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Madame la Présidente, c’est le budget le plus long de l’histoire du Canada. Comme Andrew Coyne l’a fait remarquer dans le
Globe and Mail, ce budget, dans sa version anglaise, compte 739 pages et 232 903 mots. Le budget historique de 1995 de Paul Martin comptait moins de 200 pages. Les budgets de Michael Wilson de la fin des années 1980, qui ont remis le Canada sur la bonne voie sur le plan financier et qui faisaient état d’excédents de fonctionnement, comptaient en moyenne moins de 120 pages.
Ce budget est non seulement le plus long de l'histoire, il est aussi le plus décevant. Jamais aucun budget n’a proposé si peu en tant de mots. Il ne comporte pas de plan pour s’attaquer au problème immédiat auquel font face les Canadiens, soit le manque de vaccins. Or, il ne peut y avoir de reprise économique sans vaccins.
Dans la région d’Halton, par exemple, où se trouve une partie de ma circonscription, la moitié seulement des personnes qui auraient pu être vaccinées l’ont été. C’est parce que le gouvernement fédéral n’a pas réussi à obtenir les vaccins. Le mois dernier, par rapport à des endroits comme Burlington, Oakville, Milton, Georgetown et Acton, la région d’Halton n’a pu vacciner que 90 000 habitants, tandis qu’il aurait dû être possible d’en vacciner 216 000, soit 7 200 par jour, plus du double de ce qui s’est fait. Si seulement la moitié des gens ont été vaccinés, c’est à cause d’un manque de vaccins.
Je vais citer les autorités de la santé de la région d’Halton qui ont déclaré ceci: « Bien que nous ayons la capacité d’accepter environ 7 200 rendez-vous par jour dans nos cliniques, le manque d’approvisionnement constant en vaccins continue de limiter le déploiement du Programme de vaccination. »
[Français]
Le budget ne fait rien pour remédier à ce manque de vaccins. En conséquence, nous sommes dans une troisième vague, contrairement à des pays qui ont pu s'assurer d’avoir un approvisionnement suffisant en vaccins comme les États-Unis et le Royaume-Uni.
[Traduction]
Ce budget ne prévoit rien pour améliorer les choses. Il n’a aucun plan pour créer des emplois et stimuler la croissance. Au lieu de cela, nous nous retrouvons avec une dette plus lourde, des déficits plus importants et une avalanche de dépenses non ciblées.
Le budget ne prévoit aucune réforme de la réglementation et de la fiscalité pour nous aider dans une économie mondiale où la concurrence est féroce. Il ne contient aucun plan pour s’attaquer au faible niveau de productivité chronique du Canada, le seul déterminant à long terme de la prospérité. Il n’a aucun plan pour le secteur des ressources naturelles du Canada, qui est tellement important, la course aux minéraux essentiels et la transition énergétique qui s’accélère.
Il ne présente pas de plan pour régler le problème de la surchauffe du marché du logement, qui a fait en sorte que le rêve de l’accession à la propriété à prix abordable n’est plus à la portée de millions de familles canadiennes et qui leur a imposé un niveau d’endettement astronomique. Il ne comporte aucun plan pour atteindre l’équilibre budgétaire et freiner la montée en flèche de la dette et des déficits qui menacent l’avenir de nos enfants.
Les députés n’ont pas besoin de me croire sur parole. Ils peuvent s’en remettre aux experts. Voici ce que David Dodge, sous-ministre des Finances du gouvernement Chrétien des années 1990 et ancien gouverneur de la Banque du Canada, avait à dire au sujet du budget dans le Globe and Mail: « Ma critique du budget, c’est qu’il ne met pas vraiment l’accent sur la croissance. »
Parlant de croissance et de la ministre des Finances, il dit aussi qu’à long terme, nous faisons face à un véritable défi, et qu’il ne pense pas qu’elle ait essayé de relever sérieusement ce défi dans le budget.
Il ajoute que la grande majorité des dépenses supplémentaires de 100 milliards de dollars sont des dépenses de consommation, et non des investissements. Il dit aussi que le budget ne comporte pas de plan financier prudent, ajoutant que pour lui, le budget ne cadre pas avec un plan financier raisonnablement prudent, pour ainsi dire.
Selon le Fonds monétaire international, le Canada a enregistré le plus important déficit des grandes économies au cours de la dernière année, à 20 % de son PIB. Pourtant, le FMI estime que, comparativement à celle de nos pairs économiques, l’économie canadienne s’est contractée davantage et se redressera plus lentement. Malgré cela, rien n’a été prévu dans le budget pour créer des emplois et stimuler la croissance.
[Français]
Le budget ne contient pas de plan pour équilibrer les finances. Dans le budget lui-même, on fait remarquer qu'au cours des cinq prochaines années seulement, les frais d'intérêt sur la dette nationale doubleront et passeront d'environ 20 milliards de dollars par an à environ 40 milliards de dollars par an.
[Traduction]
D’autres experts ont aussi critiqué le budget, comme mon collègue vient de le dire dans ses dernières remarques à la Chambre. Voici ce que l’ancien directeur des politiques et du budget de la , Robert Asselin, avait à dire au sujet du budget dans The Hub.
Il dit que le budget fédéral ne répond pas à la question de la croissance, avant d’ajouter qu’il est clair depuis un certain temps que la décision du gouvernement de dépenser plus de 100 milliards de dollars en mesures de relance dites à court terme était une solution politique à la recherche d’un problème économique. Il conclut en disant qu’après avoir doublé la dette fédérale en seulement six ans et dépensé près de 1 billion de dollars, s’il fallait que le gouvernement n’accélère pas la croissance à long terme, ce serait le pire héritage possible qu’il puisse laisser avec ce budget.
Le budget ne prévoit aucun plan de croissance, aucun plan pour rendre le Canada plus concurrentiel sur la scène mondiale, aucun plan pour faire face au vieillissement de la main-d’œuvre canadienne et aux faibles niveaux chroniques d’investissement des entreprises. Le directeur parlementaire du budget a fait remarquer qu’une partie importante des dépenses prévues dans le budget ne stimulerait ni l’emploi ni la croissance économique. Comme bien d’autres, il conclut qu’une bonne partie des dépenses ne sont pas du tout des mesures de stimulation.
Une grande partie des dépenses prévues dans le budget visent à aider les libéraux à se faire réélire. De toute évidence, il s’agit d’un budget préélectoral dans lequel le gouvernement prévoit des dépenses effrénées. Par exemple, les libéraux promettent un programme national de garderies. Ils ne se préoccupent pas du fait que ce domaine soit de compétence provinciale et que certaines provinces aient déjà mis sur pied des programmes universels de garde d’enfants. Ils ne se soucient pas du fait que l’Entente-cadre sur l’union sociale, qui a été négociée en 1999 par un gouvernement libéral précédent, exige que le gouvernement obtienne l’appui de la majorité des gouvernements provinciaux pour aller de l’avant. Ils n’en ont rien à faire que les provinces soient sceptiques à juste titre à l’idée que le gouvernement fédéral mette sur pied de nouveaux programmes à frais partagés dans les champs de compétence des provinces et que, par la suite, il en réduise le financement, laissant aux provinces le soin de combler le manque à gagner.
Les Canadiens ont tout lieu d’être sceptiques au sujet de cette promesse d’un programme national de garderies. Les libéraux ont fait cette promesse pour la première fois dans le tristement célèbre livre rouge de 1993, il y a environ 28 ans. Au cours des 28 dernières années, ils ont continué d’en parler, mais ils n’ont toujours pas livré la marchandise. Le gouvernement a eu deux ans pour préparer ce budget. Il n’est pas surprenant qu’après deux ans, tout ce qu’ils ont réussi à faire, c’est de présenter un budget plein de belles paroles, mais dépourvu de substance.
Le gouvernement actuel a un écart sans précédent à combler entre ses beaux discours et la réalité. C’est un gouvernement qui a dit qu’il était en faveur de l’égalité entre les sexes, mais qui a évincé du Cabinet et de son caucus la première femme autochtone à devenir , et qui a aussi évincé de son caucus Jane Philpott, une personne dont l’expertise médicale aurait été grandement utile à titre de ministre de la Santé au cours de la pandémie que nous avons connue dans la dernière année. C’est un gouvernement qui s’est dit féministe, mais qui n’a pas tenu compte des allégations précises de harcèlement sexuel contre le chef des forces armées.
C’est un gouvernement qui avait promis une réforme électorale. C’est un gouvernement dirigé par un qui a proclamé avec arrogance au monde en 2015 que le Canada était de retour et qui a fait de l’obtention d’un siège pour le Canada au Conseil de sécurité de l’ONU un élément central de sa politique étrangère. Toutefois, le Canada n’a pu reprendre son siège au Conseil de sécurité, ayant même obtenu six voix de moins qu’il y a 10 ans. C’est un gouvernement qui est arrivé au pouvoir en promettant d’en faire plus pour les pauvres du monde, mais qui a dépensé 10 % de moins en aide publique au développement que le gouvernement précédent. C’est un gouvernement qui est arrivé au pouvoir en promettant de faire mieux pour lutter contre les changements climatiques, mais les émissions ont augmenté chaque année depuis qu’il est au pouvoir.
En 2016, soit la première année complète pendant laquelle le gouvernement actuel a été au pouvoir, les émissions se chiffraient à 708 mégatonnes. Pas plus tard que le mois dernier, le gouvernement a annoncé des émissions de 730 mégatonnes pour la dernière année recensée, soit 2019. Il s’agit d’une augmentation de 22 mégatonnes par rapport à sa première année complète au pouvoir, et il en va de même pour ce budget.
Le gouvernement dit qu’il se concentre sur la classe moyenne. Il dit mettre l’accent sur l’emploi, la croissance et la prudence financière, mais il présente un budget qui est axé sur tout sauf cela. Pour toutes ces raisons, je ne peux pas appuyer ce budget.
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Madame la Présidente, nous n'avons pas les mêmes échos sur le terrain. On sent beaucoup de gronde en réaction à la création de deux classes d'aînés et à l'exclusion des aînés âgés de 65 à 74 ans. De notre point de vue, cela ne passe pas sur le terrain.
D'emblée, je tiens à informer la Chambre que le Bloc québécois soutiendra ce projet de loi à cette étape-ci, où il est question de son principe. Nous allons y apporter des modifications lors de son étude en comité et réévaluer notre position lors des votes subséquents.
Ce projet de loi de mise en œuvre est un mammouth. Il comporte 346 pages, quatre parties, 37 sections et quatre annexes. Le résumé à lui seul fait 10 pages. Il va sans dire qu'il contient des tonnes de mesures, comme le mammouth laineux, dont le poids pouvait atteindre les six tonnes. Nous soutenons évidemment la plupart de ces mesures, comme celles visant à prolonger les programmes de soutien comme les subventions au salaire et au loyer.
Étant donné l'ampleur du mammouth et du temps qui m'est accordé pour en discuter, je vais me contenter d'un bref survol en m'arrêtant sur certains de ses éléments.
La partie 1 regroupe une série de modifications assez techniques à la Loi de l’impôt sur le revenu. Elle restreint la déduction pour option d'achat d'actions pour les grandes entreprises. Elle augmente la déduction personnelle de base à 15 000 $. Elle empêche les primes à la haute direction pour les entreprises qui reçoivent la subvention salariale et elle introduit des mesures anti-évitement. Ce sont plusieurs mesures que nous appuyons. La partie 2 impose la TPS aux achats sur Internet et à Airbnb, évidemment une bonne chose.
Le projet de loi prolonge la subvention salariale jusqu'au 27 septembre prochain, réduisant graduellement les taux de 75 à 20 %, et permet aussi à la ministre de prolonger le programme par règlement pour deux mois de plus, soit jusqu'au 30 novembre prochain. Pendant ces deux mois, la ministre pourrait aussi décider par règlement des critères d'admissibilité à la subvention salariale et de son calcul.
Cette disposition ressemble à une police d'assurance au cas où la Chambre serait dissoute pour des élections, l'empêchant d'adopter une loi qui prolongerait la subvention salariale au-delà du 27 septembre prochain si cela s'avérait nécessaire. Quand on sait lire entre les lignes, ce choix du 30 novembre nous donne une idée de la date à laquelle l'actuel gouvernement s'attend à ce que la Chambre ait repris ses travaux.
Le projet de loi crée un nouveau programme de subvention à l'embauche pour les entreprises en redémarrage. La subvention à l'embauche sera en vigueur à partir du 6 juin jusqu'au 20 novembre prochain. Elle sera offerte aux entreprises qui redémarrent leurs activités et embauchent ou réembauchent leurs employés. Elle pourrait couvrir la moitié des nouveaux salaires. Les entreprises auront alors le choix entre la subvention à l'embauche et la subvention salariale habituelle, selon ce qui est le plus avantageux pour elles. C'est donc des mesures que nous soutenons.
Comme je le disais dans ma question à la ministre, la section 5 de la partie 4 nous pose un grave problème. Cette section vise la centralisation des valeurs mobilières et vient bafouer la compétence du Québec en cette matière. Avec cette section, Ottawa veut dépouiller le Québec de son secteur financier.
Le projet de loi C-30 reconduit et augmente considérablement le budget du Bureau de transition canadien en valeurs mobilières pour en accélérer les travaux. Il autorise le gouvernement à y verser jusqu'à 119,5 millions de dollars, et même plus si le Parlement votait une loi de crédit en ce sens. Mis sur pied en juillet 2009, ce bureau vise à établir à Toronto une autorité unique pancanadienne en matière de valeurs mobilières.
Il y a eu plusieurs revers devant la Cour suprême, qui jugeait que les valeurs mobilières ne relevaient pas du fédéral. Cependant, Ottawa a finalement obtenu le feu vert en 2018 — je m'en souviens très bien — pour s'ingérer dans le domaine, pourvu qu'il n'agisse pas unilatéralement et qu'il accepte de coopérer avec les provinces. Évidemment, c'est ce qui est écrit, c'est donc de la théorie. Cependant, comme le disait Yogi Berra: « En théorie, il n'y a pas de différence entre la théorie et la pratique. Mais en pratique, il y en a une. »
Le projet fédéral d'établir à Toronto un organisme pancanadien de réglementation des valeurs mobilières se traduirait inévitablement par un glissement des activités de réglementation à l'extérieur du Québec. Ce projet est néfaste et ne doit pas voir le jour. Ce n'est pas juste un conflit de compétence ou une chicane entre Québec et Ottawa ou entre le fédéral et les provinces. C'est un combat entre Bay Street et le Québec.
Je tiens à le rappeler à la Chambre: tout le monde est contre au Québec, c'est-à-dire tous les partis politiques de l'Assemblée nationale du Québec, les milieux d'affaires, le secteur financier et les fonds des travailleurs. On a rarement vu les milieux d'affaires du Québec se mobiliser d'une seule voix pour s'opposer à une initiative gouvernementale.
En plus du gouvernement du Québec et de l'Assemblée nationale, à l'unanimité, les milieux économiques s'y opposent farouchement: la Fédération des chambres de commerce du Québec, la Chambre de commerce du Montréal métropolitain, Finance Montréal, la corporation du Centre financier international, le Mouvement Desjardins, le Fonds de solidarité FTQ, ainsi que la plupart des entreprises québécoises comme Air Transat, Transcontinental, Canam, Québecor, Métro, La Capitale, Cogeco, Molson, et j'en passe.
Une Autorité des marchés financiers québécoise forte, c'est un bassin de compétences dans l'encadrement juridique de la finance, condition essentielle au développement du secteur.
Lorsque la Bourse de Toronto a acheté la Bourse de Montréal, la Commission des valeurs mobilières, l'ancêtre de l'Autorité des marchés financiers, a exigé, avant d'autoriser la vente, que Montréal conserve une place boursière. On sait qu'elle a été spécialisée dans les marchés dérivés, notamment la Bourse du carbone.
Au Québec, le secteur financier représente 150 000 emplois avec une contribution de plus de 20 milliards de dollars, soit l'équivalent de 6,3 % du PIB. Montréal occupe la 13e place financière mondiale, avec presque 100 000 emplois.
Ce qui est présenté dans la section 5 est une attaque contre le maintien de nos sièges sociaux et la préservation de nos entreprises. On parle du modèle québécois. Le Groupe de travail sur la protection des entreprises québécoises évalue que les 578 sièges sociaux qui se trouvent au Québec représentent 50 000 emplois avec un salaire deux fois plus élevé que la moyenne québécoise en plus de 20 000 autres emplois chez des fournisseurs de services spécialisés, comme les services comptables, juridiques, financiers ou informatiques.
De plus, les entreprises québécoises tendent à favoriser les fournisseurs québécois, alors que les entreprises étrangères présentes au Québec s'appuient davantage sur des chaînes d'approvisionnement mondialisées avec tout l'impact qu'on devine sur notre réseau de PME, en particulier en région. On l'a vu avec la pandémie: les chaînes d'approvisionnement mondialisées sont fragiles et nous rendent entièrement dépendants de l'étranger.
Finalement, les entreprises tendent à concentrer leurs activités stratégiques, en particulier leurs activités de recherche-développement, là où se trouve le siège social. Il y a aussi une économie de filiale et une économie moins innovante. Tout cela nous menace au Québec.
Une place financière forte est indispensable au fonctionnement de nos sièges sociaux et à la préservation de nos entreprises. La préservation au Québec de la réglementation du secteur assure une proximité des décideurs qui permet l'accès au marché des capitaux pour les entreprises, condition essentielle pour soutenir l'investissement et la croissance des entreprises partout au Québec.
Le Bloc québécois veut tuer dans l'œuf la section 5 du projet de loi , en supprimant l'article concerné. Cela reviendrait à couper les vivres du projet de centralisation du secteur financier à Toronto. Nous sommes désolés, mais Bay Street va nous trouver sur son chemin.
Je vais passer à la section 8 de la partie 4.
La section 8 édicte une nouvelle loi, c'est-à-dire la loi sur les activités associées aux paiements de détail. La loi viendrait encadrer l'ensemble des transactions électroniques. Elle ne concerne pas uniquement les institutions sous autorité fédérale, mais l'ensemble des entreprises dans leurs activités de paiement en ligne. Même les gouvernements des provinces sont visés par ce projet de loi.
Pour l'instant, nous avons de grandes interrogations sur la section 8. Selon nous, les activités visées sont de nature essentiellement privées et relèvent du droit civil. Que vient faire Ottawa là-dedans? Il y a aussi la possibilité que la loi fédérale ne s'applique pas à l'égard d'une entreprise non fédérale sur le territoire d'une province qui aurait adopté une loi comparable.
Pour le Bloc québécois et moi-même, tout cela est flou. S'agit-il encore d'un empiètement d'Ottawa dans le champ de la protection des consommateurs dans le domaine financier? Nous avons des questions. Nous allons fouiller le sujet et faire la lumière sur la question. On peut compter sur nous.
On se souvient d'un projet de loi « mammouth » de l'ancien ministre Morneau, qui venait soustraire le secteur financier de Bay Street au Code civil du Québec. Nous avions réussi à faire reculer le gouvernement et nous sommes prêts à faire pareil, si nécessaire.
Je vais passer maintenant à la section 22.
Ici, le projet de loi C-30 modifie le Code canadien du travail afin de tenter de régler la problématique du contract flipping. Je n'ai pas de terme en français équivalent.
Ce contract flipping est malheureusement toujours présent dans les aéroports. La technique consiste à remplacer une entreprise par une autre moins chère par appel d'offres. Que fait la nouvelle entreprise? Elle réembauche les mêmes travailleuses et travailleurs pour faire le même travail, mais en cassant leurs conditions de travail et leurs salaires. Cela est inacceptable. C'est d'un autre siècle. Il est temps que cela change.
Nous saluons cette partie-là. Toutefois, il semble que le projet de loi ne parle que de rémunération, et non de l'ensemble des avantages sociaux et des autres avantages inscrits dans la convention collective qui, elle, ne semble pas être transférée. Nous allons donc continuer à étudier cette section et possiblement la bonifier.
Je passe à la section 23, qui fait passer le salaire minimum à 15 $ l'heure. Nous saluons évidemment l'initiative. Le Bloc québécois a toujours été favorable à l'amélioration de la qualité de vie et des conditions de travail des Québécois et des Canadiens, sauf qu'il faut être conscient qu'une minorité de travailleurs vont y avoir accès. On parle d'à peu près 26 000 Canadiens, parce que le Code canadien du travail ne s'applique qu'aux secteurs qui relèvent du fédéral. Ce n'est pas la mer à boire, ici.
La section 25 prévoit un versement à Québec pour l'harmonisation du Régime québécois d'assurance parentale. Pour une fois, le Québec n’aura possiblement pas à se battre pour obtenir sa part de fonds d'un programme duquel il s'est retiré. Nous souhaitons qu'Ottawa se souvienne de cette façon de faire et la mette davantage en pratique. Cela fait du bien, parfois, au lieu de toujours zigonner avec l'argent pour le logement social, pour les routes et pour bien d'autres choses, qui prend des années à être transféré. Nous saluons la façon de faire ici.
Je passe maintenant à la section 32, qui touche la pension de la Sécurité de la vieillesse. Avant de parler de la Sécurité de la vieillesse, qu'a-t-on dans la section 32? On a un chèque de 500 $ pour les 75 ans et plus, cet été, juste avant les élections. Comme on le sait, à l'époque de Duplessis, c'était un frigo pour rappeler de voter du bon bord. Bravo, les libéraux! Pour sa part, Duplessis ajoutait que le ciel était bleu et que l'enfer était rouge. Malheureusement, les libéraux ne peuvent pas plagier cette phrase du « cheuf ».
Comme je le disais tantôt, la section 32 vient bonifier la Sécurité de la vieillesse de 10 % pour les 75 ans et plus, non pas cet été, mais à l'été 2022. C'est 63 $ de plus par mois. Je tiens à rappeler que le Bloc québécois demande plutôt une augmentation de 110 $ par mois pour tous les aînés âgés de 65 ans et plus, dès maintenant. Cela permettrait de replacer le Canada dans la moyenne de l'OCDE. Le Canada demeurerait quand même toujours loin derrière l'Europe.
À ce sujet, je me réfère à l'analyste économique Gérald Fillion. Dans un texte très intéressant qu'il a récemment écrit en réaction au budget, il a dit:
Deux questions se posent: d’abord, pourquoi ne pas commencer à bonifier la Sécurité de la vieillesse de 10 % dès cette année? Et ensuite, pourquoi ces mesures ne touchent que les 75 ans et plus? Pourquoi pas dès l’âge de 65 ans?
Ce sont des questions très légitimes que nous reprenons pour les poser au gouvernement. Le réseau FADOQ et les groupes pour aînés du Québec ont eux aussi dénoncé cette façon de faire. Gérald Fillion nous donne quelques éléments. Il rappelle que, au Canada, les gens subissent une très grande diminution de leurs revenus quand ils prennent leur retraite. En termes techniques, on parle de taux de remplacement net des pensions, lequel était de 50,7 % des revenus de préretraite au Canada en 2018. C'est donc presque la moitié moins quand on arrive à la retraite.
Au sein de l'OCDE, ce taux est plus élevé de 7 points de pourcentage et, dans l'Union européenne, il est de 63 %. C'est donc 50 %, 57 % et 63 %. Ces données proviennent d'une étude portant sur 49 pays et dans laquelle le Canada se retrouve au 32e rang, loin derrière des pays comme l'Italie, l'Inde, la France ou le Danemark et à peine mieux classé que les États-Unis, où les inégalités explosent. Ce n'est pas fort. Il s'agit de statistiques très préoccupantes et il y a donc matière à agir. Non seulement les aînés ont été les premières victimes de la pandémie, mais, en plus, il existait déjà une inégalité avant la pandémie.
Gérald Fillion conclut son article en disant ceci:
Il aurait été approprié, compte tenu du piètre résultat du Canada dans le classement de l’OCDE, que la majoration de 10 % s’amorce dès cette année, qu’elle s’applique dès l’âge de 65 ans et que cet enjeu soit libre de tout intérêt électoraliste.
Bonifier la Sécurité de la vieillesse non pas à partir de cet été, mais à partir de l'été suivant, c'est ce dont il est question. Je rappelle encore notre position: nous proposons 110 $ par mois dès 65 ans pour rejoindre la moyenne de l'OCDE. Cela n'est pas faire une révolution à la Che Guevara.
Je passe maintenant à la section 34, qui porte sur les services de garde. Ici, le gouvernement se donne le droit d'accorder une compensation à une province qui souhaite se retirer du programme fédéral pour l'apprentissage et la garde des jeunes enfants. C'est évidemment le cas du Québec.
Or, ce que veut le Bloc québécois, ce sont des garanties. Cette autorisation de dépenses semble valide uniquement pour la présente année financière, pour un transfert maximum de 3 milliards de dollars par province.
Dans le budget, et non dans le projet de loi, il est question des différents objectifs du programme, de même que de la possibilité d'un accord bilatéral asymétrique avec le Québec.
Comme chacun le sait, le projet de loi ne concerne que cette année. Est-ce en attendant la signature des ententes asymétriques? Le gouvernement peut-il enfin nous donner la garantie que le Québec va recevoir, chaque année, sa pleine compensation pour ce qu'il fait déjà depuis 1997, et ce, sans aucune condition? C'est ce que nous voulons et ce que nous demandons.
Je tiens à rappeler à la Chambre que le nouveau programme pancanadien de garderies constitue, une fois de plus, une ingérence fédérale. En effet, les politiques familiales et tous les programmes qui en découlent relèvent d'un champ de compétences exclusif au Québec et aux provinces. Évidemment, il s'agit d'une bonne politique; c'est payant et c'est féministe. Or il n'en demeure pas moins qu'il s'agit d'une ingérence.
Je passe maintenant aux sections 35 et 36, qui accordent 12 semaines supplémentaires de la Prestation canadienne de la relance économique. Cela nous mène au 25 septembre prochain. Le total des semaines est maintenant porté à 50, et c'est une bonne chose. Au cours des quatre premières semaines supplémentaires, le bénéficiaire va recevoir 500 $ par semaine. Pour ce qui est des huit autres semaines subséquentes, le maximum va être revu à 300 $ à partir du 18 juillet. La section prolonge aussi les quatre semaines de Prestation canadienne de la relance économique pour proches aidants, pour un maximum de 42 semaines, avec 500 $ par semaine dans le cas où les options de prestations de soins ne seraient pas suffisamment disponibles. Le nombre maximal de semaines à l'égard desquelles la prestation peut être versée aux personnes qui résident à la même adresse est de 42.
Le projet de loi contient donc plusieurs mesures: d'autres prolongations pour les prestations en lien avec l'assurance-emploi, qui peuvent être adoptées par règlement et prolongées jusqu'au 20 novembre au plus tard, s'il y a lieu; l'admissibilité à l'assurance-emploi demeure à 420 heures; la prolongation de la durée maximale des prestations de maladie de l'assurance-emploi passe de 15 à 26 semaines à compter de l'été — pas celui-ci, mais celui qui suivra les élections. Cette mesure continue à pénaliser les personnes qui doivent, par exemple, combattre un cancer et qui ont besoin de plus de semaines de prestations. Cela ne tient pas compte de l'ordre qu'a donné la Chambre au gouvernement de les faire passer à 50 semaines. Vingt-six semaines, c'est mieux que quinze, mais ce n'est pas ce qui avait été édicté.
Je tiens à rappeler que le Bloc québécois a voté contre le budget. Même si nous croyons que le budget contient plusieurs mesures intéressantes, il est passé à côté de l'essentiel, soit financer adéquatement la santé et soutenir adéquatement les aînés.
Le Bloc québécois dénonce aussi la mise en place, au moyen du budget, d'une infrastructure qui permet au gouvernement de s'ingérer dans les champs de compétences des provinces. Le budget prévoit un cadre relatif aux soins en santé mentale, un cadre relatif à la santé des femmes et un cadre relatif à la santé reproductive. Ce sont tous des champs de compétences exclusifs au Québec et aux provinces.
On voit aussi un cadre pour l'extraction des minéraux nécessaires au virage vert. De plus, comme je le mentionnais, on revient aux valeurs mobilières pancanadiennes. On voit aussi un bureau fédéral pour la reconnaissance des diplômes étrangers, et cela n'est pas du ressort d'Ottawa. On voit une agence pancanadienne responsable de la gestion de l'eau et un cadre fédéral pour la formation de la main-d'œuvre. Lorsque Québec ou les provinces font quelque chose de bien, Ottawa veut mettre le grappin dessus, alors qu'il n'est pas capable de fournir sa partie dans ses champs de compétences.
Tout cela est très inquiétant. Toutes ces mesures, tous ces cadres et toutes ces politiques ne représentent pas d'importantes sommes dans le budget, sauf que cela témoigne de l'intention de mettre en place des infrastructures en vue de continuer à avancer. Nous allons avoir le gouvernement à l'œil, c'est garanti. La vision du gouvernement, c'est de vouloir contrôler les domaines spécifiques qui, selon la Constitution, sont l'apanage des provinces. Il utilise son pouvoir de dépenser, et cela lui permet de mettre son nez partout, sauf qu'on est ainsi de moins en moins dans une fédération où il y a une autonomie sur le plan des provinces et de plus en plus dans un pays centralisé où tout se jouerait à Ottawa. L'autonomie, chère au Québec, on s'en balance. On a affamé les provinces. Étant donné l'augmentation des dépenses en santé et la non-coopération d'Ottawa, le Québec et les provinces n'ont plus de marge de manœuvre. Si elles veulent un peu d'oxygène, elles doivent se tourner vers Ottawa, qui va leur dire comment faire les choses. Cela est très inquiétant.
Madame la Présidente, je vois que vous m'indiquez que mon temps de parole est écoulé. Je vais donc...
:
Madame la Présidente, je tiens à mentionner que je parle aujourd'hui à partir du territoire traditionnel non cédé de la Première Nation des Qayqayt et des peuples salish de la côte.
[Traduction]
Je tiens à commémorer quelque chose aujourd'hui, malheureusement. Comme les députés le savent, tous les jours, je porte, au Parlement, le carré symbole du mouvement Moose Hide pour commémorer la vie qu'on a volée à nos sœurs, les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, ainsi qu'aux personnes bispirituelles. Aujourd'hui, c'est la Journée de la robe rouge, l'occasion de commémorer leur vie et de nous engager une nouvelle fois à lutter pour la responsabilisation, la dignité et la justice, en promettant qu'un jour, il n'y aura plus de sœurs à qui on aura volé la vie.
Je ne dispose que de quelques minutes pour lancer le débat aujourd'hui, mais j'aimerais commencer par parler de l'histoire de deux pays, pendant cette pandémie.
Nous avons bien vu, pendant cette pandémie qu'il y a deux pays: le premier, c'est celui de Canadiens ultra riches, des milliardaires, dont la richesse a augmenté de 78 milliards de dollars pendant cette période. C'est ahurissant. C'est celui de banques qui ont reçu 750 milliards de dollars de liquidités pour pouvoir continuer à faire des profits. C'est sans précédent. On aura les tout derniers chiffres dans les prochaines semaines, mais ces profits seraient supérieurs à 40 milliards de dollars.
Cela ne ressemble à aucune des autres crises que nous avons traversées, où nous avions l’impression d’être tous dans le même bateau et que les ultra-riches devaient payer leur juste part. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, un impôt sur les bénéfices excédentaires nous a notamment donné les moyens de lutter contre le nazisme et le fascisme et de rebâtir, de façon plus vigoureuse, notre économie en faisant des investissements records dans les soins de santé, l’éducation, le logement et le transport pendant l’après-guerre. Malheureusement, ce n’est pas le cas de cette pandémie avec le gouvernement actuel, qui a permis aux ultra-riches d’en profiter, de réaliser des profits sans précédent et qui refuse même de leur demander de payer leur juste part d’impôt.
Il y a un autre pays dans cette fable de deux pays, et c’est celui des Canadiens ordinaires qui ont lutté contre cette pandémie. Des Canadiens ont perdu leur emploi. Des Canadiens qui avaient investi dans des entreprises familiales pendant des années ont dû décider à contrecœur de mettre la clé dans la porte pour la dernière fois. Des étudiants ont eu du mal à rembourser leur prêt d’études au cours de cette pandémie, comme si le remboursement d’un prêt d’études canadien devrait être la priorité des Canadiens, plutôt que de nourrir ou loger leur famille. Des personnes handicapées ont été aux prises avec toutes sortes de difficultés et, pendant toute cette pandémie, environ le tiers des personnes handicapées ont reçu une maigre allocation de 600 $.
Comparons tout cela au pays des milliardaires et des banques, qui ont reçu 750 milliards de dollars de soutien des liquidités, 78 milliards de dollars de plus dans leurs coffres et 42 milliards de dollars de bénéfices. Tout au long de cette pandémie, nous avons vu les inégalités s’aggraver. La différence est de plus en plus palpable entre les ultra-riches et tous les privilèges que leur accorde le gouvernement, et les difficultés que vivent les familles canadiennes moyennes.
Je tiens à saluer nos travailleurs de première ligne, les travailleurs de la santé et les intervenants des services d’urgence, qui ont tous été aux prises avec toutes les difficultés financières liées à cette pandémie, souvent sans aucun soutien, et qui montrent en même temps, avec beaucoup de courage, leur capacité de continuer à se battre et à contribuer, à lutter pour la vie des gens et à soutenir les Canadiens dans le système de santé, comme premiers intervenants ou travailleurs de première ligne. C’est le contraste…