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Monsieur le Président, je suis très fier de prendre la parole au sujet du projet de loi , Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques, ainsi que des efforts importants qui sont déployés en vue d'éliminer l'utilisation d'armes chimiques dans le monde.
Le gouvernement est extrêmement perturbé et déçu que l'opposition conservatrice ait bloqué non pas une, mais deux fois le débat sur ce projet de loi. Je suis heureux que nous y arrivions enfin aujourd'hui.
La veille de la Journée du souvenir dédiée à toutes les victimes de la guerre chimique, les conservateurs ont empêché la tenue du débat sur ce projet de loi, qui vise pourtant à moderniser la loi qui aiderait ces victimes, c'est-à-dire la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques. Il vise également à inclure les agents Novitchok, des agents neurotoxiques meurtriers impliqués dans de multiples empoisonnements probablement perpétrés par la Russie.
Les conservateurs ont également empêché la tenue du débat sur ce projet de loi quelques jours à peine avant le jour du Souvenir, une journée où nous commémorons les milliers de Canadiens courageux qui sont tombés au combat pour défendre nos libertés, certains d'entre eux ayant été les premières victimes de l'atrocité des guerres chimiques à Ypres, en 1915.
Il y a plus d'un siècle, lors de la deuxième bataille d'Ypres, les soldats canadiens ont été parmi les premiers dans l'histoire de l'humanité à être victimes des horreurs de la guerre chimique lorsque 160 tonnes de chlore gazeux ont été rejetées vers les lignes canadiennes. Au cours de cette bataille, 6 035 jeunes Canadiens, soit plus d'un sur trois, ont été tués ou blessés par cette nouvelle arme terrifiante. À la fin du conflit, plus de 1 million de personnes avaient subi les effets de ces nouvelles armes de guerre: les armes chimiques.
Aujourd'hui, alors que nous voyons les images dévastatrices des victimes de guerres et de conflits comme jamais auparavant, allant de Khartoum à Kiev, en passant par Khan Younès, il nous incombe à tous de faire ce que nous pouvons pour promouvoir la paix et d'œuvrer énergiquement en faveur d'un monde exempt d'armes chimiques et d'autres armes de destruction massive. L'utilisation d'armes chimiques pour blesser ou tuer est un acte de barbarie ignoble qui, malgré tous nos efforts, n'appartient malheureusement pas encore au passé.
Même si l'utilisation de substances chimiques en temps de guerre remonte à une époque ancienne, les progrès de la science et de la technologie, qui peuvent faire tant de bien à tant de gens, ont également été exploités à l'échelle industrielle pour causer la mort et la destruction. Heureusement, à la fin du conflit, le Protocole de Genève a été lancé, interdisant l'utilisation de ces catégories d'armes de destruction massive comme moyen de guerre.
Les conséquences des armes chimiques sur le champ de bataille n'ont épargné personne, ce qui démontre l'inhumanité pure et simple de ce type d'armes. Toutefois, le protocole n'a pas interdit leur fabrication ni leur production. Par conséquent, pendant des décennies, les pays ont continué de se doter de stocks massifs d'armes chimiques.
Au terme de plus de deux décennies d'efforts, le 3 septembre 1992, le texte de la Convention sur l'interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l'emploi des armes chimiques et sur leur destruction a été transmis à l'Assemblée générale des Nations unies par la Conférence des Nations unies sur le désarmement.
Le Canada l'a signée dès le premier jour, le 13 janvier 1993, et l'a ensuite pleinement ratifiée. La Convention sur les armes chimiques est entrée en vigueur le 29 avril 1997. La même année, l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, l'OIAC, a été constituée afin de veiller à la mise en œuvre de la convention, de superviser la destruction des stocks déclarés d'armes chimiques et d'inspecter les industries chimiques à travers le monde afin de garantir que les armes chimiques ne seraient jamais de retour.
Trente ans plus tard, la Convention sur les armes chimiques demeure une des clés de voûte du système international fondé sur des règles. Plus de 190 États sont parties à la convention, ce qui en fait le traité sur la non-prolifération et le désarmement qui compte le plus fort taux d'adhésion. Les interdictions imposées par la convention sont claires et exhaustives. Aucun État partie à la convention ne peut mettre au point, produire, acquérir, stocker, conserver ou utiliser des armes chimiques. Aucun État partie ne peut transférer des armes chimiques à un tiers ni donner à un autre État ou acteur non étatique la capacité d'en mettre au point. La convention affirme le droit de tous les États parties de procéder au libre-échange de produits chimiques et de technologies à des fins pacifiques et que l'interdiction frappant les armes chimiques ne devrait pas nuire inutilement à la croissance de l'industrie chimique et à l'avancement de la recherche dans le domaine de la chimie. En tant qu'être humains, nous avons besoin de cela. Par rapport au dernier point, l'OIAC a de nombreux programmes qui visent à soutenir la chimie et l'industrie chimique à des fins pacifiques partout dans le monde.
En date de juillet 2023, l'OIAC avait supervisé et confirmé la destruction de 100 % des armes chimiques déclarées dans le monde.
Malheureusement, l'interdiction prévue par la loi n'a pas encore totalement éliminé le risque d'utilisation d'armes chimiques. Depuis l'entrée en vigueur de la Convention sur les armes chimiques, des armes chimiques ont été utilisées à plusieurs reprises, même par des pays qui sont parties à la convention.
Des organismes internationaux compétents, notamment le Mécanisme d’enquête conjoint de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques et de l’Organisation des Nations unies et l'Équipe d'enquête et d'identification de l'Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, ont conclu que la République arabe syrienne a utilisé du sarin, un agent de guerre chimique, et du chlore, un produit chimique industriel toxique, comme armes contre les forces d'opposition à pas moins de neuf occasions, voire plus.
Le groupe terroriste Daech a utilisé du gaz moutarde en Syrie et en Irak. Kim Jong-nam, demi-frère du dirigeant nord-coréen Kim Jong-un, a été assassiné avec l'agent neurotoxique VX à l'aéroport international de Kuala Lumpur en février 2017; on croit généralement que cet attentat a été orchestré par l'État nord-coréen.
En mars 2018, un événement plus compliqué s'est produit: on a découvert que Sergueï Skripal, un ancien officier du renseignement militaire russe vivant au Royaume‑Uni, et sa fille avaient été empoisonnés par des agents Novitchok, qui sont des agents extrêmement neurotoxiques mis au point par l'Union soviétique. À cause de la tentative d'assassinat, les Skripal et le policier Nick Bailey sont restés à l'hôpital pendant plusieurs mois.
On croyait que l'agent Novitchok avait été administré à la porte d'entrée de la maison de M. Skripal à l'aide d'une bouteille de parfum, puis jeté dans un bac public. La découverte de la bouteille par un habitant de la région, qui croyait qu'il s'agissait de parfum, a entraîné deux autres hospitalisations et la mort de Dawn Sturgess. Après que la police a récupéré la bouteille du domicile de Mme Sturgess, à Amesbury, près de chez elle, elle a évalué qu'elle contenait suffisamment d'agent Novitchok pour tuer des milliers de personnes. Huit emplacements ont dû être décontaminés pour éliminer toute trace de l'agent, ce qui a pris plusieurs mois et a coûté des millions de livres.
Le Canada et ses alliés ont conclu que les organismes d'État de la Fédération de Russie étaient fort probablement responsables de cette attaque. Le gouvernement britannique a identifié et a mis en accusation par contumace trois agents du renseignement russes.
Le Canada a condamné cet attentat. Le et le ministre des Affaires étrangères de l'époque ont fait des déclarations. Quatre diplomates russes ont été expulsés de l'ambassade russe à Ottawa et du consulat général à Montréal dans le cadre d'une intervention collective sans précédent.
Au total, 153 diplomates russes ont été expulsés de 29 pays, dont certains étaient accrédités au siège de l'OTAN à Bruxelles.
La Convention sur les armes chimiques contient une annexe sur les produits chimiques, une liste qui couvre la plupart des agents chimiques de guerre et leurs précurseurs dans trois tableaux.
Les produits chimiques du tableau 1 n'ont qu'un seul usage: blesser ou tuer. Ils ne peuvent pas être employés dans l'industrie et sont interdits pour tous les usages sauf la recherche et la formation sur la protection et la défense contre l'usage de ces produits eux-mêmes comme armes chimiques.
Les produits chimiques des tableaux 2 et 3 sont de plus en plus utilisés dans l'industrie et sont donc moins contrôlés, le but étant de prévenir la prolifération des armes chimiques tout en évitant de nuire inutilement à l'industrie et au commerce, dans l'intérêt de l'humanité.
À l'époque de l'attentat de Salisbury, les agents de type Novitchok n'étaient pas dans l'annexe sur les produits chimiques, donc n'étaient pas soumis à des exigences de déclaration et de vérification. Il faut dire bien clairement que l'emploi d'un agent de type Novitchok comme arme, et même l'emploi de n'importe quel produit chimique toxique comme arme, a toujours constitué une violation de la Convention sur les armes chimiques, conformément à la définition large qui est donnée de ces armes à l'article II.
Le Canada et ses proches alliés ont malgré tout adopté une position voulant que le monde puisse être beaucoup plus sûr en incluant les agents de type Novitchok dans la liste des produits soumis au contrôle de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, comme n'importe quelle autre arme chimique.
Le 29 novembre 2019, grâce aux formidables efforts de chef de file du Canada, des États-Unis et des Pays-Bas, les pays réunis à la vingt-quatrième session de la Conférence des États parties à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques ont pris la décision sans précédent d'ajouter quatre nouvelles catégories de produits chimiques toxiques au tableau 1.
Les produits ajoutés comprenaient l'agent de type Novitchok utilisé dans la tentative d'assassinat de Sergueï Skripal. Par conséquent, les États qui se servent des agents de type Novitchok dans un but défensif, notamment pour faire de la recherche, du développement et des essais concernant de nouveaux équipements protecteurs ou de nouvelles contre-mesures médicales ou encore pour préparer la police ou les forces armées à intervenir en cas d'usage de ces produits doivent déclarer leurs activités à l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques et peuvent être soumis à des vérifications.
Cet ajout a aussi une valeur symbolique. Le produit chimique employé comme arme à Salisbury est maintenant inclus dans la même liste d'armes chimiques que le sarin, le gaz moutarde et le gaz VX.
Les ajouts à l'annexe sur les produits chimiques de la Convention sur les armes chimiques sont entrés en vigueur le 7 juin 2020. Selon la Convention sur les armes chimiques, tous les États membres doivent mettre en place des lois nationales faisant en sorte que les interdictions contenues dans la convention s'appliquent à leurs citoyens et à toutes les personnes sur leur territoire. C'est précisément le but du projet de loi .
Au Canada, c'est la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques qui interdit à quiconque au Canada, ainsi qu'aux citoyens canadiens à l'étranger, de mettre au point, de fabriquer, d’acquérir, de stocker, de conserver, de transférer, d'utiliser, de préparer ou d'aider à utiliser des armes chimiques.
Elle interdit aussi aux Canadiens de produire, de posséder ou d'utiliser des produits chimiques du tableau 1 sans autorisation explicite du gouvernement. Depuis le 7 juin 2020, cela inclut les quatre catégories ajoutées récemment. Cependant, la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques contient toujours une copie de l'annexe sur les produits chimiques d'origine de la convention, qui n'est plus à jour depuis 2020.
Même si le paragraphe 2(3) précise clairement que les dispositions de la Convention sur les armes chimiques l'emportent en cas d'incompatibilité avec la loi, il est important que nous corrigions cette différence et que nous fassions preuve de leadership dans cet important dossier à la Chambre. C'est pourquoi le projet de loi vise à supprimer l'annexe de la loi et à supprimer ou modifier deux paragraphes qui y font référence. Ces changements feraient en sorte que la loi canadienne permette de respecter nos obligations internationales et assureraient sa pérennité en cas d'autres changements dans le futur.
Ce projet de loi devrait facilement recevoir l'appui de tous les partis et être adopté immédiatement. Il a déjà été adopté à l'autre endroit sans objection. J'espère donc qu'il en sera de même ici.
Cette mesure législative ne pourra pas, à elle seule, éliminer le risque que des armes chimiques soient utilisées à mauvais escient par des États étrangers comme la Russie, des États non signataires de la convention et des acteurs non étatiques tel que des groupes terroristes. Elle souligne toutefois l'engagement inébranlable du Canada envers la Convention sur les armes chimiques et d'autres ententes cruciales qui forment l'un des pans essentiels du système fondé sur des règles qui assure la sécurité du Canada, des Canadiens et de nos alliés.
Comme la la souligné dernièrement, notre système et notre monde sont en train de se fissurer. L'ordre international fondé sur des règles est menacé. Les turbulences géopolitiques, l'imprévisibilité et l'incertitude s'intensifient dans le monde. Nous devons donc continuer de faire preuve de leadership sur la scène internationale, comme nous l'avons fait par le passé.
Le Canada peut être fier du rôle de premier plan qu'il joue dans ces dossiers cruciaux. On pense par exemple au travail remarquable accompli par l'ancien ministre des Affaires étrangères, Lloyd Axworthy, dans le cadre de la Convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel; au lancement du Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes, qui a eu lieu alors que l'ancien premier ministre Chrétien accueillait des dirigeants du monde entier à Kananaskis en 2002; et aux efforts déployés pour promouvoir la convention internationale interdisant les armes à sous-munitions. Tous ces éléments contribuent de façon essentielle à faire du monde un lieu sûr.
La diplomatie est un autre outil essentiel, qui ne peut que renforcer notre capacité à assurer la sécurité du Canada et des Canadiens. Il faut collaborer avec nos alliés et nos partenaires pour assurer la sécurité dans le monde grâce à une infrastructure de sécurité mondiale. C'est pourquoi nous avons renforcé notre présence dans le monde. Les activités diplomatiques permettent de limiter les menaces qui pèsent sur la paix dans le monde. C'est pourquoi nous continuons à faire tout ce travail.
Nous avons des missions dans le monde entier; les diplomates canadiens coordonnent régulièrement leurs activités avec celles de nos alliés et de nos partenaires, tout en sensibilisant les gouvernements hôtes à l'importance de renforcer nos travaux sur cette convention. C'est grâce aux efforts concertés de pays du monde entier que nous avons pu adapter la convention aux réalités du monde moderne. C'est grâce à la diplomatie que nous continuons à consolider la paix. Ce n'est pas une tâche facile. C'est un engagement que nous devons prendre chaque jour dans cette enceinte. Cela signifie que nous devons suivre la situation en permanence et adapter aux réalités du monde moderne les mesures législatives qui sont adoptées ici et par le gouvernement .
Nous devons joindre le geste à la parole, notamment en finançant le Programme canadien de réduction de la menace liée aux armes, qui relève d'Affaires mondiales Canada. Il s'agit du programme phare du Canada dans le cadre du Partenariat mondial contre la prolifération des armes de destruction massive et des matières connexes, dirigé par le G7 et organisé par l'ancien premier ministre Jean Chrétien à Kananaskis, en Alberta, en 2002.
Le Canada a contribué à hauteur de plus de 1,6 milliard de dollars aux activités de réduction des menaces dans le monde entier, notamment à la destruction des armes chimiques et à la lutte contre leur propagation. Il a notamment soutenu la destruction d'armes chimiques déclarées en Russie, en Syrie, en Irak et en Libye.
Dans le cadre du Programme de réduction de la menace liée aux armes, le Canada est le plus grand pays donateur de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, ou OIAC, qui a été créée pour mettre en œuvre la Convention sur les armes chimiques. Cette organisation a reçu le prix Nobel de la paix en 2013 pour ses efforts visant à superviser la destruction de plus de 98 % des stocks mondiaux déclarés d'armes chimiques. Avec son engagement à verser 10 millions de dollars, le Canada est le principal contributeur individuel au nouveau Centre pour la chimie et la technologie de l'OIAC à La Haye, qui a ouvert ses portes en mai dernier. Ce centre renforcera les capacités d'enquête de l'organisation et soutiendra les efforts novateurs visant à suivre l'évolution constante du paysage des armes chimiques.
Le Canada a également fourni du matériel défensif, notamment des masques et des filtres, à l'armée ukrainienne, compte tenu de la menace d'utilisation d'armes chimiques par les forces russes. Soyons très clairs: ce projet de loi concerne également la défense de l'Ukraine contre l'invasion illégale de son territoire par la Russie. Pour contrer les efforts de la Russie visant à affaiblir les normes mondiales contre l'utilisation d'armes chimiques, le Canada a travaillé en étroite collaboration avec ses alliés pour exiger de la Russie qu'elle déclare intégralement son programme d'agents Novitchok.
Le gouvernement continuera d'être un chef de file sur la scène mondiale et de veiller à ce que la Russie soit tenue responsable de ses agressions contre l'Ukraine. Cela peut passer par la fourniture d'équipements défensifs ou par le projet de loi , l'Accord de libre-échange Canada-Ukraine — contre lequel les conservateurs ont voté à de multiples reprises — afin de soutenir la reconstruction de l'Ukraine lorsque nous aurons gagné.
En août 2020, lorsque la figure de l'opposition russe Alexeï Navalny...
Des voix: Oh, oh!
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Madame la Présidente, c'est probablement la dernière fois que j'interviens cette année. Je vous souhaite donc un joyeux Noël, à vous et à tous les députés, ainsi qu'à tous ceux qui soutiennent le travail que nous accomplissons dans cette enceinte, notamment les pages, les greffiers au Bureau, le sergent d'armes, le Service de protection parlementaire et toutes les autres personnes qui nous aident à faire notre travail au nom des Canadiens. J'offre mes meilleurs vœux à tous.
C'est le dernier jour de la session et le gouvernement a mis en discussion le projet de loi , Loi modifiant la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques. Comme je l'ai dit plus tôt au cours du présent débat, j'appuie le projet de loi, comme tous mes collègues conservateurs, à ma connaissance. Il s'agit d'un projet de loi très important, qui doit être adopté.
Je me dois de prendre un instant pour exprimer ma déception par rapport au fait que le gouvernement choisit d'accuser les conservateurs de faire des manœuvres dilatoires chaque fois que nous débattons d'un projet de loi. Le secrétaire parlementaire a fait son intervention, et je vais faire la mienne. D'autres députés voudront peut-être intervenir aussi. C'est la nature de nos délibérations. C'est pour cela que nous avons été élus.
Débattre d'un projet de loi, ce n'est pas faire de l'obstruction, surtout quand les députés n'ont pas encore eu l'occasion de faire valoir leur point de vue. Je crois que le projet de loi est important et qu'il doit être adopté rapidement, mais je n'accepte pas que des députés ministériels et des secrétaires parlementaires me disent de me taire en laissant entendre que nous devrions laisser tous les projets de loi être directement mis aux voix, sans débat. Nous allons débattre de ce projet de loi, et j'espère que les députés vont l'appuyer, comme moi.
Le projet de loi fait en sorte que le droit canadien reflète correctement la Convention sur les armes chimiques. Cette convention est le premier accord de désarmement multilatéral visant l'élimination des armes de destruction massive telles que les produits chimiques toxiques, les poisons et les armes biologiques. La période de signature de la Convention a débuté le 13 janvier 1993 à Paris. Dirigé par le gouvernement Mulroney, le Canada a été parmi les premiers pays à la signer. Elle est entrée en vigueur le 29 avril 1997. La Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques est une loi du gouvernement Chrétien qui établit les obligations du Canada, l'un des signataires initiaux, aux termes de la Convention.
L'objet du projet de loi est identique à celui de deux projets de loi présentés au cours de la dernière législature. Il a d'abord été présenté sous le nom de projet de loi par l'ancien ministre des Affaires étrangères pendant la première session de la 43e législature, puis il a été présenté de nouveau sous le nom de projet de loi par le sénateur Marc Gold pendant la deuxième session de la 43e législature. Aucun de ces projets de loi n’a été adopté au cours de la 43e législature, et, pour être clair, ce n’est pas parce que les conservateurs s’y sont opposés ou que le caucus conservateur cherchait des querelles procédurales. Le projet de loi C‑9 est une victime de la décision du gouvernement actuel de proroger la Chambre à l'été 2020 au milieu du scandale de l'organisme UNIS. Le projet de loi S-2 est une victime de la décision du gouvernement actuel de déclencher des élections surprises à l'été 2021. Nous en sommes aujourd'hui à la troisième tentative de faire adopter ce projet de loi par le Parlement afin de mettre à jour les lois canadiennes et de faire en sorte qu'elles s'harmonisent à la Convention sur les armes chimiques.
Le projet de loi a été présenté au Sénat par Marc Gold, le représentant du gouvernement au Sénat. Je le remercie d'avoir présenté le projet de loi le 2 juin 2022, soit il y a environ un an et demi. Le projet de loi apporterait plusieurs modifications à la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques afin qu'elle soit conforme à la Convention.
À l'heure actuelle, l'annexe de la loi canadienne ne correspond pas à la dernière liste d'armes chimiques figurant dans la Convention sur les armes chimiques, qui est entrée en vigueur en juin 2020, il y a trois ans et demi. La dernière liste de la Convention comprend les produits chimiques toxiques inscrits au tableau 1, qui inclut maintenant des agents Novitchok. L'appellation Novitchok est un terme général qui englobe divers groupes d'agents neurotoxiques conçus pendant la guerre froide par l'Union soviétique dans le cadre de son programme d'armes chimiques. La liste des produits chimiques figurant dans la Convention sur les armes chimiques est censée être mise à jour de temps à autre à mesure que la technologie évolue et que les produits chimiques toxiques et leurs précurseurs changent.
Voilà pourquoi ce projet de loi est important. Il fera en sorte que, dans l'avenir, il ne soit pas nécessaire de mettre à jour la liste des produits chimiques réglementés par la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques. Ce projet de loi supprimerait l'annexe de la loi canadienne et la remplacerait par une référence à la Convention sur les armes chimiques, de sorte que, pour les éléments inscrits dans la Convention sur les armes chimiques, le droit canadien intégrerait automatiquement les changements apportés de temps à autre à la Convention. Pour être plus précis, voici ce que dit le projet de loi :
Le texte modifie la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques en y supprimant l’annexe ainsi que les renvois à cette annexe mentionnés dans la Loi afin d’éviter toute divergence éventuelle entre la Convention sur l’interdiction de la mise au point, de la fabrication, du stockage et de l’emploi des armes chimiques et sur leur destruction, avec ses amendements éventuels, et les extraits de la Convention qui sont reproduits à l’annexe.
La Convention sur les armes chimiques et la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques sont très importantes, et voici pourquoi. Il y a huit ans, en 2015, Emilian Gebrev a été empoisonné en Bulgarie par un agent de type Novitchok, qui, je le répète, est un agent neurotoxique utilisé comme arme datant de l'ère soviétique. Il y a cinq ans, en 2018, Sergueï Skripal, un ancien espion russe, et sa fille ont été empoisonnés au Royaume‑Uni au moyen de ce même agent neurotoxique. Ces tentatives d'assassinat ont été perpétrées en sol étranger par des individus travaillant pour la Fédération de Russie.
Comme le secrétaire parlementaire l'a mentionné dans ses observations, le danger est important non seulement pour les victimes des opérations de sécurité orchestrées par la Russie, mais aussi pour les victimes aléatoires. En effet, ces agents neurotoxiques ne se dissipent pas et toute manipulation peut entraîner des maladies graves, comme ce fut le cas pour Sergueï Skripal et sa fille, ou la mort. De plus, en 2017, Kim Jong-nam, le demi-frère de Kim Jong Un, dirigeant de la Corée du Nord, a été assassiné par un autre type d'agent neurotoxique, un produit maintenant couvert par la nouvelle Convention, alors qu'il se trouvait à l'aéroport de Kuala Lumpur, en Malaisie. Récemment, le chef de l'opposition russe Alexeï Navalny a été empoisonné et placé dans un coma artificiel. Heureusement, il a survécu.
De tels événements ont encore lieu de nos jours, et il est important que la loi canadienne nous donne les outils adéquats pour lutter contre ces crimes et y mettre un frein.
Des armes chimiques sont utilisées à l'heure où on se parle et elles menacent des gens partout sur la planète, y compris dans les pays occidentaux. La Fédération de Russie utilise des agents de type Novitchok. Il semble que ce soit l'une de ses armes de choix pour les assassinats à l'étranger. Il s'agit d'un agent neurotoxique mortel dont une toute petite quantité suffit pour tuer des milliers de personnes. Il constitue une menace à la sécurité des habitants des pays occidentaux, y compris des Canadiens. C'est pour cette raison que nous devons nous doter des outils pour arrêter la prolifération des armes chimiques, notamment en nous assurant que la Convention et la loi canadienne demeurent à jour.
Le 7 juillet dernier, les États‑Unis ont annoncé avoir détruit leur toute dernière arme chimique. C'est un jalon important et une preuve de la réussite de cette convention. Quelques 72 304 tonnes métriques d'armes chimiques déclarées ont été détruites dans le monde. Par contre, la Russie, qui avait totalement détruit ses réserves déclarées d'armes chimiques, avait manifestement des armes non déclarées, y compris des agents de type Novitchok, qu'elle utilise pour cibler des personnes dans les démocraties occidentales.
Le mois dernier, nous avons souligné le jour du Souvenir. Partout au pays, des Canadiens se sont joints aux vétérans afin de commémorer les sacrifices de membres de l'Armée canadienne, de la Marine royale canadienne et de l'Aviation royale canadienne. Le jour du Souvenir s'appelait à l'origine jour de l'Armistice, en souvenir du premier anniversaire de l'armistice. Cet événement a eu lieu pour la première fois en 1919 dans tous les pays du Commonwealth britannique, dont le Canada. Il soulignait l'entente qui avait mis fin à la Première Guerre mondiale. Le jour du Souvenir est une occasion de songer à l'histoire et à l'utilisation des armes chimiques. De nos jours, la Première Guerre mondiale est chose du passé, car toutes les personnes ayant vécu à cette époque sont maintenant décédées. Nous nous souvenons toutefois de cette guerre, et il est important de le faire chaque année. Nous devons aussi nous rappeler, en débattant de cette mise à jour à la loi canadienne, que pendant la Première Guerre mondiale, tous les belligérants, y compris le Canada, ont utilisé des armes chimiques. L'Allemagne a utilisé le chlore gazeux pour la première fois lors de la deuxième bataille d'Ypres, ciblant non seulement les troupes françaises et algériennes, mais aussi les troupes canadiennes.
À l'origine, l'utilisation d'armes chimiques nécessitait le recours à des troupes hautement spécialisées et elle dépendait de facteurs comme le vent pour la dispersion sur le champ de bataille. Avec le temps, de nouveaux systèmes de dissémination, notamment des obus d'artillerie et des projecteurs de gaz, ont été développés. Contrairement au chlore gazeux, qui a une odeur et une couleur caractéristiques, les gaz employés par la suite étaient inodores et incolores, ce qui rendait plus difficile leur détection. En réponse à ces agents toxiques, des mesures de protection comme les masques à gaz et des outils défensifs ont été conçus. Avant la fin de la guerre, l'utilisation des gaz était devenue monnaie courante, et les soldats avaient commencé à porter régulièrement le masque à gaz pour aller au combat. Tous les belligérants ont utilisé des armes chimiques, surtout dans les 100 derniers jours de la guerre. Au total, les armes chimiques ont blessé 1,2 million de personnes et en ont tué 90 000.
Au cours de la période qui a précédé la Seconde Guerre mondiale, la possibilité d'un recours massif aux armes chimiques suscitait de vives inquiétudes sur la scène internationale. En effet, l'Italie avait employé des gaz mortels lors de son invasion de l'Abyssinie, et le Japon avait eu recours à des armes chimiques et biologiques lors de son invasion de la Chine, en 1937, et par la suite. Il convient de noter que tous les pays n'avaient pas accès à ce type d'armes. Tant en Abyssinie que pour l'invasion de la Chine, seul un des deux camps en possédait une, en l'occurrence le gaz.
Lors de la Seconde Guerre mondiale, même si les deux camps disposaient d'armes chimiques, ils se sont abstenus de les employer, ce que l'on pourrait considérer comme une application précoce de la doctrine de la destruction mutuelle assurée: ils on cherché à renforcer leurs arsenaux, ne serait-ce qu'à des fins dissuasives. Bien que les armes chimiques n'aient finalement pas servi au cours de ce conflit, la menace de leur utilisation à très grande échelle planait.
Dans les années 1980, l'Irak a employé des armes chimiques contre l'Iran et contre sa propre population kurde. En Syrie, le régime Assad en a fait usage pour délibérément tuer des centaines civils. On sait également que Daech y a recouru en Syrie et en Irak.
L'incapacité d'interdire et de contrôler la production et l'utilisation des armes chimiques ne date pas d'hier. C'est dans la Convention de La Haye de 1899 que l'on a tenté pour l'une des premières fois de réglementer les armes chimiques. On y interdisait le recours à des poisons comme armes de guerre, et en particulier l'emploi de projectiles ayant pour but unique de répandre des gaz asphyxiants. Les pays qui avaient ratifié cette convention se sont subséquemment employés à accumuler des stocks considérables d'armes chimiques dont ils se sont servis sans discernement pendant la Première Guerre mondiale. La Convention de La Haye de 1899 n'a pas été utile pour prévenir l'utilisation de ces armes.
Après la guerre, le Protocole de Genève de 1925 a interdit l'utilisation des armes chimiques, et le Canada l'a ratifié, mais s'est quand même par la suite livré à des activités de recherche et de production des armes chimiques et biologiques. Bien que les armes chimiques et biologiques n'aient pas été utilisées pendant la Seconde Guerre mondiale, qui a fait rage par la suite, le protocole lui-même n'a pas empêché des pays qui l'avaient signé, même le Canada, de faire des travaux de recherche et de développement pour se doter de la capacité d'avoir recours à des armes chimiques.
Tout cela a fini par nous mener à la Convention sur l'interdiction des armes chimiques qui est en vigueur aujourd'hui. Cette convention comprend un régime de vérification qui est administré par l'Organisation pour l’interdiction des armes chimiques, dont le siège se trouve à La Haye. Il est important que nous tenions ce document à jour et que le Canada mette à jour ses lois également. La Convention a donné de bons résultats. Elle n'est pas parfaite, et des cas d'utilisation d'armes chimiques ont été recensés depuis qu'elle est entrée en vigueur. On peut dire principalement que les tableaux faisant partie du texte de la Convention n'interdisent pas les produits chimiques qui s'attaquent au système nerveux central. Un seul produit de ce genre fait partie de la liste actuellement. Les toxines biologiques, c'est-à-dire les produits chimiques secrétés par des animaux ou que l'on retrouve dans la nature, ainsi que les biorégulateurs, qui sont des substances produites par le corps humain, ne sont pas inclus dans les tableaux. Ce sont des produits qui pourraient être fabriqués ou exploités pour un usage militaire, alors il vaudrait la peine qu'on se penche sur cette question lors du prochain examen de la convention.
Au fur et à mesure que la technologie évolue et que de nouveaux agents chimiques et de nouvelles armes chimiques voient le jour, la convention doit s'appuyer sur des modifications pour prendre en compte et interdire les nouveaux développements en matière d'armes chimiques. Le projet de loi nous donne l'occasion de maintenir l'engagement inébranlable du Canada à limiter les dommages causés par les armes de destruction massive, les armes nucléaires et les armes biologiques. Le Canada a grandement contribué à la convention en étant l'un de ses premiers signataires. Notre engagement continu est évident puisque le Canada reste un membre sérieux du conseil exécutif de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques, ce qui souligne notre engagement continu envers cette cause vitale.
Je voudrais de nouveau remercier le sénateur Gold d'avoir présenté ce projet de loi. Mes collègues conservateurs et moi-même soutiendrons le projet de loi . J'insiste pour qu'il soit adopté rapidement afin que le Canada remplisse ses obligations internationales. Je demande instamment à la Chambre de veiller à ce que les lois canadiennes restent à jour et compatibles, non seulement avec celles de nos alliés, mais aussi avec celles de la grande communauté des États qui s'efforcent d'enrayer l'utilisation, la prolifération et la mise au point d'armes chimiques, ainsi que la recherche à cette fin.
Depuis les horreurs de la Première Guerre mondiale, il existe un consensus quasi universel sur le fait que le déploiement massif d'armes chimiques est barbare et cruel, même en temps de guerre. Au cours des dernières décennies, une combinaison d'intérêts nationaux stratégiques, y compris la convention dont il est question, a empêché la plupart des pays d'utiliser ces armes, et le monde n'a pas connu de déploiement massif d'armes chimiques depuis la Première Guerre mondiale. Cependant, nous avons malheureusement vu de nombreux exemples d'utilisation d'armes chimiques à plus petite échelle, et la Russie continue de les utiliser pour des assassinats politiques dans des pays étrangers. Par conséquent, la modernisation de la loi en supprimant la liste actuelle des agents interdits et en ajoutant simplement un renvoi à la convention elle-même garantirait que les lois du Canada respectent nos obligations et que nous possédons les outils les plus récents en matière de dissuasion et de lutte contre la prolifération des armes chimiques.