SHUR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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SUB-COMMITTEE ON HUMAN RIGHTS AND INTERNATIONAL DEVELOPMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
SOUS-COMITÉ DES DROITS DE LA PERSONNE ET DU DÉVELOPPEMENT INTERNATIONAL DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mercredi 3 décembre 1997
[Traduction]
La présidente suppléante (Mme Jean Augustine (Etobicoke—Lakeshore, Lib.)): Bonjour. C'est une séance du sous-comité des droits de la personne et du développement international du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.
Nous allons aborder aujourd'hui la question de l'enlèvement international d'enfants. Nous entendrons les témoins suivants: Barbara Snider, directrice, Est canadien, Société des enfants disparus du Canada; Aggie Castleman, directrice générale, Service social international Canada; Susan Armstrong, directrice générale, Réseau Enfants Retour; et Patrick Bergeron, directeur de la recherche. Nous attendons également la directrice générale et le président de Child Find. Ils ne devraient pas tarder à se joindre à nous.
Nous allons commencer en demandant aux témoins de faire leur exposé d'ouverture, après quoi les membres du comité pourront leur poser des questions.
Mme Barbara Snider (directrice, Est du Canada, Société des enfants disparus du Canada): La Société des enfants disparus du Canada participe depuis 1986 à la recherche d'enfants disparus et enlevés. Nous sommes un organisme à but non lucratif constitué en société et nous offrons tous nos services gratuitement.
• 1540
Environ 51 p. 100 de nos dossiers sont classés dans la
catégorie des enlèvements parentaux. On estime qu'à peu près
90 p. 100 des enfants victimes d'enlèvements parentaux signalés à
la société ont quitté le Canada et se sont réfugiés dans un autre
pays. La société a aidé à retrouver des enfants enlevés et emmenés
aux États-Unis, en Europe, au Mexique, au Maroc et en Ouganda.
Cependant, nous avons actuellement des enfants en Yougoslavie, en
Slovaquie, en Iran, aux Bermudes, en Jamaïque, aux Philippines et
en Arabie Saoudite que les parents lésés tentent désespérément de
faire revenir au Canada.
Une étude sur l'enlèvement parental international, réalisée en 1991 aux États-Unis par Hegar et Grief, a permis de constater que les enfants victimes d'un enlèvement parental international ont tendance à être plus âgés. Parmi les 118 enfants étudiés, 37 p. 100 avaient plus de 8 ans et seulement 15 p. 100 moins de 2 ans. Le ravisseur tendait à être né à l'étranger et à avoir en moyenne 36 ans.
Le ravisseur né à l'étranger a tendance à mieux réussir à tenir l'enfant éloigné de l'autre parent lorsqu'ils ont fui le pays, mais ce ne semble pas être le seul motif de leur fuite. En cas de fuite vers leur patrie d'origine, leur affinité pour leur pays d'origine, leur compréhension de la culture et la présence d'amis et de parents sympathiques à leur cause semblent jouer un rôle important. Hegar et Grief ont remarqué principalement que, dans certaines conditions, l'enlèvement international aboutissait à un nombre nettement plus faible de retours d'enfants.
Au cours des prochaines minutes, nous partagerons avec vous les frustrations et les difficultés rencontrées par les parents pendant leurs recherches en illustrant un cas. Pour protéger l'identité de la mère et de l'enfant qui essaient actuellement de recoller les morceaux de leur vie, nous avons changé les noms de toutes les parties concernées.
Le 22 août 1996, Mme Smith rentre à la maison et constate que son mari et son fils de trois ans ont disparu. M. et Mme Smith s'étaient mariés à Toronto en 1989. M. Smith est né au Maroc mais possède la citoyenneté canadienne. Mme Smith est une immigrante reçue de Trinidad. Pendant que le couple faisait encore vie commune, ce mariage était très agité. M. Smith, qui était au chômage, envisageait de rendre visite à sa famille au Maroc. Il éprouvait le besoin de s'éloigner de sa femme et de son enfant pour étudier la possibilité de mettre fin à son mariage. En plus de sa famille au Maroc, M. Smith a des parents dans l'Ouest du Canada et en France.
Les enquêtes ont révélé que M. Smith avait frauduleusement demandé et obtenu un passeport canadien pour son fils un mois avant l'enlèvement. Il avait demandé et obtenu, au cours des dix derniers mois, des prestations d'assistance sociale à titre de parent unique d'un enfant, sans que sa femme soit au courant. Le 22 août, après avoir vendu quelques-uns des effets personnels de la famille, il a pris un vol à destination de Paris en France.
Mme Smith avait obtenu une ordonnance de garde par les tribunaux ontariens. Un mandat de recherche pancanadien pour enlèvement a été émis contre M. Smith et INTERPOL a déclenché une alerte rouge. Une demande a été remplie auprès de l'autorité centrale dans le cadre de la Convention de La Haye et les consulats du Canada à Paris et au Maroc ont été alertés par les Affaires étrangères. La police du Toronto métropolitain a demandé l'aide du Bureau d'enregistrement des enfants disparus qui, à son tour, a demandé à la police de Paris d'interroger la mère de M. Smith qui résidait dans cette ville.
Malgré toute cette aide, nous sommes toujours dans l'incapacité de confirmer l'endroit où se trouvent M. Smith et l'enfant. Au cours des trois mois suivants, Mme Smith a téléphoné tous les jours à la famille de son mari à Paris et au Maroc, en les suppliant de lui donner des nouvelles de son fils, mais sans résultats.
Mme Smith avait du mal à faire face à la situation. Elle perdait du temps au travail pour les comparutions en cour et les rencontres avec la police. Elle a été obligée de déménager dans un logement moins coûteux et s'efforçait également de payer ses énormes factures mensuelles de téléphone ainsi que les dettes accumulées par son mari avant son départ.
À la fin de novembre, l'enquête a démontré que la carte bancaire de M. Smith avait été utilisée au Maroc pour tirer son chèque de TPS de son compte bancaire à Toronto. À la même époque, un ami de Mme Smith, qui s'est rendu en France, a communiqué avec elle pour lui dire qu'il avait aperçu l'enfant à l'extérieur de la résidence de la mère de M. Smith. Même si tous ces renseignements nouveaux méritaient un suivi, le gouvernement marocain prétendait que si le père se trouvait au Maroc, il avait le droit d'y vivre librement avec son fils. La première demande d'aide auprès de la police parisienne demeurait toujours sans réponse.
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Mme Smith était convaincue que son fils se trouvait à Paris et
elle commença à faire des préparatifs de voyage. Même si toutes les
parties concernées estimaient que cette décision était prématurée,
nous ne pouvions ni ne voulions l'empêcher d'y aller.
À la suggestion de l'autorité centrale française, Mme Smith a retenu les services d'un avocat parisien mais, après trois semaines, elle est revenue seule au Canada. Toutefois, elle avait pu rencontrer sa belle-mère, qui continuait à prétendre ne rien savoir des allées et venues de son fils.
Le 15 janvier 1997, le consulat du Canada au Maroc a reçu deux appels téléphoniques anonymes demandant de l'aide pour renvoyer un enfant à sa mère au Canada. L'interlocuteur prétendait que M. Smith et l'enfant se trouvaient au Maroc depuis septembre 1996 et séjournaient auprès de divers parents, mais que la famille refusait maintenant de l'appuyer et voulaient qu'il ramène l'enfant à sa mère. L'enfant était apparemment très malheureux et la famille n'était pas contente du traitement que lui réservait M. Smith.
Même si nous savions alors où se trouvait M. Smith, personne ne pouvait faire grand chose dans la pratique car le Maroc n'est pas un pays signataire de la Convention de La Haye. Toutefois, deux jours plus tard, la Société des enfants disparus du Canada recevait un appel à frais virés de M. Smith déclarant qu'il voulait revenir au Canada avec son fils. Au cours des 11 jours suivants, nous avons eu des communications quotidiennes avec M. Smith, des appels conférences avec la police du Toronto métropolitain et les Affaires étrangères à Ottawa pour régler les détails, et M. Smith et son fils sont revenus au Canada le 28 janvier 1997. Après cinq mois et 20 000 $ de frais, Mme Smith a revu son fils mais, si la famille de M. Smith l'avait appuyée ouvertement, nous savons que cet enfant serait toujours au Maroc.
La société a examiné les mesures que le gouvernement se propose d'étudier et nous encourageons le gouvernement canadien à aborder ouvertement les problèmes, à chaque occasion, avec les pays non signataires de la Convention de La Haye.
Toutefois, il faut également examiner ce que l'on peut faire sur le territoire canadien. Même si nous comprenons bien que vous abordez les questions sur un plan fédéral, vous êtes en mesure de donner l'exemple aux provinces. L'information portant sur les questions d'enlèvement parental est de loin la meilleure mesure préventive dont nous disposons. En rassemblant les principaux interlocuteurs, comme les avocats et les juges, dans le cadre d'un atelier ou d'une conférence sur l'enlèvement parental, nous pourrions peut-être leur fournir les connaissances nécessaires pour mieux traiter les dossiers qui leur sont présentés.
Trop souvent, nous constatons que le parent assujetti à des contraintes fuit le pays après avoir obtenu frauduleusement un passeport pour l'enfant. Il faut réviser les modalités d'obtention du passeport d'un enfant. Il faudrait peut-être que les deux parents se présentent en personne au bureau des passeports munis d'une pièce d'identité ou avec une lettre notariée du parent absent donnant l'autorisation, au lieu de la simple signature exigée actuellement, que n'importe qui peut imiter.
Le fait que les jeunes enfants puissent actuellement être inscrits sur le passeport d'un des deux parents confère à ce parent une plus grande possibilité de s'enfuir. Il faudrait peut-être que les enfants soient tenus d'avoir leur propre passeport et il est certain que toutes les juridictions devraient aborder les problèmes de saisie des passeports de toutes les parties concernées par un conflit en matière de garde des enfants.
Une question qui n'a pas été abordée est celle de l'aide financière accordée aux parents qui effectuent les recherches. Même si nous avons la chance d'avoir au Canada un programme de déplacement pour les parents qui retrouvent leurs enfants, il n'existe aucun mécanisme pour aider les parents qui doivent se rendre dans un pays étranger afin de comparaître en cour ou pour les aider à assumer les honoraires juridiques encourus à l'étranger. Même dans les pays signataires de la Convention de La Haye, certains parents sont incapables de financer les procédures judiciaires, parfois longues, nécessaires pour récupérer leur enfant. C'est le parent qui effectue les recherches qui assume le fardeau financier tandis que le parent ravisseur est souvent représenté par le système d'aide juridique de ce pays et bénéficie même d'un voyage de retour gratuit au Canada si l'extradition est reconnue.
Au Canada, nous devons remplir chaque année une déclaration d'impôt sur le revenu. Ceci pourrait inciter notre gouvernement à envisager une sorte de remboursement d'impôt pour les parents impliqués dans une recherche en vue de retrouver leur enfant enlevé.
Au nom de la Société des enfants disparus du Canada, nous vous remercions de nous avoir permis d'aborder les questions entourant l'enlèvement parental et c'est avec empressement que nous accepterons de participer à n'importe quel processus éducatif visant à mieux informer le système judiciaire sur les enjeux auxquels nous sommes confrontés. Je vous remercie.
La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Merci beaucoup, Barbara, pour cet excellent exposé des problèmes et pour ces quelques bonnes suggestions concernant l'orientation de nos travaux.
Susan est-elle de votre organisme?
Mme Susan Armstrong (directrice générale, Réseau Enfants Retour): D'un organisme différent.
La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Très bien. J'ai été mal informée. Vous êtes du Réseau Enfants Retour.
Dans ce cas, nous allons passer la parole à Aggie Castleman et lui demander de faire son exposé.
Mme Aggie Castleman (directrice générale, Service social international Canada): Merci beaucoup, madame la présidente. Je suis heureuse de l'occasion qui m'est donnée d'aborder devant votre comité les enjeux entourant l'enlèvement international d'enfants.
Service social international (SSI) est un réseau de chapitres nationaux, de bureaux affiliés et de correspondants qui facilitent la communication entre les services sociaux de divers pays dans le but de résoudre les problèmes socio-juridiques rencontrés par des personnes et des familles par suite de l'émigration et de la mobilité internationale. Le secrétariat général de SSI se trouve à Genève et le réseau mondial de SSI s'étend actuellement dans quelque 120 pays.
Les racines de SSI sont ancrées dans la mobilité mondiale. Service social international a été créé en 1924 pour répondre à la perturbation massive des familles provoquée par l'émigration qui a suivi la guerre. Dans le monde entier, les bureaux d'aide sociale n'étaient pas prêts à faire face au volume et à la complexité des problèmes. Un organisme spécialisé s'avérait indispensable pour coordonner des mesures de collaboration entre les pays visant à aider les personnes et les familles à surmonter les problèmes résultant de l'émigration.
L'activité universelle de base de Service social international consiste à offrir un service de liaison inter-états en matière de travail social pour aider les enfants et les familles en difficulté dont les problèmes doivent être résolus dans deux ou plusieurs pays. L'expertise de SSI surmonte les obstacles dressés par la nationalité, la langue, la culture et les systèmes juridiques pour aider à résoudre ces situations familiales et individuelles compliquées, dont l'enlèvement d'enfants.
Les unités nationales de SSI offrent des services en anglais, en espagnol et en français grâce à ses réseaux.
Au Canada, SSI Canada a été constituée en société fédérale comme organisme sans but lucratif en 1979, au titre du bureau national de Service social international, après avoir fourni des services depuis les années 50 sous l'égide du Conseil canadien de développement social.
De son petit bureau à Ottawa, SSI Canada prend des dispositions dans le monde entier pour faciliter des services au nom des organismes canadiens d'aide sociale, des ministères gouvernementaux et des organisations non gouvernementales. L'outil principal utilisé par SSI, ce sont les antécédents sociaux qui permettent au travailleur social de l'autre pays de bien saisir la situation au Canada, les antécédents familiaux, et donc de faire une intervention judicieuse outre-mer.
SSI Canada est financé par un contrat de services et par des honoraires pour services rendus. Nous recevons une contribution annuelle du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Nous avons également un contrat de service sur des dossiers avec ce même ministère.
Plus de 70 p. 100 des dossiers transmis à SSI Canada impliquent des services auprès des provinces dans lesquelles il existe un besoin d'aide pour des questions de protection de l'enfance ayant une envergure internationale. Les enquêtes sur la violence faite aux enfants, les dispositions prises en vue d'interviewer les parents ou les membres de la famille dans d'autres pays pour appuyer la planification des organismes pour les enfants en garde, le service des documents de protection de l'enfance transmis à ces parents outre-mer et la surveillance des enfants en tutelle qui rendent visite à des parents ou à des membres de la famille outre-mer ou retournent auprès d'eux ne sont que quelques-uns des services exigeant l'aide de SSI.
SSI Canada collabore avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international dans des dossiers concernant des mineurs canadiens abandonnés, des cas d'enlèvement d'enfants, des situations de personnes âgées dans le dénuement et d'autres qui ont besoin d'une planification et d'une aide spéciale.
Les cas impliquant le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international englobent environ 22 p. 100 des dossiers transmis à SSI Canada. La collaboration entre ce ministère et SSI Canada remonte à l'époque des débuts de SSI au Canada. La collaboration entre les missions canadiennes et les partenaires de SSI à l'étranger permet de résoudre de nombreuses situations délicates auxquelles sont confrontés des Canadiens à l'étranger.
• 1555
SSI Canada participe également aux coûts des programmes de
formation permettant au ministère des Affaires étrangères et du
Commerce international d'expliquer le travail réalisé par SSI et
les domaines de collaboration possible avec les missions
canadiennes. Lorsque ces programmes sont menés à bien à l'étranger,
SSI Canada s'organise pour qu'une personne du chapitre dans le pays
concerné dispense cette séance d'orientation portant sur SSI.
La protection mondiale des enfants est une priorité de Service social international. SSI a obtenu un statut d'observateur auprès de la Conférence de La Haye de droit international privé, qui remonte aux années 60, époque à laquelle la Convention de La Haye sur la protection des enfants a été rédigée. SSI a fait partie des organismes internationaux clés qui ont travaillé à la préparation de la Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants, en fournissant aux délégués des gouvernements des études de cas qui illustraient la portée et la nature du phénomène. SSI a fortement préconisé la mise sur pied des autorités centrales pour surveiller l'application de la convention et a appuyé l'objet de la convention tel qu'énoncé à l'article 1, c'est-à-dire le retour immédiat de l'enfant qui a été enlevé à tort au parent en ayant la garde dans le pays de résidence habituel.
SSI Canada contribue à ces mécanismes internationaux grâce à son secrétariat général. Nous collaborons également avec Justice Canada sur des sujets comme l'examen des projets de conventions et la convocation de réunions visant à obtenir l'avis d'agences non gouvernementales canadiennes et à en tenir compte dans la rédaction de mémoires pour les conférences de La Haye.
Service social international encourage régulièrement les pays à devenir membres signataires, lorsque les discussions traitent d'enlèvements d'enfants, chaque fois que SSI organise des séminaires, des conférences ou des rencontres sur ce sujet. Un séminaire d'une semaine a été organisé récemment à Londres, en Angleterre, en présence de 40 participants représentant 27 pays. À l'heure actuelle, le secrétariat général et le chapitre français de SSI préparent un séminaire de formation au Maroc qui impliquera 20 travailleurs sociaux provinciaux avec leur ministre de la santé, qui est le correspondant de SSI au Maroc, pour aborder la gestion des dossiers internationaux et inter-états.
SSI reconnaît qu'un mouvement national en faveur de la ratification naît de préoccupations et d'intérêts locaux. Nous nous efforçons de sensibiliser nos collègues au traitement des dossiers partout dans le monde et nous les aidons à respecter les exigences des conventions dans la pratique quotidienne. Il faut renforcer les services aux enfants dans tout le réseau de SSI. Nos programmes de formation constituent un volet important de ce travail.
Dans les cas d'enlèvement international d'enfants, SSI Canada collabore avec le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, avec le Bureau d'enregistrement des enfants disparus de la GRC, avec les organismes de recherche d'enfants disparus, comme ceux qui sont représentés ici aujourd'hui, et avec les bureaux de services sociaux au Canada, comme les Sociétés d'aide à l'enfance et les agences de service à la famille. Lorsqu'un enfant enlevé est retracé à l'étranger et qu'une intervention du service social s'avère nécessaire pour opérer la médiation avec le parent ravisseur ou pour obtenir un rapport sur l'enfant, SSI Canada fournit ce service grâce à son réseau international. Pour aider à résoudre les cas complexes, nous établissons une liaison avec des organismes au Canada et à l'étranger en vue de surmonter ces obstacles de nationalité, de langue, de culture et de systèmes judiciaires.
Dans tous les cas d'enlèvement d'enfants, les efforts combinés déployés par les services sont orientés vers la recherche ainsi que la récupération et le retour rapides de l'enfant enlevé au parent qui en a la garde. Même si l'intervention de SSI peut s'avérer nécessaire dans des cas d'enlèvement bref, on fait appel le plus souvent à nos services en cas de longue séparation du parent qui a la garde de l'enfant. SSI Canada organise la première intervention à l'étranger auprès du parent ravisseur et de l'enfant et évalue la situation de l'enfant lorsque cela s'avère être la meilleure initiative. Lorsque des enfants sont retracés après de nombreuses années de séparation, on reconnaît que l'enfant a établi une vie dans l'autre pays et qu'il ne serait pas dans son meilleur intérêt de le déraciner brutalement et de le ramener au parent qui en a la garde au Canada.
Les questions de langue et de culture ont une influence sur les décisions concernant l'enfant. Des services de médiation sont nécessaires pour établir un lien et aider à résoudre des conflits qui subsistent entre les parents belliqueux. Lorsque les efforts de médiation échouent, le parent resté au Canada doit alors intenter des poursuites dans l'autre pays pour avoir accès à son enfant.
SSI recommande fortement qu'un parent ayant vécu l'enlèvement d'un enfant soit aiguillé vers une agence locale de counselling familial. Le conseiller familial ou le travailleur social au Canada devient un maillon essentiel de notre équipe de médiation. Au besoin, SSI Canada peut aider le parent resté au Canada à établir un contact avec un conseiller dans sa région. SSI Canada collabore avec les conseillers familiaux pour voir si un rapport social contenant les renseignements nécessaires est préparé et si la documentation pertinente est incluse avant que nous transmettions le dossier à notre partenaire de réseau à l'étranger.
• 1600
L'évaluation obtenue par l'intermédiaire de notre réseau est
ensuite partagée avec les conseillers familiaux à des fins de suivi
et de discussion, et les renseignements sont fournis à d'autres
organismes au besoin.
Lorsqu'un enfant est jugé à risque aux mains du parent ravisseur et que les projets de récupération envisagent d'appréhender l'enfant et de le placer temporairement en garde protégée dans une juridiction étrangère, SSI Canada s'assure que le rapport social rédigé au Canada sera fourni à notre partenaire de réseau afin que le travailleur social qui intervient à l'étranger puisse aider à interpréter cette situation à l'enfant et offrir un appui sérieux au moment de l'appréhension.
Si le parent resté au Canada se rend à l'étranger pour retrouver son enfant, SSI Canada peut prévoir des services de soutien pour le parent et des entrevues avec l'enfant pour le remettre en contact avec le parent et aussi pour surmonter les difficultés engendrées par les barrières linguistiques éventuelles.
J'aimerais maintenant partager avec vous un exemple de cas, qui est actuellement en instance à l'étranger. Une mère canadienne vient d'intenter des poursuites à l'étranger. Sa fille est née au Canada en 1983 et a été enlevée par son père à l'âge d'un an. Les membres de la famille du père, au Canada et à l'étranger, ont été contactés; cependant, il a été impossible de retracer l'enfant. La mère avait été en contact avec de nombreux organismes, y compris le Bureau d'enregistrement des enfants disparus et divers organismes de recherche. On a parlé d'une “recherche frénétique pendant neuf ans” pour retrouver sa fille, en bénéficiant d'une vaste couverture médiatique.
Le dossier a été transmis à SSI Canada en 1993, par l'ancien ministère des Affaires extérieures, lorsqu'on a eu des renseignements sur les allées et venues possibles de l'enfant outre-mer. SSI Canada a immédiatement aidé la mère à prendre contact avec une travailleuse sociale dans sa collectivité afin de pouvoir obtenir une évaluation sociale détaillée. Le rapport social reçu quelques semaines plus tard stipulait que la mère souhaitait rencontrer et connaître sa fille et voulait que sa fille puisse la connaître et décider si elle souhaitait établir une relation avec elle. Elle reconnaissait que le processus serait lent, une étape à la fois.
SSI Canada a ensuite demandé la collaboration de son bureau outre-mer en communiquant avec l'ambassade du Canada pour cibler les services nécessaires en vue d'établir un contact avec le parent ravisseur. La décision s'est portée sur une lettre d'invitation au père, en lui demandant de contacter notre bureau outre-mer. L'avocat du père a répondu et la travailleuse sociale de notre chapitre a mentionné qu'elle devrait parler au père à propos d'une question personnelle délicate. Le père n'a pas répondu et, dix jours plus tard, la travailleuse sociale a invité son avocat à son bureau, où elle a soulevé la question des besoins d'accès de l'enfant aux deux parents et des souhaits de la mère d'être en contact avec sa fille.
La collaboration du père n'a pas été accordée et la mère a été avisée qu'elle devrait intenter des poursuites pour obtenir l'accès à son enfant, puisque les efforts déployés pour amener le père à la médiation avaient échoué. Nous avons perdu beaucoup de temps avant que la mère puisse intenter des poursuites outre-mer. L'une des raisons de ce retard réside peut-être dans ses efforts en vue de trouver de l'argent pour s'attacher les services d'un avocat outre-mer et dans ses prévisions pour d'autres dépenses relatives au voyage.
Ce dossier est devant le tribunal. Notre collègue de SSI outre-mer a réussi à organiser la première rencontre entre la mère et l'enfant, qui a été ordonnée par le tribunal, et à fournir les services de soutien indispensables.
J'aimerais que l'on envisage d'offrir des conseils juridiques à un parent qui n'a pas les moyens financiers de chercher à obtenir la garde de son enfant ou l'accès à son enfant devant un tribunal étranger. J'estime que cette option doit être disponible pour aider le parent au Canada, indépendamment du fait que le pays dans lequel l'enfant a été emmené est signataire de la Convention de La Haye.
Dans les dossiers d'enlèvement international, le travail de SSI est le même dans les pays non signataires de la convention que dans les pays signataires, à savoir fournir des rapports sociaux sur l'état et la situation de l'enfant et maintenir une communication entre l'enfant et le parent absent. Notre rôle est celui d'un médiateur. Notre tâche initiale vise à obtenir les renseignements nécessaires, y compris les documents juridiques et des évaluations sociales détaillées, afin que nous puissions mieux comprendre la situation. Notre objectif est de préparer le terrain pour en arriver à un compromis dans le seul intérêt des enfants. Il n'entre pas dans le mandat de SSI de faire appliquer le jugement d'un tribunal.
• 1605
Il convient de faire remarquer qu'il arrive souvent que le
jugement d'un tribunal puisse avoir été rendu sans une évaluation
objective de toutes les personnes concernées. Au Symposium
international de La Haye, le 13 septembre 1997, SSI a présenté un
exposé sur la médiation dans les disputes familiales
internationales. J'en ai un exemplaire à votre disposition et je me
ferai un plaisir de le laisser pour votre comité.
La médiation viendrait compléter le processus juridique. Nous envisagerions une consultation obligatoire avec un couple, qui aurait ainsi la chance d'examiner les avantages de la médiation. Elle serait axée sur l'enfant et concentrée sur le bien-être et le développement de l'enfant. Elle aiderait les parents à évaluer les répercussions d'un conflit prolongé et elle évaluerait les besoins de l'enfant par rapport à chaque parent. Elle permettrait de planifier les droits de garde et de visite et d'élaborer des mécanismes de prise de décisions et de résolution des problèmes.
Il faudrait que les gouvernements mettent au point un système de collaboration qui serait utile pour l'évaluation sociale, en garantissant des contacts personnels entre l'enfant et le parent n'en ayant pas la garde qui vit dans un autre pays. Élément important entre tous, l'enfant n'aurait pas à choisir entre ses parents.
La Conférence de La Haye reconnaît l'expertise de Service social international dans ce domaine. SSI est capable de mettre sur pied des programmes de formation et de favoriser la médiation internationale. SSI possède également le réseau de services sociaux nécessaire pour élaborer ces mécanismes afin d'augmenter le nombre de dossiers résolus à l'amiable.
La Convention de La Haye sur les aspects civils de l'enlèvement international d'enfants est la meilleure ressource utilisable pour résoudre les cas d'enlèvement international d'enfants. Toutefois, après 27 années, seulement la moitié environ de tous les cas d'enlèvement ont été résolus en vertu de la convention, et ceci pour diverses raisons.
SSI encourage, lorsque cela est possible, la médiation dans les disputes familiales internationales. Cette dernière tombe sous le coup de l'article 7 c) de la convention, qui exige que les états parties prennent les mesures appropriées pour assurer la remise volontaire de l'enfant ou faciliter une solution amiable. Près de la moitié de tous les cas résolus à l'amiable le sont par la médiation.
L'article 9 de la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant exige que l'enfant puisse maintenir des contacts permanents, directs et personnels avec chacun de ses parents. Ce libellé ne fait que renforcer la nécessité de la médiation.
SSI souligne l'importance de la relation parent-enfant et les effets nocifs de l'aliénation parentale. L'enlèvement international d'enfants est la violation la plus grave des droits d'un enfant. Les enfants en sont les principales victimes. Toutefois, en fin de compte, tout le monde y perd. Nous devons continuer à faire diligence pour trouver des solutions aux niveaux national et international afin de nous assurer que les droits fondamentaux des enfants soient respectés et préservés.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de partager ces idées avec les membres de votre comité.
La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Merci beaucoup, madame Castleman. Si vous avez ce document, c'est avec plaisir que nous en ferons circuler des copies aux membres du comité. Merci.
C'est maintenant votre tour, madame Susan Armstrong.
[Français]
Mme Susan Armstrong: Je vais parler en anglais.
[Traduction]
Chers membres du sous-comité, je tiens à vous remercier de votre invitation à venir vous parler aujourd'hui de l'enlèvement international d'enfants.
Tout d'abord, je vais vous brosser un bref historique de notre organisme, le Réseau Enfants Retour Canada/The Missing Children's Network Canada. Je l'ai fondé avec une autre femme suite à l'enlèvement tragique, à la torture et au meurtre d'un petit garçon de quatre ans dans les rues de Montréal, le lendemain de l'Halloween 1984. Nous sommes un organisme sans but lucratif et nous ne recevons aucun financement de base d'un gouvernement. J'ai pensé qu'il serait bon de le préciser.
Au cours des 12 dernières années, notre organisme a retrouvé 149 enfants disparus. Plus de 80 p. 100 de nos cas concernent un enlèvement parental, le plus souvent un enlèvement international d'enfants. J'ai énuméré toutes les choses que nous avons pu accomplir en 12 ans, et je n'insisterai pas là-dessus, à l'exception d'un ou deux points.
Nous avons conçu un atelier global de formation pour les enquêteurs de la police sur l'enlèvement international d'enfants. Pourquoi? Parce que mieux vos agents de police seront formés... Les parents se rendent aux postes de police en disant: “Mon ex-conjoint est parti avec les enfants” et immédiatement on les renvoie en leur disant que c'est une question de droit civil. Nous sommes en 1997 et cela arrive encore. Nous venons tout juste de traiter un tel cas.
Grâce à la formation des policiers, les choses changent. Je peux parler au nom des forces policières du Québec, depuis la GRC jusqu'à la police de la Communauté urbaine de Montréal, quand je dis que le changement a été phénoménal au niveau du nombre d'enquêteurs qui savent exactement quoi faire et comment aider immédiatement ces parents.
• 1610
Nous avons distribué dans le monde entier plus d'un million
d'affiches d'enfants disparus. Elles vont jusqu'en Chine, partout
dans le monde. Elles ont aidé à retrouver de nombreux enfants
disparus.
Le rôle du Réseau Enfants Retour Canada, en matière d'enlèvement international d'enfants, consiste à attirer l'attention de tout le monde sur l'enfant, car c'est notre mission de dire que les enfants disparus ne sont pas oubliés. À l'heure actuelle, de nombreux enfants sont gardés en otages dans plusieurs pays étrangers. Voici les noms de quelques-uns d'entre eux: la fille de Gloria Cardinal, Samira Aboumerhi, née le 7 février 1984 et enlevée vers le Liban pour la deuxième fois en juillet 1987; Tamara Al-Khoja Stewart, née en 1986 et enlevée vers l'Irak en 1994; Karim Noah, né le 14 juin 1989 et enlevé vers l'Égypte le 17 janvier 1993; Zubi Shah-Hussain, Zari Shah-Hussain et Shany Shah-Hussain—je ne donnerai pas leurs dates de naissance—toutes les trois enlevées vers le Pakistan pour la deuxième fois le 3 août 1989; Rita Costa, née le 5 mars 1989, et Alain Costa, né le 21 octobre 1990, enlevés vers le Liban le 6 juin 1996; et Nadia Sakar, née le 20 mars 1991 et enlevée vers la Turquie le 10 décembre 1993. Il y en a beaucoup d'autres, mais nous n'avons cité que quelques exemples.
J'aimerais aborder les mesures que vous, les membres du sous-comité, êtes en train d'étudier à propos des trois premiers points. Je n'insisterai pas sur la Convention de La Haye parce que je pense que ce n'est pas nécessaire, mais nous estimons qu'il est impératif que d'autres pays signent la convention. Que tout le monde y adhère. Nous aurions un monde bien meilleur.
Quant à la question de donner aux tribunaux de la famille le pouvoir de saisir le passeport d'un ou des deux parents lorsqu'il est probable que l'un des parents puisse fuir dans un pays étranger, il est extrêmement important de préciser les deux passeports si le parent a la double nationalité. C'est bien beau de dire “le passeport canadien”, mais s'ils partent avec leur passeport étranger parce qu'ils ont une double nationalité, nous n'aurons rien fait pour l'enfant. Si on saisit uniquement le passeport canadien, le parent peut facilement quitter le pays avec son passeport étranger. Nous estimons que cette question doit être abordée par le Bureau d'enregistrement des enfants disparus car cela relève également de la compétence du ministre de la Justice. Nous avons connu plusieurs cas du genre dans lesquels le parent ravisseur a quitté le pays avec son passeport étranger et en avait également un pour son ou ses enfants.
Quant à l'inclusion des ordonnances d'enlèvement d'enfants et de violation de la garde au chapitre des délits passibles d'extradition entre le Canada et les autres pays, nous sommes tout à fait d'accord. En tant que nation, nous devons mettre en oeuvre des mesures qui dissuadent vraiment les parents d'envisager un enlèvement.
J'aimerais vous parler de l'un de nos cas. J'ai inclus sa photo dans les pochettes que je vous ai remises parce que je ne veux pas que vous l'oubliez. C'est un exemple vivant de l'enfer que peut vivre un enfant. Aujourd'hui, nous avons tous traité des épreuves que subissent les enfants lorsque nous parlons de la violation de leurs droits.
[Conformément à une motion adoptée le 23 février 2016, un passage du présent témoignage a été supprimé du compte rendu. Voir le Procès-verbal de la séance du 23 février 2016 du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international]
• 1615
Nous n'avons pas ces chiffres. Cette connaissance est essentielle pour
que nous puissions aborder la réalité lorsque nous parlons de
l'enlèvement international d'enfants et pour que nous soyons au
courant de la véritable portée du problème.
En conclusion, nous estimons qu'il faut aborder deux points principaux. Quant aux négociations avec les pays qui ont signé le traité de La Haye et prétendent qu'ils respectent son mandat mais ne le font pas, nous estimons qu'il faudrait dénoncer ces pays. Une telle procédure n'est pas très difficile, car nous avons beaucoup d'enfants canadiens qui se trouvent dans ces pays signataires et qui sont toujours détenus en otages par le parent ravisseur à cause du non-respect de la convention.
En outre, la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant a également été appliquée dans certains cas mais sans résultats. En ce qui concerne les pays signataires qui ne respectent pas les lois régissant les aspects civils des enlèvements internationaux d'enfants en vertu de la Convention de La Haye, le raisonnement et les motifs sous-jacents à un tel non-respect sèment la confusion dans nos esprits, à titre de représentants de ces enfants. En conséquence, la question que nous nous posons c'est de savoir pourquoi ces pays ont signé. Est-ce dans le meilleur intérêt de l'enfant ou simplement pour l'image politique que cela leur donne aux yeux du monde?
Je vous remercie encore une fois de nous avoir donné l'occasion de témoigner devant vous. Nous sommes persuadés que ces discussions porteront fruit. Nous attendons avec impatience les changements qui nous aideront à ramener tous les enfants dans le foyer qui est le leur.
La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Merci pour votre exposé.
Nous allons maintenant passer à Patrick Bergeron, directeur de la recherche.
M. Patrick Bergeron (directeur de la recherche, Réseau Enfants Retour Canada): Si vous voulez, je peux répondre à toutes vos questions. J'accompagne Mme Armstrong et je n'ai donc rien d'autre à ajouter pour l'instant.
La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Dans ce cas, nous allons passer aux questions des membres.
Monsieur Mills.
M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Merci.
Je tiens à remercier nos témoins qui se sont déplacés. Je vous prie également de m'excuser pour mon retard. C'est une maladie qui semble répandue sur la Colline.
Le sujet a certes été porté à mon attention par le nombre important de parents qui ont communiqué directement avec notre bureau et avec lesquels j'ai maintenant eu un contact personnel. La tragédie et la frustration vécues par ces parents est certes devenue un enjeu très réel pour moi et, je le sais, pour tous les autres membres présents ici autour de la table.
Ce que j'ai entendu, c'est que le manque de visibilité de ce problème fait partie de cette frustration. Autrement dit, ils trouvent un organisme ou ils trouvent quelqu'un et ensuite ils trouvent quelqu'un d'autre, et entre-temps le temps passe. Ils ne savent pas vraiment vers qui se tourner. Le niveau de frustration est tout simplement incroyable.
Une dame m'a téléphoné la semaine dernière, assez tard en soirée; son mari venait tout juste de l'appeler des Philippines et de l'avertir qu'il ne reviendrait pas avec les enfants. Que devait-elle faire? Cela se passe dans ma propre circonscription. Je lui ai répondu que nous avions justement un sous-comité qui se réunit et que nous essayons de régler ce problème. C'est le genre de chose dont les députés entendent parler partout au pays.
J'ai entendu certaines des mesures que le gouvernement devrait prendre à votre avis. Il me semble très important que notre comité rédige une liste de ce que nous devons faire et de ce que le ministère des Affaires étrangères peut faire pour rehausser l'image de cette situation, en affectant des personnes à ce travail. J'aimerais entendre vos commentaires à ce sujet. Si quelqu'un d'autre veut allonger la liste, à laquelle nous venons déjà d'apporter quelques ajouts, j'aimerais également le savoir.
J'aimerais connaître la durée moyenne des poursuites. J'ai entendu des gens dire que leur dossier remontait à 1992 et qu'ils attendaient toujours. Est-ce toujours le cas? Cela prend-il toujours autant de temps?
Troisièmement, j'aimerais savoir comment, à votre avis, nous pourrions inciter plus de pays à signer la Convention de La Haye et comment nous pourrions exercer une certaine pression en tant que nation. Je sais que nous pourrions les inscrire sur une liste. J'ai suggéré d'examiner s'il s'agit de pays auxquels nous fournissons une aide. Je ne vois pas grand chose de mal à lier les mesures que nous prenons en tant que pays à leurs résultats sur la scène internationale.
• 1620
J'aimerais entendre quelques-uns de vos commentaires
là-dessus. Je ne pense pas qu'un seul membre de notre comité soit
ici dans une optique partisane. Nous sommes ici parce que, comme
vous l'avez tous dit, les enfants constituent l'enjeu le plus
important.
J'attends avec impatience les questions des autres membres du comité afin de pouvoir tirer profit de cette compréhension. Je sais que nous pourrions faire venir ici deux ou trois cents parents pour nous parler de leurs cas personnels et je sais qu'un certain nombre d'entre nous en ont entendus beaucoup. Nous devons simplement trouver une solution à ce problème.
La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Merci, monsieur Mills.
Madame Snider.
Mme Barbara Snider: Je suis d'accord avec vous que nous devons vraiment informer les gens. Habituellement, lorsqu'un enfant est porté disparu, un parent se rend tout d'abord à l'organisme local d'application de la loi, et bien souvent c'est l'agent dans la rue qui n'est au courant de rien en dehors de sa ville. C'est une perte de temps car très souvent la police vous dira qu'elle ne pourrait rien faire de plus si elle apprenait que l'enfant se trouve en Espagne ou ailleurs.
Très souvent, nous recevons des appels d'avocats qui nous demandent des conseils et de l'aide, ce qui est formidable, mais j'ai parfois tendance à penser que les avocats devraient peut-être posséder cette connaissance et savoir où s'adresser ensuite. Habituellement, les organismes sont capables de diriger le parent dans la bonne direction vers les Affaires étrangères et ensuite vers le service de police local pour parler avec les agents, de lui préciser ce qui est mis à sa disposition et que la cause n'est pas perdue.
Ce que j'aimerais dire, c'est qu'au cours des quatorze années durant lesquelles j'ai été impliquée dans ce genre de situation, nous avons probablement tous assisté aux mêmes conférences pour recueillir davantage d'information, mais il est très rare de voir un avocat ou un juge glaner cette information à une conférence.
M. Bob Mills: Nous avons entendu des fonctionnaires des Affaires étrangères et ils nous ont également fait part de certaines de leurs frustrations. La meilleure solution qui nous a été proposée consistait à essayer de résoudre le problème avant que l'enlèvement n'ait vraiment lieu. C'est facile à dire, mais malheureusement 300 ou 400 enfants sont portés disparus chaque année.
Mme Aggie Castleman: J'aimerais insister sur ce qu'a dit Barbara au sujet du processus éducatif. La question de l'enlèvement international d'enfants est beaucoup plus répandue que nous nous en rendons peut-être compte. Nous les appelons les enlèvements cachés.
Il y a des cas d'enlèvement dans lesquels l'enfant a été emmené dans un autre pays mais le parent qui reste ici ne sait même pas qu'il existe une chose du nom de Convention de La Haye. Le parent ne sait peut-être pas quelles sont ses options et ce dossier finira par atterrir devant un tribunal étranger simplement comme une question de garde. Je ne pense donc pas un seul instant que nous ayons les véritables statistiques sur ce problème.
Il est très important de faire tout notre possible pour rehausser l'image de ce problème particulier. C'est un processus éducatif car les gens ont besoin de connaître les répercussions à long terme d'un enlèvement lorsque vous niez à cet enfant son droit d'accès à ses deux parents. C'est un droit fondamental. Il est inclus dans les conventions et nous devons faire tout notre possible pour qu'il soit respecté.
Quant à la question que vous avez soulevée à propos de la durée des poursuites judiciaires dans d'autres pays, cela varie vraiment d'un pays à l'autre. Dans le cas d'un enlèvement, il importe d'examiner les diverses filières qui peuvent être suivies. Parfois, il apparaît immédiatement que le parent resté au Canada doit intenter des poursuites dans l'autre pays, ou que le meilleur plan consiste peut-être à prendre immédiatement des mesures diplomatiques et des mesures policières dans l'autre pays. Parfois, la meilleure ligne de conduite est la médiation.
La chose la plus importante que nous pouvons faire c'est d'orchestrer une vaste consultation sur ces genres de cas. Nous nous efforçons de le faire, parce qu'il y a de bonnes ressources disponibles sur place par le biais des Affaires étrangères, des missions canadiennes, de la police—le Bureau d'enregistrement des enfants disparus de la GRC et INTERPOL, etc. Il y a là-bas un réseau de services.
• 1625
J'insiste sur le fait que les choses commencent à s'écrouler
lorsque tout revient en fin de compte à ce parent, lorsque nous lui
disons que nous savons où se trouve son enfant et que nous le
laissons ensuite intenter des poursuites dans l'autre pays. À ce
moment-là, c'est une initiative gigantesque que ce parent doit
prendre. C'est là que la responsabilité atterrit vraiment sur les
épaules du parent.
Il faut vraiment aborder ce problème. Je suis heureuse d'apprendre qu'il a été soulevé ici. Nous l'avons assurément soulevé auparavant dans notre réseau de SSI. Je ne suis pas la seule à soulever cette question. Il faut absolument l'aborder, qu'il s'agisse d'un pays signataire de la Convention de La Haye qui n'offre pas d'aide juridique ou qu'il s'agisse d'un pays non signataire de la Convention de La Haye. En tant que pays, nous devons être capables de fournir à nos citoyens l'aide nécessaire pour intenter cette poursuite devant un tribunal étranger lorsque la situation en vaut la peine.
Dans certains cas, ils peuvent se faire inscrire assez rapidement au rôle; dans d'autres cas, il faut une certaine planification. Ce n'est pas non plus toujours si mauvais, car cela donne au parent qui se trouve ici au Canada le temps de rassembler ses ressources et de se préparer pour se présenter devant le tribunal étranger. L'expérience peut se révéler très terrifiante et effrayante pour le parent.
M. Bob Mills: D'après votre expérience, l'aide du ministère des Affaires étrangères est-elle d'une grande utilité dans les pays étrangers?
Mme Aggie Castleman: Énormément.
M. Bob Mills: Dans les ambassades et ailleurs?
Mme Aggie Castleman: Nous essayons vraiment d'établir un lien entre le partenaire de SSI dans l'autre pays et la mission canadienne concernée afin de pouvoir mieux coordonner les services.
Dans l'exemple que je vous ai cité, il était vraiment important d'avoir une travailleuse sociale qui parle la langue de l'enfant, qui puisse communiquer et combler ce vide pour ce parent à l'étranger.
Cela dépend. Dans les cas d'enlèvements prolongés, la procédure judiciaire peut être improductive. Il importe vraiment peu que vous ayez un morceau de papier disant que vous avez la garde de l'enfant au Canada. Si l'enfant habite outre—mer et si on découvre où il se trouve, par suite d'une enquête policière de routine, il me semble alors qu'un processus de médiation est tout à fait indiqué.
Dans de tels cas, l'extradition ou la poursuite judiciaire n'est pas la réponse. On pourrait peut-être les utiliser dans les cas d'enlèvements brefs, mais pas dans les cas prolongés.
Nous avons véritablement connu un cas dans lequel la procédure d'extradition a été appliquée. Le père est revenu au Canada et a été emprisonné. La mère s'est rendue dans le pays et ne connaissait même pas les enfants, qui avaient été enlevés 12 ans auparavant. Les enfants ont été placés avec elle, ce qui fut un bouleversement total pour eux. Cela n'avait aucun sens, mais c'est ce qui s'est passé dans la réalité.
Dans tous ces cas, nous devons donc veiller à prendre des décisions constructives et prudentes avant d'intervenir à un niveau ou à un autre.
Mme Susan Armstrong: Le facteur dissuasif est l'élément le plus important et je pense que le fait d'en faire un délit passible d'extradition aurait un effet dissuasif sur un parent, afin de ne pas avoir tous ces cas d'enlèvements prolongés.
À l'heure actuelle, je considère cela comme un nettoyage de printemps. Dans ces cas prolongés, Dieu soit loué, pour les quatre personnes assises ici, mais il y a trois organismes représentés ici aujourd'hui, parce qu'une grande partie de ces nettoyages de printemps d'enlèvements prolongés ne se ferait pas... Entre nous et l'autre organisme qui n'est pas représenté aujourd'hui, nous comptons tous les cas actifs sur lesquels nous travaillons, mais également les enlèvements prolongés, des enfants qui sont partis depuis 27 ans, 17 ans, 19 ans. Nous avons réuni une mère à ses enfants qu'elle n'avait pas vus depuis 27 ans et demi et elle a trouvé des petits-enfants dont elle n'avait pas la moindre idée, parce qu'ils sont victimes d'un enlèvement parental. Lorsqu'elle est venue dans notre bureau, elle a déclaré: “Demandez-moi ce que je n'ai pas essayé—la Croix Rouge, l'Armée du Salut, les Scouts. J'ai tout essayé.”
Ce que nous devons faire, c'est nous tourner vers l'avenir et étudier des mesures applicables qui auront un effet dissuasif sur les enlèvements parentaux afin de ne pas partir à la chasse quand le gibier a déjà filé. Gardons le gibier au pays et travaillons à partir de là. C'est là que nous, à titre de gouvernement canadien, pouvons vraiment avoir le plus grand impact tout en continuant à traiter ces cas d'enlèvements prolongés.
La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Merci.
Nous allons passer la parole à Mme Debien.
[Français]
Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Mesdames et monsieur, je vous souhaite la bienvenue à notre sous-comité et je vous remercie d'être ici présents.
Tout le monde sait qu'il y a des pays signataires et des pays non signataires de la Convention de La Haye. D'après votre expérience et d'après les cas vécus sur lesquels vous avez eu à travailler, est-ce que cette convention protège vraiment les enfants contre l'enlèvement? Parmi les pays signataires, quels sont ceux qui sont les plus réticents et les plus problématiques dans les cas d'enlèvements d'enfants? Parmi les pays non signataires, quels sont ceux qui font preuve du moins de collaboration?
Mme Snider suggérait plus tôt que le Canada aborde directement ce problème avec les gouvernements des pays non signataires et signataires dans les cas d'enlèvements d'enfants. Vous nous avez dit recevoir beaucoup d'aide du ministère des Affaires étrangères, des ambassades, de différents programmes et des bureaux d'enregistrement de la GRC. D'après votre expérience et à la lumière des cas que vous avez traités, est-ce que les démarches du gouvernement canadien ont été fructueuses et dans quelle mesure l'ont-elles été?
Ma troisième question a elle aussi été abordée et concerne les parents qui n'ont pas suffisamment de moyens. Ici, on a la possibilité d'avoir beaucoup d'aide, et vous êtes là pour en témoigner, mais ce n'est pas le cas quand ils arrivent là-bas et doivent entreprendre toutes ces procédures juridiques à des coûts astronomiques. Je crois que c'est vous aussi, madame Snider, qui disiez qu'on devait fournir un conseiller juridique à ces parents. Quelle forme devrait prendre cette aide? Serait-ce par le biais, par exemple, d'un programme gouvernemental qui contribuerait au financement de ces conseillers juridiques? Quelle est la formule que vous préconisez?
On sait aussi qu'avant d'entrer au Mexique, un adulte qui voyage avec un enfant doit fournir entre autres un document attestant qu'il a l'autorisation de voyager avec cet enfant. Croyez-vous que cette mesure devrait être généralisée et qu'on devrait proposer qu'elle soit incluse dans la Convention de La Haye?
Mon autre question concerne davantage les parents. Certaines personnes qu'on a rencontrées nous ont parlé du syndrome d'aliénation parentale. Lorsqu'on réussit à ramener ici un enfant qui a été enlevé, il semble que le parent vive ce syndrome d'aliénation parental. Puisque ce terme que vous avez soulevé est un peu du jargon pour moi, j'aimerais que vous précisiez ce qu'il signifie exactement et que vous me disiez ce que votre organisme fait pour aider les parents dans de tels cas.
Le dernier aspect que je soulèverai et dont on a aussi parlé est celui des menaces d'enlèvement que reçoit souvent un parent de la part de l'autre parent ici même. J'aimerais que vous nous parliez un peu de ce phénomène et de la façon dont vous traitez ce type de dossiers, quand l'enlèvement n'a pas eu lieu mais qu'on profère des menaces.
Pour le moment, cela clôt l'ensemble de mes questions.
Mme Susan Armstrong: Je me permettrai de répondre à vos questions, dont la première portait sur les pays où l'on rencontre le plus de problèmes. Celui qui me vient en tête à prime abord, c'est la France. Un parfait exemple est le cas de la Française Catherine Chaine qu'on a aidée dans la recherche de sa fille Anne, qui avait été enlevée par son père et amenée en Israël.
• 1635
Anne est revenue elle-même d'Israël, mais lorsqu'elle
s'est présentée à l'ambassade française, elle a été
refusée. Elle s'est donc rendue auprès des autorités
israéliennes qui, elles, lui ont donné un
passeport pour retourner en France, son pays d'origine,
et voir sa mère.
Le Canada éprouve beaucoup de problèmes face à la France lorsqu'il s'agit de ramener des enfants. Nous éprouvons aussi des problèmes avec les pays non signataires du traité, notamment tous les pays musulmans. Comme vous le constaterez en parcourant la liste que je vous ai remise plus tôt, ce sont tous des enfants dans des pays musulmans. Quand on parle d'aide juridique pour ces parents, c'est primordial. On devrait leur procurer un avocat, qui pourrait être recommandé par le gouvernement du pays, et leur accorder un budget afin de les aider à ramener leurs enfants. Comme Barbara le disait plus tôt, une mère qui débourse quelque 20 000 $, c'est presque la norme. On parle d'entre 20 000 $ et 50 000 $. De nombreux parents ont dû hypothéquer leur maison trois et quatre fois pour pouvoir ramener l'enfant. Je suis bien d'accord que le traité prévoie un document dont les parents pourront se munir et apporter. Beaucoup de parents nous demandent ce qu'ils doivent faire lorsqu'ils franchissent la frontière pour se rendre, par exemple, aux États-Unis. On leur suggère d'obtenir une lettre, peut-être un écrit juridique ou encore mieux un document notarié, ce qui serait formidable. Ce serait une bonne affaire, surtout avec l'Europe en ce moment et pour les parents qui quittent le Canada et s'en vont en France ou ailleurs. Il n'y a aucun problème parce qu'il n'y a pas vraiment de frontière comme telle.
Quant au syndrome de l'aliénation parentale, nous avons un grand spécialiste à l'hôpital Douglas de Montréal, le Dr Luc Morin. C'est un homme exceptionnel. Ce syndrome est comme le Patty Hearst syndrome et le Stockholm syndrome. L'enfant s'identifie avec le parent kidnappeur. Un parent dira à l'enfant que maman ou papa l'appellera demain, et le téléphone ne sonnera pas. Le parent dira alors à l'enfant: Tu vois, ton père ou ta mère ne t'aime pas parce qu'il ou elle ne t'a pas appelé. Vous pouvez vous imaginer les répercussions psychologiques pour l'enfant. Ça va très loin. Un spécialiste travaille justement dans ce domaine à Montréal, et c'est le Dr Morin. Patrick Bergeron et moi avons eu l'occasion de lui parler. Il traite les enfants qui souffrent de ce syndrome. Cela résume donc en quoi consiste ce syndrome.
Je ne peux vous parler de la menace d'enlèvement que dans la perspective du Réseau enfants retour. Nous avons fait beaucoup de travail au niveau de la prévention. Quand un parent nous appelle, Patrick le conseille. La mère nous dit que son mari menace de lui enlever l'enfant ou l'enfant nous dit que papa ou maman l'amènera très loin. Justement, dans le cas d'Anthony Nudo, qui n'avait que deux ans, il avait dit à plusieurs reprises alors qu'il prenait son bain un soit: «Maman, papa m'amène très loin.» Sa mère a finalement su ce qu'il voulait dire lorsque son père l'a amené en Italie pendant sept ans. Souvent les parents reçoivent des menaces d'enlèvement. J'espère avoir su répondre à vos questions.
Mme Maud Debien: J'aimerais entendre la réponse de Mme Snider à ma question, puisque je lui avais demandé de préciser ce qu'elle souhaitait lorsqu'elle disait que le Canada devait intervenir et aborder les problèmes directement avec les pays concernés, ainsi qu'à ma question sous-jacente, à savoir dans quelle mesure les démarches du gouvernement canadien ont vraiment porté fruit, selon elle. Qu'est-ce qu'il faudrait améliorer en ce sens?
[Traduction]
Mme Barbara Snider: Il est certain qu'au fil des ans on a mis beaucoup plus d'aide à la disposition des parents et nous admettrons tous qu'aucune personne ni aucun organisme ne peut faire ce travail et que nous devons tous nous rencontrer et collaborer.
Notre organisme a recours au Bureau d'enregistrement des enfants disparus et aux Affaires étrangères probablement trois à quatre fois par semaine, et lorsqu'il s'agit d'un enfant enlevé, nous avons constaté que les Affaires étrangères sont toujours disponibles très rapidement pour nous, quelle que soit l'heure de la nuit. Il est certain que les enfants ne disparaissent pas simplement entre 9 heures et 17 heures et qu'on ne les retrouve pas entre 9 heures et 17 heures.
• 1640
Parfois, je pense qu'il existe un besoin potentiel
d'information dans les consulats, parce que les employés ne sont
peut-être pas familiers avec l'enlèvement parental. Ils peuvent ne
pas considérer cela comme leur priorité numéro un, tandis que nous
ici au Canada, avec le parent, nous attendons de toute urgence
certains renseignements. Mais, dans l'ensemble, il est certain que
les Affaires étrangères ont pu nous ouvrir des portes dans des pays
où nous n'aurions jamais été capables d'aller.
Au cours de la dernière année, la société a vraiment communiqué avec l'ambassade d'Iran. Ils nous ont même dit volontairement qu'ils avaient émis un passeport à un des parents qui avait enlevé son enfant. Nous n'avons pas encore pu confirmer si le père et l'enfant se trouvent en Iran, mais au moins nous nous parlons et la personne avec laquelle je collabore est assurément disposée à nous aider. Nous ne savons pas très bien jusqu'où cela ira, mais nous sommes satisfaits qu'ils écoutent au moins nos doléances.
Certains des pays avec lesquels nous avons des problèmes... nous avons assurément à l'heure actuelle un cas en Yougoslavie, qui est un pays signataire. Cela dure maintenant depuis six mois. La mère occupe trois emplois au Canada et elle fabrique actuellement des biscuits de Noël qu'elle vend pour se payer un avocat en Yougoslavie. Même si les tribunaux yougoslaves ont confirmé l'ordonnance canadienne, le père tend simplement à disparaître et personne n'a vraiment été capable de lui parler. L'autre problème provient du fait que certaines de ses relations travaillent au gouvernement là-bas et tendent à prendre son parti.
L'un des autres pays signataires avec lesquels nous semblons toujours avoir un peu de difficulté est le Mexique. Des parents sont descendus là-bas avec une caisse de whisky. Après s'être fait dire pendant des jours et des jours que personne ne pouvait rien faire, cette mère est descendue là-bas avec une caisse de whisky canadien et, 24 heures plus tard, elle revenait avec son enfant. Il s'agit d'un pays signataire de la Convention de La Haye, mais malheureusement il a tendance à ne pas la respecter.
La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Monsieur Robinson.
M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Merci beaucoup. Nous devrons étudier les différences culturelles entre les alcools qui conviennent au moment d'approcher les divers pays.
Je tiens à remercier chaleureusement les témoins pour leur présence ici aujourd'hui, mais également pour leur dévouement incessant au nom des enfants disparus. Comme Bob Mills et madame Debien, j'ai été contacté par un certain nombre d'électeurs, en particulier depuis que cette question est devenue davantage publique, me demandant que pouvons-nous faire?
Je tiens vraiment à vous remercier pour le travail que vous faites.
D'ailleurs, mes collègues ont posé un certain nombre de questions que je voulais poser. Il m'en reste seulement deux ou trois.
Je me demande si vous pourriez clarifier pour le comité la relation qui existe entre vos organismes. Quand je regarde au premier abord, je constate que nous avons une Société des enfants disparus du Canada, un Réseau Enfants Retour, Child Find. Pourquoi existe-t-il trois organismes différents qui ont présumément le même objectif? Ensuite SSI lui-même a... je comprends cela, parce qu'il a en réalité un objectif plus vaste, et que les enfants disparus n'en sont qu'un volet. Au moins deux des organismes ont été créés à peu près à la même époque, vers le milieu des années 80, je crois. Pourquoi y a-t-il trois organismes différents qui font apparemment un travail très semblable?
Mme Susan Armstrong: J'estime que c'est comme à Montréal, où il y a l'Hôpital Ste-Justine et l'Hôpital pour enfants de Montréal. Chaque organisme a sa propre spécialité... et aussi son emplacement géographique.
Ce que vous constaterez, c'est que souvent des organismes sont fondés après un événement tragique survenu au sein de la collectivité. Dans notre cas, ce fut l'enlèvement d'un garçon de quatre ans dans les rues de Montréal. Une autre femme et moi-même avons pensé, mon Dieu, nous sommes dans les années 80; comment cela a-t-il pu arriver? Je n'avais aucune idée de ce qu'était l'enlèvement parental ou l'enlèvement international d'enfants lorsque j'ai fondé l'organisme. Je pensais que tous les enfants disparaissaient de la même façon que ce petit garçon. Nous avons appris sur le tas, parce qu'il n'y avait pas de... Lorsque le Bureau d'enregistrement des enfants disparus a été créé en 1986, Barbara et moi-même, et deux ou trois autres personnes clés qui ont été des dinosaures dans ce domaine, avons vraiment aidé à le former et avons travaillé avec les gens qui ont lancé le Bureau d'enregistrement de la GRC.
• 1645
Nous avons convenu de collaborer tous ensemble. Cela arrive
souvent au sein des régions; vous constaterez que les parents de
votre propre collectivité immédiate feront appel à vous. Et nous
partageons également de l'information sur les dossiers. Lorsqu'il
s'agit de cas internationaux, Barbara m'a parfois appelée pour me
demander si j'avais un contact en France ou ailleurs.
C'est ainsi que je le vois. Barb a peut-être une perception différente. Child Find a été fondé après l'enlèvement d'une petite fille à Calgary. Le nôtre a vu le jour lorsque le petit garçon a disparu, et quant à la Société des enfants disparus, ce fut la même chose. Tout a été fait en réaction à un événement tragique. Il y a tant d'enfants à s'occuper, si vous voyez ce que je veux dire, et il y a tant de provinces. Comme l'a dit Barb, aucun organisme ne pourrait s'occuper de tout, en particulier en raison du fait que nous ne recevons aucun financement gouvernemental, si je puis ajouter?
Des voix: Oh, oh!
M. Svend Robinson: Vous pouvez.
Mme Barbara Snider: Il y a non seulement trois organismes au Canada. Je crois qu'il y a maintenant six organismes accrédités qui sont reconnus par le Bureau d'enregistrement des enfants disparus. Les États-Unis en comptent plus de 100. Et j'estime que les parents devraient s'inscrire auprès du plus grand nombre d'organismes possible. Nous avons tous une expertise différente.
M. Svend Robinson: C'est vraiment ce que je cherche à savoir. Lorsque des électeurs viennent me voir, ils me demandent vers qui ils devraient se tourner, parce qu'il existe un certain nombre d'organismes, un certain nombre de groupes. Et ce n'est pas évident pour moi de savoir pourquoi je devrais leur conseiller de contacter un organisme plutôt qu'un autre, s'il existe une sorte de différence géographique ou... Je sais qu'il y a des différences historiques quant aux raisons qui ont poussé à la création de l'organisme, mais vous êtes tous ici aujourd'hui—et je ne fais pas de critique, j'espère que vous me comprenez—et je me débats avec ce problème car je sais que les organismes existent et je ne peux répondre à cette question d'un électeur.
Lorsqu'ils me demandent s'ils devraient contacter la Société des enfants disparus ou le Réseau Enfants Retour ou Child Find, comment puis-je leur expliquer quelle est la différence?
Mme Barbara Snider: Je pense que vous seriez très sage de leur donner le magnifique ouvrage qui a été publié par le ministère des Affaires étrangères, donnant une liste de tous les organismes.
M. Svend Robinson: Je connais cet ouvrage.
Mme Barbara Snider: Il est certain que lorsque des gens s'inscrivent chez nous, je leur demande souvent s'ils se sont inscrits auprès de Child Find. La société est un organisme d'enquête. Nous agissons très peu dans le domaine des mesures de prévention et nous ne courons pas pour imprimer automatiquement des prospectus. Nous publions très peu de prospectus sur nos cas, parce que si nous savons que l'enfant n'est pas au Canada, alors il n'est pas vraiment très utile d'imprimer des prospectus. Mais si c'est ce que ce parent veut, je lui dis de s'inscrire auprès de Child Find parce que cet organisme publie des prospectus magnifiques. Comme nous l'avons dit, nous collaborons en quelque sorte.
M. Svend Robinson: J'ai seulement deux ou trois autres petites questions.
Je regardais les affiches publiées par le Réseau Enfants Retour et j'ai constaté que quelques adultes y figuraient, comme ce François Willey, par exemple, qui a disparu à l'âge de 30 ans. Encore une fois, je me demande—
Mme Susan Armstrong: Étant donné qu'il y a tant d'adultes qui passent entre les mailles du filet, si nous estimons que nous pouvons faire la différence, nous imprimons l'affiche.
Je viens tout juste de réunir une femme avec ses enfants qui avaient été enlevés il y a 30 ans. Elle n'avait personne vers qui se tourner. Nous accepterons ce que nous appelons un “cas de courtoisie”. Si nous estimons que nous pouvons vraiment faire la différence dans ce cas, nous l'accepterons car, en dehors de la police, il n'y a absolument personne vers qui se tourner. Aucun organisme ne s'occupe des adultes disparus, alors nous faisons usage de notre expertise pour les aider.
M. Svend Robinson: C'est magnifique car, une fois encore, j'ai en fait eu des électeurs qui m'ont dit qu'ils avaient une soeur adulte, par exemple, qui s'est tout simplement volatilisée il y a peut-être 10 ans. Ils m'ont demandé comment la retrouver. Et vous avez tout à fait raison lorsque vous dites que la GRC répond: “Désolés, nous ne pouvons rien faire dans ce cas”. Il est bon de savoir que vos ressources existent et constituent une option.
• 1650
Ma dernière question concernait les passeports. Vous avez
parlé de gens ayant la double nationalité et deux passeports. Je me
pose des questions sur les détails juridiques dans ce cas. Il est
évident que nous pouvons saisir un passeport canadien; il
appartient en réalité au gouvernement du Canada. Avez-vous
conscience d'un problème juridique en saisissant un passeport d'un
autre pays si cette personne a en fait la double nationalité?
Je ne sais pas très qu'elle est la position juridique au moment de saisir un document qui n'appartient pas au gouvernement du Canada mais qui appartient techniquement à un gouvernement étranger. Je ne sais pas si l'un de vos groupes s'est penché sur cette question, mais il y a peut-être là un problème sur lequel nous devrions nous pencher.
Mme Barbara Snider: Je suis incapable de vous répondre sur le plan juridique mais il est certain que nous devrions collaborer avec les ambassades étrangères et les pays étrangers pour les alerter également. Ce qui arrive, c'est que ces personnes pourraient renoncer au passeport canadien mais ensuite se rendre dans leur propre pays.
Dans certains cas, la mère se présente à nous et nous dit: “J'ai prévenu le juge que cela allait arriver et il ne m'a pas écoutée”, alors qu'une alerte aurait peut-être pu être déclenchée. Mais je ne sais pas si nous pouvons saisir le passeport de quelqu'un d'autre.
M. Svend Robinson: C'est un élément sur lequel nous pourrions peut-être demander à nos recherchistes de se pencher également, car il s'agit d'un problème grave, l'utilisation de ces autres passeports.
Merci beaucoup.
La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Je pense que, d'une certaine façon, le passeport appartient au pays d'origine.
M. Bob Mills: J'ai vécu une certaine expérience dans ce domaine dans un cas totalement différent de celui-ci. Les autorités ont été incapables de saisir le passeport de la personne. Même s'il existait une ordonnance de la police et tout le reste, et si les autorités ont saisi le passeport canadien, la personne s'est simplement rendue à l'aéroport et...
M. Svend Robinson: C'est ce que je crois comprendre, qu'il y là un problème.
La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): C'est un bon point. Monsieur Robinson, vos recherchistes pourraient peut-être effectuer un suivi là-dessus pour nous.
M. Svend Robinson: Oui.
La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Madame St-Jacques.
[Français]
Mme Diane St-Jacques (Shefford, PC): J'aimerais d'abord vous remercier de votre présentation qui a su nous donner une meilleure idée du travail que vous faites et des problèmes auxquels vous êtes confrontés.
Vous avez énuméré quelques mesures préventives contre ces enlèvements d'enfants, et je me demandais s'il y avait d'autres possibilités qu'on pourrait entrevoir, dont la formation des douaniers afin qu'ils puissent déceler des cas d'enlèvement. C'est une possibilité que l'on peut envisager. Serait-elle réalisable?
Mme Susan Armstrong: Oui, c'est déjà en vigueur.
Mme Diane St-Jacques: Ah, c'est déjà en vigueur?
Mme Susan Armstrong: Oui, depuis plusieurs années, une telle formation est offerte aux services frontaliers des douanes. Patrick et moi nous présenterons justement à Rigaud le 23 janvier prochain pour donner un atelier à l'intention des douaniers et des agents d'immigration. Cette formation est donc déjà en vigueur et on a déjà procédé à des arrestations dans quelque 400 cas, notamment des cas d'enfants qui étaient en fugue et d'enlèvements d'autres pays, et non pas du Canada, parce que le problème est dans l'autre sens. Cette année, notre premier ministre et Bill Clinton ont signé une entente en vue d'un accord entre le Canada et les États-Unis selon lequel justement leurs douaniers seront sensibilisés et formés comme le sont nos douaniers et agents d'immigration.
Mme Diane St-Jacques: Je lisais dans un article de la revue Châtelaine qui remonte à 1992, il y a donc assez longtemps, qu'un policier avait répondu à la mère d'Antony Nudo que si elle n'avait pas laissé son mari, elle aurait son fils. On se rend compte qu'à cette époque, les policiers n'étaient pas sensibilisés à ce problème. Ont-ils maintenant acquis la formation nécessaire pour aider à retracer ces enfants et aider les parents dans de telles situations?
Mme Susan Armstrong: De plus en plus, oui. Je suis davantage en mesure de parler de la province de Québec et des services de police de Montréal, où l'on donne des ateliers de prévention depuis plusieurs années. De nombreux investigateurs ont été formés et nous travaillons étroitement avec eux. La liste des policiers avec qui Patrick et moi travaillons est très longue.
La situation était bien différente il y a presque 13 ans, lorsque j'ai fondé le Réseau enfants retour. Elle a beaucoup évolué. Cela ne veut pas dire qu'on vit dans un paradis, parce qu'il y a encore beaucoup de formation à offrir. La section du Registre des enfants disparus de la GRC donne aussi des ateliers de formation pour les policiers. Nous faisons aussi appel au département de la Justice des États-Unis où nous avons envoyé quatre représentants du Québec suivre une formation plus intensive.
• 1655
Alors, oui, cela existe,
mais c'est toujours bien d'en faire davantage.
Mme Diane St-Jacques: De les sensibiliser à ce problème-là.
Mme Susan Armstrong: Oui.
Mme Diane St-Jacques: C'est tout, merci.
[Traduction]
La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Merci. C'est au tour de M. Bonwick.
M. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Madame la présidente, j'aimerais aborder deux ou trois points.
Merci beaucoup pour vos commentaires. Il s'agit de points extrêmement judicieux sur les contrôles.
J'estime qu'il en est ainsi, quel que soit le parti. C'est l'un des seuls comités auxquels je siège où tout le monde recherche le même résultat, à savoir faire des recommandations afin que de telles atrocités ne se reproduisent plus. Comme j'ai trois jeunes enfants, je ne peux pas m'imaginer ce que serait la situation si je rentrais un jour à la maison pour constater qu'ils ont disparu. J'apprécie donc de collaborer avec mes collègues sur un sujet si important.
Sur deux ou trois petits points, je reviendrai à l'information et je poursuivrai ensuite les commentaires de madame St-Jacques concernant l'immigration. La semaine dernière, nous avons reçu un sergent de la GRC—je pense qu'il était de la GRC—et nous avons abordé la question de savoir comment nous pourrions instaurer de meilleurs contrôles aux frontières ou mettre en place des politiques pour empêcher les gens de quitter le pays, et nous avons constaté combien il était vraiment assez facile pour quelqu'un de prendre un enfant et de quitter le pays à l'heure actuelle. Je cite l'exemple de ce que je ferai avec mon fils dans quelques semaines.
Quant à l'information, voyez-vous un avantage à mettre en vigueur des règlements ou des règles rendant obligatoire l'information de certaines personnes? Je veux parler du personnel des aéroports ou du personnel de bord du secteur privé. Vous avez parlé de l'immigration. Assurément, il y aurait la police car je vous rappelle que les forces policières patrouillent à l'intérieur et autour des aéroports, des gares, et des postes frontières avec les États-Unis.
Je pourrais assurément vous parler de ma région. Il n'y a pas eu beaucoup d'information dans cette région particulière auprès des organismes d'application de la loi. Je me demande tout simplement si vous estimez que ce pourrait être une bonne idée. Dans l'affirmative, auriez-vous quelques suggestions sur la façon de le faire?
Quant à la récupération des passeports, c'est une question que j'avais également notée. Je ne pense pas que nous pourrions le faire.
Vous avez parlé de facteurs dissuasifs à propos d'une éventuelle extradition. Je me demande si cette mesure serait de quelque utilité. Encore une fois, d'après la dernière séance, il me semble qu'il s'agit généralement d'un crime passionnel. Même si la chose est planifiée de façon plutôt méthodique dans certains cas, les conséquences ne sont pas quelque chose qui vient généralement à l'esprit de la personne.
Toutefois, vous avez également abordé certains des exemples que vous avez donnés. Je pense avoir entendu trois fois l'expression “pour la deuxième fois”. C'est très inquiétant. C'est là que je me demande si l'extradition aurait peut-être éliminé la deuxième fois. C'est le seul cas dans lequel je vois l'extradition, ou la possibilité d'extradition, jouer un rôle. J'aimerais donc que vous abordiez cette question pour préciser si oui ou non vous pensez que l'extradition a un rôle important à jouer.
Presque tous les exemples que vous avez cités provenaient d'un pays du Moyen-Orient. Je dis cela à Mme Armstrong.
Mme Susan Armstrong: Oui.
M. Paul Bonwick: Je pense que chaque exemple que vous avez fourni provenait en fait d'un pays du Moyen-Orient; cependant, j'apprends que la France constitue un scénario délicat pour nous et peut-être l'un des plus gros problèmes.
Était-ce accidentel? Les avez-vous choisis ou, dans vos constatations, le Moyen-Orient était-il le principal contributeur ou la principale source du problème pour ce qui est de perdre ces enfants et des pays où les gens se rendent?
Par manque de temps, je m'arrêterai ici.
Mme Susan Armstrong: Si je peux répondre, tout d'abord l'extradition est un élément dissuasif et je vous dirai pourquoi.
L'autre exemple que j'ai cité était le cas d'Anthony Nudo, qui a été enlevé en Italie. Avant que son père ne l'emmène en Italie, il l'a emmené dans l'État de New York. D'après les renseignements que nous avons pu recueillir, il a pu traverser avec des autochtones nord-américains—c'est la seule possibilité que nous avons pu trouver—et l'église catholique. C'est ce qui est ressorti.
• 1700
Croyez-le ou non, trois semaines après l'enlèvement d'Anthony,
Vincent Nudo se trouvait au bureau d'un avocat criminaliste à
Montréal, pour lui demander quelles seraient les conséquences s'il
venait à quitter le Canada pour se rendre dans un autre pays. Il
lui a demandé, s'il allait en Italie, s'agirait-il d'un délit
passible d'extradition?
J'ai un autre cas avec les enfants Sole qui ont été emmenés en Égypte. Ils sont allés à l'école américaine au Caire. Croyez-le ou non, un enfant canadien a reconnu ces deux enfants—c'était un enfant de l'Ouest. Malheureusement, quelqu'un n'a pas fait son travail correctement, a appelé l'école directement et a alerté le père que nous étions sur ses traces. Il s'est rendu au Yémen du Nord où il a gardé les enfants pendant plusieurs années.
Mais il a téléphoné à un avocat criminaliste à Montréal—et ces deux avocats m'ont parlé personnellement—pour lui demander si c'était un délit passible d'extradition d'envoyer sa fille d'Égypte dans une école privée en Angleterre, ce qu'il a fait. Pouvait-on alors faire sortir l'enfant d'Angleterre et la renvoyer au Canada.
Il a fini par l'envoyer au New Hampshire. Mais voilà, étant donné que la police de Montréal avait inscrit son nom dans le NCIC (Centre national d'information sur les crimes aux États-Unis) comme personne disparue, étant donné qu'un colis était arrivé du Yémen du Nord et avait fait l'objet d'une vérification pour des drogues, pas pour un enfant disparu, son nom est apparu dans l'ordinateur comme enfant disparu. C'est ainsi que nous avons pu retracer l'un des enfants.
J'estime qu'il faut se pencher sur l'extradition car, dans ces trois cas, les parents ont demandé s'il s'agissait d'un délit passible d'une extradition.
Quant à la formation, nous devrions tous savoir que c'est lorsqu'un parent a le droit de visite, que souvent l'enlèvement se passe lorsque le parent exerce ce droit de visite. Dans le cadre de ce paramètre, en fin de semaine ou une semaine ou peu importe, ensuite le parent prend l'avion avec l'enfant et se rend dans son pays de destination, quel qu'il soit. Aucune question n'est posée.
Si la loi nous permettait de déclencher des alertes à la frontière avant qu'un parent ne quitte le pays... Mais vous voyez, c'est seulement fondé sur une présomption, ce que nous ne pouvons pas faire. Il faut avoir vraiment violé la loi avant qu'une alerte puisse être déclenchée à la frontière.
Oui, nous avons un problème avec les pays du Moyen-Orient. Autrement dit, lorsque les enfants vont là-bas, ils ne reviennent jamais. Je connais trois cas impliquant des jeunes filles de 19, 20 et 21 ans, que j'ai eu la possibilité de rencontrer. L'une d'elles était une jeune fille qui a quitté la Tunisie avec son père, l'a convaincue de l'emmener à Paris pour participer à une fête d'anniversaire, a téléphoné à l'ambassade du Canada et a ensuite prétendu qu'elle devait retourner à sa chambre pour aller chercher le cadeau d'anniversaire pour cette amie de la famille, a appelé un taxi, s'est fait conduire à l'ambassade du Canada qui l'a renvoyée par avion à Montréal.
Il s'agit d'une jeune fille qui avait été enlevée par son père et emmenée en Tunisie à l'âge de 11 ans. Huit ans plus tard, à l'âge de 19 ans, elle est revenue de son propre gré. J'ai eu l'immense plaisir de la rencontrer ainsi que deux autres jeunes filles qui avaient fait la même chose.
J'estime que la volonté est là, même au nom des enfants. Comme l'a dit Aggie, ils ont le droit de voir leurs deux parents. La distinction n'est pas facile à faire.
J'espère avoir répondu à la plupart de vos questions. Je n'ai pas pris suffisamment de notes pour répondre à chacune de vos questions.
Mme Barbara Snider: Je ne suis pas tout à fait d'accord avec Susan à propos de l'extradition, car cette mesure ne concerne que le parent. Vous pourriez avoir une situation dans laquelle le parent est revenu au Canada alors que l'enfant est resté à l'étranger sous la garde d'un membre de la famille, ce qui est arrivé. Le parent de l'enfant disparu doit encore se rendre dans ce pays et se battre devant les tribunaux pour que l'enfant revienne au Canada.
En outre, si vous parlez à des parents d'un enfant disparu, ils veulent que leur enfant revienne mais ils ne veulent pas le conjoint. Ils préféreraient qu'il reste là où il est, parce que s'il est extradé, dans le système judiciaire canadien la sentence la plus forte jamais imposée a été une période d'emprisonnement de 12 mois. La plupart du temps, comme dans le cas dont j'ai parlé, qui s'est déroulé il y a près d'un an... Il va bientôt comparaître devant le tribunal. Tout le monde pense qu'il n'aura probablement pas de peine d'emprisonnement. Tout ce que la défense demandera c'est une libération conditionnelle et une remise de l'enfant à la Société des enfants disparus, ce qui n'arrivera probablement jamais.
• 1705
Entre-temps, ce père a le droit de rendre visite à son fils.
Il n'a toujours pas de lien véritable au Canada, sa famille se
trouve toujours au Maroc, il n'a pas d'emploi, il vit de l'aide
sociale, et je suis persuadée que si sa famille l'avait appuyé, il
se trouverait de nouveau dans un avion pour repartir au Maroc avec
l'enfant. La menace d'un nouvel enlèvement existe toujours.
M. Paul Bonwick: Merci.
La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Madame Bradshaw.
[Français]
Mme Claudette Bradshaw (Moncton, Lib.): Premièrement, félicitations.
[Traduction]
Félicitations. J'ai travaillé pendant 30 ans dans un organisme sans but lucratif qui s'occupait des enfants victimes de violence et votre absence de frustration me stupéfait.
Si j'ai identifié trois des points sur lesquels nous pourrions vous aider, avec l'avocat, sur le plan juridique... Nous en avons parlé la dernière fois que nous nous sommes rencontrés et cela me préoccupe. Voilà un autre domaine dans lequel les riches, s'ils ont de l'argent, trouveront l'avocat, pourront se payer des voyages, acheter le whisky ou n'importe quoi. Encore une fois, c'est la pauvre dame qui fabrique ses biscuits de Noël. Et certaines ne savent pas comment faire des biscuits de Noël et leurs enfants sont disparus.
J'aimerais savoir si vous vous êtes jamais rencontrés tous en groupe pour trouver une formule que nous pourrions utiliser légalement... Disons que vos quatre groupes, plus notre ami de la GRC qui était avec nous la dernière fois, se réuniraient et diraient, très bien c'est un problème; comment pourrions-nous le résoudre à l'échelle nationale? Si tous les quatre vous n'êtes pas en mesure de nous dire comment nous pourrions le faire et de nous recommander de quelle façon présenter la chose au ministère, alors il est certain que nous ne pourrons pas y arriver. Vous pourriez également en évaluer le prix pour nous car, dans la société contemporaine, on regarde les prix.
Si vous pouviez vous asseoir... Nous en avons parlé la dernière fois que nous nous sommes rencontrés et nous en parlons encore aujourd'hui, et je sais que c'est un problème.
L'autre question concerne le médiateur. Nous avons parlé de la médiation et je pense que vous avez tous convenu que c'est important. Encore une fois, comment verriez-vous le fonctionnement de ce processus et à quel prix? Envoyez-nous vos commentaires parce que c'est la raison de notre présence ici. Nous siégeons à ce comité—et M. Mills a été très impliqué—parce que c'est un sujet qui nous tient à coeur. Je ne veux pas siéger au comité permanent sans être capable d'aider des gens comme vous.
Je pense que nous aurions dû convoquer des parents. Nous aurions peut-être dû amener sur la Colline les 200 parents et leur consacrer toute une journée sur le réseau CpaC, parce que c'est pour eux que nous sommes ici.
Quant à la médiation, également... et si vous ne savez pas à qui envoyer vos commentaires, je vous laisserai—
La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Madame Bradshaw, nous aurons quelques parents la semaine prochaine—pas 200 parents mais...
Mme Claudette Bradshaw: Excellent, formidable. Eh bien, j'aurais amené les 200 parents et j'aurais payé pour eux.
Je vous écoute—et nous avons parlé de cela la semaine dernière avec le personnel—et au moins les enfants avec lesquels je travaillais, qui étaient victimes de violence, étaient là et nous étions en mesure de faire quelque chose. Je ne sais pas comment vous faites ce que vous faites. Je vous admire.
L'autre question est le volet information. Mon grand souci à propos de la pauvreté et de la violence a toujours été au niveau universitaire. Je me disais toujours: nous devrions l'enseigner aux doyens; nous devrions parler aux doyens. Lorsque vous avez dit que vous avez organisé une conférence et qu'il n'y a pas eu grand monde, peut-être que l'invitation devrait être envoyée aux doyens des différents départements sur les campus universitaires partout au Canada afin qu'ils puissent se rendre compte que nous avons besoin d'enseigner à nos professionnels. C'est là que je situe ma frustration après 30 années, dans les mains des universités, parce que les professionnels sont instruits par leur intermédiaire.
Ce sont les trois éléments que j'ai identifiés que vous m'avez donnés.
[Français]
Je réitère mes félicitations et mon admiration pour votre travail. Je vous invite à me transmettre, directement ou par l'entremise du comité, vos idées et des suggestions concrètes, en précisant les sommes nécessaires à leur réalisation. Cela nous sera sans doute très utile et nous l'apprécierions grandement. Merci beaucoup.
[Traduction]
La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Merci, madame Bradshaw.
Je vais maintenant profiter de l'occasion pour remercier les témoins de leur présence et demander s'il y a un autre sujet que vous aimeriez voir aborder avant la clôture de cette séance.
Madame Castleman.
Mme Aggie Castleman: Je pense que nous devrions saisir l'occasion qui nous a été donnée pour essayer de réunir nos groupes respectifs, d'aborder ce problème collectivement et de revenir pour partager avec vous certaines de nos préoccupations. Nous possédons une grande expérience collective dans ce domaine et nous devrions collaborer.
Nous espérons que nos exposés vous auront permis de prendre connaissance de nos points de vue, mais peut-être pourrions-nous en faire davantage pour favoriser le travail de votre comité.
La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Merci.
Je tiens à remercier les témoins de leur présence. Je remercie également les membres du comité de leur attention.
La séance est levée.