propose que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé au Comité permanent de la sécurité publique et nationale.
— Monsieur le Président, je suis très heureuse d'amorcer le débat à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-22, qui vise à constituer le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.
[Français]
Ce projet de loi est une expression concrète de notre engagement à l'égard de l'établissement d'un dialogue constructif avec les parlementaires et de l'amélioration de la responsabilisation.
[Traduction]
Cette mesure législative offrirait un cadre structuré et responsable en vue de la communication de renseignements hautement classifiés aux parlementaires, de sorte que ceux-ci puissent examiner attentivement les activités du gouvernement en matière de sécurité nationale, demander des comptes au gouvernement et veiller à ce que les organismes de sécurité nationale agissent en tout temps de façon responsable.
Le Canada est une société libre et juste. Il est un modèle pour le monde entier en matière de principes démocratiques. Lorsque le gouvernement est arrivé au pouvoir, il s'est engagé fermement à respecter et à promouvoir ces principes, ainsi qu'à renforcer nos institutions démocratiques.
La sécurité nationale constitue l'une des plus importantes responsabilités de n'importe quel gouvernement. Les Canadiens s'attendent à ce que leur gouvernement assure leur sécurité. Parallèlement, les Canadiens s'attendent à ce que leur gouvernement poursuive cet objectif d'une façon qui respecte nos droits et libertés fondamentaux. Le gouvernement actuel a toujours préconisé que tout pouvoir accordé aux organismes gouvernementaux afin de contrer une menace quelconque à la sécurité du Canada doit être accompagné d'un resserrement des exigences en matière de reddition de comptes. Il faut assurer la protection tant de la sécurité que de nos droits et libertés. D'ailleurs, il s'agissait d'un élément central de notre programme dans le cadre des élections tenues en octobre dernier.
Dans le système parlementaire canadien, qui est fondé sur le modèle de Westminster, c'est au Parlement que l'opposition remplit son obligation de demander des comptes au gouvernement. Toutefois, le fait que les questions sont débattues ouvertement à la Chambre des communes et dans ses comités permanents pose un problème sur le plan de l'examen des activités de sécurité nationale. En effet, pour être efficaces, ces examens nécessitent une connaissance et une compréhension de renseignements classifiés qui, s'ils sont rendus publics, pourraient porter préjudice à l'intérêt national. Le gouvernement a trouvé inacceptable que le Canada soit le seul pays du Groupe des cinq dont les représentants élus ne disposent pas d'une tribune pour examiner les activités classifiées de nos organismes de sécurité nationale.
Nous savons que le gouvernement précédent ne voulait pas donner aux parlementaires un rôle dans la surveillance des actes et de la conduite de nos organismes de sécurité nationale. Toutefois, nous croyons qu'il avait tort. Le actuel a depuis longtemps reconnu la nécessité d'un examen plus approfondi. C'est un engagement qu'il a pris pendant la dernière législature et pour lequel il a demandé au et à moi de travailler ensemble afin que les Canadiens puissent voir des résultats concrets. Promesse faite, promesse tenue.
Je veux aussi profiter de l'occasion pour remercier l'actuelle pour son travail acharné dans ce dossier lorsqu'elle était porte-parole du Parti libéral en matière de défense nationale.
Je tiens également à souligner que mon collègue, le député de , a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire visant à créer un comité de parlementaires en 2013. Cela montre notre engagement de longue date à l'égard de la protection de la sécurité publique et du droit à la vie privée des Canadiens. Ce projet de loi vise à établir une tribune efficace où les parlementaires peuvent accéder à des renseignements classifiés de façon sûre et responsable. L'accès à de meilleurs renseignements permettra de tenir des débats parlementaires plus éclairés sur les activités de sécurité nationale et d'améliorer la reddition de comptes.
[Français]
Nous avons étudié les divers modèles de comités parlementaires de la sécurité nationale de nos alliés de Westminster, à savoir l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Royaume-Uni.
En effet, plus tôt cette année, mon collègue le s'est rendu au Royaume-Uni pour voir en personne comment est établi le comité du pays, appelé le comité parlementaire du renseignement et la sécurité.
Bien que les modèles utilisés par nos alliés aient été instructifs, nous avons ultimement décidé d'adopter une approche purement canadienne.
[Traduction]
Le projet de loi créerait un comité de parlementaires composé de députés et de sénateurs qui aurait pour mandat d'analyser les activités liées à la sécurité nationale et au renseignement au sein de tous les ministères et organismes, y compris les activités en cours, à moins que le ministre responsable ne détermine que l'examen porterait atteinte à la sécurité nationale. Le comité serait également en mesure d'effectuer des examens stratégiques et systématiques du cadre qui appuie les activités liées à la sécurité nationale et au renseignement, notamment la législation, les politiques de réglementation, les dépenses et les procédures administratives.
Je prends un instant pour discuter de ce mandat plutôt large. Le Canada compte actuellement un certain nombre d'organes d'examen qui se penchent sur les activités d'organismes gouvernementaux précis participant à des activités de sécurité nationale et faisant rapport au Parlement, tels que le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, le commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications, et la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC. Ces organes jouent un rôle important au sein du cadre de reddition de comptes de nos trois principaux organismes de sécurité nationale: le SCRS, le CST et la GRC. Je m'en voudrais de ne pas souligner l'excellent travail qu'ils effectuent en enquêtant sur les plaintes du public et en veillant à ce que ces organismes mènent leurs activités dans le respect de la loi.
Cependant, nous reconnaissons que cela n'est pas suffisant. Voilà pourquoi, contrairement à ces organes d'examen, le comité de parlementaires aurait un mandat qui ne se limiterait pas à l'examen d'organismes précis, mais qui engloberait plutôt toutes les activités liées à la sécurité nationale menées au sein du gouvernement du Canada.
Je précise que ce mandat pangouvernemental est unique au Canada. Aucun des modèles que nous avons étudiés à l'étranger ne prévoit une portée aussi large. Cette perspective pangouvernementale permettra au comité d'effectuer des examens stratégiques et systémiques de notre appareil de sécurité nationale et d’examiner les cadres législatif, réglementaire, stratégique et financier en fonction desquels il mène ses activités. Cela aidera à faire en sorte que notre système de sécurité nationale, dans son ensemble, fonctionne efficacement tout en respectant les droits et les libertés des Canadiens.
Ce comité proprement canadien permet aussi une autre chose importante: il peut aussi lancer un examen sur n'importe laquelle des opérations liées à la sécurité nationale, quelles qu'elles soient, y compris des opérations en cours. Aucun autre gouvernement de type britannique que nous avons étudié n'accorde autant de marge de manoeuvre en matière d'examens. Ce pouvoir exceptionnel exige un garde-fou pour que l'examen des opérations mené par le comité ne nuise à aucune opération en cours. Le projet de loi permettrait au ministre responsable de mettre un terme à l'un ou l'autre des examens s'il portait atteinte à la sécurité nationale.
[Français]
Afin d'offrir un mécanisme sécuritaire pour l'examen des projets de loi proposés, d'initiatives stratégiques ou de questions d'un grand intérêt pour le public nécessitant la consultation de renseignements classifiés, le projet de loi permettrait ainsi au gouvernement de soumettre certains dossiers au comité pour y être étudié.
[Traduction]
Pour remplir efficacement son vaste mandat, le comité aurait légalement accès à tous les renseignements gouvernementaux dont il a besoin pour procéder à ses examens, y compris les renseignements assujettis au secret professionnel.
Nous avons circonscrit les exceptions relatives à l'accès à l'information aux domaines l'exigeant absolument, par exemple, aux documents confidentiels du Cabinet, à l'identité des informateurs, des sources et des participants au programme de protection des témoins ainsi qu'aux renseignements personnels et aux renseignements commerciaux confidentiels qui se rapportent aux opérations bancaires personnelles et aux investissements étrangers. Nous prenons également au sérieux la nécessité de garantir l'indépendance des enquêtes policières et d'éviter de nuire aux opérations militaires.
Le projet de loi accorderait aux ministres le pouvoir de ne pas communiquer de renseignements opérationnels spéciaux, mais je tiens à ce que ce soit clair: les ministres ne pourront pas refuser de communiquer n'importe quels renseignements. Ils pourront seulement refuser de communiquer les renseignements opérationnels spéciaux, c'est-à-dire une catégorie précise, bien définie dans la loi, de renseignements ultrasecrets en matière de sécurité nationale, et encore, seulement s'ils jugent que la divulgation de ces renseignements porterait atteinte à la sécurité nationale. Les ministres devront toujours justifier au comité le refus de communiquer des renseignements opérationnels spéciaux. Ils auront ainsi des comptes à rendre s'ils abusent de ce pouvoir ou en font un mauvais usage.
Le mandat et les pouvoirs du comité seront inscrits dans la loi, et le gouvernement ne pourra pas les modifier. Pour ce qui est du choix des questions à étudier et de la publication de ses conclusions et de ses recommandations, le comité sera complètement indépendant du gouvernement. Chaque fois qu'un ministre décidera de mettre un terme à l'examen ou refusera de communiquer des renseignements, et que sa décision ne satisfera pas le comité, celui-ci pourra faire rapport de la question au Parlement. Les ministres devront donc rendre compte de leurs actes au Parlement et à la population canadienne.
Je sais que mes collègues d'en face s'intéressent non seulement à ce que ce comité fera, mais aussi à la façon dont sa composition sera déterminée.
Le comité de parlementaires serait un comité multipartite. Les membres seraient nommés par le gouverneur en conseil sur la recommandation du et ils seraient neuf: deux de l'autre endroit et sept de la Chambre des communes. Parmi les sept membres de la Chambre des communes, pas plus de quatre députés viendraient du parti au pouvoir. Cette formule laisse assez de marge de manoeuvre pour s'adapter aux changements dans la composition du Parlement.
Bien entendu, les parlementaires qui siégeront à ce comité auront la grande responsabilité d'assurer la confidentialité des renseignements qu'on leur fournira. Chaque membre du comité sera ce qu'on appelle une « personne astreinte au secret à perpétuité » dans la Loi sur la protection de l'information et s'exposera à des poursuites si elle dévoile des renseignements opérationnels spéciaux. Les membres seraient tenus d'obtenir une cote de sécurité et de prêter un serment de confidentialité avant d'entrer en fonction.
Les exigences de sécurité énoncées dans le projet de loi sont les mêmes que celles imposées aux fonctionnaires qui ont accès à des renseignements hautement classifiés. Rien dans le projet de loi ne limiterait la capacité des membres à porter à l'attention du Parlement et des Canadiens les lacunes perçues au sein du gouvernement tant qu'ils ne dévoileraient pas de renseignements classifiés.
Le comité déposerait ses rapports annuels au Parlement, y compris ses conclusions et ses recommandations. Il aurait en outre le pouvoir de produire des rapports spéciaux lorsqu'il le jugerait opportun. Les rapports du comité seraient remis au avant leur dépôt au Parlement dans le seul but de veiller à ce qu'ils ne contiennent aucun renseignement classifié. Il est important de souligner que le premier ministre n'aurait pas le pouvoir de modifier les conclusions et les recommandations du comité.
Le comité disposerait d'un petit secrétariat qui formerait une entité fédérale distincte et qui fournirait aux membres du comité l'aide dont ils auraient besoin pour s'acquitter de leur mandat, notamment sous forme de travaux de recherche, de documents d'information et d'avis juridique ou technique. Le secrétariat préparerait les plans de travail, le calendrier des réunions et les versions provisoires des rapports. Il serait en outre chargé de faire la liaison avec les organismes de sécurité nationale et les organismes de surveillance ainsi que de faciliter l'accès à l'information et la comparution des représentants officiels.
En somme, nous prévoyons fournir au comité les ressources nécessaires et répondre à ses besoins.
En présentant le projet de loi , le gouvernement veut s'acquitter de son engagement à établir un comité de parlementaires. Le comité fournirait aux parlementaires un accès direct aux renseignements classifiés, de telle sorte qu'ils pourraient surveiller les activités du gouvernement, ce qui améliorerait l'obligation de rendre des comptes en démocratie sur ces activités. Grâce à ses rapports et ses recommandations, le comité veillerait à ce que les activités de sécurité nationale et de renseignement aient lieu dans le respect des valeurs démocratiques canadiennes. Il serait en mesure de décider en toute indépendance, par rapport au gouvernement, quelles questions il examinerait et quelles conclusions et recommandations il formulerait.
Le comité constituerait un ajout important aux mécanismes actuels d'examen. Nous serions en avance sur nos alliés des autres démocraties s'inspirant du modèle de Westminster parce que nous irions plus loin dans l'examen des politiques et des activités des ministères et des organismes faisant partie du système de sécurité nationale. Ainsi, le Canada deviendrait le nouveau modèle à suivre en matière d'examen parlementaire.
Le projet de loi correspond exactement à ce que nous nous sommes engagés à réaliser et à ce que les Canadiens nous ont demandé de faire. Nous attendons depuis longtemps la création d'un comité de ce genre. Le moment est venu de mettre cette idée en pratique. J'espère que mes collègues d'en face comprendront l'importance du projet de loi et qu'ils appuieront notre proposition d'inclure des députés de leur caucus dans l'examen des organismes canadiens de sécurité.
À l'issue de la dernière campagne, les Canadiens ont rejeté la politique de la peur que préconisait l'opposition. Ils ont jugé qu'il valait mieux miser sur l'ouverture et la transparence que d'alimenter les craintes de tout un chacun. C'est le mandat qu'ils nous ont confié en nous élisant et c'est exactement ce que le projet de loi à l'étude nous permettra de faire.
En terminant, j'aimerais prendre quelques secondes pour saluer et remercier deux de mes collègues, à commencer par le , qui était leader parlementaire du gouvernement juste avant moi et qui a fait un travail remarquable pour que la Chambre soit saisie de cette mesure législative. Vient ensuite le , qui a collaboré de près à l'élaboration du projet de loi et qui n'a ménagé aucun effort lui non plus. Je sais qu'il est impatient de faire part à la Chambre de ses observations, tout comme je suis impatiente de les entendre.
:
Monsieur le Président, en qualité de porte-parole du Parti conservateur, autrement dit de l’opposition officielle, en matière de sécurité publique, j’ai le grand honneur d'exposer aujourd’hui à la Chambre la position de notre parti au sujet du projet de loi
Je salue le discours de la . Je dirai d’emblée que je suis en partie d’accord avec ce qu’elle a dit en réponse à plusieurs questions et observations, à savoir que c’est quelque chose qui aurait sans doute dû être mis en place il y a quelque temps déjà. D'ailleurs, si elle remonte un peu dans l’histoire, elle verra qu’au cours de la génération précédente, cette question a été examinée à plusieurs reprises, aussi bien par les conservateurs que par les libéraux.
Le député de , dans son propre caucus, et l'ancien député de Pictou—Antigonish—Guysborough, Peter MacKay, de notre caucus, étaient tous les deux favorables à ce concept, tout comme le sénateur Hugh Segal, aujourd’hui à la retraite. De plus, un certain nombre d’éminents parlementaires et universitaires ont recommandé que le Canada, en tant que membre du Groupe des cinq, se dote d’un mécanisme parlementaire de surveillance de ses opérations de renseignement et de sécurité.
Nous avons donc un objectif commun. C’est toutefois un objectif qu’il est difficile d’atteindre lorsque le gouvernement est minoritaire et qu’il essaie de défendre un dossier qu’il veut placer au-dessus des considérations partisanes, car le succès des opérations et, qui plus est, la protection de nos agents du renseignement et de la sécurité exigent que ce comité de parlementaires ne soit pas politisé ou instrumentalisé à des fins politiques.
C’est la raison pour laquelle je suis extrêmement déçu que ce ne soit pas le ministre qui ait ouvert le débat sur cette question. À cet égard, je félicite mon collègue, député de et porte-parole du NPD dans ce dossier, d’avoir longuement étudié la question dans le cadre de ses activités d’avocat spécialisé dans les causes liées à la sécurité nationale. Il a également été conseiller auprès du gouvernement conservateur précédent et auprès du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, le CSARS, il y a quelques années.
Le député de et moi-même travaillons ensemble sur cette question depuis le début de cette législature, car nous tenons à ce qu’elle reste non partisane. Malheureusement, le gouvernement n’a pas jugé bon de participer à cette collaboration, malgré notre insistance pour que ce dossier reste non partisan.
Il est extrêmement décevant que le ministre n’ait pas pris la parole aujourd’hui pour présenter son projet de loi, qui devrait être dénué de toute partisanerie. Je n’exagère pas. J'ai essayé de lui en parler. Je lui ai adressé une lettre à ce sujet le 1er mars dernier, au nom de notre caucus, après des consultations, pour dire que le Parti conservateur était prêt à collaborer avec le gouvernement dans la mise sur pied de ce comité.
Ma lettre contenait également plusieurs recommandations à propos du comité de surveillance parlementaire, qui est un comité spécial aux caractéristiques tout à fait uniques. Je n’ai reçu aucune réponse. J’ai partagé mes réflexions et mes idées avec le porte-parole du NPD, le député de . J’ai envoyé une deuxième lettre au ministre le 15 avril, pour lui faire part de plusieurs autres recommandations sur la façon dont ce comité de parlementaires devrait collaborer avec d’autres organismes existants comme le CSARS. Je salue ici l’excellent travail du CSARS, du commissaire du CST et de la constellation de groupes qui sont déjà chargés de la surveillance de la sécurité. Comment le nouveau comité pourra-t-il trouver sa place dans cette constellation, tout en évitant les chevauchements et une concurrence excessive dans le domaine de la surveillance?
Finalement, le 20 avril, le ministre m’a répondu par ce que je considère comme un simple accusé de réception aux deux lettres dans lesquelles j’essayais, avec le député néo-démocrate de , d’écarter tout esprit partisan. Il y disait ceci:
Le gouvernement a l’intention de consulter ses collègues du Parlement au cours du processus qui conduira à la création d’un comité de parlementaires.
Cette intention ne s’est jamais concrétisée, malgré l’insistance de l’opposition pour qu’on procède de la bonne façon, à l’instar de nos alliés britanniques, australiens et néo-zélandais. Le ministre a manqué à ses devoirs, parce qu’il n’a pas pris le temps de consulter. En fait, il s’est comporté de façon très cavalière.
Comme mes collègues sont à même de le constater, ce projet de loi porte atteinte aux privilèges des députés, ce qu’on aurait pu facilement éviter.
Le paragraphe 6(1) du projet de loi dispose que le , et non le Parlement, est l’instance dirigeante du comité. Je rappelle à mes collègues que le premier ministre n’est que le député de , que c’est un député au même titre que nous. Il joue certes un rôle au sein du gouvernement, mais c’est autre chose. Votre bureau, monsieur le Président, a examiné ce point à plusieurs occasions. Le premier ministre ne devrait pas exercer la présidence de ce comité. Le plus cocasse, c’est qu’il désigne aussi les membres issus de la Chambre haute, le Sénat. Il a mis les sénateurs libéraux à la porte, ne l’oubliez pas. Aujourd’hui, le Sénat est indépendant, aux dires du premier ministre, sauf en ce qui concerne ce comité, puisque les membres qui seront issus du Sénat seront désignés par lui.
Pourquoi ce projet de loi est-il si décevant? Le projet de loi a été déposé au Parlement environ quatre jours avant l’ajournement d’été. Non seulement le ministre a fait fi de toutes les demandes de l’opposition pour en discuter, mais le projet de loi a été déposé juste avant que nous partions en vacances. Pourtant, des mois avant son dépôt et avant même qu’on ne connaisse la structure de ce comité, les libéraux avaient déjà nommé son président.
J’ai beaucoup de respect pour mon collègue d’, mais cela n’augure rien de bon quant à la façon dont il assumera son rôle de président du comité. S’il voulait être président, il aurait dû se présenter ici même ou devant les membres du comité pour présenter officiellement sa candidature. En fait, c’est la promesse que son parti avait faite pendant la campagne électorale de l’an dernier. C’est la promesse qu’avait faite le en ce qui concerne les comités de parlementaires. La plateforme électorale des libéraux disait précisément, et je cite, « Pour favoriser la responsabilisation, nous renforcerons le rôle des présidents des comités, notamment en les élisant par scrutin secret ».
Le parle tellement de voies ensoleillées que l’éblouissement du soleil lui permet de briser bon nombre de promesses qu’il a faites sans que les gens ne s’en rendent compte, ni même les journalistes. Mais c’est encore une promesse qui n’a pas été tenue. Les comités doivent être plus redevables et plus responsables. S’il y en a un qui doit être dénué de toute partisanerie, c’est bien celui-ci. Or, et c’est fort regrettable, les libéraux ont désigné le président de ce comité il y a des mois, sans même avoir présenté le projet de loi annonçant la création de ce comité. Cela traduit un mépris flagrant et sans pareil à l’égard de la Chambre des communes. Nous n’avions même pas été informés de la structure du comité que son président putatif se promenait déjà de par le monde avec le ministre pour en parler.
Ce qui est intéressant, c’est qu’au cours de la dernière législature, mon collègue de ce qui était alors la circonscription de Saskatoon—Humboldt avait proposé la motion M-431, par laquelle l'ensemble des députés ont réaffirmé à l’unanimité leur souhait d’avoir des présidents de comité élus. Ce qui est cocasse à propos de cette motion, qui remonte à 2014, c’est que le avait voté pour, de même que le député d'. Que reste-t-il de ces bonnes intentions? Ils ont tous deux exprimé publiquement ici leur souhait d’avoir des présidents de comité élus. En fait, cette motion, qui avait été présentée par mon collègue conservateur, visait à faire élire les présidents de comité par l’ensemble des députés des Communes, et pas par une seule personne, le député de .
Or, voici en peu de mots ce que fait le gouvernement actuel: il se pare des atours de la transparence, de la responsabilité et des voies ensoleillées, mais c’est un jeu de dupes. En fait, non, car tout est présenté de façon à avantager les libéraux et à servir leur propre intérêt.
Le président du Conseil du Trésor, le député de , s’est prononcé publiquement en faveur de l’élection des présidents. Il a dit en l’occurrence que l’élection des présidents « pourrait accroître l'indépendance des comités et même faire en sorte que les travaux se déroulent davantage dans un esprit constructif et non partisan ». Un autre député du caucus libéral, le député de , à Terre-Neuve et Labrador, est, lui, allé jusqu’à dire que les présidents de comité devraient être élus. Quoi qu’il en soit, ne serait-ce pas une bonne chose que les 308 députés aient la possibilité de présenter leur candidature à la présidence d’un comité, compte tenu de leurs talents de députés et de leurs capacités à exercer la présidence?
Cela ne doit pas dépendre d’un retour d’ascenseur, au sein de la structure d’un parti ou pour récompenser un bon comportement. Très franchement, c’est exactement ce dont il s’agit: retirer ce pouvoir à l’exécutif pour le rapatrier à la Chambre des communes.
Le député en question est toujours membre du caucus. J’espère qu’il a dénoncé la façon dont le projet de loi a été présenté et le fait que le président n’ait pas été élu par la Chambre. Le président a été élu avant même que le comité ne soit constitué, avant même qu’on en connaisse l’existence. Ce n’était donc qu’une idée qui avait été émise avant la présentation du projet de loi C-22. Il est tout à fait regrettable que mon collègue d’ soit obligé d’entamer son mandat dans des circonstances aussi obscures. Je suis sûr qu’il aurait su défendre sa candidature à la présidence de ce comité.
Je vais maintenant vous dire pourquoi j’estime que ce projet de loi ne sera pas efficace et pourquoi nous allons quand même continuer de collaborer avec le gouvernement pour l’améliorer. Il va falloir y apporter des amendements substantiels, ce dont j'ai déjà parlé à mon collègue du NPD.
L’article 14 prévoit sept exceptions, notamment une selon laquelle le comité ne pourra voir aucun renseignement qui a un lien direct avec une enquête en cours et pouvant mener à des accusations criminelles, ce qui est le cas d’à peu près toutes les enquêtes ou les opérations des organismes chargés de l’application de la loi ou de la sécurité au Canada. Pas d’accès aux renseignements concernant les activités de renseignement de défense. Pas d’accès à certains autres liés à la Loi sur Investissement Canada. Outre ces sept exceptions, il y a aussi l’article 16, qui table sur deux exceptions générales « fourre-tout ». Tout renseignement opérationnel spécial est exclu de même que tout ce qui « porterait atteinte à la sécurité nationale ».
Encore une fois, le nomme des gens, mais c’est lui et ses ministres qui décident. Or, ces ministres ne sont que des députés tout comme moi. Pourtant, ils décident de ce que ce comité pourra voir. Donc, à cause de ces exceptions et de cette mainmise sans condition sur tous ses aspects par le Cabinet du premier ministre, ce comité devient inefficace et n’est pas du tout ce que mon ami le député de ou tout autre parlementaire visaient il y a des années, soit un Parlement exerçant sa suprématie et une surveillance véritable de la sécurité et du renseignement. C’est vraiment une occasion manquée.
J’aimerais maintenant montrer comment ce projet de loi, et en particulier la façon maladroite avec laquelle le ministre a évité de travailler avec les partis de l’opposition sur ce dossier qui devrait pourtant échapper à la partisanerie, porte en fait atteinte au privilège parlementaire des députés. Qui m’appuiera dans mon argumentation? Le , puisque j’utiliserai certains des propos qu'il a tenus.
La leader du gouvernement à la Chambre a tenté de minimiser l'importance de ces exceptions en mentionnant que les ministres auraient à justifier la raison pour laquelle les renseignements ne seraient pas transmis au comité. Or, la possibilité de choisir parmi 20 exceptions permettra d’en faire aisément un simple comité symbolique qui ne sera d'aucune efficacité. Je pense que tous les parlementaires veulent être efficaces. Comme au Royaume-Uni, le comité est censé avoir un degré de confidentialité semblable à celui d’un cabinet, qui se réunit dans un endroit qui lui est réservé et qui a des conseillers spéciaux. Cependant, si les membres de ce comité ne voient même pas les renseignements qui ont un lien avec une enquête en cours pouvant mener à des accusations, tout ça ne devient en réalité qu’une façade.
Je suis d’avis qu’il y a ici atteinte au privilège parlementaire des députés parce que votre prédécesseur, M. le Président, l’a déclaré en faisant lecture de la décision du Président Milliken, rendue le 27 avril 2010. Dans cette décision largement commentée du Président, la question de privilège a été soulevée au sujet de la production de documents concernant des détenus afghans.
Les députés se souviendront que, à l'époque, les positions étaient inversées. Le Parti conservateur formait le gouvernement et l'actuel était alors un député de l'opposition fort mécontent, tout comme d'ailleurs beaucoup d'autres personnes.
Cependant, les questions et le privilège rattachés à la décision du Président Milliken sont fort à propos dans le dossier qui nous intéresse. En effet, il est ici question de l'équilibre à établir en ce qui concerne les renseignements de nature délicate que les députés devraient être autorisés à consulter pour pouvoir assumer leurs fonctions.
Je vais citer le Président Milliken au sujet de cet argument touchant les renseignements de nature délicate qui, selon la leader du gouvernement à la Chambre, pourrait être invoqué pour justifier le refus de produire les renseignements pertinents. Voici ce qu'a déclaré le Président:
Je ne puis toutefois pas souscrire à la conclusion du député voulant que le gouvernement soit dès lors dispensé de l'obligation de fournir les documents dont la Chambre a ordonné la production. Accepter cette ligne de pensée reviendrait à miner complètement l'importance du rôle qu'ont les parlementaires d'obliger le gouvernement à rendre des comptes.
Puis, il a ajouté ce qui suit:
Les questions dont nous sommes saisis remettent en question le fondement même de notre régime parlementaire. Dans un régime de gouvernement responsable, le droit fondamental de la Chambre des communes d'obliger le gouvernement à rendre compte de ses actes est un privilège incontestable et, en fait, une obligation.
Rappelons-nous que, en tant que députés, nous avons le devoir d'obliger le gouvernement à rendre des comptes. Le Président Milliken a dit très clairement que l'existence de renseignements de nature délicate, de documents de renseignements ou de renseignements liés à une enquête en cours ne soustrayait pas le gouvernement à son obligation de communiquer ces documents à la Chambre.
C'est encore plus vrai maintenant que le gouvernement souhaite établir un comité spécial composé de parlementaires qui seraient chargés d'assurer une surveillance en matière de sécurité et qui seraient liés par un serment de discrétion. Le comité qui serait mis sur pied en vertu du projet de loi serait visé par encore plus de mesures de sauvegarde relativement aux renseignements de nature délicate que celles qui existaient à l'époque du dossier des détenus afghans, en 2010.
Le Président Milliken a également déclaré ce qui suit:
Le droit du Parlement d'obtenir tous les renseignements possibles concernant une question d'intérêt public est incontestable et les circonstances doivent être exceptionnelles et les raisons très puissantes pour que ces renseignements ne soient pas présentés devant les Chambres.
Le Président Milliken s'adressait alors à la Chambre. Il n'était même pas question de ce comité composé de parlementaires nommés, dont les travaux se dérouleront dans le plus grand secret et en toute confidentialité et seront protégés. Par contre, le Président Milliken a déclaré que, dans les faits, les députés ont le droit d'obtenir ces renseignements. Le projet de loi porte atteinte à ce privilège.
Le ministre aurait pu aborder cette question en travaillant avec l'opposition. Nous avons exprimé certaines inquiétudes à cet égard. Il aurait également pu en discuter avec certains des plus grands spécialistes, mais il a refusé de les rencontrer eux aussi. Encore une fois, même si le gouvernement a promis des jours meilleurs, il n'a pas joint le geste à la parole.
En terminant, j'aimerais citer une dernière fois les propos du Président Milliken, qui sont intimement liés à la discussion d'aujourd'hui et expliquent bien pourquoi il s'agit d'une atteinte au privilège des députés. Voici ce qu'il a déclaré:
Insinuer que des députés seraient incapables de respecter la confidentialité de l'information même dont ils pourraient avoir besoin pour agir au nom des Canadiens va à l'encontre de la confiance inhérente qu'ont les Canadiens envers leurs élus et dont les députés ont besoin pour s'acquitter de leurs fonctions parlementaires.
Le Président Milliken a été clair: il est possible d'établir un équilibre entre la protection des renseignements de nature délicate et le droit absolu de la Chambre de consulter l'information et d'obliger le gouvernement à rendre des comptes. Étant donné les divers mécanismes et mesures de sauvegarde prévus pour encadrer le travail des comités spéciaux de parlementaires, il est encore plus facile de trouver un équilibre. Malheureusement, le ministre fait fausse route.
Voyons ce que le ministre a lui-même dit en 2010, quelques semaines après la décision rendue par le Président Milliken. Le député de Wascana a qualifié d'unilatérale, d'arbitraire et de contraire à la tradition parlementaire la décision du gouvernement de l'époque de retenir certains documents. Il a ensuite ajouté ceci:
Cette série de questions de privilège a donné lieu à la décision que vous avez rendue le 27 avril. En des termes très éloquents, vous avez affirmé le droit du Parlement à recevoir cette information.
Dans cette même décision, vous avez signalé qu'il fallait tenir compte de points délicats, ceux de la défense nationale, de la sécurité nationale et des relations internationales, et vous avez invité les leaders à la Chambre et les porte-parole parlementaires à se réunir pour s'entendre sur un processus permettant de communiquer l'information aux députés et aux Canadiens afin d'exiger des comptes du gouvernement sans pour autant mettre en danger la sécurité nationale, la défense nationale ni les relations internationales.
Il a poursuivi en disant que le Parlement avait droit à cette information à condition que des mesures de sauvegarde soient mises en place. Le ministre a bel et bien dit, en 2010, que les députés avaient droit à cette information.
Je demande donc au , qui est en l'occurrence le député de , de nous dire pourquoi le gouvernement a prévu sept exceptions. Pourquoi y a-t-il deux exceptions générales à l'article 16, qui empêcheraient les parlementaires de s'acquitter de leurs responsabilités? Pourquoi le Cabinet du exerce-t-il un contrôle absolu dans ce dossier?
:
Monsieur le Président, je suis ravi d'intervenir au sujet de cet important projet de loi.
Je remercie mes collègues de leurs contributions avisées au débat. Nous sommes d’accord sur beaucoup de points, et j’ai bon espoir que nous pourrons collaborer pour améliorer ce projet de loi.
Je tiens à être clair: les néo-démocrates appuient le principe de la surveillance parlementaire afin que le Canada respecte, les mêmes normes que nos plus proches alliés respectent depuis des décennies en matière de reddition de comptes.
Ce projet de loi donnerait suite à des recommandations faites il y a environ 35 ans mais qui ont été ignorées depuis par les gouvernements libéraux et conservateurs qui se sont succédé. Le fait de pas tenir compte de cet avertissement et de l’exemple de nos alliés n’a ni amélioré la sécurité des Canadiens ni protégé leurs droits.
Soyons clairs: nous faisons face à des menaces réelles tant sur le plan de la sécurité que sur celui des droits. La menace terroriste au Canada comme à l’étranger de même que la cybersécurité, la violence armée et l’agitation sur la scène mondiale inquiètent les Canadiens. Ils sont également profondément préoccupés en ce qui concerne leurs libertés et la protection de leur vie privée. Ils s’inquiètent de l’opacité du gouvernement et de la surveillance exercée par ce dernier et surtout, ils se demandent pourquoi, après près d'une année au pouvoir, le nouveau gouvernement a conservé le projet de loi sans y changer un iota.
J’appuie le principe de ce projet de loi et je voterai pour qu’il soit étudié en comité afin que les bonnes décisions soient prises. Cependant, plusieurs aspects me préoccupent vivement.
Je crains que ce projet de loi ne tienne pas compte des leçons des dernières décennies et de l’expérience de nos alliés. À moins que le texte ne soit modifié, le comité créé ne sera ni assez fort pour être efficace, ni assez indépendant pour être digne de confiance.
J’ai des solutions à proposer pour chacune de ces lacunes et j’entendrai volontiers le point de vue de tous les députés à ce sujet, car ce n’est pas le moment de céder à la partisanerie ou à la petite politique.
Avant de nous plonger dans les détails du projet de loi, clarifions trois éléments contextuels importants. Premièrement, ce projet de loi n’est pas une idée nouvelle. Il répond plutôt à un avertissement émis il y a 35 ans dans le sillage d’une série de scandales très médiatisés concernant la GRC.
Une des recommandations majeures issues de la Commission d’enquête McDonald de 1981 était la création du SCRS en tant que service indépendant de collecte du renseignement. La création d’un comité global de contrôle parlementaire constituait une autre recommandation majeure. Cette recommandation accumule la poussière depuis trois décennies, de sorte que l’idée derrière le projet de loi n’est pas nouvelle. En réalité, nos alliés, incluant les États-Unis, la Grande-Bretagne, la France, l’Allemagne et l’Australie, ont tous créé ce genre de comité de contrôle parlementaire il y a plusieurs décennies.
Le second élément contextuel est que nous devrions tous comprendre que le projet de loi en cause n’est pas une nouvelle proposition, loin de là. Il est pratiquement identique à un projet de loi libéral antérieur, le projet de loi , déposé par le comité de la sécurité publique en novembre 2005, dans les derniers jours du gouvernement de Paul Martin. Bien que les pouvoirs des agences de sécurité aient augmenté considérablement depuis ce temps, les quelques différences mineures entre le projet de loi sur la surveillance parlementaire de 2005 et celui-ci réduiraient les pouvoirs et l’indépendance du comité. Par exemple, le projet de loi introduit l’enquête de sécurité pour les députés ainsi qu’un nouveau pouvoir d’interrompre des enquêtes pour les ministres.
Un vieux projet de loi n’est pas nécessairement un mauvais projet de loi, mais je suis certain que le gouvernement acceptera qu’une proposition conçue avant les révélations de Snowden, avant l’attaque contre ce Parlement le 14 octobre et avant les abus choquants du projet de loi du gouvernement Harper soit ouverte aux mises à jour des députés.
Le troisième et dernier élément contextuel est que nous devrions tous avoir une idée claire de la façon dont cette proposition se compare aux pratiques de nos alliés, afin que nous puissions apprendre de leur expérience et, comme l’a dit la leader du gouvernement à la Chambre, concevoir une solution canadienne qui nous convient.
L’organisme proposé dans le projet de loi est essentiellement une version édulcorée de son plus proche parent, l’Intelligence and Security Committee britannique.
Après avoir essuyé des critiques publiques sur les nombreuses lacunes du comité, le gouvernement britannique a décidé, en 2013, de le renforcer considérablement en lui accordant plus de pouvoirs et d'indépendance. Ces changements ont permis d'élire le président du comité de façon indépendante, d'accorder au comité des pouvoirs de surveillance des activités et de confier au Parlement le pouvoir de nomination auparavant détenu par le premier ministre. Le député de en a abondamment parlé dans son discours.
Ces réformes ne sont tout simplement pas présentes dans le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, et je ne comprends pas pourquoi. D'ailleurs, le président du comité britannique, qui était à Ottawa la semaine dernière, nous a avertis que nous devions travailler fort pour gagner la confiance de la population. Il ne faut pas répéter les erreurs de nos alliés, mais en tirer des leçons.
La semaine dernière, voici comment un groupe britannique de défense des droits juridiques a réagi à la démission de l'ancien président du comité britannique:
Des actes de torture commis par la CIA avec la complicité du Royaume-Uni aux activités de surveillances de masse, le [comité] a raté tous les grands scandales des 15 dernières années en matière de sécurité. Ce sont la presse, les tribunaux et les ONG qui ont dû révéler ces agissements; les membres [du comité] ne les ont découverts qu'en lisant le journal.
Nous ne voulons pas que l'on tienne de tels propos sur notre comité dans 10 ans. Nous devrions plutôt chercher à être à l'avant-garde de la scène internationale. C'est le conseil que nous a donné en 2004 le Comité intérimaire de parlementaires sur la sécurité nationale, qui a recommandé d'accorder un accès complet à de l'information, bien au-delà de ce qui est proposé dans le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui. Voici ce qu'a dit le Comité:
Bien que cette recommandation aille, il va sans dire, plus loin que les lois adoptées par certains de nos alliés, elle est néanmoins conforme à ce qui se fait de plus en plus à l'étranger [...]
Nous sommes fermement convaincus qu'une structure qui repose sur l'évolution et l'augmentation graduelle[s] de l'accès, des pouvoirs et du renvoi ne conviendrait pas au contexte canadien.
Par conséquent, il y a des exemples que nous pouvons suivre partout dans le monde. Pourrions-nous donner aux élus un rôle accru en matière de surveillance opérationnelle? Indéniablement. Aux États-Unis, la loi fédérale exige que les organismes de renseignement tiennent les comités du Congrès « pleinement informés et au courant » de toutes les activités et toutes les opérations secrètes. En Allemagne, le groupe qui autorise toute interception de communications privées est dirigé par un comité de parlementaires.
Pourrions-nous accorder au comité des pouvoirs d'enquête accrus? Indéniablement. Le comité de surveillance de l'Allemagne peut mener des enquêtes inopinées sur les lieux, assigner des témoins à comparaître et exiger la production de documents. Le comité de la Belgique, quant à lui, peut même lancer des enquêtes criminelles. En revanche, le comité proposé ne posséderait même pas de pouvoir d'assignation.
Si je fais ces comparaisons, ce n’est pas pour dénigrer le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui, mais bien pour montrer qu’il faut laisser la porte ouverte aux amendements. Si le gouvernement refuse tout amendement proposé par d'autres partis, il nous assujettira à un cadre qui ne tiendra pas compte de l’histoire des dix dernières années, ce qui est contraire aux pratiques exemplaires actuelles de nos alliés. Pour ma part, cela m’apparaît tout à fait inacceptable quand notre sécurité et nos droits sont en jeu.
Dans cette optique, j’aimerais souligner cinq faiblesses de la version actuelle du projet de loi, faiblesses pour lesquelles j’aurais des solutions à proposer. J’ai préparé mes amendements pour chacune et je serais heureux de travailler avec les députés de tous les partis pour trouver une solution qui fera consensus.
Premièrement, le gouvernement propose que la présidence soit choisie par le plutôt qu’élue par le comité. Comme je le disais, c’est ce que le Royaume-Uni a d'abord fait, puis il a changé sa façon de faire. Pourquoi ne le ferions-nous pas? Nous devons gagner la confiance des Canadiens. Si d'entrée de jeu le gouvernement contrôle la personne qui dirige le comité de surveillance, il me semble que nous partons du mauvais pied.
Le projet de loi doit être modifié de façon à permettre qu’un député qui n’appartient pas au parti au pouvoir puisse être élu à la présidence de ce comité. C’est précisément ce que le juge McDonald avait recommandé à un autre gouvernement libéral il y a 35 ans. Comme je l’ai mentionné, ce mode de fonctionnement n’est pas sans précédent : l’Allemagne et l’Australie en sont des exemples, et d’autres pays aussi. Si nous ne faisons rien pour changer les choses, j’ai bien peur que nous perdions la confiance de la population.
Deuxièmement, comme plusieurs l’ont souligné, l’accès à l’information du comité est vraiment limité. Disposer d'une information complète est essentiel pour mener une surveillance efficace et gagner la confiance du public — confiance que le président du comité britannique a dit que nous devions gagner.
Si le gouvernement tient le comité de surveillance dans l’ignorance de ses secrets, comment les Canadiens peuvent-ils faire confiance à nos conclusions? Affirmer que le comité dispose de droits d’accès larges, comme l’a fait la ministre, passe sous silence toutes les exceptions qui font que ses pouvoirs ressemblent à du Gruyère. L’accès à pas moins de sept différentes catégories de renseignements serait tout à fait interdit au comité. Deux autres catégories, dont une catégorie fourre-tout, pourraient aussi leur être refusées, à la discrétion de n’importe quel ministre. Certaines de ces catégories sont assez anodines, mais d’autres ne le sont pas.
Le comité se verrait catégoriquement refuser tout accès aux « renseignements opérationnels spéciaux » tels que définis par la Loi sur la protection de l’information. Cela signifie que le comité de surveillance des activités de renseignement n’aurait pas accès aux sources de renseignement, aux méthodes, aux cibles, aux systèmes de chiffrement et à l’information transmise par des partenaires étrangers. Si cette information n’est pas pertinente, voire essentielle, à l’exécution du mandat du comité, je me demande bien ce qui l’est. N’est-ce pas là le type d’information que le comité a pour mandat de traiter de façon sécuritaire? N’est-ce pas justement pour cette raison que les membres du comité doivent disposer d’une cote de sécurité et prêter serment de garder le secret éternel?
Le pire, c'est ce que le professeur Craig Forcese, un expert en sécurité, appelle une exception poids lourd, c’est-à-dire le pouvoir de n’importe quel ministre de retenir des renseignements sous prétexte que — tenez-vous bien — leur divulgation porterait atteinte à la sécurité nationale. Cet énoncé n’est défini nulle part, pas plus qu’il n’est expliqué comment l’échange d’informations avec un groupe de personnes habilitées au niveau « très secret », à l’intérieur d’une installation sécurisée, pourrait compromettre la sécurité au Canada. Ces failles doivent tout simplement être éliminées.
Le comité doit avoir un accès intégral à ces informations, comme l’a recommandé un autre comité parlementaire en 2004. Une solution serait d’accorder un tel accès au comité, à l’exception — je vous le concède —, des documents confidentiels du Cabinet, ainsi que le pouvoir d’exiger la production de documents et d’obliger des gens à témoigner, deux éléments qui brillent par leur absence dans ce projet de loi. Je prépare des amendements à cette fin et, je le répète, je souhaiterais recevoir des commentaires des députés des deux côtés de la Chambre.
Troisièmement, l'article 8b) du projet de loi permettrait à n’importe quel ministre d’enterrer une enquête dans son propre ministère en prétendant que l’enquête confidentielle du comité serait préjudiciable à la sécurité nationale. Le risque qu'on en abuse pour dissimuler une mauvaise gestion ou étouffer un scandale est tout simplement considérable. Si nous voulons conserver notre crédibilité, ces lignes doivent absolument être retirées.
Quatrièmement, l’article 21 du projet de loi dans sa version actuelle accorderait au Cabinet du le plein pouvoir de censurer les rapports du comité, avant leur publication. Pensons-y. Jusqu’à maintenant, nous avons appris que le gouvernement allait nommer le président, contrôler l’information accessible au comité et empêcher celui-ci d’enquêter sur certains domaines. Le gouvernement propose de contrôler ce que le comité peut rapporter aux Canadiens. Il n’est pas difficile de comprendre à quel point il est facile de perdre la confiance du public, le président du comité britannique nous a mis en garde.
Le gouvernement a la responsabilité de veiller au traitement sécuritaire des renseignements sensibles. Nous sommes tous d’accord sur ce point. Cependant, cette responsabilité doit être conciliée avec la nécessité de gagner et de conserver la confiance du public. Pour ce faire, il faut un engagement concret envers la transparence et l’obligation de rendre compte, et non des phrases creuses.
Je propose un compromis. Je propose un amendement qui ferait en sorte que tout rapport révisé indique l’étendue de toute censure imposée par le Cabinet du et les motifs de celle-ci. Idéalement, on y préciserait le type d’information censurée de sorte que le public puisse, par exemple, faire la distinction entre le caviardage de sources confidentielles et le caviardage des conclusions du comité.
Je demanderais à tous les députés des deux côtés de la Chambre d’envisager l’utilité ce que j’appelle une clause dérogatoire, comparable à la capacité du comité de surveillance de l'Allemagne de publier une évaluation générale sur une opération de renseignement en cours si elle est votée par une majorité qualifiée du comité. C’est une idée qu’il vaudrait la peine d’examiner.
En dernier lieu, je proposerais un amendement visant à soumettre le comité à l’obligation légale de signaler tout cas de non-conformité ou d’activité illégale au et au . Il existe un précédent. L’article 273.63 de la Loi sur la défense nationale impose le même type d’obligation de dénonciation au commissaire responsable du CSTC, le Centre de la sécurité des télécommunications du Canada.
Ce genre de devoir contribuerait non seulement à stimuler la confiance des Canadiens, mais permettrait aussi d’éclairer les membres du comité quant au genre de mesure à adopter en cas de non conformité. Selon moi, rejeter ce genre de devoir reviendrait à envoyer un signal très inquiétant aux Canadiens.
Comme je le disais, je suis prêt à proposer des amendements visant à corriger chacun de ces cinq points faibles du texte tel qu’il se présente actuellement. Évidemment, j’accueillerai avec plaisir les avis des députés de tous les partis. Il ne doit pas y avoir de place à la partisanerie ni à l’ego. Tous les partis doivent travailler ensemble à ce comité, et aussi bien commencer tout de suite.
Avant de clore, j'aimerais profiter de l’occasion pour signaler un dernier problème au gouvernement. Je crois que ce problème devrait être pris en compte même si, pour des raisons de procédure, il n’est pas possible de le faire par le truchement d’amendements au projet de loi.
J’exhorte le gouvernement, dans le cadre de son examen élargi de la sécurité, à modifier la Loi sur le SCRS et la Loi sur la défense nationale afin d’exiger que le Centre de la sécurité des télécommunications Canada, le CSTC, informe le comité chaque fois qu’une autorisation ministérielle est accordée pour intercepter des communications privées et pour exiger que le SCRS informe le comité quand il mène des activités de réduction de la menace, selon la définition du terme, ou quand le SCRS réclame un mandat pour conduire de telles activités en vertu de l’article 21.1 de la loi qui le régit.
Les Canadiens sont particulièrement préoccupés par l’utilisation, voire par l’abus de tels pouvoirs. Rien ne justifie que le recours à ces pouvoirs échappe à la surveillance que peut exercer le comité.
Pour clore, j'aimerais répéter que les néo-démocrates sont favorables à ce projet de loi et qu’ils s’engagent à travailler avec les députés de tous les partis afin de l’améliorer. J’ai relevé ce que je considère être cinq défauts et j’ai proposé cinq solutions, mais je sais qu’il y a bien d’autres défauts et bien d’autres solutions possibles et je suis ouvert à toute suggestion.
Comme je le disais au début, ce projet de loi est déterminant pour protéger la sécurité de tous les Canadiens et pour garantir leurs droits. Grâce à la surveillance que nous exerçons, les services de sécurité sont plus efficaces et la population a davantage confiance dans ces services. Ce comité sera tout aussi utile en comblant les lacunes qu’en empêchant les abus, mais nous ne pouvons tenir son utilité pour acquise. Le projet de loi dont nous sommes saisis est imparfait. Sans amendements, il ne conférera pas au comité les véritables outils dont il a besoin pour être efficace ou indépendant, de sorte à mériter la confiance de tous.
Nous ne pouvons pas nous contenter de demi-mesures en matière de sécurité et de droits des Canadiens. Je demande à tous les membres et à tous les partis de travailler ensemble afin d’améliorer ce projet de loi d’une très grande importance. Par-dessus tout, j’exhorte le gouvernement à être ouvert à d’autres avis et à des amendements. La partisanerie n’a pas sa place dans tout ce qui touche à la sécurité et aux droits des Canadiens.
Pour peu que le gouvernement montre cette ouverture, tous les partis arriveront peut-être à travailler ensemble pour concevoir un comité qui sera indépendant, sûr et capable d'améliorer la sécurité, de protéger nos droits et de faire respecter les valeurs canadiennes. Toutefois, si le gouvernement refuse de travailler en toute bonne foi avec les autres partis pour apporter des changements au projet de loi, je crains qu'il perde le soutien des parlementaires et la confiance des Canadiens.
Il y a 30 ans, la commission McDonald nous a fait la mise en garde suivante:
Le Canada doit respecter à la fois les exigences de la sécurité et celles de la démocratie: n'oublions pas que l'objectif fondamental de la première est de protéger la seconde.
Chaque parlementaire aura une vision différente de cet équilibre, mais nous devons tous travailler ensemble à trouver l'équilibre optimal.
:
Monsieur le Président, je suis ravie de parler du projet de loi dont nous sommes saisis, car il nous permettra de tenir la promesse que nous avons faite aux Canadiens d’améliorer la sécurité et d’inclure un examen des activités du gouvernement du Canada relatives à la sécurité nationale et au renseignement.
J’écoutais le récent débat et les propos du porte-parole du NPD pour la sécurité publique. Il me semble que certaines des craintes formulées par le député tiennent à ce qu’il part du principe qu’il n’existe qu’une bonne solution et une bonne mesure législative. Je dirais que les questions de protection de la vie privée et de sécurité sont tellement dynamiques dans notre pays et notre société qu’il est essentiel, comme il l’a expliqué, que des parlementaires de bonne volonté et à l’esprit ouvert travaillent de concert. Pour ce qui est de mettre quelque chose sur la table maintenant, le projet de loi est essentiel. Je suis donc très optimiste au sujet du projet de loi.
Je rappelle au député de qu’il sera toujours difficile de concilier la sécurité et la protection de la vie privée à l’ère d’Internet. Il n’y aura jamais de moment où nous pourrons dire que tout est comme il faut et en rester là. Nous devrons continuer de nous tenir au courant des problèmes à mesure qu’ils se présenteront et d’améliorer les réponses que nous y apporterons. Le projet de loi est une excellente mesure dans ce sens.
Comme les députés l’ont entendu, le projet de loi permet de constituer le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Ce comité composé de députés de plusieurs partis sera chargé d’examiner les activités du gouvernement relatives à la sécurité nationale et au renseignement dans différents ministères et organismes, et d’en rendre compte. Il s’agit d’un domaine que de nombreux Canadiens trouvent bien trop opaque, et je fais certainement partie de ces parlementaires.
Je pense qu’il est bon, avant d’entrer dans les détails du projet de loi, de rappeler aux députés les nombreux appels à la création de ce genre de comité à la Chambre, et ce depuis bien plus de 10 ans. On a tenté aussi plusieurs fois de présenter des mesures législatives à la Chambre ainsi qu’au Sénat pour régler les préoccupations que résoudrait ce projet de loi.
Par exemple, il y a deux ans, j’ai eu le plaisir de créer et de présenter le projet de loi , qui prévoyait de constituer le Comité parlementaire sur le renseignement et la sécurité, très semblable au comité dont il est question dans le projet de loi aujourd’hui. Cependant, mon projet de loi comportait un élément supplémentaire, à savoir qu’il précisait les mesures qui me semblaient nécessaires pour accroître la transparence et la reddition de comptes de notre Centre de la sécurité des télécommunications et lier les opérations d’échange de renseignements entre les organismes de façon plus structurée et responsable.
Ce projet de loi a fait l'objet d'un débat à l'étape de la deuxième lecture une semaine à peine après l'attaque du Parlement et le meurtre tragique du caporal Nathan Cirillo, non loin d'ici, et à peine 10 jours après l'assassinat brutal de l'adjudant Patrice Vincent. Le moment choisi pour débattre du projet de loi n'était donc pas des plus opportuns. En fait, quelqu'un a même écrit sur Twitter que le moment choisi pour mon projet de loi C-622 était le pire de l'histoire du Parlement canadien pour un projet de loi d'initiative parlementaire. Je dois admettre que c'est vrai.
Il a toutefois reçu l'appui de tous les partis d'opposition et même d'un député conservateur, en raison de la nécessité d'améliorer la sécurité et la protection de la vie privée, comme le prévoyait le projet de loi .
Comme je l'avais dit à la Chambre à l'époque:
Dans la foulée des événements récents qui ont coûté la vie à deux soldats canadiens et de l'attaque survenue au Parlement, les chefs de tous les partis ont confirmé leur engagement à protéger les droits et les libertés civiles des Canadiens alors même que les mesures de sécurité sont analysées et en voie d'être renforcées. En effet, les Canadiens s'attendent à ce que ces aspects fondamentaux de la démocratie soient respectés. C'est d'ailleurs l'intention sous-tendant le projet de loi.
Malheureusement, comme je l’ai dit, le gouvernement conservateur de l’époque a défait le projet de loi quelques mois à peine avant de présenter le projet de loi . À l’époque, les conservateurs soutenaient que les mécanismes d’examen existants étaient adéquats et que la création d’un comité de parlementaires chargé d’examiner les activités liées à la sécurité nationale ne serait, pour citer l’ancienne secrétaire parlementaire conservatrice, « pas dans l’intérêt de la sécurité nationale » ni « dans l’intérêt des Canadiens ». J’étais on ne peut moins d’accord. Au fil des ans, nous avons entendu témoignages d’experts après témoignages d’experts, livrés notamment par le vérificateur général, des juges, des députés, des sénateurs et des Canadiens ordinaires selon lesquels, en fait, un tel comité est dans l’intérêt des Canadiens et est essentiel à notre sécurité nationale et à nos valeurs en tant que démocratie ouverte, inclusive et fondée sur des droits.
Au cours d’une période de plusieurs mois durant laquelle j’ai étudié cette question et rencontré des membres clés des réseaux de la sécurité et du respect de la vie privée à Ottawa et partout au pays, à peu près personne ne pensait que ce comité de parlementaires ne serait pas une prochaine étape importante et essentielle pour le gouvernement du Canada. Les arguments que les conservateurs ont formulés à cette époque, selon lesquels il existait déjà des mécanismes de surveillance de nos organismes de sécurité, étaient des arguments faibles, parce que bien que certains de ces mécanismes réalisaient efficacement leurs mandats et étaient dirigés par des personnes très compétentes qui s’acquittaient de leurs mandats, leurs mandats étaient trop limités et n’incluaient pas des fonctions comme réfléchir aux lois et aux politiques qui étaient appliquées aux organismes de sécurité.
La formulation de commentaires à ces sujets ne faisait pas partie de leurs mandats, de sorte que, si les lois ou les politiques que les commissaires, comme le commissaire du CST, appliquaient dans le cadre de leur examen comportaient des failles, des lacunes ou des éléments désuets, ces commissaires ne disposaient d’aucun moyen ni d’aucun pouvoir de recommander des modifications à la politique. Ainsi, les mécanismes de surveillance devaient accepter les politiques et lois alors en vigueur avec leurs limitations, même s’il s’agit d’une situation si dynamique à l’ère d’Internet avec les cibles mobiles des différentes menaces d’atteintes à la sécurité au pays. C’est une des raisons pour lesquelles il est si important de se doter d’un comité investi d’un mandat plus large et qui examine toutes les fonctions du gouvernement du Canada qui sont liées à la sécurité et au renseignement.
La deuxième fonction essentielle qui faisait défaut aux mécanismes de surveillance pris individuellement dont le gouvernement précédent soutenait qu’ils étaient adéquats consistait en un examen exhaustif des différentes démarches, politiques et activités permettant de déceler les lacunes et les dédoublements. Si le filet de protection de la vie privée et le filet de protection de la sécurité comportent des lacunes, il pourrait s’ensuivre que nous n’assurons pas la sécurité adéquate des Canadiens ou que nous ne prenons pas des mesures assez rigoureuses pour protéger les droits individuels et la vie privée des citoyens. S’il y a un dédoublement, cela signifie que des ressources sont consacrées inutilement à l’exécution de tâches qui sont exécutées ailleurs et que ces ressources ne seront pas disponibles pour être investies dans l’application intégrale des politiques des organismes afin de protéger les Canadiens tout en respectant le droit à la vie privée et les autres droits individuels.
D’ailleurs, le projet de loi dont nous débattons aujourd’hui est une composante clé de l’ambitieux programme de sécurité nationale de notre gouvernement, axé sur la réalisation d’un double objectif, soit protéger les Canadiens et sauvegarder les droits et libertés dont nous jouissons tous en tant que Canadiens et qui, d’ailleurs, sont le trait distinctif des Canadiens et que des pays du monde entier considèrent comme un modèle de ce à quoi ils aspirent en matière de sauvegarde des droits et libertés. C’est pourquoi il était au cœur du programme libéral et a été présenté à la Chambre.
Je parlerai maintenant des détails de ce projet de loi.
En fait de structure, le comité proposé serait une entité créée par la loi dont les membres seraient issus des rangs des parlementaires actuels de tous les partis. Cette structure créerait une responsabilité non partisane envers les autres parlementaires de présenter des rapports en notre nom sur ces questions d’une manière qui transcende les lignes de parti et qui va dans le sens de la responsabilité du Parlement envers la population canadienne de trouver la bonne façon de pondérer la sécurité et les droits individuels à l’avenir.
Le comité compterait neuf membres, dont sept députés, parmi lesquels figureraient au plus quatre députés issus du parti au pouvoir, ainsi que deux sénateurs. Étant donné la nature de son mandat, le comité aurait un accès sans précédent à des documents classifiés. Il serait doté de son propre secrétariat, professionnel et indépendant, qui œuvrerait au soutien de ses travaux afin de veiller à ce que le comité dispose des moyens et des ressources nécessaires pour accomplir ses tâches.
Cette dernière phrase est essentielle. Certains des projets de loi d'initiative parlementaire antérieurs qui ont été présentés à la Chambre ne prévoyaient pas cette fonction. Par conséquent, les ressources permettant d’obtenir de l’aide pour creuser des questions et faire faire des recherches et peut-être se déplacer et obtenir tout le soutien dont le comité aurait besoin pour pouvoir accomplir ses tâches sans contraintes majeures sont des éléments que j’avais inclus dans mon projet de loi d'initiative parlementaire. Celui-ci tablait sur les travaux antérieurs réalisés par les députés libéraux compétents qui avaient présenté un projet de loi visant à créer un comité de parlementaires. La création d'un secrétariat professionnel et indépendant chargé de soutenir les travaux du comité, comme je l’ai dit, est essentielle à l’efficacité de ce comité.
Une autre façon de faire en sorte que le comité se révèle efficace consiste à lui conférer un mandat large. Ce comité pourrait examiner toute la gamme des activités liées à la sécurité nationale menées par tous les ministères et organismes à l’échelle du gouvernement du Canada. Il s’agit d’un des éléments clés du projet de loi, et cela est essentiel à la réalisation des objectifs que nous visons. J’ai mentionné plus tôt à quel point il est important de trouver ces dédoublements et de pouvoir renforcer considérablement de ce fait notre filet de sécurité.
Le comité pourrait examiner toutes ces tâches accomplies par une vingtaine de différents ministères et organismes qui participent tous à des degrés divers à des activités liées à la sécurité nationale et au renseignement. Le comité obtiendrait une vue d’ensemble de ce que font les organismes gouvernementaux et les ministères en matière de sécurité nationale et de renseignement. Pour ce qui concerne le mandat du comité, le modèle que nous préconisons va encore plus loin que ce qui existe dans la plupart des pays dotés d’un comité de ce genre.
Je suis fière que notre ait appuyé l'envoi d'une délégation à Londres, en Grande-Bretagne, pour en apprendre davantage au sujet du comité de parlementaires britanniques chargé de la surveillance, afin que nous puissions apprendre de ce modèle et tabler sur lui et l’améliorer en fonction de ce que la délégation aurait entendu. Nous avons beaucoup apprécié la coopération des députés britanniques qui, au fil des ans, ont bien voulu nous informer au sujet de leurs succès, des défis auxquels ils étaient confrontés et des idées qu’ils avaient pour améliorer les lois. Il convient de signaler, soit dit en passant, que ce type d’entité parlementaire existe dans la plupart des démocraties occidentales, et notamment chez nos alliés du Groupe des cinq. C’est une des raisons pour lesquelles j’ai été si surprise par l’intransigeance du gouvernement conservateur précédent lorsque celui-ci a refusé d’appuyer ce concept. Toutefois, cela est derrière nous, et j’espère que nous recueillerons des appuis auprès des députés conservateurs, qui sont aujourd’hui sous un leadership différent, bien qu’intérimaire.
Le comité aurait le pouvoir d'entreprendre de son propre chef des examens du cadre régissant les activités de sécurité nationale au Canada: lois, règlements, politiques, règles financières et administratives. Autrement dit, il pourrait analyser tout ce qu'il lui paraîtrait nécessaire pour garantir l'efficacité de ce cadre, dans le respect des valeurs canadiennes.
La création de ce comité est très importante, comme je l'ai indiqué. Elle constitue une amélioration par rapport à ce qu'avait prévu un gouvernement libéral précédent. C'est une amélioration sur le plan de l'efficacité de l'approche à plusieurs niveaux définissant les responsabilités du comité, amélioration qui m'a paru extrêmement importante lorsque je me suis penchée sur la question.
Au-delà du cadre de sécurité nationale, le comité pourra aussi examiner certaines activités de sécurité nationale et de renseignement, y compris notamment celles qui sont toujours en cours. Compte tenu de la nature intrinsèquement sensible des dossiers examinés par le comité, celui-ci sera soumis à des limites raisonnables en ce qui concerne l'information pouvant être communiquée au public. Les membres du comité pourront quand même exercer de la pression sur le gouvernement en disant aux Canadiens qu'ils ont découvert un problème et en leur faisant savoir par la suite si le problème a été adéquatement résolu.
Ces mécanismes de reddition de comptes prévus dans le projet de loi sont d'une très grande importance. Il ne suffit pas que les membres d'un comité parlementaire puissent procéder à des examens et relever des problèmes si, en invoquant la sécurité, on peut les dissimuler et s'arranger pour que le public ne sache jamais que ces problèmes ont existé et devaient être résolus.
Comme je l'ai souligné au début, plusieurs parlementaires, anciens et actuels, ont tenté de régler ces questions au moyen d'autres mesures législatives. Nous sommes impatients de connaître leur point de vue, tout comme je suis impatiente de faire connaître le mien. En effet, tous les députés sont invités à donner leur avis dans le cadre de ce processus législatif.
Je me suis déjà exprimée au sujet de l'argument soulevé par certains selon lequel des mécanismes d'examen et de reddition de comptes sont déjà en place en matière de sécurité nationale. Nous disposons de la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, du Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité du SCRS et du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications. Cependant, comme je l'ai mentionné, il incombe aux parlementaires d'examiner concrètement le cadre général de sécurité nationale du Canada, afin de s'assurer qu'ils peuvent cerner les principales lacunes, les doubles emplois et les ministères qui accomplissent un travail important dans ce dossier, mais de façon isolée, puisque leur mandat clé se trouve à être quelque chose de complètement différent de la sécurité et la protection des renseignements personnels.
Nous allons encourager le nouveau comité à collaborer avec les organismes d'examen déjà en place pour éviter les doubles emplois et faire fond sur l'excellent travail déjà en cours. En fait, dans le cadre des travaux de recherche que j'ai effectués sur le projet de loi , j'ai discuté avec d'anciens chefs du Centre de la sécurité des télécommunications, qui ont appuyé l'idée d'un comité d'examen composé de parlementaires. J'ai discuté avec des commissaires passés et actuels chargés de superviser le Centre de la sécurité des télécommunications, qui accomplissent également un travail important. Je dois avouer que le commissaire actuel a vraiment élargi, au cours des dernières années, le genre de renseignements qu'il fournit dans ses rapports, et c'est bien au-delà de ce qui était fourni auparavant par le bureau du commissaire.
Il s'agit de mécanismes et d'initiatives de surveillance importants. Je suis ravie de faire fond sur le travail qu'accomplissent ces organismes. Ils vont demeurer autonomes et conserver des mandats distincts. Leurs efforts de collaboration auprès du comité sont souhaitables et de nature volontaire.
Le comité fera beaucoup pour nous aider à rétablir l'équilibre entre la responsabilité démocratique et la sécurité nationale, ce que le public canadien souhaite ardemment. C'est d'une importance capitale pour le gouvernement. Nous en avons entendu parler tout au long de la campagne électorale en 2015. C'est d'une importance capitale pour les Canadiens. Nous sommes impatients d'entamer un débat réfléchi et constructif avec tous les députés sur ce dossier et d'autres dossiers visant l'amélioration de la sécurité nationale, ainsi que la défense et l'appui des libertés civiles et la protection des renseignements personnels des Canadiens.
:
Monsieur le Président, aujourd'hui, nous discutons du projet de loi , Loi constituant le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale.
Nous n'appuyons pas ce projet de loi, car dans sa forme actuelle, il n'est pas efficace. Le a toute l'autorité. Il choisit les membres ainsi que l'information que le comité peut avoir et présenter à la Chambre des communes. L'examen que font les parlementaires des actions du gouvernement à ce sujet est très important, mais ce projet de loi ne nous donne pas une chance réaliste de le faire.
[Traduction]
Ce projet de loi est une autre duperie libérale, un autre accroc à leurs engagements électoraux.
Je vais passer en revue d’assez près les mécanismes que ce projet de loi créerait.
J’étais à la Chambre pour entendre la présentation de la . Avec tout le respect qui lui est dû pour son travail, il s’avère que bien des choses qu’elle a dites, et j’en ai souligné une pendant la période de questions et d’observations, ne concordent tout simplement pas avec le libellé du projet de loi.
Il ne suffit pas que la ministre nous rassure quant aux bonnes intentions du gouvernement, ou qu’elle interprète de quelque façon ce que le gouvernement essaie de faire, ce qu'il veut faire, ou là où il veut en arriver avec le projet de loi. Ce qui importe, c’est le fond du libellé du projet de loi . Si l’on s’attarde au processus réel en place, aux mécanismes prévus dans le projet de loi, on ne voit aucune proposition sérieuse d’examen parlementaire ou de surveillance.
Je rappelle aux députés l’un des engagements pris par le gouvernement pendant la campagne électorale, que j’ai trouvé sur le site du Parti libéral. On allait créer un comité composé de représentants de tous les partis pour surveiller les opérations de tous les ministères et organismes fédéraux chargés de la sécurité nationale. On parlait manifestement d’un comité composé de représentants de tous les partis et d’assurer l’examen et la surveillance véritables des opérations antérieures et actuelles. C’était un engagement très clair.
La Chambre a adopté les projets de loi d’initiative parlementaire qui ont été présentés par les députés du gouvernement. La secrétaire parlementaire qui vient de prendre la parole a proposé le projet de loi C-622 et le député de a proposé auparavant le projet de loi . Il est intéressant de voir ce que ce parti disait à propos de structure et de mécanisme quand il était dans l’opposition et de ce que cela ferait, de ce que ces projets de loi d’initiative parlementaire étaient censés faire, et les légères variations dont il n’était même pas question dans les discours, mais que l’on retrouve dans le projet de loi . Voilà nos principales préoccupations.
Voyons cela de plus près. Je vais parler des limites en ce qui a trait au processus de nomination et à la communication de renseignements, et en dernier lieu des limites concernant le processus de rapports.
En ce qui a trait au processus de nomination existant, contrairement au projet de loi C-622 proposé antérieurement par la secrétaire parlementaire actuelle, ce projet de loi prévoit que le nommerait non seulement le président, mais également chacun des membres du comité. Il est énoncé que le comité peut compter des membres d’un autre parti que le parti gouvernemental, mais le premier ministre pourrait choisir à sa guise les trois députés de la Chambre des communes qui ne sont pas du parti gouvernemental.
Il pourrait théoriquement s’agir de députés indépendants qui auraient quitté récemment le caucus ministériel. Je ne sais pas si c’est probable, mais c’est possible. Rien dans le projet de loi ne porte à croire que l’opposition officielle serait nécessairement représentée. Rien n’y porte à croire que la structure du comité devrait refléter dans un certain sens la composition de la Chambre ou être semblable dans une certaine mesure à ce qui existe au sein des comités parlementaires. Ce serait un comité où le premier ministre pourrait choisir comme il l’entend sept députés qui devraient faire partie du comité à son avis, et ensuite deux sénateurs.
Les chefs des partis d'où proviendront les membres du comité doivent être consultés, à condition qu'il s'agisse de partis reconnus à la Chambre des communes. Les dirigeants des caucus sénatoriaux, en revanche, n'ont pas besoin d'être consultés. Il en va de même pour les chefs des partis lorsque les nominations visent des sénateurs. Pas besoin de consultations non plus lorsqu'un ou des membres du comité proviennent d'un parti non reconnu. Mais surtout, les résultats des consultations n'ont pas besoin d'être pris en compte.
Le texte ne précise pas que les chefs des autres partis doivent donner leur accord. Si ce processus avait eu le moindre sérieux, il aurait été beaucoup plus logique, selon moi, de faire comme le veut la coutume, de demander aux chefs des différents partis de proposer noms et de demander ensuite au comité de choisir lui-même son président. Or, rien dans le projet de loi n'exige que les autres partis aient leur mot à dire. Au final, le a carte blanche et c'est lui qui choisit qui fera partie du comité.
J'aimerais attirer l'attention des députés sur le paragraphe 4(3) de la mesure législative, qui a pour titre « Précision ». Le comité ne serait ni un comité du Sénat ou de la Chambre ni un comité mixte de ces deux chambres. C'est une distinction que nous devons bien comprendre. La mesure législative indique très précisément qu'il ne s'agira pas d'un comité parlementaire. Ce sera plutôt un comité composé de parlementaires, mais ils seront nommés par le premier ministre et relèveront directement de lui. Je reviendrai là-dessus.
Il est aussi intéressant de constater que le mode de fonctionnement de ce comité sera différent de celui des comités parlementaires. Les députés qui y siègent sont habitués à une façon de faire bien précise. Je vais tout simplement lire d'autres articles du projet de loi. Il est important qu'ils soient consignés au compte rendu, car, plus tôt dans le débat, certaines personnes ont dit certaines choses à propos du projet de loi qui ne correspondent pas à son contenu. Voici ce qu'on peut lire à l'article 18:
Les réunions du Comité sont tenues à huis clos lorsque des renseignements à l’égard desquels un ministère prend des mesures de protection y seront probablement révélés ou lorsque le président l’estime autrement nécessaire.
Par conséquent, ce ne sont pas les membres du comité qui décideront de siéger à huis clos, comme le veut la pratique. C'est une décision qui relèvera strictement du président.
Les règles qui concernent le vote seraient elles aussi différentes. Voici ce que prévoit le projet de loi:
Le président a droit de vote aux réunions du Comité et, en cas de partage des voix, il a voix prépondérante.
Voilà qui diffère encore une fois de la procédure normale. Si j'ai bien compris cet article, le président pourrait toujours voter et, en cas de partage des voix, il pourrait voter de nouveau. Autrement dit, même si le comité ne compte que quatre ministériels, et potentiellement deux sénateurs qui appuient le gouvernement, le président aurait bel et bien deux voix. Lui ou elle — mais nous savons qui assumera la présidence; et ce sera un homme — aurait la possibilité de voter deux fois. C'est inhabituel. Voilà qui constitue une dérogation plutôt substantielle à la procédure normale.
Il s'agit de restrictions en matière de nominations. Il est très clair que le gouvernement a établi une procédure de nomination qui donne carte blanche, quant au choix des membres du comité, et par extension, aux délibérations, à la personne qui est . De toute évidence, il ne s'agirait pas d'un comité parlementaire. Ce serait plutôt un comité composé de parlementaires, mais pas du tout un comité parlementaire.
Passons maintenant aux dispositions concernant la communication des renseignements. Quels renseignements devraient être fournis et comment devraient-ils être examinés et synthétisés par le comité? Ici encore, on constate que les travaux du comité seraient soumis à des restrictions substantielles.
Hier soir, j'ai assisté à la séance d'information technique où le nous a dit que l'objectif est d'inclure, dans la mesure du possible, un examen rétrospectif et une surveillance des opérations actuelles.
Pourtant, si on examine l'article 14 du projet de loi, qui énumère les exceptions, on se rend compte que celles-ci comprendraient bel et bien l'examen éventuel d'opérations en cours. J'aimerais attirer l'attention des députés sur l'article 14, qui prévoit notamment ceci:
b) les renseignements concernant les activités de renseignement de défense en cours qui soutiennent des opérations militaires, notamment la nature et la teneur de plans soutenant de telles opérations; [...]
e) les renseignements qui ont un lien direct avec une enquête en cours menée par un organisme chargé de l’application de la loi et pouvant mener à des poursuites;
Il pourrait donc s'agir de tout ce qui concerne des enquêtes pouvant éventuellement mener à des poursuites ou de tout ce qui touche des opérations militaires. Je ne remets pas en cause la pertinence de certaines de ces exclusions, bien qu'il s'agisse de gens qui feront l'objet du processus d'obtention d'une autorisation de sécurité. Ils obtiendront l'approbation nécessaire pour pouvoir mener des examens de ce genre. Il est intéressant de constater que, dès le départ, ces exclusions sembleraient mettre de côté la plupart des types de renseignements qui pourraient être liés à des opérations en cours. Ces exclusions seraient en vigueur dès le départ.
Ce n'est pas tout. Il ne s'agit pas simplement de ces exclusions automatiques. L'article 16 prévoit une sorte d'exclusion discrétionnaire ayant une portée extrêmement vaste pour le ministre compétent. Voici ce que dit l'article en question:
(1) Le ministre compétent d’un ministère peut refuser de communiquer au Comité un renseignement qui relève de ce ministère et auquel, n’eût été le présent article, le Comité aurait un droit d’accès, mais il ne peut le faire que s’il est d’avis que, à la fois: a) le renseignement est un renseignement opérationnel spécial, au sens du paragraphe 8(1) de la Loi sur la protection de l’information; b) sa communication porterait atteinte à la sécurité nationale.
Les députés de l'opposition savent que ces renseignements sont de nature très délicate, mais tout dépendrait de l'opinion du ministre. Ce ne seraient pas des spécialistes qui jugeraient si la question présente un risque pour la sécurité nationale. Tout dépendrait uniquement de l'opinion subjective du ministre. Celui-ci pourrait refuser de communiquer certains renseignements au comité parce qu'il juge qu'ils portent atteinte à la sécurité nationale, mais cette opinion n'aurait pas à être justifiée objectivement.
Le projet de loi ne prévoit, par exemple, aucun mécanisme permettant au comité de contester l'exclusion des renseignements devant les tribunaux.
C'est le qui décide de la composition du comité, dominé par les ministériels, et dont le président, lui aussi nommé par le premier ministre, disposerait de deux votes. Pourtant, le ministre pourrait quand même arbitrairement refuser que ce comité examine certains renseignements sans que sa décision fasse l'objet d'un quelconque examen.
Il a été question des limites et des exclusions entourant les nominations. Il est clair qu'il existe des limites et des exclusions bien réelles au sujet des renseignements qu'un comité déjà secret pourrait examiner en privé.
Passons maintenant aux limites en matière de rapports. À qui le comité ferait-il rapport? Le nommerait le comité, et c'est lui qui pourrait déterminer si le comité peut avoir accès ou non à de l'information. À qui le comité devrait-il faire rapport? Pourquoi ne pas garder tout cela dans la famille? C'est exact, le comité des parlementaires ne ferait pas rapport à la Chambre, mais directement au premier ministre. Bien entendu, ce dernier disposerait d'un certain nombre de jours, 90 je crois, pour présenter l'information à la Chambre, mais il aurait toute la latitude voulue pour déposer ce qu'il veut. Permettez-moi de citer à nouveau un extrait du projet de loi, le paragraphe 21(5) en l'occurrence:
Après consultation du président du Comité, si le premier ministre est d’avis qu’un rapport annuel ou spécial contient des renseignements dont la communication porterait atteinte à la sécurité ou à la défense nationales ou aux relations internationales ou des renseignements protégés par le privilège relatif au litige — en droit civil, l’immunité de divulgation — ou par le secret professionnel de l’avocat ou du notaire, il peut ordonner au Comité de lui présenter un rapport révisé qui ne contient pas ces renseignements.
Je suis désolé, il ne s’agit pas de 90 jours. Le délai dont disposerait le entre la réception d’un rapport et le moment où il doit le déposer est de 45 jours.
À la lecture de cet article, il est très clair, tout d’abord, que le aurait entière et complète discrétion quant à ce qui est et ce qui n’est pas déposé. Il pourrait exiger du comité qu’il apporte des changements avant de déposer le rapport. Toutefois, il est également clair qu’il n’aurait même pas à invoquer la sécurité ou la défense nationales, car l’article fait également mention des relations internationales.
En d’autres termes, si le estimait que quelque chose dans un rapport devant être déposé à la Chambre pourrait avoir un impact négatif sur la réputation du gouvernement et donc certaines répercussions sur nos relations internationales, pour cette raison et pas même pour des raisons de sécurité, il pourrait obliger le comité à exclure cette information.
Quelles seraient alors les options du comité? Bien sûr, dans une situation normale, lorsque des informations secrètes ne sont pas en jeu, il aurait la possibilité de soulever publiquement quelques objections. Cependant, le comité ne pourrait pas faire cela. Il n’aurait pas la capacité d’attirer l’attention du public sur cette information d’une autre manière, ce qui est tout à fait approprié dans ce contexte.
Il y a donc lieu de se demander ce qui se passe réellement ici. Qu'a-t-on prévu comme contrepoids efficace au pouvoir du gouvernement? C’est pourtant ce qu'implique la notion même de surveillance parlementaire: la possibilité pour les parlementaires de véritablement surveiller les activités des services de renseignement qui rendent des comptes au gouvernement.
Un tel contrepoids est toutefois inexistant. Le processus de nomination relèverait entièrement du . Le choix de l'information à acheminer au comité appartiendrait entièrement au et au Cabinet, et le premier ministre exercerait un contrôle direct et entier sur ce qui est ou non déposé à la Chambre. Il est clair que le projet de loi n’est pas un mécanisme véritable de surveillance, du moins dans sa forme actuelle. Ce n’est pas un mécanisme permettant de véritablement faire contrepoids au pouvoir exercé par le gouvernement.
Il est également opportun de se pencher sur certaines des différences entre le projet de loi que nous étudions et les autres projets de loi d’initiative parlementaire qui ont été présentés. J’ai déjà parlé de quelques-uns d’entre eux. Certaines de ces autres mesures législatives font mention d’un comité formé de représentants de tous les partis et pas seulement d’un comité composé de membres choisis par le gouvernement. Elles font également mention de l’élection d’un président par les membres.
De plus, le projet de loi à l’étude prévoit une rémunération considérable, pas seulement pour le président du comité, mais également pour tous ses membres. C’est différent de ce qui avait été promis par le passé. L’allocation offerte au président, et une fois de plus la présidence est déjà promise à quelqu’un, est substantiellement plus élevée que l’allocation normalement accordée aux présidents de comité.
Nous constatons ces écarts, mais ne voyons aucun véritable contrepoids en place.
Je souhaite rappeler brièvement qu’il existe d’autres approches. Le gouvernement a fait état de nos alliés du Groupe des cinq. Il convient à cet égard de souligner, par exemple, l’approche britannique, qui comprend un comité parlementaire. Ce n’est pas un simple comité constitué de parlementaires, mais un véritable comité parlementaire tenu de faire rapport au Parlement et qui, naturellement, est régi par toutes les lois en matière de respect du secret du renseignement auxquelles notre comité serait astreint. Cependant, le comité britannique relève ultimement de la loi et du Parlement et son rôle ne se limite pas à produire un rapport destiné uniquement à un premier ministre.
Le Canada a également une législation qui, franchement, donne de très bons résultats. Le gouvernement doit expliquer quelles seraient les répercussions de cet ajout sur l’approche canadienne actuelle déjà très efficace. Cette approche n’est pas fondée sur la surveillance parlementaire. C’est plutôt une méthode de surveillance effectuée par de véritables experts, totalement indépendante.
Nous avons un comité d’examen du renseignement, présidé par un ancien parlementaire et disposant des compétences et de la capacité d’effectuer une surveillance efficace, contrairement à ce projet de loi actuel qui ressemble plus à un écran de fumée qu’à une méthode de surveillance approfondie du pouvoir du gouvernement.
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Monsieur le Président, avant de commencer, j'aimerais indiquer que je vais partager mon temps de parole avec mon ami et collègue le député de .
C'est pour moi un honneur de parler aujourd'hui du projet de loi , qui créerait, pour la première fois, un comité de parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Un gouvernement ne peut avoir plus importante obligation que celle d'assurer la sécurité de ses citoyens, au pays et à l'étranger. Toutefois, il y a une autre obligation tout aussi importante pour le gouvernement d'un pays comme le Canada, qui tient aux libertés durement acquises, à la démocratie et à la primauté du droit, et c'est l'obligation de faire respecter la Constitution du Canada et de garantir que toutes les lois respectent les droits et libertés dont nous jouissons comme peuple vivant dans une société libre et démocratique.
La nécessité d'équilibrer ces deux obligations en même temps est au coeur du projet de loi dont nous sommes aujourd'hui saisis. Cette mesure législative fait suite aux menaces et aux attentats qui affligent des pays partout dans le monde, y compris le Canada et d'autres pays parmi nos plus proches alliés, menaces face auxquelles nous devons rester lucides et vigilants.
Le projet de loi fait également suite aux nombreuses demandes exprimées, au fil des années, pour que les ministères et les organismes qui ont des responsabilités en matière de sécurité nationale rendent davantage de comptes. Les députés se souviennent sans doute que ces demandes se sont intensifiées l'année dernière, lorsque l'ancien gouvernement a présenté la Loi antiterroriste de 2015, aussi appelée projet de loi à l'époque.
Puis, le Parti libéral a fait valoir l'idée que l'approche canadienne en matière de sécurité devait éviter à la fois la naïveté et les campagnes de peur. Les menaces sont réelles, mais la nécessité de protéger les libertés civiles est tout aussi réelle. C'est pourquoi nous avons fait de l'amélioration de notre cadre de sécurité nationale, ce qui inclut la création du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, un élément majeur de notre dernière plateforme électorale.
Le projet de loi qui nous est soumis vise à former un comité de neuf membres, dont sept proviendraient de la Chambre des communes et seulement quatre pourraient être des députés ministériels. Deux membres du comité proviendraient de l'autre endroit. Le comité différera des autres comités et des autres bureaux ayant pour vocation d'examiner les questions de sécurité et de renseignement.
Dans le système de reddition de comptes actuel, certains organismes d'examen peuvent avoir accès aux documents secrets, mais uniquement ceux que détiennent un ministère ou un organisme donné. Les membres de ces organismes ne sont pas des parlementaires en exercice. Lorsque des parlementaires peuvent jouer un rôle, ils n'ont pas accès à des documents secrets.
Aucun organisme d'examen indépendant ne comprend des parlementaires en exercice: ni le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité, qui surveille le SCRS, ni le Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications, ni la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la Gendarmerie royale du Canada. Des comités parlementaires peuvent examiner des questions liées à la sécurité et au renseignement, mais doivent s'acquitter de leur mandat principalement en entendant des témoignages lors d'audiences publiques.
À l'autre endroit, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense a le vaste mandat d'examiner l'ensemble des lois et des questions liées à la défense nationale ou à la sécurité. À la Chambre, le Comité permanent de la sécurité publique et nationale se penche sur les lois ou les questions qui relèvent de Sécurité publique Canada et des autres organismes chargés de la sécurité publique. Bien qu'ils fassent un excellent travail, ces comités n'ont généralement pas accès à des renseignements classifiés. Ils n'ont ni le mandat ni les ressources pour examiner en détail les questions de sécurité nationale de manière à pouvoir réellement demander des comptes au gouvernement et aux organismes de sécurité nationale.
Aux termes du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, les membres du comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement obtiendraient le niveau d'autorisation de sécurité nécessaire et ils auraient ainsi accès à de l'information hautement classifiée sur les activités de sécurité et de renseignement qui sont menées dans l'ensemble du gouvernement du Canada.
Je signale également que nos partenaires du Groupe des cinq ont des organismes d'examen qui fonctionnent de façon semblable. Dans ces pays, certains parlementaires ont accès à de l'information hautement confidentielle sur les activités de renseignement afin qu'ils puissent s'assurer que les organismes de sécurité nationale fonctionnent efficacement et de manière à protéger à la fois la sécurité du public et les intérêts de la population en matière de droits civils.
Jusqu'à présent, le Canada était le seul pays du Groupe des cinq à ne pas disposer d'un comité de représentants parlementaires pouvant accéder à des renseignements confidentiels. La mesure législative vise à combler cette lacune. En fait, à certains égards, notre proposition va au-delà de ce qui a été mis en place chez les autres démocraties s'inspirant du modèle de Westminster. Le comité serait chargé d'examiner les activités de tous les ministères et organismes du gouvernement qui s'occupent de questions relatives à la sécurité et au renseignement. Il aurait également le pouvoir de mener des enquêtes sur des activités en cours.
Pour ce qui est de l'établissement d'un mécanisme de reddition de comptes dans le secteur de la sécurité nationale, le projet de loi dont nous sommes saisis établit une nouvelle norme que certains de nos alliés pourraient bien vouloir suivre. Les pouvoirs qui seraient accordés au comité, à ses membres et au secrétariat sont solides. Le comité serait en mesure d'accéder à tout renseignement dont il a besoin pour effectuer des examens, sous réserve de certaines limites précises et raisonnables. À l'instar d'autres comités semblables dans d'autres pays, bien que les membres du comité ne soient pas autorisés à divulguer publiquement les renseignements confidentiels auxquels ils auraient accès, ils auraient le pouvoir d'exercer de grandes pressions sur un organisme en particulier ou sur le gouvernement au pouvoir en informant les Canadiens qu'il y a quelque chose qui ne va pas.
Manifestement, la création de ce comité constitue un important pas dans la bonne direction en vue de renforcer la reddition de comptes des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement. Les représentants des Canadiens auront l'occasion d'évaluer les politiques et les activités en matière de sécurité nationale et de veiller à ce que la sécurité et les libertés civiles des Canadiens soient protégées.
Pour ces raisons, j'exhorte les députés à se joindre à moi pour appuyer ce projet de loi important et historique.
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Monsieur le Président, je suis ravi de parler du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, afin de remplir l'engagement que nous avons pris auprès des Canadiens d'améliorer la surveillance et l'examen des activités du gouvernement du Canada dans le domaine de la sécurité nationale et du renseignement. C'est la réponse à la volonté des Canadiens et aux souhaits qu'ils ont formulés lorsque je faisais du porte-à-porte dans la circonscription de Surrey-Centre.
Comme les députés l'ont appris, le projet de loi permettrait la mise sur pied d'un comité de parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, comité multipartite qui examinerait, pour en faire rapport, les activités du gouvernement dans un domaine jugé beaucoup trop opaque par de nombreux Canadiens.
Ce projet de loi important est un élément clé de notre programme ambitieux de sécurité nationale, qui vise à atteindre le double objectif de protéger à la fois la sécurité, et les droits et libertés dont nous jouissons tous. Comme je l'expliquerai aujourd'hui, le travail du comité sera essentiel dans l'atteinte de ces deux objectifs.
Structurellement, le comité proposé serait une entité légale dont les membres proviendraient de tous les partis. Il serait composé de neuf membres, dont sept députés — au maximum quatre du parti ministériel — et deux sénateurs.
Étant donné la nature de son mandat, le comité se verrait accorder un accès sans précédent à des documents classifiés. Un secrétariat attitré, professionnel et indépendant appuierait le comité dans son travail afin de lui assurer les outils et les ressources nécessaires pour l'accomplir.
Le prochain élément que je souhaite aborder, c'est le vaste mandat proposé pour le comité. L'ampleur du mandat vise à assurer l'efficacité du comité, qui aurait ainsi la latitude nécessaire pour examiner l'éventail complet des activités liées à la sécurité nationale des ministères et des organismes du gouvernement du Canada. Il s'agit d'un élément fondamental du projet de loi, un élément crucial pour l'atteinte de notre objectif.
Une vingtaine d'organismes et de ministères se prêtent, à divers degrés, à des activités liées à la sécurité nationale et au renseignement. Le comité serait en mesure d'étudier toutes ces activités afin de dresser un portrait complet du travail accompli par les ministères et organismes en matière de sécurité nationale et de renseignement.
Le modèle et la vision de ce mandat vont même plus loin que ceux de la plupart des comités semblables qui existent dans d'autres pays. Le comité aurait le pouvoir d'entreprendre de son propre chef l'examen des cadres législatif, réglementaire, politique, financier et administratif qui régissent la sécurité nationale au Canada; autrement dit, il serait en mesure de se pencher sur les questions de son choix. Son objectif serait de vérifier l'efficacité du cadre ainsi que le respect des valeurs canadiennes.
Outre ce pouvoir d'examiner le cadre applicable aux activités liées à la sécurité nationale, le comité aurait le pouvoir d'examiner des activités précises relatives à la sécurité nationale et au renseignement, notamment celles qui sont en cours d'exécution. Évidemment, ce pouvoir ne pourrait pas s'exercer entièrement librement. Le ministre responsable du ministère ou de l'organisme en question pourra refuser de fournir l'information s'il s'agit de renseignements opérationnels spéciaux dont la divulgation risque de nuire à la sécurité nationale. Cette disposition est essentielle pour assurer l'intégrité des activités liées à la sécurité nationale, lesquelles peuvent être hautement sensibles. Toutefois, les membres du comité seraient en mesure de faire pression auprès du gouvernement au pouvoir en laissant savoir aux Canadiens qu'ils ont découvert un problème, sans donner de détails.
Nous savons également que le ou le ministre en cause ne voudraient pas avoir à défendre leur décision de faire obstruction à une demande de renseignements à moins que ce ne soit absolument nécessaire. Par conséquent, j'estime que cela en soi aurait un effet dissuasif suffisant pour prévenir l'obstruction inutile des demandes de renseignements.
Le gouvernement est excessivement fier de ce projet de loi, car celui-ci comblerait une lacune dans le cadre de reddition de comptes en matière de sécurité nationale au pays, et je sais que de nombreux députés sont d'accord là-dessus.
J'ajouterai qu'il s'agit d'une lacune à laquelle plusieurs parlementaires ont par le passé tenté de remédier en proposant des mesures législatives. Nous sommes certainement impatients d'entendre leur rétroaction, ainsi que celle de tous les députés, au cours du processus législatif.
En même temps, certaines personnes diront sans doute qu'il existe déjà des mécanismes d’examen et de reddition de comptes en ce qui concerne la sécurité nationale. Il est vrai, bien entendu, qu’un certain nombre d’organismes d’examen assurent déjà une telle fonction pour leur propre organisme, comme le font la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes dans le cas de la GRC et le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité dans celui du SCRS.
Cependant, dans un contexte où les ministères et organismes se sont vu confier de nouveaux mandats et des pouvoirs élargis pour ce qui est de se communiquer les uns les autres des renseignements relatifs à la sécurité nationale, les parlementaires doivent pouvoir examiner en bonne et due forme le cadre de sécurité nationale global du Canada ainsi que les activités des organismes chargés de la sécurité nationale pour être en mesure de prendre des décisions éclairées au sujet des lois et de l’utilisation efficace des ressources dans la protection de la sécurité nationale.
Heureusement, les ministères et les gouvernements qui dirigent les organismes de sécurité du Canada n’en abusent pas, mais, dans les pays où il n’existe pas de surveillance parlementaire, les organismes de surveillance de la sécurité et du renseignement sont devenus les instruments politiques des pouvoirs en place. La prudence, par conséquent, consiste à créer un comité de surveillance parlementaire avant que de tels événements se produisent ici, au Canada.
C’est aussi pourquoi nous encouragerons le nouveau comité à collaborer avec les organismes d’examen existants, de manière à éviter les chevauchements et à faire fond sur le travail remarquable déjà accompli. Par exemple, il serait bon que le comité reçoive copie des rapports des organismes d’examen, et ce, pour plusieurs raisons, y compris pour éviter les doubles emplois fortuits, se tenir au courant de sujets de préoccupation éventuels et pouvoir faire le suivi de ses propres examens, au besoin. Il faut savoir, cependant, que les organismes d’examen existants continueraient d’être des institutions autonomes dotées de leur propre mandat et qu’une telle collaboration, quoique souhaitable, serait volontaire.
Pour ce qui est de la production de rapports, le comité serait tenu de préparer au minimum un rapport annuel. Après l’examen voulu pour protéger les renseignements classifiés, ce rapport serait déposé au Parlement. Le comité pourrait également publier d’autres rapports sur tout sujet qu’il juge être urgent et dans l’intérêt public.
Cela dit, je propose que, une fois constitué, le comité veille à ce que les Canadiens de tous les horizons, de toutes races, de toutes croyances et de toutes cultures, ainsi que les groupes minoritaires soient protégés et inclus.
Les Canadiens doivent avoir confiance dans les opérations de sécurité qui visent à les protéger des menaces très réelles auxquelles nous sommes confrontés en 2016. Cela dit, il est important de faire confiance aux ministères et aux agences gouvernementales dont le mandat comprend la sécurité, et de les respecter. Or, c'est précisément le but que vise le projet de loi dont la Chambre est saisie.
Les dirigeants de nos organismes d’application de la loi et du renseignement de sécurité figurent parmi les éléments les meilleurs et les plus brillants du pays. Les Canadiens sont fiers des efforts et des sacrifices qu’ils font pour protéger notre pays. Malheureusement, quand des organisations travaillent en vase clos, il arrive souvent qu'elles ne voient pas la situation dans son ensemble.
Le juge à la retraite, John Major, a affirmé un jour qu’une violation à la sécurité avait été le résultat d’une série d’interventions erronées lors des premières interactions entre la GRC et le tout nouvel organisme de sécurité appelé SCRS. D'énormes progrès ont été réalisés depuis et la relation entre les deux organismes s’est considérablement améliorée. Ce projet de loi constitue la prochaine étape de cette évolution.
Je demande à la Chambre de surveiller cette loi de très près dans les années à venir. À titre de parlementaires, nous sommes responsables de veiller à ce que cette mesure législative soit à jour et qu’elle serve toujours l’intérêt des Canadiens.
Nous sommes enthousiastes à la perspective de participer, avec les députés de tous les partis, à un débat constructif et approfondi sur cette question et sur d’autres enjeux connexes, afin d’améliorer la sécurité nationale.
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Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui au sujet du projet de loi , . Aujourd'hui, j'aimerais parler des quatre grandes préoccupations que j'ai relativement à la mesure législative dans sa forme actuelle.
Toutefois, avant de commencer, j'aimerais saluer le travail important que font les hommes et les femmes au service des organismes de sécurité nationale du pays. Ces organismes font un travail primordial pour assurer la sécurité de tous les Canadiens et je félicite ceux qui travaillent sans relâche pour assurer notre sécurité à tous. Comme vous, monsieur le Président, et tous ceux qui étaient à la Chambre il y a deux ans, le 22 octobre, j'ai beaucoup de respect et d'admiration pour ceux qui ont veillé à notre sécurité ce jour-là. Les choses auraient pu se terminer différemment. Je remercie sincèrement tous ceux qui étaient ici ce jour-là, qui ont assuré notre sécurité et grâce à qui nous avons pu rentrer et retrouver nos familles.
Nous ne sommes pas à l'abri des menaces de terrorisme et de radicalisation nationale auxquelles nos alliés sont confrontés partout dans le monde. En fait, l'été dernier, nous avons tous pu voir le travail remarquable qu'ont fait nos agences de sécurité nationale pour déjouer un attentat terroriste à Strathroy, en Ontario, localité située à quelques heures à peine au sud de ma circonscription, Bruce—Grey—Owen Sound. Mon collègue qui se trouve à côté de moi représente cette circonscription et il sait que les choses auraient pu tourner nettement plus mal. Nos agences de sécurité ont réussi à démasquer et à intercepter un individu radicalisé avant qu'il ne place des engins explosifs de fabrication artisanale à divers endroits publics. N'eut-ce été du concours de nos agences de sécurité publique, ce complot aurait pu être mené à exécution, ce qui aurait été un désastre. Je remercie encore une fois nos concitoyens qui travaillent jour et nuit pour assurer notre sécurité et nous mettre à l'abri de menaces comme celles-ci et bien d'autres.
Voici quatre des grandes préoccupations que suscite chez moi ce projet de loi: le moment de sa présentation et de la nomination du président; la composition du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, que je désignerai tout simplement « comité »; le niveau d'accès qu'aura le comité à des renseignements importants; et les voies par lesquelles passeront les rapports de ce comité.
Premièrement, je trouve que cette mesure législative arrive à un moment étrange. Le gouvernement l'a présentée à la toute fin de la session parlementaire, juste avant la relâche estivale. Cela ne pose aucun problème en soi, sauf que nous avons appris pendant l'été que le mènerait des consultations à l'échelle nationale sur le cadre de sécurité nationale du Canada. Le ministère de la Sécurité publique a établi une liste de sujets de discussion lors de ces consultations. Ainsi, les consultations porteront entre autres sur la reddition de comptes, la prévention, la réduction de la menace, la communication interne d'information sur la sécurité nationale, le Programme de protection des passagers, les mesures antiterroristes prévues dans le Code criminel et les procédures d'inscription sur la liste des entités terroristes. Selon moi, les points de vue qu'émettront les Canadiens, dans le cadre de ces consultations, pourraient avoir une incidence considérable sur de nombreuses dispositions de ce projet de loi.
Qui plus est, le ministre a écrit au Comité permanent de la sécurité publique et nationale, dont je fais partie, pour lui demander de mener aussi des consultations auprès des Canadiens partout au pays sur le cadre de sécurité nationale. En tant que vice-président du Comité, j'ai bien hâte de sillonner le pays pour entendre des Canadiens intéressés nous dire ce qu'ils pensent de ces sujets très importants. Toutefois, ce qui m'inquiète, c'est que, encore une fois, le gouvernement a mis la charrue devant les boeufs. Je ne comprends pas pourquoi ce projet de loi et d'autres mesures législatives ont été présentés à la Chambre alors que nous n'avons pas encore consulté les Canadiens, à moins, évidemment, que le gouvernement souhaite mener des consultations bidon. J'espère sincèrement que ce n'est pas le cas, mais il semble bien que ce soit exactement ce qu'il est en train de faire.
Par ailleurs, je trouve extrêmement préoccupant que le gouvernement ait nommé le président du comité des parlementaires avant même d'avoir présenté le projet de loi à la Chambre. Le député d' a été nommé président de ce comité plus de cinq mois avant la présentation du projet de loi à la Chambre.
Je respecte le député d' autant que n'importe quel autre député. Pendant quelques années, j'ai siégé avec lui au comité des transports. Le problème, ce n'est pas tant lui que le processus et certains autres éléments dont je vais parler.
Depuis que j'ai été élu député pour la première fois, en 2004, j'ai été membre de plusieurs comités différents. Je peux dire que jamais, pas même une fois, je suis devenu membre d'un comité nouvellement constitué dont le président était déjà nommé depuis des mois. Le président est toujours choisi parmi les membres du comité et élu à la première séance du comité.
Nous savons tous — je ne suis pas naïf — que, lorsqu'un parti est au pouvoir, que ce soit le Parti libéral ou un autre, c'est un membre de ce parti qui est élu. Or, il y a tout de même une élection, contrairement à ce qui se passe en l'occurrence.
Selon moi, il est très paradoxal que le gouvernement ait déjà nommé le président de ce comité important, parce que c'est le Parti libéral qui réclamait vivement, lors de la campagne électorale, une plus grande transparence des comités parlementaires. Qu'en est-il, maintenant, de cette transparence?
On peut lire ceci dans la plateforme du Parti libéral à propos de la responsabilisation: « [...] nous renforcerons le rôle des présidents des comités, notamment en les élisant par scrutin secret ». Est-ce ce que nous faisons actuellement? Pas du tout.
Pourquoi le processus devrait-il être différent pour ce nouveau comité? Le président ne devrait jamais être nommé avant que les membres soient consultés.
Voilà qui m'amène à ma deuxième préoccupation au sujet de la mesure législative dans sa forme actuelle. Plusieurs choses m'inquiètent dans la façon dont la composition du comité sera établie.
La mesure législative prévoit que le comité sera composé du président et d'au plus sept députés et deux sénateurs nommés par le gouverneur en conseil sur la recommandation du .
Ce qui me préoccupe, c'est que la composition du comité est à la discrétion du et non du Parlement. D'ailleurs, de nombreux Canadiens ont signalé qu'ils veulent que le Parlement surveille les organismes de sécurité nationale. Ils ne veulent pas que le court-circuite en quelque sorte le Parlement pour avoir le plein contrôle sur le comité. Or, la façon dont le projet de loi est conçu le permet.
Si le comité doit assurer une surveillance parlementaire, sa composition doit être approuvée par le Parlement et non par le . Ce comité ne doit pas être considéré comme un prolongement du Cabinet du premier ministre.
En outre, en poursuivant la lecture du projet de loi, je remarque qu'il établit des lignes directrices en matière de sécurité et de confidentialité pour les membres du comité, qui doivent tous obtenir et conserver une habilitation de sécurité, ce qui est très bien. Ils doivent aussi prêter serment ou faire une déclaration solennelle, et respecter les règles et les procédures. De plus, ils ne peuvent communiquer sciemment des renseignements qu'ils auraient acquis dans l'exercice des attributions qui leur sont conférées sous le régime de la loi, et ils ne peuvent invoquer l’immunité fondée sur les privilèges parlementaires. Je suis entièrement d'accord.
Ces dispositions sont très importantes, et je suis enchanté de les voir dans le projet de loi. Je trouve toutefois malheureux de n'y voir aucune mesure qui obligerait les membres du comité à avoir au moins une certaine expérience dans le domaine de la sécurité nationale. Le président actuel n'a aucune expérience en la matière. J'ai vraiment peine à croire que ce comité pourra s'acquitter efficacement de cette tâche importante liée à nos organismes de sécurité nationale si c'est la toute première fois que ses membres touchent à ce domaine. Cela n'a tout simplement aucun sens.
La surveillance doit être bien réelle et légitime. Il ne semble pas que ce sera le cas. Je ne vois pas comment une personne encore en train de se familiariser avec ce domaine pourra assurer une surveillance réelle et adéquate. Il s'agit là d'une grave lacune du projet de loi, et j'espère qu'on y remédiera en cours de route.
Ma troisième objection concernant le projet de loi est le degré d'accès qu'aurait le comité en ce qui a trait aux documents importants sur les activités des organismes canadiens de sécurité nationale et de renseignement.
Le texte actuel du projet de loi limite grandement l'information à laquelle le comité aura accès et accorde beaucoup de pouvoir au et à plusieurs ministres, qui pourront limiter l'information à laquelle le comité aura accès s'il le juge nécessaire. C'est totalement inapproprié et inacceptable.
Si nous voulons que le comité puisse exercer une véritable surveillance indépendante de nos organismes de sécurité nationale, le projet de loi devra être amendé. J'espère que le gouvernement est prêt à accepter les critiques constructives.
À l'heure actuelle, le projet de loi donne beaucoup trop de pouvoir au gouvernement, qui pourra constamment faire obstruction au comité et limiter les questions sur lesquelles ce dernier fera enquête. Ainsi, la capacité du comité de s'acquitter de son mandat serait grandement réduite. Le projet de loi est censé créer un comité parlementaire, et non un organe du Parti libéral du Canada.
Ma dernière objection concerne la démarche prévue pour que le comité présente ses conclusions à la Chambre des communes et, par le fait même, au public.
Le projet de loi énonce clairement que le comité devra soumettre des rapports annuels et des rapports spéciaux selon les besoins. C’est très bien. Le seul problème, c’est que ces rapports sont remis directement au plutôt qu’à nous, au Parlement. C’est tout à fait inacceptable.
Ces rapports doivent contenir des conclusions et les recommandations du comité, et le peut ensuite éliminer ce qu’il juge préjudiciable à la sécurité ou à la défense nationale avant que le rapport ne soit déposé à la Chambre des communes. Dans les faits, le projet de loi donnerait au premier ministre le dernier mot sur ce que recevrait la Chambre.
Je sais que les députés ont siégé à différents comités. Ce n’est pas ainsi que nous fonctionnons et ce n’est pas ainsi que cela est censé fonctionner, mais il semble que le gouvernement actuel veuille faire certaines choses de cette façon.
Il est très important d’avoir un mécanisme de contrôle, et cela ne me pose pas de problème, pour il faut faire en sorte que rien dans les rapports du comité ne nuise à notre sécurité nationale, mais je ne crois pas du tout que le fait de donner au Cabinet du premier ministre un pouvoir de veto sur le contenu de ce rapport soit la meilleure façon de procéder. Cela relève de la responsabilité du comité.
Comme je l'ai dit à plusieurs reprises dans mes remarques d'aujourd'hui, notre comité est censé assurer une surveillance parlementaire. À cet égard, il devrait rendre compte directement au Parlement et ne devrait pas avoir à obtenir l’approbation du Cabinet du premier ministre.
Ce système empêche le comité d'agir de manière indépendante et permet au Cabinet du premier ministre d'exercer une grande influence sur le comité, ce que je trouve ironique étant donné que le a promis pendant la campagne électorale de diminuer le rôle du Cabinet du premier ministre. Mais on était en 2015. On est maintenant en 2016.
Après avoir souligné mes principales préoccupations concernant le projet de loi, je veux prendre quelques instants pour parler de la façon dont le Royaume-Uni a formé son propre comité pour la surveillance parlementaire de ses organismes de la sécurité nationale.
Je sais que le ministre et le président du comité ont fait quelques voyages pour se renseigner, mais je ne sais pas si les pratiques exemplaires en vigueur dans d'autres pays se retrouvent vraiment dans ce texte. Nous devons apprendre des autres pays dans la mesure du possible. On n'est pas obligé de réinventer la roue.
Il est important de faire des comparaisons entre le Canada et les autres Parlements de type Westminster, car, comme je l'ai dit à maintes reprises aujourd'hui, il s’agit d’un comité de parlementaires qui rend compte au Parlement pour le Parlement. Cela m’amène à la comparaison que je veux faire.
Le Parlement du Royaume-Uni a créé son comité du renseignement et de la sécurité du Parlement en 1994 pour examiner les politiques, l'administration et les dépenses des services de sécurité, des services de renseignement et du centre des communications du gouvernement.
Il y a trois ans, en 2013, soit près de 19 ans après la mise en place de la première loi en la matière, le Parlement a effectué d'importantes réformes afin de donner des pouvoirs accrus à ce comité parlementaire. Les membres du comité sont nommés par le Parlement, et c'est à lui qu'ils doivent rendre des comptes. Le comité rend compte des questions de sécurité nationale directement au . Par ailleurs, les membres ont accès à de l'information hautement classifiée.
Il me semble que ce comité est beaucoup plus indépendant du Cabinet du premier ministre, et qu'il jouit d'un accès adéquat à l'information classifiée dont il a besoin pour effectuer une surveillance appropriée.
La différence la plus importante entre le comité proposé dans le projet de loi et le comité mis sur pied au Royaume-Uni, c'est que les membres du comité du Royaume-Uni sont nommés par le Parlement et ne rendent de comptes qu'à lui.
Encore une fois, comme je l'ai dit, si nous voulons un comité de parlementaires qui assure une surveillance par le Parlement, alors ce comité devrait rendre des comptes au Parlement et non au ou à son cabinet.
Je serais très curieux de savoir si, lors de la visite du ministre au Royaume-Uni, on lui a déconseillé de faire du comité un organe du Cabinet du premier ministre. L'a-t-on encouragé à donner au comité la même structure que celle issue des réformes effectuées au Royaume-Uni en 2013?
Il s'agit d'une question importante, car nous nous sommes un peu tenus à l'écart des points chauds du Moyen-Orient, où le terrorisme s'est développé. L'Angleterre et la Grande-Bretagne ont réagi beaucoup plus rapidement que nous et leur loi est en vigueur depuis longtemps. Peu importe la nature d'une loi, le fait est qu'on en tire des leçons au fil des ans. Les députés ou les gouvernements ont beau être brillants, il serait faux de soutenir que chaque projet de loi que nous rédigeons est parfait. Il n'en est pas ainsi. Les choses changent et évoluent, et on s'adapte en apportant des modifications. C'est ce qu'ont fait les Britanniques en 2013.
La loi initiale était très semblable à ce que le gouvernement propose aujourd'hui, mais le Royaume-Uni s'est rendu compte qu'après 19 ou 17 ans, peu importe, la loi n'était plus efficace ni adaptée. Il l'a donc modifiée pour corriger la situation. Nous aurions dû tenir compte de ces changements. De toute évidence, ce n'est pas ce que nous avons fait.
Les Parlements de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande ont aussi des comités parlementaires qui exercent une surveillance sur les organismes nationaux de sécurité, mais ces comités diffèrent largement de ce qui est proposé dans le projet de loi . Le comité du Royaume-Uni est celui qui s'en approche le plus.
En conséquence, nous devrions tirer des leçons de l'expérience du Royaume-Uni. Il y existe une certaine forme de surveillance parlementaire depuis 1994. Manifestement, les réformes de 2013 ont été apportées pour des raisons bien précises. Nous devons, dans la mesure du possible, offrir un modèle semblable, qui tient compte des leçons apprises au Royaume-Uni, qui possède un tel organisme depuis plus de 20 ans maintenant.
Enfin, j'espère que le ministre et le ministère ont consulté tous les organismes de surveillance lorsqu'ils ont rédigé la mesure législative afin de s'assurer qu'il n'y aura pas de chevauchement des tâches. Le comité doit respecter les organismes déjà en place et travailler de concert avec eux pour assurer la surveillance parlementaire.
Je suis impatient d'entendre l'avis d'organismes de surveillance comme le Bureau du commissaire du Centre de la sécurité des télécommunications, la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes relatives à la GRC, ainsi que le Comité de surveillance des activités de renseignement de sécurité sur cette mesure législative.
En conclusion, je tiens à préciser que j'attends avec impatience le reste du débat qui aura lieu aujourd'hui, ainsi qu'au cours des prochaines semaines et des prochains mois. Je serai heureux de répondre à certaines questions de mes collègues.
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Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de .
J’ai le plaisir de prendre la parole à la Chambre aujourd’hui au sujet du projet de loi , une mesure législative qui apporterait des changements qu’on attend depuis longtemps à la façon dont notre pays traite la sécurité nationale et qui démentirait une fois pour toutes l’idée selon laquelle nous avons à choisir entre le désir d’assurer la sécurité des Canadiens et le désir de préserver les droits et libertés que tous les Canadiens ont à cœur.
Cet argument fallacieux est présenté depuis les événements tragiques du 11 septembre 2001, à un moment où les gouvernements occidentaux et les sociétés occidentales peinent à réagir à cette nouvelle menace terroriste. Nous devons faire en sorte que les organismes d’application de la loi et de renseignement aient les outils et les ressources dont ils ont besoin pour contrer ces menaces nouvelles et qui surgissent souvent rapidement. Cependant, non, la sécurité publique ne s’assure pas forcément au prix de nos libertés et droits fondamentaux. Je rejette cet argument fallacieux et le gouvernement le rejette aussi. Pour citer Benjamin Franklin: « Ceux qui, pour acheter un moment de sécurité, sont disposés à abandonner la liberté, ne méritent ni liberté ni sécurité. »
On a souvent dit des terroristes qu’ils nous haïssent à cause de notre liberté. Si je trouve cette affirmation banale et simpliste, le fait est que, si nous échangeons notre liberté pour une plus grande sécurité, au fond, ceux qui utilisent la terreur comme une arme auront atteint leurs buts, car leur mission n’est pas simplement la mort ou la destruction; c’est la terreur. C’est de changer fondamentalement notre société pour le pire, et nous ne devons pas le permettre.
Nous ne pouvons pas fermer notre société au monde; nous devons au contraire demeurer un exemple pour le monde, un modèle d’ouverture, de tolérance, de diversité. Que notre diversité soit réellement notre force et que le Canada montre que des gens qui ont des religions différentes, des langues différentes et des cultures différentes peuvent vivre ensemble dans le bonheur et la sécurité. Le monde a besoin de plus de Canada et, à un moment où les pays se replient de plus en plus sur eux-mêmes, à un moment où les pays ferment leurs portes au commerce, aux réfugiés et au reste du monde, il a besoin plus que jamais de l’exemple canadien.
Je voudrais dire un mot des mesures spécifiques dans le projet de loi . La pièce maîtresse de cette mesure législative est l’établissement d’un comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement qui jouerait un rôle fondamental de supervision et de responsabilisation du système de sécurité nationale. Les membres de ce comité auraient accès à des renseignements classifiés et recevraient le mandat ferme de surveiller l’ensemble du cadre de sécurité nationale et de faire en sorte qu’il assure avec succès la sécurité des Canadiens tout en préservant nos droits fondamentaux et nos libertés.
La lumière du jour est toujours le meilleur désinfectant et, s’il est tout à fait compréhensible que des renseignements classifiés ne puissent pas être communiqués à tous les Canadiens, il est important que les représentants du peuple, élus par lui et responsables devant lui, aient cet accès pour veiller aux intérêts du peuple. Il s’agit d’une responsabilité fondamentale des députés et d’un modèle de contrôle qui a fait ses preuves pour les alliés les plus proches du Canada. Je soutiens cette initiative sans réserve.
Alors que nous concevons un nouveau cadre de sécurité nationale pour le Canada et que nous en débattons, un élément qui a été absent lors de débats antérieurs est la consultation. Je suis une musulmane canadienne d’ascendance pakistanaise. Il y a plus d’un million de musulmans au Canada. Je fais partie d’une communauté qui se sent souvent injustement visée par les agences de sécurité et stigmatisée dans le cadre de ces débats sur la sécurité. Depuis les attaques du 11 septembre, nous nous sentons marginalisés, profilés et vus comme une partie du problème plutôt que comme une partie de la solution.
Je peux donner à la Chambre l’assurance que peu de Canadiens sont plus patriotes que les Canadiens qui, comme moi, sont musulmans, et c’est un honneur pour moi de faire partie des onze musulmans que le peuple du Canada a élus pour représenter tous les citoyens au sein de cette vénérable assemblée.
Ceux parmi nous qui ont choisi de venir au Canada et de s’y établir l’ont fait à la fois pour la sécurité chère à tous les Canadiens et pour les droits et libertés que tous les Canadiens ont à cœur. Nombre d’entre nous ont fui un pays où les libertés individuelles sont très restreintes, voire inexistantes, et ont cherché refuge après avoir quitté un pays où la violence et les conflits font partie du quotidien. Pourtant, trop souvent, comme je l’ai dit, on nous traite avec suspicion et méfiance. C’est comme si les agences de sécurité adoptaient une approche de la sécurité nationale fondée sur le profilage racial plutôt que d’essayer de travailler avec la communauté, et il faut que cela change.
En matière de sécurité nationale, nous devons adopter le concept de police communautaire. Nous savons que ce concept est efficace dans nos villes. Lorsque mon collègue, le député de , a pris la direction de la division du service de police de Toronto à Regent Park, les relations entre la collectivité et les policiers censés la protéger étaient très tendues. En adoptant le concept de police communautaire et en considérant la collectivité comme un partenaire, le député de a réussi à instaurer une relation de confiance avec la collectivité, une confiance fondée sur la compréhension et le respect mutuel, et le taux de criminalité a commencé à fléchir. Les habitants savaient qu’ils pouvaient s’adresser à la police lorsqu’ils avaient des problèmes ou que quelqu’un risquait de mal tourner.
De la même façon, les organismes de sécurité nationale et le gouvernement doivent considérer les collectivités comme la mienne non pas comme un problème, mais comme une partie de la solution. Ces organismes doivent aller à la rencontre de tous les membres de la collectivité pour les faire participer à la construction d’une société plus sûre et plus libre. Nous sommes prêts à être partenaires. Bon nombre d’entre nous sommes venus au Canada pour fuir l’extrémisme et la violence. Tout ce que nous voulons, c’est nous enraciner dans notre nouveau pays. Voilà pourquoi je me réjouis que le budget de 2016 consacre 35 millions de dollars, sur les cinq prochaines années, à la création du Bureau du coordonnateur de la sensibilisation des collectivités et de la lutte contre la radicalisation. Cet engagement est reconduit dans le projet de loi .
De nombreuses collectivités du pays ont déjà mis en place toutes sortes d’initiatives de lutte contre la radicalisation, mais ces initiatives manquent de coordination et de ressources, et il serait utile de faire connaître et d’échanger les bonnes pratiques. Ce nouveau bureau permettra d’assurer un leadership national en coordonnant les initiatives fédérales, provinciales, territoriales et internationales, en faisant connaître les bonnes pratiques qui ont donné des résultats sur le terrain, et en encourageant l’approche communautaire et la recherche. Le Canada peut et doit devenir un chef de file mondial en matière de lutte contre la radicalisation, et montrer qu’il est possible d’avoir une société ouverte, pluraliste et démocratique. Il faut pour cela mobiliser tous les Canadiens afin de préserver notre sécurité et notre liberté à tous.
Soyons prêts à affirmer notre engagement à construire un Canada où nos enfants ne sentiront jamais qu’ils sont différents, qu’ils ne font pas partie de la société ou qu’ils sont suspects simplement à cause de leur religion, de leur origine ethnique ou de la couleur de leur peau. C’est ce que j’espère pour la prochaine génération et pour mes deux fils.
Je me réjouis de constater que le projet de loi prévoit aussi d’autres initiatives pour protéger les droits et libertés individuels, contrairement au projet de loi du gouvernement précédent. Par exemple, il prévoit de mieux protéger le droit de militer et de manifester et définit plus précisément les règles concernant la propagande terroriste.
Le gouvernement inscrit également dans la loi un examen des dispositions législatives sur la sécurité nationale pour veiller à ce que les représentants élus par la population aient non seulement l'occasion, mais aussi la responsabilité, d'examiner régulièrement ces dispositions pour s'assurer qu'elles sont toujours nécessaires et efficaces et qu'elles ne restreignent pas indûment les droits et les libertés des citoyens canadiens.
Lors de la dernière législature, le Parti libéral a tenté d'apporter tous ces amendements au projet de loi afin que celui-ci soit plus équilibré. Malheureusement, le gouvernement précédent a rejeté ces amendements.
Je vais appuyer le projet de loi. J'espère que les députés d'en face se joindront à nous pour appuyer cette mesure législative importante. Je crois que le projet de loi renforcera notre appareil de sécurité nationale, ce qui permettra d'améliorer la sécurité et la liberté des Canadiens.
Je suis Canadienne par choix. Je suis devenue Canadienne grâce à la Charte des droits et libertés. Tandis que je grandissais au Pakistan, tout ce qu'on savait du Canada se résumait à Pierre Trudeau et à la Charte des droits. C'est un document qui énonce que tous les Canadiens et toutes les personnes qui vivent au pays jouissent des libertés fondamentales suivantes: la liberté de conscience et de religion; la liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression; la liberté de réunion pacifique; et la liberté d'association.
Si la Charte canadienne des droits et libertés n'existait pas, je ne serais pas ici, à la Chambre, ni dans ce pays. Je suis résolue à protéger et à défendre ces droits et libertés, et c'est justement ce que permettra de faire le projet de loi .