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Monsieur le Président, je suis reconnaissant d'avoir l'occasion d'intervenir au sujet du projet de loi qui porte sur la question extrêmement importante de l'aide médicale à mourir, ou AMM, dans le contexte de la maladie mentale.
Je pense que tous les députés conviendront qu'il s'agit d'une question extrêmement complexe, très délicate et émotionnelle, qui soulève des opinions divergentes et profondément ancrées au sein de la communauté médicale ainsi que chez les experts et le public en général. Il est difficile de savoir si, comment et quand il convient d'élargir l'admissibilité à l'aide médicale à mourir aux personnes dont la seule condition médicale sous-jacente est une maladie mentale; il n'y a pas de réponse facile à ces questions.
Le gouvernement fédéral estime que l'admissibilité à l'aide médicale à mourir devrait être élargie à ces personnes. Cependant, cet élargissement ne devrait pas être accordé trop rapidement, notamment avant que le système de soins de santé soit prêt à fournir en toute sécurité l'aide médicale à mourir dans tous les cas où la santé mentale est le motif invoqué. Voilà pourquoi le gouvernement a présenté le projet de loi , qui propose de repousser de trois ans, soit jusqu'au 17 mars 2027, l'exclusion temporaire de toute personne dont le seul problème de santé est une maladie mentale. Le projet de loi contient une disposition qui exige un examen parlementaire avant la fin de l'exclusion.
Les députés se souviendront qu'en 2015, la Cour suprême du Canada a conclu, dans l'affaire Carter, que l'interdiction absolue visant l'aide médicale à mourir prévue par le Code criminel était inconstitutionnelle. La Cour suprême a statué que l'aide médicale à mourir doit être autorisée dans certaines circonstances, notamment dans le cas des adultes aptes qui consentent clairement à mettre fin à leur vie et qui sont atteints d'une maladie grave et incurable. Cette décision a conduit à la légalisation de l'aide médicale à mourir au Canada un an plus tard, en 2016, avec l'adoption par le Parlement du projet de loi . La loi initiale limitait l'admissibilité à la mesure aux adultes compétents souffrant d'une affection médicale admissible et dont la mort naturelle était raisonnablement prévisible. Notre cadre d’application de la loi a été ajouté au Code pénal; il constituait un ensemble rigoureux de critères d'admissibilité, ainsi que des mesures de sauvegarde visant à prévenir les erreurs et les abus dans la prestation du service.
Quelques années plus tard, le critère de « prévisibilité raisonnable de la mort naturelle » a été contesté au Québec; en 2019, il a été déclaré inconstitutionnel par la Cour supérieure du Québec dans l'arrêt Truchon. Comme il s'agissait d'un jugement de première instance, il n'était applicable qu'au Québec. Néanmoins, le procureur général du Canada n'a pas fait appel de la décision; au lieu de cela, le gouvernement fédéral a décidé d'élargir l'admissibilité à l’aide médicale à mourir. C'est ainsi que le Parlement a adopté le projet de loi en 2021, qui étend l'admissibilité à la mesure aux personnes dont la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible. Ce critère a donc été supprimé et deux séries de mesures de sauvegarde ont été établies pour la prestation légale de l’aide médicale à mourir.
La première série de mesures de sauvegarde s'applique aux personnes dont le décès naturel est raisonnablement prévisible; la seconde, plus rigoureuse, s'applique à celles qui ne sont pas en fin de vie. Cette deuxième série de mesures de sauvegarde a été établie pour tenir compte du fait que les demandes émanant de ces personnes sont plus complexes. C'est pourquoi il faut au moins 90 jours pour évaluer leur admissibilité. Il ne s'agit pas d'un délai de réflexion, mais d'un délai minimum d'évaluation. Cette mesure de sauvegarde a été instituée à cause des difficultés et des préoccupations supplémentaires qui peuvent survenir lorsque la mort naturelle des personnes qui demandent le service n’est pas raisonnablement prévisible. Il s'agit notamment de savoir si les souffrances de la personne sont causées par des facteurs autres que son état de santé, et s'il existe d'autres moyens que l’aide médicale à mourir pour y remédier.
Cette deuxième série de mesures de sauvegarde exige elle aussi l’attestation par deux médecins que la personne répond à tous les critères d’admissibilité, et si aucun des deux médecins n’est spécialisé dans la maladie dont souffre la personne, l’un d’entre eux doit consulter un autre médecin qui l’est. En impliquant un médecin ayant la spécialisation nécessaire, on s’assure que toutes les possibilités de traitement sont envisagées.
Les médecins sont également tenus d’informer la personne des services disponibles en matière de counseling, de santé mentale, de soutien aux personnes handicapées, de services communautaires et de soins palliatifs; de lui proposer des consultations avec des professionnels compétents; et de s’assurer que la personne a examiné sérieusement ces différentes possibilités pour atténuer ses souffrances. Même si la personne n’est pas obligée de suivre des traitements qu’elle peut juger inacceptables, elle est quand même tenue d’évaluer sérieusement le pour et le contre des options de traitement qui lui sont proposées.
Dans sa version initiale, l’ancien projet de loi écartait définitivement toute demande d’aide médicale à mourir présentée au seul motif de la maladie mentale. Ce n’était pas parce qu’on estimait, à tort, que les personnes souffrant d’une maladie mentale n’ont pas la capacité de prendre des décisions ou parce qu’on ne se rendait pas compte du niveau de souffrance que peut entraîner une maladie mentale. C’était plutôt à cause des risques inhérents et des complexités qu’aurait entraînés l’admissibilité de ces personnes au seul motif de la maladie mentale.
Saisi du projet de loi, le Sénat a adopté un amendement qui ajoutait une disposition portant caducité, de telle sorte que l’exclusion au motif de la maladie mentale était abrogée au bout de 18 mois. La Chambre des communes a accepté cet amendement en principe, mais elle a fait passer ce délai à deux ans. Autrement dit, la disposition permettant à une personne de présenter une demande au seul motif de la maladie mentale devait entrer en vigueur le 17 mars 2023.
On avait décidé de maintenir temporairement l’exclusion de ces personnes, car on estimait qu’il fallait faire d’autres études sur les risques et les complexités d’un élargissement de l’aide médicale à mourir à cette catégorie de personnes. C’est la raison pour laquelle l’ancien projet de loi exigeait également qu’un groupe d’experts réalise un examen indépendant des protocoles, des directives et des mesures de sauvegarde recommandés pour l’étude des demandes d’aide médicale à mourir présentées par des personnes souffrant d’une maladie mentale.
L’ancien projet de loi prévoyait également la création d’un comité parlementaire mixte qui serait chargé de faire une étude approfondie des dispositions du Code criminel concernant l’aide médicale à mourir et d’autres sujets connexes, comme l’aide médicale à mourir et la maladie mentale. Le comité s’est mis au travail, et son rapport provisoire, qui portait principalement sur l’aide médicale à mourir et la maladie mentale, a été publié en juin 2022. Il enjoignait le gouvernement fédéral à collaborer avec les organismes de réglementation, les associations professionnelles, les comités institutionnels et les provinces et territoires pour s’assurer que les recommandations du groupe d’experts soient mises en œuvre rapidement.
Le deuxième rapport de ce comité a été déposé en février 2023. Il soutenait principalement que l’aide médicale à mourir devrait être permise dans les cas où le seul problème de santé est une maladie mentale. Cependant, le rapport final a également soulevé une grave préoccupation, soit la nécessité de consacrer plus de temps à l’élaboration de normes et à la formation avant que la loi ne permette qu’une maladie mentale à elle seule justifie une demande d’aide médicale à mourir. Le gouvernement fédéral a reconnu les progrès importants réalisés par les provinces et les territoires, par les intervenants et par la communauté médicale pour se préparer à l'élargissement de sa portée. Cependant, le comité a fini par conclure qu’il faudrait y consacrer plus de temps.
C’est pourquoi nous avons présenté le projet de loi , que le Parlement a adopté. Il a prolongé l’exclusion d’un an, soit jusqu’au 17 mars 2024. Cette prolongation nous donne le temps de distribuer des ressources importantes aux médecins et au personnel infirmier. Nous avons jugé qu’il serait essentiel de bien préparer l’évaluation et la prestation sûres de toutes les demandes d’aide médicale à mourir fondées sur une maladie mentale. Dans son deuxième rapport, le comité a affirmé qu’il appuyait cette prolongation.
Je tiens à souligner tout le travail que le gouvernement fédéral a accompli pendant cette prolongation pour faciliter la mise en œuvre de certaines des recommandations du groupe d’experts. Ainsi, l’an dernier, nous avons modifié le règlement sur la surveillance de l’aide médicale à mourir afin d’assurer la collecte et la communication de données complètes. On pourra ainsi recueillir des données sur la race, sur l’identité autochtone et sur les handicaps des personnes qui demandent l’aide médicale à mourir. Ces changements sont entrés en vigueur en janvier 2023, et la première série de données sera présentée dans le rapport annuel de 2024 de Santé Canada sur l’AMM.
Santé Canada a également créé un groupe de travail indépendant chargé d’élaborer une norme de pratique pour l’AMM. En mars 2023, le modèle de norme de pratique de l’AMM et la documentation qui fournit des directives pour l'évaluation des demandes complexes d’AMM a été publiée. Enfin, Santé Canada a aidé l’Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'AMM à élaborer un programme canadien d’AMM, qui a été lancé en septembre 2023.
Au Canada, certains aspects de l’aide médicale à mourir relèvent de la compétence fédérale et d’autres de la compétence provinciale et territoriale. Le gouvernement fédéral est responsable du droit criminel, alors que les provinces et les territoires sont responsables de la mise en œuvre de l’aide médicale à mourir dans leurs systèmes de prestation de soins de santé. Des progrès impressionnants ont été réalisés pour en étendre la portée d’ici à la date d’échéance de mars 2024. Cependant, les provinces et les territoires ont tous indiqué qu’ils ne sont pas encore prêts. Pour cette raison, nous proposons de prolonger l’exclusion temporaire pour maladie mentale d’une autre période de trois ans, soit jusqu’au 17 mars 2027.
Cette prolongation donnerait plus de temps aux provinces et territoires et à leurs partenaires pour organiser leurs systèmes de santé en mettant en œuvre des directives réglementaires et en créant des ressources supplémentaires pour leurs médecins et leurs infirmiers praticiens. La prolongation donnerait aussi plus de temps aux médecins et aux infirmiers praticiens pour se familiariser avec les formations et les aides disponibles. Notre objectif ultime est de veiller à ce que les mesures nécessaires soient mises en place pour protéger les intérêts des personnes qui demandent d’accéder à l’aide médicale à mourir lorsqu’un trouble mental est le seul problème médical invoqué.
Nous pensons qu'il ne faut pas précipiter les choses. L'admissibilité à l’aide médicale à mourir ne devrait pas être élargie tant que le système de santé n'est pas prêt à fournir le service en toute sécurité dans ces situations complexes. J’exhorte tous les députés à appuyer le projet de loi pour que nos partenaires puissent bien faire les choses.
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Madame la Présidente, nous n’aurions jamais dû en arriver là. Si le gouvernement avait consulté adéquatement les Canadiens, cet élargissement de l’aide médicale à mourir n’aurait jamais vu le jour. Au lieu de cela, nous avons maintenant l’aide médicale à mourir au Canada, un triomphe de l’idéologie sur le gros bon sens.
La décision récente du gouvernement libéral de retarder, mais non d’annuler, l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes ayant une maladie mentale reflète une approche peu judicieuse de cette question de vie ou de mort si importante. À l’origine, l’aide médicale à mourir visait les personnes atteintes d'une maladie physique incurable qui leur causait une souffrance intolérable et dont la mort était raisonnablement prévisible. Cependant, les libéraux ont rapidement éliminé l’exigence selon laquelle la mort devait être raisonnablement prévisible, puis ils sont allés beaucoup plus loin en acceptant rapidement la demande du Sénat non élu d’étendre l’aide au suicide aux personnes ayant une maladie mentale.
Le gouvernement a manifesté sa volonté d’aller encore plus loin en incluant les enfants dans son plan meurtrier. Comme nous l’avions prédit en 2016, lorsque le a présenté l’aide médicale à mourir aux Canadiens, notre pays s’engage maintenant sur une pente raide et savonneuse. Malgré les accusations d’alarmisme et d’exagération qui nous ont été lancées, l’histoire a prouvé que les députés conservateurs avaient raison. En huit ans à peine, notre pays est passé de l’interdiction du suicide assisté au régime le plus permissif et le plus dangereux au monde. Les statistiques sont renversantes. L’an dernier, plus de 13 000 Canadiens sont morts à cause de l’aide médicale à mourir, augmentation de 31 % par rapport à l’année précédente, et cela, avant même que l’aide médicale à mourir ne soit disponible pour les personnes ayant une maladie mentale.
L’aide médicale à mourir est maintenant la quatrième cause de décès au pays. Comparativement à d’autres administrations où l’aide médicale à mourir est offerte, comme la Californie, au Canada, les décès par suicide assisté dépassent de loin ceux d’autres administrations. Cela devrait vraiment nous préoccuper, car cela témoigne d’une mise en œuvre irresponsable de l’aide médicale à mourir. Imaginez combien de milliers d’autres décès s’ajouteront chaque année, si le plan libéral visant à inclure les personnes ayant des troubles mentaux entrait en vigueur.
Ce qui est de plus en plus préoccupant, c’est le nombre croissant de cas où l’aide médicale à mourir a été mal approuvée et administrée au mépris de ce qui est actuellement autorisé en droit pénal. Je vous donne quelques exemples. Il y a un homme à Hamilton qui préférerait mourir plutôt que de lutter contre la pauvreté, comme l’a rapporté l'Hamilton Spectator Reporter; une femme du Cap-Breton a demandé l’aide médicale à mourir en raison des longs délais d’indemnisation des accidentés du travail; une mère quadriplégique de l’Ontario a demandé l’aide médicale à mourir parce qu’elle n’avait pas accès à des mesures de soutien pour les personnes handicapées; une ex-paralympienne a dit aux députés que le ministère des Anciens Combattants lui avait offert l’aide à mourir plutôt que de l’aider; et une femme de Winnipeg a choisi l’aide médicale à mourir en raison de l’insuccès de ses efforts pour obtenir des soins à domicile.
Il y a aussi le cas de Donna Duncan, de ma propre ville, Abbotsford, qui a été euthanasiée parce qu’elle n’avait pas eu accès à un soutien en santé mentale au moment où elle en avait le plus besoin. En effet, elle a reçu l’aide médicale à mourir sans que ses filles, Christie et Alicia, soient mises au courant. Elles n’ont pas eu la chance de dire au revoir à leur mère.
Il y a aussi Kathrin Mentler, qui souffre de dépression chronique et entretient des pensées suicidaires. Se sentant particulièrement vulnérable, elle s’est rendue à l’hôpital général de Vancouver à la recherche d’une aide psychiatrique pour un sentiment de désespoir dont elle ne pouvait se défaire. Au lieu de cela, un clinicien lui a dit qu’il y aurait une longue attente pour voir un psychiatre et que le système de santé était défaillant. Il lui a ainsi posé une question perturbante: « Avez-vous envisagé l’aide médicale à mourir? »
Il y a le cas de Sophia, qui souffrait d’une grave sensibilité à la fumée et aux produits chimiques, provoquant des éruptions cutanées, des difficultés respiratoires et des maux de tête aveuglants. Elle a eu recours à l’aide médicale à mourir pour mettre fin à ses jours, après un effort frénétique de ses amis, de ses sympathisants et même de ses médecins pour lui trouver un logement sûr et abordable à Toronto. Elle a supplié les autorités de l’aider à trouver un logement loin de la fumée et des produits chimiques qui flottaient dans son appartement. « Le gouvernement me considère comme un déchet dont on peut se passer, une râleuse, une personne inutile et une emmerdeuse », a-t-elle déclaré dans une vidéo filmée huit jours avant sa mort.
Des Canadiens meurent inutilement et dans des circonstances qui appellent à reconsidérer jusqu’où les Canadiens sont prêts à aller dans l’euthanasie de leurs concitoyens. Il est tout à fait évident que le gouvernement n’a mené aucune consultation sur l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir. Les professionnels de la santé mentale commencent à peine à prendre connaissance des projets du gouvernement visant à euthanasier des personnes affligées de troubles mentaux.
Les psychiatres, les psychologues, les conseillers cliniques et les experts en prévention du suicide s’opposent massivement à cet élargissement de l’accès, et ce n’est que récemment que le gouvernement a commencé à consulter les collectivités autochtones, nos concitoyens canadiens qui sont les plus exposés au risque d’une application étendue de l’aide médicale à mourir.
Les provinces et les territoires, comme cela a déjà été mentionné, ont envoyé une lettre conjointe au gouvernement, déclarant qu’ils n’étaient pas prêts pour l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir. En fait, ils ont demandé non seulement un report, mais aussi une suspension indéfinie des projets du gouvernement. Les Canadiens ordinaires ont bien entendu répété à maintes reprises qu’ils n’étaient pas favorables à ce que l'on étende l’accès à une aide au suicide aux personnes souffrant de maladie mentale.
Le pire, c’est que cet élargissement de l’accès a lieu à un moment où le Canada est confronté à des crises nationales aggravantes en matière de santé mentale, de soins palliatifs, de dépendance aux opioïdes, d’abordabilité et d'itinérance. La montée en flèche du coût de la vie n’a fait qu’exacerber ces profonds défis sociaux.
L’approche imprudente du gouvernement en matière d’aide médicale à mourir va également à l’encontre de l’engagement déclaré du Parlement à l’égard de la prévention du suicide, y compris la ligne de prévention du suicide 988 récemment activée, grâce à mon collègue de .
Comment les députés peuvent-ils prétendre soutenir les efforts de prévention du suicide, alors qu’ils encouragent en même temps le suicide facilité par l’État? Il est clair que l’approche contradictoire du gouvernement consiste à faire prévaloir l'aveuglement idéologique sur le bon sens et la raison. Ce qui est encore plus troublant, c’est que le message adressé aux Canadiens les plus vulnérables, aux personnes souffrant de troubles mentaux, aux personnes dépendantes des opioïdes, aux sans-abri, aux personnes souffrant de la faim et aux anciens combattants, est que le gouvernement préfère les euthanasier plutôt que de leur fournir les services de santé mentale et le soutien social dont ils ont besoin pour mener une vie productive et enrichissante.
À bien des points de vue, la vision utilitariste qui sous-tend l’approche du gouvernement est extrêmement troublante. Elle incarne littéralement le mal. Quelle que soit la définition retenue, l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes les plus vulnérables est une forme de nihilisme à peine voilé, que l'on s'efforce de présenter comme de la compassion.
Lors d’une séance d’information récente, des représentants du gouvernement libéral ont indiqué qu’ils étaient toujours déterminés à étendre l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant d'une maladie mentale. C’est simplement que leurs maîtres, à savoir le et ses collègues libéraux, ne veulent pas affronter la colère des électeurs pour avoir placé leur idéologie destructrice au-dessus des intérêts et du bien-être des plus vulnérables parmi nous. Ils veulent reporter le véritable débat à plus tard pour ne pas en subir les conséquences politiques.
Nous pouvons et nous devons faire mieux. Ce qui est vraiment nécessaire, et ce que les Canadiens exigent du et de sa , c’est que le gouvernement mette immédiatement fin à cette folie. Comme il n’y a pas de consensus sur l’élargissement de l’aide médicale à mourir au Canada, la seule chose raisonnable et responsable à faire est d’annuler complètement cette politique.
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Madame la Présidente, nous sommes à la Chambre pour débattre des questions les plus graves, et nous sommes saisis de l'une d'entre elles aujourd'hui.
D'emblée, je veux être très honnête. Je ne crois pas qu'il soit approprié de suspendre l'élargissement de l'aide médicale à mourir aux cas où un trouble mental est le seul problème médical invoqué. On devrait abolir l'élargissement de l'aide médicale à mourir aux personnes les plus vulnérables et à celles qui souffrent.
Nous avons entendu dire que le gouvernement libéral voudrait reporter l'élargissement afin d'éviter les répercussions politiques qui pourraient en découler lors des prochaines élections, et c'est honteux. Toutefois, la suspension offre l'occasion à un éventuel gouvernement conservateur d'interdire l'élargissement du suicide médicalement assisté aux personnes du pays qui devraient plutôt se voir offrir de l'espoir et de l'aide.
La Chambre a entendu les conservateurs lui offrir des solutions concrètes. Nous n'avons qu'à songer à la création d'une ligne téléphonique à trois chiffres, soit le 988, suggérée par le député de , qui a contraint le gouvernement à agir. Certes, il aura fallu que les libéraux se couvrent de honte avant de passer enfin à l'action, mais il reste que la ligne téléphonique offre de l'aide à des personnes qui en ont désespérément besoin.
Le député d' est intervenu juste avant moi. Son projet de loi, le projet de loi , aurait aboli l'élargissement de l'aide médicale à mourir aux cas où le seul problème de santé invoqué est un trouble mental, mais le gouvernement a rejeté ce projet de loi. En ce qui concerne les provinces et les territoires — qui, en vertu de la Constitution, sont responsables de la prestation des soins de santé —, soulignons que la majorité des premiers ministres ont dû demander au gouvernement d'interrompre sa démarche irresponsable.
Je vais voter pour la suspension, mais je ne laisserai personne penser que je suis pour que l'élargissement ait lieu dans trois ans.
Le présent débat a été rendu nécessaire parce que les libéraux ont enclenché le frein d'urgence pour arrêter l'élargissement irresponsable de l'aide médicale à mourir il y a un an. Si rien n'avait été fait, il y aurait eu un élargissement massif de l'aide médicale à mourir n'englobant pas seulement les personnes souffrant d'une maladie mentale ou de toxicomanie. L'élargissement de l'accès au suicide assisté ne peut se faire de façon sécuritaire et juste. Il est difficile, voire impossible, d'établir que le trouble mental dont souffre une personne est irrémédiable, ce qui signifie que nous ne pouvons pas savoir, avec toute la certitude requise lorsqu'il est question de vie ou de mort, si une personne souffrant d'une maladie mentale finira par aller mieux.
Dans son témoignage devant le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, dont j'ai été l'un des vice-présidents, le Dr Jitender Sareen, docteur au Département de psychiatrie de l'Université du Manitoba, a dit ceci:
Nous recommandons instamment de suspendre durablement l'élargissement de l'aide médicale à mourir aux troubles mentaux comme seul problème médical invoqué au Canada, tout simplement parce que nous ne sommes pas prêts. D'après notre expérience, les gens se remettent de longues périodes — par « longues », il faut comprendre des décennies — de dépression, d'anxiété, de schizophrénie et de toxicomanie grâce à des traitements fondés sur des données probantes. Nous sommes convaincus que l'accès à l'aide médicale à mourir en raison de troubles mentaux entraînera des décès inutiles au Canada et nuira aux efforts de prévention du suicide. Le rôle des médecins est de donner de l'espoir, et non d'acheminer les patients vers la mort.
Le Dr Sareen ajoute:
Contrairement aux conditions physiques qui déclenchent les demandes d'AMM, nous ne comprenons pas le fondement biologique des troubles mentaux et de la toxicomanie, mais nous savons que ces troubles peuvent être résorbés au fil du temps. La véritable discrimination et le manque d'équité consistent à ne pas fournir des soins aux personnes atteintes de troubles mentaux et de toxicomanie.
Je suis tout à fait d'accord avec le médecin.
Notre société a l'obligation morale de veiller à ce que chaque personne soit traitée comme un être humain dont la vie est précieuse et dont la dignité est inaliénable, et ce, dès sa création. Or, ce n'est pas ce que l'on fait quand on propose la mort à une personne au lieu de l'aider, de lui donner espoir et de lui offrir des traitements et des soins.
Les psychiatres, et même le prétendu groupe d’experts du , ne peuvent pas savoir si une personne va se rétablir d’une maladie mentale, même si le gouvernement a laissé les délais d’attente pour les traitements psychiatriques s'allonger, pour atteindre plus de cinq ans. Si le gouvernement va de l'avant, des Canadiens dont l'état se serait amélioré n'auront pas cette chance, car le gouvernement aura cautionné leur mise à mort.
En outre, il est difficile pour un clinicien de faire la distinction entre, d'une part, une demande rationnelle d'aide médicale à mourir lorsque la maladie mentale est le seul problème de santé invoqué et, d'autre part, une autre demande motivée par des idées suicidaires. En ce qui concerne les tendances suicidaires, le Dr Sareen a dit:
[...] il n'y a pas de définition opérationnelle claire qui permette de faire la différence entre quelqu'un qui demande l'AMM et quelqu'un qui veut se suicider alors qu'il n'est pas mourant. C'est ce qui fait la différence à l'échelle internationale. Si quelqu'un est mourant, on peut considérer qu'il s'agit d'une demande d'AMM. Si ce n'est pas le cas, on parle de suicide.
Sur la même question, le Dr Tarek Rajji a déclaré: « Il n'y a pas de moyen évident de cerner les idées suicidaires ou une intention suicidaire dans les demandes d'aide médicale à mourir. »
La frontière étant floue entre les idées suicidaires et les demandes supposément rationnelles d’aide médicale à mourir, les données recueillies par les États qui offrent le suicide assisté aux personnes souffrant de troubles mentaux montrent que le nombre de suicides et de décès facilités par la médecine augmente.
Nous ne pouvons pas participer à ce jeu dangereux auquel se livre le gouvernement, qui consiste à avancer à vive allure, quel qu’en soit le prix. Le ministre a déclaré que les libéraux avaient l'obligation morale de créer un régime de suicide assisté. Le désespoir et la misère, voilà leur obligation. Une obligation morale? C'est de l'immoralité.
C’est ce même gouvernement qui a dégradé la vie dans le pays au point qu’une génération entière de personnes perd tout espoir. Deux millions de Canadiens font chaque mois la queue devant les banques alimentaires, et des familles qui appartenaient autrefois à la classe moyenne vivent dans leur voiture. Des personnes se voient offrir l’aide médicale à mourir au lieu d’un fauteuil roulant, après avoir servi notre pays et s’être adressées au ministère des Anciens Combattants pour obtenir de l’aide. Des personnes se voient proposer l’aide médicale à mourir lors de rendez-vous de routine chez le médecin. Des personnes demandent l’aide médicale à mourir parce qu’elles n’ont pas les moyens de se loger. Des personnes cherchent à obtenir l'aide médicale à mourir parce qu’elles ne peuvent pas obtenir les soins psychiatriques dont elles ont besoin. L'aveuglement idéologique l'emporte sur les faits. C’est la mort sur demande pour n’importe quelle raison.
La dépression, l’anxiété, la schizophrénie, les troubles de la personnalité et les dépendances deviendront tous des prétextes pour justifier la mort sous le gouvernement libéral si nous le laissons exécuter ce plan. Une nouvelle génération de toxicomanes aura été créée en normalisant et en légalisant les opioïdes que l’on distribue à nos enfants. Le gouvernement semble vouloir se servir du régime d’aide médicale à mourir en guise de plan de lutte contre la toxicomanie. Plutôt que d’offrir un traitement et une chance de guérir aux personnes qui souffrent, on leur propose la mort.
Tout espoir n'est pas perdu parce que, même si nous adoptons ce projet de loi, nous pouvons encore espérer mettre un terme à l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes qui souffrent. Nous pouvons nous engager, en tant que représentants des Canadiens, à leur offrir la santé, l’aide, l’espoir et les traitements qu'ils méritent, que tout être humain mérite. La protection de la dignité, du respect, de l’espoir et de la vie: voilà ce pour quoi nous devons voter.
Je suis fier de voter pour la vie.
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Madame la Présidente, l’aide médicale à mourir est un sujet aussi essentiel que délicat. En choisissant de repousser le débat de trois ans, le gouvernement libéral s’allie aux conservateurs, avec la bénédiction du NPD, pour s’assurer que le débat ne sera jamais repris. C’est gravement irresponsable.
Au Bloc, nous étions favorables au report d’une année, mais, trois ans, cela nous mène après les élections. Aussi bien dire qu’on n’en parlera plus pour très longtemps. Pendant ce temps, Québec a adopté une loi qui permet les demandes anticipées. Cela couvre notamment les personnes qui souffrent de maladies neurodégénératives comme l’Alzheimer ou le Parkinson. Or, tant que le Code criminel n’est pas modifié à la Chambre, la loi québécoise est bloquée. L’Assemblée nationale du Québec au complet demande à Ottawa de modifier le Code criminel en ce sens. Même si la loi québécoise le permet, le Code criminel ne le permet pas. Cela laisse la porte ouverte à un risque de poursuites contre les médecins.
C’est pourquoi nous avons déposé un amendement en ce sens. Encore une fois, le gouvernement libéral, les conservateurs et les néo-démocrates ont choisi de s’y opposer. C’est encore une façon de rappeler au Québec qu’il ne peut décider pour lui-même, même lorsqu’il y a consensus, et que c'est le voisin qui décide à sa place, à notre place. Qui plus est, le gouvernement a choisi de faire adopter tout cela en imposant un super bâillon, avec l'appui du NPD. Il bâillonne la Chambre pour repousser le débat aux calendes grecques, tout en rejetant la demande unanime de Québec. C’est beau la démocratie ici.
Nous nous retrouvons à étudier un projet de loi qui vise à repousser les choix concernant les troubles mentaux et qui passe sous silence les maladies neurodégénératives et les demandes anticipées comme le fait la loi québécoise. Tout cela se produit trois ans après l'adoption du projet de loi . Peu importe les choix des autres partis, nous continuons et nous continuerons à demander que le Code criminel s’arrime à la loi québécoise sur les soins de vie en permettant les demandes de consentement anticipées.
Est-ce que je peux demander un peu plus d’humanité à la Chambre? Est-ce si compliqué de modifier le Code criminel pour rendre opérante la loi québécoise en ce qui concerne les demandes anticipées pour les personnes qui souffrent de maladies neurocognitives graves et incurables?
Afin d’essayer de convaincre mes collègues de l’importance de la demande de Québec et de la nécessité d’agir rapidement, je désire lire une lettre qui a été envoyée par une citoyenne de ma circonscription et qui m’a beaucoup touché. Elle parle de ce qu’a vécu sa maman, Mme Jacinthe Arnault. Voici ce qu'on peut y lire:
À l'âge de 56 ans, ma mère Jacinthe Arnault, infirmière clinicienne, apprenait qu'elle était atteinte de la maladie d'Alzheimer précoce. Aucun antécédent familial ne pouvait laisser présager que ce gros nuage noir allait ternir le reste de sa vie. La deuxième phrase que ma mère m'a dite en 2019 lors de l'annonce de son diagnostic était:
« Promets-moi que tu ne me laisseras pas mourir dans un CHSLD. Promets-moi Cath, que tu me laisseras partir dignement. » À cette époque la loi sur l’aide médicale à mourir ne permettait pas encore aux gens atteints de trouble cognitif d'avoir accès à ce type de soins.
J'ai fait des pieds et des mains pour fouiller sur le sujet, parler à des députés, participer à l'Assemblée nationale pour l'avancement de la loi, je me suis renseignée sur ce qui se fait aussi dans d'autres pays. Je voyais une impasse, même si ma mère réitérait ce qu'elle désirait semaine après semaine, je ne voyais pas comment je pouvais lui offrir la fin qu'elle aurait souhaitée. En 2021, lorsque le critère de « mort imminente » a été retiré de la loi, une lueur d'espoir. Heureusement ou malheureusement, ma mère ne réalisait pas à 100 % sa condition, elle n'était donc pas prête à nous laisser et choisir de mourir. Un risque important: le risque de perdre la chance de mourir dignement.
La maladie a progressé très rapidement, trop vite comparé à l'avancée des travaux sur l'élargissement de la loi. Au début de l'année 2022, nous devions assurer une surveillance quasi constante de ma mère, ses capacités cognitives, sa mémoire et même ses capacités motrices devenaient de plus en plus altérées. Malgré tout, elle a eu assez de lucidité pour demander l’aide médicale à mourir à sa gériatre qui la suivait. Les procédures se sont enclenchées. Le stress que nous avons vécu de ne pas savoir si jusqu'à la fin ma mère aurait changé d'idée. Pas parce qu'elle ne voulait plus cela, mais bien parce qu'elle aurait été trop malade pour se rendre compte de ses lacunes et de sa trajectoire.
Saviez-vous que la loi exige un 90 jours de carence avant de procéder à l’aide médicale à mourir pour les gens atteints de trouble cognitif? Étant moi aussi infirmière et voyant ma mère se dégrader à vue d'œil, je ne voyais pas comment elle aurait été encore lucide après ces 90 jours. Après plusieurs discussions avec le médecin prescripteur, nous avons pu devancer l’aide.
Pourquoi la crédibilité de ma mère n'était pas prise au sérieux? Pourquoi dans le cas de troubles cognitifs, le malade doit attendre pour recevoir l’aide médicale à mourir et non avec d'autres maladies incurables? Choisir de manière anticipée de mourir dignement est selon moi et ma mère un choix très personnel et légitime. Cette décision devrait être prise rapidement, dans un monde idéal, après l'annonce d'une maladie de ce genre. Considérant l’évolution des maladies neurodégénératives très variable d’une personne à une autre, ne serait-il pas pertinent de donner la chance à ces gens de choisir de manière anticipée de mourir avec dignité?
Ma mère a vécu un stress immense de ne pas savoir si elle aurait le droit de mourir. Et laissez-moi vous dire, qu’en tant que mère de deux jeunes enfants, moi aussi je vivais un stress épouvantable de ne pas savoir si ma mère allait décéder ou si je devais l’institutionnaliser dans les mois suivants, un choix qui m’aurait été déchirant considérant ses volontés si fermement exprimées.
Ma mère a travaillé les dernières années de sa carrière sur le département d’hémodialyse de l’hôpital de Joliette. Elle a choisi de donner au suivant. Le 4 mai 2022, elle est décédée entourée de ses proches au bloc opératoire de l’hôpital de Joliette. Elle a sauvé trois personnes. Ses deux reins et ses poumons revivent ailleurs au Canada, une fierté immense.
Je suis si fière d’elle et de nous.
Je souhaite de tout cœur qu’il soit possible de choisir de manière ANTICIPÉE l’aide médicale à mourir. Tous ces gens malades actuellement qui aimeraient mourir dignement dépendent de la rapidité à laquelle la loi changera.
Je remercie du fond du cœur Mme Joly pour sa lettre. Je fais miens ses mots, car, moi aussi, je souhaite de tout cœur qu’il soit possible de choisir de manière anticipée l’aide médicale à mourir. Comme elle le dit, c’est une question de dignité. Comme elle le rappelle, cela dépend de la rapidité à laquelle la loi changera. La Loi a été changée à Québec, il reste à arrimer le Code criminel.
J’espère sincèrement que les mots de Mme Joly auront contribué à convaincre mes collègues de l’importance de faire ce changement et, surtout, de le faire rapidement. Je lui dis merci.
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Madame la Présidente, je commencerai avec une affirmation qui se démontrera. Avec le projet de loi , le gouvernement libéral, qui manque de courage, vient d'accoucher d'une souris.
Ce qui nous amène à discuter du projet de loi C‑62 aujourd'hui, c'est l'adoption du projet de loi qui mettait en place le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir. Ce comité devait réviser la loi sur l'aide médicale à mourir et analyser les cas de figure, notamment la question des demandes anticipées. Parce qu'on savait que la problématique était plus difficile pour les troubles mentaux, le gouvernement a mis en place un comité d'experts, cela, dans le but d'aider les parlementaires à faire leur travail. Ce comité devait remettre un rapport au Comité mixte spécial.
Le comité d'experts a bel et bien été mis en place. Le problème, c'est qu'au lieu de pouvoir mettre tout de suite en place tout ce qu'il fallait, à la suite de l'adoption du projet de loi C‑7, le gouvernement a décidé de déclencher des élections en 2021. Cela a repoussé les travaux.
Tout de suite après des élections inutiles, on se serait attendu à ce que le Comité mixte spécial siège; mais non, on a attendu. On s'est traîné les pieds. Ce comité a fini par être constitué, mais il avait un gros mandat. Le mandat était tellement gros que, pour les troubles mentaux, il y a eu le projet de loi qui a reporté la recommandation du Comité.
Depuis février 2023, le Comité a été très clair au sujet de la question des demandes anticipées. C'était d'ailleurs sa recommandation la plus majoritaire. Pendant tout le débat à la Chambre sur le projet de loi C‑62, le gouvernement dit qu'il faut être prudent et qu'il faut y aller lentement. Je veux bien, mais quand la prudence implique de faire souffrir des patients, je ne suis plus d'accord. Je pense qu'il faut être diligent.
Ce gouvernement s'est traîné les pieds. On est en 2024 et il arrive avec un menu législatif qui consiste simplement à reporter la question des troubles mentaux. Oui, mais qu'advient-il de la recommandation phare du comité faite en février 2023? Le gouvernement savait très bien que le Québec faisait un travail de fond sur la question des demandes anticipées. Il savait très bien que le Québec arriverait avec une loi. Au lieu de s'en inspirer et de voir quelles mesures pouvaient être traduites dans le règlement qui accompagne la loi fédérale sur l'aide médicale à mourir, il n'a rien fait.
À plusieurs reprises, je suis intervenu à la Chambre pour demander au ministre de la Justice et au ministre de la Santé pourquoi le gouvernement n'avait rien fait. Pourquoi le projet de loi n'inclut-il pas un premier volet sur les demandes anticipées qui aurait dû être préparé pendant la dernière année? Pourtant, le gouvernement a pris la recommandation du Comité mixte spécial de février 2023 portant sur les troubles mentaux et il en a fait un projet de loi. Quand il s'agit des demandes anticipées, il ne fait rien alors que cette recommandation était majoritaire.
Hier, j'ai eu la réponse. En plein comité, le m'a démontré qu'il ne connaissait pas la loi québécoise. Or, ça se lève à la Chambre pour nous dire qu'on a un grand respect pour la démarche du Québec. Les libéraux ne savent même pas de quoi ils parlent. Le ministre m'a dit que c'était plus compliqué de mettre en place les demandes anticipées, que la question touchant les troubles mentaux, parce que, par exemple, au chevet du patient, il y aurait des querelles de famille.
Je me suis dit que le ministre n'avait pas lu l'article 29.6. de la loi québécoise, qui stipule qu'à partir du moment où une personne reçoit un diagnostic, elle peut nommer un tiers; celui-ci ne déterminera pas quand la personne pourra accéder à l'aide médicale à mourir, mais il va faire valoir ses volontés, qui feront partie de la demande anticipée, c'est-à-dire ses critères.
Des gens de ma circonscription m'ont dit que, quand ils seront rendus à jouer dans leurs excréments, quand ils seront doublement incontinents, quand ils ne voudront plus s'alimenter et que ce sera une corvée pour les gens qui les soignent de les alimenter, bien qu'ils soient payés pour le faire, quand ils ne seront plus capables de reconnaître leurs proches et quand ils ne pourront plus entrer en contact avec qui que ce soit de manière relationnelle, ils aimeraient que l'on procède à l'intervention. Le tiers en qui ils auront confiance demandera à l'équipe de soin — car c'est une équipe de soin qui entoure le patient — d'évaluer s'ils satisfont aux critères, s'ils sont rendus à cette étape.
Si les gens font des demandes anticipées, c'est parce qu'ils veulent éviter d'écourter leur vie. Ils veulent vivre le plus longtemps possible. On pourrait être bienfaisant à leur endroit et prendre soin d'eux jusqu'à ce qu'ils franchissent leur seuil du tolérable.
Le ministre ne sait même pas ce que je raconte actuellement. Trouve-t-on ça normal qu'on réponde qu'on respecte le Québec, qu'on a une grande admiration pour la trajectoire du Québec en l'occurrence et qu'on ne sache même pas ce que contient la loi québécoise?
Ce n'est pas étonnant qu'on arrive avec un projet de loi comme C‑62 qui n'inclut rien en ce sens. Après ça, on a le culot de venir dire que le Québec a fait des belles démarches, mais qu'ailleurs on n'est pas prêt, alors il faut qu'il attende et que ses patients vont souffrir. La société québécoise n'est pas la seule en matière de demandes anticipées. Le peuple, d'un océan à l'autre, appuie les demandes anticipées à 85 %. C'est ce que révèle un sondage Ipsos.
Les conservateurs prétendent vouloir être bienfaisants, ils veulent prendre soin des plus vulnérables. Moi aussi je veux prendre soin des plus vulnérables, mais qui y a-t-il de plus vulnérable qu'un patient à la veille de franchir son seuil du tolérable, qui souffre et qui est devant un gouvernement ou un État qui lui dit non?
On invoque qu'il pourrait y avoir des abus, comme si le Code criminel ne permettait pas de sanctionner les abus. On fait un procès d'intention au système médical, qui serait malfaisant d'entrée de jeu. J'entendais plus tôt mon collègue conservateur. Quand on entend les conservateurs, c'est comme si tout le monde qui travaille dans le système de la santé voulait euthanasier les vulnérables. J'entendais un autre député conservateur dire qu'il y a une crise des opioïdes, qu'il y a des gens dans les rues et qu'on va les euthanasier. Non, ce n'est absolument pas le cas. Cela n'a rien à voir. Dire des choses comme cela, c'est essayer de faire peur au monde et c'est faire de la désinformation sur un sujet aussi crucial que celui-là.
Quand on est bienfaisant, on ne porte pas atteinte au droit à l'autonomie de la personne. Le rôle de l'État n'est pas de décider en matière aussi intime que celle de choisir comment un individu veut franchir son seuil du tolérable. Ce n'est pas de dire à la place du patient ce qui est son bien. C'est d'assurer les conditions de l'exercice d'un choix libre et éclairé.
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Madame la Présidente, c’est toujours un grand honneur pour moi de prendre la parole à la Chambre, comme je l’ai fait à maintes reprises au cours des 20 dernières années. Je mentionne ce cap de 20 ans parce que j’ai toujours été un grand optimiste politique, un grand partisan du Canada, et que je crois en notre bonté fondamentale lorsqu'il s'agit d'arranger les choses.
Cependant, nous vivons une période très sombre pour la démocratie. Nous voyons la montée de la désinformation et des conflits sociaux dans tous les aspects de la vie. Sur la scène internationale, nous voyons l’incertitude qui émane de l’agression de Poutine et du massacre d’innocents en Palestine. Je ne pense pas que la Chambre des communes soit à la hauteur des attentes des Canadiens. Trop souvent, nous traitons de questions très profondes en publiant des communiqués de presse, des slogans et des politiques sensationnalistes.
De temps à autre, nous devons examiner des lois qui nous obligent à réfléchir profondément, et c’est certainement le cas ici. Rien n’est plus profond, pour la communauté humaine, que la naissance et la mort. La façon dont nous traitons les droits des personnes mourantes et les mesures de soutien qui doivent être en place définissent non seulement ce que nous sommes en tant que société, mais aussi ce que nous sommes en tant que familles, voisins, conjoints, parents et enfants.
Nous nous trouvons dans une situation très malheureuse, car nous n’avons pas réussi à mettre en place les garde-fous nécessaires pour protéger les gens à un moment d'une telle importance. La question de l’aide médicale à mourir est très personnelle, et il est important pour la société que nous fassions les choses correctement.
J’ai eu beaucoup de mal avec cette question. Je tenais à veiller à ce que nous agissions dans l’intérêt de tous, dans l’intérêt de la communauté humaine, en tenant compte non seulement du droit de choisir de la personne, mais aussi du droit des gens qui l’aiment de l'accompagner dans cette voie particulière.
L’anniversaire du décès de ma sœur Kathleen approche. Elle avait autant d’énergie qu’une tempête estivale, mais je n’ai jamais vu une personne souffrir aussi horriblement. Elle a fait preuve d’un courage indomptable jusqu’à la toute fin. Kathleen voulait toujours une réunion de plus, une autre chanson, une nouvelle histoire. Elle n’aurait jamais accepté l’aide médicale à mourir, car sa volonté de vivre était puissante, même si elle savait qu’elle ne survivrait pas à sa maladie.
Je ne dis pas que sa mort a été plus tragique que celle de n'importe qui d'autre. Elle est partie comme elle l'a choisi, et comme nous l'avions choisi. Ma mère a récité le rosaire, j'ai chanté Danny Boy. C'est ainsi que nous procédons dans ma famille. Nous avons ensuite organisé une grande veillée celtique. Il y avait des gens qui n'avaient jamais rencontré ma sœur, mais ils ont tous raconté des histoires à son sujet. C'est ainsi que nous procédons dans la tradition celtique.
J'ai aussi eu des amis qui étaient atteints de cancers incurables et qui m'ont téléphoné pour me dire au revoir. L’aide médicale à mourir leur a permis de choisir, avec leur famille et leur entourage, une façon digne de partir. Je respecte ce choix. C'est un choix très assumé.
Lorsque le Parlement a été obligé de mettre en place un régime en raison de l'arrêt de la Cour suprême, nous l'avons fait, puis nous avons dit qu'il y aurait un examen de la situation. Il fallait faire un examen parce que notre société s'aventurait en territoire inconnu. L'examen devait avoir lieu une fois que nous aurions pu observer le fonctionnement de l'aide médicale à mourir. La mesure était-elle appliquée comme prévu? Y avait-il des abus? Les exigences établies par le Parlement étaient-elles respectées?
Par la suite, la Cour supérieure du Québec a prononcé l'arrêt Truchon. J'ai alors estimé que le gouvernement fédéral avait l'obligation de faire appel. Je ne vais pas discuter du bien-fondé de la décision dans l'affaire Truchon, mais le gouvernement fédéral avait l’obligation de s'assurer que nous faisions vraiment preuve de toute la diligence requise avant d'appliquer cette décision à l'ensemble du pays. Or, il ne l'a pas fait.
Les libéraux ont apporté une modification à l’aide médicale à mourir avant l'examen prévu à l’origine. Tout d’un coup, les choses étaient en train de changer par rapport à ce dont on avait convenu. La question a ensuite été renvoyée à nos collègues du Sénat. Je ne dirai jamais grand-chose de positif sur le Sénat, mais aujourd'hui, je dirai certainement que les sénateurs se sont comportés de manière affligeante et déplorable.
Stan Kutcher, aux côtés duquel j’ai dû siéger au comité spécial, a fait preuve d’irrespect et d’arrogance. Les sénateurs ne sont pas élus, ils n’ont pas de comptes à rendre, ils ne sont pas obligés de s’expliquer auprès de leurs électeurs lorsqu’il y a une épidémie de suicides, comme je dois le faire, ainsi que d’autres, et ils ont donc décidé de fixer une date arbitraire pour l’élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant de maladie mentale et de dépression. J’estime qu’ils sont allés malheureusement beaucoup trop loin, et que c’était le rôle du Parlement de dire tout simplement non. Toutes les autres dispositions de la loi auraient été maintenues, mais ce n’est pas ce qui s’est produit. Ce qui s’est produit, c’est que les libéraux ont accepté l’amendement avant de se rendre compte qu’ils avançaient sur un terrain très dangereux et qu’ils n’avaient pas suffisamment réfléchi aux conséquences.
J’ai eu l’occasion de siéger avec mon collègue d’ à de nombreux comités, et même si nous ne sommes pas d’accord sur beaucoup de choses, nous partageons la même intégrité et le même désir de bien faire, avec la volonté de défendre nos valeurs. Il a proposé un projet de loi au sujet de ces dispositions, mais il a été rejeté. En conséquence, nous nous retrouvons à une trentaine de jours d’une modification radicale d’une loi qui aura des répercussions considérables sur la société canadienne, et nous débattons des notions de vie, de mort et de contrôle de son propre corps. Or, ce n’est pas ainsi que nous devrions aborder ces questions.
J’emploie l’expression « contrôle de son propre corps » parce que c’est l’un des droits humains fondamentaux, le droit de contrôler son propre corps et le droit de prendre une décision, mais ce n’est pas un droit absolu car des facteurs sociétaux y sont rattachés. Lorsqu’une personne est très déprimée, qu’elle souffre d’une maladie mentale et qu’elle se sent seule, sa capacité de prendre des décisions et le contrôle qu’elle exerce sur son propre corps sont diminués.
Il ne faut jamais oublier que personne ne meurt seul. On peut mourir dans la peine, on peut mourir dans la solitude, on peut mourir dans la plus grande souffrance, mais cette mort touche la famille, les proches et les voisins beaucoup plus que la personne disparue aurait pu imaginer, même au plus profond de sa souffrance. Ceux qui ont eu l’occasion de côtoyer des gens ayant vécu le suicide d’un proche savent que ces gens-là disent toujours: « si au moins il avait su combien on l’aimait ».
Dans les communautés du Nord où je travaille, des enfants d’à peine 10 ans perdent espoir et se suicident. Comment une nation peut-elle laisser des enfants de 10 ans se suicider?
J’aurais pensé que, lorsque ces crises du suicide ont eu lieu à Cross Lake, à Attawapiskat, à Pikangikum et à Wapekeka, des communautés qui ont souffert l'indicible, il y aurait eu un consensus national pour examiner les mesures à mettre en place, mais cela ne s’est pas produit.
Quand je siégeais au comité spécial, j’ai entendu des experts médicaux dire qu’ils étaient vraiment heureux que le gouvernement libéral ait mis en place toutes les mesures nécessaires pour faire adopter ce projet de loi. Je me suis dit que nous mettions en place des ressources qui permettraient à des gens gravement déprimés de prendre la décision de mourir sans avoir obtenu l’opinion de leurs proches, de leur famille ou même de leur conjoint. Le gouvernement est prêt à faire cela, mais pas à mettre en place les mesures de soutien plus vastes dont nous avons besoin en matière de maladie mentale.
Il ne s’agit pas d’un enjeu philosophique, mais bien d’une crise à laquelle nous faisons face, avec 4 000 suicides par année. La crise de la santé mentale est extrême. En 2016, j’ai proposé la stratégie nationale sur les soins palliatifs, parce que ces soins ne sont pas offerts équitablement dans l’ensemble du pays. Il est inacceptable de ne pas pouvoir mourir dans la dignité.
Nous avons discuté de l’approche en soins palliatifs avec des médecins et des membres du personnel infirmier de tout le pays. Le gouvernement fédéral a accepté et a dit qu’il mettrait en place une stratégie, qu’il travaillerait avec les provinces et les territoires, mais rien n’a été fait. En 2019, j’ai présenté la motion M‑174 sur un plan national de prévention du suicide, qui était fondé sur le travail remarquable qui a été accompli au Nunavut. Nous savons que le Québec a mis en place un plan de prévention du suicide et a réduit le taux de suicide de 50 %.
Une fois qu’on commence à brosser le portrait de la situation, il n'est pas difficile de trouver les facteurs pertinents, c’est-à-dire les tendances relatives aux endroits où ont lieu les séries de suicides, aux groupes d’âge et aux secteurs où sévissent des crises économiques. Cela faisait partie du plan d’action sur le suicide. Le Parlement aurait fourni les ressources nécessaires pour que nous puissions commencer à déterminer où ces crises se sont produites et mettre en place les services nécessaires en matière de santé mentale.
C’est ce que doit faire le Parlement, au lieu de se démener à la dernière minute pour trouver une solution, une autre solution temporaire de surcroît, au sujet d’une décision prise par le Sénat, une assemblée non élue qui n'a de comptes à rendre à personne, qui n’avait aucun appui, aucune crédibilité et aucun soutien, à part le fait que quelques sénateurs arrogants, qui n’ont jamais été élus et qui n’ont pas de comptes à rendre, ont décidé que le Parlement allait accepter cela, et le gouvernement est tombé dans le panneau.
C’était un échec total de la politique publique que de voir des sénateurs non élus comme Pamela Wallin et Stan Kutcher dicter la politique en matière de santé pour des gens en crise. Nous ne permettrions jamais une telle chose pour quoi que ce soit d’autre, et pourtant, c’est là que nous en sommes, à 30 jours de la date limite.
Nous avons reçu des lettres de personnes nous disant de ne pas le faire. Sept provinces sur dix nous ont dit de ne pas le faire. Le milieu médical nous a dit qu’il n’a aucun moyen de procéder à une évaluation correcte et nous demande de ne pas le faire. Nous avons entendu des choses très profondes et réfléchies de la part de témoins qui nous ont parlé de la complexité des problèmes liés à la maladie mentale. Qui peut dire si la maladie a un caractère irrémédiable? Qui peut dire que la souffrance est si grave qu’elle justifie la mort, alors qu’il y a d’autres solutions?
Il y a aussi le problème des personnes qui se trouvent dans des situations de plus en plus désespérées et qui se sentent seules. Cela nous dit qui nous sommes en tant que société lorsque nous disons que c’est bien dommage que quelqu’un soit sans abri, que quelqu’un vive avec le cauchemar de la dépendance ou que des jeunes d’une communauté autochtone du Nord n’aient jamais pu recevoir de soins médicaux appropriés. Par contre, s’ils veulent mourir, nous mettrons en place une procédure.
L’aide médicale à mourir n’a pas été conçue pour cela. Elle était destinée aux personnes en mesure de faire un choix, le choix de personnes adultes informées qui souffrent d’une douleur qui ne disparaîtra pas, avec leurs proches et leurs familles.
Je me souviens du jour où ma chère amie Liz, de l’île de Vancouver, m’a appelée. Nous étions de bons amis. Elle avait l’habitude de me conduire autour de l’île de Vancouver dans une vieille Jaguar avec des boiseries qu’elle avait payée 4 000 $. Je n’arrêtais pas de lui dire: « Liz, si la voiture tombe en panne dans les montagnes, ne me dit pas que je vais être forcé de sortir pour la pousser jusqu’à l’autre côté. »
Dans la voiture, Liz faisait jouer du blues pour moi. Elle parlait des saints catholiques et de la politique queer. Elle fumait et faisait les choses à sa manière. Alors qu’elle se mourait, elle m’a appelée et m’a dit que le moment était venu, qu’elle avait choisi ce moment parce que c’était le dernier où elle pouvait prendre cette décision. C’était une façon de partir qui était très mûrement réfléchie. L’aide médicale à mourir sert à cela.
L’aide médicale à mourir n’est pas destinée aux personnes qui pensent n’avoir aucun espoir, qui n’ont pas de soutien et qui n’ont pas accès à une équipe pluridisciplinaire solide pour examiner les problèmes avec elles. On ne peut pas changer d'idée après coup.
Je pense à la docteure Valorie Masuda, spécialiste des soins palliatifs, qui a déclaré au comité:
Si le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir recommande d'autoriser le recours à l'[aide médicale à mourir] dans les cas de maladie mentale chronique, je préconiserais d'instaurer un solide processus d'examen multidisciplinaire dans le cadre duquel des médecins, des psychiatres, des travailleurs sociaux et des éthiciens examineraient la demande d'[aide médicale à mourir] d'un patient, et d'effectuer un examen transparent des dossiers d'[aide médicale à mourir] qui serait partagé entre les autorités sanitaires sous supervision provinciale et fédérale pour éviter de traiter des problèmes sociaux avec l'euthanasie.
Imaginons qu'une personne souffrant de maladie mentale et de dépression puisse faire appel à une équipe multidisciplinaire de médecins, de psychiatres, de travailleurs sociaux et d'éthiciens. Nous n'aurions pas de crise de santé mentale. Sauf que ces gens ne sont pas là. Ces équipes ne sont pas là.
Le gouvernement s'était engagé à transférer 4,5 milliards de dollars pour la santé mentale aux provinces afin de faire face à la crise qui se déroule devant nous, mais il ne l'a pas fait.
Par conséquent, nous nous trouvons à nouveau dans une situation où l’on nous demande de voter. Le projet de loi que les libéraux ont présenté témoigne d'un manque de courage, parce qu’il va repousser le problème pendant trois ans, et nous devrons tout recommencer dans trois ans.
Nous l’avons repoussé pendant un an en raison de l’échec fondamental de l’ancienne procureure générale, qui l’a simplement laissé passer. Toutefois, le Sénat a fait une déclaration totalement déraisonnable, antidémocratique et imprudente, qui a annulé le travail de la Chambre démocratiquement élue, une Chambre dont les députés, aussi pitoyables que nous soyons parfois, simplistes, lançant des slogans et nous battant pour les choses les plus stupides, doivent retourner dans leur circonscription et parler à leurs concitoyens. Nous avons dû assister aux funérailles de personnes qui se sont suicidées à cause de la dépression. Nous apportons cette expérience à la Chambre.
Nous pouvons être en désaccord sur l’étendue de l’aide médicale à mourir, nous pouvons être en désaccord sur bien des choses, mais nous avons le droit démocratique et le devoir de faire ce qui s'impose ici. Le Sénat n’a aucune responsabilité démocratique, envers qui que ce soit. Par conséquent, le fait que nous devions réparer les pots cassés à cause de son arrogance et de l’incapacité du gouvernement libéral à lui demander des comptes est préoccupant. Nous devons y réfléchir. J’invite les gens de l’autre endroit à ne pas jouer avec cette question.
Le 17 mars, la date limite va changer, la loi du Canada va changer, et le nombre de personnes qui pourraient mourir sans soutien adéquat va peut-être changer. Le cadre juridique du Canada s’en trouvera modifié à jamais. Mon message à ces sénateurs non élus est de ne pas s'adonner à des jeux politiques avec le travail que nous faisons. Nous sommes en train de recoller les morceaux. Nous essayons de réparer les dégâts qu’ils ont causés, et nous devons le faire parce qu’un principe plus important est en jeu, celui de la dignité humaine dans un pays.
Nous devons également étendre cette conversation à l’échec actuel de notre pays en matière de santé mentale, à notre incapacité à offrir aux jeunes un avenir meilleur et à notre incapacité à reconnaître que si les personnes les plus faibles de notre société sont autorisées à se suicider parce qu’elles ont perdu espoir, alors nous aurons échoué, et nous échouons.
J’aimerais croire que nous pouvons nous entendre, au-delà des clivages politiques, pour dire qu’il doit y avoir des mesures de sauvegarde qui protègent l’autonomie de l’individu et qui placent les personnes en crise de santé mentale et en dépression dans le contexte de leur famille, de leurs proches et de leur société. Lorsqu’une personne meurt seule et dans l’obscurité, les effets se font sentir pendant de nombreuses années.
Après une vague de suicides, une communauté ressent les secousses du deuil pendant de nombreuses années. Il faut beaucoup de travail pour que les communautés et les familles s'en remettent. Nous sommes en train, en tant que société, de prendre une décision à ce sujet. Par conséquent, faisons les choses correctement. Agissons avec respect pour les personnes qui s'attendent à ce que nous fassions bien les choses.
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Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec le député de .
Je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui pour appuyer le projet de loi , dans lequel on propose de prolonger de trois ans, soit jusqu'au 17 mars 2027, l'exclusion temporaire de la maladie mentale comme critère d'admissibilité à l'aide médicale à mourir. Je parlerai aujourd'hui du fait qu’il est important d’imposer ce délai avant de lever cette exclusion afin de donner aux responsables des provinces et des territoires ainsi qu'à leurs partenaires des services de santé plus de temps pour se préparer à cette étape cruciale de l'évolution de cette mesure.
Le cadre juridique de l'aide médicale à mourir est défini dans le Code criminel fédéral. Toutefois, ce sont les provinces et les territoires qui sont responsables de la prestation des soins de santé, y compris de la mise en œuvre de cette pratique. Avant même la promulgation de la loi initiale autorisant l’aide médicale à mourir dans le Code criminel en 2016, nous avons commencé à travailler en étroite collaboration avec les provinces et les territoires pour aider à la mise en œuvre sûre de cette pratique. Nous avons établi une relation importante fondée sur l'objectif mutuel de fournir des soins de santé de qualité à la population du Canada.
De l’avis du groupe d'experts sur l'aide médicale à mourir et la maladie mentale et du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, il faut établir des normes de pratique claires et veiller à une mise en œuvre cohérente des lignes directrices dans l'ensemble du pays. Les médecins et les infirmiers praticiens doivent également recevoir une formation à cet effet. En outre, un examen des cas et une surveillance de la pratique s’imposent pour favoriser des pratiques exemplaires et donner confiance dans l'application appropriée de la loi.
Les gouvernements provinciaux et territoriaux et leurs parties prenantes, comme les organisations professionnelles de soins de santé, les organismes de réglementation et les praticiens, se préparent activement à l'élargissement de l’aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème de santé est une maladie mentale. Comme cela a été reconnu par tous, des progrès importants ont été réalisés à cet égard. Cependant, les provinces et les territoires ne font pas tous face aux mêmes problèmes et sont à des stades différents dans la mise en œuvre de ces éléments clés et, par conséquent, dans leur préparation à la levée de l'exclusion.
Par exemple, un groupe de travail indépendant composé de praticiens, d’experts de la réglementation et de conseillers juridiques a élaboré un modèle de norme de pratique pour l’aide médicale à mourir que les organismes de réglementation des médecins et des infirmiers peuvent adopter ou adapter pour élaborer ou réviser de façon continue les normes relatives à cette pratique. Outre le modèle de norme, le groupe de travail a également publié un document d'accompagnement intitulé « Document de référence ».
Les organismes de réglementation qui assurent le respect des normes de pratique clinique et d’éthique médicale les plus strictes par des groupes précis de professionnels de la santé ont élaboré et adopté des normes de pratique. Bien que certains organismes de réglementation provinciaux et territoriaux aient réussi à intégrer les normes de pratique de l’aide médicale à mourir dans leurs documents d’orientation à l’intention des cliniciens, d’autres sont encore en train d’examiner leurs normes et de les mettre à jour. Pour appuyer une mise en œuvre sûre du cadre de l’aide médicale à mourir, Santé Canada a participé à l'élaboration d'un programme d'études bilingue sur l'aide médicale à mourir reconnu à l'échelle du pays afin de créer une approche nationale normalisée des soins. L’Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l'aide médicale à mourir a créé et offre désormais un programme de formation reconnu et accrédité par les ordres professionnels concernés.
Ce programme sur l’aide médicale à mourir comprend une série de modules de formation visant à encadrer et à appuyer les cliniciens dans l'évaluation des personnes qui demandent l’aide médicale à mourir, dont les personnes qui vivent avec une maladie mentale et des troubles chroniques complexes ou celles qui présentent des vulnérabilités structurelles de santé. Ce programme enseigne aussi l’application pratique du cadre législatif de l’aide médicale à mourir. Il favorisera l’adoption d’une approche sûre et uniforme des soins partout au Canada et offrira aux professionnels de la santé une formation de grande qualité sur l’aide médicale à mourir. Jusqu’à présent, plus de 1 100 cliniciens se sont inscrits à cette formation, ce qui est impressionnant, puisque ce programme a seulement été lancé en août 2023. Ce n'est là qu'une partie des professionnels visés. La prolongation de l’exclusion temporaire permettrait à d’autres médecins et aux infirmières praticiennes de s’inscrire et de participer à cette formation, puis d’assimiler ces notions et de les intégrer à leur pratique.
Passons maintenant à l’examen des cas et à la surveillance de l’aide médicale à mourir. Au Canada, les professions en médecine et en soins infirmiers suivent un processus d’autoréglementation. Les organismes de réglementation provinciaux et territoriaux dont j’ai parlé plus tôt ont le mandat de protéger le public dans le cadre de tous les soins de santé, et l’aide médicale à mourir n’y fait pas exception. Outre les organismes de réglementation des professions de la santé, plusieurs provinces ont mis en place des mécanismes de surveillance propres à l’aide médicale à mourir. Par exemple, le Bureau du coroner en chef de l’Ontario et la Commission sur les soins de fin de vie du Québec examinent chaque disposition relative à l’aide médicale à mourir. Ces deux organismes ont des politiques strictes sur le moment d’administrer l’aide médicale à mourir et sur le type d’information que les cliniciens doivent déclarer, sans compter que la Commission sur les soins de fin de vie du Québec publie des rapports annuels.
Plus de 90 % de tous les cas déclarés d’aide médicale à mourir au Canada l'ont été dans les provinces qui appliquent des processus officiels de surveillance de l’aide médicale à mourir. Les autres provinces n’ont donc pas de processus officiels d’assurance de la qualité et de surveillance de l’aide médicale à mourir pour soutenir les processus de surveillance fondés sur les plaintes des organismes de réglementation des professions. On envisage de charger un groupe de travail fédéral-provincial-territorial d’étudier des modèles d’examen des cas et de surveillance ainsi que des pratiques exemplaires afin d’assurer l’uniformité entre tous les gouvernements.
Toutes les provinces et tous les territoires se sont unis pour demander la prolongation de l’exclusion afin d’avoir plus de temps pour préparer leurs cliniciens et leur système de soins de santé à gérer les demandes de personnes dont le seul problème de santé sous-jacent est une maladie mentale et à mettre en place les mesures de soutien nécessaires. Les gouvernements provinciaux et territoriaux doivent veiller non seulement à ce que les praticiens soient formés pour fournir l’aide médicale à mourir en toute sécurité, mais aussi à ce que les cliniciens et leurs patients aient accès aux mesures de soutien nécessaires dans le cadre du processus d’évaluation.
Le groupe d’experts et le comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir ont tous deux insisté sur l’importance de la mobilisation interdisciplinaire et de la connaissance des ressources et des traitements disponibles. Les experts et les praticiens ont également exprimé la nécessité de mettre en place des mécanismes de soutien pour les fournisseurs qui effectuent des évaluations et les personnes qui demandent l’aide médicale à mourir, peu importe leur admissibilité.
Bien que certains gouvernements aient de solides services de coordination pour gérer les demandes et fournir des services auxiliaires, d’autres adoptent une approche décentralisée, ce qui peut entraîner une diminution de la coordination entre les services et les disciplines. La disponibilité des services de soutien nécessaires pour les praticiens et les patients varie également selon la région. Par exemple, nous avons entendu parler des défis liés à l’accès aux services de santé en général dans les régions rurales et éloignées au pays. Un délai supplémentaire permettrait d'en faire plus pour appuyer les patients et les cliniciens dans le contexte de l’aide médicale à mourir.
Le gouvernement libéral est déterminé à soutenir et à protéger les Canadiens ayant une maladie mentale qui pourraient être vulnérables, tout en respectant leur autonomie et leurs choix. En fin de compte, les provinces et les territoires sont responsables de l’organisation et de la prestation de l’aide médicale à mourir et des services de santé connexes. Compte tenu de la responsabilité des provinces et des territoires quant à la façon dont l’aide médicale à mourir est administrée, il ne serait pas responsable d’aller de l’avant sans qu’ils soient prêts.
Nous croyons que la prolongation de trois ans proposée dans le projet de loi donnerait le temps nécessaire pour travailler sur ces éléments importants afin d’assurer l’application sécuritaire et uniforme de l’aide médicale à mourir aux personnes dont le seul problème de santé sous-jacent est une maladie mentale.
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Madame la Présidente, il ne faudrait pas se surprendre si les Canadiens ont une impression de déjà vu, car c’est bien ce qui se passe. Pas plus tard que l’année dernière, nous avons débattu du projet de loi , qui prévoyait un report de l'entrée en vigueur de ces dangereuses dispositions législatives. Aujourd’hui, nous débattons du projet de loi , qui a été déposé il y a deux semaines à la suite de pressions intenses de la part de conservateurs, de défenseurs, d'experts, d'organisations et de particuliers de toutes les régions du pays qui veulent aider les gens à vivre avec leur maladie mentale, pas les aider à mettre fin à leurs jours.
Comment en sommes-nous arrivés là? Nous en sommes arrivés là parce que nous avons un , un et un gouvernement qui n’ont pas tenu compte des données scientifiques, des experts juridiques, des tribunaux et des requêtes des plus vulnérables. Ils ont fait fi de l'avis des Canadiens. Ils ont foncé tête baissée pour déposer un projet de loi élargissant l’accès à l’aide médicale à mourir à des Canadiens qui ont en fait besoin d’aide, des Canadiens qui souffrent d’une maladie mentale.
Je n’ai pas besoin de rappeler aux députés les gros titres scandaleux qu’on a pu voir au cours de la dernière année. Des vétérans souffrant du syndrome de stress post-traumatique se sont fait proposer l’aide médicale à mourir par des employés du ministère des Anciens Combattants. Des sans-abri envisagent de demander l’aide médicale à mourir pour des raisons économiques. Au comité de la justice, lorsque nous avons examiné le projet de loi , nous avons appris que des gens qui ne voulaient pas l’aide médicale à mourir se la faisaient proposer avec insistance.
Les conservateurs ont choisi la voie de l’espoir plutôt que celle du préjudice. Nous allons poursuivre en ce sens, mais de l'autre côté, encore cette semaine, un ministre a déclaré qu'il ne s'agissait pas de déterminer si cet élargissement se concrétiserait, mais plutôt à quel moment il entrera en vigueur.
J'ai parlé du fait d’ignorer la loi. Lorsque nous avons examiné le projet de loi au comité de la justice, nous avons souvent entendu le gouvernement dire que nous étions obligés de faire cela parce que les tribunaux en avaient décidé ainsi. Ce n’est absolument pas vrai. Premièrement, il y a bel et bien une décision d'un tribunal, décision que le gouvernement n’a pas portée en appel. Or, cette décision n’enjoignait aucunement le gouvernement à élargir l’accès à l’aide médicale à mourir à ceux qui souffrent d'un trouble mental. En fait, cela ne figurait même pas dans les dispositions législatives originales.
Le projet de loi , que nous avons examiné au comité de la justice, ne prévoyait d'aucune façon l’élargissement de l’aide médicale à mourir à ceux qui souffrent d'un trouble mental. Ce n'est que lorsque le projet de loi a été examiné par des sénateurs non élus qu'il a été modifié afin d’y inclure cette disposition, que nous n’avions même pas examinée. Le ministre d’alors a assuré que son projet de loi était conforme à la Charte. L’ancien ministre de la Justice a dit cela au comité.
J'ai en main une lettre signée par 32 grands experts du droit, des professeurs universitaires de partout au pays. La lettre dit: « Nous ne sommes pas d'avis, en tant que professeurs de droit, qu'il est constitutionnellement nécessaire d'offrir l'accès à l'aide médicale à mourir aux personnes dont la seule affection sous-jacente est une maladie mentale », ce dont il est question aujourd'hui, « ni que l'arrêt Carter [...] a créé ou confirmé un droit constitutionnel au suicide, comme le ministre [de la Justice] l'a affirmé à maintes reprises. La Cour suprême du Canada n'a jamais conclu qu'il existe un droit constitutionnel général d'obtenir un suicide assisté par un fournisseur de soins de santé en fin de vie. »
Ce sont des mots puissants. Si j'avais le temps, je lirais les noms des 32 professeurs qui ont signé la lettre. Les gens en reconnaîtraient un grand nombre. Ils reconnaîtraient certainement les différentes universités qu'ils représentent.
Avec cette lettre en main, j'ai rappelé au ministre de la Justice que, selon lui, il avait l'obligation constitutionnelle de procéder ainsi, mais que 32 experts disent le contraire. Lorsque je lui ai demandé qui avait raison, le ministre a répondu que c'était lui.
C'est l'attitude à laquelle nous a habitués le gouvernement. En effet, il plonge tête baissée, faisant fi des données, des préoccupations soulevées et des supplications des groupes de défense des personnes handicapées, des spécialistes de la santé mentale et des psychiatres.
J'ai en main un mémoire de la Société canadienne de psychiatrie, où sont formulées quelques conclusions. Je n'ai pas le temps de toutes les lire, mais je veux en citer quelques-unes:
Il est impossible de prédire de façon légitime dans certains cas qu’une maladie mentale est irrémédiable. Un nombre important de personnes recevant l’aide médicale à mourir lorsqu'un trouble mental est le seul problème médical invoqué auraient vu leur état s’améliorer et se seraient rétablies.
C'est une des conclusions de la Société canadienne de psychiatrie. J'ai déjà parlé brièvement de cela, mais même les membres de la Société le constatent. Voici une autre conclusion:
Le processus politique menant à l’élargissement prévu de l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes de maladie mentale n’a pas été solide et complet, n’a pas reflété l’éventail des opinions et des préoccupations fondées sur des données probantes, et a été guidé de manière sélective par des gens qui militent en faveur de l'élargissement de l'aide médicale à mourir.
Si cela ne donne pas froid dans le dos, je ne sais pas ce qui pourrait le faire. Les Canadiens les plus vulnérables devraient pouvoir compter sur nous. Par exemple, combien d'entre nous participent à la Journée Bell Cause pour la cause chaque année? On invite ceux qui souffrent de maladie mentale à demander de l'aide. On leur dit qu'on est là pour les aider et qu'ils devraient parler à une personne de confiance et obtenir de l'aide pour leur santé mentale. Malgré tout cela, des psychiatres affirment que le gouvernement fait fausse route.
Je passe maintenant aux recommandations.
Le conseil d'administration de la Société canadienne de psychiatrie recommande que l'élargissement de l'aide médicale à mourir en cas de maladie mentale, prévu en 2024, soit suspendu [...]
Pas pour un an, ni pour trois ans, ni pour cinq ans, mais:
[...] indéfiniment, sans réserve et sans présupposition que toute mise en œuvre puisse être introduite en toute sécurité à n'importe quelle date arbitraire prédéterminée.
Lorsqu’un gouvernement refuse d’écouter les juristes en matière de droit pénal et les psychiatres en matière de maladie mentale, que faut-il en déduire? Qui donc écoute-t-il et pourquoi?
Nous sommes déjà passés par là, et les conservateurs signalent depuis le début que l'on s'engage sur une pente aussi glissante que dangereuse. Le Canada a pris les devants à l'échelle mondiale. Certains pays étaient en avance sur le Canada dans ce domaine, mais aujourd’hui, ils nous regardent en nous demandant ce qui s’est passé pour que l'idée de proposer une mort assistée à quelqu'un qui réclame de l'aide au ministère des Anciens Combattants ou à l’un des nombreux hôpitaux de notre pays soit même entretenue.
Je tiens à rétablir les faits: le gouvernement libéral n’a en aucun cas été contraint par les tribunaux d’élargir l’aide médicale à mourir aux personnes dont la maladie mentale est la seule condition. C’est une voie qu’il a choisi d’emprunter. Nous devons prendre le temps de réfléchir à cette voie afin de rebrousser chemin et de donner espoir aux gens.
Nous connaissons tous quelqu'un dans le réseau de la santé qui a été touché par la maladie mentale. Nous savons que les listes d'attente pour obtenir de l’aide peuvent être extrêmement longues. Nous savons également que le gouvernement a contribué à les allonger. Après huit ans, les gens souffrent.
J'exhorte les députés à appuyer ce projet de loi, puis à trouver des moyens d'offrir un soutien aux personnes qui souffrent d'une maladie mentale plutôt que de leur offrir une aide à mourir.
Je propose:
Que la question soit maintenant mise aux voix.
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Madame la Présidente, je suis heureux de participer au débat sur le projet de loi . D’emblée, je mentionne que je voterai pour ce projet de loi. Comme l’a dit le ministre du cabinet fantôme conservateur en matière de justice, il s’agit de protéger les personnes vulnérables. Bien que le gouvernement fédéral ait fait fausse route dans cette dernière version de son projet de loi, j’espère que ces trois années seront mises à profit pour réparer les erreurs qui ont été commises depuis le projet de loi . Je tiens à parler un peu de ce qui nous a menés là où nous en sommes, puis évoquer certains de mes concitoyens qui m’ont envoyé des courriels au cours des derniers mois sur la question du suicide assisté.
Je souligne également que je partagerai mon temps avec le député de . Je suis sûr qu’il enrichira ce débat.
Pour revenir au début, enfin pas trop loin du début parce que je pourrais remonter à la Genèse, l’arrêt Carter a entraîné de nombreux débats auxquels j’ai participé. J’ai vu ce débat passer du projet de loi au projet de loi , puis au projet de loi , et aux tentatives de mon collègue d’ qui, je pense, a essayé de faire ce qu’il fallait pour les Canadiens vulnérables, qui a essayé de s’assurer que nous ne verrions pas un élargissement des dispositions de l’aide médicale à mourir à ceux qui souffrent encore de problèmes de santé mentale.
Ce qui est formidable avec le hansard, c’est que j’ai pu reculer dans le temps et voir ce que j’avais dit sur le projet de loi . J’ai passé pas mal de temps à me plaindre de la probabilité qu’un tribunal invalide la disposition relative à la prévisibilité raisonnable. C’est ce qui est arrivé dans l’affaire Truchon, parce que la mort est raisonnablement prévisible pour nous tous; la vie est ainsi faite. À l’époque, j’avais dit que nous naissons tous avec un pied dans la tombe. La mort est inévitable; on ne sait pas quand elle frappera, mais c’est raisonnablement prévisible. Je ne fais que le répéter. Je sais que c’est morbide, mais c’est la vérité. Il est essentiellement question de vie ou de mort et de la forme que cette mort prendra. C’est pourquoi, à l’époque, cette disposition relative à la prévisibilité raisonnable allait être invalidée, et c’est ce qui est arrivé dans l’affaire Truchon.
En gros, j'ai du mal avec cela parce que, dans un monde idéal, cette option ne serait pas nécessaire, car les gens ne souffriraient pas. Cependant, comme ce monde n’est pas idéal, les gens souffrent. Les gens souffrent profondément et de diverses façons. Les députés savent que j’avais une fille handicapée qui est décédée il y a quelques années. Si elle avait vécu plus longtemps, et je connais au moins une petite fille à Calgary qui a vécu beaucoup plus longtemps avec les mêmes problèmes que ma fille, elle ferait partie de ces Canadiens vulnérables qui pourraient se voir offrir l’aide médicale à mourir avec plus ou moins d'insistance par leur médecin, par leur spécialiste.
Je dis « offrir l’aide médicale à mourir », mais cela semble tellement bizarre de dire « offrir l'aide médicale à mourir », d'offrir quelque chose que je ne considère pas comme un service médical et de précipiter la mort d’une personne. Nous mourrons tous, mais, comme je l’ai dit il y a de nombreuses législatures de cela, l’acte de mourir n’est pas un acte isolé; il touche toute la famille, le groupe d'amis, les personnes qui nous sont chères.
Ce n’est pas quelque chose qui survient dans la solitude. Lorsque la personne ne sera plus là, elle manquera à d’autres personnes. Je sais qu’il est difficile d’y croire, de le savoir, dans un moment de souffrance et de grande douleur, ou de douleur chronique. Une grande partie des courriels, de la correspondance et des rencontres que j’ai eus concernaient des personnes qui s’inquiètent des dispositions relatives à l’aide médicale à mourir et au suicide assisté, que le gouvernement a traitées de manière inefficace dans des projets de loi successifs. Je pense que c’était une grave erreur de ne pas interjeter appel de l’arrêt Truchon. C’est mon intime conviction. Je pense que c’était une erreur. Je l’ai dit à mes concitoyens à l’époque.
J’ai un proverbe yiddish, parce que j’en ai toujours un. Ce sont d’excellents proverbes, et tout le monde devrait s’en inspirer et les connaître davantage. J’aimerais simplement pouvoir le prononcer en yiddish: la vérité ne meurt pas, mais elle mène une vie de pauvre. Ce projet de loi est d'ailleurs bien pauvre. Il aurait pourtant dû corriger la situation de façon permanente.
Il me semble que les conservateurs ont proposé certains correctifs, tant pendant les travaux du comité qu'à d'autres moments. L’aide médicale à mourir devrait être réservée aux personnes en phase terminale, dont le décès est prévisible dans les six mois à venir, lorsqu’un professionnel de la santé a établi un pronostic indiquant que la personne va effectivement mourir.
Pour ce qui est des problèmes de santé les plus terribles, je pense à de nombreuses formes de cancer. Mon grand-père est décédé d’un cancer du cerveau au Canada, ce qui a amené ma famille au Canada. Sa mort était très raisonnablement prévisible quand il était en phase terminale. D’autres personnes souffrent de troubles mentaux causés par un trouble physique. L’état de santé mentale ne devrait pas être la seule raison de recourir au suicide assisté.
Plusieurs conservateurs ont mentionné, et je suis tout à fait d’accord avec eux, que les patients devraient être ceux qui font la demande. Ce sont toutes des choses que le gouvernement aurait pu inscrire dans la loi. Ce sont des choses que les experts ont dites, et je voudrais lire certains des propos tenus par des experts devant différents comités.
Le professeur Trudo Lemmens et Mary Shariff ont réfuté de manière convaincante un certain nombre d’arguments avancés dans l’affaire Truchon. Ils ont rappelé que la mort naturelle raisonnablement prévisible s’appliquait à « tous [...] au lieu de seulement aux personnes handicapées ». « Le juge dans Truchon n’a pas saisi comment une telle restriction reflète une obligation constitutionnelle de protéger la valeur égale des vies de tous les Canadiens. »
J’ai lu deux fois l’arrêt Carter. Comme beaucoup le savent à la Chambre, je suis fier de dire que je ne suis pas avocat. Je ne suis pas encombré d’une formation juridique. Je sais que le député de est déçu et que le député de le sera également, mais mon point de vue est celui d'un non-juriste. Même dans l’arrêt Carter on ne dit pas qu’il avait le droit de mourir. On revient donc à l’idée, comme je l’ai dit, que la mort est raisonnablement prévisible pour nous tous. On ne peut pas y échapper. C'est inévitable.
Ces deux experts ont dit que le juge dans l’affaire Truchon s’était trompé. Ce concept, cette expertise, a ensuite été repris dans les observations faites par 72 organisations de défense des droits des personnes handicapées qui ont écrit une lettre au ministre de la Justice de l’époque. Elles ont dit qu'il y a mort naturelle raisonnablement prévisible quand il y a maladie terminale fulgurante et que cette idée a un effet égalisateur, garantissant un point commun aux personnes qui accèdent à l’aide médicale à mourir, au suicide assisté, à savoir qu’elles vont mourir dans un laps de temps très court. Selon moi, c’est ainsi que ce projet de loi devrait fonctionner. Je ne dis pas qu’il ne devrait pas y avoir d’aide médicale à mourir.
L’arrêt Carter est une décision de la Cour suprême du Canada. Il faut donc en encadrer l'application. L'aide médicale à mourir devrait être rare et limitée aux très rares personnes qui étaient visées à l'origine. J’estime que les projets de loi et , ainsi que la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd’hui, ne traitent pas de la question. D'où ce projet de loi bien pauvre. Il n’a pas la forme initiale qu’il devrait avoir. La vérité, c’est qu’il faut respecter les conclusions de l’arrêt Carter.
Voici un autre extrait: « Du point de vue des droits des personnes handicapées, il y a de sérieuses raisons de craindre que, si l’aide à mourir devenait une option [...] peu importe que les personnes soient ou non proches de la mort, la société puisse considérer (ou renforcer subtilement) qu'il vaut mieux être mort que de vivre avec un handicap. » C’est un message terrible à envoyer aux personnes handicapées. Je pense à ma fille, si elle avait survécu. Cela aurait été un message terrible à lui envoyer.
Mes trois enfants encore en vie sont atteints d'une affection rénale chronique. Mes garçons auront probablement besoin d’une greffe de rein. Quelle terrible chose que de leur dire qu’ils sont un fardeau pour le milieu médical et qu’ils devraient peut-être envisager de précipiter leur mort. Est-ce là ce que les spécialistes leur diront lorsqu’ils seront adultes? Je ne serai pas dans la pièce, mais eux y seront. Est-ce que cela leur sera conseillé avec insistance? Ceux qui sont sous dialyse savent qu'il est éprouvant d'avoir à se rendre à l'hôpital trois ou quatre fois par semaine pour obtenir un traitement de dialyse. Je ne parle pas de la dialyse péritonéale, qui peut être effectuée à domicile.
Beaucoup d’experts se sont prononcés. Le député de a exposé en grande partie ce qui a été dit sur la question. Le gouvernement ne cesse de s’égarer en élargissant la portée de la loi pour permettre à un plus grand nombre de personnes d’avoir accès à quelque chose qui ne correspond même pas à l’intention initiale de l’arrêt Carter. Comme je l'ai déjà dit, nous devrions respecter l’arrêt Carter.
Certains de mes concitoyens m’ont écrit. Je souhaite porter au compte rendu certaines de leurs réflexions. Leanna a écrit: « S’il vous plaît, n'élargissez pas l’aide médicale à mourir pour y inclure les personnes atteintes de maladies mentales. » Catherine a écrit: « En tant que mère, j'ai vu mes propres enfants souffrir de problèmes de santé mentale à l’adolescence et au début de la vingtaine. Je vous écris pour vous faire part de mes profondes inquiétudes devant le fait que des personnes dont le seul problème de santé est un trouble mental puissent devenir admissibles à l’aide médicale à mourir. D’innombrables personnes vulnérables seraient ainsi mises en danger. »
Joe, qui habite dans ma circonscription, m’écrit régulièrement. Je réponds à la plupart de ses courriels. Je vais envoyer ceci à Joe pour m’assurer qu’il sait que je lis ses courriels. Dans ses deuxième et troisième points, il dit: « En offrant l’aide médicale à mourir en cas de maladie mentale, les gouvernements pourraient consacrer moins d’argent au traitement des maladies mentales [...] Des Canadiens pourraient se tourner vers l’aide médicale à mourir par désespoir lorsqu'ils ne se voient pas offrir de traitement pour leur maladie mentale. »
Cameron a parlé d'un ami infirmier qui travaille dans une unité de santé mentale à Calgary. Selon lui, la santé mentale repose sur la reconnaissance de la valeur intrinsèque de chaque être humain, la célébration de la personne non pas pour son apport à la société, mais pour la beauté de son existence. Il craint que lorsqu'on cessera de voir la dignité d'une personne, on doute de notre propre valeur et de notre propre légitimité.
Je sais que mon temps de parole achève, alors je n'insisterai pas trop sur ceci. J'ai entendu certains députés attaquer les croyances, la foi, la religion ou les affiliations philosophiques d'autrui. Chacun de nous se présente à la Chambre avec ses propres croyances. Certaines de ces croyances sont religieuses. D'autres sont laïques. Quelles qu'elles soient, nous tentons tous d'attribuer une valeur à la vie, de la définir et de déterminer à quoi devrait ressembler l'autonomie.
Je signale que je me suis abstenu de voter à l'égard des directives anticipées parce qu'un citoyen de ma circonscription, Jim, m'a raconté par courriel à quel point il a été horrible pour sa conjointe et lui de voir sa mère souffrir de la maladie d'Alzheimer jusqu'à ce qu'elle en décède. C'est pour ce genre de situation que le gouvernement doit trouver un moyen de satisfaire aux exigences de l'arrêt Carter, de sorte que le souhait de Jim et de sa conjointe puisse être respecté le moment venu.
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Monsieur le Président, je prends la parole aujourd’hui au sujet du projet de loi qui vise à retarder jusqu’en mars 2027 l’élargissement de l’accès à l’aide médicale à mourir aux personnes dont la seule condition est une maladie mentale.
Hier, en prévision de mon intervention, j’ai envoyé un courriel à quelque 10 000 électeurs et 95 d’entre eux m’ont répondu sur le sujet dont nous débattons aujourd’hui, à savoir l’aide médicale à mourir. J’ai reçu des réponses de parents qui ont perdu des enfants, ainsi que de personnes qui ont souffert de dépression et qui ont pu surmonter leur maladie grâce à un traitement.
La majorité des personnes interrogées étaient d’accord avec ma position, mais certaines ne l’étaient pas. Nombre de ceux qui n’étaient pas d’accord avec moi venaient de la communauté néerlandaise de Mission-Matsqui-Fraser Canyon, qui est très importante et très diversifiée. Les membres de la communauté néerlandaise comprennent très bien cette question, compte tenu de son histoire aux Pays-Bas et de nos liens avec cette nation. Leurs commentaires réfléchis ont été appréciés.
Parmi ceux qui n’étaient pas d’accord, les craintes les plus courantes concernaient l’accès et les demandes anticipées pour les personnes souffrant de démence. Des inquiétudes ont également été exprimées concernant les difficultés éprouvées par de nombreux Canadiens pour obtenir de l’aide et des soins en santé mentale, ce qui peut mener à un certain sentiment de désespoir. En fait, j’ai failli pleurer en entendant mes concitoyens demander: « Comment osez-vous essayer de m’enlever le droit d’obtenir l’aide médicale à mourir alors que je souffre d’une maladie mentale? » Ils ne voyaient pas d’issue à leur situation. C’est une situation horrible.
Toutefois, un constat faisait l’unanimité: notre système de santé ne répond pas aux besoins des Canadiens aux prises avec la maladie mentale. Il faut s’attaquer à ce problème. Je remercie tous ceux qui ont pris le temps de faire part de leurs réflexions et de leurs préoccupations avec compassion et respect.
Il y a près d’un an, je me suis levé à la Chambre pour exprimer à mes collègues mes préoccupations concernant la décision du gouvernement libéral d’élargir l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant uniquement d’une maladie mentale. J’ai souligné la contradiction flagrante entre nos efforts visant à promouvoir la sensibilisation à la santé mentale et les services connexes et ceux visant à offrir la mort aux personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale.
La santé mentale touche toutes les familles de notre pays et je trouve désolant que le gouvernement envisage de proposer la mort comme option à des personnes qui vivent des moments difficiles. J’ai raconté l’histoire déchirante d’une résidante de ma localité, Abbotsford, qui a obtenu l’aide médicale à mourir sans que ses filles en soient informées, malgré son trouble de santé mentale avéré. Malheureusement, de telles histoires sont de plus en plus fréquentes depuis la mise en place du régime d'aide médicale à mourir.
La caporale à la retraite Christine Gauthier, qui a représenté le Canada aux Jeux paralympiques, a témoigné devant le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir. Elle a dit qu’elle avait essayé pendant cinq ans de faire installer une rampe d’accès pour fauteuil roulant à son domicile par l’entremise d’Anciens Combattants Canada. Au lieu de cela, elle s'est fait offrir l'aide médicale à mourir par un travailleur social du ministère. Une semaine avant son témoignage, la a confirmé qu’au moins quatre autres vétérans s’étaient également vu offrir l’aide médicale à mourir.
Aujourd’hui, après huit ans de gouvernement libéral et alors que le coût de la vie monte en flèche, des Canadiens cherchent à obtenir l’aide médicale à mourir par crainte de devenir sans-abri. Plus récemment, un membre de ma collectivité, du Family Support Institute of BC, a exprimé de profondes inquiétudes devant l’élargissement de l’aide médicale à mourir. Il a déclaré que malgré les restrictions actuelles, nos populations les plus vulnérables ont accès à l’aide médicale à mourir sans les précautions, les services sociaux, le savoir-faire, le soutien professionnel ni les réseaux sociaux d’accompagnement adéquats pour défendre systématiquement leurs intérêts et leurs points de vue.
Malgré nos demandes répétées de protéger les personnes les plus vulnérables, je pense que le gouvernement libéral n'a pas agi de façon responsable à cet égard.
Il y a à peu près un an, au lieu d'annuler l'élargissement de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir aux personnes atteintes de troubles mentaux, les libéraux ont présenté un projet de loi à la dernière minute pour imposer un délai supplémentaire d'un an. Un an plus tard, le gouvernement veut prolonger de trois ans le moratoire sur l'élargissement du régime d'aide médicale à mourir, soit jusqu'à mars 2027.
L'automne passé, les libéraux ont eu l'occasion d'abandonner complètement cette idée d'élargissement. En février, mon collègue, le député d', a présenté le projet de loi , qui aurait annulé l'élargissement de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir aux personnes dont un trouble mental est le seul problème de santé sous-jacent. En octobre, lorsque le projet de loi a été mis aux voix à l'étape de la deuxième lecture, la plupart des libéraux ainsi que les bloquistes l'ont rejeté.
Apparemment, le gouvernement se contente encore une fois de retarder l'élargissement après avoir reçu de vives réactions négatives de la part d'experts en santé mentale, de médecins et de défenseurs des droits de partout au Canada. Il semble que le gouvernement adopte une approche imprudente en mettant de côté cette question au lieu d'écouter ce que les Canadiens, notamment les professionnels de la santé mentale, demandent.
Depuis de nombreuses années, nous entendons parler de l’augmentation rapide du suicide assisté en Europe. Aujourd’hui, le Canada est devenu tristement célèbre pour sa politique progressiste en matière d’euthanasie. Les Pays-Bas ont été le premier pays au monde à légaliser l’euthanasie, et il leur a fallu plus de 14 ans pour atteindre 4 % de décès par suicide assisté dans la population totale. D’autres pays dotés de politiques similaires, dont la Suisse et la Belgique, n’ont même pas atteint la barre des 4 %. Le régime d’Aide médicale à mourir du Canada n’existe que depuis six ans, et nos statistiques dépassent déjà celles de ces pays. L'euthanasie représente 4 % de tous les décès en 2022. Selon Santé Canada, 13 241 Canadiens ont reçu de l'aide pour se suicider rien que l’an dernier. Cela représente une augmentation de plus de 30 % par rapport à l'année 2021.
La Belgique autorise l’euthanasie pour les enfants de tout âge. Plus récemment, les Pays-Bas ont élargi leur politique d’euthanasie aux enfants en phase terminale. Les libéraux ont rencontré à plusieurs reprises des représentants du plus grand groupe de pression pro-aide médicale à mourir, Mourir dans la dignité. Ce groupe plaide pour l’élargissement du suicide assisté aux mineurs matures. Si le gouvernement continue à nous entraîner sur cette pente glissante, en viendrons-nous à élargir l’euthanasie à tous les enfants? Les mesures qui existent sont déjà insuffisantes pour empêcher les suicides, qui sont la deuxième cause de décès parmi les adolescents et les jeunes adultes. Comment les adolescents aux prises avec une maladie mentale peuvent-ils envisager un avenir meilleur s’ils deviennent admissibles à l’aide médicale à mourir et si elle est normalisée? À mon avis, les libéraux sont en train de créer involontairement une culture de la mort.
Retarder l’élargissement de l’aide médicale à mourir en cas de maladie mentale n’est pas suffisant. Le gouvernement doit immédiatement et définitivement mettre fin à l’élargissement de l’aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d’une maladie mentale. Les rapports du comité font écho à ce que les conservateurs préconisent depuis des années, à savoir que l’élargissement du suicide assisté aux personnes atteintes d’une maladie mentale entraînera la mort prématurée de personnes qui auraient pu se rétablir avec un soutien et des traitements adéquats.
Le gouvernement adopte une position idéologique et n’écoute pas les experts qui travaillent dans le domaine. L’an dernier, le plus grand hôpital psychiatrique universitaire du pays, le Centre de toxicomanie et de santé mentale, a déclaré qu’il n’était pas prêt pour cet élargissement et a insisté sur la nécessité de disposer de plus de ressources en santé mentale.
Le Dr Sonu Gaind, chef du service de psychiatrie au Sunnybrook Health Sciences Centre de Toronto, a déclaré qu’il était irresponsable de mettre fin à la vie d'une personne qui n’est pas à l’article de la mort avant de s’assurer qu’elle a la possibilité de recevoir les meilleurs soins possibles pour tenter d’alléger ses souffrances.
Nous ne pouvons pas ignorer la dignité inhérente à l'être humain. Chaque vie est précieuse, surtout lorsque la personne est très vulnérable. Comme législateurs, il est de notre devoir de donner la priorité au bien-être et à la protection de tous les Canadiens, surtout de ceux qui sont aux prises avec des problèmes de santé mentale.
En tant que député de Mission—Matsqui—Fraser Canyon, je crois au respect des principes de la compassion et du soutien aux personnes aux prises avec la maladie mentale. Oui, je sais également que nous devons en faire beaucoup plus; les efforts déployés jusqu’à présent n’ont pas été suffisants, qu’il s’agisse des mesures prises par le gouvernement ou ce que fait la société en général.
Retarder l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir pour les personnes atteintes d'une maladie mentale n'est pas la solution; cela ne fait que repousser le moment inévitable où nous devrons prendre en considération les graves conséquences d'une telle loi sur le plan éthique et moral ainsi que les plus vastes répercussions auxquelles nous devons faire face actuellement. Les personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale méritent qu'on leur donne du soutien et des traitements, et non la mort. Nous savons qu'un rétablissement est possible lorsque les traitements sont plus facilement accessibles.
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Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de .
Je suis très heureuse de prendre la parole à la Chambre aujourd’hui pour appuyer le projet de loi , surtout après avoir écouté une partie du débat ce matin à la Chambre pendant lequel j'ai relevé certains propos.
Par exemple, le député d’, tout au long de son intervention d’aujourd’hui, n’a cessé de parler des personnes souffrant de « maladie mentale », je crois. Un peu plus tard dans la journée, le député de , lui, n’a cessé de désigner ces personnes en les appelant des « toxicomanes ».
En tant que représentants élus à la Chambre, nous sommes des chefs file. Nos paroles ont du poids et nous ne devrions pas aggraver la stigmatisation des personnes qui souffrent de troubles mentaux. J’invite mes collègues d’en face à faire attention au vocabulaire qu’ils emploient et à ne pas marginaliser davantage des personnes qui sont déjà en souffrance.
Je reviens au projet de loi . Comme l’ont souligné les et , le gouvernement estime qu’une prolongation de trois ans est nécessaire pour donner aux cliniciens, ainsi qu’aux provinces et aux territoires, le temps de se préparer à ce changement.
Je pense aussi qu’il faut prolonger de trois ans la période d’inadmissibilité à l'aide médicale à mourir lorsque la maladie mentale est le seul problème de santé invoqué. Même si des progrès importants ont été réalisés, il faut plus de temps pour garantir une évaluation fiable et une prestation sûre de l'aide médicale à mourir dans ces situations. Des psychiatres de ma circonscription d'Hamilton Mountain, m’ont dit la même chose. Ils ont besoin de plus de temps pour préparer le système de santé.
Mon intervention d’aujourd’hui portera sur les progrès réalisés dans la préparation du système de santé et sur ce qu’il reste à faire.
En 2021, comme l’exigeait l’ancien projet de loi , un groupe d’experts a examiné la question de l’autorisation de l'aide médicale à mourir lorsque le seul problème médical invoqué est une maladie mentale. Ces experts ont conclu que le cadre juridique actuel des critères d’admissibilité et des mesures de sauvegarde était suffisant, à condition que les évaluateurs de l'aide médicale à mourir appliquent correctement le cadre existant, en suivant les directives, grâce à l’élaboration de normes de pratique pour l'aide médicale à mourir et à une formation spécialisée.
Notre gouvernement a saisi l’importance des conclusions de ce groupe d’experts. À cette fin, nous avons travaillé en collaboration avec les provinces et les territoires, et d’autres partenaires du secteur de la santé pour mettre en œuvre des normes uniformes dans l’ensemble du pays et apporter le soutien nécessaire à une main-d’œuvre hautement qualifiée pour mener ces évaluations complexes.
Par exemple, nous avons appuyé l’élaboration d’une norme de pratique modèle pour l’aide médicale à mourir par des personnes ayant une expertise clinique, réglementaire et juridique. Un modèle de norme de pratique pour l’aide médicale à mourir a été publié en mars 2023 et a été adopté, ou est en voie de l’être, par la plupart des organismes de réglementation du pays comme base d’évaluation pour la prise de décisions cliniques. La norme fournit également des directives aux cliniciens qui évaluent les demandes d’aide médicale à mourir plus complexes.
Nous avons également appuyé l’élaboration du premier programme national d’aide médicale à mourir bilingue pleinement accrédité, qui a été lancé en août 2023. Le programme comprend sept modules de formation portant sur divers sujets liés à l’évaluation et à la prestation de l’aide médicale à mourir, y compris la façon de procéder à une évaluation de demande d’aide médicale à mourir, la façon d’évaluer la capacité et la vulnérabilité, comment gérer les situations chroniques complexes et comment évaluer les demandes concernant une maladie mentale. Plus de 1 100 cliniciens se sont inscrits au programme depuis août de l’an dernier.
Ces progrès sont le fruit du leadership et de la collaboration entre les partenaires du système de santé, y compris les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, les associations de professionnels de la santé, les organismes de réglementation, les cliniciens et des organisations comme l’Association canadienne des évaluateurs et prestataires de l’aide médicale à mourir. Cette collaboration et ces progrès continueront d’améliorer les approches en matière de sécurité et de qualité dans l’évaluation des demandes et la prestation de l’aide médicale à mourir.
Pour ce qui est de l’avenir, j’aimerais parler brièvement du Règlement sur la surveillance de l’aide médicale à mourir, qui énonce les exigences redditionnelles relatives aux demandes d’aide médicale à mourir. Ce règlement est entré en vigueur en novembre 2018, mais il a récemment été révisé afin de faciliter la collecte de données améliorées et la production de rapports sur l’aide médicale à mourir. Plus particulièrement, il permet maintenant la collecte de données fondées sur la race, l’identité autochtone et la présence autodéclarée d’un handicap, lorsqu’une personne consent à fournir ces renseignements.
Le règlement révisé est entré en vigueur le 1er janvier 2023, et les renseignements sur les activités liées à l’aide médicale à mourir en 2023 seront publiés dans le rapport annuel sur l’aide médicale à mourir de Santé Canada cette année, en 2024. Ces renseignements nous permettront de mieux comprendre qui demande et reçoit l’aide médicale à mourir, y compris ceux de la deuxième voie, dont la mort naturelle n’est pas raisonnablement prévisible.
Malgré tout ce travail, nous avons entendu dire que les provinces et les territoires sont à divers stades de préparation pour la levée de l’exclusion de l’admissibilité et qu’ils ont besoin de plus de temps pour préparer leur système de soins de santé.
Je sais que les souffrances causées par une maladie mentale peuvent être tout aussi graves que celles causées par une maladie physique, mais je crois fermement que ce report est nécessaire pour veiller à ce que l’aide médicale à mourir puisse être évaluée et fournie en toute sûreté aux personnes dont le seul problème de santé invoqué est la maladie mentale. Ce report ne remet pas en question la capacité des personnes ayant une maladie mentale de prendre des décisions en matière de soins de santé. Il s’agit de donner au système de soins de santé plus de temps pour adopter ou mettre en œuvre certaines de ces ressources clés afin que les praticiens qui administrent l’aide médicale à mourir soient bien équipés pour évaluer ces demandes complexes et que les provinces et les territoires disposent des mécanismes nécessaires pour leur offrir du soutien.
Par exemple, le groupe d'experts que j'ai mentionné plus tôt et le Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir ont tous deux fait valoir qu’il est important de procéder à un examen des cas et d’assurer une surveillance de l’administration de l’aide médicale à mourir, à la fois pour informer les praticiens, favoriser la reddition de comptes et susciter la confiance de la population à l'égard de la loi. Alors que dans la majorité des cas, plus précisément 90 % des cas, l'aide médicale à mourir est administrée dans des provinces dotées de processus de surveillance officiels, d'autres provinces n'ont pas mis en place de tels processus et dépendent de ceux déjà établis par les organismes de réglementation professionnelle.
Il est prévu de confier une étude des meilleures pratiques à un groupe de travail fédéral-provincial-territorial afin de favoriser la mise en place de mécanismes plus cohérents et plus solides dans l'ensemble du pays.
Le groupe d'experts et le comité mixte spécial ont également estimé que la participation des partenaires autochtones est une priorité. Le gouvernement du Canada a donc lancé une consultation de deux ans sur l’aide médicale à mourir auprès des Premières nations, des Inuits et des Métis, y compris des Autochtones vivant en milieu urbain, des Autochtones vivant hors réserve avec ou sans statut, des Autochtones vivant avec un handicap et des Autochtones bispirituels, LGBTQIA+ et de diverses identités de genre.
La prolongation proposée dans le projet de loi donnerait le temps nécessaire pour mener ces discussions avec les partenaires autochtones. Il s'agit d'un processus essentiel qui permettra de recueillir l’information appropriée pour élaborer les documents de mise en œuvre, d’information et de formation destinés aux praticiens, et qui tient compte des particularités culturelles de ces populations dans l’application de l’aide médicale à mourir.
Santé Canada présentera sa première mise à jour officielle au Parlement sur ce travail en mars 2024, soit le mois prochain.
En conclusion, le gouvernement du Canada reste déterminé à faire en sorte que les lois soient adaptées aux besoins des Canadiens, protègent les personnes vulnérables et soutiennent l'autonomie et la liberté de choix. Nous avons réalisé des progrès importants dans l'étude de l'administration de l’aide médicale à mourir aux personnes souffrant de maladie mentale, ainsi que dans l’élaboration et la diffusion de ressources clés, mais nous ne sommes pas encore prêts. Nous devons agir avec prudence et ne pas procéder à ce changement à la hâte sans avoir mis en place les ressources nécessaires.
Cette décision n'est pas facile à prendre, mais je tiens à assurer la Chambre que nous continuerons à travailler en collaboration avec nos partenaires pour améliorer la santé mentale des Canadiens.
Je remercie tous les députés de m'avoir donné l'occasion de participer aujourd'hui au débat sur cet important projet de loi.
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Monsieur le Président, je me lève pour la deuxième fois cette semaine pour prendre la parole au sujet de cette question. Comme je l'ai dit au début de mon discours à l'étape de la deuxième lecture, je me suis senti interpellé par cette question, à tel point que j'ai offert de siéger au Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir lorsqu'il a abordé la question de la maladie mentale. Je croyais que c'était mon devoir de participer à un débat qui est vraiment très important pour la société. C'est un débat sociétal qu'on peut qualifier de crucial et d'extrêmement complexe. En tant que législateur, je voulais me renseigner davantage sur une question de politique publique d'actualité qui est d'une grande importance pour mes concitoyens. Beaucoup d'entre eux m'ont écrit pour me parler de cette question.
J'ai assisté à une bonne partie du débat de cette semaine sur la question et j'ai été fort impressionné par le ton. Il est vrai que par moments, on peut se laisser emporter par la passion, mais c'est normal quand il s'agit d'une question aussi cruciale, d'une question de vie et de mort. Je dois dire que j'ai trouvé inspirant le fait que le débat se déroule de manière assez respectueuse. C'est inspirant et nous devrions adopter ce ton lors de l'étude des nombreuses autres questions qui sont abordées ici à la Chambre.
J'ai entendu des arguments que je ne veux pas qualifier de fallacieux, parce que c'est un mot péjoratif et que je ne veux pas critiquer quiconque, mais disons que j'ai senti certaines contradictions lors de certaines interventions.
Premièrement, on prétend qu'on aurait pu tout simplement amender le projet de loi pour y inclure les demandes anticipées. Je ne pense pas qu'on soit prêt à présenter tout d'un coup un amendement au pif pour ouvrir la porte à quelque chose d'aussi complexe, sinon plus, que l'aide médicale à mourir, soit l'aide médicale à mourir pour les personnes souffrant de maladie mentale. Cela nous a pris beaucoup d'efforts, de débats, de discussions, ainsi que plusieurs rencontres de comité, pour arriver à ce stade-ci à parler d'aide médicale à mourir en cas de maladie mentale.
Également, l'idée de proposer un amendement en comité est fallacieuse, parce qu'un tel amendement serait sûrement jugé non recevable étant donné que la portée du projet de loi n'est pas aussi large que cela. Le projet de loi vise une question assez précise, c'est-à-dire l'aide médicale à mourir lorsqu'on parle de troubles mentaux.
On prétend que nous avons pris trop de temps à débattre de cette question, que cela fait déjà trois ans et que nous devrions terminer le débat. Nous ne parlons pas de politiques comme l'abordabilité et la nécessité de construire des logements le plus vite possible. Nous parlons de quelque chose de très sérieux. Nous sortons vraiment du pratico-pratique et j'estime que cela va prendre le temps que cela va prendre parce qu'il n'y a pas de consensus parmi les experts. S'il n'y a pas de consensus, on ne peut pas forcer la note, exiger qu'il y en ait un tout à coup et que nous allions de l'avant parce que le temps file. La question du temps que cela prendra pour arriver à une bonne conclusion n'est malheureusement pas un problème pour moi.
Comme je le disais, ce n'est pas tout simplement une question technique sur le plan médical, c'est une question morale et éthique pour la société, assurément.
Aussi, on a soulevé la question de la prudence. On prétend que le gouvernement est trop prudent vis-à-vis de la question, qu'il n'agit pas aussi rapidement qu'on le voudrait, qu'il n'a pas vidé la question assez vite ou qu'il manque de volonté politique. Effectivement, il manque de volonté politique parce qu'il y a trop d'incertitudes. Dans ce cas, ce n'est pas une mauvaise chose de manquer de volonté politique pour aller de l'avant le plus tôt possible.
Toutefois, par rapport à cette idée d'avoir trop de prudence, je dirais qu'il y a en même du côté du Bloc québécois, car il accepte le cadre que nous avons établi. Nous ne mettrons pas en œuvre ce cadre pour l'instant. Cependant, ce cadre dicterait que ce n'est pas tout le monde qui va demander l'aide médicale à mourir pour raison de troubles mentaux qui va la recevoir. D'ailleurs, on parle de seulement 5 % d'acceptation. Même si on allait de l'avant, il y aurait beaucoup de prudence vis-à-vis des 95 % des gens qui demanderaient l'aide médicale à mourir pour cette raison.
Il ne faut donc pas parler comme si la prudence n'était pas un enjeu. La prudence est un enjeu, même si on accepte d'aller de l'avant. Je demanderais ceci à mes collègues qui soulèvent de manière péjorative la prudence du gouvernement: est-ce trop prudent d'exiger que, dans ces cas-là, il y ait un psychiatre d'impliqué dans l'évaluation de la demande du patient? En ce moment, ce n'est pas nécessaire qu'un psychiatre s'implique dans cette évaluation. Pourtant, aux Pays‑Bas, où c'est permis, il faut avoir recours à un psychiatre pour avoir son opinion vis-à-vis de la demande. Certes, il y a une prudence, mais elle n'est pas déraisonnable. Je dirais que mes collègues du Bloc québécois sont d'accord que ça prend une certaine prudence.
On parle aussi de liberté. On dit que c'est une question de liberté comme si on parlait de liberté absolue. Ce n'est pas une question de liberté absolue parce que 95 % des demandeurs n'auraient pas la liberté d'avoir accès à l'aide médicale à mourir en raison de troubles mentaux. Il faut quand même nuancer le débat pour ne pas faire accroire qu'on parle de concepts absolus.
Ensuite, on invoque cette question de la nation québécoise. J'écoutais mon ami le député de , avec qui j'ai eu beaucoup de plaisir à travailler sur la réforme électorale et qui est un parlementaire rodé qui livre de bons discours à la Chambre. Il disait qu'il y a beaucoup de nations au Canada. Effectivement, il y a la nation québécoise, mais il y a aussi des nations autochtones. Il y a des nations autochtones au sein de la nation québécoise, également. Ce que j'ai cru comprendre, c'est que les nations autochtones ne sont pas terriblement en faveur d'aller de l'avant en ce moment. Elles disent qu'elles n'ont pas été assez consultées. Elles ont des craintes vis-à-vis du racisme systémique qui existe dans les systèmes de santé partout au Canada. Elles craignent, entre autres, que les demandes soient peut-être traitées trop facilement.
Il ne faut pas trop parler de collectivité lorsqu'on parle d'aide médicale à mourir. Lorsqu'on est rendu à ce point-là, lorsqu'on est sur son lit de mort, j'ose croire qu'on ne pense pas trop à la collectivité. On est âme seule devant l'infini, si on peut dire. Il ne faut donc pas trop parler de nation lorsqu'on parle de cette question d'aide médicale à mourir. Ce n'est pas une question collective. Je suis d'accord que c'est une question de droits individuels. C'est là où ça devient compliqué, parce qu'on ne veut pas que les gens souffrent.
Cependant, on ne veut pas que les gens posent les gestes qui ne sont pas évalués avec assez de prudence, étant donné que nous sommes face à une question de vie ou de mort.
Je m’arrête là et j’attends les questions.