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Madame la Présidente, je propose que le premier rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, présenté le jeudi 7 avril 2022, soit adopté.
Tout d'abord, je veux remercier mon caucus d'avoir prévu ce créneau pour que je puisse présenter cette motion d'adoption du rapport, et je souhaite aussi remercier plus particulièrement les députées de et de , avec lesquelles je continue de collaborer très étroitement sur les enjeux relatifs à la lutte contre la violence faite aux femmes.
Au Parlement, l'unanimité est plutôt rare. Cependant, tous les partis s'entendent sur la nécessité de lutter contre la violence faite aux femmes. Le rapport en question et ses recommandations ont, à deux reprises, reçu l'appui de tous les partis au comité de la justice.
Les statistiques sur la violence contre les femmes au Canada sont choquantes, et elles démontrent clairement que la violence entre partenaires intimes est un problème croissant. Au début de la pandémie, des fournisseurs de services de première ligne et des policiers dans ma circonscription m'ont dit que les appels concernant des cas de violence familiale avaient augmenté de plus de 30 %. Malheureusement, cela se passe dans l'ensemble du pays, et le taux de violence n'a pas diminué, même après l'atténuation des mesures de lutte contre la pandémie.
Encore aujourd'hui, une femme est tuée par son partenaire intime tous les six jours au Canada. Plus de 40 % des femmes — ce qui représente plus de 6 millions de Canadiennes — ont déclaré avoir subi une forme quelconque de violence psychologique, physique ou sexuelle dans le cadre d'une relation intime au cours de leur vie, et les femmes marginalisées sont les plus durement touchées. Le pourcentage de femmes autochtones qui ont signalé des incidents de violence s'élève à 61 %. Pour les femmes handicapées, c'est 55 %. Pour les femmes trans, bisexuelles ou lesbiennes, le pourcentage dépasse 67 %. Alors que les femmes autochtones constituent 5 % de la population, elles représentent 21 % de toutes les femmes tuées par un partenaire intime.
Ériger en infraction criminelle les comportements coercitifs et contrôlants ne revient pas vraiment à ajouter une nouvelle infraction au Code criminel. Plutôt, il s'agit de reconnaître que ce type de comportements est, en lui-même, une forme de violence. Il s'agit d'en arriver à ce que les victimes puissent obtenir de l'aide avant de subir de la violence physique au lieu de les obliger à attendre les ecchymoses et les fractures. Étant donné que le féminicide dans le cadre d'une relation intime est presque toujours précédé de comportements coercitifs et contrôlants, ce changement sauvera des vies.
Nous devrions aussi être conscients des répercussions que la violence entre partenaires intimes a sur la société canadienne en général. Elle ne concerne pas seulement les personnes qui s'en tirent, mais également les familles et, en particulier, les enfants. Leur sécurité physique et leur santé mentale s'en ressentent.
J'exhorte tous les députés à soutenir cette motion d'adoption, la mesure législative nécessaire lorsqu'elle sera présentée plus tard au cours de la session et les autres recommandations importantes du rapport. Montrons aux Canadiens que nous sommes tous unis et que nous sommes déterminés à mettre fin à la violence contre les femmes dans notre pays.
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Monsieur le Président, je suis ravi de prendre la parole au sujet du rapport du Comité permanent de la justice et des droits de la personne intitulé « La pandémie de l'ombre: mettre fin aux comportements coercitifs et contrôlants dans les relations intimes ». Je remercie les particuliers et les organismes qui sont venus témoigner devant le Comité dans le cadre de son étude sur cette question très importante. Je félicite le Comité de son rapport très complet. J'aimerais également remercier mon collègue d' de tout son travail dans ce dossier.
La lutte contre la violence fondée sur le sexe, sous toutes ses formes, demeure une priorité pour le gouvernement et le . Cette conversation arrive à point puisque la Journée internationale des femmes a eu lieu cette semaine. Le contrôle coercitif dans les relations intimes, qu'on appelle également comportements coercitifs et contrôlants, est une forme insidieuse de violence contre un partenaire intime qui, souvent, précède la violence physique. L'agresseur adopte, avec le temps, des comportements contrôlants, éliminant le sentiment de liberté de la victime. Les agresseurs utilisent un vaste éventail de comportements contrôlants. Par exemple, ils isolent la victime de ses parents et amis, surveillent et contrôlent ses activités et ses finances ou menacent, rabaissent, humilient ou agressent la victime. Le contrôle coercitif met l'accent sur les effets cumulatifs du comportement de l'agresseur sur la victime.
Bien que nous sachions que tout le monde peut être victime de la violence entre partenaires intimes, les victimes sont le plus souvent des femmes, et cette violence est généralement perpétrée par des hommes. En 2021, huit victimes sur dix étaient des femmes et des filles, et le taux de victimisation était presque quatre fois plus élevé chez les femmes et les filles que chez les hommes et les garçons. Il faut également se rappeler que beaucoup d'agressions ne sont pas signalées à la police. En effet, la sous-déclaration de certains types de violence, notamment la violence entre partenaires intimes, est bien établie.
Les Autochtones sont deux fois plus susceptibles de subir de la violence conjugale que les non-Autochtones. Environ six femmes autochtones sur dix ont subi une forme ou une autre de violence entre partenaires intimes au cours de leur vie, et quatre sur dix ont subi de la violence physique de la part d'un partenaire intime au cours de leur vie. Plus précisément, 43 % des femmes des Premières Nations, 48 % des femmes métisses et 35 % des femmes inuites ont subi des agressions physiques et sexuelles de la part d'un partenaire intime au cours de leur vie.
L'Organisation mondiale de la Santé considère que la violence entre partenaires intimes est un grave problème de santé publique et une violation des droits des femmes qui a des répercussions profondes, immédiates et à long terme sur les victimes et qui nécessite une approche multisectorielle. La violence fondée sur le sexe est inacceptable et elle n'a pas sa place au Canada. Elle constitue aussi un obstacle majeur à l'atteinte de l'égalité entre les hommes et les femmes.
Je tiens à signaler qu'à l'automne 2022, le a soulevé les recommandations du comité lors de la réunion fédérale-provinciale-territoriale des ministres de la Justice et de la Sécurité publique, et que les fonctionnaires fédéraux se sont engagés avec leurs homologues provinciaux et territoriaux à ériger en infraction le comportement de contrôle coercitif, ce qui fait suite à l'une de ces recommandations. Pour ma part, je serai curieux de connaître les résultats de cette collaboration avec les provinces et les territoires. En fait, ils auront une expérience précieuse à apporter dans ce dossier, vu qu'ils sont responsables de l'administration de la justice, notamment des enquêtes et des poursuites relatives aux infractions criminelles.
Encore une fois, je tiens à remercier mon collègue de la discussion qui a lieu aujourd'hui. Je suis impatient de poursuivre le travail avec lui et tous les parlementaires sur cette question très importante.
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Monsieur le Président, c'est toujours un plaisir de prendre la parole au nom des habitants de Kamloops—Thompson—Cariboo. Je ne prévoyais pas intervenir aujourd'hui. Je sais que je dispose de 20 minutes, alors si la présidence me le permet, j'aimerais faire quelques salutations rapides.
La première s'adresse à ma nièce, Juliana Bradley. Elle est née il y a 23 ans. J'étais étudiant en criminologie et j'avais une épaisse chevelure à cette époque. Je me souviens encore de cette nuit où j'ai quitté l'Université Simon Fraser pour me rendre à l'hôpital, à Kamloops, en autobus Greyhound. On ne peut plus plus voyager par autobus Greyhound maintenant. Juliana a 23 ans aujourd'hui, et nous sommes fiers de la jeune femme qu'elle est devenue. Elle est une force de la nature, et je suis fier d'être son oncle. Par votre entremise, monsieur le Président, je souhaite un joyeux anniversaire de naissance à Juliana.
Le deuxième hommage que je souhaite rendre nous ramène au moment où j'étais coincé à l'aéroport de Toronto, tôt lundi matin. Ma femme et moi n'avions pas de vol, car nous avions manqué notre vol pour Ottawa. Julie et Bernard Caravelles ont loué une minifourgonnette et nous ont emmenés à Ottawa au milieu de la nuit. Nous sommes arrivés vers 5 h 30 ou 6 h. Ils sont tous deux fonctionnaires à la retraite. Ils ont tous deux travaillé pour le gouvernement canadien. Il s'est avéré que Julie et moi avions une connaissance en commun, car nous avons tous les deux été agents de libération conditionnelle il y a plusieurs années. Julie et Bernard ne nous connaissaient pas du tout, mais ils ont eu la générosité de s'ouvrir à nous, de parfaits inconnus, et de nous emmener dans leur véhicule. C'est ce type de générosité qui, à mon avis, définit le Canada. Je voulais prendre une minute pour le souligner. Je remercie Julie et Bernard, qui sont maintenant nommés dans le hansard.
Aujourd'hui, je vais surtout parler avec mon cœur. Je ne savais pas que j'allais faire un discours sur ce sujet lorsque je suis arrivé, donc une grande partie de ce que mes collègues vont entendre vient essentiellement du cœur. J'ai pris quelques notes. Je voudrais parler de la question plus large de la violence entre partenaires intimes qui est spécifiquement abordée dans ce rapport. Je n'étais pas député lors de la 43e législature, mais je le suis évidemment aujourd'hui. C'est un plaisir et un honneur de siéger, depuis peu, au comité de la justice.
Nous parlons du rapport que mon collègue a présenté à la Chambre. Nous nous penchons sur la violence entre partenaires intimes et, dans ce contexte, nous débattons plus particulièrement des comportements contrôlants et coercitifs. Selon moi, lorsqu'on examine cette question, il faut reconnaître que ce type de comportement touche tous les groupes socioéconomiques. Ce n'est pas quelque chose qui arrive uniquement chez les pauvres ou chez les riches derrière des portes closes. Ces comportements touchent tous les groupes. Dans les milieux aisés, il se peut qu'on en parle moins souvent, mais cela ne signifie pas que ces comportements ce sont pas présents. Dans ces cas-là, ils sont peut-être moins signalés. C'est ce qui fait de la violence entre partenaires intimes un sous-ensemble unique d'infractions. La conduite avec facultés affaiblies en est une autre, mais il existe peu d'infractions qui touchent vraiment tous les groupes et qui ont des répercussions sur autant de groupes socioéconomiques que la violence entre partenaires intimes.
Il s'agit d'une question que le Parlement doit prendre au sérieux. J'en ai peut-être même parlé dans le premier discours que j'ai prononcé à la Chambre des communes. Lorsque nous parlons de ce sujet, je fais souvent référence à ma femme. C'est ma douce moitié et elle est beaucoup plus intelligente que moi.
M. Kevin Lamoureux: Personne de ce côté-ci ne contestera les dires du député.
M. Frank Caputo: Monsieur le Président, comme l'a dit mon collègue derrière moi, elle est effectivement bien meilleure que moi et ledéputé de Winnipeg ne le nie pas. Elle est bien plus belle. Je ne sais pas si le député le contesterait. Je tiens à préciser qu'il a simplement levé les bras au ciel. Elle est bien plus intelligente, bien plus sage et bien plus charmante que moi, et je lui suis redevable du travail qu'elle accomplit. Elle m'a raconté des histoires au sujet de femmes terrifiées qui viennent la voir dans ce contexte.
Si nous examinons le Code criminel, je crois que l'article 810 a été cité dans le rapport sur la violence entre partenaires intimes à propos des engagements de ne pas troubler l'ordre public, qui sont utilisés depuis longtemps dans ces situations de violence. Pour les gens qui nous regardent, un engagement de ne pas troubler l'ordre public signifie qu'une personne a un motif raisonnable de craindre une autre personne. Il n'est même pas nécessaire que ce soit dans le contexte d'une relation intime. Il peut s'agir de n'importe quel contexte.
Les engagements de ne pas troubler l'ordre public sont souvent utilisés au cours de la négociation de plaidoyer lorsque le chef d'accusation initial est une agression. Cependant, le processus suivi pour remettre un engagement de ne pas troubler l'ordre public s'apparente à un procès. La police doit présenter un rapport au procureur de la Couronne et ce dernier approuvera le chef d'accusation, du moins en Colombie‑Britannique. Lorsque je dis « chef d'accusation », je veux dire que le procureur approuve l'allégation. Il y a ensuite la divulgation. Il s'agit essentiellement d'un procès en bonne et due forme pour déterminer si une personne a des motifs raisonnables de craindre quelqu'un. Toutefois, supposons qu'un incident se produit le 1er janvier 2021. L'affaire ne sera peut-être pas jugée avant le 31 janvier 2022, par exemple, soit 13 mois plus tard. Je crois que la durée maximale ou la durée habituelle d'un engagement de ne pas troubler l'ordre public est de 12 mois. En général, c'est nettement insuffisant.
Je ne sais pas si c'est le cas dans d'autres provinces ou territoires, mais en Colombie‑Britannique, quelqu'un qui a des motifs de craindre qu'une personne puisse commettre une infraction à son égard peut, en vertu du droit provincial, témoigner sous serment à cet effet, avoir pleinement recours à un tribunal et obtenir une ordonnance interdisant tout contact avec la personne concernée. N'ayant pas pratiqué le droit dans ce domaine, je ne fais que paraphraser, mais c'est ce que j'ai compris. Cette ordonnance est rendue dans le cadre d'une procédure ex parte, c'est-à-dire sans que la personne visée par l'ordonnance n'en soit informée.
Pour ceux qui suivent le débat sur CPAC ou autrement, il faut savoir que certaines mesures législatives provinciales peuvent permettre à une personne de se rendre au tribunal aujourd'hui même ou demain, de signer un affidavit, c'est-à-dire une déclaration sous serment, et de demander à son avocat de la présenter à un juge. Une fois que ce document est signifié à la personne dont on a des motifs raisonnables de craindre qu'elle puisse commettre une infraction envers la personne qui a signé l'affidavit, celle-ci ne peut plus avoir aucun contact avec cette dernière. Le non-respect de cette interdiction peut être considéré comme une infraction en vertu du Code criminel.
Le comportement coercitif fait, à mon avis, partie de ce que l'on appelle parfois, dans le secteur de la justice, le « cycle de la violence ». Les députés m'ont peut-être entendu dire qu'il existe un « cycle délictuel », car les gens ne passent pas simplement d'un stade à l'autre en un claquement de doigts, à savoir qu'ils ne passent pas aux actes d'une seconde à l'autre. Il y a souvent des antécédents, et l'un de ces antécédents ou précurseurs, si je peux m'exprimer ainsi, peut être une consommation excessive d'alcool. Il peut s'agir d'un dysfonctionnement dans la relation. Il peut s'agir de la manipulation elle-même. D'après ce que j'ai vu, ces éléments précèdent presque toujours un délit, comme le fait de proférer une menace ou d'avoir un comportement agressif, à savoir de toucher quelqu'un sans son consentement, de commettre une agression sexuelle ou tout autre acte qui relèverait de la violence entre partenaires intimes.
Je pense que les comportements coercitifs et contrôlants font partie du cycle délictuel. Comme le rapport l'indique, nous essayons ici de faire en sorte que le cycle délictuel lui-même soit considéré comme un délit. Nous ne devons jamais oublier que les comportements passés sont fort révélateurs des comportements futurs.
J'espère que la Chambre me permettra de lui faire part de quelques anecdotes de mon expérience. Elles portent sur le cycle de la violence et sur cette idée des comportements contrôlants et coercitifs. Jusqu'à présent, nous avons parlé des comportements contrôlants et coercitifs dans le contexte de ce qui précède une infraction, mais ces comportements se produisent aussi après.
En général, lorsqu'il y a une allégation d'agression ou de menaces proférées, l'accusé se voit imposer des conditions en vertu du Code criminel. Cependant, ces conditions sont appliquées de façon variable. Certains policiers les prennent plus au sérieux que d'autres et, bien franchement, certains accusés les prennent plus au sérieux que d'autres.
Supposons que quelqu'un fasse l'objet d'une ordonnance de ne pas s'approcher de son partenaire intime, qui est la victime dans ce cas. Faisant fi de cette ordonnance, la personne accusée se met en contact avec le partenaire intime en question, soit directement, soit indirectement. Lorsque je travaillais au bureau du procureur, dans une collectivité relativement petite, nous voyions environ une personne par jour se présenter à notre guichet pour demander qu'on abandonne les poursuites. Il s'agissait presque toujours d'un partenaire intime. Je ne pense pas exagérer en disant qu'il y en avait un par jour. Il fallait souvent expliquer qu'il ne lui revenait pas de décider d'abandonner les poursuites. Nous ne sommes pas aux États‑Unis, où quelqu'un peut dire qu'il veut ou ne veut pas porter plainte. C'est à la Couronne, c'est-à-dire à Sa Majesté en l'occurrence, qu'il revient de prendre cette décision.
Cette situation m'a toujours beaucoup gêné, car il était évident que ces personnes étaient des victimes. Lorsqu'une affaire m'était confiée, il m'arrivait de convoquer ces personnes pour discuter, et elles me disaient vouloir abandonner les poursuites. Parfois, il fallait leur faire écouter leur appel au 911. Pour ceux qui n'ont jamais vraiment écouté beaucoup d'appels faits au 911, ils sont assez pénibles. Si une personne appelle au 911, c'est pour une bonne raison. Elle a peur parce qu'elle se trouve en situation d'urgence.
Alors, cette personne devant nous — qui était de toute évidence une victime sous l'emprise de comportements coercitifs depuis des mois — écoutait l'appel qu'elle avait elle-même fait au 911 six mois plus tôt, où elle disait avoir très peur ou avoir été maltraitée par son partenaire. Cette victime me disait qu'elle voulait abandonner les accusations par amour pour son partenaire, ne voulant pas qu'il soit puni ou ayant peur des conséquences. Le rapport se penche sur ces aspects. Je suis conscient qu'il s'agit de problèmes sous-jacents. Comme on me l'a si souvent demandé, comment s'attaquer à ces problèmes sous-jacents? Je ne dirais jamais que ces problèmes sous-jacents sont de moindre gravité.
En outre, je demandais souvent aux victimes de violence entre partenaires intimes si elles avaient des enfants. Si l'on prend l'exemple d'un cas où c'est la fillette qui avait fait l'appel au 911, je demandais à la mère si elle conseillerait à sa fillette de faire le même choix qui motivait sa présence dans mon bureau. Dans bien des cas, ma cliente était décontenancée par ma question, et c'était le but.
Personne ne souhaite que le cycle de la violence se perpétue. Toutefois, si l'on interroge les intervenants du système de justice, si l'on examine les statistiques ou si l'on s'assoit dans une salle d'audience, c'est souvent très difficile de revoir les mêmes personnes défiler, autant les agresseurs que les victimes. Dans le cas d'un dossier où il y a trois accusations de portées, soit une en janvier, une en avril et une en juillet, il serait illusoire de croire que les comportements violents ne se sont produits qu'en janvier, en avril et en juillet. Ces accusations ponctuelles s'inscrivent dans un contexte typique de ce que l'on entend par « comportement coercitif ». Autrement dit, il est totalement justifié de s'attaquer à ce problème.
Le droit pénal ne couvre pas ce sujet. Mon collègue néo-démocrate l'a dit. Je crois qu'il a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire à ce sujet, et j'ai hâte d'en discuter et d'en débattre, car le droit pénal ne couvre pas vraiment ce sujet.
Il ne couvre pas non plus un autre sujet. Je ne crois pas vendre la mèche en disant que je prépare un projet de loi d'initiative parlementaire à ce sujet. En ce moment, lorsqu'une personne agresse son partenaire intime, on l'accuse de la même infraction qu'une personne qui en agresse une autre dans un bar, un pub ou dans la rue. C'est dans l'article 266 du Code criminel. C'est une simple infraction de voies de fait. Dans notre Code criminel, l'article qui crée l'infraction ne fait pas de distinction entre agresser un partenaire intime, un étranger, son meilleur ami ou qui que ce soit d'autre. Il n'y a aucune distinction.
C'est la même chose pour ceux qui profèrent des menaces. Les personnes qui risquent le plus d'être menacées, à mon avis, sont les partenaires intimes. Encore une fois, il n'y a pas de distinction dans le Code criminel entre le fait de proférer des menaces à quelqu'un dans la rue et le fait de menacer un partenaire intime.
Ce qui me dérange là-dedans, c'est que la peine soit la même. Si on affirme qu'il s'agit d'un problème insidieux qui survient trop souvent dans l'ensemble des groupes socioéconomiques et que nous allons l'endiguer, pourquoi traiter l'agression d'une personne dans un pub et l'agression d'un partenaire intime de la même façon? Nous devrions considérer l'agression d'un partenaire intime comme étant plus grave et la traiter en conséquence en lui attribuant une peine plus grave.
C'est une chose de dire que c'est un crime plus grave, mais si la peine est identique aux autres agressions, le message qu'envoie le Parlement est que, en fait, il n'y a pas de différence. On peut affirmer ce qu'on veut, mais ce qui compte, c'est ce qui est écrit dans la loi. Il y peut y avoir des circonstances aggravantes dans le Code criminel, mais je demande aux députés d'apporter ce changement, notamment à l'article 266, sur les voies de fait, à l'article 264.1, proférer des menaces, ainsi qu'aux articles concernant les voies de fait causant des lésions et les voies de fait graves.
Si l'on veut dresser un parallèle, il suffit de regarder le domaine des agents de la paix. Un article distinct traite des voies de fait contre un agent de la paix. Quiconque exerce des voies de fait contre un agent de la paix commet des voies de fait, mais le Parlement a choisi de faire de cela une infraction distincte. Nous ne faisons pas cela en ce qui concerne les partenaires intimes. Étant donné ce que nous dit ce rapport, je crois que c'est une chose que la Chambre devrait faire. Quand on sait que la violence contre un partenaire intime constitue l'un des principaux facteurs à l'origine des homicides, et si je me souviens bien, à l'époque où je travaillais dans le domaine de la criminologie, on parlait de 50 % des cas d'homicide, nous devrions l'envisager.
Je vais maintenant parler de quelques-unes des recommandations de ce rapport. La première recommandation porte sur la reconnaissance des préjudices importants et sur le fait qu'ils ne sont pas pris en compte dans le Code criminel. La deuxième recommandation énonce d'autres éléments à ce sujet. La troisième recommandation parle d'exhorter « le gouvernement fédéral, les provinces et les territoires à mettre en œuvre des mesures pour lutter contre les obstacles auxquels sont confrontées les victimes de comportements coercitifs et contrôlants et de violence de la part d’un partenaire intime dans le système de justice [...] ».
Souvent, on constate que le cycle de violence se poursuit dans ce que l'on appelle couramment la victimisation secondaire. La victimisation primaire est causée par l'infraction elle-même, tandis que la victimisation secondaire est causée par le cheminement de la personne dans le système de justice. Trop souvent, les victimes de violence contre un partenaire intime doivent naviguer seules dans le système de justice.
Je veux rendre hommage aux travailleurs des services aux victimes. Ils sont souvent des bénévoles — certains sont payés, mais bien trop peu — qui travaillent pour des organisations policières, surtout dans des petites villes. Ces travailleurs jouent un rôle inestimable. Ils sont présents en cour, ce qui est fort utile pour les gens dans ces milieux. Il faut souligner la quantité et la qualité de leur travail. Ils sont souvent les héros méconnus pour ce qui est d'aider les victimes à se rendre devant les tribunaux. Ils épaulent souvent les personnes marginalisées et vulnérables, ainsi que celles qui subissent un contrôle coercitif au quotidien.
Au bout du compte, nous avons tous un rôle à jouer. Lorsqu'on me confiait un cas de violence entre partenaires intimes, je tentais d'appeler la victime le plus tôt possible parce que je considérais que c'était une différente sorte d'infraction. Les victimes sont extrêmement vulnérables, surtout après une rupture. Quand on ajoute à cela une ordonnance de non‑communication, cela peut mener à des comportements très violents.
Dans la quatrième recommandation, il est question d'augmenter le financement et de fournir des services de soutien et de counseling adéquats.
Je ne sais pas si mon collègue de a déjà déposé son projet de loi qui remet en cause l'application de taxes aux services de counseling. Si ce n'est pas déjà fait, je pense qu'il le fera prochainement.
À mon avis, les services de counseling sont déjà très chers. Je pense que les gens doivent payer de 100 à 300 $ l'heure. Pour traiter le traumatisme à la source, il devrait être possible de le faire à un coût abordable. Le gouvernement ne devrait pas créer des obstacles en rendant ces services plus chers. De tels événements peuvent souvent être traumatisants, non seulement sur le coup, mais également, comme je l'ai dit, pendant le processus que doit suivre la personne.
J'en viens à la cinquième recommandation, qui porte sur la formation adaptée aux traumatismes vécus. J'ai mentionné le droit provincial, mais nous nous devons de parler de la formation. Les juges doivent être formés.
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Madame la Présidente, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne a étudié les comportements contrôlants ou coercitifs dans les relations intimes, afin notamment d'examiner la possibilité de considérer ceux-ci comme des infractions criminelles. C'était en lien avec le projet de loi qui avait été déposé en 2020. On se rappellera qu'il est mort au Feuilleton à la suite d'une élection qui aurait pu ne jamais avoir lieu, puisqu'elle n'a apporté aucun changement à la constitution de la Chambre.
L'objet du projet de loi C‑247 était l'ajout au Code criminel du paragraphe 264.01(1), ainsi rédigé:
Commet une infraction quiconque se livre, de façon répétée ou continue, à l’égard d’une personne avec laquelle il entretient un lien, à une conduite contrôlante ou coercitive qui a sur cette personne un effet important qu’il sait — ou devrait savoir — être raisonnablement prévisible compte tenu du contexte.
Il s'agirait d'une infraction hybride passible d’une peine d'emprisonnement maximale de cinq ans. Une étude distincte a été proposée au comité de la justice pour considérer le comportement coercitif dans le sens de ce qu'était le projet de loi C‑247.
Il faut faire attention lorsqu'on parle de l'enjeu de la violence dans les relations intimes. C'est un sujet qui est hautement délicat et très sensible. Il ne faudrait jamais que se produisent les comportements violents, la coercition dans les relations intimes. Or, nous savons tous que c'est une finalité qui n'arrivera malheureusement jamais. Il va toujours y en avoir et c'est pour cela que les solutions doivent être mûrement réfléchies avant d'être inscrites dans une loi qui viendrait modifier le Code criminel. Il faut aider les victimes le plus possible, mais il faut les aider de la bonne façon. Rédiger une loi comme celle qui reflétait l'intention du projet de loi est un exercice qui est extrêmement complexe.
D'ailleurs, le rapport l'illustre très bien. Les témoins et les experts ont de nombreuses réserves et proposent un certain nombre de changements. La sanction pour les comportements coercitifs ne peut pas se faire en quelques articles seulement, bien que nous le voudrions tous et toutes. Des pays ont déjà cet outil ou des outils similaires dans leur code criminel. Il serait peut-être pertinent d'étudier davantage leur système et de tenter de comprendre comment ces idées pourraient être transposées, adaptées ici.
Le Code criminel est un ensemble de lois qui posent des limites sur ce qui est acceptable ou non dans une société. Ces lois peuvent aussi évoluer dans le temps, mais surtout différer d'un endroit à l'autre. On peut s'inspirer de lois étrangères, mais on ne peut pas juste les copier, les calquer. C'est un raccourci qui peut être aussi maladroit qu'il serait pourtant au départ bien intentionné.
Le Code criminel offre déjà des dispositions pour les gens qui sont victimes de violence. Malgré tout, le problème est que les femmes hésitent généralement à dénoncer. Comme l'a mentionné mon collègue de , il y a également des défis en matière de preuve lorsqu'on n'arrive pas à convaincre des témoins à se rendre jusqu'au bout de leur témoignage afin de faire inculper une personne, parce qu'ils ont encore justement un lien affectif avec cette personne.
L'autre problème, dans le cas de la violence psychologique et des comportements coercitifs, c'est que les victimes ne se rendent pas toujours compte qu'elles en sont victimes avant d'être vraiment prises dans l'engrenage. L'autre chose à considérer est que les auteurs des comportements coercitifs mettent tout en œuvre pour isoler leur victime. Sans réseau, la dénonciation est toujours beaucoup plus difficile pour une victime, surtout lorsqu'on a miné sa confiance en elle-même. Il y a une toile qui se tisse lentement mais sûrement autour d'elle, et cette toile ne fait pas de distinction de genre, d'âge ou de classe sociale. Il n'y a pas une victime unique, il n'y a pas de modèle qui existe et permette d'identifier facilement ces victimes de l'extérieur.
Il y a donc tout un travail de sensibilisation et, surtout, de prévention à faire avant de se rendre à une mesure législative qui serait complète et efficace. C'est un des constats qui fait partie des recommandations du rapport. On parle aussi de la sensibilisation qui doit être faite auprès des juges.
Il faut savoir que le gouvernement du Québec joue un rôle déterminant à plusieurs égards en matière de prévention et de sensibilisation auprès de l'ensemble de la population. Au Québec, tout fonctionne en réseau et les ressources sont interconnectées: éducation, santé, services sociaux, justice, sécurité publique.
C'est un travail d'équipe qui est entamé depuis un bon bout de temps chez nous, ce qui m'amène à faire part de ma propre inquiétude relativement aux démarches dont il est question dans le cadre du débat sur ce rapport.
On parle sans cesse de judiciarisation. C'est le but ultime de la création d'un article dans le Code criminel, mais on ne parle pas suffisamment de réinsertion, ni même d'aide. C'est peut-être normal, parce que cette aide émanerait, comme je viens de le mentionner, de notre côté, du gouvernement du Québec et des provinces, qui sont responsables des services sociaux.
Or, j'aimerais quand même aborder le fait que le projet de loi ne parle pratiquement pas de l'équilibre à atteindre entre la judiciarisation et la réinsertion. Ce n'est donc pas non plus tellement couvert dans le rapport.
Les victimes comme leurs agresseurs ont besoin d'aide, et, dans le projet de loi , on n'évoquait pas cet équilibre qu'on doit trouver. On ne parlait pas de la possibilité d'apporter de l'aide et de faire vraiment de la prévention en amont.
J'aimerais conclure mon discours sur une note positive, parce que tout le travail qui a été effectué par le Comité reste très important. Ce travail doit être un précurseur d'une réflexion plus profonde, mais surtout plus concrète sur les possibilités qui s'offrent à nous pour essayer de légiférer sur ce type de comportements et, ultimement, pour aider les gens qui en sont victimes de près ou de loin. C'est vraiment l'objectif principal. Ces victimes sont aussi souvent collatérales et il faut penser à elles.