des compétences au paragraphe 53 de l'arrêt dans la cause Carter:
La santé est un domaine de compétence concurrente [...] les deux ordres de gouvernement peuvent validement légiférer sur des aspects de l’aide médicale à mourir, en fonction du caractère et de l’objet du texte législatif.
Autrement dit, bien que la santé soit, de manière générale, de compétence concurrente, le contexte a son importance.
Dans le domaine de l'aide médicale à mourir, c'est principalement la compétence du gouvernement fédéral en matière de droit criminel qui lui donne le droit de légiférer sur une question de santé. Le droit criminel est axé sur la protection de la sécurité publique; ses normes servent aussi à déterminer quelles infractions mériteront les sanctions les plus lourdes prévues dans notre société.
En ce qui concerne l'aide médicale à mourir, le gouvernement fédéral a pour principale tâche de voir à ce que la légalisation de cette pratique se fasse d'une manière qui limite au maximum les risques pour les personnes vulnérables et soutient d'autres objectifs essentiels de notre société, notamment ceux qui visent à renforcer l'idée que la vie de chaque Canadien a une valeur inhérente, à soutenir la prévention du suicide et, de manière plus générale, à promouvoir une société juste et paisible. C'est pourquoi le projet de loi crée des exemptions au Code criminel applicables à l'aide médicale à mourir, de sorte que les fournisseurs de soins de santé puissent prendre part à la fin d'une vie dans ce contexte, de tels gestes demeurant interdits dans d'autres situations.
En revanche, même si le gouvernement fédéral administre certains aspects des soins de santé, par exemple pour les Premières Nations qui n'ont pas encore assumé cette responsabilité dans les réserves et pour les détenus fédéraux, les provinces sont les principales responsables de la prestation des soins de santé et de la réglementation des professions, y compris des professionnels des soins de santé, comme les médecins, les infirmières et les pharmaciens, entre autres. Elles sont aussi responsables des établissements de soins de santé, notamment des hôpitaux. Ces pouvoirs leur sont conférés en vertu de l'article 92 de la Loi constitutionnelle de 1982, ou alors, il s'agit d'autres pouvoirs provinciaux, y compris ceux de nature locale ou privée.
Les lois fédérales, y compris les modifications au Code criminel et à d'autres lois qui sont proposées dans le projet de loi , doivent respecter ce partage des pouvoirs et ne pas empiéter indûment sur la compétence des provinces. Si c'était le cas, ces lois seraient jugées inconstitutionnelles. C'est pour cette raison que les parlementaires doivent faire preuve d'honnêteté envers les Canadiens à propos des limites de notre compétence et reconnaître qu'il ne serait pas approprié, par exemple, de tenter de réglementer directement ce que les hôpitaux ou les organismes professionnels de réglementation peuvent ou ne peuvent pas faire en ce qui concerne le droit à la liberté de conscience. En agissant ainsi, nous induirions en erreur les Canadiens et ceux qui offrent des soins de santé.
Cela dit, cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas aborder la question du droit à la liberté de conscience dans le projet de loi . Cela signifie simplement que nous devons le faire d'une manière qui respecte la Constitution.
Dans sa première version, le libellé du préambule du projet de loi faisait allusion aux convictions personnelles des fournisseurs de soins de santé. Cependant, il était évident que de nombreuses personnes trouvaient cette formulation inadéquate et voulaient plus de clarté.
Le gouvernement tient évidemment à rassurer le plus possible les Canadiens au sujet du projet de loi . Je suis donc ravie d'annoncer, comme il a été souligné aujourd'hui, que les membres du Comité permanent de la justice et des droits de la personne ont travaillé avec diligence et en étroite collaboration afin d'amender le projet de loi de manière à préciser que le Parlement a l'intention de respecter à la fois la liberté de conscience et le partage des pouvoirs.
Le comité a amendé le préambule afin de préciser que chacun jouit de la liberté de conscience et de religion au titre de l’article 2 de la Charte, et que la loi n’a pas pour effet de porter atteinte à la garantie dont fait l’objet la liberté de conscience et de religion. Le comité a aussi amendé le corps du projet de loi afin qu'il précise, dans l'article le plus crucial du Code criminel: « Il est entendu que le présent article n’a pas pour effet d’obliger quiconque à fournir ou à aider à fournir l’aide médicale à mourir. » Je suis certainement favorable à ces amendements.
Ce sont là des amendements apportés dans le corps du projet de loi qui méritent d'être soulignés.
Premièrement, les précisions sont précédées de la mention « Il est entendu que », un détail important sur le plan juridique qui permet, comme je l'ai souligné plus tôt, de rappeler au lecteur que la liberté de conscience est une garantie offerte non pas par la disposition qui serait incluse dans le Code criminel, mais par la Charte.
Deuxièmement, la nouvelle disposition explique que rien n'oblige personne. Les termes utilisés montrent clairement que, bien qu'il soit vrai que le projet de loi éliminerait l'interdiction criminelle contre l'aide médicale à mourir dans certaines circonstances précises, un tel changement apporté au Code criminel n'imposerait pas un devoir absolu qui n'existait pas auparavant dans la loi. Ce n'est pas ce changement au Code criminel qui ferait en sorte que l'aide médicale à mourir soit considérée comme une forme de soins de santé. Il ne ferait qu'ouvrir la porte. Le changement est également conforme au cadre établi pour l'aide médicale à mourir dans le projet de loi C-14, qui consiste, comme je l'ai mentionné, en de nouvelles exemptions au droit criminel par rapport à diverses infractions. Ces exemptions permettraient une conduite auparavant considérée comme illégale et donneraient force de loi au jugement de la Cour suprême dans l'affaire Carter. Il faut se rappeler que la Cour suprême dans l'affaire Carter a statué que les interdictions criminelles étaient inconstitutionnelles.
Troisièmement, selon les termes utilisés dans la nouvelle disposition, rien ne pourrait obliger quiconque à fournir ou à aider à fournir l’aide médicale à mourir. Comme le savent les députés, les droits prévus dans la Charte s'appliquent à tous les Canadiens, pas seulement aux médecins, aux infirmiers praticiens ou aux pharmaciens. L'utilisation du terme « quiconque » signifie clairement que le projet de loi n'imposerait pas un nouveau devoir absolu à quiconque, y compris, sans toutefois s'y limiter, les professionnels de la santé qui fournissent ou aident à fournir l'aide médicale à mourir. En même temps, cette nouvelle disposition ajoutée par le comité ne nuirait pas au partage des pouvoirs et n'empiéterait pas sur la compétence des organismes réglementés par les provinces.
Pour ce qui est de la collaboration, depuis l'arrêt Carter, l'une des choses que nous entendons régulièrement de la part de nombreux particuliers ou organismes qui se sont exprimés au sujet de la liberté de conscience, c'est la nécessité de trouver des solutions pratiques et concrètes au problème des soins palliatifs. La a insisté, et je suis d'accord avec elle, sur le fait que des mesures non législatives peuvent être utilisées de concert avec le projet de loi pour veiller à ce que les droits garantis par la Charte de toutes les personnes visées soient respectés.
Voilà pourquoi le gouvernement s'est engagé à mettre en place, en collaboration avec les provinces et les territoires, un système qui permettra de jumeler les fournisseurs consentants avec les patients admissibles à l'aide médicale à mourir. Cette démarche s'inscrit parfaitement dans la tradition canadienne du fédéralisme coopératif, dans l'esprit duquel chaque ordre de gouvernement collabore avec les autres, mais sans pour autant empiéter sur leurs compétences. Je suis convaincue que ce système répondra aux besoins des Canadiens en matière de soins et qu'il permettra concrètement aux professionnels de la santé de continuer de prendre soin des patients sans avoir à renier leurs croyances et leurs valeurs.
La motion du député part d'une bonne intention, puisqu'elle traite de droits et de valeurs qui revêtent une grande importance pour de nombreux Canadiens, notamment dans le dossier de l'aide médicale à mourir. Je ne peux toutefois pas l'appuyer. Maintenant qu'il a été modifié, le projet de loi tient compte de tous les facteurs importants entourant l'aide médicale à mourir. Les personnes qui souhaitent une mort paisible pourront le demander, les personnes vulnérables seront protégées, la valeur que revêt la vie des Canadiens sera clairement exprimée et les droits que garantit la Charte aux professionnels de la santé seront protégés. Le projet de loi respecte à la fois ces droits et le cadre constitutionnel actuel. On ne peut hélas pas en dire autant de la motion du député d'en face, et c'est ce qui fait que je ne peux pas l'appuyer.