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CIIT Rapport du Comité

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Taxe sur les logements sous-utilisés : répercussions potentielles et mesures proposées

Introduction

Dans le cadre de la Loi sur la taxe sur les logements sous-utilisés, en vigueur depuis le 1er janvier 2022, la taxe fédérale sur les logements sous-utilisés (TLSU) est appliquée sur la valeur de certains immeubles résidentiels au Canada. Calculée au taux de 1 %, elle s’applique à la plus élevée des valeurs suivantes : la valeur attribuée à la propriété aux fins de l’impôt sur la propriété foncière; ou le prix de vente le plus récent de l’immeuble résidentiel. La TLSU est payable le 1er avril de chaque année civile, et tout retard dans le versement de celle-ci entraîne des pénalités et des intérêts.

Les propriétaires canadiens d’immeubles résidentiels doivent remplir une déclaration de la TLSU s’ils sont associés dans une société de personnes ou fiduciaires dans certains types de fiducies. Par ailleurs, une personne morale canadienne propriétaire d’un immeuble résidentiel doit produire une déclaration de la taxe si elle n’a pas d’actions cotées à une bourse de valeurs au Canada.

Les propriétaires d’immeubles résidentiels sont exemptés de verser la TLSU pour une année civile donnée s’ils satisfont, de même que leurs immeubles ou leurs occupants, aux critères d’exemption prévus aux paragraphes 6(7) à 6(9) de la Loi sur la taxe sur les logements sous-utilisés. Les exemptions concernent les particuliers et personnes morales canadiens, ainsi que les particuliers, personnes morales, sociétés de personnes et autres entités représentant des groupements non canadiens, qui sont tenus de produire une déclaration de la TLSU[1].

En ce qui concerne les exemptions propres aux particuliers, la TLSU est non payable lorsque l’immeuble résidentiel sert de lieu de résidence principale du propriétaire, de son époux ou conjoint de fait, ou de l’enfant du propriétaire ou de son époux ou conjoint de fait si celui-ci occupe l’immeuble résidentiel aux fins d’études autorisées à un établissement d’enseignement désigné au sens de l’article 211.1 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés.

De plus, aucune TLSU n’est payable relativement à un immeuble résidentiel habité par un « occupant admissible » pendant au moins un mois à la fois et totalisant au moins 180 jours au cours d’une année civile. Si l’occupant n’a aucun lien de dépendance avec le propriétaire de l’immeuble, ou avec l’époux ou conjoint de fait du propriétaire, il est « admissible » s’il est partie à un contrat d’occupation par écrit; si les parties ont un lien de dépendance, l’occupant doit payer un loyer raisonnable pour être « admissible »[2]. Par ailleurs, le propriétaire, l’époux du propriétaire ou son conjoint de fait titulaire d’un permis de travail constitue un occupant admissible. Enfin, l’époux ou conjoint de fait, le parent et l’enfant du propriétaire sont également admissibles s’ils sont citoyens canadiens ou résidents permanents.

En outre, la TLSU ne s’applique pas à l’immeuble résidentiel qui ne convient pas à une occupation à l’année à titre résidentiel, ou qui est inhabitable pour une période d’au moins soixante jours consécutifs en raison d’un sinistre ou d’une condition dangereuse qui échappent au contrôle du propriétaire de l’immeuble[3].

Le Règlement sur la taxe sur les logements sous-utilisés prévoit une exemption pour les propriétés de vacances situées dans une région rurale, à l’égard de laquelle la TLSU ne s’applique pas si l’immeuble est occupé par le propriétaire ou par son époux ou conjoint de fait pendant au moins 28 jours durant l’année civile. Le gouvernement du Canada dispose d’un outil en ligne conçu pour aider les propriétaires à déterminer si leur propriété résidentielle est située dans une région rurale admissible aux fins de l’exemption pour les propriétés de vacances.

Le 27 mars 2023, le gouvernement du Canada a annoncé qu’il renoncera aux pénalités et aux intérêts applicables à l’année civile 2022 en ce qui concerne toute déclaration de la TLSU produite en retard et toute TLSU payable versée en retard, à condition que la déclaration soit produite et que la TLSU soit payée au plus tard le 31 octobre 2023. Reportant à nouveau le délai fixé pour la production de la déclaration, le gouvernement a indiqué, le 31 octobre 2023, qu’il n’y aura pas de pénalités et d’intérêts, tant que la déclaration est produite et que le paiement est effectué au plus tard le 30 avril 2024.

Le 29 mai 2023, le Comité permanent du commerce international de la Chambre des communes (le Comité) a adopté une motion pour entreprendre une étude sur la TLSU et ses répercussions sur les collectivités frontalières du Canada. Au cours de trois réunions tenues entre les 5 et 19 juin 2023, les membres du Comité ont entendu les témoignages de fonctionnaires du gouvernement du Canada, d’un membre du Congrès américain, du maire d’une collectivité frontalière canadienne, de propriétaires américains d’immeubles résidentiels au Canada, d’un universitaire canadien et d’un avocat canadien. Le Comité a également reçu six mémoires ainsi que plus de 150 courriels et lettres. Certains témoignages portaient principalement sur les répercussions de la TLSU pour les propriétaires étrangers non résidents d’immeubles résidentiels situés au Canada.

Le présent rapport résume les propos des témoins et le contenu des mémoires présentés au Comité concernant la TLSU. En particulier, la première partie porte sur les observations relatives aux répercussions potentielles de la TLSU, tandis que la deuxième partie présente les mesures fédérales proposées concernant la TLSU. Enfin, la dernière partie expose les réflexions et les recommandations du Comité.

Répercussions potentielles de la taxe sur les logements sous utilisés

Les témoins ont présenté des observations aux membres du Comité concernant les répercussions potentielles de la TLSU sur la disponibilité et l’abordabilité des logements. De plus, ils ont abordé les questions suivantes concernant la TLSU : son application pour l’ensemble des propriétaires d’immeubles résidentiels; ses répercussions sur les collectivités frontalières canado-américaines; ses conséquences sur les relations commerciales et d’autres relations entre le Canada et les États-Unis; et la déclaration de la TLSU.

A.  Disponibilité et abordabilité des logements

Les fonctionnaires du ministère des Finances ont souligné que la TLSU a pour objectif de veiller à ce que les logements au Canada soient « disponibles pour les citoyens canadiens », que les propriétaires étrangers non résidents d’immeubles résidentiels sous-utilisés au Canada « paient leur juste part de taxes canadiennes », et que les recettes engrangées soient utilisées pour « investir » afin que les logements soient plus abordables.

Selon les fonctionnaires du ministère des Finances, les recettes provenant de la TLSU s’élèveront à environ 875 millions de dollars entre 2022–2023 et 2027‑2028, et à 140 millions de dollars annuellement par la suite. Ils ont indiqué que la ministre des Finances avait reçu une analyse « coûts-avantages » de la TLSU. De plus, ils ont fait remarquer que « les conseils fournis à la ministre sont confidentiels ». Les fonctionnaires de l'Agence du revenu du Canada ont déclaré que le coût projeté de l'administration de la TLSU avait été communiqué au Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.

Le membre du Congrès des États-Unis, M. Brian Higgins – qui a comparu à titre personnel – a affirmé que la TLSU est conçue pour s’attaquer à des problèmes liés aux immeubles résidentiels situés dans certaines régions, comme Toronto (Ontario) et Vancouver (Colombie-Britannique), qui appartiennent à des étrangers et qui sont sous-utilisés, et a soutenu que les propriétés de vacances ne sont pas « sous-utilisées », mais plutôt que ces « habitations ont été construites uniquement pour une utilisation saisonnière ».

L’avocat canadien Richard Halinda, qui a comparu à titre personnel, appuie l’objectif de la TLSU de « réagir à la crise […] du marché du logement » dans les « gros centres urbains » du Canada en taxant les propriétaires étrangers d’immeubles résidentiels « vides et sous-utilisés ». Toutefois, selon lui, il « est absurde » que le gouvernement du Canada applique cette taxe à des étrangers propriétaires de résidences de vacances au Canada utilisées « pendant nombre d’années » à cette fin. Dans son mémoire, M. Higgins a attiré l’attention des membres du Comité sur un sondage réalisé auprès de 407 propriétaires américains d’immeubles résidentiels au Canada, où l’on apprend (en date du sondage) que près de 30 % des répondants possèdent une propriété au Canada depuis plus de 50 ans, et que près de 40 % en possèdent une depuis 20 à 49 ans.

Robert Ketteman – propriétaire américain d’une résidence de vacances à Fort Erie (Ontario) – soutient les « efforts du gouvernement canadien pour régler le problème des investisseurs étrangers qui exploitent le marché immobilier canadien exclusivement à des fins de gain financier ». Cela dit, la TLSU inclut de façon « négligente et injuste », à son avis, les propriétaires américains qui utilisent activement leur résidence de vacances au Canada.

Selon Laurie Wright, copropriétaire américaine d’une résidence de vacances à Point Abino (Ontario), la « pénurie de logements » au Canada est un « gros problème ». Néanmoins, elle estime que puisqu’elle occupe sa résidence de vacances pendant près de 160 jours chaque année, elle et son copropriétaire ne contribuent pas au problème.

Le maire de Fort Erie, M. Wayne Redekop, qui a comparu à titre personnel, abonde dans le même sens en affirmant que les résidences saisonnières à Fort Erie qui appartiennent à des Américains « n’ont pas vraiment d’incidence sur la disponibilité des logements ou leur abordabilité » dans la collectivité. Pour sa part, Robert Ketteman soutient que la forte augmentation de la valeur des propriétés dans le secteur de Crystal Beach à Fort Erie « au cours des dernières années » est attribuable aux « propriétaires absents d’Airbnb » qui viennent de la région du Grand Toronto, plutôt qu’aux propriétaires américains de résidences de vacances au Canada.

M. Redekop, tout en étant conscient que la TLSU avait pour but d’empêcher les « investisseurs étrangers » d’acquérir des résidences canadiennes puis de les « retirer du marché », a souligné que cette taxe pourrait avoir des conséquences imprévues en incitant des propriétaires américains de Fort Erie à vendre leurs immeubles résidentiels qu’ils utilisent de manière saisonnière à des investisseurs canadiens qui veulent en faire des résidences de location à court terme.

Toutefois, le professeur Thomas Davidoff de l’Université de la Colombie-Britannique – qui a comparu à titre personnel – apporte un point de vue différent en suggérant que la TLSU pourrait faire en sorte que les résidences de vacances au Canada appartenant à des étrangers deviennent des résidences occupées par des résidents permanents. À son avis, les propriétés de vacances sont les bienvenues dans certaines communautés qui dépendent des vacanciers, mais d’autres communautés veulent « idéalement [qu’elles] soient occupées par des personnes qui contribuent à l’assiette fiscale ».

B.  Application pour l’ensemble des propriétaires d’immeubles résidentiels

Selon les fonctionnaires du ministère des Finances, le gouvernement du Canada prévoit d’appliquer la TLSU « de manière cohérente à l’ensemble du Canada », même si l’exemption liée aux propriétés de vacances constitue une exception à cette application. Ils ont expliqué que l’admissibilité à cette exemption dépend de deux critères : la localisation et l’utilisation. En ce qui concerne la localisation, ils ont affirmé que l’immeuble doit être situé dans une région à l’extérieur d’une région métropolitaine de recensement ou d’une agglomération de recensement comptant 30 000 habitants ou plus; ou dans une partie rurale à l’intérieur d’une telle région ou agglomération. En ce qui concerne l’utilisation, ils ont précisé que la résidence située dans une région rurale doit être utilisée par son propriétaire ou par son époux ou conjoint de fait pendant au moins 28 jours au cours de l’année civile pour bénéficier de l’exemption de TLSU.

Dans son mémoire au Comité, Richard Halinda affirme que l’exemption liée aux résidences de vacances est limitée dans sa portée, ce qui entraîne des iniquités lorsque les étrangers qui ne sont ni époux ni conjoint de fait sont copropriétaires d’un immeuble résidentiel au Canada. On donne l’exemple d’un enfant d’âge adulte et d’un de ses parents – tous deux des étrangers – qui sont copropriétaires d’un immeuble dans une région rurale que l’enfant d’âge adulte occupe pendant au moins 28 jours pendant l’année civile, et ce, sans que son parent y soit également présent durant la même période. Le mémoire indique que l’enfant d’âge adulte est admissible à l’exemption, mais que le parent est tenu de payer la TLSU même si la « propriété n’est certainement pas sous-utilisée ».

Par ailleurs, Richard Halinda soutient dans son mémoire qu’il est inéquitable pour les particuliers, mais non pour les sociétés de portefeuille privées ou les fiducies, d’être admissibles à l’exemption liée à la résidence de vacances située en région rurale. Selon le mémoire, pour des raisons de planification successorale, de nombreux citoyens américains placent le titre de leurs immeubles résidentiels au Canada dans une société de gestion de portefeuille personnelle, une société à responsabilité limitée ou une fiducie aux États-Unis. De plus, ces particuliers ne sont pas des propriétaires inscrits, mais ils occupent les immeubles en leur capacité d’actionnaires dans la société ou de titulaires bénéficiaires dans la fiducie qui détient les titres de propriété.

Soulignant que Fort Erie compte à la fois des régions urbaines et rurales, M. Redekop a affirmé que les propriétaires étrangers de résidences de vacances situées dans les zones urbaines de la ville sont traités de manière injuste parce qu’ils ne sont pas admissibles à l’exemption liée à la résidence de vacances située en région rurale. Selon Richard Halinda, « cela n’a aucun sens » que des propriétaires américains d’immeubles résidentiels situés dans les régions urbaines de la ville ne puissent pas bénéficier de cette exemption même s’ils occupent leur immeuble durant 128 jours dans l’année civile. Il a soutenu que ces propriétaires de la région de Crystal Beach à Fort Erie – une zone urbaine – doivent payer la TLSU, et ce, même si leur immeuble n’est pas sous-utilisé ou vacant.

Pour sa part, Robert Ketteman affirme que les exemptions liées à la résidence de vacances en région rurale « manquent de vision et sont inéquitables ». Il s’est interrogé à savoir pourquoi les propriétaires étrangers d’immeubles résidentiels au Canada qui « séjournent activement dans leur propriété pendant 120 jours chaque année » – comme il le fait – sont tenus de payer la TLSU alors qu’une personne dont la propriété est « beaucoup moins utilisée et qui se trouve à deux milles [plus loin], dans un code postal différent », en est exemptée.

Dans le même ordre d’idées, Laurie Wright a laissé entendre que les délimitations entre ce qui constitue une région rurale et une région urbaine servant à déterminer l’admissibilité à l’exemption liée à la résidence de vacances située en région rurale « sont insensées ». Elle s’est dite « confuse » lorsqu’elle a appris que ses voisins, qui vivent à 450 mètres de l’autre côté de la rue, délimitée comme une zone rurale, n’ont pas à payer la taxe si l’exigence en matière d’utilisation est respectée, alors que les propriétés de son côté de la rue, qui est désignée zone urbaine, sont ainsi visées par la TLSU.

Faisant allusion tout particulièrement à l’exemption liée aux résidences qui ne conviennent pas aux quatre saisons, Robert Ketteman a affirmé que les exigences d’admissibilité liées à cette exemption ne sont pas claires.

C.  Collectivités frontalières

Dans son mémoire, M. Higgins a soutenu que les « conséquences imprévues » de la TLSU « nuisent à l’économie et à la culture des collectivités frontalières [Canada-É.-U.] historiques », et que la taxe « entraînera des réactions en chaîne négatives » dans certaines collectivités frontalières.

Selon Robert Ketteman, ses coûts liés à la possession d’un immeuble résidentiel au Canada « vont presque tripler ». Il a souligné que cette hausse de coûts l’obligera éventuellement à vendre sa propriété, qui est au cœur de la vie de sa famille « depuis plus d’un siècle ». Il prévoit que de nombreux autres propriétaires américains devront « à contrecœur » vendre leur résidence et « ne plus jamais mettre les pieds au Canada ».

Au sujet des propriétaires étrangers d’immeubles résidentiels à Fort Erie qui doivent payer la TLSU s’ils sont inadmissibles à une exemption, M. Redekop informe le Comité qu’environ 900 résidences habituellement utilisées de manière saisonnière appartiennent à des citoyens américains.

Dans leur mémoire présenté au Comité, les Chambres de commerce de Niagara Sud ont fait état de préoccupations selon lesquelles la TLSU pourrait entraîner la perte de « précieux membres » qui sont un « rouage du moteur économique » de cette collectivité. Le mémoire indique que ces membres de la collectivité achètent les produits d’épicerie locaux, « fréquentent les restaurants, visitent les attractions de Niagara et soutiennent les emplois locaux, tout en payant des impôts fonciers ». On y caractérise ces personnes comme « des ambassadeurs amicaux » qui « attirent d’autres visiteurs américains dans une région qui dépend largement de ce tourisme ».

Dans le même ordre d’idées, M. Redekop a décrit les propriétaires américains d’immeubles résidentiels résidant à Fort Erie de manière saisonnière comme des « clients importants de nos entreprises locales », « des participants aux programmes, aux activités et aux événements locaux », qui « forment un élément vital de la richesse de notre communauté ». Pour sa part, Richard Halinda a souligné que ces propriétaires sont « d’importants appuis pour nos entreprises et manifestations culturelles locales » et « font partie de nos communautés locales, y compris de nos organismes sportifs, clubs et paroisses [qu’un] certain nombre d’entre eux […] ont fondés seuls ou avec d’autres ». Robert Ketteman a mentionné que sa famille injecte des « dizaines de milliers de dollars chaque année dans l’économie locale », et a ajouté qu’il a « payé un impôt important sur les gains en capital » à l’Agence du revenu du Canada, tandis que Laurie Wright précise qu’elle et sa famille soutiennent les agriculteurs, les commerçants et les entreprises locaux.

D.  Relations commerciales et autres relations Canada–États-Unis

Les fonctionnaires d’Affaires mondiales Canada ont affirmé n’avoir aucune raison de croire que la TLSU a – ou aura – une incidence sur les relations commerciales du Canada avec les États-Unis. Ils ont par ailleurs souligné que l’administration américaine avait transmis les préoccupations de M. Higgins concernant la taxe au gouvernement du Canada.

Dans son mémoire, M. Higgins, affirmant que la TLSU s’appliquait de manière inéquitable aux propriétaires canadiens et américains d’immeubles résidentiels au Canada, a laissé entendre que cette taxe contrevenait à l’Accord Canada–États-Unis–Mexique, qui prévoit que les signataires ne doivent pas faire de discrimination les unes envers les autres, y compris en ce qui concerne les questions de « fiscalité interne ». De plus, il a indiqué dans son mémoire que la TLSU contrevenait aux dispositions sur la non-discrimination de la Convention entre le Canada et les États-Unis d’Amérique en matière d’impôts sur le revenu et sur la fortune de 1984.

M. Higgins a souligné qu’il avait demandé à la représentante au Commerce des États-Unis d’entamer une consultation avec le gouvernement canadien conformément aux dispositions en matière de règlement des différends prévues dans l’Accord Canada–États-Unis–Mexique. Dans son mémoire, il a souligné que la représentante au Commerce des États-Unis, en réponse à sa demande, s’était dite « préoccupée par le manque de transparence et le manque d’orientations de l’Agence du revenu du Canada » à l’égard des propriétaires américains d’immeubles résidentiels au Canada qui pourraient être touchés par cette taxe. De plus, le mémoire souligne la volonté de la représentante au Commerce des États-Unis de collaborer avec le département d’État américain, l’ambassade des États-Unis au Canada et d’autres « partenaires » afin de « dialoguer avec le Canada à ce sujet ».

Par ailleurs, M. Higgins précise dans son mémoire qu’en mai 2022, la représentante au Commerce des États-Unis et la ministre du Commerce international, de la Promotion des exportations, de la Petite entreprise et du Développement économique du Canada[4] « ont convenu de collaborer pour régler ces problèmes [liés à la TLSU] ». Il a précisé qu’il s’attachait à résoudre ces questions de manière « diplomatique » concernant la TLSU.

Pour sa part, Richard Halinda a mentionné que le Canada ne voudrait pas que les États-Unis appliquent une telle taxe envers les propriétaires canadiens d’immeubles résidentiels qui « hivernent » aux États-Unis. Thomas Davidoff a déclaré qu’il serait « stupide » de la part des États-Unis d’« exercer des représailles » à l’égard du Canada par suite de la mise en œuvre de cette taxe. Selon lui, les « marchés des habitations chères aux États-Unis ont toujours [imposé] des taux supérieurs d’impôt foncier » aux propriétaires canadiens de résidences de vacances, ceux-ci étant grevés de « taux [d’imposition] moyens supérieurs à ceux que payaient certains Américains ».

Dans le mémoire présenté par les Chambres de commerce de Niagara Sud, on a indiqué que la TLSU était un « irritant non tarifaire involontaire avec le plus important partenaire commercial du Canada ».

E.  Déclaration de la taxe

Les fonctionnaires du ministère des Finances ont expliqué que la déclaration de la TLSU n’était « pas si complexe », ajoutant que le particulier doit fournir des renseignements sur l’immeuble résidentiel et « cocher une case » indiquant toute exemption applicable. Les fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada ont également souligné que la déclaration de la TLSU permettait aux particuliers de déterminer s’ils sont visés par la taxe ou non.

Les fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada ont mentionné que l’Agence, dans l’optique d’aider les particuliers à remplir leur déclaration de la TLSU, avait reçu plus de 30 000 appels – en date du 19 juin 2023 – au moyen de sa « ligne téléphonique spéciale » concernant la TLSU. Ils ont affirmé que les questions les plus souvent posées (à cette date) portaient sur la déclaration et les exemptions. Pour sa part, Richard Halinda a soutenu que la « ligne d’aide téléphonique » de l’Agence du revenu du Canada était « utile pour certains volets », mais que les gens devaient passer deux heures ou plus au téléphone avant de pouvoir parler à quelqu’un qui, au final, n’avait peut-être pas l’information nécessaire pour répondre aux questions. Selon lui, « beaucoup de ces appels sont restés sans réponse puisque personne n’a pu y donner suite ».

En outre, les fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada ont mis l’accent sur les webinaires et les séances d’information mis sur pied par l’Agence du revenu du Canada concernant la TLSU, et ont affirmé que l’Agence du revenu du Canada a « beaucoup utilisé les médias sociaux » pour informer le public sur celle-ci. Par ailleurs, ils ont souligné que les sites Web de l’Agence du revenu du Canada « décrivent bien les mesures » et que le « service de liaison » avait fourni – en date du 19 juin 2023 – de l’information sur la TLSU à 350 organisations, dont des associations de contribuables, des cabinets d’avocats, des municipalités et des chambres de commerce. De plus, ils ont souligné que le « service lié aux décisions et à l’interprétation » répondait à des « questions très précises et […] factuelles ».

Les fonctionnaires de l’Agence du revenu du Canada ont également mis l’accent sur l’« outil » en ligne qui permet de voir, à partir du code postal, si la résidence de vacances est exemptée quant à l’exigence liée à l’emplacement dans une zone rurale, affirmant que l’outil fonctionne pour au moins 98 % des immeubles.

Selon M. Redekop, bon nombre de propriétaires américains d’immeubles résidentiels à Fort Erie « ignorent tout — ou presque — de l’exigence de déclaration fiscale » liée à la TLSU, et ces derniers seront « fortement pénalisés ». Dans son mémoire, M. Higgins a soutenu que bon nombre des répondants au sondage réalisé auprès des propriétaires américains d’immeubles résidentiels au Canada ont été « surpris » par la mise en œuvre de la taxe. Il a ajouté que selon eux, il a été « complexe » d’obtenir des renseignements sur les deux sujets suivants : les exemptions et la façon de remplir la déclaration de la TLSU. Richard Halinda a soutenu, pour sa part, que la déclaration de la taxe était « compliquée ».

Dans son mémoire présenté au Comité, l’Association nationale des engraisseurs de bovins a soutenu qu’en raison des honoraires « importants » pour faire remplir la déclaration liée à la TLSU par un comptable et obtenir une exemption, les agriculteurs canadiens qui fournissent de l’hébergement aux travailleurs étrangers subissent une « conséquence inattendue et négative » de la mise en œuvre de la TLSU.

Dans le même ordre d’idées, dans leur mémoire au Comité soumis conjointement, sept organismes agricoles[5] ont souligné que les agriculteurs canadiens ayant constitué en société leurs activités doivent présenter une déclaration liée à la TLSU annuellement pour chacun de leurs immeubles résidentiels, et ce, même s’ils sont exemptés du paiement de cette taxe. Ils affirment que cette exigence entraîne un fardeau financier inutile pour ces agriculteurs, qui « sont tenus de payer entre 500 et 1000 $ pour faire préparer et remplir la déclaration de la TLSU ». On peut lire également qu’entre 2010 et 2015, 126 propriétés agricoles en Colombie-Britannique, situées pour la plupart dans la région de Delta, aux abords de la frontière américaine, ont été achetées par des personnes ou des entités étrangères. Le rapport indique également que la propriété étrangère de fermes dans cette province est limitée et que « le fardeau que crée l’obligation de soumettre une déclaration concernant la TLSU […] est donc disproportionné par rapport à l’objectif visé ».

Mesures fédérales proposées

Les témoins ont attiré l’attention des membres du Comité sur leurs propositions liées aux exemptions et à la déclaration de la TLSU en focalisant sur les changements que le gouvernement du Canada devrait apporter, selon eux.

A.  Exemptions

Dans son mémoire, M. Higgins a prié le gouvernement du Canada de ne pas appliquer la TLSU relativement aux immeubles résidentiels appartenant à des étrangers dans les collectivités canadiennes situées le long de la frontière canado-américaine. De plus, il a plaidé en faveur d’une exemption pour les résidences de vacances au Canada situées « près d’un lac ou d’un parc » en affirmant qu’elles sont « utilisées pendant toute » une partie de l’année.

M. Redekop a souligné que les immeubles résidentiels situés dans une région urbaine ou rurale du Canada devraient être exemptés de la TLSU s’ils sont occupés par le propriétaire ou son époux ou conjoint de fait pendant au moins trois mois annuellement. À son avis, une telle exemption « allégerait … le fardeau » des propriétaires étrangers qui utilisent leur propriété comme une résidence familiale saisonnière, tout en garantissant que les propriétaires étrangers qui achètent ces immeubles « à des fins d’investissement ou commerciales » paient la TLSU.

Richard Halinda a encouragé le gouvernement du Canada à éliminer, aux fins de la TLSU, la distinction entre les zones rurales et les zones urbaines au Canada. À cet effet, il propose que l’exemption liée aux résidences de vacances situées en région rurale se fonde sur l’usage uniquement. Dans son mémoire, il demande au gouvernement de ne pas appliquer la TLSU à un copropriétaire étranger d’une résidence de vacances au Canada qui est lié « par le sang ou par le mariage » à un copropriétaire qui occupe l’immeuble pendant au moins 28 jours par année civile.

Thomas Davidoff prie instamment qu’on mette en œuvre une « taxe minimale fondée sur la valeur de la propriété », assortie d’exemptions possibles pour le propriétaire liées aux revenus de location, à l’âge, et au nombre d’années de propriété de l’immeuble à titre de résidence principale. Il affirme que le gouvernement du Canada préviendrait ainsi les « problèmes éthiques et commerciaux découlant de taxes et d’interdictions fondées sur la nationalité ». À son avis, « il est tout à fait raisonnable [d'exiger] des propriétaires fonciers qui ne paient pas d’impôt sur le revenu [au Canada] de payer plus d’impôt foncier.

B.  Déclaration de la taxe

Richard Halinda a demandé au gouvernement du Canada de ne pas exiger aux propriétaires d’immeubles résidentiels au Canada qui sont exemptés de la TLSU de remplir une déclaration de la TLSU; dans leur mémoire, les sept organismes agricoles ont demandé au gouvernement du Canada d’« exempter les agriculteurs [canadiens] de l’obligation de remplir une déclaration de la TLSU ». Par ailleurs, dans son mémoire, l’Association nationale des engraisseurs de bovins a incité le gouvernement à « exempter automatiquement » les agriculteurs propriétaires d’immeubles qui servent à loger des travailleurs agricoles de l’obligation de remplir une déclaration de la taxe.

Dans son mémoire au Comité, BDO Canada a précisé que le gouvernement du Canada ne devrait pas exiger aux propriétaires d’immeubles résidentiels canadiens qui font partie d’un partenariat, d’une fiducie ou d’une société, qu’ils remplissent une déclaration de la TLSU. Par ailleurs, on y suggère que si le gouvernement ne met pas en œuvre cette suggestion, il conviendrait de modifier la Loi de l’impôt sur le revenu pour permettre d’obtenir les informations pertinentes au titre de la déclaration de la TLSU à partir de la déclaration de revenus. De plus, on enjoint au gouvernement, dans le mémoire, de permettre aux propriétaires de plusieurs immeubles résidentiels au Canada de remplir une seule déclaration de la taxe pour tous les immeubles.

Réflexions et recommandations du Comité

La TLSU vise à s’attaquer à la pénurie de logements et à rendre les logements plus abordables au Canada. Cette taxe pourrait avoir des répercussions liées au logement partout au Canada; toutefois, celles-ci seraient relativement plus marquées dans les collectivités canadiennes comptant de nombreux propriétaires américains d’immeubles résidentiels, comme celles longeant les frontières canado-américaines. Les liens étroits qu’entretiennent ces propriétaires américains avec leurs voisins et les gens d’affaires canadiens, pour ne nommer que ceux-ci, contribuent à des relations productives, prospères et multidimensionnelles.

La Loi sur la taxe sur les logements sous-utilisés ainsi que son règlement prévoient de nombreuses exemptions de payer la TLSU. Le Comité, conscient que les nouvelles mesures stratégiques n’ont pas toujours l’effet escompté, constate que le gouvernement du Canada devrait – en guise de bonne pratique – évaluer la conception de toute nouvelle taxe, y compris ses exemptions, pour s’assurer que les objectifs prévus sont atteints. Dans ce contexte, il convient que le gouvernement examine les éléments de conception de la TLSU, notamment quant aux exemptions et à la déclaration de la taxe, après une période jugée convenable. Les membres du Comité savent que la période des consultations formelles liées à la TLSU est terminée; toutefois – à l’instar des observations formulées lors des audiences par les fonctionnaires fédéraux –, ils encouragent les parties intéressées à faire connaître leur point de vue auprès du gouvernement.

Le Canada et les États-Unis entretiennent des relations cruciales et mutuellement avantageuses; il faut à la fois maintenir et resserrer ces liens étroits, et ce, au bénéfice des deux pays ainsi que de leurs résidents, commerces et communautés respectifs. Le Comité reconnaît les bienfaits des discussions tenues entre les représentants des gouvernements canadien et américain pour permettre d’atténuer tout éventuel impact de mesures prises par l’un ou l’autre gouvernement – y compris la mise en œuvre de la TLSU – sur les relations commerciales et autres relations bilatérales. Idéalement, ces discussions doivent être significatives, constantes et axées sur des solutions.

Le gouvernement du Canada utilise les renseignements fournis sur la déclaration de la TLSU pour déterminer la somme à payer par le particulier. Le Comité comprend que certains propriétaires d’immeubles résidentiels au Canada ont du mal à remplir leur déclaration de la taxe, une tâche qui devrait pourtant être aussi simple que possible.

À la lumière de ce qui précède, le Comité fait les recommandations suivantes :

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada se penche sur la conception de la taxe sur les logements sous‑utilisés, y compris quant aux exemptions et à la déclaration de la taxe. En examinant si des modifications aux éléments conceptuels sont nécessaires, le gouvernement devrait examiner les répercussions potentielles sur les propriétaires d’immeubles résidentiels au Canada et sur l’atteinte des objectifs stratégiques établis pour cette taxe.

Recommandation 2

Que le gouvernement du Canada, dans le cadre de ses efforts visant à maintenir et à resserrer ses liens commerciaux et d’autres relations avec les États-Unis, veille à réagir rapidement à toute demande officielle formulée par le gouvernement américain, y compris en ce qui concerne la taxe sur les logements sous-utilisés.

Recommandation 3

Que le gouvernement du Canada poursuive et améliore ses efforts pour aider les propriétaires d’immeubles résidentiels au Canada à remplir la déclaration relative à la taxe sur les logements sous-utilisés. À cette fin, le gouvernement devrait s’assurer que les informations relatives à cette taxe et à ses exemptions soient claires et accessibles, et que la déclaration de la taxe soit aussi simple que possible.

Recommandation 4

Que le gouvernement du Canada prenne immédiatement des mesures afin de simplifier la Déclaration de la taxe sur les logements sous-utilisés et formulaire de choix (UHT‑2900 F) afin d’aider les propriétaires canadiens d’un immeuble résidentiel qui doivent remplir ce formulaire, mais n’ont pas à payer la taxe sur les logements sous-utilisés. Il faudrait, entre autres, ajouter à la première page une « case à cocher » qui permettrait aux contribuables canadiens d’indiquer s’ils sont exempts de cette taxe. De plus, le gouvernement devrait veiller à ce que l’Agence du revenu du Canada donne des directives en temps opportun à tous les propriétaires canadiens d’un immeuble résidentiel qui seraient affectés par la taxe sur les logements sous-utilisés.


[1]                     Le présent rapport s’attarde aux exemptions susceptibles d’intéresser les particuliers.

[2]              Les parties n’ont pas de lien de dépendance entre elles si elles sont indépendantes et que l’une d’elles n’exerce pas une influence indue sur l’autre. Selon la Loi de l'impôt sur le revenu, certaines personnes ne sont pas jugées indépendantes, notamment les personnes liées. Les personnes liées sont « des particuliers unis par les liens du sang, du mariage, de l’union de fait ou de l’adoption ».

[3]                     L’alinéa 6(7)e) de la Loi sur la taxe sur les logements sous-utilisés prévoit que le propriétaire d’un immeuble résidentiel ne peut se prévaloir de cette exemption pour plus d’une année civile à l’égard d’un sinistre ou d’une condition dangereuse en particulier.

[4]              Le 26 juillet 2023, ce titre est devenu « ministre de la Promotion des exportations, du Commerce international et du Développement économique ».

[5]              Ces organismes sont l’Alliance canadienne de l’horticulture ornementale, la Canadian Canola Growers Association, le Conseil de l’agriculture de la Colombie-Britannique, la Fédération canadienne de l’agriculture, Keystone Agricultural Producers du Manitoba, l’Ontario Greenhouse Vegetable Growers et les Producteurs de fruits et légumes du Canada.