SHUR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
SUB-COMMITTEE ON HUMAN RIGHTS AND INTERNATIONAL DEVELOPMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
SOUS-COMITÉ DES DROITS DE LA PERSONNE ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 26 mai 1998
[Traduction]
Le président suppléant (M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.)): Bonjour à tous. Le Comité des droits de la personne et du développement international reprend sa séance.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous procédons à un examen de la situation des droits de la personne au Mexique.
Je remercie toutes les personnes présentes ici aujourd'hui.
Madame Desnoyers, je crois que vous allez faire une déclaration et nous présenter les personnes qui vous accompagnent.
Bienvenue à tous. Je vous cède la parole.
[Français]
Mme Madeleine Desnoyers (agente, Programme Amériques, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique): Bonjour. Je suis du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique à Montréal. Je vais présider la présentation de mes collègues. Je vais vous les présenter et ils se représenteront chacun au moment de leur présentation.
• 1010
Tout d'abord, nous voulons tous remercier le
sous-comité de nous recevoir. Il est important,
pensons-nous, qu'il y ait des échanges entre le secteur
non gouvernemental et le gouvernement sur la question
du Mexique, qui est un pays crucial pour le Canada,
d'autant plus que nous avons eu des difficultés, dans
les dernières années, à obtenir une rencontre avec le
ministre des Affaires étrangères. Nous pourrons en
reparler plus tard. Sans plus tarder, je vous
présente mes collègues dans l'ordre dans lequel ils
vont s'adresser à vous.
Il y a d'abord John Foster, qui est professeur de droits humains à la Faculté de droit de l'Université de la Saskatchewan et qui est aussi membre de Common Frontiers; Sheila Katz, qui est membre du projet ALÉNA au Congrès du travail du Canada; Suzanne Rumsey, qui est du Comité inter-Églises des droits humains en Amérique latine; et Roch Tassé, du groupe Inter Pares.
Je cède la parole à John Foster.
[Traduction]
M. John Foster (professeur, Ariel F. Sallow Professor for Human Rights, Université de la Saskatchewan): Merci, Madeleine.
Bonjour. Je vais vous parler brièvement de la société civile et du développement démocratique au Mexique. Pour ceux d'entre vous qui veulent en savoir davantage que ce qui est contenu dans notre mémoire, vous trouverez un article dans le numéro d'automne de Canadian Foreign Policy qui développe mes propos d'aujourd'hui.
Le Mexique est un pays de 100 millions d'habitants qui émerge d'environ 70 ans de monopartisme et d'un système complexe de contrôle social et économique. Mon principal message, et c'est un signe très prometteur, c'est que nous assistons à une révolution dans le développement des organisations civiles au Mexique—des organisations de citoyens—et à l'émergence de la citoyenneté. C'est un processus lent, fragile mais extrêmement important.
Pour l'avenir de la démocratie au Mexique, mon principal message, c'est que la croissance de la société civile au Mexique, d'organisations populaires autonomes, est sans doute le facteur le plus important de l'avenir de la démocratie dans ce pays.
Cet avenir est menacé par des problèmes sérieux: la polarisation des revenus et l'appauvrissement de millions de personnes. À bien des égards, le Mexique est un pays riche et il y a beaucoup de gens riches au Mexique, mais de 1982 à 1994, le revenu réel des travailleurs a chuté de 65 p. 100 et de 20 p. 100 encore en 1994-1995. On assiste à une reprise économique lente et modeste, mais vous pouvez vous imaginer ce que représente une chute de 80 p. 100 du revenu des gens ordinaires. Au moins 50 millions de Mexicains vivent encore dans la pauvreté.
Le deuxième danger, c'est celui de la militarisation, phénomène qui a pris de l'expansion sous le président Zedillo. La militarisation du pays, la présence accrue des militaires dans la vie quotidienne dans plusieurs États et dans plusieurs villes, en particulier dans la partie méridionale du pays, entraîne ce que certains observateurs appellent la «colombianisation». Nous pourrons discuter plus tard de ce que cela signifie, mais dans la vie de tous les jours, cela signifie des interventions, de l'ingérence dans la vie de la communauté, parfois le vol, le viol et la violence.
Il y a un danger considérable de reprise de la violence et des tendances répressives du parti traditionnel gouvernemental, le PRI, qui voit son emprise sur le pouvoir menacée. C'est ce que l'on appelle la revanche des dinosaures, ou le retour des dinosaures, c'est-à-dire ici les gouverneurs plus âgés de plusieurs endroits.
Il y a aussi le problème constant et récurrent de la corruption. D'après Transparency International, le Mexique est le pays le plus corrompu de l'Amérique latine et le sixième de tous les pays du monde. Nous avons énormément de liens politiques, culturels et économiques avec ce pays, alors qu'allons-nous faire face au problème de la corruption et aux complications qu'il ajoute dans nos rapports? Posez la question à l'ancien ambassadeur du Canada.
Pour lutter contre ces dangers, nous assistons à la croissance des organisations civiles autonomes. Je pourrais m'étendre longuement là-dessus, mais je vais m'en abstenir. Je dirai seulement que la collaboration et l'appui du Canada aux organisations civiles mexicaines regorgent de promesses, notamment en faveur des organisations indépendantes comme l'AgroBarzon, le réseau croissant des mouvements écologistes, le secteur autonome très important des syndicats, les mouvements prodémocratie et de défense des droits de la personne, ainsi que les mouvements de développement local communautaires.
• 1015
Nous recommandons que le Canada adopte un programme d'aide
visant à réduire la pauvreté et à renforcer la capacité productrice
des gens qui vivent dans la pauvreté et renforce les organisations
autonomes de la société civile mexicaine, grâce aux éléments
suivants: mobiliser et renforcer les organismes mexicains à l'étape
de la planification du programme; former et regrouper des
organisations de sociétés civiles mexicaines et canadiennes afin
qu'elles établissent des ententes et des règles de partenariat;
appuyer les programmes de formation et de développement. De ces
initiatives pourraient naître toute une autre série de programmes.
La pression populaire a également permis de réaliser un important pas en avant au moins en ce qui concerne les pratiques électorales fédérales—la démocratie formelle—mais le Mexique a encore un long chemin à parcourir. Une des choses qui a facilité ce phénomène est l'émergence des mouvements autonomes prodémocratiques, le plus important étant Alianza Civica, qui s'est installé dans 32 États. Son but est d'approfondir le processus de démocratisation en informant la population au niveau municipal et local ainsi qu'au niveau de l'État et au niveau fédéral.
Nous recommandons aussi—et cela découle de la visite de la délégation canadienne aux élections fédérales mexicaines de mi- mandat de 1997—que le Canada augmente son appui aux organisations non gouvernementales prodémocratiques, comme l'Alianza Civica, et il y a diverses façons dont cela pourrait être fait.
Merci.
[Français]
Mme Madeleine Desnoyers: Je passe maintenant la parole à Sheila Katz du Congrès du travail du Canada.
[Traduction]
Mme Sheila Katz (coordonnatrice, Bureau chargé de l'ALÉNA, Congrès du travail du Canada): Merci. J'espère avoir suffisamment recouvré la voix pour vous faire mon exposé.
Dans le contexte de l'ALÉNA, des fissures ont commencé à paraître dans les structures monolithiques du pouvoir du parti révolutionnaire institutionnel, le PRI, le parti au pouvoir au Mexique depuis les soixante dernières années. La violation des droits de l'homme des travailleurs mexicains est une des indications que ces fissures deviennent irréparables.
Les fissures ont commencé à apparaître à la suite de la crise économique occasionnée par la dévaluation sabotée du peso en 1994. Cela a provoqué la pire crise économique du siècle. Les travailleurs ont perdu la moitié de la valeur de leur salaire du jour au lendemain. John a aussi parlé d'autres conséquences de cette crise. De plus, il y a eu deux années d'inflation supérieures à 10 p. 100, qui a atteint près de 100 p. 100 et plus à l'occasion, une montée en flèche du chômage et l'accumulation d'une dette massive au moment où les investisseurs ont encaissé leurs obligations et cherché ailleurs des abris plus sûrs.
L'ancien président Carlos Salinas avait promis au peuple mexicain que l'ALÉNA permettrait au Mexique de se hisser dans le premier monde. Il a de toute évidence manqué à sa promesse et la population est très mécontente.
La crise économique a eu pour effet de mettre en évidence le rôle des syndicats officiels qui maintiennent les travailleurs mexicains dans des syndicats à la solde du gouvernement, qui ne négocient que le salaire minimum légal—en bien des endroits, en particulier dans la région des Maquiladoras en bordure de la frontière, cela représente entre 3 et 4 $ par jour, un salaire de misère—et qui maintiennent les travailleurs dans la sujétion grâce à des pactes économiques signés par les entreprises, l'État et les syndicats officiels.
Les employeurs signent souvent des accords appelés contrats de protection avec des syndicalistes soutenus par le PRI, sans consulter la base, qui souvent n'a même jamais le droit de voir sa convention collective. Ils ignorent l'identité de leur chef syndical et ne connaissent même pas le représentant syndical.
Lorsque les travailleurs comprennent qu'ils ont besoin d'une autre forme de syndicat, indépendant du gouvernement et non en collusion avec l'employeur, et lorsqu'ils essaient de constituer des syndicats indépendants pour améliorer leur situation, ils font face à un mur jusqu'à présent insurmontable d'obstacles pour obtenir et exercer leur droit à la liberté d'association, le droit de l'homme et du travail le plus élémentaire, un droit garanti par la constitution mexicaine, le Code du travail du Mexique, et des instruments internationaux comme ceux ratifiés par les conventions de l'Organisation internationale du travail, ainsi que des engagements en faveur des normes de travail élémentaires pris par le gouvernement du Mexique lors de la conférence ministérielle de Singapour de l'Organisation mondiale du commerce en 1996. Sur le papier, le Mexique garantit ces droits. En pratique, c'est une autre histoire. Le droit du travail est différent de la pratique du travail ainsi que de la politique du travail.
• 1020
C'est pourquoi l'accord parallèle à l'ALÉNA, basé sur le
respect et la mise en oeuvre du droit du travail, est inadéquat et
ne peut pas remplir son but déclaré, qui est d'améliorer les normes
de travail dans les pays de l'ALÉNA. Il ne peut pas remplir ses
obligations parce que l'accord parallèle du travail de l'ALÉNA n'a
aucun mécanisme d'application. Il n'a aucun poids.
Vous constaterez à la lecture de notre mémoire que la politique et la pratique du travail au Mexique sont reliées au modèle économique mexicain de croissance axée sur les exportations et que les politiques du travail du gouvernement mexicain ainsi que les pratiques du travail du gouvernement mexicain et des employeurs constituent le principal attrait pour l'investissement international à l'avantage des sociétés multinationales, en particulier celles qui investissent dans les maquiladoras en bordure de la frontière américano-mexicaine.
La dernière chose que je voudrais dire, c'est que ce qui est arrivé au Mexique devrait être un cri d'alerte pour vous et pour le gouvernement canadien, qui prévoit de conclure un autre accord de libre-échange inspiré de l'ALÉNA avec 33 autres pays, 31 ou 32 desquels souffrent du même genre de déficit démocratique que le Mexique en ce qui concerne le respect des droits de l'homme et des droits des travailleurs. Je parle ici de la zone de libre-échange des Amériques.
Des mécanismes pourraient être invoqués si l'on a la volonté politique de le faire. Nous recommandons au Canada de suivre l'exemple de la Communauté européenne et d'adopter certains de ces mécanismes. Le Canada devrait être un chef de file et suivre cet exemple moral.
L'accord parallèle de l'ALÉNA et l'ALÉNA lui-même doivent être renégociés pour incorporer des mécanismes qui garantiront que l'avantage commercial du Mexique est relié à des améliorations de son respect des droits de la personne et du droit international du travail et que ce principe est appliqué à tous les accords commerciaux conclus par le Canada, en particulier dans la zone de libre-échange des Amériques.
Je vais également remettre au comité une lettre que nous avons fait parvenir au ministre du Travail du Canada, Lawrence MacAulay. Il s'agit de la réponse du Congrès du travail du Canada à l'examen quadriennal de l'accord parallèle de l'ALÉNA, et la lettre contient plus de détails.
Merci.
[Français]
Mme Madeleine Desnoyers: Je passe maintenant la parole à Suzanne Rumsey du Comité inter-Églises des droits humains en Amérique latine, qui va nous parler de la situation des droits humains au Mexique en ce moment.
[Traduction]
Mme Suzanne Rumsey (coordonnatrice du programme, Amérique centrale et Mexique, Comité inter-Églises des droits humains en Amérique latine): J'aimerais dire brièvement quatre choses. Vous les retrouverez avec plus de détails dans notre mémoire. Vous trouverez également quatre recommandations.
Depuis que les Églises canadiennes ont commencé à suivre la situation des droits de la personne au Mexique en 1990, on a assisté à une détérioration troublante du respect des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels.
Les Mexicains qui ont protesté contre la dislocation de leur économie et leur exclusion sociale et politique, à la fois par des moyens pacifiques et par des moyens violents, sont devenus les victimes de la répression des forces de sécurité mexicaines; c'est-à-dire de la police locale, d'État et fédérale et, de plus en plus, de l'armée mexicaine.
La population indigène du Chiapas fait l'objet de cette répression sous la forme d'une campagne anti-insurrectionnelle, mais la militarisation s'accroît partout au pays. Les ONG canadiennes et nos homologues au Mexique ont constaté que le gouvernement mexicain dit une chose et en fait une autre.
Le Canada accorde une grande importance aux déclarations du gouvernement mexicain, mais il semble ne pas vouloir critiquer ses actes de peur, semble-t-il, de compromettre nos liens commerciaux privilégiés avec ce pays. Nous exhortons donc le sous-comité à se pencher sur les recommandations suivantes.
Comme commandant en chef des Forces armées mexicaines, le président Zedillo est responsable des violations des droits de la personne commises par l'armée dans le cadre de la campagne anti-insurrectionnelle au Chiapas. Le massacre d'Acteal par un groupe paramilitaire est la conséquence directe de cette stratégie de guerre. Il ne suffit pas pour le Canada de condamner cet acte; il doit condamner ceux qui l'ont commis et inspiré, y compris l'administration Zedillo. Il doit le faire publiquement et à chaque rencontre bilatérale ou multilatérale, y compris à la Commission des droits de l'homme de l'ONU.
• 1025
Depuis le soulèvement zapatiste en janvier 1994, les ONG
canadiennes se sont vues systématiquement refuser une rencontre
avec notre ministre des Affaires étrangères pour lui faire état des
renseignements de première main que nous avons obtenus et nous
porter à la défense de nos partenaires mexicains. De même, les ONG
n'ont pas eu l'occasion d'informer la délégation parlementaire,
dont la plupart des membres se rendaient au Chiapas pour la
première fois. Nous attendons toujours une réponse à la demande que
nous avons faite de rencontrer les membres de la délégation.
Pour favoriser un dialogue poussé entre le gouvernement du Canada et la société civile, une délégation devrait faire une visite avant la fin de 1998 pour faire le suivi de la situation et comprendre des membres de la délégation parlementaire, des membres du sous-comité et des représentants de la société civile.
Le CIEDHAL suit la situation en Amérique latine depuis plus de 25 ans. Ce qui se passe au Chiapas suit le modèle troublant des guerres anti-insurrectionnelles que nous avons observées en Amérique centrale et les conséquences horribles de la para- militarisation que l'on voit en Colombie. Le Canada, comme le reste de la communauté internationale, doit répondre à cette crise humanitaire et des droits de l'homme en créant un organe permanent de surveillance international au Chiapas, avec la participation de la société civile.
Enfin, il faut de toute urgence tenir un débat public à propos des liens de plus en plus multiples et complexes entre le Canada et le Mexique. Nous exhortons donc le sous-comité à réclamer la création d'un sous-comité parlementaire permanent sur le Mexique, lequel surveillerait diverses questions, dont les droits de l'homme et le commerce, le développement démocratique, le développement économique et les droits du travail, et ferait régulièrement rapport au Parlement et à la population canadienne.
Merci.
[Français]
Le président suppléant (M. Keith Martin): Monsieur Tassé.
M. Roch Tassé (agent de programme pour l'Amérique latine, Inter Pares): Ma présentation va porter sur la crise humanitaire dans le contexte du conflit du Chiapas. Les chiffres ne sont pas exacts, car ils sont approximatifs, selon les sources, mais il y a à peu près 15 000 déplacés au Chiapas présentement à la suite du conflit. Dans deux régions, dans le nord du Chiapas, environ 5 000 personnes ont été déplacées à cause des activités des groupes paramilitaires depuis 1995. Dans la région de l'altiplano, où a eu lieu le massacre d'Acteal en décembre, il y a environ 10 000 personnes déplacées.
Les groupes de personnes déplacées peuvent être classés en trois catégories. Il y a d'abord des gens qui ont des affiliations ou des sympathies envers le PRI, le parti au pouvoir. Il y a dans ce groupe environ 1 000 personnes déplacées. Il y a deux autres groupes: les sympathisants des groupes zapatistes et les gens d'un autre groupe antigouvernemental qui s'appelle les Abeilles. Ces personnes sont au nombre d'environ 14 000.
La majorité des personnes déplacées ont pris refuge dans des communautés voisines à cause des pressions, du harcèlement ou de la terreur imposée par les groupes paramilitaires et, dans certains cas, à cause du harcèlement de l'armée, des groupes militaires officiels.
Quant aux besoins matériels des déplacés, ils ont besoin d'eau potable, de matériaux de construction, de logements temporaires, de médicaments, d'outils agricoles, mais surtout d'accompagnement international pour leur protection. La réponse humanitaire en termes de protection et d'accompagnement, jusqu'à maintenant, a consisté surtout en des camps de la paix, avec une présence internationale mise sur pied par des groupes de droits de la personne du Chiapas. Le Centre Fray Bartolomé a organisé ses camps avec la présence internationale.
Toutefois, au cours des deux ou trois derniers mois, les autorités mexicaines tentent d'exercer des pressions pour défaire ces camps de la paix et refouler la présence internationale. On a vu plusieurs déportations, incluant celles de Canadiennes il y a environ six semaines. Donc, de plus en plus, les groupes vulnérables, les victimes de ces déplacements se retrouvent sans présence internationale, sans témoins dans l'éventualité où il y aurait de nouveaux harcèlements. Donc, on voit de moins en moins de présence internationale, et les autorités mexicaines semblent avoir pour politique d'évacuer cette présence internationale. Ceci est une grande source de préoccupation.
En termes de réponse humanitaire sur le plan matériel, il y a la Croix-Rouge du Chiapas qui a réussi à donner une réponse très limitée en termes de médicaments et d'alimentation, surtout dans la région de l'altiplano. Les victimes dans le nord du Chiapas sont toujours sans aide humanitaire. Le Canada a appuyé ce programme de la Croix-Rouge du Chiapas dans la région d'Acteal, après le massacre de décembre. Il a fait une contribution de 60 000 $, je pense. Il y a eu par la suite, en mars, une proposition des ONG canadiennes, surtout en termes d'aide en matériaux de construction et outils agricoles pour les victimes dans le nord du Chiapas et pour les autres victimes dans la région de l'altiplano qui ne reçoivent pas l'aide de la Croix-Rouge du Chiapas.
• 1030
Cette
proposition a été rejetée par le gouvernement canadien
parce que ce dernier préférait un
canal neutre comme la Croix-Rouge. La proposition des
ONG canadiennes visait des populations qui n'avaient
reçu aucune aide internationale,
des victimes sympathisantes des zapatistes qui sont
toujours sans aide humanitaire.
Lorsqu'il a refusé cette proposition, le Canada a aussi dit qu'il envisagerait d'offrir d'autre aide par l'intermédiaire de la Croix-Rouge. Par contre, cette aide est très limitée et ne peut s'accroître sans la présence de la Croix-Rouge internationale. Donc, la Croix-Rouge du Chiapas a fait une demande en vue d'obtenir la présence et l'accompagnement de la Croix-Rouge internationale, une demande qui a été refusée par les autorités mexicaines et également par la Croix-Rouge mexicaine.
Nous formulons trois recommandations.
Premièrement, le Canada, pour être logique et conséquent avec son choix de choisir uniquement la Croix-Rouge comme canal d'aide humanitaire, devrait demander au gouvernement mexicain d'accepter la présence de la Croix-Rouge internationale pour appuyer le travail de la Croix-Rouge du Chiapas.
Deuxièmement, dans l'éventualité d'un refus des autorités mexicaines, le gouvernement canadien devrait prendre une autre fois en considération une aide par les ONG canadiennes pour rejoindre ces populations qui ont droit à une aide internationale, indépendamment de leurs affiliations politiques.
Troisièmement, le Canada devrait être très préoccupé par le refoulement d'accompagnateurs de droits de la personne sur le plan international. Donc, le droit à l'accompagnement devrait être réaffirmé par le gouvernement canadien.
Le président suppléant (M. Keith Martin): Merci beaucoup, monsieur Tassé.
Mme Madeleine Desnoyers: Mon nom n'est pas inscrit à l'ordre du jour, mais je voudrais parler brièvement de la situation des peuples autochtones au Mexique.
Je voudrais d'abord signaler que 10 p. 100 de la population du Mexique est considérée comme une population autochtone, distribuée en 56 groupes ethniques qui parlent autant de langues. Les conditions générales de la population autochtone au Mexique sont extrêmement marginales. On dit que 90 p. 100 de la population des communautés indigènes vit sous le seuil d'extrême pauvreté. Il y a une discrimination qui existe et qui a toujours existé envers les populations mexicaines, par exemple la non-reconnaissance de la culture et de la langue dans l'éducation. La non-reconnaissance de la culture signifie aussi qu'on refuse d'utiliser les règles de justice traditionnelles pour les conflits à l'intérieur des communautés et de reconnaître les autorités.
Le droit des autochtones à la terre est particulièrement délicat au Mexique, comme dans la plupart des pays d'Amérique latine. En préparation pour l'intégration du Mexique à l'économie globale, en 1992, une réforme à la Constitution a amené la modification de l'article 27, qui modifie considérablement le caractère inaliénable et imprescriptible des terres, ce qu'on appelle au Mexique les ejidos, ainsi qu'un autre type de propriété, qui est la terre communale. Donc, on enlève cette protection aux terres autochtones et aux propriétés des communautés.
Il y a un autre article, l'article 4, qui reconnaît le caractère multiculturel du Mexique, ce qui est un aspect positif, mais il n'y a jamais eu de loi à cet égard. Il n'y a donc aucun système de protection pour les autochtones.
Finalement, j'aimerais parler des accords de San Andrés, qui amenaient des propositions très intéressantes quant à la reconnaissance des droits des peuples autochtones, particulièrement un certain degré d'autonomie. Malheureusement, on sait que ces accords de février 1996 ont été signés par le gouvernement, mais que le gouvernement a ensuite refusé de reprendre les discussions sur les accords. Ce dialogue de négociation n'a jamais été repris. Le parti au pouvoir a présenté il y a quelques mois un projet de loi sur les droits des autochtones qui représente un recul par rapport aux accords de San Andrés. Il y a entre autres, la reconnaissance des peuples autochtones, mais seulement au niveau des communautés. On pourrait parler plus amplement de cela plus tard.
• 1035
Nous recommandons donc que le
gouvernement du Canada demande au gouvernement du
Mexique de reprendre les discussions sur la base des
accords de San Andrés, que le
gouvernement mexicain reconnaisse des organisations
autochtones à désigner comme des interlocuteurs et, par
ailleurs, que le gouvernement canadien mette à la
disposition, autant des groupes autochtones au Mexique
que du gouvernement, la grande expérience que le Canada
a développée en ce sens.
La nomination de M. Blaine Favel comme représentant autochtone au ministère des Affaires étrangères est un pas en avant. Nous espérons que M. Favel pourra jouer un rôle positif pour permettre un plus grand contact entre les peuples autochtones du Mexique et du Canada. Merci.
[Traduction]
La présidente (Mme Colleen Beaumier (Brampton- Ouest—Mississauga, Lib.)): Merci.
La séance d'aujourd'hui sera courte, et c'est pourquoi nous allons passer directement aux questions.
Monsieur Martin.
[Français]
M. Keith Martin: Merci beaucoup, madame la présidente.
[Traduction]
Merci à tous d'être venus.
Nous arrivons à la question centrale de savoir comment nous modifions les actes des dirigeants d'un État-nation qui agit avec impunité et viole les normes des accords internationaux des droits de l'homme, des accords économiques, etc. Proposez-vous donc que l'on se serve des instruments comme le Fonds monétaire international, la Banque mondiale, l'ONU, l'OEA? Dans l'affirmative, comment?
Beaucoup de vos recommandations seraient merveilleuses, mais comme vous l'avez aussi dit, le président Zedillo dit une chose et en fait une autre. Comment peut-on obliger le président Zedillo et le gouvernement du Mexique à faire des choses qui changeront la situation troublante au Mexique?
M. John Foster: La réponse à long terme dépend du peuple mexicain lui-même.
C'est pourquoi nous insistons sur le renforcement des organisations civiles autonomes qui exigeront des comptes de leur gouvernement. Par exemple, Alianza Civica a créé un programme appelé Adoptez un fonctionnaire ou adoptez un politicien. C'est simplement une façon d'obtenir un peu de transparence et d'explications de la part des gouverneurs.
Dans l'immédiat, le Canada pourrait profiter des possibilités qui s'offrent déjà. Le fait que le Canada n'a pas soulevé la situation du Mexique à la Commission des droits de l'homme de l'ONU à Genève le mois dernier au point 10, alors que nous aurions pu le faire, est un point en sa défaveur.
Nous aurions dû soulever la question. Le gouvernement mexicain est, je crois, sensible aux pressions internationales. Nous avons dit que nous allions le faire discrètement. C'est une querelle incessante entre les groupes des droits de l'homme et les gouvernants, quel que soit le parti au pouvoir, j'imagine. Nous nous servons des moyens logiques qui sont à notre disposition.
En ce qui concerne les accords que nous concluons avec ces pays et l'influence que cela nous donne, les Européens négocient un accord de commerce permanent avec le Mexique. Cet accord repose sur le respect par les deux parties des principes démocratiques et des droits de l'homme proclamés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme, qui inspire les politiques internes et externes des pays en cause.
Les Mexicains se sont acharnés contre cette disposition, parce qu'ils ne veulent pas donner aux Européens la possibilité de soulever les questions des droits de l'homme. Nous allons de l'avant et négocions des accords commerciaux sans du tout tenir compte de cela. Les Européens ont de l'avance ici.
Il y a des éléments du projet d'accord permanent entre le Mexique et l'Union européenne sur la façon d'informer les gens sur les droits de l'homme et de faire en sorte quÂils les respectent. Il n'y a pas de mécanisme d'application. Il devrait y en avoir un. On pourrait faire preuve de créativité.
Voilà quelques réponses. Il pourrait y en avoir d'autres...
Mme Suzanne Rumsey: Il me semble aussi que la politique canadienne pose un problème de cohérence. Nous constatons qu'on a réagi de façon tout à fait différente au début de l'année quand les forces de sécurité serbes ont massacré plus d'une cinquantaine de gens dans la région du Kosovo. Le Canada avait immédiatement imposé des sanctions commerciales à la Serbie.
• 1040
À la même époque, il y a eu le massacre d'Acteal où 45 Indiens
ont été tués. Quelques semaines plus tard, Équipe Canada s'est
rendue au Mexique et a conclu avec ce pays des ententes
commerciales valant des millions de dollars, ce dont le président
Zedillo se serait apparemment dit enchanté. Le Canada, à ce moment-
là, avait dénoncé le massacre d'Acteal, mais il n'a pas cherché à
demander des comptes au gouvernement du Mexique, pas plus qu'il n'a
envisagé de retarder la mission commerciale d'Équipe Canada.
Nous pressentons bien qu'il faudra du temps pour que la situation change au Mexique. Comme le disait John, il y a toutefois des mesures que nous pouvons prendre ici au Canada et nous avons une responsabilité à assumer dans de très nombreux domaines.
[Français]
Mme Madeleine Desnoyers: J'aimerais insister sur les mécanismes de dialogue entre le gouvernement et le secteur non gouvernemental, qui sont extrêmement importants. Nous, les représentants des organisations ici présents, avons demandé une rencontre avec le ministre Axworthy pour pouvoir parler plus amplement du Mexique. Nous serions aussi très heureux de pouvoir rencontrer la délégation qui vient d'aller au Mexique pour connaître ses recommandations et ses observations.
Par ailleurs, le Centre international est en train de mettre sur pied un groupe consultatif sur le Mexique, un groupe pour établir un dialogue entre le gouvernement et... Le centre s'est d'ailleurs adressé au sous-comité pour demander qu'un représentant du sous-comité fasse partie de ce groupe consultatif. Ces mécanismes sont extrêmement importants pour que nous puissions nous informer mutuellement.
Il y a un autre aspect qui est extrêmement important, et John l'a mentionné tout à l'heure: il faut renforcer la société civile mexicaine mais aussi favoriser les liens entre la société civile canadienne et la société civile mexicaine. Nous croyons que c'est un moyen de renforcer ces liens.
La présidente: Madame Debien.
Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): J'ai une très courte question et je vais partager mes cinq minutes avec M. Turp, qui a également une question.
L'une de vos recommandations porte sur le renforcement de la société civile et donc de la démocratie au Mexique. Vous nous suggérez un moyen qui est le suivant: il faudrait raffermir les liens entre les organismes de la société civile et les ONG du Canada.
À la page 3 de votre document, vous donnez un certain nombre d'éléments qui permettraient ce partenariat. Par contre, vous nous dites également que l'ACDI ne joue pas un rôle très important dans le développement et le renforcement de la société civile. Quel est le rôle de l'ACDI au Mexique? Que fait l'ACDI au Mexique actuellement?
M. Roch Tassé: D'abord, il n'y a aucun programme bilatéral entre l'ACDI et le Mexique. Il y a un petit fonds d'environ 200 000 ou 400 000$ à l'ambassade canadienne pour de petites initiatives. Les ONG canadiennes, au cours de la dernière année, ont eu quelques rencontres avec l'ACDI pour promouvoir un programme qui pourrait être administré par les ONG canadiennes et qui permettrait de renforcer la société civile. La dernière de ces rencontres a eu lieu la semaine dernière.
Au niveau de la division bilatérale, on nous dit qu'il n'y a pas de fonds. La semaine dernière, nous avons rencontré la division ONG de l'ACDI. Ses représentants nous ont dit qu'ils étaient sympathiques à nos recommandations et qu'ils devraient engager un dialogue avec les Affaires extérieures. Donc, il semble qu'il doit y avoir une décision politique pour engager l'ACDI dans un tel programme.
Mme Maud Debien: Merci beaucoup. C'est ce que je voulais savoir.
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Madame Rumsey, vous avez parlé de notre délégation. M. Proctor et moi faisions partie de cette délégation. Nous avons été avertis quatre jours à l'avance—sinon trois—de l'existence de cette délégation. J'étais de ceux qui auraient souhaité vous rencontrer avant le départ, et j'apprécie que certains d'entre vous nous aient écrit pour nous faire part de quelques-unes de leurs observations.
J'exprime le souhait que notre délégation vous rencontre et je vous invite par ailleurs à revenir à Ottawa le 2 juin prochain, lorsque la délégation fera rapport au Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international. Je souhaiterais une présence en grand nombre des organisations non gouvernementales qui s'intéressent à la question du Mexique.
Voici ma question. J'aimerais savoir ce que vous avez pensé de cette délégation, de son programme et de son séjour au Mexique, puisque vous avez eu quelques échos de nos travaux là-bas.
[Traduction]
Mme Suzanne Rumsey: Merci. J'ai bien peur de ne pouvoir me prononcer que sur des comptes rendus des médias. Comme vous le savez bien, il n'y a pas eu de recommandations officielles. Ce n'est pas le type de réponses que je souhaite donner. Nous sommes heureux de constater que vous avez effectivement eu l'occasion de rencontrer certains des partenaires avec qui nous travaillons en étroite collaboration dans la communauté des défenseurs des droits de l'homme: le diocèse de San Cristobal et le Centre des droits de l'homme Fray Bartholomé. Des visites de ce genre sont absolument nécessaires et sont extrêmement importantes pour nos partenaires et pour renforcer notre propre processus d'apprentissage.
Ce que nous attendons toujours, toutefois, c'est une direction claire en ce qui concerne la politique du gouvernement canadien. On vous a dit où nous souhaiterions voir se produire une certaine évolution. Je le répète, nous vous avons entendu parler de ce que vous avez vu et de ce que vous avez entendu de part et d'autre, mais pour ce qui est des conclusions et des recommandations nous sommes toujours dans l'expectative.
Nous sommes heureux que le groupe y soit allé. Nous aussi avons regretté ne pas avoir la possibilité de vous donner une séance d'information. La délégation aurait ainsi mieux profité de l'expérience. C'est un premier pas important.
Nous avons entendu dire que le gouvernement du Mexique se serait engagé à prendre des mesures à différents égards. Si nous insistons sur l'importance d'une autre délégation élargie, c'est pour que vous puissiez vous rendre à nouveau là-bas et voir si l'on a respecté ces engagements, car on constate depuis janvier 1994 qu'on ne donne jamais suite aux engagements qui sont pris. Il serait donc bon que nous ayons l'occasion de voir si le gouvernement du Mexique peut respecter la parole donnée.
[Français]
M. Daniel Turp: Comment verriez-vous...
[Traduction]
La présidente: Excusez-moi. Nous aurons sans doute le temps de revenir à vous, monsieur Turp.
Monsieur Proctor.
M. Dick Proctor (Palliser, NPD): Merci beaucoup.
Avant de poser mes questions, j'aimerais présenter une motion au sujet de la présence de la Croix-Rouge Internationale au Mexique. Je ne sais pas si c'est le bon moment de le faire.
La présidente: Oui.
M. Dick Proctor: Je la lis?
La présidente: Certainement. Allez-y.
M. Dick Protor: Voici la motion:
-
Attendu que l'État du Chiapas connaît une crise humaine sérieuse
comportant de la violence, des violations des droits de la personne
et le déplacement de membres de la population indigène,
-
Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada demande
publiquement et officiellement à la Croix-Rouge Internationale
d'intervenir au Chiapas.
Voilà la motion que je propose.
La présidente: Ce que vous venez de lire, croyez-vous que c'est ce que nous avons en main? La mienne est un peu différente.
M. Dick Proctor: Elle est un peu différente. Je lui ai apporté de légères modifications.
La présidente: D'accord. Tout le monde a le texte?
M. Dick Proctor: Je ne savais pas que tout le monde en avait une copie. Je retranche le paragraphe du milieu. Dans le premier paragraphe, j'inclus dans le problème la faim et le logement, ainsi que la nécessité pour la Croix-Rouge Internationale d'y être.
Mme Raymonde Folco (Laval-Ouest, Lib.): Le deuxième paragraphe ne s'applique plus, n'est-ce pas?
M. Dick Proctor: Je ne suis pas sûr que ce soit exact.
Mme Raymonde Folco: D'accord.
La présidente: J'aimerais que l'on clarifie cela un peu. Si j'ai bien compris M. Tassé, la Croix-Rouge mexicaine n'est pas d'accord. Est-ce exact?
M. Roch Tassé: La Croix-Rouge du Chiapas a réclamé la présence et l'aide de la Croix-Rouge Internationale pour élargir ses propres programmes locaux. La Croix-Rouge mexicaine, la Croix-Rouge nationale, s'y est opposée, ainsi que le gouvernement mexicain.
Bon nombre des victimes refusent de collaborer avec la Croix- Rouge mexicaine. La Croix-Rouge mexicaine, dans certains secteurs du Chiapas, est accusée d'avoir des sympathies avec le parti au pouvoir. Certaines victimes n'ont pas confiance dans l'aide de la Croix-Rouge nationale parce qu'elle n'est pas perçue comme étant neutre. On nous dit qu'on a confiance dans la Croix-Rouge du Chiapas, cependant, et la Croix-Rouge du Chiapas a elle-même réclamé la présence de la Croix-Rouge Internationale.
La présidente: Merci.
Monsieur Bonwick.
M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Merci, madame la présidente.
À titre de clarification, vous, monsieur Proctor, ou monsieur Tassé, pour le deuxième paragraphe, tout d'abord, pouvez-vous me dire si la Croix-Rouge du Chiapas a officiellement demandé l'aide de la Croix-Rouge Internationale?
M. Roch Tassé: Nous croyons savoir que oui.
M. Paul Bonwick: Je crois que c'est une très bonne motion, et je suis certainement en faveur, mais au premier paragraphe, où vous mettez des choses comme le «logement» ou d'autres mots comme ça, ne devriez-vous pas vous contenter de mentionner les «violations des droits de la personne et le déplacement de membres de la population indigène»? N'est-ce pas suffisant, et on laissera ensuite à la communauté internationale le soin de décider exactement de quoi il s'agit?
Il peut y avoir plusieurs autres choses qu'on ne mettra pas ici si des violations ont lieu. Et si on a demandé de l'aide officiellement, il faut le mentionner dans l'original. J'aime bien le libellé de votre motion originale, monsieur Proctor.
La présidente: Monsieur Martin.
M. Keith Martin: Monsieur Tassé ou madame Rumsey, la Croix- Rouge Internationale a-t-elle exprimé le désir d'intervenir au Chiapas?
M. Roch Tassé: Oui, mais étant donné qu'elle n'a pas l'autorisation du gouvernement mexicain, elle n'a pris aucune mesure pour intervenir là-bas. Donc j'imagine qu'elle s'attend à des pressions internationales, et il faut demander à la Croix-Rouge Internationale de donner suite à la requête de la Croix-Rouge du Chiapas.
La présidente: Monsieur Bonwick, si je vous ai bien compris, vous proposez que M. Proctor soumette son texte original?
M. Paul Bonwick: Oui, parce que c'est un texte factuel, et parce que nous devons rester vagues sans rien définir.
M. Dick Proctor: Je suis d'accord.
M. Paul Bonwick: Je pense que nous pouvons nous entendre, chose certaine avec M. Proctor, et nous pourrons adopter le texte original de la motion.
Une voix: Le texte original, avec le deuxième paragraphe?
La présidente: Oui.
M. Keith Martin: Est-ce qu'on peut relire la motion? Ce serait très utile.
La présidente: Oui, d'accord.
M. Dick Proctor: Très bien. On essaie encore:
-
Attendu que l'État du Chiapas connaît une crise humaine sérieuse
comportant de la violence, des violations des droits de la personne
et le déplacement de membres de la population indigène,
-
Attendu que la Croix-Rouge du Chiapas a fait appel à la Croix-Rouge
Internationale pour lui prêter main-forte dans ces circonstances
difficiles,
-
Le Sous-comité recommande que le gouvernement du Canada demande
publiquement et officiellement à la Croix-Rouge Internationale
d'intervenir au Chiapas.
La présidente: La motion est mise aux voix.
(La motion est adoptée)
La présidente: Adoptée à l'unanimité.
Madame Rumsey.
Mme Suzanne Rumsey: Je suis très heureuse de voir que la motion a été adoptée. J'aimerais seulement faire deux brèves observations en réponse.
Premièrement, c'est une motion importante à cause de la crise humanitaire, mais deuxièmement, c'est important parce que, comme on l'a dit plus tôt, étant donné le resserrement des règlements régissant l'immigration au Mexique, s'il y a une situation d'urgence comme celle qui s'est produite dans la foulée du soulèvement zapatiste de janvier 1994, où les organisations canadiennes ont dû répondre dans les jours qui ont suivi aux requêtes de nos partenaires qui voulaient avoir des observateurs sur place, nous ne pourrons pas réagir. On nous a dit qu'il fallait donner un avis de 60 jours. Donc un massacre pourrait se produire, on pourrait nettoyer les lieux, et ce n'est qu'après qu'on nous permettrait d'y aller. Donc la nécessité d'une présence internationale quelconque est aujourd'hui cruciale.
[Français]
Mme Madeleine Desnoyers: J'aimerais souligner que la situation actuelle est vraiment un recul par rapport à la situation antérieure. En 1994, on a pu descendre jusqu'au Chiapas. Auparavant, le Mexique n'avait, par exemple, jamais répondu à des critiques d'Amnistie Internationale. Il y avait eu quand même une ouverture en 1994 à cause des pressions internationales. On assiste maintenant à une fermeture, et cette fermeture est effectivement très inquiétante.
Soulignons par exemple l'expulsion des deux jeunes Canadiennes, il y a quelques semaines, même si certaines personnes n'avaient pas, semble-t-il, le visa approprié, encore que la bureaucratie mexicaine, jusqu'au mois de février, ait été très embrouillée à ce sujet.
Il reste que nous pensons que le gouvernement canadien doit prendre la défense d'une présence internationale au Chiapas et ailleurs au Mexique, c'est-à-dire le droit à l'observation. Signalons d'ailleurs que le Canada et beaucoup d'autres pays ont adopté une déclaration à la dernière session de la Commission des droits humains des Nations unies sur le droit des observateurs des droits humains à faire leur travail.
• 1055
Une façon de mettre cette déclaration
très concrètement en application serait d'appuyer le travail
d'observation au Mexique.
[Traduction]
La présidente: Merci.
Madame Augustine, s'il vous plaît.
Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.): Merci d'avoir répondu à l'invitation du comité aujourd'hui et de nous avoir communiqué ces informations. Nous avons été mis au courant par nos collègues qui ont été là-bas et nous avons pu aussi apprendre des choses en lisant les journaux.
Les quelques questions que je veux poser ont trait à toute cette notion de réseaux indépendants et aux organisations qui fournissent des ressources à nos partenaires mexicains. Si je me souviens bien, quelqu'un a dit plus tôt que les réseaux indépendants peuvent être utiles si l'on veut atténuer la crainte d'une ingérence étrangère dans les affaires externes du Mexique. Je me demandais si vous pouviez nous parler du genre de partenariat dont nous avons besoin et du genre de choses qui sont nécessaires à votre avis, si nous voulons faire le travail voulu de concert avec nos partenaires. Par exemple, cette motion d'aujourd'hui fait état de la Croix-Rouge Internationale. Quels sont les autres moyens qui s'offrent à nous, à votre avis, pour faire connaître cette situation aujourd'hui?
M. John Foster: Ce que nous recherchons s'inspire des expériences concrètes que nous avons vécues dans d'autres cas, et dans notre mémoire, nous mentionnons le cas de Cuba, où nous avons fait affaire avec un gouvernement assez autoritaire et où l'instrument de coopération privilégiée consistait à créer un consortium ou des consortiums entre les organisations non gouvernementales et les mouvements sociaux canadiens et leurs homologues dans l'autre pays.
Dans le secteur des droits de la personne, il se pratique en ce moment beaucoup de coopération bilatérale sectorielle, dans le secteur du développement, dans le secteur du travail, un peu dans le secteur environnemental, dans les groupes féminins et anti- pauvreté et le reste. Cela peut être consolidé. Dans le cadre d'un programme de l'ACDI ou d'un autre programme bilatéral canadien, on aimerait faire cela au départ de telle sorte que les organisations mexicaines interviendraient directement dès le début pour nous aider à définir les besoins, et il y aurait ainsi échange d'expériences de part et d'autre.
On s'intéresse vivement au Mexique aux modèles canadiens de reddition de comptes démocratique—des choses comme la participation du public au processus de façonnement de la politique étrangère et d'autres exemples autonomes canadiens, par exemple le contre-budget où l'on propose des solutions de rechange, d'un point de vue non gouvernemental, aux politiques établies. Dans le cas du budget au Mexique, ce n'est que depuis les élections de l'été dernier qu'il y a de vraies discussions et des redditions de comptes au congrès, et dans le public aussi. Ce sont là quelques exemples.
Lorsqu'on parle d'indépendance, on songe simplement à des institutions comme le Centre international de Montréal—aux organisations non gouvernementales qui sont représentées ici. La question—peu importe comment on l'appelle—de l'or étranger ou de l'intervention étrangère au Mexique est toujours délicate, et cette question est souvent politisée par le gouvernement. Le gouvernement a un vrai problème aujourd'hui avec l'explosion des organisations communautaires dans la mesure où ces moyens législatifs et réglementaires sont impuissants à les contrer. Parfois le gouvernement joue dur et dit que tout argent étranger qui entre dans le pays doit être signalé ici ou là. Eh bien, dans le contexte actuel, c'est parfaitement impossible.
Il y a d'autres expériences comme celle-là à Cuba, peut-être aussi en Afrique du Sud, et d'autres que l'on peut invoquer pour affirmer et assurer l'indépendance de ces instances.
La présidente: Merci.
Avez-vous terminé, madame Augustine?
Mme Jean Augustine: Oui.
La présidente: Nous sommes sur le point de perdre nos interprètes et je crois savoir que vous avez aussi une conférence de presse, je vais donc lever la séance. Je vous remercie vivement d'avoir été des nôtres et de nous avoir fait cet exposé.
La séance est levée.