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FOPO Rapport du Comité

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Investissements étrangers et concentration des entreprises en matière de permis et de quotas de pêche

Introduction et contexte

Le 20 janvier 2022, le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes (le Comité) a adopté une motion pour qu’il

entreprenne une étude sur les investissements étrangers et la concentration des entreprises en matière de permis et de quotas de pêche au moyen d’accords transactionnels et examine le processus du ministère des Pêches et des Océans pour l’attribution et le transfert des permis de pêche commerciale et quotas nationaux[1].

Du 8 mai au 5 juin 2023, le Comité a entendu 37 témoins représentant des associations de pêcheurs, des transformateurs de poisson, des organisations autochtones, Pêches et Océans Canada (MPO), Affaires mondiales Canada (AMC), Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE) ainsi que le Bureau de la concurrence. Le Comité a entendu des témoins à huis clos. Leurs témoignages sont présentés de façon anonyme parce que les intervenants craignent de subir des représailles par la suite.

En 2019, les pêcheurs commerciaux du Canada atlantique ont débarqué, ou ramené à terre, 624 454 tonnes métriques de poissons et fruits de mer, représentant une valeur au débarquement de plus de 3,5 milliards de dollars. Au cours de la même année, les pêcheurs commerciaux de la Colombie‑Britannique ont débarqué 182 749 tonnes métriques de poissons et fruits de mer, ayant une valeur au débarquement de quelque 404 millions de dollars[2]. Les retombées socioéconomiques de l’industrie de la pêche diffèrent d’une côte à l’autre. Richard Williams, directeur de recherche au Conseil canadien des pêcheurs professionnels, a mentionné qu’en 2019, le revenu moyen dans le secteur de la pêche s’établissait à 23 900 $ en Colombie‑Britannique, à 37 500 $ dans les Maritimes et à 27 400 $ à Terre‑Neuve‑et‑Labrador[3]. Entre 2010 et 2019, les revenus moyens des emplois dans le secteur des pêches ont augmenté de 32% après l’inflation dans la région du Pacifique, de 85% après l’inflation à Terre-Neuve-et-Labrador et de 137% après l’inflation dans les Maritimes (Figure 1).

Figure 1 – Changements après l’inflation du revenu moyen des emplois dans le secteur des pêches dans les Maritimes, à Terre-Neuve-et-Labrador et dans la région du Pacifique, 2010 à 2019

En 2010, les emplois dans le secteur des pêches dans la région du Pacifique avaient le revenu moyen le plus élevé, soit environ 18 000 $, suivis des emplois dans le secteur des pêches dans la région des Maritimes, avec un revenu moyen légèrement supérieur à 15 000 $, et des emplois dans le secteur des pêches à Terre-Neuve-et-Labrador, avec un revenu moyen légèrement inférieur à 15 000 $. Entre 2010 et 2019, les revenus moyens pour les emplois dans le secteur des pêches sur la côte Est sont ceux qui ont le plus augmenté. Dans les Maritimes, le revenu moyen des emplois dans le secteur des pêches a augmenté de 137 % pour atteindre 37 500 $. À Terre-Neuve-et-Labrador, il a augmenté de 85 % pour atteindre 27 400 $. Le revenu moyen des emplois dans le secteur des pêches a augmenté de 32 % pour atteindre 23 900 $.

Source : Produit par le Comité selon des informations de Richard Williams, « Politique de délivrance des permis, propriété étrangère et viabilité des entreprises MPO, Région du Pacifique », réponse écrite au Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, 18 mai 2023.

En 2020, le revenu moyen d’emploi était de 72 000 $ pour les capitaines et officiers et officières de pêche, de 31 560 $ pour les pêcheurs et pêcheuses et de 29 360 $ pour les matelots de pont de bateaux de pêche au Canada[4]. La figure 2 montre le revenu moyen d’emploi des capitaines de bateau de pêche et des pêcheurs en 2020, par province au Canada atlantique et en Colombie-Britannique.

Figure 2 – Revenu moyen et médian d’emploi des capitaines de bateau de pêche et des pêcheurs en 2020, par province

En 2020, le revenu moyen des capitaines de bateau de pêche et des pêcheurs était supérieur au revenu médian dans toutes les provinces. La Nouvelle-Écosse avait à la fois le revenu moyen le plus élevé, soit 45 000 $, et le revenu médian le plus élevé, soit 35 000 $. Au Nouveau-Brunswick, le revenu moyen était de 40 000 $ et le revenu médian de 25 000 $. Au Québec, le revenu moyen était d'environ 37 500 $ et le revenu médian de 25 000 $. À Terre-Neuve-et-Labrador, le revenu moyen était de près de 30 000 $ et le revenu médian de 20 000 $. À l'Île-du-Prince-Édouard, le revenu moyen était de près de 30 000 $ et le revenu médian d'un peu plus de 20 000 $. En Colombie-Britannique, le revenu moyen était de près de 35 000 $ et le revenu médian de 20 000 $.

Nota :     Le revenu moyen et médian est présenté pour les capitaines de pêche ainsi que les pêcheurs/pêcheuses. Selon la description de la profession que fait Statistique Canada, il s’agit généralement de propriétaires-exploitants indépendants de bateaux de pêche. Ils peuvent également être employés par des établissements qui exploitent des bateaux de pêche commerciaux.

Source : Produit par le Comité d’après des renseignements obtenus de Statistique Canada, « Tableau 98‑10-0587-01 Statistiques du revenu d’emploi selon le sous-groupe des professions, l’identité autochtone, le plus haut niveau de scolarité, le travail pendant l’année de référence, l’âge et le genre : Canada, provinces et territoires et régions métropolitaines de recensement y compris les parties », base de données, consultée le 24 octobre 2023.

Des témoins ont expliqué au Comité qu’une part proportionnelle des retombées provenant de la ressource publique que sont les stocks de poisson et de l’industrie sur laquelle elle repose devraient rester entre les mains des pêcheurs canadiens et de leurs communautés, et non entre celles d’entités étrangères. Selon Greg Pretty, président de Fish, Food and Allied Workers Union, il est important de « protéger cette ressource publique et de veiller à ce que ce soient les Canadiens qui profitent des avantages économiques et sociaux que représentent nos eaux[5] ».

Tasha Sutcliffe, conseillère principale en politique, Pêches, Ecotrust Canada, a mentionné au Comité que la politique de délivrance des permis est « le principal obstacle » qui empêche le Canada de gérer les pêches comme une ressource renouvelable « en fonction d’objectifs environnementaux, sociaux, culturels et économiques[6] ». Selon Colin Sproul, président, Bay of Fundy Inshore Fishermen’s Association :

La concentration des entreprises et les investissements étrangers sont les deux faces du même problème auquel sont confrontées les collectivités côtières du Canada. C’est le conflit entre, d’une part, les moyennes et grandes entreprises qui ne cherchent qu’à tirer de plus en plus de profits des ressources publiques et, d’autre part, le devoir du gouvernement de protéger les intérêts des familles de pêcheurs, des familles dont l’existence dépend de ces mêmes ressources[7].

Le présent rapport donne un aperçu des régimes actuels de délivrance des permis sur la côte Est et la côte Ouest, puis décrit les progrès réalisés au chapitre de certaines recommandations du rapport publié par le Comité en 2019, intitulé Les pêches sur la côte Ouest : Partager les risques et les retombées, y compris le Sondage sur la propriété effective. Le rapport détaille ensuite les problèmes attribuables à la concentration des entreprises et à la propriété étrangère en Colombie-Britannique et au Canada atlantique, notamment pour les collectivités côtières qui vivent de cette ressource publique ainsi que pour la souveraineté et la sécurité alimentaires du Canada. Enfin, il présente des appels à l’action proposés par les témoins. Le présent rapport fait 19 recommandations au gouvernement fédéral afin de réduire les impacts négatifs de la concentration des entreprises et de la propriété étrangère pour les pêcheurs canadiens et les collectivités côtières.

Politiques actuelles en matière de permis de pêche sur la côte Est

Mark Waddell, directeur général, Politiques des pêches, MPO, a souligné que les politiques actuelles du MPO en matière de délivrance de permis au Canada atlantique « exigent explicitement que les ressources halieutiques demeurent accessibles aux Canadiens[8] ». Dans le secteur des pêches côtières de l’Atlantique, le MPO « réglemente la détention des permis de pêche commerciale côtière par le biais du Règlement sur la pêche côtière, qui exige que les titulaires de permis soient des propriétaires-exploitants indépendants satisfaisant aux exigences régionales en matière de résidence[9] ». Dans le secteur des pêches hauturières et semi‑hauturières de l’Atlantique, les sociétés

qui ont des permis doivent être détenues à hauteur de 51 % au moins par des intérêts canadiens. Cette exigence, qui est en place depuis plus de 35 ans, avait été instituée pour s’assurer que les entreprises canadiennes conservent un contrôle efficace de l’accès commercial, tout en permettant des investissements dans les pêches émergentes ou les pêches manquant de capitaux[10].

La proportion de flottilles côtières, semi-hauturières ou hauturières varie entre les provinces de l’Atlantique.

Jusqu’aux années 1960, la pêche sur la côte Est du Canada ne comportait aucune restriction quant aux personnes pouvant détenir un permis ou au nombre de permis délivrés, et aucune restriction majeure quant au niveau de prises. À la fin des années 1970, les pêcheurs côtiers du Canada atlantique et du Québec ont commencé à s’inquiéter du fait que les usines de transformation du poisson « achetaient des bateaux et les enregistraient pour la pêche côtière, ce qui a eu pour effet d’accroître la concentration globale des permis côtiers entre les mains des entreprises et de forcer les titulaires de permis indépendants à se retirer de cette activité[11] ». Entrée en vigueur au Canada atlantique en 1979, la Politique de séparation de la flottille a établi que les permis de pêche côtière ne pouvaient être délivrés qu’aux pêcheurs côtiers, et non à des entreprises de transformation ou à d’autres entités privées. La Politique du propriétaire‑exploitant, mise en œuvre au Canada atlantique en 1989, a établi la règle exigeant que le titulaire du permis de pêche soit à bord du bateau pendant la durée de la pêche.

En 2007, le MPO a mis en place la politique sur la Préservation de l’indépendance de la flottille de pêche côtière dans l’Atlantique canadien (PIFPCAC). La politique sur la PIFPCAC a donné aux titulaires de permis le statut de « noyau indépendant », rendu ce statut obligatoire pour détenir un permis de pêche et interdit aux pêcheurs de cette catégorie d’être partie à une entente de contrôle, aux termes de laquelle les titulaires de permis confient le contrôle et l’utilisation du permis à des entreprises de transformation ou à d’autres tiers. La politique sur la PIFPCAC était assortie d’une période de mise en œuvre de sept ans, les titulaires de permis ont donc eu jusqu’en 2014 pour mettre fin aux ententes de contrôle ou les harmoniser avec la nouvelle politique. En 2011, la Politique de délivrance de permis aux entreprises a été établie, autorisant la délivrance de permis à des compagnies en propriété exclusive, dont l’ensemble des actions sont détenues et contrôlées par un seul individu[12].

En 2019, les modifications apportées à la Loi sur les pêches ont permis d’incorporer ces politiques sur les pêches côtières et riveraines dans la législation. Les modifications réglementaires qui en découlent et qui modifient le Règlement de pêche de l’Atlantique de 1985 et le Règlement de pêche des provinces maritimes sont entrées en vigueur en décembre 2020 et en avril 2021. Selon Doug Wentzell, directeur général régional, Région des Maritimes, MPO, le ministère « profite […] du fait que ces mesures sont actuellement prévues par règlement » en raison de la clarté entourant la participation requise des titulaires de permis de pêche côtière[13]. Tel que décrit dans une section à venir, le Comité a entendu que certains pêcheurs ne suivent toujours pas ces politiques et règlements et que le MPO est trop indulgent puisqu’il les amène à s’y conformer plutôt que de leur imposer des pénalités.

Politiques actuelles de délivrance des permis sur la côte Ouest

Selon Mark Waddell, les politiques de gestion des pêches et de délivrance de permis en Colombie-Britannique sont « fondées sur des objectifs de conservation », comme le sont toutes les politiques du MPO. Il a expliqué que :

Le système de délivrance de permis qui régit la plupart des pêches du Pacifique permet aux détenteurs de permis de s’échanger l’accès aux pêches, ce qui favorise davantage la viabilité économique des opérations de pêche et limite la pression sur les stocks. Les politiques du ministère en matière de délivrance de permis de pêche commerciale dans le Pacifique visent à faciliter la gestion et la conservation responsables des ressources halieutiques. Dans le secteur des pêches du Pacifique, Pêches et Océans Canada utilise à la fois des permis de pêche établis en fonction d’une partie et des permis de pêches rattachés à un bateau. Pour les pêches établies en fonction d’une partie, le ministère exige que toutes les sociétés qui se voient délivrer des permis soient enregistrées au Canada. Le ministère n’a pas de politique en ce qui concerne la citoyenneté des personnes demandant un permis sur la côte pacifique. En ce qui concerne les pêches rattachées aux bateaux dans la région du Pacifique, les permis sont plutôt délivrés directement aux navires qui doivent déjà être enregistrés auprès de Transports Canada. Ce ministère exige que tous les bateaux immatriculés appartiennent soit à un résident ou à une société canadienne, soit à une société enregistrée à l’étranger ayant une filiale ou une entité représentative au Canada. Transports Canada ne limite pas le degré de propriété étrangère directe ou indirecte d’un bateau de pêche immatriculé au Canada[14].

En Colombie‑Britannique, le MPO a mis en place des quotas individuels transférables (QIT), également connus sous le nom de « permis à quotas individuels », dans le but de gérer plusieurs pêches marines commerciales. Les titulaires de QIT disposent de droits exclusifs et transférables de pêcher une portion du total autorisé des captures (TAC) d’un stock de poissons donné[15]. Les QIT peuvent appartenir à des entreprises, à des bateaux, à des investisseurs non pêcheurs et à des pêcheurs actifs et non actifs individuels, et ils peuvent les transférer par la vente, l’achat et la location. Les pêcheurs non titulaires de permis pourraient toujours obtenir un accès à la ressource en louant un permis à un prix préalablement fixé, devenant ainsi des détenteurs de permis. Le Comité a été informé que, pour « de nombreux permis et catégories de quotas de pêche commerciale, la concentration de longue date des entreprises et des investisseurs, combinée à la propriété et à l’investissement croissants pour ce qui est des permis et des quotas de la Colombie‑Britannique au large des côtes, ont fait et continuent de faire grimper les prix[16] ».

Progrès réalisés dans la mise en œuvre des recommandations du rapport de 2019, Les pêches sur la côte Ouest : Partager les risques et les retombées

En mai 2019, le Comité a présenté son rapport, intitulé Les pêches sur la côte Ouest : Partager les risques et les retombées, à la Chambre des communes. Le rapport comporte 20 recommandations à l’intention du gouvernement, dont l’interdiction visant la vente de quotas ou de permis de pêche à des propriétaires bénéficiaires non Canadiens, la création d’une base de données en ligne comprenant les titulaires véritables des quotas et des permis de pêche ainsi que l’élaboration d’un nouveau cadre stratégique après un processus de mobilisation authentique et transparent avec l’ensemble des intervenants clés. Les 20 recommandations figurent à l’annexe A. Des témoins, dont Paul Kariya, conseiller principal en politique, Coastal First Nations Great Bear Initiative, Villy Christensen, professeur (témoignant à titre personnel), et Sonia Strobel, cofondatrice et chef de la direction, Skipper Otto Community Supported Fishery, ont appuyé les recommandations du rapport de 2019[17]. Christina Burridge, directrice exécutive, BC Seafood Alliance, s’est dite très heureuse d’entendre que le MPO voulait instituer un registre public des permis et des quotas[18].

Neil Davis, directeur régional, Direction de la gestion des pêches pour la région du Pacifique, MPO, a informé le Comité que le ministère travaille « très activement » afin de donner suite aux recommandations du rapport depuis sa présentation et a expliqué que l'approche adoptée en est une par étapes puisque les recommandations sont nombreuses et que certaines sont assez « complexes et compliquées » à appliquer. Des mesures immédiates ont été prises, et le MPO s’est préparé à consulter les parties prenantes sur les recommandations restantes. Neil Davis a signalé qu’en juin 2023, le MPO :

  • avait réalisé une analyse comparative des politiques et des règlements sur les pêches sur les côtes Ouest et Est;
  • prenait des mesures en vue de mettre en place un registre public de propriété des permis et des quotas;
  • avait lancé le Sondage sur la propriété effective pour cerner les entités nationales et étrangères qui tirent des avantages directs ou indirects des permis et des quotas de pêche commerciale, et finalisait l’analyse des réponses reçues;
  • avait fait parvenir des questionnaires pour recueillir des données socioéconomiques sur la pêche commerciale et récréative, et mettait au point un tableau de bord afin de publier ces données;
  • avait rédigé des changements à apporter à la politique et au mandat des conseils consultatifs sur les pêches commerciales à des fins de consultation;
  • dialoguait avec les parties prenantes au sujet du rapport de 2019 et du travail effectué par le MPO pour donner suite aux recommandations[19].

Neil Davis a expliqué au Comité qu’un gestionnaire au MPO supervise l’avancement de la réponse du gouvernement aux recommandations de 2019, et que ce gestionnaire « a un employé dont la seule responsabilité est de travailler sur ce dossier[20] ». À mesure que progressera la mise en œuvre des recommandations, des employés de divers groupes et équipes qui s’occupent de la gestion des pêches seront appelés à contribuer aux analyses ou à consulter des intervenants[21].

Des témoins ont signalé que la réponse du MPO aux recommandations de 2019 a été lente ou inexistante[22]. Selon un témoin, cela s’explique par le fait que le MPO accorde une grande importance à la conservation et qu’il a peu d’intérêt pour les considérations d’ordre socioéconomiques[23]. Selon Duncan Cameron, directeur, British Columbia Crab Fishermen’s Association, « il n’y a pratiquement pas de personnel pour s’occuper des changements potentiels en matière d’octroi de licences ou pour assurer les protections socioéconomiques prévues dans les récents changements apportés à la Loi sur les pêches[24] ». Paul Kariya a reconnu que les questions à traiter sont complexes, mais s’est demandé si la lenteur de la réponse ne peut pas être attribuée en partie au fait que le MPO tente de s’«esquiver » aux efforts nécessaires[25]. Emily Orr, déléguée syndicale, United Fishermen and Allied Workers’ Union – Unifor, a fait savoir au Comité que le MPO l’avait informée que la raison pour laquelle les recommandations de 2019 n’avaient guère progressé était un « problème de capacité[26] ».

Villy Christensen a expliqué au Comité que si les 20 recommandations du rapport devaient être mises en place, la situation changerait « radicalement[27] ». Villy Christensen et Richard Williams ont dit croire que les recommandations les plus importantes qui doivent encore être mises en œuvre portaient sur l’élaboration de politiques de séparation des flottilles et des propriétaires exploitants sur la côte Ouest[28]. Melissa Collier, pêcheuse, West Coast Wild Scallops, a dit être au courant que le MPO avait entrepris des études ou des recherches, mais que « rien de concret ne s’observe sur les lieux de pêche ». Le Sondage sur la propriété effective est la seule mesure découlant du rapport de 2019 dont avait connaissance Melissa Collier, mais elle a signalé au Comité que le sondage « semblait lacunaire[29] ». Les témoignages entendus par le Comité au sujet du Sondage sur la propriété effective sont décrits dans la section suivante.

À la lumière des témoignages, le Comité est inquiet, et déçu, de la lenteur avec laquelle le MPO donne suite aux recommandations du rapport de 2019 et du manque d’importance que le ministère accorde à cette question, comme en font état les lents progrès réalisés et le faible nombre d’employés affectés à la résolution de ce problème.

Recommandation 1

Que le gouvernement du Canada accélère dès maintenant la mise en œuvre des recommandations formulées dans le rapport de 2019 du Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, Les pêches sur la côte Ouest : Partager les risques et les retombées, en se fixant comme priorité d’affecter des ressources suffisantes à la dotation et aux efforts nécessaires pour aller de l’avant.

Propriété effective

Des témoins ont parlé au Comité du Sondage sur la propriété effective, dont l’objectif est d’« identifier les entités nationales et étrangères qui bénéficient, directement ou indirectement, des permis et des quotas de pêche commerciale[30] ». Lancée par le MPO en février 2022, l’enquête

visait à recueillir des renseignements sur l’identification, la citoyenneté ou sur le pays d’immatriculation de tous les détenteurs directs et indirects d’un permis commercial ou propriétaires de bateaux titulaires d’un permis commercial. L’enquête visait également à obtenir des renseignements généraux sur les dettes des titulaires de permis, sur les accords de pêche en cours et sur les employés de la haute direction. En fin de compte, l’enquête identifiera les propriétaires véritables, soit les personnes qui détiennent ou contrôlent, directement ou indirectement, l’accès aux pêches[31].

Mark Waddell a informé le Comité que le Sondage sur la propriété effective a été conçu au moyen de l’analyse des vérificateurs judiciaires de Services publics et Approvisionnement Canada (SPAC) et en consultation avec les parties prenantes de l’industrie de la pêche. L’enquête visait à « obtenir le plus de renseignements possible sur les structures de propriété effective avec le fardeau administratif le plus léger possible pour les répondants, puisque la plupart d’entre eux ne sont ni comptables ni experts judiciaires aguerris[32] ». Les juricomptables de SPAC ont également examiné les sources accessibles au public comme les registres des entreprises au Canada, mais aussi à l’étranger. Les résultats de l’enquête sont destinés à créer « une base commune d’information » qui permettra de tenir un « débat public en toute connaissance de cause[33] ». Mark Waddell a précisé au Comité que le MPO « mobilisera ensuite les intervenants pour discuter des constatations et évaluer si des solutions stratégiques sont justifiées[34] ».

Le taux de participation global des plus de 2 500 détenteurs de permis commerciaux de pêche sur la côte Pacifique, établis en fonction d’une partie et rattachés à un bateau, ainsi que de détenteurs de permis de pêche hauturière, semi‑hauturière, de flottille exemptée et de pêche à la civelle de l’Atlantique qui ont dû remplir le Sondage sur la propriété effective était de 80 %. Les détenteurs de permis côtiers du Canada atlantique et les détenteurs de permis de pêche commerciale communautaire ont été exemptés du sondage puisque leurs structures d’entreprise sont déjà réglementées[35].

Au Canada atlantique, 83 % des entreprises ont répondu au sondage, ce qui représente 90 % des permis de pêche commerciale des flottes semi-hauturières, hauturières et exemptées de l’Atlantique. Au moment de la présente étude, les résultats préliminaires pour le Canada atlantique ont montré que « 98 % des permis canadiens de flottille hauturière, semi‑hauturière et exemptée sont détenus par des sociétés ou des particuliers canadiens. Moins de 2 % sont détenus par des entités étrangères[36]. » En Colombie‑Britannique, 79 % des entreprises ont rempli le sondage, ce qui représente un total combiné de 88 % des permis de pêche commerciale du Pacifique visés. Au moment de la présente étude, les résultats préliminaires concernant la Colombie‑Britannique n’étaient pas encore disponibles[37].

Le MPO utilisera les données contenues dans ses propres bases de données et décidera au cas par cas s’il fait un suivi auprès des détenteurs de permis qui se sont abstenus de répondre au Sondage sur la propriété effective. Un témoin a été étonné d’apprendre que le MPO ne faisait pas de suivi auprès de tous ceux qui n’avaient pas soumis de réponse. Il s’est demandé si ces derniers étaient moins susceptibles de respecter les exigences concernant la propriété étrangère et s’ils avaient évité de répondre au sondage pour cacher la situation au MPO[38].

Les témoins ont convenu de l’importance des renseignements sur la propriété recueillis dans le cadre du Sondage sur la propriété effective[39]. Toutefois, la majorité de ceux qui ont parlé du sondage ont exprimé des réserves[40]. Comme l’a expliqué Sonia Strobel au Comité :

Il y a confusion dans le sondage à propos de ces termes. On parle du détenteur de permis, mais le détenteur du permis peut être une personne qui loue le permis. Être détenteur d’un permis n’est pas la même chose qu’être propriétaire d’un permis. Disons, par exemple, qu’une grande entreprise est propriétaire d’un grand nombre de permis, elle peut ne pas déclarer qu’elle est détentrice de ces permis et peut ne pas être forcée de le faire, car elle ne les détient pas. Lorsqu’une personne pêche, le permis est transféré à son bateau, et s’il est transféré à son bateau, c’est cette personne qui détient le permis[41].

Comme le Sondage sur la propriété effective visait les détenteurs, et non pas les propriétaires de permis, Emily Orr était d’avis que cela devrait « invalide[r] » les résultats de l’enquête, car le détenteur du permis et le propriétaire du permis ne sont pas nécessairement la même personne, une distinction « qui est au cœur du problème[42] ». Andrew Olson, directeur général, Nuu‑chah‑nulth Seafood Limited Partnership, a affirmé au Comité que « [t]out ce que le [Sondage sur la propriété effective] a montré, c’est que le Canada ne sait pas qui possède et contrôle les permis dans la région du Pacifique[43] ».

Mark Waddell a expliqué que la location de quotas dans la région du Pacifique aurait été « une question très complexe à évaluer » dans le cadre d’une enquête dont l’objectif était d’alléger le fardeau administratif des répondants, et que c’est pour cette raison que la décision a été prise de « la mettre de côté, admettant qu’elle exigerait plus de travail[44] ». Il a donné au Comité l’assurance que le MPO « a toujours l’intention de mieux comprendre les ententes de licence et de location qui sont en vigueur dans la région du Pacifique[45] ».

Recommandation 2

Que le ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne impose comme condition que le titulaire de la licence ou du quota en soit le propriétaire et soit obligé de pêcher lui-même et qu’avant la délivrance de cette licence, il soit prouvé que le titulaire est un citoyen canadien ou une entité détenue entièrement par des Canadiens. Que la responsabilité d’établir la preuve de la propriété effective incombe entièrement au titulaire ou au propriétaire de la licence. Que cette politique soit pleinement mise en œuvre dans les deux ans suivant la création d’un organisme indépendant de financement de la pêche.

Le MPO travaille également à la mise au point d’un registre des permis et des quotas accessible au public. Selon une évaluation des exigences techniques pour intégrer les systèmes actuels du MPO dans un registre public, il est techniquement possible de créer un tel registre[46]. Au moment de l’étude, la date d’achèvement du registre public n’était pas encore connue. Une demande de propositions à venir auprès de concepteurs de bases de données potentiels considérera le temps nécessaire pour créer le registre public[47].

Recommandation 3

Que, étant donné les lacunes dans le Sondage sur la propriété effective de Pêches et Océans Canada, le ministère présente une mise à jour détaillée et l’échéancier projeté pour l’établissement des critères de propriété canadienne pour les titulaires de permis et de quotas. L’échéancier pour effectuer la transition totale vers la propriété canadienne devrait être de sept ans ou moins, comme le recommande le rapport présenté en 2021 par Gardner Pinfold Consultants Inc., intitulé Aborder la participation de la pêche commerciale sur les questions socio‑économiques de la pêche commerciale.

Répercussions craintes par les témoins

Lors de leur témoignage, des témoins ont précisé au Comité qu’ils choisissaient soigneusement leurs mots afin de ne pas subir de répercussions ou de représailles. Certains ont même demandé à comparaître à huis clos afin de pouvoir s’exprimer plus librement, sans crainte de se retrouver sur une liste noire[48]. Un témoin a confié que la comparution de certains témoins lors de réunions du Comité en 2018 concernant la réglementation des pêches sur la côte Ouest avait nui à leur capacité de louer des permis[49].

Lorsqu’on lui a demandé s’il était au courant de l’achat de permis ou de quotas sur la côte Ouest par des non-Canadiens, Paul Kariya a répondu : « Oui. Je fais attention à ce que je dis, parce que [les Premières Nations représentées par son organisation] essaient encore de travailler sur le marché, et que ce monde est plutôt petit[50]. » Greg Pretty s’est dit d’avis que les pêcheurs pourraient subir des représailles de l’entreprise avec laquelle ils ont signé des accords financiers s’ils dénoncent la situation et que des gens pourraient refuser d’admettre publiquement qu’ils ont signé de tels accords[51]. Tasha Sutcliffe a admis que « les personnes qui travaillent dans l’industrie se taisent par crainte de représailles[52] ». Sonia Strobel a ajouté qu’il est « difficile de […] parler des répercussions de la situation sur les pêcheurs », qui peuvent se faire refuser des services par de grandes sociétés qui contrôlent une grande partie des quotas, dont l’accès aux installations de déchargement ou la disponibilité de glace pour conserver les prises[53].

Recommandation 4

Que soit mis sur pied un bureau de consultation et de soutien indépendant au service des pêcheurs-propriétaires afin de leur offrir un espace de liberté de parole et de consultation à l’abri des pressions exercées sur eux par les marchés et les entreprises étrangères.

Investissements étrangers

Le Comité s’est fait dire que « [l]es restrictions imposées par le ministère à la propriété étrangère sur l’accès aux pêches commerciales sont établies dans le cadre de ses politiques en matière de délivrance de permis et conditionnent le pouvoir discrétionnaire du ministre de délivrer des permis[54] ». Les témoins ont pris soin de distinguer l’investissement étranger de la propriété étrangère. Selon Emily Orr, le problème, c’est lorsque la majorité des permis et des quotas est contrôlée par des compagnies étrangères ou lorsque le haut niveau d’intégration verticale fait qu’il est difficile pour les propriétaires exploitants de livrer concurrence[55]. Paul Lansbergen, président, Conseil canadien des pêches, a donné l’exemple des institutions financières étrangères, qui sont une option attrayante pour les entreprises qui font des investissements importants. Il a souligné que le secteur des produits de la mer « n’est certainement pas le seul secteur au Canada qui doit se tourner vers d’autres pays pour trouver du capital financier », et qu’il doit « continuer à investir, à soutenir la concurrence et à répondre aux attentes des clients[56] ». Au sujet des pêches sur la côte Ouest, Christina Burridge a dit croire qu’il faut décourager la spéculation, et non pas l’investissement[57].

Jennifer Silver, professeure associée, Université de Guelph (témoignant à titre personnel), a expliqué au Comité que la propriété et le financement étrangers « façonnent la pêche industrielle et les chaînes de valeur des produits de la mer », et a partagé les résultats d’une publication faisant état de « la portée internationale » de 13 entreprises transnationales détenant « de 11 à 13 % de l’ensemble des prises marines et de 19 à 40 % des prises des stocks les plus importants et les plus précieux[58] ».

En vertu de la Loi sur Investissement Canada, « on mène un […] examen [sur les bénéfices nets] si on dépasse un certain seuil financier. Cette année, ce seuil va de 512 millions de dollars pour les entreprises publiques à 1,9 milliard de dollars pour les investisseurs du secteur privé provenant de pays avec lesquels le Canada a conclu un accord de libre‑échange[59]. » Les membres du Comité ont convenu que les seuils des transactions individuelles énoncées dans la Loi sur Investissement Canada sont trop élevés pour dissuader efficacement la propriété étrangère et la concentration des permis et des quotas par les entreprises. Le Comité souligne l’importance de tenir également compte des transactions cumulatives dans ce secteur.

Les conséquences de la propriété étrangère sur les côtes Est et Ouest sont décrites en détail dans les sections qui suivent.

Concentration des entreprises

La concentration des entreprises a des conséquences différentes sur la côte Est et la Côte Ouest en raison des cadres politiques et juridiques qui y sont différents. Les témoins ont dit au Comité que la concentration des entreprises dans le secteur de la transformation du poisson et des fruits de mer par des compagnies canadiennes ou étrangères sur les deux côtes peut nuire à l’indépendance et à la rentabilité des pêcheurs en limitant leurs options pour acheter des fournitures et leur accès à des points de vente. Sur la Côte Ouest, les entreprises peuvent également détenir directement des licences et peuvent se permettre des prix plus élevés que les exploitants indépendants.

Selon Paul Lansbergen, on devrait applaudir les transformateurs d’espèces sauvages qui réussissent à développer leur activité d’une seule usine de transformation de poissons à plusieurs ou qui exploitent plus d’un navire de pêche, et que la prospérité devrait être considérée comme une réussite digne d’être célébrée et non comme un résultat négatif[60]. Le témoin 3 a reconnu qu’il y a des entreprises honorables, mais a déploré le fait que, pour les sociétés de capital‑risque ou autres grandes entreprises, « les affaires sont les affaires » et que ce qu’elles cherchent, c’est de maximiser les profits avant de se retirer, car elles « ne sont pas là à long terme ». Cela nuit aux populations locales[61].

Le Bureau de la concurrence dispose de deux « seuils de sécurité » qui indiquent aux parties prenantes « à quel moment une fusion, par exemple, peut poser des problèmes de concurrence. L’un de ces seuils s’applique si une seule entreprise détient plus de 35 % d’un marché donné, et l’autre, si les quatre plus grandes entreprises en détiennent 65 %[62]. » Le Bureau de la concurrence doit aussi être avisé lorsque deux seuils sont dépassés : « Le premier est que toutes les parties à une fusion doivent avoir plus de 400 millions de dollars d’actifs ou de revenus générés par ces actifs. Le second seuil […] est que les actifs acquis doivent générer plus de 93 millions de dollars de chiffre d’affaires, ou que la valeur de ces actifs est elle‑même de 93 millions de dollars[63]. » Selon Ian MacPherson, le seuil visant les acquisitions d’entreprises de produits de la mer, canadiennes et étrangères, est trop élevé puisque « seules les grandes acquisitions » font actuellement l’objet d’un examen par le Bureau de la concurrence[64]. Le Bureau de la concurrence peut aussi examiner des transactions de fusion de toute taille. Sur la côte Ouest, au cours des quatre dernières années, le Bureau de la concurrence a examiné environ six fusions, principalement dans le secteur de la transformation[65].

Les conséquences de la concentration des entreprises sur les côtes Est et Ouest sont décrites en détail dans les prochaines sections.

Conséquences des investissements étrangers et de la concentration des entreprises sur la côte Est

Greg Pretty a parlé du « comportement de type cartel » de la Royal Greenland, une société en propriété exclusive appartenant à l’État danois, soulignant que « les intérêts des pêcheurs et des travailleurs d’usine de la Royal Greenland sont en conflit avec ceux des pêcheurs et des travailleurs d’usine de Terre-Neuve » et que la « Royal Groenland achètera ses fruits de mer là où ce sera le plus rentable[66] ». Colin Sproul a dit au Comité que, en faisant d’importantes acquisitions dans le secteur de la transformation, la Royal Greenland « dépouille les habitants de Terre-Neuve et de Nouvelle-Écosse et verse les profits à un gouvernement étranger[67] ». Selon Greg Pretty :

[La] Royal Greenland obtient des conditions pour contrôler tous les aspects de la pêche, notamment en veillant à ce que les filiales aient un accès privilégié aux quotas ou aux débarquements, même si ces pratiques ne sont pas autorisées dans la pêche côtière. Pour contourner la réglementation fédérale canadienne, la Royal Greenland a créé sa propre forme d’intégration verticale par l’acquisition de contrats qui lui donnent illégalement le contrôle des permis de pêche[68].

Pour sa part, Carey Bonnell, vice‑président, Développement durable et engagement, Ocean Choice International L.P., croit que « la concurrence entre les pêcheurs et les transformateurs de Terre-Neuve-et-Labrador est libre » et que la concentration des entreprises est beaucoup plus grande dans d’autres industries au Canada, comme dans les industries de la viande bovine et des produits laitiers[69].

Selon Greg Pretty, la concentration des entreprises « a gonflé le coût des permis, et les pêcheurs côtiers ont rarement accès à ce niveau de capital[70] ». Colin Sproul a dit au Comité qu’il existe encore des ententes de contrôle en Nouvelle-Écosse, qui devaient pourtant prendre fin en 2014 en vertu de la politique sur la PIFPCAC[71]. Jennifer Mooney, directrice, Opérations d’octroi de licences, MPO, a expliqué au Comité que le personnel régional de délivrance des permis s’assure que les accords de prêt avec des institutions financières non enregistrées, comme des transformateurs, qu’on appelle « accords d’approvisionnement » et auxquels ont accès les pêcheurs, sont honorés pour que les pêcheurs « ne so[ie]nt pas redevables à ces intérêts généraux à long terme[72] ».

Mark Waddell a mentionné ce qui suit :

En février 2021, le ministre a approuvé une mesure visant à accroître la surveillance des investissements étrangers potentiels dans les pêches commerciales semi‑hauturières et hauturières de l’Atlantique et dans la flotte exemptée. La mesure révisée applique la limite actuelle de propriété étrangère à l’ensemble de la structure organisationnelle de tous les futurs demandeurs de permis ainsi que des titulaires de permis actuels qui souhaitent acquérir des permis supplémentaires[73].

Bien que les politiques du propriétaire-exploitant et de la séparation de la flottille aient été inscrites dans la loi, Greg Pretty croit que le MPO est mal équipé pour appliquer cette dernière. Par exemple, il n’a pas encore « imposé de sanction dans les 30 dossiers et plus sur lesquels il a enquêté depuis l’entrée en vigueur de la politique en 2021. Au lieu de cela, la réaction a été de ramener gentiment les entreprises à la conformité[74]. » Claudio Bernatchez, directeur général, Association des capitaines‑propriétaires de la Gaspésie, croit également qu’il est important d’assurer l’adéquation des ressources pour faire appliquer la réglementation puisque « [c]ela ne donne rien, de créer une série de mesures s’il n’y a personne sur le terrain pour faire appliquer les règlements. Avant d’adopter de nouvelles lois ou de nouveaux règlements, on doit s’assurer de faire respecter la réglementation actuelle[75]. »

Recommandation 5

Que Pêches et Océans Canada suspende les permis utilisés en contravention des politiques actuelles et nouvelles sur les propriétaires‑exploitants jusqu’à ce qu’on remédie à la situation.

Claudio Bernatchez se demande pourquoi les politiques ou les règlements diffèrent d’une région à l’autre, comme le critère de résidence, qui est de six mois au Nouveau‑Brunswick, mais de deux ans au Québec avant d’avoir le droit de se procurer un permis. Selon lui, si « la réglementation mise en place par le MPO s’appliquait uniformément d’un bout à l’autre du pays, même dans les différentes régions d’une même province, il n’y aurait pas de telles surprises[76] ».

Recommandation 6

Que Pêches et Océans Canada interdise le transfert et la vente de permis de pêche au crabe des neiges à l’extérieur des provinces où ils ont été délivrés et que les critères de résidence soient uniformisés entre les provinces et fixés à un nombre d'années de résidence qui permettra d’arrêter l'acquisition de ces permis, afin qu'ils restent au sein des communautés et des provinces respectives.

Homard

Des témoins ont parlé plus particulièrement des conséquences des investissements étrangers et de la concentration des entreprises sur la pêche au homard sur la côte Est. En 2021, plus de 105 tonnes métriques de homard, d’une valeur de plus de 2 milliards de dollars, ont été débarquées par les pêcheurs de l’Atlantique, soit la plus grande quantité et la valeur la plus élevée de tous les produits de la mer confondus[77].

Une entreprise, Clearwater, récolte l’entièreté du TAC de 720 tonnes de homard dans la zone de pêche du homard (ZPH) 41, une zone trois fois plus grande que la superficie de la Nouvelle‑Écosse. Clearwater a réclamé une augmentation de 10 % du TAC. Colin Sproul croit que « toute augmentation du total autorisé des captures accordées à un très gros joueur exploitant un navire de pêche serait autant de perdu pour les pêcheurs côtiers », notamment en créant une pression à la baisse sur les prix de l’industrie puisqu’il y aurait beaucoup plus de homards sur le marché avant l’ouverture de la pêche hivernale au homard dans le Sud‑Ouest de la Nouvelle-Écosse[78]. Dans un mémoire présenté au Comité, Clearwater souligne que la prise de homard dans la ZPH 41 représente 1 % du nombre total de débarquements des pêches au homard au Canada et que « cette pêche ne présente clairement aucune caractéristique d’un monopole[79] ». Colin Sproul a expliqué au Comité que :

Le homard du golfe du Maine est une ressource unique pour cette région, et aucun fait scientifique ne confirme que ces zones possèdent des ressources distinctes ou qu’une capture dans la zone 41 n’aura pas d'incidence dans les zones contiguës. Il importe également de souligner que l’immense majorité — 80 ou 90 % — des débarquements de Clearwater provient de l’habitat le plus important du homard au Canada, le vivier qui alimente en homards le banc de Brown, contigu à la zone fermée. La compagnie pratique une pêche intensive jusqu’à la limite de cette zone. Cette pratique a des conséquences vraiment sérieuses sur nous[80].

Colin Sproul a décrit « l’achat illégal de permis de pêche au homard par des sociétés » par l’intermédiaire d’accords de fiducie illégaux, « moyen par lequel un prête‑nom facilite l’achat de permis de pêche du homard dans différentes zones. De cette manière, des sociétés verticalement intégrées peuvent acheter, transformer et exporter du homard, du casier à la table[81]. » Selon lui, l’acquisition de vendeurs, de congélateurs et de conditionneurs de boëtte au Canada atlantique par des entreprises canadiennes, y compris des sociétés de capital‑investissement, est « très préoccupant[e] » puisque cela montre que « la stratégie des acquisitions s’est […] portée vers les fournisseurs de boëtte, pour prendre les pêcheurs au piège[82] ».

L’entreprise chinoise Atlantic ChiCan, dans le Sud‑Ouest de la Nouvelle‑Écosse, a acheté au moins six de ses concurrents locaux au cours des dernières années. Selon Colin Sproul, cela « témoigne de cette tentative de consolidation[83] ». Il a exposé les conséquences de la « concentration de la capacité de transformation du homard chez des acteurs dont le nombre va en décroissant », notamment la collusion possible pour fixer les prix offerts pour le homard en Nouvelle‑Écosse, et croit « qu’un mécanisme doit être mis en place pour dissuader les entreprises de posséder plus d’un certain seuil de capacité de transformation ou d’exportation du homard[84] ».

Conséquences des investissements étrangers et de la concentration des entreprises sur la côte Ouest

Sur la côte Ouest, la priorité énoncée du MPO est d’atteindre les objectifs de conservation et de viabilité économique[85]. Contrairement à la côte Est, la Colombie‑Britannique n’établit aucune limite pour les transformateurs, les intérêts étrangers ou les entreprises désireuses de devenir propriétaires de permis[86]. Jennifer Silver a fait connaître les résultats d’une étude qui a recensé tous les permis enregistrés sur la côte Ouest en 2019 : cette année‑là, 6 563 permis ont été enregistrés par 2 377 titulaires uniques. Quelque 38 portefeuilles, qu’il s’agisse de pêcheurs, d’investisseurs spéculatifs, de transformateurs ou d’entreprises, détenaient 20 permis ou plus et contrôlaient 26 % de tous les permis de la côte Ouest. Cette proportion était comparable aux 36 % des permis contrôlés par les 1 357 détenteurs d’un seul permis et les 499 détenteurs de deux permis[87].

Selon Tasha Sutcliffe, « le problème que nous avons à propos du contrôle de l’accès à nos ressources halieutiques ne change rien à notre capacité d’atteindre nos objectifs de conservation » puisqu’on peut

établir des limites et des contrôles en ce qui a trait aux permis et aux quotas, atteindre tous ces objectifs de conservation et offrir toute la souplesse nécessaire relativement aux échanges de prises accessoires et pour toutes les autres choses dont les gens parlent, comme l’utilisation d’excellents systèmes de surveillance. Il n’est pas nécessaire de toucher à la moindre de ces choses lorsque nous affirmons ne pas vouloir de concentration des entreprises en matière de permis et de quotas[88].

Sonia Strobel a donné un exemple « très, très commun » de la façon dont les propriétaires exploitants ne travaillent pas nécessairement de façon indépendante :

Les familles de pêcheurs peuvent hériter des quotas de leurs parents, qui correspondent souvent à 5 000 livres de poisson. Cela ne permet pas d’avoir suffisamment de revenus pour l’année. Les pêcheurs doivent donc louer des quotas supplémentaires ailleurs. Ils s’adressent habituellement aux sociétés propriétaires de quotas, qui les louent à condition que les pêcheurs leur revendent le poisson — 10 000 livres, par exemple — au prix déterminé par ces sociétés, mais aussi à condition que les pêcheurs leur vendent les 5 000 livres de quotas dont ils sont propriétaires[89].

Le Comité a entendu des exemples du coût élevé des permis qui empêche les pêcheurs de la côte Ouest d’avoir accès aux pêches. Sonia Strobel a signalé que « [n]os amis et collègues qui pêchent près de la côte Est ne se demandent jamais s’ils pourront se livrer à leur travail[90] ». Tasha Sutcliffe veut que la pêche fonctionne comme elle le devrait et que « ses retombées reviennent aux pêcheurs en mer et aux communautés côtières. Je veux redonner aux Premières Nations un accès aux pêches, leur permettre de revitaliser leurs flottilles et soutenir les valeurs sociales de la Colombie‑Britannique et du Canada », mais le régime actuel fait le contraire[91].

Des témoins ont donné des exemples des difficultés qu’ils ont eues à avoir accès à des quotas ou à des permis. Kyle Louis, vice‑président, United Fishermen and Allied Workers’ Union – Unifor, a déploré avoir été incapable de se procurer un permis de pêche à la crevette « au moyen d’un processus qui [lui] permettait de présenter une autre soumission si quelqu’un renchérissait. Une soumission de 140 % supérieure à la [s]ienne a été présentée. En outre, le soumissionnaire était un investisseur étranger qui, soudainement, avait décidé d’acquérir le plus de permis et de produits possible[92]. » Une pêcheuse de deuxième génération n’a pu soumissionner pour acheter le permis de pêche de ses parents, qui a été vendu à un transformateur de Vancouver[93].

Une entreprise de pêche commerciale visée par l’Accord de réconciliation sur les ressources halieutiques (ARRH) n’a pu acquérir un permis de pêche en plongée pour le concombre de mer malgré une offre correspondant à la juste valeur marchande, car le courtier vendant le permis avait « un chèque en blanc d’un acheteur étranger qui offrait déjà 25 % de plus que la valeur marchande d’alors[94] ». Paul Kariya a expliqué que, par l’intermédiaire de l’ARRH, le Canada avait fourni des « fonds substantiels » aux huit Premières Nations côtières participantes afin d’« appuyer de nouvelles possibilités de pêche commerciale. Cependant, cet accès est fondé sur une transaction de gré à gré, c’est‑à‑dire que nous devons acheter sur le marché tous les permis et quotas et faire concurrence à toutes les autres parties prenantes[95]. » Il a ajouté que les fonds d’établissement reçus pour accéder au marché ne contribuent pas à augmenter le pouvoir d’achat, et que si les Premières Nations côtières ne pouvaient pas se procurer des permis à un prix raisonnable, l’ARRH permet au gouvernement canadien de récupérer l’argent et d’exproprier les permis afin de faire participer les Premières Nations à la pêche[96].

Emily Orr a témoigné de son expérience comme responsable de la délivrance des permis et des quotas pour les Premières Nations membres de l’Initiative des pêches commerciales intégrées du Pacifique (IPCIP), dont l’objectif était d’accroître l’accès des Premières Nations aux pêches commerciales en Colombie‑Britannique et au Yukon. Elle a dit que, « [d]ix fois sur dix, les entreprises faisaient de la surenchère sur les pêcheurs indépendants[97] ».

Si les pêcheurs n’ont pas les moyens financiers de se procurer un permis, ils peuvent en louer un. Les pêcheurs qui louent des permis sont des preneurs de prix; ils acceptent de payer un certain montant afin d’avoir accès au quota du propriétaire du permis, avant de connaître la valeur au débarquement des prises. Des témoins ont indiqué au Comité que les pêcheurs qui louent des permis peuvent prendre plus de risques financiers que les propriétaires de licences[98]. Jusqu’à 75 % de la valeur au débarquement peut revenir au propriétaire du permis, ce qui fait que le pêcheur qui loue le permis peut devoir de l’argent au propriétaire du permis à la fin de la saison[99]. Souvent, un pêcheur qui est « li[é] par contrat à des détenteurs et à des propriétaires de permis et de quotas […] arrive tout juste à gagner sa vie, peut‑être même pas[100] ». La location d’un permis ne mène pas facilement au statut de propriétaire de permis. Un permis pour pêcher le concombre de mer, par exemple, peut coûter 1,5 million de dollars, soit le double de son prix depuis 2015. La plupart des capitaines louent le permis et n’obtiennent que 2,25 $ la livre, tandis que les propriétaires‑exploitants obtiennent 9,25 $ la livre. Après les dépenses, le capitaine moyen ferait environ 40 000 $ de la part du navire. Il lui faudrait donc au moins 36 ans pour rembourser son permis, même s’il avait le capital et qu’il n’assumait aucun coût d’emprunt[101].

Contrairement à d’autres témoins, Christina Burridge ne croit pas que les investissements étrangers et la concentration des entreprises soient des obstacles à la réussite des pêches sur la côte Ouest. Selon elle, c’est la réduction de l’accès, notamment la réduction de 25 à 45 % de l’accès aux principales espèces du réseau des aires marines protégées de la biorégion du plateau nord, qui est « le principal obstacle[102] ».

Activités illégales et blanchiment d’argent

Dès lors que les transactions en argent sont possibles au sein d’une industrie, comme celle de la pêche, il y a un risque d’activités illégales, de blanchiment d’argent et de crime organisé. La présence du crime organisé au sein de l’industrie de la pêche n’est pas unique au Canada. Le lien entre « les pêches, le crime organisé et le blanchiment d’argent est un sujet étudié à l’échelle internationale, y compris par l’Office des Nations Unies contre la drogue et le crime[103] ». Le Comité a appris que le blanchiment d’argent pose un risque accru sur la côte Ouest puisque les propriétaires de permis n’ont pas l’obligation de pêcher eux-mêmes. Tasha Sutcliffe a dit au Comité que « de nombreuses personnes » lui ont dit que l’argent blanchi sert à acheter des permis en Colombie-Britannique[104].

Le rapport Dirty Money Report – Part Two, produit pour le procureur général de la Colombie‑Britannique en 2019, décrit comment les pêches commerciales en Colombie‑Britannique pouvaient servir à blanchir de l’argent. Neil Davis a affirmé avoir « lu de petits passages concernant les pêches » et avoir « assisté à de très courtes séances d’information sur certaines de ces principales constatations ». Il ignore si la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne a lu ou suivi une séance d’information sur le rapport[105].

Peter German, président du comité consultatif, Institut de lutte contre la corruption de Vancouver, a expliqué au Comité que, selon d’où viennent les groupes du crime organisé, le blanchiment des produits de la criminalité au pays et à l’étranger peut avoir lieu dans l’industrie de la pêche. Il a qualifié les efforts déployés par le Canada pour lutter contre le blanchiment d’argent de « perpétuel recommencement », car lorsqu’on réglemente dans un secteur, on déplace simplement le problème vers un autre secteur – par exemple, des casinos aux produits de luxe ou à la vente de cannabis. Il a fait valoir qu’un « système universel, comme celui qui existe aux États‑Unis, [où] toutes les opérations réglées comptant au‑dessus d’une certaine somme doivent être signalées à l’organisme du renseignement financier », serait une bonne solution à ce problème. Un autre problème, selon Peter German, tient au fait que les avocats canadiens ne sont pas tenus de signaler les transactions douteuses, contrairement à de nombreux pays de l’Union européenne[106].

Selon Colin Sproul, il y a « un effort concerté » pour contrôler les prix du homard au quai, qui pourrait constituer un cartel. Pierre‑Yves Guay, sous-commissaire délégué, Direction des cartels, Bureau de la concurrence, a expliqué que la Loi sur la concurrence limite la possibilité de considérer les ententes orientées acheteurs comme une infraction pénale, mais qu’il existe des dispositions civiles en vertu de la Loi[107]. Anthony Durocher, sous‑commissaire, Direction générale de la promotion de la concurrence, Bureau de la concurrence, a ajouté que des consultations sont en cours au sujet de la Loi sur la concurrence, notamment sur les cartels d’achat[108].

Le témoin 3 est d’avis que le critère pour impliquer le Bureau de la concurrence est trop élevé puisque l’on peut acheter de nombreuses petites entreprises de pêche pour moins du seuil de 1,2 milliard de dollars[109].

Recommandation 7

Que le Centre d’analyse des opérations et déclarations financières du Canada (CANAFE) ait un droit de regard sur les transactions visant la vente et l’achat de bateaux, de permis et de quotas impliquant des comptes en fiducie au nom d’avocats afin de faciliter la détection des activités de blanchiment d’argent.

Recommandation 8

Que toute acquisition d’une valeur individuelle ou cumulative de 20 % ou plus de la part du marché par une société ou un propriétaire effectif donne lieu à un examen par le Bureau de la concurrence.

Conséquences pour les collectivités côtières

Paul Kariya a expliqué que, « [e]n général, les collectivités côtières sont de plus en plus privées de leurs droits sur les ressources auxquelles elles doivent leur existence[110] ». Tasha Sutcliffe croit que la propriété étrangère « joue sans aucun doute un rôle de premier plan » dans la détérioration des avantages que les collectivités côtières tirent de la pêche. Elle a décrit en ces termes les conséquences des politiques de délivrance des permis sur la côte Ouest :

Les pêcheries ferment, les bons équipages de pêche sont extrêmement difficiles à trouver, les capitaines courent des risques énormes et essaient tant bien que mal de rentabiliser leurs opérations pendant la saison. J’ajouterais que les nouveaux pêcheurs n’ont pas les moyens de s’intégrer à l’industrie. Ils se font de toute façon très rares. Nous perdons nos flottilles et les recettes tirées des poissons que nous débarquons nous glissent entre les doigts en grande partie parce que nous ne contrôlons plus l’accès[111].

Melissa Collier a parlé de la réduction des services offerts aux pêcheurs à Prince Rupert en raison de la réduction des activités de pêche, notamment la fermeture des douches et des buanderies, la fermeture du magasin d’électroniques maritimes et la conversion du magasin local d’équipement de pêche commerciale en équipement de pêche sportive. Selon elle, « lorsque les ressources des pêcheurs et les revenus de la pêche s’en vont ailleurs, cela ne contribue clairement pas à amener des fonds et des ressources dans la collectivité, à un point tel que l’ensemble de la collectivité a changé et ne soutient plus les pêcheurs grâce à ses infrastructures comme elle le faisait auparavant[112] ».

Des témoins ont parlé des difficultés à entrer sur le marché qu’éprouvent la jeune génération de pêcheurs et les nouveaux entrants à cause des coûts élevés des licences[113]. Cette difficulté est importante étant donné le vieillissement de la population de pêcheurs approchant de la retraite. En 2019, respectivement 40 %, 31 % et 45 % de la population active de pêcheurs de la Colombie‑Britannique, des Maritimes et de Terre‑Neuve avaient 55 ans et plus[114].

Paul Kariya a souligné à quel point il est important que les communautés autochtones aient accès aux pêches dans les régions de la Colombie‑Britannique où les peuples des Premières Nations représentent 50 % de la population, mais détiennent moins de 6 % de l’accès à la pêche commerciale dans la région :

La pêche fait partie intégrante de l’économie de toutes nos collectivités. Cependant, les régimes de délivrance des permis ont débouché sur la consolidation des permis entre les mains d’investisseurs et de sociétés, sans égard pour les populations côtières. La plupart des membres et des collectivités des Premières Nations côtières ont des possibilités économiques limitées autres que les pêches. Notre région côtière n’a pas le même avantage que les milieux urbains pour ce qui est de la diversité des possibilités économiques, des services ou des commodités. Étant donné l’éloignement des collectivités, le poisson est une source fondamentale de bien-être économique, culturel et social pour les Premières Nations. Par conséquent, un développement économique significatif pour les Premières Nations de cette région doit comprendre le rétablissement de notre accès aux pêches comme base de nos économies locales[115].

Andrew Olson a dit au Comité que :

Des programmes tels que la Stratégie de l’économie bleue, l’IPCIP [Initiative des pêches commerciales intégrées du Pacifique], l’IPCIN [Initiative des pêches commerciales intégrées du Nord], l’IPCIA [Initiative des pêches commerciales intégrées de l’Atlantique] et la Supergrappe de l’économie océanique devraient favoriser la croissance de l’ensemble de l’économie canadienne et soutenir les entreprises et les populations locales, autochtones et côtières,

et décrit les conséquences du coût croissant des permis :

Les programmes comme l’IPCIA, l’IPCIN et l’IPCIP tentent d’aider les peuples autochtones à pratiquer la pêche commerciale, mais ils doivent faire concurrence aux intérêts étrangers et à la spéculation, tout en dépensant l’argent des contribuables canadiens. Des fonds sont prévus dans les budgets, mais les prix continuent d’augmenter plus rapidement que le financement, et les groupes autochtones doivent trouver des façons de combler l’écart[116].

Le Comité souligne que l’augmentation des investissements étrangers et de la concentration des entreprises vont à l’encontre de l’objectif de réconciliation avec les peuples des Premières Nations et nuit à la transmission intergénérationnelle du savoir, des compétences, de la culture et des traditions ainsi qu’au mode de vie des pêcheurs autochtones.

Comme la reconstitution des stocks de poissons est un travail intensif et coûteux mobilisant des collectivités côtières autochtones et non autochtones ainsi que le gouvernement fédéral, Jennifer Silver a dit croire que « l’accès aux pêches et les bénéfices qui en découlent doivent relever directement de la gestion des pêches et des politiques en la matière, et non pas être laissés aux forces du marché », puisque « la science nous dit que cet investissement peut être payant pour les écosystèmes, les gens et le porte‑monnaie[117] ».

Le Comité croit qu’il est important de faire ressortir les inquiétudes soulevées par les témoins concernant le fait que le MPO ne tient pas compte des conséquences socioéconomiques de ses décisions, particulièrement en ce qui a trait à la propriété des permis et des quotas. Lorsque ce sont des populations locales qui exploitent et entretiennent les pêches, une valeur socioculturelle est créée, les populations locales peuvent en retirer des bienfaits économiques; et la transmission intergénérationnelle des connaissances, des compétences et de la culture est possible. La Politique du propriétaire exploitant trouve un équilibre entre les impacts socio-économiques et les objectifs en matière de conservation puisque, dans le cadre de cette politique, l’accès aux pêches doit rester entre les mains des pêcheurs indépendants locaux qui ont à cœur d’assurer la viabilité de la ressource publique qu’ils pêchent.

Recommandation 9

Que Pêches et Océans Canada reconnaisse, affirme et intègre le principe fondamental selon lequel les pêches du Canada sont un bien commun, et qu’à ce titre, les personnes et les collectivités du Canada qui vivent de la pêche devraient être les premières à en retirer les retombées.

Recommandation 10

Que Pêches et Océans Canada mette en place une approche écosystémique de gestion intégrée afin d’éviter d’être plutôt en réaction que dans l’action.

Recommandation 11

Que Pêches et Océans Canada établisse un cadre de réglementation qui facilite l’accès à la prochaine génération de pêcheurs et assure une saine gestion et la transmission intergénérationnelle en tenant compte des effets socioéconomiques sur les populations locales.

Souveraineté et sécurité alimentaires

Des témoins ont souligné l’importance des poissons et fruits de mer dans le contexte de la souveraineté et de la sécurité alimentaire. Melissa Collier a mentionné que nous exportons 90 % des poissons et fruits de mer que nous pêchons au Canada, alors qu’environ 80 % des poissons et fruits de mer consommés par les Canadiens sont importés et ne correspondent peut‑être même pas à ce qui est indiqué sur les étiquettes[118]. Selon Sonia Strobel,

[l]a pandémie et les chocs subséquents sur la chaîne d’approvisionnement ont révélé à quel point notre système alimentaire est vulnérable. C’est un simple fait que le Canadien moyen a difficilement accès aux fruits de mer canadiens, et les fruits de mer qu’il peut acheter proviennent souvent de pêches dont le bilan en matière d’environnement et de droits de la personne est bien pire que celui des produits canadiens. La concentration des permis et des quotas entre de moins en moins d’acteurs axés sur l’exportation est une grande partie du problème[119].

Des témoins ont demandé que l’on déclare les poissons et fruits de mer comme étant des ressources critiques ou stratégiques[120]. Colin Sproul a recommandé d’assurer également la souveraineté de la chaîne logistique[121]. Ian MacPherson, conseiller principal, Prince Edward Island Fishermen’s Association, a prévenu que

[l]es sociétés et pays étrangers ont nos ressources dans leur collimateur, et cette pression ne fera que s’intensifier. Au fur et à mesure que les zones mortes océans s’étendront, les produits de la mer qui nourrissent le monde proviendront de moins en moins de régions. Le gouvernement du Canada doit accorder la priorité à la souveraineté et à la sécurité alimentaires. Une fois que nous aurons perdu le contrôle de nos ressources, il sera très difficile, voire impossible, de le reprendre[122].

Recommandation 12

Que Pêches et Océans Canada reconnaisse qu’il est impératif de favoriser la souveraineté alimentaire dans le domaine de la pêche au Canada et que les différents ministères concernés collaborent davantage entre eux, afin de prioriser la sécurité et la souveraineté alimentaires et de conserver la culture et l’identité des collectivités côtières, tout en agissant en toute transparence.

Appels à l’action

Une solution propre à la Colombie-Britannique

Paul Kariya a reconnu que changer le système sur la côte Ouest ne serait pas chose facile et croit qu’il faudrait un « grand effort de réflexion et un raisonnement complexe » afin de déterminer quels aspects du système il faut modifier[123]. Brad Mirau, président et chef de la direction, Aero Trading Co. Ltd., a dit espérer qu’on se serve de « données fiables, de preuves et de consultations sérieuses auprès de toutes les parties touchées. Ainsi, les changements mettront fin aux torts que subissent les divers groupes dans la région du Pacifique[124]. »

Certains témoins, dont Emily Orr, Sonia Strobel et Tasha Sutcliffe, se sont dits favorables à l’idée de limiter la propriété et les investissements étrangers pour ce qui est des permis et des quotas et d’élaborer une politique du propriétaire‑exploitant et une politique de séparation de la flottille[125]. Des témoins ont convenu qu’un échéancier suffisant pour faire la transition et permettre aux investisseurs de céder leurs permis, comme la période de sept ans pour la mise en œuvre de la politique sur la PIFPCAC, s’imposerait[126]. Duncan Cameron est d’avis qu’une transition vers un régime de politiques du propriétaire‑exploitant et de séparation de la flottille aurait probablement peu d’effets négatifs sur les propriétaires cédants qui ne pêchent pas, car « la demande est si forte[127] ».

Des témoins, dont Christina Burridge et Sonia Strobel, ont appuyé une approche fondée sur le partage des risques et des avantages de la pêche, qui assurerait un pourcentage préalablement établi de la valeur des prises aux propriétaires et aux détenteurs des permis[128]. Melissa Collier s’est dite favorable à la séparation des permis appariés car elle permettrait à de nouveaux entrants d’accéder à la pêcherie et d’acquérir un permis[129]. Le MPO a tenté d’autoriser la séparation des permis cumulés dans plusieurs secteurs des pêches, mais s’est heurté à des divergences d’opinions; en effet,« les intervenants du secteur de la pêche ne voient pas tous du même œil les changements ainsi proposés, car certains ont investi de manière à pouvoir bénéficier de ces restrictions ou à acquérir un permis en fonction d’une certaine longueur de navire ou d’un possible cumul avec d’autres[130] ». Le MPO aimerait poursuivre le retrait du cumul des permis « dans certaines situations sans mettre en péril la performance de l’industrie sur le plan de la conservation[131] ».

Lorsqu’il a été question de l’imposition d’une interdiction visant tout nouveau transfert de permis et de quotas à des propriétaires effectifs étrangers, Shendra Melia, directrice générale, Commerce des services, propriété intellectuelle et investissement, AMC, a dit au Comité qu’une certaine souplesse a été négociée dans les accords commerciaux qui permet au gouvernement du Canada « de prendre des décisions relatives au traitement préférentiel des investisseurs et investissements canadiens[132] ». James Burns, directeur principal, Politique, ISDE, a prévenu que « l’adoption d’une approche de gros pour bloquer certains types d’investissements comporterait des risques pour la réputation du Canada comme destination d’investissement étranger dans de multiples secteurs[133] ».

Recommandation 13

Que le gouvernement du Canada établisse dès maintenant les processus de mise en œuvre décrits aux sections 3.4 et 3.5 du rapport présenté en 2021 par Gardner Pinfold Consultants Inc.

Recommandation 14

Que Pêches et Océans Canada noue un véritable dialogue et collabore avec les peuples autochtones par la mise en œuvre d’une politique du propriétaire‑exploitant propre à la Colombie‑Britannique.

Recommandation 15

Que la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne déclare que le ministère a l’intention d’évoluer vers un modèle de « partage équitable » des risques et des retombées entre les intervenants du revenu brut total de chaque pêche sur la côte Ouest.

Recommandation 16

Que Pêches et Océans Canada permette la séparation des permis appariés et établisse une commission d’échange de permis qui contribue à la propriété effective canadienne.

Permis de pêche communautaire

Gabriel Bourgault‑Faucher, chercheur, Institut de recherche en économie contemporaine, a suggéré que le MPO crée un programme pilote pour les permis de pêche communautaire pour les collectivités non autochtones. Il a expliqué ce qui suit :

[I]l faudrait idéalement délivrer de nouveaux permis pour des espèces émergentes ou des espèces en déplacement, comme le homard au Québec, plutôt que de viser les permis existants. Cela permettrait d’éviter un trop grand bouleversement des flottilles existantes. Par ailleurs, la gestion de ces permis communautaires devrait être strictement encadrée par voie réglementaire pour éviter les dérives, que ce soit en matière d’attribution de contrats entre les pêcheurs ou de commercialisation des captures. Il est nécessaire de garantir une saine gestion pour que le dispositif fonctionne bien[134].

Dans le cadre d’un tel programme pilote de permis de pêche communautaire pour les communautés non autochtones « les pêcheurs seraient embauchés par contrat par la communauté. Les profits seraient partagés équitablement selon les modalités du contrat entre les deux parties, c’est-à-dire la communauté et les pêcheurs. La communauté déciderait ensuite où investir sa part des profits. Cela pourrait être dans le développement de ses activités de pêche » ou dans d’autres secteurs, comme les infrastructures de transport, le logement ou les services publics[135].

Recommandation 17

Que Pêches et Océans Canada lance un appel de manifestations d'intérêt auprès d'un nombre limité de communautés prêtes à s'engager dans un programme pilote visant à tester la viabilité d’un permis communautaire. Le projet pilote spécifique à une communauté devrait viser une zone spécifique et une espèce spécifique dans une pêche émergeante.

Commission de prêts aux pêcheurs

Melissa Collier est d’avis qu’une commission de prêts aux pêcheurs pourrait contribuer à assurer l’indépendance des propriétaires‑exploitants[136]. Richard Williams a mentionné qu’une commission nationale de prêt, semblable à celle d’Agriculture et Agroalimentaire Canada, Financement agricole Canada, pourrait aider les pêcheurs à se procurer des permis de pêche ou à y avoir accès[137].

Recommandation 18

Que le gouvernement du Canada établisse, dans un délai de cinq ans, un organisme indépendant de financement de la pêche, semblable à Crédit agricole Canada, pourvu d’une tolérance suffisante au risque destiné à financer et à encadrer les nouveaux venus afin de leur permettre d’acquérir des permis et des quotas, et à refinancer les titulaires de permis existants afin qu’ils s’affranchissent des fiducies illégales et des ententes d’approvisionnement conclues avec des transformateurs de poisson.

Collaboration avec les provinces

Ce sont les provinces qui délivrent les permis aux acheteurs de poissons et aux installations de transformation du poisson et des fruits de mer. Chaque province a établi sa propre loi à cet égard[138]. Selon Greg Pretty, les politiques provinciales de délivrance des permis devraient favoriser une pêche harmonieuse, qui empêche que le contrôle se déplace vers des intérêts étrangers et qui permet la négociation d’un prix adéquat avec les pêcheurs[139]. Claudio Bernatchez a parlé du fait que des intérêts étrangers sont déjà propriétaires de deux usines de transformation de la crevette dans l’Est du Québec ainsi que des tentatives déployées afin d’obtenir des permis de transformation de diverses espèces. Il a dit au Comité que les usines de transformation étrangères « peu[ven]t élargir [leurs] activités en sol canadien, d’autant plus que la transformation est de compétence provinciale[140] ». Colin Sproul a reconnu que la délivrance de permis aux acheteurs et aux transformateurs de poisson en Nouvelle-Écosse relève de la province, mais a dit croire que « le gouvernement fédéral a un rôle à y jouer, particulièrement quand il s’agit de propriété étrangère. Il me semble qu’à ce stade, il revient au gouvernement fédéral de défendre les Canadiens et les provinces de l’Atlantique[141]. »

Recommandation 19

Que la ministre des Pêches, des Océans et de la Garde côtière canadienne élabore une stratégie avec ses homologues provinciaux, en respectant la compétence des provinces, afin de réduire la propriété étrangère et la concentration des entreprises aux deux niveaux de responsabilités.

Conclusion

Le Comité souligne les risques qu’entraîne l’inaction à l’égard de la propriété étrangère et de la concentration des entreprises, comme les a résumés Greg Pretty :

Nous nous demandons si l’avenir nous donnera une pêche dynamique et durable — composée de milliers de petites entreprises de pêche qui contribueront comme maintenant au riche tissu culturel et à l’économie de notre pays — ou une pêche qui sera contrôlée par une poignée d’entreprises, transformée à l’étranger ou à l’international — ce qui privera de nos riches ressources durables les collectivités avoisinantes qui en dépendent — au service des intérêts d’un autre pays[142].

Le Comité a pris connaissance des conséquences des investissements étrangers et de la concentration des entreprises sur les moyens de subsistance des pêcheurs, les communautés côtières et la souveraineté alimentaire du Canada. Le Comité croit que les ressources des océans qui bordent le Canada doivent bénéficier d’abord et avant tout aux populations côtières canadiennes qui en dépendent. Une attention doit être portée aux conséquences croissantes des investissements étrangers et de la concentration des entreprises avant que l’accès aux produits de la mer canadiens ne soit contrôlé par les conseils d’administration au Canada ou à l’étranger plutôt que par les pêcheurs canadiens.


[1]                  Chambre des communes, Comité permanent des pêches et des océans, Procès-verbal, 20 janvier 2022.

[3]                  Richard Williams, directeur de recherche, Conseil canadien des pêcheurs professionnels, Témoignages, 29 mai 2023.

[4]                  Statistique Canada, « Tableau 98-10-0412-01 : Statistiques du revenu d’emploi, selon la profession, le principal domaine d’études et le plus haut niveau de scolarité : Canada », base de données, consultée le 24 octobre 2023.

Selon la Classification nationale des professions (CNP) utilisée par Statistique Canada en 2021, les capitaines et les officiers de bateaux de pêche (CNP 83120) « gèrent et exploitent des bateaux de pêche des bâtiments de pêche d'une jauge brute de plus de 100 [tonnes], en eau douce et en eau salée, afin de rechercher et de hisser à bord des poissons et d'autres animaux marins. Ils travaillent dans des entreprises qui exploitent des navires de pêche commerciale. » Exemples : capitaine de bateau de pêche en haute mer, capitaine de bateau de pêche et capitaines de chalutier. Les pêcheurs indépendants (CNP 83121) « exploitent des bâtiments de pêche de moins de cent [tonnes] en vue de rechercher et de pêcher le poisson et autres animaux marins. Ils sont habituellement des travailleurs autonomes et exploitants de bâtiments de pêche. » Exemples : pêcheur/pêcheuse de homard, pêcheur côtier/pêcheuse côtière, patron/patronne de bâtiment de pêche et pêcheur/pêcheuse sur senneur. Les matelots de pont sur les bateaux de pêche (NCP 84121) « exécutent diverses tâches manuelles pendant les voyages de pêche commerciale et font l’entretien des bateaux de pêche. Ils travaillent dans des entreprises qui exploitent des bateaux de pêche commerciale et pour des pêcheurs indépendants. » Exemples : homme/femme d’équipage de bateau de pêche, matelot de pont sur bateau de pêche, glaceur/glaceuse sur bateau de pêche. Voir : Statistique Canada, Classification nationale des professions (CNP) 2021 version 1.0.

[5]                  Greg Pretty, président, Fish, Food and Allied Workers Union, Témoignages, 8 mai 2023.

[6]                  Tasha Sutcliffe, conseillère principale en politique, Pêches, Ecotrust Canada, Témoignages, 11 mai 2023.

[7]                  Colin Sproul, président, Bay of Fundy Inshore Fishermen’s Association, Témoignages, 15 mai 2023.

[8]                  Mark Waddell, directeur général, Politique des pêches, MPO, Témoignages, 8 mai 2023.

[9]                  Ibid.

[10]               Ibid.

[11]               Règlement modifiant certains règlements pris en vertu de la Loi sur les pêches, 6 juillet 2019, dans la Partie I de la Gazette du Canada, 6 juillet 2019.

[12]               En 2020, la Politique de délivrance de permis aux entreprises a été incorporée à la Politique d’émission des permis pour la pêche commerciale dans l’Est du Canada (art. 15.3).

[13]               Doug Wentzell, directeur général régional, Région des Maritimes, MPO, Témoignages, 8 mai 2023.

[14]               Mark Waddell, directeur général, Politiques des pêches, MPO, Témoignages, 8 mai 2023.

[15]               Rashid Sumaila, « How to Make Individual Transferable Quotas Work Economically, Socially, and Environmentally », Oxford Research Encyclopedia of Environmental Science, 20 novembre 2018.

[16]               Paul Kariya, conseiller principal en politique, Coastal First Nations Great Bear Initiative, Témoignages, 8 mai 2023.

[17]               Paul Kariya, conseiller principal en politique, Coastal First Nations Great Bear Initiative, Témoignages, 8 mai 2023; Sonia Strobel, cofondatrice et chef de la direction, Skipper Otto Community Supported Fishery, Témoignages, 18 mai 2023; et Villy Christensen, professeur, à titre personnel, Témoignages, 18 mai 2023.

[18]               Christina Burridge, directrice exécutive, BC Seafood Alliance, Témoignages, 8 mai 2023.

[19]               Neil Davis, directeur régional, Direction de la gestion des pêches, Région du Pacifique, MPO, Témoignages, 5 juin 2023.

[20]               Ibid.

[21]               Ibid.

[22]               Emily Orr, déléguée syndicale, United Fishermen and Allied Workers’ Union – Unifor, Témoignages, 11 mai 2023; Sonia Strobel, cofondatrice et chef de la direction, Skipper Otto Community Supported Fishery, Témoignages, 18 mai 2023; et Villy Christensen, professeur, à titre personnel, Témoignages, 18 mai 2023.

[23]               Témoin 1, 15 mai 2023.

[24]               Duncan Cameron, directeur, British Columbia Crab Fishermen’s Association, Témoignages, 1er juin 2023.

[25]               Paul Kariya, conseiller principal en politique, Coastal First Nations Great Bear Initiative, Témoignages, 8 mai 2023.

[26]               Emily Orr, déléguée syndicale, United Fishermen and Allied Workers’ Union – Unifor, Témoignages, 11 mai 2023.

[27]               Villy Christensen, professeur, à titre personnel, Témoignages, 18 mai 2023.

[28]               Villy Christensen, professeur, à titre personnel, Témoignages, 18 mai 2023; et Richard Williams, directeur de recherche, Conseil canadien des pêcheurs professionnels, Témoignages, 29 mai 2023.

[29]               Melissa Collier, pêcheuse, West Coast Wild Scallops, Témoignages, 29 mai 2023.

[30]               Neil Davis, directeur régional, Direction de la gestion des pêches, Région du Pacifique, MPO, Témoignages, 5 juin 2023.

[31]               Mark Waddell, directeur général, Politiques des pêches, MPO, Témoignages, 8 mai 2023.

[32]               Mark Waddell, directeur général, Politiques des pêches, MPO, Témoignages, 5 juin 2023.

[33]               Ibid.

[34]               Mark Waddell, directeur général, Politiques des pêches, MPO, Témoignages, 8 mai 2023.

[35]               Ibid.

[36]               Ibid.

[37]               Ibid. En septembre 2023, le MPO a publié les résultats du Sondage sur la propriété effective. Voir : MPO, Résultats du sondage de 2022 sur la propriété effective.

[38]               Témoin 3, 15 mai 2023.

[39]               Paul Kariya, conseiller principal en politique, Coastal First Nations Great Bear Initiative, Témoignages, 8 mai 2023; et Brad Mirau, président et chef de la direction, Aero Trading Co. Ltd., Témoignages, 18 mai 2023.

[40]               Emily Orr, déléguée syndicale, United Fishermen and Allied Workers’ Union – Unifor, Témoignages, 11 mai 2023; Tasha Sutcliffe, conseillère principale en politique, Pêches, Ecotrust Canada, Témoignages, 11 mai 2023; Andrew Olson, directeur général, Nuu-chah-nulth Seafood Limited Partnership, Témoignages, 11 mai 2023; Sonia Strobel, cofondatrice et cheffe de la direction, Skipper Otto Community Supported Fishery, Témoignages, 18 mai 2023; Melissa Collier, pêcheuse, West Coast Wild Scallops, Témoignages, 29 mai 2023; et Richard Williams, directeur de recherche, Conseil canadien des pêcheurs professionnels, Témoignages, 29 mai 2023.

[41]               Sonia Strobel, cofondatrice et chef de la direction, Skipper Otto Community Supported Fishery, Témoignages, 18 mai 2023.

[42]               Emily Orr, déléguée syndicale, United Fishermen and Allied Workers’ Union – Unifor, Témoignages, 11 mai 2023.

[43]               Andrew Olson, directeur général, Nuu-chah-nulth Seafood Limited Partnership, Témoignages, 11 mai 2023.

[44]               Mark Waddell, directeur général, Politiques des pêches, MPO, Témoignages, 5 juin 2023.

[45]               Ibid.

[46]               Neil Davis, directeur régional, Direction de la gestion des pêches, Région du Pacifique, MPO, Témoignages, 8 mai 2023.

[47]               Neil Davis, directeur régional, Direction de la gestion des pêches, Région du Pacifique, MPO, Témoignages, 5 juin 2023.

[48]               Témoin 1, 15 mai 2023.

[49]               Ibid.

[50]               Paul Kariya, conseiller principal en politique, Coastal First Nations Great Bear Initiative, Témoignages, 8 mai 2023.

[51]               Greg Pretty, président, Fish, Food and Allied Workers Union, Témoignages, 8 mai 2023.

[52]               Tasha Sutcliffe, conseillère principale en politique, Pêches, Ecotrust Canada, Témoignages, 11 mai 2023.

[53]               Sonia Strobel, cofondatrice et chef de la direction, Skipper Otto Community Supported Fishery, Témoignages, 18 mai 2023.

[54]               Mark Waddell, directeur général, Politiques des pêches, MPO, Témoignages, 8 mai 2023.

[55]               Emily Orr, déléguée syndicale, United Fishermen and Allied Workers’ Union – Unifor, Témoignages, 11 mai 2023; et Tasha Sutcliffe, conseillère principale en politique, Pêches, Ecotrust Canada, Témoignages, 11 mai 2023.

[56]               Paul Lansbergen, président, Conseil canadien des pêches, Témoignages, 11 mai 2023.

[57]               Christina Burridge, directrice exécutive, BC Seafood Alliance Témoignages, 8 mai 2023.

[58]               Jennifer Silver, professeure associée, University of Guelph, à titre personnel, Témoignages, 11 mai 2023.

[59]               James Burns, directeur principal, Politique, Innovation, Sciences et Développement économique Canada (ISDE), Témoignages, 1er juin 2023.

[60]               Paul Lansbergen, président, Conseil canadien des pêches, Témoignages, 11 mai 2023.

[61]               Témoin 3, 15 mai 2023 [Traduction].

[62]               Anthony Durocher, sous-commissaire, Direction générale de la promotion de la concurrence, Bureau de la concurrence, Témoignages, 1er juin 2023.

[63]               Ibid.

[64]               Ian MacPherson, conseiller principal, Prince Edward Island Fishermen’s Association, Témoignages, 15 mai 2023.

[65]               Anthony Durocher, sous-commissaire, Direction générale de la promotion de la concurrence, Bureau de la concurrence, Témoignages, 1er juin 2023.

[66]               Greg Pretty, président, Fish, Food and Allied Workers Union, Témoignages, 8 mai 2023.

[67]               Colin Sproul, président, Bay of Fundy Inshore Fishermen’s Association, Témoignages, 15 mai 2023.

[68]               Greg Pretty, président, Fish, Food and Allied Workers Union, Témoignages, 8 mai 2023.

[69]               Carey Bonnell, vice-président, Développement durable et engagement, Ocean Choice International L.P., Témoignages, 15 mai 2023.

[70]               Greg Pretty, président, Fish, Food and Allied Workers Union, Témoignages, 8 mai 2023.

[71]               Colin Sproul, président, Bay of Fundy Inshore Fishermen’s Association, Témoignages, 15 mai 2023.

[72]               Jennifer Mooney, directrice, Opérations d’octroi de licences, MPO, Témoignages, 8 mai 2023.

[73]               Mark Waddell, directeur général, Politiques des pêches, MPO, Témoignages, 8 mai 2023.

[74]               Greg Pretty, président, Fish, Food and Allied Workers Union, Témoignages, 8 mai 2023.

[75]               Claudio Bernatchez, directeur général, Association des capitaines-propriétaires de la Gaspésie,Témoignages, 15 mai 2023.

[76]               Ibid.

[78]               Colin Sproul, président, Bay of Fundy Inshore Fishermen’s Association, Témoignages, 15 mai 2023.

[79]               Clearwater Seafods, Étude des questions relatives aux investissements étrangers et à la concentration en matière de permis et de quotas de pêches, réponse écrite au Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes, 24 mai 2023.

[80]               Colin Sproul, président, Bay of Fundy Inshore Fishermen’s Association, Témoignages, 15 mai 2023.

[81]               Ibid.

[82]               Ibid.

[83]               Ibid.

[84]               Ibid.

[85]               Neil Davis, directeur régional, Direction de la gestion des pêches, Région du Pacifique, MPO, Témoignages, 8 mai 2023.

[86]               Tasha Sutcliffe, conseillère principale en politique, Pêches, Ecotrust Canada, Témoignages, 11 mai 2023.

[87]               Jennifer Silver, professeure associée, University of Guelph, à titre personnel, Témoignages, 11 mai 2023.

[88]               Tasha Sutcliffe, conseillère principale en politique, Pêches, Ecotrust Canada, Témoignages, 11 mai 2023.

[89]               Sonia Strobel, cofondatrice et chef de la direction, Skipper Otto Community Supported Fishery, Témoignages, 18 mai 2023.

[90]               Ibid.

[91]               Tasha Sutcliffe, conseillère principale en politique, Pêches, Ecotrust Canada, Témoignages, 11 mai 2023.

[92]               Kyle Louis, vice-président, United Fishermen and Allied Workers’ Union – Unifor, Témoignages, 11 mai 2023.

[93]               Emily Orr, déléguée syndicale, United Fishermen and Allied Workers’ Union – Unifor, Témoignages, 11 mai 2023.

[94]               Paul Kariya, conseiller principal en politique, Coastal First Nations Great Bear Initiative, Témoignages, 8 mai 2023.

[95]               Ibid.

[96]               Ibid.

[97]               Emily Orr, déléguée syndicale, United Fishermen and Allied Workers’ Union – Unifor, Témoignages, 11 mai 2023.

[98]               Sonia Strobel, cofondatrice et chef de la direction, Skipper Otto Community Supported Fishery, Témoignages, 18 mai 2023; et Melissa Collier, pêcheuse, West Coast Wild Scallops, Témoignages, 29 mai 2023.

[99]               Villy Christensen, professeur, à titre personnel, Témoignages, 18 mai 2023; et Sonia Strobel, cofondatrice et chef de la direction, Skipper Otto Community Supported Fishery, Témoignages, 18 mai 2023.

[100]             Paul Kariya, conseiller principal en politique, Coastal First Nations Great Bear Initiative, Témoignages, 8 mai 2023.

[101]             Tasha Sutcliffe, conseillère principale en politique, Pêches, Ecotrust Canada, Témoignages, 11 mai 2023.

[102]             Christina Burridge, directrice exécutive, BC Seafood Alliance, Témoignages, 8 mai 2023.

[103]             Peter German, président du comité consultatif, Institut de lutte contre la corruption de Vancouver, Témoignages, 29 mai 2023.

[104]             Tasha Sutcliffe, conseillère principale en politique, Pêches, Ecotrust Canada, Témoignages, 11 mai 2023.

[105]             Neil Davis, directeur régional, Direction de la gestion des pêches, Région du Pacifique, MPO, Témoignages, 5 juin 2023.

[106]             Peter German, président du comité consultatif, Institut de lutte contre la corruption de Vancouver, Témoignages, 29 mai 2023.

[107]             Pierre‑Yves Guay, sous-commissaire délégué, Direction des cartels, Bureau de la concurrence, Témoignages, 1er juin 2023.

[108]             Anthony Durocher, sous-commissaire, Direction générale de la promotion de la concurrence, Bureau de la concurrence, Témoignages, 1er juin 2023.

[109]             Témoin 3, 15 mai 2023.

[110]             Paul Kariya, conseiller principal en politique, Coastal First Nations Great Bear Initiative, Témoignages, 8 mai 2023.

[111]             Tasha Sutcliffe, conseillère principale en politique, Pêches, Ecotrust Canada, Témoignages, 11 mai 2023.

[112]             Melissa Collier, pêcheuse, West Coast Wild Scallops, Témoignages, 29 mai 2023.

[113]             Greg Pretty, président, Fish, Food and Allied Workers Union, Témoignages, 8 mai 2023; Tasha Sutcliffe, conseillère principale en politique, Pêches, Ecotrust Canada, Témoignages, 11 mai 2023; Claudio Bernatchez, directeur général, Association des capitaines-propriétaires de la Gaspésie,Témoignages, 15 mai 2023; et Villy Christensen, professeur, à titre personnel, Témoignages, 18 mai 2023.

[114]             Richard Williams, directeur de recherche, Conseil canadien des pêcheurs professionnels, Témoignages, 29 mai 2023.

[115]             Paul Kariya, conseiller principal en politique, Coastal First Nations Great Bear Initiative, Témoignages, 8 mai 2023.

[116]             Andrew Olson, directeur général, Nuu-chah-nulth Seafood Limited Partnership, Témoignages, 11 mai 2023.

[117]             Jennifer Silver, professeure associée, Université de Guelph, à titre personnel, Témoignages, 11 mai 2023.

[118]             Melissa Collier, pêcheuse, West Coast Wild Scallops, Témoignages, 29 mai 2023.

[119]             Sonia Strobel, cofondatrice et chef de la direction, Skipper Otto Community Supported Fishery, Témoignages, 18 mai 2023.

[120]             Jennifer Silver, professeure associée, University of Guelph, à titre personnel, Témoignages, 11 mai 2023; Andrew Olson, directeur général, Nuu-chah-nulth Seafood Limited Partnership, Témoignages, 11 mai 2023; Molly Aylward, directrice exécutive, Prince Edward Island Fishermen’s Association, Témoignages, 15 mai 2023; Témoin 2, 15 mai 2023; et Ian MacPherson, conseiller principal, Prince Edward Island Fishermen’s Association, Témoignages, 15 mai 2023.

[121]             Colin Sproul, président, Bay of Fundy Inshore Fishermen’s Association, Témoignages, 15 mai 2023.

[122]             Ian MacPherson, conseiller principal, Prince Edward Island Fishermen’s Association, Témoignages, 15 mai 2023.

[123]             Paul Kariya, conseiller principal en politique, Coastal First Nations Great Bear Initiative, Témoignages, 8 mai 2023.

[124]             Brad Mirau, président et chef de la direction, Aero Trading Co. Ltd., Témoignages, 18 mai 2023.

[125]             Tasha Sutcliffe, conseillère principale en politique, Pêches, Ecotrust Canada, Témoignages, 11 mai 2023; Emily Orr, déléguée syndicale, United Fishermen and Allied Workers’ Union – Unifor, Témoignages, 11 mai 2023; et Sonia Strobel, cofondatrice et chef de la direction, Skipper Otto Community Supported Fishery, Témoignages, 18 mai 2023.

[126]             Emily Orr, déléguée syndicale, United Fishermen and Allied Workers’ Union – Unifor, Témoignages, 11 mai 2023; et Melissa Collier, pêcheuse, West Coast Wild Scallops, Témoignages, 29 mai 2023.

[127]             Duncan Cameron, directeur, British Columbia Crab Fishermen’s Association, Témoignages, 1er juin 2023.

[128]             Christina Burridge, directrice exécutive, BC Seafood Alliance Témoignages, 8 mai 2023; et Sonia Strobel, cofondatrice et chef de la direction, Skipper Otto Community Supported Fishery, Témoignages, 18 mai 2023.

[129]             Melissa Collier, pêcheuse, West Coast Wild Scallops, Témoignages, 29 mai 2023.

[130]             Neil Davis, directeur régional, Direction de la gestion des pêches, Région du Pacifique, MPO, Témoignages, 5 juin 2023.

[131]             Ibid.

[132]             Shendra Melia, directrice générale, Commerce des services, propriété intellectuelle et investissement, Affaires mondiales Canada, Témoignages, 1er juin 2023.

[133]             James Burns, directeur principal, Politique, ISDE, Témoignages, 1er juin 2023.

[134]             Gabriel Bourgault‑Faucher, chercheur, Institut de recherche en économie contemporaine, Témoignages, 29 mai 2023.

[135]             Ibid.

[136]             Melissa Collier, pêcheuse, West Coast Wild Scallops, Témoignages, 29 mai 2023.

[137]             Richard Williams, directeur de recherche, Conseil canadien des pêcheurs professionnels, Témoignages, 29 mai 2023.

[138]             Mark Waddell, directeur général, Politiques des pêches, MPO, Témoignages, 8 mai 2023.

[139]             Greg Pretty, président, Fish, Food and Allied Workers Union, Témoignages, 8 mai 2023.

[140]             Claudio Bernatchez, directeur général, Association des capitaines-propriétaires de la Gaspésie, Témoignages, 15 mai 2023.

[141]             Colin Sproul, président, Bay of Fundy Inshore Fishermen’s Association, Témoignages, 15 mai 2023.

[142]             Greg Pretty, président, Fish, Food and Allied Workers Union, Témoignages, 8 mai 2023.