SINT Réunion de comité
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SUB-COMMITTEE ON INTERNATIONAL TRADE, TRADE DISPUTES AND INVESTMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
SOUS-COMITÉ DU COMMERCE, DES DIFFÉRENDS COMMERCIAUX ET DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 20 novembre 1997
[Traduction]
Le président (M. Bob Speller (Haldimand—Norfolk—Brant, Lib.)): Chers collègues, nous tenons aujourd'hui notre septième réunion d'étude de l'AMI, l'Accord multilatéral sur l'investissement.
Nous sommes le Sous-comité du commerce et nous étudions cette question à la demande du ministre du Commerce international. Aujourd'hui, nous nous penchons sur le secteur de la culture.
De 15 h 15 à 16 heures, nous entendrons trois témoins: Keith Kelly, directeur national de la Conférence canadienne des arts, Ivan Bernier, de l'Université Laval, et Peter Lyman, du groupe Nordicity, qui fait partie du Groupe de consultation sectorielle sur le commerce extérieur.
Bienvenue. On vous a sans doute expliqué comment nous procédons, c'est-à-dire que nous entendons d'abord des exposés de dix minutes, après quoi il y a une période de questions et de commentaires de la part des membres du comité.
Nous entendrons d'abord M. Kelly.
M. Keith Kelly (directeur national, Conférence canadienne des arts): Merci, monsieur le président.
Au nom du président et du conseil d'administration de la Conférence canadienne des arts, je tiens à vous remercier, ainsi que tous les membres du sous-comité, de l'occasion que vous nous offrez de vous faire connaître notre opinion sur l'Accord multilatéral sur l'investissement.
Les membres de la CCA s'inquiètent de plus en plus du traitement réservé à la culture dans les accords commerciaux multilatéraux. Au cours des derniers mois, l'OMC a invalidé notre politique nationale dans le secteur des magazines, PolyGram Filmed Entertainment a continué de nous menacer de demander à l'Union européenne d'interjeter appel auprès de l'OMC contre notre politique nationale de distribution cinématographique, les États-Unis ont menacé de contester les dispositions du projet de loi C-32, adopté récemment pour modifier la Loi sur le droit d'auteur, et, plus près de nous encore, les négociations de l'Accord multilatéral sur l'investissement soulèvent des questions de portée encore plus grande.
Tout cela a incité notre organisme à entreprendre un examen approfondi de la politique commerciale et des effets possibles des accords internationaux sur le maintien et la viabilité des instruments gouvernementaux dans le domaine des arts et de la culture. Notre conseil a décidé que nous devions être aussi bien informés que possible pour participer à cette discussion.
Nos premières recherches sur la politique commerciale canadienne ont été des plus révélatrices. Nous avons appris que le Canada préconise avec enthousiasme une libéralisation mondiale des échanges commerciaux depuis 1944. Tous les gouvernementaux élus depuis lors ont réaffirmé leur appui à ce principe. C'est ainsi que les fonctionnaires canadiens ont participé activement aux négociations du premier accord du GATT, aux négociations subséquentes pour l'élimination des barrières non tarifaires, à l'élaboration d'accords régionaux comme l'ALE et l'ALENA et, plus récemment, aux négociations de l'APEC et de l'AMI.
Notre pays a tiré des avantages économiques importants de sa participation à ces accords internationaux de commerce. Nous vous signalons dès le départ que la CCA n'est pas foncièrement opposée à la libéralisation du commerce mondial. Toutefois, nous rejetons le postulat apparemment non limitatif voulant que les compromis acceptés dans les domaines de la souveraineté politique et culturelle soient un prix raisonnable à payer pour les avantages économiques que promettent d'apporter de tels accords pour les Canadiens. On ne voit pas vraiment jusqu'où la société canadienne est prête à aller dans l'abandon de sa souveraineté.
La CCA se préoccupe surtout de savoir dans quelle mesure ces compromis que nous avons faits et que nous nous apprêtons à faire minent notre souveraineté politique et culturelle et dans quelle mesure des accords comme l'AMI pourraient nous empêcher de conserver les valeurs et les institutions fondamentales qui donnent forme à notre société. Nous estimons que cette question doit faire l'objet d'une discussion à l'échelle nationale et que les audiences actuellement tenues sont un pas important et bienvenu à ce chapitre.
Pour étudier la question des industries des arts et de la culture, le conseil du CCA a mis sur pied un groupe de travail sur la politique culturelle du XXIe siècle. Ce groupe de travail est composé de représentants des industries des arts et de la culture de tout le pays. Même si son travail consiste principalement à étudier toute la gamme des questions relatives à la politique culturelle, le groupe de travail est néanmoins très conscient de l'énorme impact des accords commerciaux internationaux sur la politique culturelle.
• 1530
Deux études ont été commandées pour appuyer les délibérations
du groupe sur cet aspect de son travail. Garry Neil, expert-conseil
privé qui possède une expérience considérable des questions de
commerce international, a évalué l'effet que pourrait avoir l'AMI
sur les politiques culturelles. Leslie Ellen Harris, avocate
spécialisée en droit d'auteur et propriété intellectuelle respectée
à l'échelle internationale, a étudié le traitement réservé à ces
questions dans les accords commerciaux internationaux. J'ai le
plaisir de remettre aujourd'hui des exemplaires de ces deux études
à votre comité.
Il y a quelques semaines, comme la CCA est préoccupée par les questions commerciales, notre conseil et certains membres du groupe de travail ont rencontré le négociateur en chef du Canada à la table de l'AMI, Bill Dymond, pour discuter du traitement réservé aux questions culturelles dans l'accord proposé. M. Dymond avait eu l'occasion de lire le document de M. Neil et ne s'est opposé qu'à une phrase de l'analyse, celle dans laquelle M. Neil déclare que le Canada n'a pas accordé beaucoup de place au traitement de la culture dans les négociations. Il est par ailleurs d'accord en grande partie avec toutes les autres conclusions de M. Neil.
Au cours de cette discussion, nous lui avons dit ce que nous voudrions obtenir au titre du traitement de la culture dans l'AMI. M. Dymond a indiqué dès le départ que le Canada réclamait une exception pour le secteur de la culture dans l'AMI. Nous avons insisté également pour que chaque État signataire définisse pour lui-même cette exception et que l'AMI ne comporte pas de dispositions de représailles comme on en trouve dans l'ALE et l'ALENA. M. Dymond a reconnu qu'on avait tenu compte de ces considérations dans l'élaboration de la position du Canada sur le traitement de la culture dans l'AMI. Je dois avouer que, d'après ce que M. Dymond en a dit, nous sommes d'accord avec cette position.
Garry Neil a réalisé son étude à partir d'un texte de négociations de l'AMI daté du 15 mai. Il tire, sur l'effet dévastateur que l'AMI pourrait avoir sur certaines de nos politiques et de nos institutions culturelles les plus importantes, des conclusions à donner la chair de poule. Comme il le dit, l'AMI pourrait d'une certaine façon avoir un effet sur à peu près toutes les politiques, tous les organismes et toutes les mesures que le Canada a mis en place dans le domaine de la culture.
Il importe également de noter que les restrictions contenues dans l'Accord multilatéral sur l'investissement visent des paliers inférieurs de gouvernement, ce qui pourrait mettre en danger des programmes provinciaux et municipaux conçus pour appuyer et maintenir des activités et des industries culturelles.
Même si l'étude de M. Neil portait surtout sur le niveau fédéral, il faut se rappeler de l'effet sur les paliers inférieurs de gouvernement dans ses commentaires.
Dans son étude, M. Neil a identifié trois domaines de préoccupation, dont le premier est la limite imposée à la propriété étrangère. À l'heure actuelle, le Canada interdit, limite ou restreint la propriété étrangère dans la plupart des industries culturelles. Il la limite entre autres dans les entreprises canadiennes de radiodiffusion ou de distribution—câblodistribution, de satellites et autres. Des limites semblables s'appliquent dans le domaine des télécommunications. Il fait également remarquer que les politiques appliquées dans les domaines de l'édition, de la distribution de films et de l'enregistrement sonore, ainsi que le critère des avantages nets appliqué aux sociétés étrangères qui font l'acquisition d'entreprises culturelles canadiennes, iraient également à l'encontre de la version du 15 mai de l'Accord multilatéral sur l'investissement.
Le deuxième domaine est celui des programmes de financement dont l'application est limitée aux entreprises et aux particuliers canadiens. M. Neil fait valoir que la plupart des programmes de financement, par exemple Téléfilm et le Conseil des arts, ainsi que les organismes provinciaux qui participent au financement des industries des arts et de la culture, pourraient être mis en péril par les dispositions sur le traitement national incluses dans l'AMI. À l'heure actuelle, ces programmes n'offrent d'aide qu'aux Canadiens.
M. Neil se dit également inquiet des effets que l'AMI pourrait avoir sur les incitatifs fiscaux à l'investissement dans des productions cinématographiques et télévisuelles canadiennes, sur le Fonds de développement des industries culturelles de la Banque fédérale de développement, sur les politiques du CRTC qui ont rendu obligatoire la création d'entreprises de production dans le secteur privé et sur les fonds de perfectionnement des artistes des domaines de la télévision et de l'enregistrement sonore. Faute d'une exception adéquate dans le domaine de la culture, des organismes comme le Conseil des arts du Canada et des programmes comme ceux du ministère du Patrimoine du Canada, qui financent des organismes artistiques à but non lucratif, pourraient être touchés, puisque la définition d'«investisseur» dans l'AMI comprend également des entités à but non lucratif.
Le troisième domaine est celui des exigences quant au contenu canadien. Pour que le critère du contenu canadien puisse s'appliquer à une émission de télévision, le producteur et les directeurs doivent démontrer qu'il y a eu un certain niveau de participation canadienne. Il semblerait que ces restrictions aillent à l'encontre des obligations relatives au traitement national contenues dans l'AMI.
• 1535
Les règles sur le contenu canadien, comme celles qui
s'appliquent aux émissions de radio et de télévision, constituent
un mécanisme de soutien important des industries de la musique et
des productions audiovisuelles. L'abolition de ces règles serait
dévastatrice pour la vitalité du secteur des productions
canadiennes.
Les restrictions à la propriété canadienne des diffuseurs sont également menacées. Leur abolition constituerait une érosion considérable de tout le cadre de politique qui s'applique au secteur de la radiodiffusion, ainsi que de nos politiques provinciales en matière d'éducation, dans lesquelles on utilise de préférence du matériel pédagogique produit au Canada.
Seraient également menacés des instruments comme les traités de coproduction dans le domaine du cinéma, les nouvelles mesures pour la mise au point d'un nouveau média, les politiques d'immigration qui limitent l'entrée au Canada d'artistes étrangers et d'autres travailleurs du domaine de la culture qui viennent travailler sur des productions cinématographiques, de télévision ou d'art de la scène financées par des intérêts étrangers.
Le texte du 15 mai contient également des dispositions exigeant des États signataires qu'ils offrent aux investisseurs les fonctions ou les organismes gouvernementaux qu'ils privatisent. Si le Canada avait signé le texte du 15 mai de l'AMI et que M. Harris décidait de privatiser TVO, il ne pourrait pas limiter les offres aux seuls résidants de l'Ontario ou du Canada; il devrait également recevoir celles provenant de tous les États signataires de l'accord.
Je sais bien que certains membres de votre comité ne partagent pas les appréhensions de la CCA et du secteur de la culture quant au démantèlement éventuel du cadre de la politique culturelle canadienne. On nous a souvent dit que les artistes et les producteurs canadiens ne devraient pas craindre la concurrence et devraient être heureux d'avoir l'occasion de pouvoir saisir les occasions offertes par le marché mondial.
Mais soyons bien clairs. Tout cela n'est possible que s'il existe au Canada une base solide de création et de production d'oeuvres artistiques et culturelles. Les politiques qui sont mises en danger par l'AMI sont celles qui nous ont dotés de cette solide base nationale et c'est grâce à elles, en grande partie, qu'ont pu être développés les talents de calibre international à partir desquels se définit maintenant la culture canadienne.
Il est également essentiel de comprendre que ces politiques n'ont jamais visé à empêcher l'entrée d'oeuvres étrangères au Canada. Les Canadiens jouissent maintenant du plus grand accès possible aux oeuvres culturelles des autres pays. Nous avons néanmoins le droit de nous parler, d'exprimer et de façonner les divers reflets de la société canadienne.
Vu notre proximité géographique avec le plus grand producteur de divertissements de masse de la planète, nous devons faire des efforts spéciaux pour créer et conserver l'espace nécessaire au développement et à l'expression de l'imagination canadienne. Si nous nous départissons de notre capacité de célébrer et de traduire pour nos concitoyens la vie au Canada par le truchement des oeuvres de nos artistes et de nos producteurs, combien perdrons-nous, combien perdra le monde?
La CCA demande à votre comité d'inclure dans ses recommandations que le Canada adopte pour position dans les négociations qu'il ne signera pas cet accord à moins que l'AMI comporte une exception absolue à l'égard de la culture et ne contienne aucune disposition de représailles. Il s'agit d'une décision politique que nos négociateurs ne sont pas libres de prendre par eux-mêmes. Pour les générations de Canadiens qui ont apprécié et appuyé le travail de nos artistes et de nos travailleurs de la culture, et pour les générations à venir, c'est là le minimum que nous pouvons accepter.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Kelly. Monsieur Bernier.
[Français]
M. Ivan Bernier (professeur, Université Laval): Merci, monsieur le président. Je voudrais remercier également le sous-comité pour son invitation à venir lui adresser la parole. L'expérience que j'apporte, aujourd'hui, est celle d'un professeur de droit qui s'est intéressé à la question du rapport entre commerce international et culture nationale au début de l'année 1986, lorsque débutaient les négociations avec les États-Unis sur le libre-échange et, depuis ce temps, je me suis rendu compte que c'était un sujet auquel on ne pouvait plus échapper. C'est comme cela que, depuis ce temps, je travaille sur cette question.
Donc, j'aimerais, brièvement, aujourd'hui avec vous, d'abord essentiellement mettre en perspective le débat d'aujourd'hui sur le rapport entre la place de la culture dans les négociations sur l'investissement. Deuxièmement, voir ce qui se fait dans les accords concernant l'investissement pour ce qui est de la place de la culture. Et, troisièmement, vous donner mes propres réflexions sur ce qui devrait être fait par le Canada à la lumière de mon expérience propre.
D'abord, en ce qui a trait d'abord à la perspective globale dans laquelle s'insère cette question, je pense qu'il est important de se rappeler que le débat sur la place de la culture ne se limite pas à l'investissement. C'est un débat que l'on retrouve également dans d'autres accords commerciaux.
• 1540
Ce fut le cas pour l'ALENA, l'ALE et, également, pour le
GATT. On retrouve, dans le GATT, précisément une clause
qui fait une exception pour le cinéma, pour les quotas à
l'écran.
Cela fut le cas également, d'une façon beaucoup plus acerbe ou difficile, lors des négociations sur les services, durant l'Uruguay Round. On est sortis de cette négociation sur les services avec un compromis qui n'en était pas véritablement un, c'est-à-dire qu'il n'y a pas eu de clause d'exception culturelle et tout ce que certains pays comme le Canada ou l'Union européenne ont pu faire, c'est de refuser de prendre des engagements dans le secteur de la culture ou de l'audio-visuel en ce qui a trait à l'Union européenne.
Il faut garder cela en perspective parce que, ce qui va être fait par le Canada dans le domaine de l'investissement va avoir aussi un impact sur ce qui va se faire plus globalement dans les autres secteurs. On ne peut avoir une position sur une question comme l'investissement, en touchant la culture, sans également que cela ait des répercussions dans les autres secteurs. Et je pense, en particulier, aux négociations sur les services qui vont revenir vers l'an 2000.
Simplement pour vous donner une idée de l'importance que cela peut avoir, s'agissant des subventions à l'audio-visuel et aux services culturels, les États-Unis, dans leurs engagements dans le cadre de l'Accord sur les services, ont fait une exception pour ce qui est quelque chose d'assez bien connu là-bas, le National Endowment for the Arts.
S'ils ont fait une exception pour le National Endowment for the Arts, c'est parce qu'ils croyaient ou ils voulaient faire croire que de telles subventions, données de façon générale au secteur des arts, en l'absence d'une exception, seraient incompatibles avec l'Accord sur les services.
Cela va très loin. Je pense que si on prend la chose telle quelle, à sa face même, cela veut dire qu'aux prochaines rondes de négociations, les États-Unis pourraient demander que tous ceux qui n'ont pas pris d'exception concernant leurs organismes subventionnaires dans le domaine des arts, pourraient être en violation de l'Accord général sur les services.
Donc, il faut concevoir cette discussion comme étant interreliée avec d'autres secteurs de négociations comme celui sur les services.
En ce qui concerne plus proprement les discussions ou les accords touchant au secteur de l'investissement, il faut reconnaître qu'à l'heure actuelle, il n'y a pas, à véritablement parler, une entente multilatérale qui touche ou qui couvre l'ensemble de ce qu'on appelle maintenant le secteur de l'investissement. Il y a des négociations qui sont en cours à l'OCDE, il y a un accord qui a été conclu durant l'Uruguay Round et qui porte sur un aspect très restreint de l'investissement, il y a l'ALENA qui comporte des mesures concernant l'investissement et il y a également quelque chose qu'il faut mentionner,—j'expliquerai pourquoi—des accords bilatéraux conclus par le Canada avec un certain nombre de pays étrangers, accords qui comportent des clauses d'exceptions culturelles.
Donc, je veux simplement vous montrer, en faisant un rapide tour d'horizon de ces accords-là, l'état de la situation à l'heure actuelle en ce qui concerne les préoccupations relativement à la culture, dans les accords sur l'investissement.
Dans l'accord de l'ALENA, on retrouve une disposition, qui est la clause d'exception culturelle de l'ALENA qui était destinée à protéger l'ensemble des secteurs culturels qui, à bien des égards, n'a pas donné les résultats escomptés, mais qui, en ce qui concerne l'investissement, il faut le reconnaître, accorde une certaine protection, mais seulement pour les mesures existantes qui ont été protégées telles quelles, du fait que l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis faisait référence à ces mesures existantes. Donc, pour l'investissement, les mesures qui iraient à l'encontre de l'ALENA ou de l'ALE en matière d'investissement, les mesures existantes, il y a une protection, mais pour tout le reste et tout ce qui viendrait après cela, il n'y a véritablement pas de protection. Nous serions ouverts à des mesures d'effet commercial équivalant contre le Canada.
Dans les autres secteurs,—en ce qui concerne l'OCDE, je vais y revenir dans un instant—pour ce qui est des accords bilatéraux, je veux simplement mentionner que de tels accords sont maintenant négociés par le Canada, depuis quelques années, avec une clause d'exception culturelle qui est toujours la même.
• 1545
C'est une clause type qui revient et
qui spécifie simplement que les entreprises culturelles
ne sont pas sujettes aux accords d'investissement en
question.
Il y a une définition des entreprises culturelles qui correspond à la définition des entreprises culturelles, qu'on retrouve dans l'ALENA, de sorte qu'il y a là une protection qui est absolue en ce sens qu'on sort complètement le secteur culturel de la portée de ces accords bilatéraux sur l'investissement, sans qu'il y ait de possibilités d'utiliser des mesures d'effet commercial équivalent.
Maintenant, en ce qui concerne l'OCDE, à l'heure actuelle, comme vous le savez sans doute, il y a une proposition française concernant une clause d'exception pour ce qui est de la culture. Cette proposition dit que nonobstant tout ce qui peut être écrit dans cet accord, aucune disposition ne sera interprétée comme empêchant une partie contractante de prendre quelques mesures que ce soit relativement à l'investissement qui, dans le cadre de politiques destinées à préserver et promouvoir la diversité culturelle et linguistique...
Cela est la proposition française, en ce qui concerne l'investissement, proposition qui est appuyée par le Canada et appuyée également par d'autres pays. Je pense qu'il y a, à l'heure actuelle, sept ou huit pays qui appuient cette proposition d'exception culturelle.
En ce qui concerne la chance de succès d'une telle clause d'exception culturelle, je pense qu'il faut reconnaître que la volonté, clairement exprimée des États-Unis, de s'objecter à l'inclusion d'une telle clause d'exception culturelle, rend la proposition française problématique et pourrait signifier, à toutes fins pratiques que, si un pays fait de la clause d'exception culturelle, un élément essentiel d'un tel accord, il y aura d'autres solutions que de se retirer de l'accord.
Cela dit, il y a, en fait, aussi d'autres possibilités, enfin, une autre possibilité qui existe et qui est, je crois, envisagée, je pense qu'il faut être aussi clair à ce sujet. Il s'agit de la possibilité qu'il y ait des réserves qui soient faites en ce qui concerne l'accord sur l'investissement, pour ce qui est de la culture.
Pratiquement, tous les pays ont maintenant fait état de ce qu'ils voulaient inscrire dans l'accord, en ce qui concerne les réserves, et il est plausible qu'un pays puisse demander que des mesures existantes, incompatibles avec l'accord, soient protégées par des réserves ou, si on voulait aller plus loin, et c'est possiblement ce que pourrait avoir à l'esprit le Canada, qu'il y ait une réserve concernant le secteur culturel pour l'ensemble des mesures existantes et pour les mesures à venir.
Si telle était la situation, il y aurait donc, un peu à l'instar de ce qu'on retrouve à l'Annexe II de l'ALENA pour des réserves concernant des secteurs, il y aurait une mesure qui protégerait, d'une autre façon, non plus par une clause d'exception culturelle, mais par le biais de réserves, l'investissement dans le secteur culturel. C'est vraisemblablement, à mon sens, ce qui pourrait apparaître le plus plausible dans le cadre actuel.
Cela dit, il reste à voir quelle sera la position du Canada. Est-ce qu'il ira dans le sens d'une réserve, si l'exception culturelle est impossible? Si non, il devrait ou se retirer de l'accord ou accepter les réserves.
Je vais terminer rapidement en vous disant de quelle façon je vois cette négociation sur l'exception culturelle dans l'accord sur l'investissement. Ma position, essentiellement, en est une de fermeté dans la négociation. Il est absolument essentiel que l'on considère que la négociation en question est une négociation et que rien n'oblige le Canada à, immédiatement et dès la conclusion d'un accord, renoncer à toute forme de protection.
Les États-Unis ou d'autres pays prennent soin de se protéger et prennent soin d'exclure des secteurs d'activités. Si je pense aux États-Unis, par exemple, tout ce qui concerne les transports maritimes, le cabotage, etc., sont des secteurs qui sont constamment exclus des négociations par les États-Unis et ce n'est pas parce que des pays demandent à avoir un accès absolu à l'investissement au Canada, dans le secteur culturel, qu'il est nécessaire de céder à ces demandes.
• 1550
Je pense, au contraire, qu'il faut constater, lorsqu'on
regarde la situation, qu'il y a tout lieu de s'inquiéter,
par exemple, de ce qui peut être fait en matière des
mesures de contrôle ou des mesures américaines. Si vous
regardez ce qui se passe dans le cas de la Loi
Helms-Burton, où les États-Unis utilisent non pas une
réserve culturelle, mais une mesure
d'exception comme la sécurité nationale pour venir
toucher à l'investissement. Donc, pourquoi ne
serions-nous pas en droit d'insister sur une mesure qui
pourrait protéger la culture, dans la mesure où nous
croyons que cela est essentiel pour nous.
Cela dit, et j'en arrive à mon deuxième point, je crois qu'il est aussi essentiel de dire qu'une telle position n'empêche pas le Canada de se pencher sur sa politique en matière d'investissement culturel étranger pour en évaluer la pertinence et le bien fondé. Ce n'est pas parce que le Canada adopte une position de fermeté sur la négociation en ce qui concerne la position de la culture dans l'accord sur l'investissement que l'on est empêché de s'interroger nous-mêmes sur ce que l'on doit faire.
Il y a une étude de l'Institut C.D. Howe qui suggère que le lien entre le pays d'appartenance d'un distributeur de produits culturels et le contenu national de ces produits n'est pas évident. Personnellement, je ne suis pas d'accord et je pense que les données que l'on pourrait citer à ce sujet-là ne correspondent pas à cette affirmation. Je pense que ce que cela dit c'est qu'il y a lieu de sortir et d'arriver avec des études qui puissent fonder une position canadienne forte, claire et articulée.
En l'absence d'un travail de fond fait sur cette question de l'impact sur la culture d'accords internationaux comme celui sur l'investissement, d'études solidement faites et bien faites, je ne pense pas que l'on puisse aller très loin. Je pense également que l'on pourrait trouver, à partir de telles études, qu'il y a peut-être des moyens de changer ou de modifier des choses qui se font à l'heure actuelle dans le domaine de la protection des industries culturelles canadiennes.
L'affaire Polygram, dont on vient de parler, soulève un problème de fond de ce point de vue. C'est une mesure qui vise à protéger les distributeurs canadiens de films et qui, en même temps, se trouve à empêcher un distributeur étranger de films, qui aurait pu faire entrer au Canada un nombre plus important de films non-américains et non-canadiens de manière à promouvoir une plus grande diversité.
Je pense que, dans ce contexte, il était difficile de faire autrement que d'appliquer la loi telle qu'elle existe. Je veux suggérer qu'il y a lieu d'avoir des attitudes plus souples et mieux fondées sur exactement quels sont nos objectifs et nos buts lorsque l'on établit des mesures destinées à protéger la culture.
Finalement, en ce qui a trait à la position concrète du Canada sur l'exception culturelle, je crois qu'il y a lieu de continuer à explorer à fond l'hypothèse d'une clause d'exception culturelle mais, si nécessaire et en fonction des intérêts du Canada, voir s'il n'y aurait pas lieu éventuellement d'insérer, au lieu d'une clause d'exception culturelle, des clauses de réserve portant sur la protection non pas seulement des mesures existantes, mais également des mesures du secteur culturel pour le présent et pour l'avenir.
[Traduction]
Le président: Merci. Monsieur Lyman.
M. Peter Lyman (représentant des intérêts culturels, Groupe de consultation sectorielle sur le commerce extérieur des industries de la culture): Merci, monsieur le président.
Permettez-moi d'abord de me présenter brièvement. Je suis le partenaire principal de Nordicity Group Limited, firme d'experts-conseils spécialisée dans les industries des communications et de la culture. Mais ce n'est pas à ce titre que je me présente devant vous, non plus qu'à titre de représentant de nos clients. Je suis ici à titre de membre du Groupe de consultation sectorielle sur le commerce extérieur des industries culturelles. En fait, je remplace Ken Stein, président du GCSCE, qui n'a malheureusement pas pu venir vous rencontrer.
Voici une brève description du rôle du GCSCE, qui pourrait vous intéresser. Il est important que vous sachiez quelle sorte d'avis le gouvernement reçoit et comment tout cela se fait.
La création des GCSCE remonte à environ 10 ans. C'est le ministre du Commerce qui en nomme les membres. Notre groupe est composé de représentants du secteur et des industries de la culture, de tous les horizons, de partout au pays. Le groupe a pour but de conseiller les ministres, et ses conseils sont confidentiels. Le groupe donne des conseils en réaction à toutes les questions qui touchent son dossier, et c'est encore plus vrai depuis les deux ans et demi que je fais partie du GCSCE. Les problèmes semblent devenir de plus en plus complexes et de plus en plus fréquents.
• 1555
Notre groupe est donc surtout un groupe de réaction, même s'il
nous arrive parfois de faire l'effort d'écrire certains de nos
commentaires au ministre.
Pour une grande question commerciale comme l'AMI et son impact, le GCSCE n'est qu'une des voix qui se fait entendre. Je tiens à le souligner, parce que notre groupe, de par sa structure, ne saurait exprimer les points des éléments spécifiques de la communauté culturelle.
Des gens comme Keith sont mieux en mesure de le faire. Le GCSCE est néanmoins un outil utile qui permet de vérifier certaines propositions, tous les deux ou trois mois.
La réaction générale du GCSCE à l'égard de l'AMI, lorsque nous avons entendu les exposés de M. Dymond et du MAECI, a été que cet accord pourrait avoir des conséquences très graves s'il était signé sans qu'y soient incluses des mesures de protection dans le domaine de la culture.
Keith a cité l'excellente étude réalisée par Garry Neil. Je ne répéterai pas ses propos, mais je dirai que nous l'avons lu et que nous sommes d'accord quant aux conséquences éventuelles qui y sont mentionnées. L'accord bâillonnerait le CRTC et invaliderait bon nombre de ses règlements favorisant le contenu canadien. Il mettrait probablement en péril un grand nombre de programmes de soutien dont dépendent les industries culturelles. En outre, il empêcherait Investissement Canada d'examiner éventuellement les investissements étrangers dans notre pays.
La disposition de démantèlement s'appliquerait, même si nous tentions d'exprimer certaines réserves. C'est l'un des problèmes que pose cette méthode, même s'il serait possible à notre avis d'en discuter.
Nous étions d'avis, après avoir pris connaissance de cette information, qu'il était peu probable que tous les pays adoptent un accord dans lequel on ne trouverait aucune considération de l'industrie culturelle. Mais, à tout hasard, nous souhaitions traiter cette question avec beaucoup de sérieux, et c'est ce que nous avons fait. En fait, ce sera l'un des principaux points à l'ordre du jour de notre réunion de la semaine prochaine.
Maintenant que je vous ai présenté le GCSCE et que j'ai expliqué comment nous traitons de tels dossiers, permettez-moi de faire quelques observations personnelles—je vous répète que je ne représente personne, que je participe simplement à la discussion.
Tout d'abord, j'estime que l'AMI doit être étudié dans un contexte plus général. De toute façon, le Canada devra négocier dans d'autres tribunes le commerce culturel. Nous avons bien sûr commencé ces négociations, d'une façon générale, dans le cadre de l'ALE et de l'ALENA. Nous avons réussi à obtenir une exemption, et tout le monde sait comment cela a fonctionné. Du moins, les gens ont des impressions différentes à ce sujet, mais nous connaissons les détails de ce domaine.
Il y aura, comme autres sources de négociation du commerce international, les négociations mondiales permanentes du GATT, notamment les prochaines rondes sur le secteur de l'audiovisuel, qui touchent non seulement le monde du cinéma et de la production, mais aussi, très directement, celui de la radiodiffusion et peut-être aussi d'Internet.
C'est donc une négociation mondiale. Il y a aussi des négociations régionales. La semaine prochaine, il y aura une réunion de l'APEC à Vancouver. Il y a aussi l'ALENA, les ajouts à l'ALENA. Puis, il y a les négociations bilatérales. Le Mexique et les États-Unis ont tenu des négociations bilatérales qui touchaient de près le secteur de la culture, puisqu'on y a discuté des SRD et des satellites. Voilà un autre accord qui nous pose certains problèmes, en ce qui a trait aux États-Unis bien sûr.
C'est donc un sujet—et je suppose que je répète ce que Keith a dit—qui a pris plus d'importance dans le programme des industries culturelles.
Deuxièmement, lorsque le Canada négocie un accord international, il dicte en réalité la politique canadienne. Évidemment, nous avons une politique canadienne et nous devons nous assurer que les négociateurs essaient de la défendre et de la garantir, mais quel que soit le résultat, nous n'avons pas vraiment d'autre choix que de l'accepter.
• 1600
On commence donc à faire replier la politique canadienne,
comme l'a dit le professeur Don McRae de l'Université d'Ottawa lors
d'une récente réunion locale. Les mécanismes de règlement des
différends nous font maintenant comprendre que les décisions prises
sur le plan commercial sont réelles, que nous ne pouvons pas
simplement nous en remettre au tribunal de La Haye et que nous ne
pouvons pas les contourner ou décider de ne pas les respecter. Ce
sont des décisions plus graves, évidemment, comme nous l'avons vu
dans le cas de l'industrie des magazines.
On le reconnaît en réalité au sein du GCSCE parce que le ministère du Patrimoine canadien, bien qu'il s'agisse d'une question commerciale, est beaucoup plus présent dans les discussions aux échelons les plus élevés, et Industrie Canada en est venue à participer également. Vous pouvez voir que la fusion de la politique canadienne et étrangère se fait à cet égard.
Troisièmement, je voudrais aborder un peu la question de l'AMI même, plutôt que celle des mécanismes par lesquels nous pourrions nous protéger. Je pense qu'Ivan a abordé certaines de ces conditions particulières d'une manière plus articulée que je ne pourrais le faire. Je tiens cependant à soulever une question qui présente un problème de définition, quoi que vous fassiez pour protéger ce secteur, soit au moyen d'une exclusion, d'une exclusion générale ou d'une réserve, qu'il s'agisse d'une réserve spécifique à un pays, que cette réserve soit limitée ou non limitée. L'un des domaines qui m'occupe beaucoup est celui de la radiodiffusion. D'après nous, la radiodiffusion se définit certainement comme une industrie culturelle alors que du point de vue des États-Unis et d'autres pays, il s'agit d'une industrie culturelle tant qu'on la définit comme étant «sur les ondes». Dès qu'on la définit comme radiodiffusion par satellite ou par câble, les Américains disent que ce n'est plus qu'un autre service de communication, et un service de communication n'est assujetti qu'aux règles fondamentales régissant les télécommunications. Cela devient un service de télécommunications amélioré et l'on ne peut donc y appliquer aucune sorte de disposition de nature culturelle.
La grande question consiste évidemment à aller encore plus loin—et vous pouvez certainement le comprendre—c'est une question qui peut nous nuire ou nous toucher maintenant, c'est-à-dire l'avenir d'Internet. Je ne veux pas tellement parler du courrier électronique sur Internet, mais disons qu'il s'agit d'Internet à fort contenu. Qu'est-ce qui se passe là? Premièrement, notre pays n'a pas encore déterminé la réglementation ou la politique qui régira Internet. S'agira-t-il de radiodiffusion? D'après la loi actuelle, on peut soutenir qu'il s'agit de radiodiffusion, mais d'autres adopteront une position différente.
Cette question fait également l'objet d'un autre processus commercial avec les Américains et d'après un article de magazine, ils ont entrepris un processus de consultation à l'échelle mondiale en vue d'établir une zone de libre-échange sur Internet. Ils vont donc s'efforcer de l'obtenir. Si vous cédez au sujet d'Internet, si nous nous mettons tous d'accord à ce sujet—quant à savoir si nous le ferons, c'est une autre question—vous cédez aussi dans le domaine culturel.
Quatrièmement, un autre élément important est la valeur des échanges commerciaux et des investissements du point de vue canadien. Je dis moi-même qu'il y a cinq ou 10 ans peut-être, la question de l'exportation de produits culturels du Canada ou des revenus qui pouvaient en découler n'était pas tellement importante, mais on ne peut plus vraiment dire la même chose. Je vais vous en donner deux ou trois exemples.
Notre firme a fait un travail pour l'Association canadienne de production de film et de télévision. Nous avons constaté que les sociétés qui produisent des films et des émissions de télévision au Canada reçoivent environ 600 millions de dollars par année en investissements étrangers ou en frais de permis ou simplement en paiements pour l'octroi du permis accordé au produit canadien.
Un deuxième exemple est celui des nouvelles sociétés spécialisées dans les médias—c'est-à-dire des gens qui produisent des CD-Rom, le principal instrument de distribution des nouveaux médias ces temps-ci—qui vous diront qu'elles n'entreprendront aucun nouveau projet à moins d'obtenir que des pays répartis sur trois continents déterminent que le marché existe bien. Il n'est même pas question de réaliser un projet uniquement pour un marché national. À toutes fins utiles, on vise seulement un produit international.
• 1605
Le troisième exemple—et je sais que ce sont des exemples pris
ça et là, mais c'est seulement pour vous donner un aperçu—vous en
avez peut-être pris connaissance dans les pages commerciales des
journaux ces derniers jours, et il s'agit de CanWest Global qui a
vu ses profits augmenter encore, en partie parce que cette société
tire des dizaines de millions de dollars de revenus de ses
investissements étrangers, en Australie et en Nouvelle-Zélande.
Global a donc ces revenus et comme c'est une société réglementée
ici, une partie de ces revenus sont réinvestis dans la production
de Traders, une série télévisée ou d'autres émissions. Je ne
m'attaque pas systématiquement à Global, mais on a l'impression que
ses dirigeants ne sont pas indifférents à leur sort du point de vue
des marchés étrangers.
Je tiens seulement à faire remarquer que la culture canadienne et les producteurs culturels canadiens ont intérêt à s'assurer que nous avons accès à des marchés étrangers et accès, dans certains cas, à des capitaux étrangers. C'est une chose dont nous devons simplement nous rappeler.
Enfin, je tiens à souligner qu'une partie de notre stratégie doit consister à convaincre d'autres pays de notre façon de voir les choses. Pour l'instant, je suppose que nous appuyons les Français—bien que nous venions d'apprendre que leur position, si elle est adoptée, ne nous protégera peut-être pas complètement—mais nous devons vraiment prendre l'initiative et donner l'exemple dans d'autres pays.
Permettez-moi de vous donner un exemple. J'ai eu la chance de travailler en Afrique du Sud au cours du mois dernier et dans ce pays, on regarde soit le modèle américain en matière de radiodiffusion et de politique culturelle, soit le modèle du Commonwealth. On ne pense pas nécessairement que le Canada a de l'avance ou du retard par rapport à ces modèles, ils savent seulement que nous avons une façon différente de procéder qui est plus ou moins semblable à celle des Australiens et des Britanniques, d'une manière générale.
Par conséquent, nous avons tout avantage à faire la promotion de notre façon particulière de procéder, ce que nous pouvons faire de bien des manières avec nos concurrents, les Australiens et les Britanniques, qui représentent un autre mouvement auquel nous pourrons nous rallier, au lieu de nous en tenir toujours au mouvement des Français, qui ont toujours un très grand intérêt dans ce domaine.
En conclusion, je répète qu'au GCSCE, nous nous débattons certainement avec ces questions et nous avons besoin, comme Keith et Ivan l'ont dit, d'un débat plus éclairé. Nous devons nous montrer astucieux dans la réalisation de nos objectifs culturels dans un monde interdépendant.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Lyman.
Nous allons maintenant commencer une période de questions et réponses, et il y aura probablement ensuite encore d'autres questions. Il y aura d'abord une période de 10 minutes pour chacun des députés. J'encourage les membres du groupe de témoins qui auraient des commentaires à faire sur les réponses des autres témoins à ne pas hésiter à intervenir.
Je donne d'abord la parole à Mme Bulte, car elle vient de recevoir une convocation du gouverneur général et doit donc partir dans très peu de temps. Je lui accorde donc les 10 premières minutes.
Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Merci, monsieur le président.
C'est un grand honneur et un privilège que de vous accueillir ici aujourd'hui. J'ai lu le rapport de M. Neil sur l'AMI, et je l'ai trouvé très complet. D'après M. Dymond, j'ai cru comprendre que ce rapport a été rédigé avant toute consultation avec lui. Est-ce exact?
J'adresse ma question à vous tous. Nous avons parlé d'une exemption. Vous m'avez dit que M. Dymond a affirmé qu'il y aura une exemption. Comme nous le savons, il est possible d'avoir une exception générale et il est possible d'avoir une réserve spécifique à un pays. Tout d'abord, M. Dymond a-t-il fait savoir comment le gouvernement allait négocier? Deuxièmement—et M. Bernier pourrait peut-être ajouter un mot également—voyez-vous une différence légale entre une réserve non limitée, demandée par un pays, et une exception générale?
M. Keith Kelly: Si j'ai bien compris ce que M. Dymond a dit, il parlait d'une réserve non limitée et particulière à un pays, comme position de négociation pour le Canada, plutôt que d'une exclusion générale. C'est là, je pense, que nous avons eu cet échange au sujet des caractéristiques que nous rechercherions sans nous engager à obtenir une réserve non limitée pour notre pays ou une exception générale.
Notre conseil a une position très claire au sujet de l'auto-définition: chaque État signataire doit avoir la possibilité incontestée de définir dans ses propres termes ce qui est important pour sa culture et il ne doit exister aucune mesure de rétorsion, comme c'est le cas pour l'ALE et l'ALENA.
• 1610
Notre travail se poursuit à cet égard. Notre groupe de travail
publiera son rapport vers le 15 décembre et nous espérons
certainement comprendre alors mieux comment la réserve spécifique
à un pays fonctionne. Nous estimons cependant que la meilleure
solution consiste à obtenir une exclusion générale et à essayer de
persuader nos collègues de l'OCDE que c'est une bonne manière de
procéder.
[Français]
M. Ivan Bernier: Ma compréhension de ce qui se passe actuellement est que le Canada, tout en défendant et en appuyant la position française, considère l'autre hypothèse, qui est celle d'avoir des réserves.
Là, il faut faire une différence entre la clause d'exception générale et les réserves. La clause d'exception générale a l'avantage de ne pas identifier un pays en particulier, tous les pays sont sur un même pied d'égalité et tout le monde a le droit à la même exception, alors qu'une réserve va toujours pointer du doigt tel ou tel pays qui se protège ou veut se protéger avec une réserve. Donc, c'est, d'un certain point de vue, plus restreint.
Mais, lorsqu'on parle de réserves, il faut aussi faire la différence entre les réserves sur les mesures existantes et les réserves pour un secteur, et cela aussi est absolument crucial. Si on parle de mesures existantes, c'est une forme de confirmation d'une mesure qui est non conforme, mais que l'on accepte de laisser aller. En anglais, on dirait to grandfather, cela est une chose.
L'autre approche, qui est de dire que c'est un secteur au complet qui est excepté, autant pour le passé que pour l'avenir, cela est une autre chose, c'est beaucoup plus large, c'est beaucoup plus vaste comme forme de réserve.
Cela dit, cela va dépendre évidemment de ce qui va se passer au plan des discussions. Je crois que les réserves sur les mesures non conformes existantes ont de fortes chances d'être acceptées par à peu près tout le monde. Je pense qu'une réserve plus générale va certainement être débattue fortement et, si le Canada, s'il est contraint de laisser tomber sa demande sur l'exception générale, s'il est contraint de reculer, doit envisager, dès maintenant, une façon convaincante de persuader un maximum d'autres partenaires de l'OCDE de la nécessité d'avoir une réserve générale concernant le secteur.
J'en profite pour dire une dernière chose. Cette négociation de l'OCDE sur l'investissement, il faut bien concevoir qu'il y a de fortes chances qu'elle soit simplement le début d'une autre négociation, qui sera celle des prochaines rondes de négociation de l'OMC, et c'est là que les choses vont vraiment se passer. Je pense qu'il faut maintenant préparer non pas nécessairement uniquement l'OCDE, mais il faut préparer ce qui va être en négociation en l'an 2000.
[Traduction]
Mme Sarmite Bulte: Monsieur Bernier, pourriez-vous me parler de l'exception demandée par les Français, dont il est question, je le sais, dans le document de M. Neil? Vous avez mentionné notamment le problème de la définition et, pourtant, dans l'exception générale demandée par les Français, la culture n'est pas définie. Je crains que le libellé de l'exception française puisse donner lieu à des interprétations, de sorte que même la production de bidules français pourrait être considérée comme ayant un caractère culturel unique.
Avez-vous des recommandations à faire pour perfectionner cette exception? Avez-vous des idées sur la façon dont nous devrions définir les industries culturelles?
J'ai cru comprendre, d'après ce que M. Dymond a dit, que nous avions pris pour point de départ la définition contenue dans le chapitre 11 de l'ALENA. Pouvons-nous faire quelque chose d'utile?
En outre, je crois que le gouvernement canadien a déjà une politique de convergence, et c'est de cela que parlait M. Lyman. Est-ce exact? Cela nous protégerait-il si nous choisissons de demander une réserve non limitée et spécifique à notre pays?
Ma dernière question concerne l'OMC. L'une des choses qui nous préoccupent certainement est la décision de l'OMC au sujet des périodiques. Je crois qu'il s'agissait d'un produit qui faisait face à une barrière commerciale, et la question remontait aux négociations du GATT de 1947. Cependant, alors que nous pensions être protégés en vertu de l'ALENA, il a été décidé qu'il s'agissait d'un obstacle au commerce. De plus, dans un autre de vos documents, on disait que la subvention postale était jugée inappropriée.
• 1615
Qu'est-ce que cette décision nous a enseigné? Que pouvons-nous
faire à la table de négociation de l'OCDE pour faire valoir ces
préoccupations que vous avez soulevées d'une manière si éloquente
dans votre document sur la décision avec avis minoritaire de l'OMC?
[Français]
M. Ivan Bernier: L'affaire sur les périodiques est celle du rapport entre deux approches, l'une qui est fondée sur le commerce des biens et d'autres sur le commerce des services.
Je dois dire qu'on peut rajouter à cela un autre problème préalable, qui est le contournement de la clause d'exception culturelle dans l'ALENA par les États-Unis, en utilisant simplement le recours au GATT.
En passant par le GATT plutôt que par l'ALENA, on a, à toute fin pratique, confirmé que, sur des questions qui relevaient à la fois du GATT et de l'ALENA, les États-Unis ou d'autres pays pouvaient tout simplement—enfin les États-Unis ou le Mexique dans le cas de l'ALENA—s'en remettre aux dispositions du GATT et là nous étions tout à fait dépourvus parce que le GATT n'a pas à prendre en considération l'exception culturelle de l'ALENA. Donc, cela est un premier problème.
Le deuxième problème est celui du rapport entre des accords différents qui sont sur un même pied, comme l'accord sur les services et l'Accord du GATT. Ce qu'ont dit essentiellement les membres du panel là-dessus, c'est qu'il n'y avait aucun problème à ce que les deux accords soient considérés sur un pied d'égalité et on pouvait attaquer soit sous le GATT soit sous les services, cela n'avait pas d'importance, on prenait le moyen qui était le plus favorable.
La question qui peut se poser avec l'Accord sur l'investissement, c'est la possibilité que l'on fasse la même chose, c'est-à-dire que l'on voudrait peut-être une protection dans l'Accord sur les services mais que, sous l'investissement, on ne l'ait pas. Il ne faut pas oublier qu'à l'heure actuelle, je ne l'ai pas mentionné, dans l'Accord sur les services, il y a eu déjà des engagements de pris en matière d'investissement, mais c'est dans les accords sur les services, donc la possibilité de conflit est là.
Quelque part, il faudra qu'une clause d'exception générale, générale comme celle que l'on trouve ici, soit précisée pour indiquer qu'est-ce qui est visé précisément parce que, telle qu'on la voit, il est assez difficile de le dire.
Cela dit, et je termine avec cela, une clause d'exception générale va toujours poser le problème de la possibilité qu'elle ait une étendue non définie, c'est-à-dire qu'il y a toujours la possibilité, par exemple, qu'une clause soit utilisée de façon déguisée pour protéger les industries culturelles.
On retrouve, dans l'article 20 du GATT, une disposition qui dit—et c'est une disposition qui porte sur les exceptions générales—que, quoi qu'il en soit, l'une ou l'autre des exceptions ne doivent pas être utilisées comme une forme de protection déguisée du commerce des biens. Je pense que, au strict minimum, et c'est une suggestion que j'aurais voulu faire, si on considère sérieusement, du côté canadien, une clause d'exception culturelle, et qu'on veut rallier un nombre plus important de pays, il faudrait peut-être proposer une clause qui serait à la fois plus précise et plus circonscrite à certains égards que celle que l'on voit. Non pas pour enlever de la capacité du Canada, mais justement, pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de débordement et que l'on ne se retrouve pas dans une situation où l'on dise: «bien, voyons, cette clause n'a aucun sens».
Je me souviens d'un débat où le Japon faisait valoir que le riz avait une connotation culturelle. Évidemment, lorsqu'on en est rendu là, il y a des problèmes.
Le président: Il y a le hockey.
M. Ivan Bernier: Le hockey est bien canadien aussi.
[Traduction]
Le président: Vous voulez répondre, monsieur Lyman.
M. Peter Lyman: Je dirais simplement que peu importent nos efforts pour être aussi exacts que possible, je pense qu'il sera difficile d'être précis dans les définitions.
Pour ce qui est de votre autre commentaire sur la politique de convergence du gouvernement, en ce qui me concerne, c'était une mesure provisoire. Il y a eu certaines définitions, plus précisément par le CRTC dans sa politique de convergence de 1995, dans lesquelles on a essayé d'identifier précisément ce qui était du domaine de la radiodiffusion et ce qui ne l'était pas, pour les nouveaux médias. On ne considère même pas qu'il s'agit là de définitions finales. Dans le document du CRTC envisageant les choses à venir, on dit que c'est un domaine dans lequel on veut en arriver à plus de précisions.
Je pense que nous devrions faire preuve de la plus grande prudence en essayant de rallier des gens autour d'une définition, et nous devrions la délimiter exactement, mais nous devrions être prêts pour le jour où, à toutes fins utiles, elle nous échappera. Il y a des limites à ce qu'on peut faire avec une politique commerciale.
Mme Sarmite Bulte: Mais la réserve générale spécifique à un pays, une réserve non limitée, répondrait-elle aux préoccupations que vous avez?
M. Keith Kelly: Je pense que cela dépendrait de la façon dont elle est rédigée. Si le libellé est aussi large que possible, il se peut...
Je sais que vous entendrez une telle proposition des représentants de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN) plus tard cet après-midi, et je pense qu'il serait juste de dire que c'est un travail en cours, et que d'autres gens, comme Merilyn Simonds, de la Writers' Union, travaillent également sur cette question.
Je me permets d'ajouter une précision. Dans le texte de l'AMI du 15 mai, on dit que les mécanismes de règlement des différends représentent le dernier tribunal d'appel. Par conséquent, si l'on passe par le processus de règlement des différends prévu dans le texte de l'AMI du 15 mai et qu'on perd sa cause, on n'a pas d'autres possibilités d'appel. On n'a pas le choix du tribunal, en vertu du texte du 15 mai de l'AMI.
Le président: Monsieur Penson.
M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Je tiens à souhaiter la bienvenue à tous les membres du groupe de témoins d'aujourd'hui. Je pense que vos exposés nous ont aidés beaucoup à mieux comprendre cette question.
Vous comprenez aussi, je pense, que beaucoup d'intérêts canadiens sont en jeu dans l'AMI en cours de négociation, et la culture est évidemment l'un de ces intérêts, et qu'au cours de nos audiences, depuis environ un mois, nous avons entendu beaucoup d'intervenants présenter des positions différentes, certains demandant évidemment une plus grande protection—il y a un groupe d'investisseurs canadiens qui investit quelque 170 milliards de dollars à l'extérieur de notre pays et qui demande une plus grande protection.
Dans ce contexte, lors de sa comparution au comité, le ministre a déclaré que le Canada allait demander une vaste exemption pour la culture. Il a aussi dit que nous ne conclurions pas l'accord si nous ne l'obtenions pas. C'est le genre de questions qui empêcherait le Canada de participer à l'AMI.
Monsieur Kelly, je vois que vous êtes aussi déterminé, quand vous dites que la Conférence canadienne des arts (CCA) demande au comité de recommander notamment que le Canada affirme qu'en l'absence d'une exemption culturelle absolue, sans mesures de rétorsion possibles, nous ne participerons pas à l'AMI.
Cela me semble être une affirmation très catégorique, étant donné qu'il y a beaucoup d'autres intérêts canadiens en jeu dans ces négociations.
Si cette question devait nous empêcher de signer l'accord—si le Canada ne participait pas—je ne peux pas comprendre en quoi cela serait mieux pour vous. Le Canada ne reviendrait-il pas à la politique d'investissement contenue dans le chapitre 11 de l'ALENA? C'est de là essentiellement que viennent les plus grandes pressions qui s'exercent sur nos industries culturelles. Vous vous retrouverez avec les exemptions culturelles prévues dans l'ALENA. N'est-ce pas de cela que vous vous plaignez, soit du fait qu'il existe des mesures de rétorsion possibles et que tout est figé, c'est-à-dire que rien ne peut être ajouté? Comment le fait de se retirer de la table de négociation si nous ne l'obtenons pas servira-t-il votre cause?
M. Keith Kelly: Premièrement, avec ou sans l'AMI, nous serons toujours assujettis à l'ALENA et aux restrictions qu'il contient, et c'est là précisément que se trouve le problème.
Il est très important pour nous de dire que même si nous obtenons ce que nous voulons dans l'AMI, cela ne mettra pas fin à nos problèmes en ce qui concerne le traitement de la culture et du commerce. Comme Ivan l'a dit, il y a très peu de points de référence dans les accords de l'OMC ou du GATT. Nous ne savons pas ce qui se passera dans le cas d'accords de l'APEC. Par conséquent, que l'AMI soit signé avec ou sans exemption culturelle, cela ne changera rien au fait que les Américains ont une arme très puissante que nous leur avons donnée dans l'ALENA et l'ALE et qui continuera de nous causer des difficultés. Là n'est donc pas la question.
Mais il y a une limite aux difficultés qu'ils peuvent nous causer aux termes de l'ALENA et de l'ALE. Dans le cadre de l'AMI, sans exemption culturelle... N'oubliez pas que nous travaillons à partir du texte de négociation du 15 mai et je suis persuadé qu'il y a eu des progrès depuis. Les dispositions très étendues contenues dans le texte du 15 mai, comme Garry Neil l'a montré, et comme l'ont dit d'autres personnes, entraîneraient la fin certaine de bon nombre des politiques et des institutions culturelles que nous avons mises sur pied dans notre pays pour servir les Canadiens.
• 1625
Devrions-nous en faire une question décisive pour notre
participation à l'AMI? Nous le pensons. Nous reconnaissons qu'il y
a beaucoup d'autres intérêts en jeu. Mais c'est justement pourquoi
nous parlons d'un débat éclairé sur les éléments de notre
souveraineté politique et culturelle que nous sommes prêts à céder
en échange de la richesse découlant du commerce. Et je ne pense pas
que nous ayons eu une telle discussion dans notre pays.
Dans quelle mesure les Canadiens sont-ils prêts à céder leurs institutions, leur identité, leur protection de l'environnement, leur filet de sécurité sociale et leur système d'éducation dans l'intérêt ou la perspective de la richesse pouvant découler d'accords commerciaux multilatéraux? C'est le genre de débat que nous devons vraiment tenir.
Par conséquent, en l'absence d'un tel débat, nous disons certainement qu'il faut en faire une question décisive quant à notre participation. Si nous tenons un débat national et si les Canadiens disent qu'il faut trouver un autre moyen de régler ces questions, mais si les avantages l'emportent de beaucoup sur les pertes, nous pourrions peut-être envisager une autre solution. Pour l'instant, cependant, comme il n'y a pas de consensus national clair sur la question, nous avons tout autant le droit que ceux qui disent que l'accord doit être conclu à tout prix, de dire que notre participation à l'accord dépend de cette question.
M. Charlie Penson: Je comprends cela, mais si nous ne concluons pas d'AMI, nous avons encore, comme nous venons de le dire, l'ALENA. N'est-ce pas des États-Unis que nous viennent les plus grandes pressions dans le domaine de la culture...?
M. Keith Kelly: Ce n'est pas le seul endroit d'où nous viennent les pressions.
M. Charlie Penson: Je vous demande si c'est la principale source de pression.
M. Keith Kelly: C'est probablement en effet la principale source, mais je pense que nous allons voir cela changer avec le temps. Les États-Unis constituent certainement un élément très important, mais l'OMC... la société hollandaise PolyGram Filmed Entertainment est en train de persuader l'Union européenne de contester auprès de l'OMC notre politique de distribution de films au Canada. Par conséquent, les Américains ne sont pas les seuls à regarder de travers certaines de nos politiques culturelles et à essayer d'utiliser les outils offerts dans ces tribunes internationales pour nous mettre au pas.
Nous devons en réalité voir... et il n'y a pas de solution magique. Je pense que nous nous en rendons compte. Il n'existe pas de solution unique et élégante en ce qui concerne le traitement de questions délicates comme la culture dans le contexte d'accords commerciaux internationaux. Nous devons cependant faire des efforts. Notre organisme le fait justement dans le cadre de son groupe de travail sur la politique culturelle au XXIe siècle. Ce sont des questions dont nous sommes très conscients et qui nous préoccupent beaucoup.
M. Charlie Penson: J'aimerais explorer un autre domaine avec vous—le protectionnisme, en l'occurrence la protection culturelle, si c'est ce que nous voulons. N'y a-t-il pas aussi un prix à payer? Il faut des compromis quelque part, il me semble. Si nous voulons qu'il n'y ait pas de concurrence dans certains domaines, ou si nous voulons subventionner notre industrie, par exemple, ne risquons-nous pas de voir d'autres pays prendre des mesures qui pourraient nuire à nos industries culturelles, en particulier à nos artistes du spectacle?
Je pense par exemple aux visas que les États-Unis ont voulu imposer. La mesure visait probablement davantage le Mexique, mais nous étions inclus et nous avons dû obtenir une exemption. Si nous nous réservons certains domaines en disant qu'ils sont «interdits», ne risquons-nous pas de voir une telle mesure se retourner contre nous, en particulier face aux États-Unis, où l'on pourra dire qu'il nous faudra dorénavant un visa pour aller y travailler? Il sera alors peut-être difficile à nos artistes du spectacle d'aller travailler dans l'industrie cinématographique à Hollywood, ou de travailler à Broadway, ou encore à Nashville, dans le cas de ceux qui font de la musique «country» ou «western». N'y a-t-il pas là un danger?
M. Keith Kelly: C'est pourquoi nous disons que l'exclusion qui serait contenue dans l'AMI ne devrait pas comporter la possibilité de mesures de rétorsion semblables à celles que nous trouvons dans l'ALENA et l'ALE.
M. Charlie Penson: Mais pouvons-nous gagner sur les deux tableaux?
M. Keith Kelly: Je pense que nous le pouvons. Premièrement, j'aimerais contester la notion selon laquelle il s'agit d'une mesure protectionniste. Nous avons des mesures qui garantissent l'existence d'entreprises canadiennes, mais comme 85 p. 100 des périodiques en vente dans les kiosques canadiens sont étrangers, 70 p. 100 des émissions de télévision de langue anglaise sont étrangères, 80 p. 100 des disques vendus sont étrangers, si nous sommes protectionnistes, nous sommes les pires protectionnistes au monde. Soyons donc très francs là-dessus. Ce que nous protégeons, c'est un espace à l'intérieur de notre propre pays, où nos producteurs artisans pourront réaliser des productions pertinentes aux Canadiens.
• 1630
Nous avons une industrie cinématographique de service dans ce
pays où des producteurs du monde entier viennent profiter des
talents canadiens pour produire des films qui sont très peu
pertinents au Canada, et dont ils tirent des profits, mais nous ne
nous y opposons pas. C'est formidable.
M. Charlie Penson: J'aimerais cependant revenir à ma question et s'il n'y aurait pas de danger pour nos artistes qui veulent travailler en dehors de nos frontières, en particulier aux États-Unis? Je sais que vous voulez une exclusion, mais si ce n'est pas possible, n'existe-t-il pas un danger?
J'aimerais que M. Lyman réponde.
M. Peter Lyman: Nous avons assez bien réussi en dépit des politiques nationales d'autres pays, que ce soit l'Australie ou des pays d'Europe, qui ont beaucoup plus de protections que les États-Unis. Par conséquent, si nous régularisons ou harmonisons ces règles dans le cadre d'un régime d'investissement, et si nous laissons de côté les Américains, par exemple, cela pourrait être assez bon pour nous. Je ne pense pas que Keith en particulier s'y opposerait.
La question est de savoir quelles seraient les répercussions sur les États-Unis. Je crains que si nous signons un accord multilatéral sur l'investissement et que si nous nous fions à l'accord avec les États-Unis, l'ALENA, par exemple, des sociétés américaines pourraient invoquer la mondialisation pour utiliser leurs filiales européennes. Supposons que Rupert Murdoch veuille acheter toutes les stations de radiodiffusion du Canada parce qu'il exerce ses activités à partir d'une base européenne. S'il les achète toutes, les Américains vont-ils le laisser faire et dire qu'ils ne peuvent pas les acheter eux-mêmes parce que nous avons l'ALENA? Je pense qu'ils s'efforceraient de contourner cet accord, car je ne suis pas certain que cela les empêcherait d'agir. C'est une façon de faire comprendre l'argument de Keith.
Je pense aussi que nous devons voir comment ce processus d'exclusion ou d'exemption fonctionnerait, car nous vivons dans un monde interdépendant, comme j'ai essayé de le faire valoir tout à l'heure. Même si l'on ne tient pas compte des autres industries, je pense que pour celle-ci, nous devons tenir un débat pendant un an ou deux, afin de voir comment nous pourrions gagner sur les deux tableaux, en quelque sorte. Nous devrons tout simplement nous montrer plus habiles que le reste du monde.
Une solution consisterait à être plus habiles dans nos efforts pour maintenir l'ensemble complexe de mesures que nous avons pour renforcer la culture indigène. Une autre solution consisterait à nous assurer de pouvoir profiter des marchés en expansion.
Restez à l'écoute.
Le président: Merci, monsieur Penson. Monsieur Sauvageau.
[Français]
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): Dans un premier temps, je voudrais remercier les témoins de leur précieuse collaboration et des témoignages très pertinents qu'ils nous ont apportés. Je voulais leur souligner aussi, ainsi qu'au groupe qui va témoigner après, que le Bloc québécois a demandé à ce qu'il y ait plus de temps et non pas une séance de 15 heures à 17 heures et quelque, et que, malheureusement, la contrainte de temps faisant, cela a été refusé. Donc, je pense qu'on a très clairement exprimé la grande préoccupation qu'était la culture dans l'accord de l'AMI, et que nous aurions eu besoin du temps nécessaire pour entendre les témoignages avec peut-être encore plus de groupes sur cette question-là.
Votre témoignage est d'une grande importance, parce que la culture, comme on l'a expliqué, c'est probablement le dealbreaker de cet accord. Lorsque le ministre, et aussi le négociateur en chef, sont venu témoigner devant le comité, ils nous ont bien dit, tous les deux, qu'ils étaient à l'écoute et en attente de vos propositions pour améliorer les positions des négociateurs. Donc, je pense que votre présence ici est très importante.
Je salue aussi la présence de M. Bernier, parce que M. Penson a dit, plus tôt, que cela faisait un mois que nous entendions des témoins et, à ma grande surprise, c'est la première fois qu'il y en a un du Québec qui vient. On en a invité plusieurs. On a souhaité que plusieurs viennent. Vous êtes le premier. Bienvenue à ce comité, et il me fait plaisir de vous voir.
Si vous me le permettez, j'aurais, dans un premier temps, quatre questions.
Plus tôt, vous avez tous les trois parlé de l'appui du Canada au libellé de l'exemption culturelle proposé par la France.
• 1635
Vous avez aussi dit qu'il y avait quelques
problématiques de libellé dans cette proposition. Si
on l'acceptait telle quelle, serait-ce
possible, selon vous, qu'elle soit rapidement contestée
devant les tribunaux, advenant le cas d'un conflit, à
cause de l'aspect vague de la définition du libellé?
Le terme «diversité culturelle» peut-il prêter à confusion puisqu'au Canada il existe deux diversités culturelles? Donc, moi, j'aimerais avoir votre explication sur la définition ou le libellé de la proposition française.
Vous avez parlé du sujet de ma prochaine question, mais j'aimerais en avoir une confirmation. Selon vous, les négociateurs canadiens doivent-ils obtenir, à votre satisfaction, une exception globale sur la culture et, sinon, on ne signerait pas l'AMI. C'est bien ce que vous avez dit? J'aimerais que vous le reconfirmiez.
Ma question suivante s'adresse à M. Kelly, plus spécifiquement parce que, monsieur Kelly, vous avez, plus tôt dans votre présentation, parlé de la proposition qui va nous être présentée un petit peu plus tard par SOCAN. Est-ce que vous recommanderiez que ce soit la proposition de SOCAN qui soit proposée par les négociateurs canadiens? Est-ce que ce serait un pas dans la bonne direction pour les négociateurs?
Et, en ce qui a trait à ma dernière question, quel impact l'AMI aura-t-il sur la capacité des gouvernements provinciaux de protéger les cultures minoritaires comme, par exemple, le fait, pour un gouvernement provincial, de fixer la langue de travail d'une entreprise? La Loi 101, au Québec, pourrait-elle être remise en question si on signe l'AMI sans clause d'exception culturelle? Merci.
[Traduction]
M. Keith Kelly: Je vais commencer par répondre à la dernière question. Comme nous l'avons dit, l'AMI impose ses restrictions à des paliers inférieurs de gouvernement. En ce qui concerne l'investissement, par exemple, lorsque des investisseurs étrangers s'installeront au Canada, en vertu du texte du 15 mai, nous ne pourrons pas leur imposer des restrictions quant au contenu canadien. Nous ne pourrons pas leur imposer l'obligation de s'approvisionner au Canada ou d'embaucher des gens d'une région donnée. Je m'attendrais—je suis persuadé qu'Ivan me reprendra si je fais erreur—à ce que des mesures comme la loi 101 soient très difficiles à maintenir et à imposer à des investisseurs étrangers, par suite de l'adoption de l'AMI.
Vous pourriez sans doute encore les imposer aux Canadiens, mais je ne pense pas que vous pourriez les imposer à des étrangers.
[Français]
M. Ivan Bernier: Je divergerais peut-être un peu de vue là-dessus parce que, dans le cadre des négociations soit de l'ALENA—je pense, certainement de l'ALENA—on a posé la question à savoir si la langue d'étiquetage des produits ou la langue pouvait devenir un obstacle qui devait disparaître et la réponse était non, dans la mesure où les exigences linguistiques sont imposées à la fois aux entreprises domestiques et aux entreprises étrangères. À ce moment-là, ce serait le traitement national qui deviendrait la norme et ils seraient traités comme sont traitées les entreprises canadiennes ou les entreprises québécoises. Enfin, c'est ma conception de ce qui se passerait sur ce point-là.
Monsieur Kelly, pensez-vous que la proposition de SOCAN serait un pas dans la bonne direction et ce qu'on devrait proposer aux négociateurs dans...
[Traduction]
M. Keith Kelly: C'est un travail en cours, je devrais le préciser. Nous trouvons ça très intéressant; nous aimerions avoir plus de temps pour l'examiner et consulter nos collègues dans le reste du pays pour voir si cela répond vraiment à leurs besoins. Nous avons deux versions jusqu'à présent. Une, écrite par Merilyn Simonds, est un cadre de profane pour une exception. Puis nous avons la version «juridiquement compétente», disons, que SOCAN a rédigée en langue juridique, mais c'est sûrement un pas en avant.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: On confirme tous ici que, si on n'a pas, à notre satisfaction, une clause d'exception culturelle dans l'AMI, on devrait proposer au négociateur canadien de refuser de signer cet accord.
[Traduction]
M. Peter Lyman: Je ne serais pas aussi catégorique, mais encore une fois, dans les négociations, il faut attendre de voir ce qui est sur la table. Si vous faites 95 p. 100 du travail, c'est sans doute mieux que de rompre un marché. Je ne pense pas qu'on arrivera à ça. C'est quelque chose à quoi tiennent autant les autres pays et nous allons travailler avec eux.
S'il faut sacrifier la culture et tout le reste, je dirais d'abandonner le tout, mais s'il s'agit de réserves spécifiques à un pays, qui prennent une forme particulière, ce sera peut-être tout aussi efficace. Il est trop tôt pour le dire.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: D'accord.
M. Ivan Bernier: Je partage exactement ce point de vue. Cela va revenir éventuellement à une question d'évaluer vraisemblablement le type de réserves qui seront autorisées et la portée de ces réserves-là.
Là-dessus, il n'est pas impossible qu'on puisse voir qu'il y a un abaissement des exigences du Canada, c'est-à-dire qu'à partir d'une exigence a priori très forte, on en vienne à accepter quelque chose qui soit beaucoup moins exigeant en ce qui concerne la culture.
M. Benoît Sauvageau: Ai-je encore un peu de temps, monsieur le président?
Je reviens à ma première question, qui portait sur le libellé de la proposition française. On a parlé des termes «diversité culturelle». Considérant la réalité canadienne, ces termes-là peuvent-ils être interprétés différemment ou de façon, je dirais, à amener contestation du libellé lorsqu'on parle de diversité culturelle?
M. Ivan Bernier: Bien, moi je crois que c'est une expression qui demeure assez ambiguë lorsqu'on l'observe à prime abord. C'est assez intéressant comme formule, parce qu'on a changé... L'argument traditionnel pour justifier les causes d'exception culturelle était celui de la culture nationale ou de l'identité nationale.
Là, il y a un changement qui s'est opéré en Europe sur cette question. J'ai pu voir cela pour avoir assisté à des colloques en Europe sur la question de la clause d'exception culturelle, ce changement vers une argumentation basée sur la diversité culturelle.
Par diversité culturelle, ce que l'on veut entendre de ce que j'ai compris, c'est à la fois une présence nationale, mais aussi des présences étrangères, et surtout le non-monopole ou l'absence de monopolisation d'un secteur culturel par une production bien identifiée qui domine le tout. À la limite, cela pourrait justifier des mesures positives pour favoriser l'entrée de productions étrangères. Je serais certainement très favorable à cela.
Je pense qu'en matière de cinéma, notre capacité de voir un cinéma, autre que soit canadien ou surtout américain, est absolument remarquable. Je ne comprends pas comment on puisse en être rendu là.
Le président: Thank you.
M. Benoît Sauvageau: Si vous me le permettez, c'est une conclusion, ce n'est pas une question. Je vais devoir malheureusement quitter à 17 heures, mais ce n'est pas par manque d'intérêt. J'ai une obligation, donc, je m'en excuse. Mais il y a un autre député du Bloc qui va me remplacer. Merci.
[Traduction]
Le président: Avant que vous ne partiez, monsieur Sauvageau, je veux corriger quelque chose que vous avez dit. Vous avez dit que M. Bernier avait l'honneur d'être le premier Québécois à présenter un mémoire devant le comité, mais M. Stinson du groupe des pâtes et papiers a été le premier Québécois à venir ici.
Monsieur Brison.
M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Moi aussi je suis heureux de votre participation ici aujourd'hui. Cela nous donne une autre facette de ce problème très complexe.
J'ai noté ce que M. Lyman a dit à propos de l'accès canadien aux marchés étrangers et de l'accès aux capitaux étrangers pour les compagnies et les intervenants culturels canadiens. Une exception ou une réserve, c'est une arme à deux tranchants qui limite les débouchés qui s'offrent aux Canadiens sur le marché international. Il faut soigneusement en tenir compte. Je voudrais que vous développiez le sujet et que vous nous parliez des risques que présentent les exceptions et les réserves pour les Canadiens. C'est ma première question.
• 1645
Deuxièmement, il faut aussi savoir que le commerce représente
la démocratisation des marchés et permet au consommateur de prendre
des décisions.
J'aime bien le Globe and Mail, mais je ne me passerais pas de mon New York Times du dimanche. J'aime Maclean's parce que ça me donne le point de vue du Canada sur certains dossiers, et parfois je trouve que The Economist présente une vision plus juste des problèmes canadiens que ne le fait Maclean's. The Next City est une excellente publication canadienne. De fait, dans le numéro de cette semaine, on attribue à Maude Barlow le mérite d'avoir aidé Conrad Black à bâtir son empire de nouvelles canadien.
Je cite:
-
Barlow a contribué à créer l'empire d'édition de Black de deux
façons. Évincer les étrangers signifie éliminer la quasi-totalité
des repreneurs potentiels de journaux canadiens, ce qui en fait un
marché d'acheteurs pour tout Canadien qui possède les capitaux et
les ambitions qu'il faut.
Voilà un exemple de la façon dont des politiques de luddites peuvent créer des risques beaucoup plus grands que la concurrence étrangère.
Quoi qu'il en soit, j'aimerais savoir ce que vous pensez des risques, d'abord. Deuxièmement, vous avez aussi parlé du démantèlement et du statu quo. Mais il y a aussi le démantèlement soulevé par la Western Governors Association qui s'appliquerait aux réserves par pays. J'aimerais bien voir une exemption culturelle qui n'empêcherait pas les intérêts culturels canadiens... Nous avons le meilleur talent culturel au monde et je ne voudrais surtout pas que dans notre empressement à protéger ces gens-là des risques des marchés étrangers, nous les empêchions de profiter des débouchés offerts par les marchés étrangers.
Voilà quelques-unes de mes positions. Allez-y.
Le président: Monsieur Lyman.
M. Peter Lyman: Premièrement, je suis heureux que vous aimiez Maclean's parce que comme vétéran qui remonte à l'époque du C-58, je sais que cela tient en partie à la politique canadienne qui a permis à ces magazines d'exister. Vous avez donc le choix entre le New York Times, le Globe and Mail et Maclean's.
C'est le cas pour tous les mécanismes de sport. Le but n'est pas d'empêcher les gens d'avoir accès à d'autres publications, mais d'avoir le meilleur du Canada illustré dans des situations canadiennes.
Évidemment, cela peut se traduire par une réception plus hostile à la frontière pour certains Canadiens, mais au bout du compte, s'ils sont vraiment bons, Hollywood voudra d'eux. Hollywood peut les faire venir et ils continueront à jouer, à se produire et à faire des scénarios pour l'industrie américaine du spectacle. Nous sommes en situation de concurrence, ce qui nous donne plus de possibilités de voir et de lire des choses. Il faut que notre capacité de production ait la masse critique pour que nous puissions nous faire entendre au-delà du tumulte parce qu'il y aura plus d'options.
Pour ça, on pourrait tout mettre dans une institution publique, leur dire de créer des bijoux qui se distingueraient du reste. Mais essayer d'avoir le beurre et l'argent du beurre, oui, nous pouvons faire ça, nous pouvons prendre des fonds publics et faire ça grâce à des instruments comme Radio-Canada, l'ONF, mais il faudrait aussi créer les conditions où nous pourrions avoir plus de fonds étrangers investis dans les productions canadiennes, qui vont évidemment varier dans tout l'éventail de ce qui a été appelé «purement industriel» jusqu'à quelque chose qui reflète davantage notre culture indigène.
C'est ça le risque de se replier sur soi-même. Je ne dis pas que c'est tout ce que... la CCA est un groupe reconnu qui représente des institutions culturelles et il est très impressionnant de constater qu'elle a abouti à ce genre de traitement d'une question commerciale. Ses représentants sont évidemment extrêmement prudents et disent au Canada de gérer cette négociation commerciale prudemment, mais au bout du compte, pour protéger et renforcer notre culture, il nous faut des ressources. Certaines de ces ressources vont venir d'autres pays.
• 1650
Le danger c'est, si nous y faisons obstacle... Vous savez, si
des réseaux américains bloquaient le contenu canadien? Ça grugerait
50 p. 100a de nos droits de licence pour les trois quarts du
produit venant des grandes compagnies de production canadiennes.
Évidemment, c'est quelque chose que nous voulons éviter, et je ne dis pas que si vous êtes trop vigoureux dans un domaine cela va vous retomber sur le nez, et vous avez raison; il faut examiner l'autre côté de la médaille.
M. Scott Brison: D'autres réactions?
[Français]
M. Ivan Bernier: Brièvement, je voudrais simplement dire que je pense que c'est clair qu'il y a toujours une contrepartie et que, de plus en plus, on est intéressé aussi à exporter. Il faut prendre en considération cette autre dimension, que l'investissement est aussi important, et que le Canada, depuis longtemps, cherche à attirer l'investissement étranger ici au pays. C'est clair qu'on n'est pas prêt de renoncer à une stratégie de cette nature-là.
Cela dit, je pense qu'il faut quand même reconnaître que, faire inscrire, dans un accord comme l'accord multilatéral sur l'investissement, une clause culturelle, qu'il s'agisse d'une réserve ou qu'il s'agisse d'une clause générale, ne veut pas dire que le Canada est sur le point de devenir extrêmement protectionniste ou plus protectionniste.
Je pense que le vrai problème, en ce qui a trait au Canada, c'est d'avoir la possibilité d'examiner lui-même quelles sont la portée et les conséquences de ses législations, plutôt que se voir imposer la chose par l'extérieur. Dans la mesure du possible, il faut chercher à préserver cette liberté de s'autocritiquer nous-mêmes sur ce que nous faisons, et de s'autocritiquer vraiment. Je pense qu'il y a des choses à regarder. Ce n'est pas vrai que tout est efficace, et ce n'est pas vrai qu'on réussit à bien faire tout le temps ce qu'on doit faire pour la culture.
Cela dit, je souhaite que ce sera fait d'abord et avant tout dans un contexte canadien plutôt qu'imposé par l'extérieur.
[Traduction]
M. Scott Brison: Je suis heureux de voir que l'on comprend les risques de... Je n'aime pas parler de «mesures protectionnistes», mais...
M. Keith Kelly: Mais si vous employez le mot «luddite»...
M. Scott Brison: Ce n'est pas vous que je décrivais, forcément. Ce n'est pas votre position à vous que je qualifierais de luddite.
En ce qui concerne les risques des mesures qui peuvent nous empêcher d'être présents sur la scène internationale, je suis très inquiet de ces choses. Nous sommes de plus en plus un marché mondial. La participation ou la non-participation du Canada ne peut pas nécessairement y changer quoi que ce soit. Nous pouvons contribuer au processus. Mais une des choses que nous essayons de créer au Canada, c'est le multiculturalisme. Nous avons une politique multiculturelle vigoureuse. Un des avantages de la réduction des barrières à la culture du reste du monde c'est que nous montrons aux Canadiens, et aux jeunes Canadiens, potentiellement, la culture du reste du monde. Donc, d'une certaine façon, nous pouvons renforcer ça sans politique directe d'intervention du gouvernement. Nous pouvons en fait réduire une partie des barrières à un moment donné.
M. Keith Kelly: Cela sonne bien quand vous le dites vite. La réalité toute simple...
M. Scott Brison: J'ai parlé lentement.
M. Keith Kelly: ... c'est que les Canadiens ont déjà une surabondance de produits culturels à leur disposition venant de partout au monde. Quand on allume la télévision, on peut déjà le voir. En tout cas, dans les librairies, on n'exclut rien.
J'imagine que ce qui est au coeur du problème, c'est la question de savoir si nous pouvons toujours nous parler nous-mêmes. Pouvons-nous protéger la capacité de montrer aux Canadiens un reflet de l'expérience canadienne, la diversité de l'expérience canadienne? Ce n'est pas la même chose pour tous les Canadiens.
M. Scott Brison: Cela m'inquiéterait si quelque chose que nous faisons ici pour veiller à ce que nous puissions nous parler empêche quelqu'un comme Michael Ondaatje de vendre ses livres aux États-Unis ou de contribuer à un livre qui a abouti à un film, Le patient anglais. Ce sont des produits qui sont bien vus aux États-Unis. Tom Fitzgerald, d'Halifax, a fait The Hanging Garden, qui prend l'affiche aux États-Unis et qui fait recette.
• 1655
Je reconnais qu'une partie de la culture qui a produit ces
films faisait partie d'un plan du gouvernement qui voulait protéger
la culture.
M. Keith Kelly: Non, projeter la culture, pas protéger la culture; projeter notre propre culture. C'est une distinction importante.
Je voudrais dire une autre chose à propos de la mondialisation et de la nouvelle technologie. Il y a tant de gens qui parlent de la mondialisation de la planète et qui disent que nous ne pourrons pas contrôler toutes ces nouvelles technologies, alors pourquoi se battre? Je trouve ça défaitiste. Si le monde rapetisse et si les puissances mondiales prennent de l'expansion et empiètent non seulement sur la vie des Canadiens mais sur celle des autres pays, n'est-il pas temps pour nous de nous servir de ces forces positivement?
Quelles sortes de valeurs est-ce que les Canadiens et les autres peuples veulent voir protégées dans un monde mondialisé, au lieu de laisser toutes les décisions être prises dans les salles du conseil des compagnies qui se trouvent partout dans le monde? Nous avons encore des droits nationaux et des droits de l'homme dans un monde mondialisé, mais nous accordons peu d'attention à ces considérations lorsque nous parlons de la force irrésistible des nouvelles technologies et de la mondialisation.
M. Scott Brison: Monsieur Kelly, je serais d'accord avec vous sur un point, à savoir que quelque chose d'aussi important et d'aussi global que l'AMI mérite un plus grand débat public. Mon parti, le Parti conservateur, préconise depuis longtemps la libéralisation des échanges, mais nous avons mené une campagne électorale sur ce thème et nous l'avons soumis directement à la population et nous lui avons permis de participer dans une très large mesure au processus. Je pense que c'est très différent de la façon dont la question est abordée aujourd'hui.
Merci beaucoup.
M. Peter Lyman: Votre parti, évidemment, est celui qui a lancé certaines initiatives culturelles nationales...
M. Scott Brison: Tout à fait.
M. Peter Lyman: ... et vous avez donc des racines historiques profondes dans ce domaine.
J'ajouterai aussi que c'est un peu dangereux de ne pas être clair et de dire, écoutez, si vos étoiles ne se vendent pas dans le monde, ce sera à cause du fait que nous avons cette position de négociation ferme. Je ne pense pas que vous puissiez établir si facilement ce lien. Il n'y a pas de cause à effet. Il faut être beaucoup plus précis et demander ce qui arriverait si ça ne s'inscrivait pas dans la courbe.
J'en reviens au secteur multiculturel. Je vous rappelle que nous, à cause des politiques précises que nous avons, avons créé des instruments dans, mettons, les secteurs de la télévision et de la radio qui sont beaucoup plus raffinés que ceux des États-Unis sur le plan du multiculturalisme ou de l'expression dans de tierces langues, à distinguer de toute la question des deux langues. Donc, ce n'est pas seulement l'intrant des pays étrangers que les Canadiens peuvent voir, mais aussi les Canadiens des autres groupes linguistiques qui peuvent se parler entre eux parce qu'il y a beaucoup de produit indigène là-dedans.
Nous ne voulons donc pas avoir de règles qui nous empêchent de réglementer et de structurer le marché de façon à ce que ces forces puissent émerger. Nous ne voulons pas de cela dans notre pays. Nous ne serions tout simplement plus un pays.
Le président: Merci, monsieur Lyman. Nous devons continuer.
Je suis certain que M. Brison ne voulait absolument pas dire que notre comité limitait le débat à cette question.
Je voudrais tout simplement rappeler aux collègues et aux membres du comité que nous voyons le plus de groupes possible ici à Ottawa avant de présenter un rapport. Comme vous le savez monsieur Brison, nous voulons présenter un rapport avant janvier, quand d'autres négociations et d'autres débats se dérouleront à l'OCDE. Notre comité a cependant l'intention de continuer à examiner cette question, en fait, jusqu'à ce qu'un accord soit signé, que ce soit en avril, en mai ou à n'importe quel moment où ils décideront de le faire.
M. Scott Brison: Ce que je disais, monsieur le président, c'est que c'est très bien d'avoir ce genre de débat, mais étant donné le degré d'engagement dans ce genre de débat, je crains qu'en raison du manque d'informations, franchement, une mauvaise information peut souvent détruire les arguments en faveur de l'AMI tout autant qu'elle peut attaquer... Une mauvaise information, la désinformation ou une information alarmiste peut certainement nuire à l'appui à l'égard de l'AMI.
• 1700
J'ai donc fait remarquer que notre parti a fait une campagne
électorale sur la question commerciale et que cela a donné de bons
résultats en ce moment-là.
Le président: Comme vous le savez, dans ce domaine, les choses peuvent changer très rapidement.
Je vais maintenant passer à un de nos acteurs à temps partiel membres de notre comité, M. Reed, qui est peut-être en fait homme politique à temps partiel et acteur à temps partiel.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): Je suis ici parce que j'étais un mauvais acteur.
Si vous me le permettez, je vais rassurer M. Brison au sujet de ses préoccupations. Si la culture ne fait pas partie de l'accord, alors on peut examiner la situation et la compétitivité du Canada à l'heure actuelle. Je pense que ce groupe de témoins nous a dit clairement que, peu importe qu'il s'agisse d'une exemption absolue, d'une restriction totale ou d'une réserve universelle, peu importe comment on choisit de l'appeler, le message est le suivant: Cela doit être exclu et qu'on en finisse.
En faisant cela, je ne vois pas ce qui empêcherait nos écrivains et nos artistes, etc., de continuer comme ils l'ont fait aussi glorieusement dans d'autres régions du monde. Les arts de la scène sont une de nos principales exportations. Il y a de nombreux Canadiens qui se trouvent à Los Angeles à l'heure actuelle, même si ce n'est pas toujours à notre avantage.
La question de l'extraterritorialité—si je peux utiliser ce terme un peu compliqué—a été soulevée. C'est l'une des raisons pour lesquelles le Canada aimerait un AMI, si nous pouvions faire en sorte que 29 pays se mettent d'accord, ce qui risque d'être impossible.
L'extraterritorialité est un problème qui touche le Canada depuis de nombreuses années. On pense aussitôt à la Loi Helms-Burton, mais c'est quelque chose qui a été imposé dans une moindre mesure il y a 40 ans, lorsque la politique étrangère américaine a été imposée aux sociétés à capitaux américains ici au Canada.
J'en parle, en ayant moi-même fait l'expérience, car j'ai travaillé dans une industrie qui a été vendue à des intérêts américains, une industrie qui faisait affaire avec Cuba et qui s'est aperçue tout à coup qu'on avait inscrit sur un connaissement qui était traité à Chicago qu'il était contraire à la politique étrangère américaine ici au Canada. À l'époque c'est quelque chose que j'avais trouvé très contrariant. Je trouve que le ressentiment aujourd'hui est encore plus profond qu'il ne l'était à l'époque. L'un des objectifs ou l'un des espoirs des négociations, c'est d'arriver à quelque chose de positif sur la question de l'imposition extraterritoriale, d'un pays à un autre.
Monsieur Bernier, vous avez soulevé la question. L'aviez-vous soulevée dans le contexte des arts?
[Français]
M. Ivan Bernier: Simplement pour montrer que les États-Unis pouvaient utiliser une clause comme celle de la sécurité nationale qui est une clause à toute épreuve. S'il le fallait, idéalement, nous devrions mettre la culture sous la sécurité nationale, et là, on serait complètement préservé. Eux, ils peuvent le faire parce que tout est sécurité nationale pour eux; nous, on ne peut évidemment pas prétendre la même chose.
En tout cas, on ne peut faire ce genre de choses-là.
• 1705
C'est un peu un problème. Lorsqu'on est dans les
négociations, il faut bien voir que l'angélisme
et toutes les bonnes intentions, ce n'est pas
nécessairement l'essentiel de ce qui se passe. Chacun
défend souvent ses intérêts d'une façon très serrée
et c'est pour cela que j'ai dit que, dans la
négociation, il faut maintenir une position ferme, parce que les
États-Unis, sur ce qui les intéressent, vont toujours
maintenir des positions extrêmement fortes.
Ce que l'on peut décider, nous, et ce qu'on peut chercher à faire valoir, il faut le faire valoir d'une façon forte. C'est clair que, si les États-Unis, en matière d'investissement, continuent de faire valoir la sécurité, et je pense qu'ils vont le faire, cela donne une arme de plus au Canada pour dire, oui, nous, on peut maintenir ce qu'on veut.
[Traduction]
Le président: Madame Lill.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci.
Je vous suis reconnaissante de l'occasion qui m'est donnée de prendre la parole ici aujourd'hui. Je suis membre du Comité du patrimoine. Il était important pour moi de venir écouter ce qu'ont à dire au sujet de l'AMI les représentants du secteur culturel.
J'ai bien aimé entendre toutes les questions, car cela me rappelle un poème d'un homme qui s'appelle T.S. Eliot. Il parle d'un patient qui se fait anesthésier sur une table. Je pense au concept de la culture et je pense que nous devons travailler extrêmement fort de nos jours pour même essayer de réfléchir à ce qu'est la culture. Elle nous a tellement dépassés, en un sens. Nous pensons à un environnement concurrentiel et à une masse critique de capacité de production et nous perdons de vue ce que signifie la culture.
J'ai eu un merveilleux exemple de culture hier soir. J'assistais à la lecture des livres qui ont reçu un prix du Gouverneur général, et j'ai entendu des histoires au sujet de gens qui mendiaient à Vancouver, et un roman historique, dont on a lu de nombreuses pages, au sujet des aspects géographiques de ce qu'on appelle le géant endormi, c'est-à-dire la forme du relief à l'extérieur de Thunder Bay. Je vous donne ces exemples car je doute fort que cela puisse avoir beaucoup d'intérêt pour les marchés internationaux, et je pense que nous devons essayer de nous rappeler de ce que nous voulons que les artistes canadiens continuent de nous parler ici au pays.
Je voudrais poser des questions à notre groupe de témoins quant à l'impact qu'aura cet accord, mais tout d'abord j'aimerais voir si nous pouvons peut-être un peu parler de culture. Je pense que la culture est quelque chose de très fragile, mais également quelque chose de très féroce. Elle continue d'exister malgré tout le reste.
Pour revenir à la question de la fragilité de la culture, qu'arrive-t-il à ces histoires que nous voulons raconter au sujet de nos petites collectivités? Qu'arrive-t-il aux pièces qui sont écrites au sujet de l'autonomie gouvernementale autochtone sur une réserve; ces petites histoires canadiennes à la page qui, en fait, continuent de nous donner l'impression d'être un peu différents des émissions comme Home Improvement, l'impression qu'en fait, nous avons un monde qui est différent et auquel nous pouvons nous raccrocher?
Nous comptons plus d'un million de travailleurs culturels dans notre pays. Quel sera l'impact de cet accord commercial sur ces travailleurs? Parlons un peu de la situation économique de ces personnes. Que va-t-il arriver à certains de ces travailleurs s'ils ne peuvent assurer la protection de la production de leurs toutes petites oeuvres qui sont cependant très puissantes?
Ce sont des questions confuses car lorsqu'on parle d'art, on ne parle pas uniquement de commerce. On parle de questions spirituelles et de questions confuses.
Nous allons commencer par ces questions.
Le président: Monsieur Kelly.
M. Keith Kelly: L'autre jour quelqu'un m'a demandé si j'étais préoccupé par cette question parce que je voulais que nous perdions nos emplois. Je ne m'inquiète pas de la capacité des artistes canadiens de trouver un emploi et de se distinguer dans l'environnement dans lequel nous nous retrouvons. Quoi qu'il en soit, il ne s'agit pas de cela. Ce dont il s'agit ici, c'est du droit des Canadiens de refléter leurs propres expériences. Il s'agit de la capacité canadienne de travailler avec d'autres Canadiens pour le faire.
• 1710
Les arts vont-ils survivre dans une mondialisation élargie par
l'AMI? D'une certaine façon, ils survivront, mais personne ne le
saura, car nous aurons perdu le contrôle des outils dont nous nous
servons pour appuyer la création et la créativité. Nous n'aurons
plus accès à nos réseaux de distribution qui seront achetés par des
étrangers, et les décisions seront prises ailleurs. Nous serons
peut-être une curiosité, dans certains de ces réseaux de
distribution.
Il ne sera pas facile pour les Canadiens de se trouver dans ce nouvel univers, à moins que nous prenions activement des mesures qui donneront assez d'espace pour que l'imagination canadienne puisse être vue et appréciée et enrichie par des artistes et par le public. Voilà ce qui est en danger.
L'ingéniosité, le talent peuvent certainement s'exercer à Los Angeles aussi bien qu'à Toronto, comme nous le savons. Mais que font-ils? Est-ce qu'ils sont un prolongement de la façon dont les Canadiens se voient, ou est-ce qu'ils ne font que perpétuer les émissions de télévision et les films stupides et bêtes que nous voyons aux États-Unis?
Le président: Monsieur Bernier.
[Français]
M. Ivan Bernier: Le problème, d'une certaine façon, est précisément celui que vous avez soulevé, c'est de dire: «qu'est-ce que c'est que cette culture qu'on veut protéger?». De façon encore plus précise, je dirais que c'est: «qu'est-ce que l'on veut protéger?» Est-ce que c'est tout, est-ce que c'est tout ce qui a le moindrement une connotation culturelle ou est-ce que c'est certains aspects? Quelles sont les valeurs? Quelles sont les choses que l'on veut véritablement protéger?
Je pense que, de ce point de vue, la difficulté qui se pose est celle d'un constat qui est qu'il y a une partie de la culture qui passe par les industries culturelles qui peuvent avoir des objectifs d'exportation, des objectifs de production, des objectifs de réussite, de profit, etc.
Et, en même temps, derrière tout cela, il y a la dimension proprement culturelle qu'on n'arrive pas, en tout cas, à bien cerner dans ce débat. Je sais ce que vous voulez dire et je pense que je suis absolument d'accord, mais comment introduire dans ce débat, d'une façon absolument convaincante et qui puisse servir de base à des politiques claires, cette notion de la culture, ce que l'on veut vraiment préserver, par opposition à ce qui serait autre chose, qui serait l'autre dimension.
Le problème, à mon sens, du débat actuel, c'est que l'on traite à la fois du produit culturel sous deux faces, à la fois sa dimension culturelle et sa dimension industrielle. Donc, quelque part, il faudrait peut-être arriver à tracer une ligne et dire: «en quoi est-ce que...?» Ma propre vision de la chose, ce qu'il importe d'abord et avant tout de protéger, c'est une présence canadienne dans le secteur et dans tous les domaines de la culture, parce que cette présence est essentielle à un débat démocratique de société.
Mais, comment transposer ces choses-là d'une manière claire pour que, au plan des politiques, on puisse dire: «cela, c'est le bottom line, les choses arrêtent là». C'est pour cela que, pour le moment, ce que j'affirme moi-même, c'est que la clause nécessaire, l'exception culturelle est nécessaire, parce qu'on doit avoir la possibilité de réfléchir nous mêmes sur ces choses-là sans être immédiatement contraints de tout jeter à terre.
[Traduction]
M. Peter Lyman: De façon générale, les producteurs canadiens—qu'il s'agisse d'une maison d'édition, d'un éditeur de musique, d'un télédiffuseur ou autre, d'une façon ou d'une autre, contribuent beaucoup plus au développement et à l'encouragement des expressions culturelles qui dépendent d'eux.
Si vous êtes dramaturge, ou écrivain, vous devez manger. Vous devez pouvoir compter sur autre chose que le Conseil des arts du Canada. C'est une façon de le faire; encore une fois, vous pouvez n'avoir que cela. Mais si vous voulez que des recettes commerciales reviennent aux créateurs, alors comme Keith l'a dit, il faut un réseau de distribution qui puisse s'occuper d'eux et les présenter de diverses façons. Lorsqu'on parle de culture, il faut qu'il y ait un appui économique.
• 1715
Je pense que si nous avions un AMI qui ne prévoyait aucune
exemption, dans 10 ans, les maisons de disques, les maisons
d'édition et les télédiffuseurs appartiendront à des intérêts
étrangers, alors ces gens n'auront aucune possibilité de
s'exprimer.
Si on parle des exportations étrangères, vous avez raison, cela est différent. Ce que nous disons ici, c'est qu'il faut s'assurer que les Canadiens peuvent parler aux Canadiens. C'est juste qu'à mesure que les enjeux augmentent, il faut une équipe plus importante, il faut avoir un auteur qui puisse consacrer plus que le minimum de temps pour créer un dialogue, et il faut alors plusieurs sources de revenu.
Je pense qu'à l'heure actuelle il est plus facile de produire un film comme Hanging Garden car il existe des compagnies de production canadiennes qui ont des divisions de distribution pour vendre ce film à l'étranger et que, par conséquent, cela leur rapporte un revenu étranger qui leur permettra de produire leur prochain film. Ainsi, on a un long métrage présentant une histoire canadienne qui est une forme d'art très pure. C'est à ce niveau que cela compte.
Vous avez cependant raison, habituellement, dans la plupart des cas, on parle de la scène canadienne.
Mme Wendy Lill: Je vais revenir à ce patient qui est arrivé sur la table. En fait, je suis assez au courant du film The Hanging Garden. Il est très heureux que ce film ait été produit et, miraculeusement, il a été retenu. Il s'agit d'un parmi des milliers de films, un parmi de nombreux bons films, qui a été retenu, car il a un certain type de beauté qui suscite un intérêt mondial. Les Américains le savaient. C'est pourquoi ils l'ont retenu. Je pense que c'est un point important à retenir.
Nous ne devons pas oublier que nous devons permettre que nos propres voix soient entendues, même si d'autres personnes ne sont pas intéressées à les entendre. Si elles ne sont pas intéressées à les entendre, cela ne veut pas dire que nous devrions arrêter de parler. C'est justement ce que je crains, que nos voix deviennent tout simplement silencieuses.
Je suis fort préoccupée par les ententes. Je sais que l'on conclut des ententes et qu'il y a toutes sortes de choses qui se produiront au cours de ce processus. Avons-nous suffisamment de temps pour cela? Avons-nous mis en place un processus qui permette à suffisamment de gens de faire part de leur point de vue sur la question? À la onzième heure, qu'est-ce qui pourrait faire échouer toutes ces merveilleuses choses dont on parle à l'heure actuelle, que nous espérons réussir à inclure dans cet accord pour sauver notre espace culturel au Canada? Que va-t-il réellement arriver ici?
Le président: Monsieur Bernier.
M. Ivan Bernier: Je pense que nous commençons à manquer de temps.
Le président: Nous avons un peu dépassé le temps qui avait été alloué. Je pense que la chirurgie devrait être très rapide.
Mme Wendy Lill: La chirurgie effectuée sur le patient.
Le président: Monsieur Bernier.
[Français]
M. Ivan Bernier: Il reste que le temps court vite, c'est-à-dire que les prochaines négociations s'en viennent, celles de l'an 2000 sur les services, entre autres, où on va probablement aborder, entre autres choses, ce qui est capital à mon sens, les subventions aux services y compris les services culturels. Ce je disais plus tôt du National Endowment for the Arts, ce n'est pas une fiction; c'est quelque chose qui est là. C'est donc que le problème est posé et il faut réagir.
Je pense que le processus a vraiment pris un certain envol. Depuis peut-être six à huit mois, il y a plusieurs choses qui se sont produites. J'ai participé à plusieurs rencontres à Montréal, à Ottawa et ailleurs sur des thèmes comme ceux-là. Il y a quelque chose qui est circulaire. On n'arrive pas à sortir encore très bien de considérations à la fois, oui il y a une dimension industrielle, mais il y a une dimension culturelle. C'est comme si on n'arrivait pas à imbriquer les deux choses en même temps et leur donner une réalité.
Je pense que c'est à cela surtout qu'il faudra arriver à dire: «Voici ce que l'on veut vraiment pour notre secteur culturel». Il y a plusieurs demandes et je ne nie pas que tous les secteurs culturels soient très présents. En rapport avec les négociations, en rapport avec toutes ces discussions qui ont cours actuellement, je pense qu'il y a quelque chose qui manque dans l'argumentation, qu'on va devoir définir d'une façon plus claire. Il y a aussi peut-être une meilleure compréhension de ce que nous faisons maintenant vraiment et cela fait aussi partie du débat. Est-ce qu'on fait correctement ce qu'on doit faire maintenant? Cela m'inquiète.
[Traduction]
Le président: Merci, monsieur Bernier.
Collègues, nous avons maintenant beaucoup de retard.
Vous avez la parole, monsieur McKay.
M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci aux témoins pour leur témoignage.
L'une des choses que j'ai apprises depuis les quelques mois que je suis ici, c'est que la Loi de Murphy triomphe toujours, c'est-à-dire qu'il y a toujours des conséquences inattendues. C'est presque une vérité du Mont Sinaï. Je suppose que nous en avons eu un exemple avec l'aide de Mme Barlow pour M. Black. J'espère que M. Black la remerciera au moins en lui envoyant une carte de Noël.
Nous constatons également que M. Asper ne semble pas avoir besoin d'une grande protection culturelle.
Je serais curieux de savoir—je suis particulièrement intéressé par ce que vous avez à dire sur la question, monsieur Lyman, mais également parce que les autres témoins ont à dire—si on devrait envisager de faire une analyse sectorielle de la protection de la culture contrairement à ce qui semble être une approche presque excessive à la protection de la culture—notamment cette formule qu'on a du côté français, qui permet toutes sortes d'interprétations.
Y a-t-il une raison de penser de cette façon plutôt que d'adopter l'approche qu'on a du côté français.
M. Peter Lyman: Tout d'abord, au sujet de M. Asper, je pense qu'il serait le premier à dire que son succès considérable est attribuable au réseau de radiodiffusion canadien. Il a profité des protections du marché qui ont été conçues pour appuyer des gens comme lui. Il en a certainement beaucoup profité.
En ce qui concerne l'analyse sectorielle, je vous ferai remarquer que Statistique Canada a entrepris une opération énorme pour tenter de définir ce que renferme le secteur de la culture. On pense que c'est une question à laquelle il est facile de répondre, mais si l'on considère la définition de l'UNESCO, on s'aperçoit qu'elle englobe certaines choses et pas d'autres, et on n'est peut-être pas d'accord. En fait, il y a tout un débat à cet égard. Les modèles de flamands rose en plastic font-ils partie de la culture? Écoutez, ils sont définis comme tels dans la définition de l'UNESCO, tandis que la publicité ne l'est pas. On entre dans ce genre de débat.
Le Canada fait beaucoup d'efforts pour définir ce qu'est et ce que n'est pas la culture. En vue des rondes de négociations comme celles-ci au cours des prochaines années—les négociations entourant l'AMI étant les premières, mais il y aura ensuite le GATT, comme Ivan le disait, à compter de l'an 2000—on serait porté à croire qu'on aura peut-être des définitions du genre: «ceci est de la culture, et ceci n'en est pas», mais à l'intérieur de cela, étant donné que les industries sont très différentes les unes des autres et exigent peut-être un traitement spécial, c'est peut-être ce qui arrivera.
L'ennui, c'est qu'on se retrouve avec une approche basée sur les règles pour négocier dans le secteur culturel, comme dans les autres. Nous n'avons pas parlé de cela aujourd'hui, car ce n'est pas l'approche que nous favorisons—si je puis m'exprimer pour nous trois—mais c'est une approche qui pourrait être considérée par d'autres pays. Il conviendrait peut-être que vous adoptiez l'approche sectorielle. Je ne la préconise pas car à mon avis, elle rend plus vulnérable.
M. Keith Kelly: Je pense qu'un autre danger, c'est que l'intégration entre les industries culturelles canadiennes et le secteur à but non lucratif soit telle qu'il sera vraiment difficile d'isoler un secteur qui, à votre avis, peut s'en tirer tout seul, sans que cela ait un impact involontaire sur d'autres intérêts qui en dépendent.
C'est comme par exemple, si vous disiez qu'on ne devrait pas permettre aux éditeurs canadiens de vendre des livres non canadiens, or, ils utilisent les profits de ces ventes pour subventionner les publications canadiennes et aider la publication d'auteurs canadiens. C'est la même chose dans le secteur de la distribution cinématographique.
Le secteur culturel a énormément d'interconnexions. Il est très difficile de faire de la microchirurgie que suggère une approche sectorielle pour faire face à ce problème.
M. John McKay: En effet, vous dites qu'on ne pourrait faire la même chose que l'on fait dans le secteur de l'automobile.
Et si on avait des mesures de temporisation concernant certains aspects? Il n'est peut-être pas indiqué ici de faire une analogie avec la microchirurgie, mais je présume que toute entité de réglementation souhaite se retirer et laisser agir les forces du marché le plus possible, tout en respectant certains paramètres.
A-t-on songé à des mesures de temporisation? Par exemple, je suis sûr que M. Asper a bien prospéré avec le temps dans cet environnement particulier de réglementation. Je présume que certains secteurs de cette industrie n'ont plus besoin d'une telle surveillance réglementaire. Serait-il justifié d'appliquer certaines mesures de temporisation à ce genre de discussion?
M. Peter Lyman: Naturellement, je songe à la temporisation dans nos propres politiques canadiennes. Nous pouvons le faire, et je pense que si vous prenez certains cas bien précis de réglementation dans le domaine de la radiotélédiffusion, vous verrez que nous avons évolué pour en arriver à un point où nous ne réglementons plus certains secteurs. La réglementation s'est retirée d'un certain nombre de secteurs, notamment dans la diffusion MA. Ce secteur est beaucoup moins réglementé qu'il ne l'était par le passé pour ce qui est du volume de dialogue. Ça s'applique également à la radio FM.
Dans le secteur de la câblodistribution, au début, il y a dix ou quinze ans lorsqu'on a commencé avoir des services spécialisés, tout était réglementé, jusqu'au tarif en gros que versaient les télédistributeurs aux services spécialisés. Aujourd'hui, cela n'est plus autant réglementé, pour le meilleur ou pour le pire. Il y a donc des cas ici au pays où on ne parle pas nécessairement de temporisation mais où nous nous sommes éloignés de l'aspect réglementation.
Sur le plan international, on ne voudrait sans doute pas établir à priori une disposition de temporisation car on ne saurait pas exactement pendant combien de temps on en aurait besoin ou combien de temps on durerait. On pourrait prévoir un examen au bout de cinq ans, et si on décidait que cela n'est plus nécessaire après cette période pour un cas précis, on pourrait s'en passer. J'ignore ce que les lois commerciales disent à ce sujet, mais cela semblerait être plus approprié que de dire: «nous ferons ceci, mais seulement pour une période de cinq ans».
[Français]
M. Ivan Bernier: Pour ce qui est du droit commercial international, je pense qu'un des exemples connus d'un tel genre de clause est celui de l'exception au traitement de la nation la plus favorisée dans l'Accord sur les services pour les accords de coproduction en particulier. Donc, c'est cela qui est utilisé dans le secteur culturel. Mais, cette exception est, en principe, limitée à dix ans. Cependant, il est bien dit: «en principe».
Et de ce que j'ai compris de la plupart des États, en particulier, entre autres, du gouvernement canadien, c'est que le principe et l'expression «en principe» voulait dire «quand on voudra» ou «aussi longtemps qu'on voudra». C'est-à-dire que ce n'est pas une clause qui est très rigide. Les exemples de clauses de ce genre ne sont pas nombreux et ce n'est vraiment pas un bon exemple, en tout cas, très efficace.
Je crois que, par ailleurs, il faut constater que les négociations aux cinq ans ou les négociations répétées sont une forme de pression. Mais on n'a qu'à regarder ce qui s'en vient déjà pour l'an 2000 sur les États, en ce qui a trait à ce qu'ils font.
[Traduction]
M. John McKay: J'aimerais certainement approfondir cette question, mais étant donné le manque de temps...
Le président: Nous avons en fait un retard de 28 minutes.
Monsieur Graham, une petite question.
M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib.): Merci monsieur le président. Je crains que ma question ne soit plutôt longue. Allez-vous lever la séance à 17 h 30 pile, monsieur le président? Combien de temps avons-nous?
Le président: Nous avons encore tout un autre groupe à entendre?
M. Bill Graham: Permettez-moi de poser la question suivante à notre groupe de témoins. Il y a quelques années, lorsque nous avons rédigé le rapport du Comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes sur la politique étrangère, nous avons tenté d'incorporer dans ce rapport une dimension culturelle, précisément pour la raison que, je pense, Mme Lill laissait entendre, et que vous laissez entendre vous-même dans certaines de vos réponses.
Dans la société mondialisée dans laquelle nous vivons de plus en plus, si nous n'avons pas une façon de projeter nos valeurs sur la scène internationale également, nous serons en fin de compte submergés.
• 1730
Nous avons donc une fonction double, c'est-à-dire créer un
environnement qui nous permette de préserver notre droit de nous
parler à nous-mêmes au sujet de nous-mêmes et de créer un
environnement dans lequel cela est possible, mais également de
créer un monde dans lequel nous pouvons influencer le monde
extérieur. Autrement, par exemple, la question des mines
antipersonnel ou les autres questions avec lesquelles nous nous
débattons sur la scène politique ne trouveront pas une façon
canadienne de s'exprimer.
Lorsque Anne Médina a comparu devant notre comité, nous avons débattu cette question, surtout le problème dont voulait parler M. Brison, je crois, c'est-à-dire que dans la mesure où on veut exporter ses valeurs, on doit les diluer pour satisfaire le marché dans lequel on tente de les exporter.
Il semble que dans le domaine cinématographique nous soyons sur une pente très dangereuse à l'heure actuelle au Canada. Si nous voulons vendre sur le marché américain, nous devons américaniser nos films. Je ne considère pas l'émission de télévision Direction Sud comme une émission canadienne; je vois cette émission comme une émission sur la police de Los Angeles dans laquelle il y a quelqu'un qui porte une veste rouge. Cela n'en fait pas une émission qu'il vaut la peine de préserver pour ces valeurs canadiennes ou autres.
J'ai deux petites questions. La première est la suivante: dans quelle mesure pouvons-nous reconnaître que différents médias exigent différentes mesures et, dans le contexte international, chercher à les protéger et à les établir?
Il me semble que nous avons des mesures de protection très différentes au Canada pour les films et des livres, et ce, pour des raisons évidentes. On en a besoin. Peut-être existe-t-il des mesures générales comme les subventions, mais il y a d'autres mesures très différentes, car leur distribution est différente. Elle exige une approche différente.
Est-ce que cela veut dire que nous devions revenir à l'idée de M. Bernier d'une exemption très générale, car c'est la chose qui nous donnera la souplesse voulue à l'avenir pour les protéger et pour s'adapter à l'évolution? Voulons-nous plutôt avoir des mesures plus spécifiques comme le suggérait M. McKay? Voilà ma première question.
Ma deuxième question est la suivante: dans les négociations de l'OCDE, nous savons que les Français ont les mêmes préoccupations que les nôtres, mais qui d'autres sera là avec nous, pour lutter en vue d'obtenir une exemption culturelle? Essentiellement, comment pouvons-nous éviter une suraméricanisation dans tout ce que nous faisons, et combien d'autres pays qui participeront à ces négociations seront de notre côté, en vue d'assurer que cette mesure n'aura pas de conséquences imprévues et malheureuses?
M. Ivan Bernier: Pour répondre à votre dernière question, je peux vous dire que pour l'instant, le Canada, la France, La Belgique, l'Espagne, le Portugal, l'Italie, l'Irlande et l'Australie sont déjà dans une certaine mesure en faveur d'une certaine exception culturelle. Je suis vraiment surpris par le nombre croissant de pays qui sont en faveur.
M. Bill Graham: Merci, cela est utile.
[Français]
M. Ivan Bernier: On a des alliés.
M. Bill Graham: On a des alliés.
M. Ivan Bernier: C'est bien. Déjà.
[Traduction]
M. Keith Kelly: Ce que nous pouvons nous permettre de faire, c'est de nous donner le plus de marge de manoeuvre possible, sans constamment traîner toute une série d'obligations avec nous.
Par exemple, on rencontre des gens qui travaillent un jour sur la scène, un jour à un film, et un autre dans le secteur de la radiotélédiffusion. Est-ce qu'ils devront comprendre les différentes règles que nous mettons en place pour différents secteurs? Il y a une très grande mobilité de talents dans le secteur culturel.
Je dis que nous pouvons nous payer le luxe de nous donner l'espace dont nous avons besoin pour développer notre culture. Je ne m'inquiéterais pas trop à essayer de mettre en place des accords sectoriels très détaillés qui ne pourront fonctionner tant à cause de la mobilité de la main d'oeuvre que l'interdépendance des divers secteurs.
Je pense que ce serait une tâche extrêmement complexe.
M. Peter Lyman: On peut dire que le monde est d'accord avec l'exemption culturelle en autant que l'Internet ne soit pas considéré comme faisant partie de la culture. Pourrions-nous accepter cela? Cela ne nous plairait guère, mais s'il fallait choisir entre cette solution et aucune exemption culturelle, il est évident que nous l'accepterions.
Nous aimerions voir reculer tout le monde complètement si nous le pouvions, mais il y a peut-être des secteurs qui sont moins importants que d'autres. Je l'ai mentionné tout simplement pour donner un exemple.
Le président: Merci, monsieur Graham.
J'ai une petite question, et je vais la poser à M. Bernier.
Je n'ai pas les moyens de demander un avis juridique, mais j'aimerais en obtenir un à propos d'une question que je me pose.
Nous avons l'OMC, nous avons un AMI, et nous avons l'ALENA. Lequel l'emporterait sur une question de culture?
M. Ivan Bernier: Il s'agit d'une question intéressante à laquelle nous sommes confrontés dans le cas des revues, comme je l'ai déjà dit.
• 1735
Je pense que dans l'OMC, il y a une autre priorité pour
certains accords. L'OMC comme telle a priorité sur tout le reste.
Il y a un certain ordre, mais ça ne résout pas tous les problèmes.
Lorsqu'on est dans la même catégorie, on est sur un pied d'égalité,
et lorsqu'on est sur un pied d'égalité, on utilise les meilleurs
moyens possibles. C'est pourquoi il s'agit d'une question
intéressante: pour que nous sachions quelle serait la priorité de
l'AMI.
Le président: Merci.
Voici donc qui termine cette partie de l'affaire, collègues.
Je tiens à remercier ces trois groupes pour leur présence ici.
Nous passons maintenant à quelques préoccupations sectorielles de votre organisme, monsieur Kelly. Il y a là des représentants à qui nous aimerions parler.
Nous allons maintenant donner cinq minutes à chacun des groupes pour nous présenter leur exposé. Je leur demanderais de venir se présenter à la table individuellement. Après leur exposé, ils resteront à leur place. Ensuite, lorsque tous auront présenté leur exposé, chacun aura le droit de poser une question.
Nous accusons déjà une demi-heure de retard sur l'horaire. Au tour donc de l'Alliance des artistes du cinéma, de la télévision et de la radio.
Bienvenu, monsieur Sandy Crawley.
M. Sandy Crawley (président, Alliance des artistes du cinéma, de la télévision et de la radio): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je ne vous lirai pas mon texte. Vous en avez des exemplaires. Nous y mettons l'accent sur certains des sujets dont il a déjà été question. Nous avons tenu compte de l'analyse de M. Garry McNeil ainsi que de l'analyse sur les droits d'auteur, rédigée par Leslie Ellen Harris.
Je préfère continuer sur la lancée au niveau des questions et du débat les entourant. J'y consacrerai donc quelques minutes.
Nous concevons quel danger pourrait représenter un AMI ne renfermant les protections voulues—du terme que vous voudrez—pour assurer l'épanouissement de la culture canadienne. Nous soulignons aussi ce qui a été dit par les intervenants précédents à propos des structures plutôt ingénieuses dans bien des cas, que nous avons conçues pendant des décennies grâce à nos politiques d'appui favorisant l'épanouissement culturel au moyen des arts et aux autres secteurs et qui forment un tissu plutôt complexe dont il serait dangereux de vouloir démêler les fils.
Je tiens tout simplement à réitérer ce que M. Kelly a déjà dit, c'est qu'il y a tellement de gens oeuvrant dans le secteur culturel qui sont à la fois écrivain, comédien, compositeur, recherchiste, dramaturge ou même politicien. C'est tissé très serré tout cela et cela représente d'énormes difficultés.
Je retourne à la question posée par M. McKay tout à l'heure. Il est très difficile d'aborder tout cela avec des oeillères.
D'après l'Alliance, un AMI sans exemption, exception ou réserve appropriées constituerait surtout une menace pour les politiques en matière de radiotélédiffusion que nous avons adoptées au fil des ans. L'Alliance représente les comédiens et les journalistes de radiotélévision oeuvrant très précisément dans les secteurs de la radiotélévision et des médias d'enregistrement. Cependant, je tiens à souligner encore une fois que la plupart de nos membres font aussi de l'interprétation en direct.
J'attire votre attention, et celle de votre personnel si vous avez les moyens d'embaucher des recherchistes, sur ce que nous déduisons suite à une analyse de l'ALENA. L'interprétation en direct, par exemple, ainsi que les arts visuels et l'artisanat ne sont pas nommément visés par l'ALENA qui n'offre donc aucune protection précise pour ces domaines culturels.
Vous pouvez toujours dire que mieux vaut parfois ne pas être nommément visé par ce genre d'accord. Il devient donc alors possible de poursuivre son oeuvre, d'une façon ou d'une autre. Prenons ces grands succès dont nous a entretenus notre ami du Parti progressiste-conservateur—et qui n'est plus ici—comme Le patient anglais de Michael Ondaatje. Nous ne voulons pas d'un AMI qui l'empêcherait de connaître le succès.
Je suis sûr que M. Ondaatje serait le premier à nous dire que sa carrière a pris son envol parce qu'il a pu faire publier ses poèmes par une maison à but non lucratif financée par l'État. Sans cette aide, il n'aurait probablement jamais écrit son roman et il n'aurait donc jamais pu le vendre pour qu'on en fasse un film à succès.
• 1740
À propos de ce que disait M. Graham, il ne croit peut-être pas
que Direction Sud soit un programme canadien, mais j'ai beaucoup
d'amis qui y travaillent, j'y ai travaillé moi-même et, à mon avis,
il s'agit en réalité d'une excellente parodie des valeurs sociales
américaines et pour moi, donc, il s'agit d'un programme canadien.
On ne veut pas vraiment couper trop de cheveux en quatre pour ce
genre de choses. Nous devons nous réserver la plus grande marge de
manoeuvre possible.
J'ai décidé de ne pas vous le lire, mais je souligne bel et bien le fait que c'est la planification en vue de l'avenir qui est tout à fait essentielle dans cette question de culture et de commerce, plutôt que de se contenter des droits acquis ou des mesures de protection que nous avons conçues jusqu'à maintenant. Il ressort clairement du rythme auquel évolue la technologie et tout le reste, ce qui a une incidence sur la production culturelle, que nous allons avoir besoin de nouvelles mesures. Nous verrons aussi de nouvelles formes d'art. Nous ne pouvons pas les prédire en tenant compte simplement de données économiques, comme on a tendance à le faire dans ces ententes commerciales, où l'on tente de traiter la culture comme s'il s'agissait d'une denrée ou d'un service. Ce n'est ni l'un ni l'autre. Elle a une valeur intrinsèque qui va bien au-delà de ces choses.
Au risque d'indisposer certains de mes collègues, je dirais que si nous y étions contraints nous devrions envisager un régime commercial à base de règles en matière culturelle au moins en sachant que nous pourrions spécifiquement établir des règles en matière de culture et les définir. Mais il est très difficile de proposer une définition en se fondant sur des critères strictement économiques, et je pense qu'il est très dangereux d'essayer de le faire. C'est le danger que présentent ces ententes de façon générale.
L'autre chose que nous disons dans le document, et que nous aimerions rappeler, c'est que nous croyons que sans l'exemption ou la réserve appropriée «la réserve non liée», pour employer le jargon d'usage, dans un AMI, le Canada devrait s'en désintéresser et ne pas signer. Il est bien certain que cela reviendra sous une autre forme. Sauf erreur, cela a déjà échoué au cours d'une tentative antérieure d'adoption d'un AMI.
Il y a beaucoup de confusion autour de cette question, mais il nous semble qu'en réalité on précipite les choses de façon peu orthodoxe. Nous faisons valoir dans notre document qu'il ne faut pas oublier que les premières élections qui portaient sur le libre-échange au Canada ont eu lieu en 1911 et que finalement il y en a eu d'autres, et que nous avons fait quelque chose à ce propos, en 1987. Il nous semble que comme il s'agit de quelque chose qui pourrait avoir une forte incidence, il est malsain que ce traité soit forgé essentiellement par des bureaucrates pour être finalement signé et présenté au public par l'intermédiaire de ses parlementaires de façon provisoire, sans qu'on ait eu la moindre occasion de tenir un débat public approfondi. D'un point de vue politique donc, nous ne croyons pas qu'il serait catastrophique pour nous de renoncer à l'AMI, étant donné qu'on sait que ces questions vont revenir de toute façon un jour ou l'autre et que nous aurons à nouveau l'occasion d'en traiter. Nous avons déjà l'ALENA. Nous avons l'ALE. Nous avons de nombreuses ententes bilatérales. Nous espérons donc qu'en tant que parlementaires vous ne vous sentez pas pressés d'appuyer cette mesure parce que beaucoup d'experts et d'économistes, dont les théories souvent n'ont rien à voir avec la réalité, vous disent que c'est ce qu'il faut faire sinon tout va s'effondrer.
Cela dit, comme nous n'avons que peu de temps, et comme il y a d'autres très distingués témoins, je m'en tiendrai là et vous demanderai de lire le document et de nous soumettre les questions que vous pourriez avoir à poser.
Le président: Merci, monsieur Crawley.
De l'Association of Canadian Publishers, Jack Stoddart.
M. Jack Stoddart (président, Association of Canadian Publishers): Nous allons faire vite. Je sais que tout le monde est fatigué.
Je m'appelle Jack Stoddart. Je sais le président de Stoddart Publishing et je suis aussi le président de l'Association of Canadian Publishers.
Notre mémoire ne présente pas une perspective sectorielle. Il vise les industries culturelles.
Merci pour votre invitation à comparaître, et je tiens à remercier l'honorable Sergio Marchi de l'engagement qu'il a pris d'ouvrir le processus relatif à l'AMI. Pendant des mois, nous avons dû lutter contre des spectres. Ce n'est qu'au cours des dernières semaines que nous avons commencé à avoir accès aux hauts fonctionnaires fédéraux et à de l'information. Nous nous en sommes réjouis et j'espère qu'ensemble nous pourrons relever certaines questions qui ne sont pas encore résolues afin d'y apporter une solution.
Je vois que l'AMI crée un climat de fièvre à Ottawa, un groupe soutenant qu'il est essentiel aux entreprises multinationales et à leur croissance dans l'avenir alors que d'autres disent qu'il va certainement affaiblir notre pays.
• 1745
Si je suis ici aujourd'hui, c'est pour expliquer objectivement
les véritables préoccupations qu'ont les maisons d'édition et
d'autres parties prenantes du secteur des industries culturelles.
Les éditeurs canadiens favorisent activement la libre circulation de l'information et des idées dans le monde. Les éditeurs canadiens sont parmi les exportateurs les plus dynamiques des industries culturelles. Nos exportations ont plus que triplé depuis cinq ans. Nous recherchons activement de nouveaux débouchés partout dans le monde. Les éditeurs canadiens sont actifs sur le marché international, grâce à de fortes assises canadiennes.
Les éditeurs canadiens appuient le cadre de politique culturelle qui a contribué à notre réussite et estiment que l'AMI le menace gravement.
Nous devons aussi nous rappeler que notre réussite culturelle est unique au monde. Il a fallu surmonter d'énormes difficultés. Nous avons dû relever les défis que présentent la géographie, une faible population, une population bilingue sans compter la proximité du plus grand exportateur de biens culturels au monde, bien qu'il ne voit pas les choses sous cet angle. Malgré ces défis, notre culture nationale est florissante, et en raison de ces défis, notre espace culturel requiert une attention et des soins constants.
Je tiens à souligner que nous accueillons avec plaisir le fait que M. Marchi se soit engagé à ce que l'AMI ne nuise pas à la culture. Nous nous réjouissons également du leadership et de l'engagement de la ministre Sheila Copps, et nous croyons que le gouvernement—et je songe à tous les partis, et non pas simplement au gouvernement du jour—veut garantir que la culture ne soit pas menacée par quelque entente que ce soit. Le défi collectif consiste donc à nous assurer que la culture n'est pas menacée.
Les hauts responsables du commerce nous disent allègrement de ne pas nous inquiéter, qu'on va s'occuper de tout. En somme, ils nous disent, faites-nous confiance. Mais Brian Mulroney avait promis que la culture serait considérée comme un dépôt sacré. Pourtant, le texte final de cet accord incluait une disposition permettant aux États-Unis de cibler d'autres secteurs de notre économie si les mesures culturelles s'avéraient trop strictes. On a ainsi effectivement annulé l'exemption culturelle. Au cours des négociations de l'OMC, on nous avait à nouveau assuré que la culture ne serait pas touchée, alors qu'on a vu notre politique concernant les magazines être vidée de son sens par l'intervention américaine.
Nous croyons qu'il faudra que nos législateurs fassent preuve d'une vigilance constante pour garantir que les engagements à l'égard de la culture ne soient pas dilués, ne fassent pas l'objet de compromis et ne soient abandonnés.
Les hauts responsables du commerce ont probablement dit au comité que les préoccupations d'ordre culturel seront prises en compte par l'exemption proposée par le gouvernement français. Il existe toutefois d'importants problèmes tant en ce qui concerne le libellé de l'exemption que la stratégie de négociation proposée, et je n'ai pas encore entendu la moindre observation au sujet de cette exemption aujourd'hui.
Le libellé de l'exemption française est à la fois simple et élégant. Il y est question du noble achat de la culture et semble laisser les nations libres d'établir leurs propres politiques et programmes culturels. C'est très attrayant pour les nations qui reconnaissent l'importance de la culture.
Mais pour ceux pour qui la culture n'est qu'un divertissement, c'est virtuellement dépourvu de sens. L'exemption française est un peu comme un article de foi: si vous y croyez, c'est vrai; si vous n'y croyez pas, vous pouvez l'oublier.
Croyez-moi, les Américains ont une vision tout à fait différente de la culture.
Je précise. Les hauts responsables américains du commerce, poussés par le lobby du divertissement des États-Unis, qui soit dit en passant, pour ce qui est du pouvoir et de l'influence à Washington, ne cèdent la place qu'à l'industrie de la défense, pourront faire totalement fi de cette exemption française. Il faut que l'on comprenne bien que nous sommes au beau milieu d'une attaque constante menée par les États-Unis en particulier, et quelques autres intérêts multinationaux, pour affaiblir nos politiques culturelles.
Ils ont testé notre position en ce qui concerne les magazines. Ils ont contesté les règles sur le contenu en matière de radiodiffusion. Ils contestent notre politique de distribution cinématographique. Ils contestent nos politiques de propriété en ce qui concerne les livres. C'est une campagne incessante pour obtenir un accès illimité à nos marchés, même s'ils les dominent déjà.
Au cours de récents entretiens avec un haut fonctionnaire du département d'État des États-Unis, on m'a dit sans ambages qu'il n'existait pas de culture, ni de produits culturels, ni d'industries culturelles, et que tout ce beau langage portant sur la culture dans les ententes commerciales existantes—et nous parlions alors de l'ALE et de l'ALENA—vise simplement à permettre à la classe politique d'autres pays de sauver la face. Il s'agissait d'une rencontre en tête-à-tête entre le consul général à Toronto auprès de l'Ambassade des États-Unis et le chef de la Section culturelle pour le département d'État à Washington.
Je recommande en conséquence que le Canada réclame l'exemption explicite et sans équivoque de la culture, des produits culturels et des industries culturelles. Cette exemption devrait définir avec précision ce qu'elle recouvre, comme dans l'ALENA. Certains prétendent que cela risque de nous lier pour l'avenir face aux nouvelles technologies, aux nouveaux forums culturels mais les discours creux... Nous ne sommes sûrs de rien. Passer son temps à penser à l'avenir sans rien faire pour le présent ne rapporte jamais rien.
• 1750
Du côté de la stratégie, nous encourageons vivement les
efforts de la ministre du Patrimoine auprès des pays sur la même
longueur d'ondes que nous, mais nous sommes en même temps très
inquiets d'entendre nos représentants commerciaux dire qu'ils
attendront la onzième heure pour insister sur le dossier culturel.
C'est une stratégie qui semble vouée à l'échec. Si après trois ans
de négociation, 28 autres États membres se mettent d'accord sur
pratiquement tout et que le Canada et quelques rares pays disent
que sans l'exemption culturelle il n'est pas question de signer
quoi que ce soit, je doute que nous ayons gain de cause. Il faut
que les ministres, les représentants commerciaux et les
négociateurs ne cessent de rappeler que l'exemption de la culture
est une condition sine qua non. Il faut clairement définir la
culture, les produits et les industries culturels comme nous
l'avons fait dans l'ALENA. La communauté culturelle canadienne a vu
bien trop souvent ses intérêts abandonnés à la onzième heure. Il ne
faut pas que cela arrive encore une fois.
Avec votre permission, j'aimerais mentionner encore un autre point. Si vous croyez qu'il n'y a aucun lien entre la réglementation de participation étrangère et nos industries culturelles canadiennes, chaque fois qu'une compagnie est vendue à des étrangers, l'assiette de l'impôt sur les sociétés en prend un coup. Personne ne semble en parler, mais par principe, les multinationales s'arrangent pour payer leurs impôts dans la juridiction la plus clémente. Auparavant, dans notre pays, la part de l'impôt sur les particuliers était de 50 p. 100 et celle sur les sociétés aussi de 50 p. 100. Aujourd'hui, cet apport est de 80:20. Je crois que c'est le résultat direct du fort pourcentage d'entreprises désormais contrôlées par des sociétés internationales qui paient peu ou pas d'impôt chez nous.
Je conclurais en vous demandant de recommander que l'exemption culturelle que nous réclamons soit clairement définie et sans équivoque comme elle l'est dans l'ALENA et sans le 301. Il faut que le Canada pose publiquement l'exemption culturelle comme une condition sine qua non et c'est notre texte qui doit être adopté, ainsi que le libellé français de l'exemption.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Stoddart.
Je ne sais si vous avez lu la déclaration du ministre, ses commentaires et ses réponses aux questions lors de la première réunion du comité.
M. Jack Stoddart: Si, je les ai lus.
Le président: Je ne suis pas certain qu'il ait parlé de «condition sine qua non» mais je crois qu'il s'est fermement engagé.
M. Jack Stoddart: Oui.
Le président: Pouvons-nous passer à l'Association canadienne des réalisateurs de films et de télévision et à Guy Mayson?
Monsieur Stoddart, pourriez-vous rester à la table, s'il vous plaît?
M. Guy Mayson (vice-président senior de l'Exploitation, Association canadienne des réalisateurs de films et de télévision): Merci, monsieur le président. J'ai l'intention de vous faire un petit exposé sur la base de mon mémoire mais je m'efforcerai d'abréger ici et là. J'aimerais quand même vous en lire une bonne partie parce qu'il expose clairement notre position et qu'il est assez court.
En plus de ce mémoire, je vous ai communiqué une espèce de document statistique qui devrait être utile pour vous faire mieux comprendre le secteur de la production indépendante, d'une manière générale, certaines de ses tendances actuelles et certains de ses défis.
L'ACRFT est une association professionnelle nationale qui représente les intérêts de plus de 300 compagnies oeuvrant dans la production et la distribution de téléfilms et de longs métrages canadiens. Nos membres incluent de grosses sociétés diversifiées cotées en Bourse ainsi que de nombreuses petites et moyennes entreprises dans toutes les régions du pays.
Des productions télévisuelles et cinématographiques telles que Traders, Direction Sud et Road to Avonlea ne sont que des exemples parmi de nombreuses autres productions populaires et récompensées récemment réalisées par nos membres. Notre industrie connaît des succès considérables depuis une quinzaine d'années. Les recettes globales du seul secteur indépendant sont passées d'environ 200 millions de dollars en 1983 à plus de 1 milliard en 1995. Les recettes pour le secteur de services de production et pour la radiotélédiffusion sont considérablement plus élevées. Résultat, comme notre document statistique l'indique, notre secteur connaît une croissance spectaculaire en matière d'emploi et une forte poussée des exportations des productions canadiennes.
• 1755
Cependant, malgré les succès considérables remportés par ce
secteur, je ne veux pas me laisser emporter par l'enthousiasme et
peindre notre industrie comme un secteur de croissance irrésistible
surtout dans le contexte de la proposition d'accord commercial que
vous examinez.
À de nombreux égards, notre industrie est la création d'une politique du gouvernement canadien. Il est certain que la politique du gouvernement fédéral a joué un rôle critique en protégeant un milieu dans lequel la production canadienne et les compagnies de production canadienne ont pu s'épanouir.
L'élaboration d'un système d'objectifs nationaux et d'une réglementation de la radiotélédiffusion est un aspect fondamental de cette politique. La participation et le contenu canadiens, décrits en détail dans la Loi sur la radiodiffusion et dans les règlements du CRTC, en sont deux des critères fondamentaux. Pratiquement tous les principaux producteurs en activité aujourd'hui admettraient que s'ils sont là c'est en grande partie grâce à l'imposition par le CRTC et par le gouvernement canadien d'un contenu canadien dans le système.
Les difficultés économiques que pose la production d'émissions pouvant rivaliser avec l'acquisition d'émissions étrangères bon marché ont incité également le gouvernement à offrir toute une série de programmes de financement pour aider la création de productions à contenu canadien. Des organismes tels que l'Office national du film, Téléfilm Canada et puis dernièrement, le Fonds canadien de production de télévision et du câble jouent et continuent à jouer un rôle essentiel en facilitant le financement et la distribution de productions canadiennes de films et de télévision.
Le gouvernement offre également depuis 20 ans un système généreux d'amortissement fiscal et de crédit fiscal. Ces programmes qui rendent souples les règles de contenu canadien encouragent à la fois les investissements et la participation des sociétés dans la production canadienne.
La Loi sur les investissements permet d'assurer que les transactions concernant la culture canadienne sont traitées en vertu de critères différents de celles concernant des autres secteurs. Les politiques d'investissement étranger pour certaines industries culturelles imposent également des conditions très précises à l'investissement dans certains secteurs.
Dans le domaine de la distribution cinématographique, par exemple, les politiques du gouvernement jouent un rôle clé en aidant les distributeurs de films canadiens à renforcer leur part de marché et leur possibilité d'investissement dans le financement et la promotion de longs métrages canadiens. Nous reconnaissons que cette politique est controversée, surtout dernièrement, mais nous maintenons qu'elle a prouvé son efficacité.
Nous maintenons également que toutes ces autres mesures sont et continuent à être essentielles à la poursuite du développement de ce secteur. Les raisons de l'adoption de ces politiques n'ont pas véritablement changé et sont peut-être encore plus pertinentes que jamais.
Dans le secteur du film et de la télévision, les portes du Canada sont grandes ouvertes aux produits culturels des autres pays, et personne ne prétend sérieusement que les Canadiens ne devraient pas avoir accès à ces produits ou que cet accès devrait être restreint. Cependant, il est également notoire que les distributeurs de production étrangère n'ont jamais beaucoup manifesté d'intérêt pour le financement de produits canadiens. Si les Canadiens ont accès à des émissions de qualité créées par eux-mêmes et reflétant leur réalité, c'est parce que toute une série de mesures spéciales ont été mises en place pour l'encourager. C'est une simple réalité de base de l'industrie du film et de la télévision.
Notre industrie se diversifiant, les ventes à l'étranger augmentées et nous sommes de plus certains de notre capacité à conquérir de nouveaux marchés mais nous n'avons pas perdu de vue le fait que si nous existons c'est grâce à l'engagement fondamental du gouvernement de nous garantir une présence vitale sur notre propre marché.
Je m'empresse d'ajouter que nous reconnaissons tout à fait l'importance d'encourager les investissements étrangers dans une économie de plus en plus mondiale et nous appuyons les objectifs de base de l'accord qui cherchent à garantir un cadre prévisible aux investissements internationaux, reposant sur le principe de la non-discrimination pour des raisons nationales.
Cependant, nous reconnaissons également que tout système de politique, de programmes, de règlements et d'avantages fiscaux fondés sur l'encouragement des compagnies et du contenu canadien peut facilement être considéré comme discriminatoire ou injuste pour les non-Canadiens. À notre avis, c'est la raison pour laquelle il est essentiel que l'Accord multilatéral sur les investissements exempte totalement le secteur culturel. Le Canada ne devrait pas, sous couvert de ce genre d'accord, livrer son système de politique culturelle à l'examen ou à la contestation.
Nous maintenons fermement que cette entente ne devrait pas s'appliquer au secteur culturel, dont une bonne partie de l'infrastructure de programmes et de politique pourrait être jugée discriminatoire ou inéquitable d'une façon ou d'une autre.
Le gouvernement canadien devrait s'assurer que toute entente de commerce international à laquelle il adhère ne l'empêche pas de prendre toute mesure qu'il juge indiquée pour mettre en oeuvre ses politiques; il lui faut donc négocier une exception pour la culture.
Si nous n'appuyons pas notre propre culture et nos propres produits culturels, personne d'autre ne le fera. Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Nous accueillons maintenant Terry Malden, de la Canadian Magazine Publishers Association. Il n'est pas là?
• 1800
D'accord, nous passons à la SOCAN...
M. Bill Henderson (président, Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN)): Bon après-midi, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
Je m'appelle Bill Henderson. Je suis un compositeur de la Colombie-Britannique et le président de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, SOCAN. Au nom de la SOCAN, je tiens à vous remercier vivement de nous avoir donné cette occasion de vous faire part de nos idées sur le projet d'accord multilatéral sur l'investissement.
Cet après-midi, je suis accompagné de quatre collègues: François Cousineau, compositeur québécois bien connu, membre du conseil d'administration de la SOCAN et ancien président; Al Mair, président de Attic Records Limited et vice-président de la SOCAN; Paul Spurgeon, chef du contentieux de la SOCAN, et Michael Rock, directeur général de la SOCAN. Je tenais à souligner la présence de M. Rock, car il saura probablement répondre à certaines de vos questions.
Je crois savoir que les membres du comité ont en main des notices biographiques bilingues et des exemplaires de notre mémoire. Pour faciliter le travail, veuillez bien vous référer à la table des matières du mémoire et au sommaire exécutif de deux pages qui donne les grandes lignes de notre mémoire de 18 pages.
Aujourd'hui, manifestement, nous n'aurons le temps que de souligner les points saillants de notre mémoire. Nous espérons toutefois que notre intervention saura vous guider lors de la préparation de votre rapport.
Voici comment nous procéderons au cours des prochaines minutes. M. Cousineau vous expliquera d'abord brièvement ce qu'est la SOCAN, pourquoi la réglementation en matière de contenu canadien revêt tant d'importance pour nous et en quoi elle sera touchée par l'AMI. Ensuite, M. Mair expliquera pourquoi la SOCAN s'intéresse aux implications culturelles de l'AMI, en insistant surtout sur l'incidence éventuelle des prescriptions de résultats. M. Spurgeon, notre conseiller, sera le dernier à prendre la parole, il énumérera les cinq options disponibles concernant l'exemption culturelle et les principes directeurs qui devraient servir de guide à l'élaboration de cette exception et suggérera un libellé susceptible de produire une exception culturelle efficace.
Nous nous ferons ensuite un plaisir de répondre à vos questions. Merci.
[Français]
M. François Cousineau (président antécédent, SOCAN): Monsieur le président, mesdames et messieurs. Comme vous pouvez le lire, au tout début de notre mémoire, la Société canadienne des auteurs et compositeurs et éditeurs de musique, SOCAN, est la seule et unique société de droits d'exécution musicaux au Canada.
Les droits d'exécution reconnaissent le droit exclusif des créateurs de musique de permettre l'exécution publique de leurs oeuvres, c'est-à-dire les représentations visuelles et auditives de leurs compositions. Les droits d'exécution revêtent une importance capitale pour les 20 000 compositeurs, paroliers, auteurs et compositeurs que nous représentons, pour la bonne raison qu'ils constituent souvent leur principale source de revenus.
Nos membres ne se font pas payer d'avance pour les chansons qu'ils écrivent. Ils doivent compter presqu'uniquement sur les redevances d'exécution qu'ils touchent dès que leurs chansons sont utilisées lors de prestations en personne ou dans le cadre d'émissions radiophoniques ou télévisuelles.
Comme vous le savez déjà, le Parlement canadien, grâce à la Loi sur la radiodiffusion, exige que les radiodiffuseurs assurent la prédominance aux ressources créatrices canadiennes. Afin d'assurer que soit respectée l'intention expresse du législateur, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, le CRTC, a formulé un règlement relatif au contenu canadien qui rend de grands services à la promotion de la musique canadienne au Canada.
Heureusement, puisque les redevances d'exécution ne peuvent s'acheminer que vers les créateurs dont les radiodiffuseurs choisissent de radiodiffuser les oeuvres.
• 1805
Plus les radiodiffuseurs font jouer de musique
canadienne, plus il y a de redevances de droits
d'auteur qui restent au Canada. En revanche, si les
radiodiffuseurs préfèrent faire tourner plus de musique
étrangère, plus il y aura d'argent qui sortira du pays.
C'est pour cette raison que la SOCAN tient à s'assurer que le projet d'AMI—ou tout autre traité de commerce ou d'investissement international—n'affectera pas défavorablement la souveraineté culturelle du Canada, tout particulièrement notre droit de recourir à la réglementation en matière de contenu canadien pour favoriser le rayonnement de la musique canadienne au Canada.
Merci. Je passe maintenant la parole à Al Mair.
[Traduction]
M. Alexander Mair (vice-président, Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN)): Merci, François.
Comme nous le mentionnons à la page 2 de notre mémoire, la SOCAN porte un vif intérêt à l'incidence éventuelle de l'AMI sur la souveraineté culturelle du Canada. Les prescriptions de résultat de l'AMI, par exemple, pourraient nuire à notre aptitude à communiquer le contenu canadien aux Canadiens.
Nous sommes donc très heureux que le gouvernement du Canada soit inconditionnellement engagé à négocier une exception pour les industries culturelles. Nous sommes toutefois inquiets de constater que, après 18 réunions, le Canada n'a pas encore déposé de clause d'exemption culturelle dans le cadre des négociations en cours au sein de l'OCDE. Il ne reste plus que cinq réunions avant la fin des négociations, mais nous ne savons toujours pas exactement comment le gouvernement entend procéder.
Ce que nous savons, toutefois, c'est que la France a déjà, elle, déposé un projet de clause d'exemption culturelle et que nous ne le trouvons pas adéquat. Nous savons aussi que, il y a un an, les États-Unis ont déclaré qu'ils considèrent une large exemption culturelle comme un deal breaker.
Nous sommes d'avis que si les États-Unis continuent d'insister qu'ils ont le droit d'imposer des boycottages secondaires et d'appliquer unilatéralement des lois comme la Helms-Burton Act sur une base transfrontalière, alors les droits et obligations de l'AMI ne sauront être dans l'intérêt national du Canada, à moins qu'on obtienne une large clause d'exemption culturelle en contrepartie.
Par conséquent, en consultation avec la communauté culturelle canadienne, nous croyons que le gouvernement du Canada devrait formuler son exception culturelle dès que possible afin d'assurer que nous sommes prêts à faire face aux cinq derniers mois de négociations, qui s'annoncent intenses. Étant donné l'importance vitale de cette question, nous ne pouvons nous permettre d'attendre dans l'incertitude jusqu'aux dernières heures de la négociation en espérant que tout ira pour le mieux.
Cela dit, j'invite maintenant le chef du contentieux de la SOCAN, M. Paul Spurgeon, qui énumérera les cinq options d'exception culturelle disponibles et discutera des principes qui ont guidé la rédaction du libellé que propose la SOCAN. Merci.
M. Paul Spurgeon (chef du contentieux, Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SOCAN)): Bonsoir, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
Vous trouverez à la page 4 de notre mémoire la liste des cinq options relatives à la clause d'exception culturelle. Les 10 pages suivantes de notre mémoire explorent les points forts et les points faibles de chaque option.
Compte tenu du peu de temps dont nous disposons aujourd'hui, permettez-moi d'aller droit au but et de vous apprendre tout de suite que la seule option que nous considérons acceptable est la cinquième, celle de l'exception générale autonome. Je vous renvoie aux pages 14 et 15 de notre mémoire. Par autonome, nous entendons que le Canada, et seulement le Canada, a le droit de déterminer ce qu'il considère comme nécessaire pour la protection ou la promotion de sa culture. Avec une clause de ce type, les autres pays seraient incapables de s'en prendre à nos politiques ou d'avoir recours à des tribunaux de règlement de différends.
Vous trouverez à la page 14 de notre mémoire les six principes que nous avons tirés de notre analyse des options possible. Permettez-moi de les énumérer:
1., L'exemption culturelle doit être technologiquement neutre et assez large pour couvrir non seulement les technologies actuelles, mais aussi toute innovation technologique future.
Cela est très important pour le Canada étant donné les progrès rapides de la technologie.
2., Contrairement à la clause fournie par la France dans le cadre des négociations actuelles de l'AMI, l'exemption culturelle doit être assez détaillée pour éviter les conflits d'interprétation. Elle doit être très claire
3., À l'instar de l'exception relative à la sécurité nationale du GATT de 1947, l'exception culturelle doit être autonome et ne pas prêter le flanc aux attaques pour des raisons d'annulation ou d'affaiblissement ni de règlement de différends.
Cette exemption serait à cet égard bien différente de ce que prévoit l'ALENA, à savoir que les autres pays peuvent prendre des mesures dont l'effet commercial est équivalent.
4., L'exemption culturelle ne doit être assujettie à aucune obligation du statu quo ni de démantèlement.
• 1810
5., L'exemption culturelle ne doit pas être confinée à certains
articles et chapitres—elle doit l'emporter sur l'ensemble des
obligations de l'accord dont elle fait partie, contrairement à ce
que prévoit l'ALENA.
6., L'exception doit être large, autonome et constituer un instrument de «rupture de contrat» pour le gouvernement du Canada dans les négociations sur l'AMI, tout comme la disposition autonome sur la sécurité pour les États-Unis.
Nous fournissons aux pages 14 à 16 de notre mémoire un libellé qui pourrait servir à l'élaboration de la clause d'exception culturelle. Veuillez remarquer qu'il s'agit d'une clause autonome et qu'elle inclut une définition détaillée technologiquement neutre de ce que nous entendons par industries culturelles. Soit dit en passant, ce libellé n'est pas gravé dans le marbre. Comme l'a indiqué M. Kelly, nous comptons bien consulter d'autres groupes culturels sur ce libellé.
Enfin, je tiens à faire remarquer que, à la dernière page du mémoire, nous reconnaissons que l'AMI ne traite que d'investissement alors que le Canada est déjà signataire de traités qui portent sur les produits et services qui n'assurent pas la protection de notre souveraineté culturelle. Nous avons donc suggéré une stratégie pour assurer que tous les traités de commerce et d'investissement internationaux incluront une clause d'exception culturelle.
Nous espérons que notre mémoire saura vous aider dans les travaux préparatoires à votre rapport. Nous vous remercions vivement de nous avoir écoutés. Merci.
Le président: Merci.
Chers collègues, nous passons maintenant à la période de questions. Vous aurez cinq minutes chacun.
Je prie la représentante de la Writers' Union de bien vouloir prendre place. Vous n'êtes pas sur ma liste de témoins, mais prenez place. Nous regrettons la confusion.
Mme Merilyn Simonds (deuxième vice-présidente, Writers' Union of Canada): Je m'appelle Merilyn Simonds. Je représente la Writers' Union of Canada, mais je représente aussi environ 5 000 écrivains du Canada: les écrivains de langue anglaise et française, la Writers' Guild of Canada, représentant une association nationale des scénaristes, l'Association des auteurs-compositeurs canadiens et le Front des artistes canadiens.
Je prends la parole au nom des créateurs. Tous les autres témoins que vous avez entendus aujourd'hui provenaient du secteur culturel. Il y a d'ailleurs une uniformité remarquable dans ce que nous avons eu à dire. Nous, les créateurs, savons que nous avons tout à gagner et peu à perdre lorsque nous nous ouvrons sur le monde. Nous faisons partie de la littérature mondiale, de l'art mondial et de la musique mondiale. Nous traitons de questions qui touchent à l'âme, à l'intelligence et à l'esprit humain, des questions qui, par leur nature, sont sans frontière. Nous, les créateurs, faisons partie de la communauté mondiale, mais lorsque nous écrivons, lorsque nous peignons ou lorsque nous composons de la musique, nous le faisons comme citoyens d'un lieu précis. Pour nous, ce lieu est le Canada.
Le Canada a été le premier pays occidental à reconnaître l'importance des créateurs dans la société. En 1992, il a adopté la Loi sur le statut de l'artiste, qui reconnaissait le rôle fondamental des artistes dans le développement de la culture du Canada et dans le soutien de sa qualité de vie. Cette loi dit que la créativité artistique est source de croissance et de prospérité des secteurs culturels dynamiques du Canada. Les ententes internationales telles que l'AMI ne semblent pas toucher les créateurs directement ou immédiatement, mais en raison de leurs effets sur les secteurs culturels et notre politique publique en matière de culture, les créateurs en ressentent aussi les effets.
On devrait peut-être créer un néologisme, l'«économisme», pour parler du sophisme selon lequel toute activité humaine doit se soumettre à la logique du marché. Les emplois et la prospérité économique sont importants, bien sûr, mais la culture et sa contribution à la qualité de vie ne sauraient être chiffrées. La culture s'inscrit mal dans les ententes économiques internationales. Ce n'est ni un bien, ni un service. Sa valeur n'apparaît pas nécessairement sur le bilan financier.
• 1815
Lorsqu'on discute des secteurs culturels, on discute de la
forme et non pas du contenu; on discute des livres et non pas des
idées. C'est un peu comme discuter de règles et élaborer des règles
pour les sacs, les boîtes et les caisses en faisant fi des pommes,
du bois et des ordinateurs qui s'y trouvent.
Si vous ne pensez qu'à l'objet matériel, l'OMC a pris la bonne décision lorsqu'elle a dit qu'un magazine est essentiellement un magazine. Mais les juges n'ont pas tenu compte du fait que c'est le contenu d'un magazine qui lui confère sa valeur. Or, la valeur n'est pas une question de profit. C'est une question d'esprit, de pensée, d'histoire et de traditions partagées, c'est une question de culture.
Aujourd'hui, on a discuté, de ce qu'est la culture. Il est dommage que Mme Lill soit partie, car c'est elle qui a posé cette question.
Certains affirment que la culture, c'est tout ce que nous faisons. C'est le hockey. C'est la pêche de la morue à la turlutte. Ce sont les parties de sucre. C'est la tuque que nous portons. Mais la culture n'est pas ce que nous faisons, c'est ce que nous pensons et ce que nous ressentons à propos de ce que nous faisons. La culture se passe dans la tête. C'est ce que le mot «hockey» évoque dans notre imagination collective. C'est la place qu'occupent les avant-monts dans notre coeur.
Une culture nationale ne peut exister si on ne l'exprime pas. Voilà pourquoi les créateurs sont au coeur de la culture. Lorsque nous racontons des histoires, lorsque nous peignons des tableaux, lorsque nous composons des oeuvres musicales, nous le faisons du point de vue unique qu'est le point de vue canadien. Lorsque nous exprimons ce point de vue, nous représentons les citoyens du pays dans leurs rapports avec les autres et, ce faisant, nous façonnons cette vision commune, cette valeur commune qu'est la culture nationale.
Dans la plupart des pays, la langue crée un lieu protégé d'épanouissement de la culture. Le Québec jouit d'un certain avantage culturel en raison de son isolement linguistique sur le continent. Les Canadiens anglais semblent parler—mais ce n'est pas le cas—la même langue que le plus grand exportateur de culture du monde. En raison de ce fait, les États-Unis considèrent le Canada comme faisant partie de leur marché lorsqu'ils veulent vendre des biens culturels. Mais n'oublions pas que lorsque les Américains achètent un contenu culturel, leurs éditeurs, producteurs de musique et réalisateurs de films achètent américain d'abord.
Et c'est très bien. Les écrivains américains créent des oeuvres sachant qu'elles seront achetées par un éditeur parce qu'elles plairont au public américain. Personne n'oserait dire à un romancier américain qu'il devrait situer sa prochaine histoire à Toronto pour qu'elle plaise à davantage de gens. Or, c'est ce qu'on demande aux romanciers canadiens.
Les livres américains se font concurrence dans un marché où presque tous les livres sont américains. Lorsqu'un lecteur américain va à la librairie, plus de 90 p. 100 des livres qui s'y trouvent sont écrits dans sa langue, avec son orthographe, avec des mots dont il connaît le sens—toutes les histoires sont racontées par le biais d'une culture commune.
L'expérience des écrivains canadiens est très différente. Les éditeurs canadiens doivent se demander si une oeuvre canadienne saura soutenir la concurrence des oeuvres américaines ici même, au Canada, parce qu'ici, lorsque les lecteurs vont à la librairie ou à la bibliothèque, les trois quarts des livres qui s'y trouvent sont étrangers. Lorsque les Canadiens allument la télé ou la radio, ce qu'ils voient et entendent leur est raconté par le biais d'une culture étrangère, une culture qui n'est pas la nôtre.
Le Québec est doublement désavantagé à cet égard. Il est considéré comme un prolongement du marché culturel de la France, mais parce que tant de Québécois sont bilingues, il subit aussi l'intrusion des États-Unis.
Peu de pays offrent aussi peu de contenu créatif national que le marché canadien. Ce minuscule espace où les créateurs canadiens peuvent partager leurs oeuvres avec les autres Canadiens est le fruit des efforts de la génération précédente des créateurs et de politiciens qui, avec un engagement et une vision incroyables, ont créé des institutions et élaboré des politiques publiques qui ont rendu possible, en dépit de notre faible population, des secteurs culturels où l'on peut acheter les oeuvres des créateurs canadiens.
Dans mon mémoire, je décris les effets possibles de l'AMI sur la Société Radio-Canada, les règles de contenu canadien, le critère de l'avantage net, les subventions aux secteurs culturels, les octrois aux artistes par l'entremise du Conseil des arts du Canada, et le programme du droit de prêt au public. Le Canada jouit d'un réseau bien enraciné de soutien grâce à sa culture nationale, et ces mesures de soutien pourraient fort bien être jugées discriminatoires aux termes de l'AMI.
L'argument économique veut qu'on laisse au marché le soin de déterminer qui survivra. Mais la culture est différente. L'incidence culturelle et même économique d'une oeuvre n'est parfois visible que des années plus tard. Qui aurait cru que, par exemple, Anne... la maison aux pignons verts deviendrait un symbole de la culture canadienne 80 ans après sa publication? Personne devant la richesse de la culture canadienne contemporaine ne peut prédire avec certitude quel produit canadien particulier—quel livre, quel film—sera important dans 80 ans.
• 1820
La meilleure façon de pouvoir offrir quelque chose de
particulier sur les marchés internationaux, c'est d'encourager
l'expression créative chez soi. Cela signifie faire non seulement
ce que M. Marchi a promis de faire, à savoir, promouvoir et
protéger la culture canadienne, mais cela signifie aussi qu'il
devra s'assurer qu'on continue de créer un contenu canadien et que
les Canadiens continuent d'y avoir accès. Nous ne permettrions
jamais des investissements qui menaceraient notre sécurité
nationale. De même, nous devons avec diligence interdire tout
investissement qui pourrait menacer, même de façon subtile, la
création et la dissémination de la culture canadienne. C'est ça, la
souveraineté culturelle: le droit qu'a un pays de s'entendre
penser.
Nous exhortons donc les négociateurs de l'AMI à insister sur une exemption générale pour la culture, comme tous les autres témoins que vous avez entendus aujourd'hui, une exemption sans clause dérogatoire, sans disposition sur le statu quo et le démantèlement.
Nous ne pouvons limiter l'exploration créative des Canadiens au cours du prochain millénaire en la soumettant à des règles conçues au XXe siècle. Nous ne pouvons nous enfermer dans la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui, luttant pour créer et communiquer dans un pays qui, à toutes fins utiles, subit une occupation culturelle.
Peu importe le libellé de l'exemption—nous y réfléchissons encore, et j'estime que la SOCAN devrait ajouter le terme «création» à la production et à la distribution—nous devons donner à toutes les nations le droit de définir la culture selon leurs propres termes, ainsi que celui d'adopter des mesures qui protègent leur patrimoine culturel, stimulent l'expression créative et garantissent à leurs citoyens l'accès à leur propre culture nationale.
Lorsque nos partenaires commerciaux nous demandent de démanteler nos subventions culturelles ou de supprimer nos règles contenant le contenu canadien, lorsqu'ils disent que tout ce qu'ils souhaitent c'est un contexte où toutes les parties sont sur un pied d'égalité, il convient de se souvenir des propos de Margaret Atwood il y a presque exactement 10 ans aujourd'hui, au cours des audiences sur l'ALE: un contexte où toutes les parties sont sur un pied d'égalité est un contexte privé de caractéristiques particulières, et une culture sans caractéristiques particulières n'en est pas une.
Merci.
La présidente: Madame Simonds votre intervention était excellente. Merci.
Nous allons maintenant passer aux questions de cinq minutes, et nous respecterons les cinq minutes. Je commencerai avec Mme Tremblay, puis Mme Bulte, et ensuite M. Blaikie.
Monsieur Blaikie, auriez-vous l'obligeance de prendre le fauteuil pendant que je m'esquive pour aller dire bonsoir à mes enfants.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay (Rimouski—Mitis, BQ): Merci, madame et messieurs, de votre patience et de vos présentations. On s'excuse d'être en retard, mais c'est un sujet auquel nous accordons beaucoup d'importance.
Personnellement, je me sens un peu mal à l'aise de discuter de la culture dans ce contexte-ci. J'ai l'impression que la culture c'est ce que je suis, c'est ce que je pense, c'est ce que nous sommes, c'est ce que nous voulons être, et j'ai, tout d'un coup, l'impression qu'il faut marchander cela contre quelque chose d'autre, et cela m'horripile un peu honnêtement.
Et je me demande si—j'ai entendu des choses, par exemple—on n'a pas ce qu'il faut comme clause. Si ce n'est pas suffisant, on ne devrait pas signer, mais il y a les millions qu'on va perdre. Si on perd les millions, on perd des jobs, ici. Est-ce qu'on ne serait pas mieux de faire en sorte que la culture soit considérée dans le même champ d'exemption que la défense? À ce moment-là, on serait absolument certains qu'ils n'y toucheraient pas du tout, parce que la défense c'est full proof la dépense. Ne pourrait-on pas aller dans le même champ pour la culture? Qu'est-ce que vous en pensez?
[Traduction]
M. Sandy Crawley: Je serais très heureux si nos négociateurs adoptaient cette position. D'accord, moi aussi.
Mme Marilyn Simonds: En fait, comme Ivan Bernier l'a dit tout à l'heure, les Américains se sont servis de leur exemption relative à la sécurité nationale pour protéger le National Endowment for the Arts. Je suppose que c'est un moyen de contrôler la propagande advenant de futures guerres, ou quelque chose du genre. Il n'en reste pas moins qu'ils s'arrangent pour que la culture tombe sous le coup de cette exemption lorsque cela fait leur affaire.
M. Jack Stoddard: Tout à l'heure, il y avait un monsieur ici, et c'était sans doute... Je ne sais pas qui a posé la question, mais ce monsieur voulait savoir s'il s'agissait en fin de compte de céder un peu pour obtenir tout ou rien, qu'en pensez-vous? À mon avis, la réponse qu'on lui a donnée a été plus molle que celle que j'aurais donnée moi-même. Si l'on n'a pas de culture, qu'est-ce qui nous reste? Pourquoi se soucier du sort du pays? À mon avis, c'est très simple. On n'a pas à se demander si on devrait céder le volet culturel pour obtenir une assurance ou une autre dans le cadre de ce programme.
La question était soulevée à la suite de l'exposé du Québec ou, pour être plus précis, de l'absence d'exposé du Québec. Cela me décourage car s'il y a une chose qui définit notre pays, c'est, entre autres, la culture de la province de Québec. À mon avis, il est répréhensible, ne serait-ce que de discuter de cette question sans une forte présence du Québec. En effet, la grande différence entre les deux régions du pays est en fait de nature culturelle. En tant que nation, nous déployons beaucoup d'efforts pour rallier ces deux volets et améliorer notre pays, mais si c'est pour abandonner du côté anglophone... Comme Marcel Masse avait l'habitude de dire lorsqu'il était ministre du Patrimoine: «Je ne m'inquiète pas au sujet du fait français en Amérique du Nord; nous allons survivre, notre langue survivra, notre sentiment d'identité survivra. C'est vous—et c'est à moi qu'il s'adressait à l'époque—qui n'aurez plus de culture dans 10 ans si vous ne vous réveillez pas.» À mon avis, nous n'avons plus le choix.
Nous avons perdu du terrain avec l'ALE, dans une certaine mesure, et nous en avons perdu encore plus avec l'ALENA. Nous avons beaucoup reculé avec l'OMC. Nous devons commencer à regagner du terrain, et si nous ne considérons pas la culture comme un enjeu lié à la défense nationale, je ne sais pas ce qu'il en est. Qu'est-ce que nos journaux, notre télévision et notre radio ont à voir avec la défense nationale si notre culture ne représente pas l'essence même de notre pays?
Nous conduisons les mêmes voitures, nous avons les mêmes immeubles, nos pays sont très semblables.
M. Sandy Crawley: Le ciment est différent.
M. Jack Stoddart: Très bien, merci.
C'est une question de mentalité. C'est ça la culture, et c'est ce qui fait la différence. Voilà pourquoi nous devons la défendre maintenant, sans attendre.
[Français]
M. François Cousineau: C'est d'ailleurs pourquoi l'option de l'exception générale est la seule qui soit défendue par la SOCAN, parce que c'est la seule qui va être assez forte pour tenir tête, justement, au fait que, pour les Américains, la culture ça n'existe pas, parce que, eux, l'ont automatiquement. Cependant, je ferai remarquer à Mme la députée Tremblay, que les Américains ont une armée, ils ont une marine, ils ont tout cela. Donc, cela change un peu le point de vue parfois. Ils disent ce qu'ils veulent et nous, si on ne se tient pas debout, c'est évident... Moi, je suis d'accord de considérer l'option de l'exception générale numéro cinq comme étant un sine qua non.
Mme Suzanne Tremblay: Mais qu'est-ce que vous pensez, par exemple, de ceux qui disent, je pense que c'est M. Crawley, que si on n'est pas capables d'avoir une protection adéquate, on serait mieux de ne pas signer. Or, si on ne signe pas, qu'est-ce qui arrive à notre développement culturel, par rapport aux millions qu'on va perdre?
M. François Cousineau: On signera dans les prochaines négociations, je m'excuse. C'est qu'il y a en a d'autres qui s'en viennent, et le travail qu'on fait là, on pourra en bénéficier dans les prochaines négociations. Cela ne veut pas dire que tout va passer dans l'AMI. Il va y en avoir d'autres. Donc, il faut continuer à garder ce point de vue-là.
Excusez-moi, c'est ce que je voulais dire.
M. Sandy Crawley: C'est aussi mon point de vue, parce que
[Traduction]
ces problèmes ne disparaîtront pas avec l'AMI. Le contexte économique mondial ne va pas s'effondrer, selon que l'AMI est un succès ou un échec, mais les questions ne disparaîtront pas.
J'ai eu le privilège de faire partie d'un groupe d'élite qui a assisté au dîner de Sylvia Ostry, il y a environ un an et demi. Où étiez-vous, Paul? M. Ruggiero, de l'OMC, était notre porte-parole. Il a été extrêmement impressionnant. Il a parlé pendant 90 minutes, sans note, au sujet du commerce international, et je lui ai demandé précisément... Il a accepté de répondre aux questions, et ce, en toute franchise. Je lui ai demandé si, à son avis, il était possible d'assurer la protection de la culture dans un régime de commerce international. Il avait la ferme conviction—une conviction quasi religieuse—que la libéralisation des échanges était la solution qui allait mettre fin à la guerre et à de multiples autres problèmes. Il était convaincu que d'ici 20 ans, la conformité totale s'imposerait dans tous les secteurs.
• 1830
Vous pouvez vous imaginer la crainte que ces propos ont
suscitée chez tous les créateurs, car rien ne tue la créativité
aussi assurément que la conformité totale. C'est un concept
absurde. Cet homme n'est pas stupide; c'est un leader intellectuel
respecté.
Je l'ai ensuite interrogé au sujet de la protection du droit d'auteur. Je lui ai demandé si l'on ne pouvait pas considérer le droit d'auteur et les créations des artistes dans une optique autre que les produits, les biens et les services.
Je lui ai demandé ce qu'il pensait de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle. C'est un organisme aux travaux duquel j'ai participé de façon modeste pour faciliter les choses à l'échelle internationale, de concert avec d'excellentes délégations canadiennes. D'un ton sarcastique, il a répondu: «L'OMPI ne peut rien résoudre. Si elle n'apporte pas de solution bientôt, nous allons en prendre le contrôle.» Je cite un homme qui prononçait une allocution à l'occasion d'un dîner. Il n'était pas tenu de signer ces propos.
Il existe une attitude répandue selon laquelle la créativité est utile en tant que mot passe-partout dans les plans d'entreprise, l'innovation est la clé, etc.; mais on ne peut légiférer la créativité et on ne peut la traiter de la même façon que les autres facteurs. Voilà le danger que représente ce mouvement vers le commerce international.
Je suis tout à fait d'accord avec votre point de vue. Si nous n'obtenons pas les garanties de protection nécessaires pour notre culture dans cet accord, ne le signons pas. Tout simplement.
Le président: Rapidement, madame Simonds.
Mme Merilyn Simonds: Au lieu de dire qu'il faut monter aux barricades pour protéger la culture ou quitter la table de négociation, je pense que le Canada devrait prendre l'initiative puisqu'il a une longue expérience de négociation avec l'imposant exportateur culturel qui est notre voisin. J'invite instamment nos négociateurs à faire du lobbying auprès des autres pays et à prendre l'initiative dans le dossier de l'exemption culturelle. J'ai l'impression que de plus en plus, les autres pays ont le sentiment qu'il est possible de l'obtenir.
Je tiens à dire au nom des membres de l'Union des écrivaines et écrivains québécois à quel point ils regrettent la rapidité du processus car ils auraient beaucoup aimé faire eux aussi un exposé. Si l'on pouvait prolonger les audiences après janvier, pour que la conversation soit ouverte à un plus grand nombre et qu'il y ait davantage de participation du Québec, cela serait très utile.
Le président: Merci.
Madame Bulte.
Mme Sarmite Bulte: Merci, monsieur le président.
Je voudrais parler précisément de l'exemption. J'ai remarqué que vous avez choisi avec beaucoup de soin le terme «exemption». M. Stoddart place l'exemption culturelle sur un pied d'égalité avec les questions de défense nationale qui, à l'heure actuelle, font l'objet d'une exception générale selon la loi.
Notre ministre a déclaré clairement que la culture n'est pas sur la table et qu'il n'acceptera pas des dispositions qui représentent le statu quo ou un démantèlement. Monsieur Spurgeon, souhaitez-vous que ce que vous proposez à titre d'exemption culturelle soit une exception générale ou une exemption liée à une réserve propre à un pays, assortie de dispositions illimitées?
M. Paul Spurgeon: Une exception générale. La dernière chose que nous souhaitons, c'est de nous engager sur la pente glissante de la création de secteurs, et ensuite de mesures, d'exceptions, et de constitution d'une liste qui nous amène à faire du surplace et ensuite à reculer pour disparaître éventuellement. Nous ne voulons pas cela. Voilà pourquoi nous souhaitons une exemption très générale qui commence à la page 14. Aucune disposition de l'accord ne devrait être interprétée comme nous empêchant d'adopter des dispositions, des mesures, des règlements ou une loi en ce sens. C'est aussi simple que cela.
Mme Sarmite Bulte: Je viens de lire le passage, mais ce n'est pas aussi simple que cela. J'essaie de vous venir en aide. Je veux savoir quelle est votre position à ce sujet. Vous avez dit au cours de votre exposé que vous n'étiez pas au courant de l'existence de l'exemption. Avez-vous vous-même, ou quelqu'un de votre groupe, rencontrer M. Dymond?
M. Paul Spurgeon: Certains de nos membres l'ont rencontré. Personnellement, je n'ai pas eu ce plaisir.
Mme Sarmite Bulte: M. Dymond nous a dit qu'il avait déposé les 48 ou 49 réserves propres à un pays renfermé dans l'ALENA, et il nous en a remis un exemplaire. Naturellement, le chapitre de l'ALENA sur les industries culturelles figure sur cette liste. Avez-vous dit que vous souhaitiez une exemption générale? D'après ce que j'ai compris, même après mes entretenues avec M. Bernier et d'autres experts juridiques, il n'existe pas de différence juridique entre l'application d'une réserve propre à un pays et une exception générale. Il faut que je sache ce qu'il en est. Est-ce vrai ou non?
M. Paul Spurgeon: Vous voulez savoir s'il existe une différence juridique?
Mme Sarmite Bulte: Oui.
M. Sandy Crawley: D'après ce que nous a dit M. Dymond, à la Conférence canadienne des arts, nous allons opter pour des réserves illimitées propre à un pays. Je pense que vous avez raison. J'ignore s'il existe une différence juridique—ce n'est pas de cette façon que j'ai interprété les propos de M. Bernier—, mais en théorie, les deux options sont applicables sur le plan juridique. Dans une perspective politique, tout d'abord, quelles sont nos chances d'obtenir une réserve illimitée. N'allons-nous pas céder à la dernière minute et nous contenter d'un article autorisant des mesures de rétorsion, comme nous l'avons fait dans le cadre de l'ALENA ou de l'ALE? Si nous pouvions obtenir une exemption générale, cela nous assurerait une forme de protection plus solide d'un point de vue politique, sinon d'un point de vue juridique.
Mme Sarmite Bulte: Merci, monsieur Crawley.
Le président: Je ne suis pas certain que M. Dymond ait dit qu'il avait déposé cela en fait, je ne pense pas qu'il ait déposé quoi que ce soit sur le volet culturel. Il nous a expliqué que c'était là précisément les exemptions prévues dans l'ALENA. Il appuie l'exemption française.
Mme Sarmite Bulte: Je vous remercie de cette explication, monsieur le président.
Monsieur Stoddart, j'aimerais poursuivre avec vous. La sécurité nationale fait l'objet d'une exception générale. Il est uniquement fait mention dans l'accord de la sécurité nationale. Souhaitez-vous que l'on inscrive le terme «culture», juste après «sécurité nationale»?
M. Jack Stoddart: Si c'était possible, oui. J'ai disputé pendant une heure avec Bill Dymond, il y a environ un mois, et il a clairement affirmé que l'exemption française était la solution. Il nous a donné un exemplaire du document français. S'il est allé plus loin, tant mieux, voyons ce qu'il en est. À ce stade, je ne suis pas au courant qu'il ait déposé à Genève une proposition qui va plus loin que cela. En fait, nous ne nous soucions guère de l'aspect juridique des options en cause. Ce qui me préoccupe énormément, c'est...
Ce n'est pas que le ministre Marchi ne croit pas ce qu'il dit, je pense qu'il est sincère, tout comme la ministre Copps et Herb Gray, ainsi que de multiples autres libéraux bon teint. Ce qui m'inquiète, c'est que le négociateur en chef affirme que c'est ce document qui nous sauvera, autrement dit l'exemption française. Ce n'est rien d'autre qu'un énoncé de principes, et on n'y précise pas que le Canada y adhère fermement. Nous sommes le pays le plus touché. Seul le Canada est voisin des États-Unis. Partout ailleurs, la langue constitue une barrière. Si nous ne pouvons faire preuve de leadership dans ce dossier et intégrer certains termes à la suite de l'exemption française... je suis d'accord avec le libellé français sous sa forme actuelle, mais il faut l'étoffer. C'est tout ce que je demande. Je vais laisser aux experts juridiques le soin de fournir les bonnes réponses, car je ne peux le faire moi-même.
Mme Sarmite Bulte: Merci.
Le président: Nous entendrons une brève intervention de M. Spurgeon.
M. Paul Spurgeon: Merci.
Le problème de l'exemption française, ce n'est pas autonome, en ce sens qu'elle ne permet pas à la seule partie concernée de porter un jugement. Je renvois les membres du comité au bas de la page 10 et à la page 11. Apparemment, le gouvernement du Canada envisage une réserve sectorielle propre à un pays, analogue à celle de l'annexe II de l'ALENA. C'est une approche qui semble plaire aux États-Unis, et je pense que vous verrez tout de suite pourquoi en lisant la page 11.
Si nous optons pour cette démarche—et je lis à partir du milieu de la page 11—, je vous rappelle ce que j'ai dit au sujet du terrain glissant où nous nous engagerions. Nous allons retourner avec une liste, et ensuite il y aura des demandes de mesures dans les négociations, il y aura des demandes de statu quo, de clauses d'antériorité ou de temporisation—peu importe comment vous voulez les appeler—et éventuellement, il y aura un recul, si bien que nous perdrons le terrain que nous avons gagné jusqu'à maintenant. Nous ne voulons pas nous retrouver dans cette situation.
• 1840
Manifestement, nous voulons être juges de ce qui est dans
notre intérêt en l'occurrence, tout comme les Américains veulent
pouvoir porter un jugement en ce qui a trait à la question
essentielle de la sécurité nationale. Ils veulent exactement la
même chose. À mon avis, c'est un quiproquo. C'est aussi simple que
cela.
M. Bill Blaikie: Je voudrais faire quelques observations et ensuite, vous pourrez peut-être me dire ce que vous en pensez.
Monsieur le président, comme je l'ai mentionné en privé, j'étais ici lorsque Margaret Atwood a tenu ces propos il y a dix ans. Je siégeais au Comité permanent des affaires extérieures à l'époque où l'on examinait les divers éléments de l'ALE et je me souviens de son exposé, ainsi que de sa description plutôt imagée du comportement des castors lorsqu'ils sont attaqués. Il semble bien que le castor se sente encore menacé.
On a parlé du Québec. À cet égard, j'ai un sentiment de regret devant le fait que le Québec—le gouvernement, et pas nécessairement la société québécoise—ne fasse pas front commun avec les nationalistes canadiens dans le dossier de l'AMI. Mais les Québécois ne se sont pas ralliés à l'époque de l'ALENA ou de l'ALE. Il me semble qu'il existe une différence d'opinion entre le Québec et le reste du Canada, sur le plan politique, au niveau gouvernemental, au sujet de ces accords commerciaux. Je parle surtout du volet nationaliste du Québec, en particulier du volet souverainiste. En fait, le gouvernement souverainiste du Québec essaie de faire comprendre à la communauté internationale qu'il n'a pas l'intention d'être hors-la-loi ou de faire des vagues en ce qui concerne l'évolution de la structure mondiale. Cela fait partie de considérations plus vastes qui transcendent la culture.
Quant à Marcel Masse, il vous a donné un bon conseil, mais paradoxalement, il a fait partie d'un gouvernement qui nous a donné l'ALE et l'ALENA.
Je me souviens d'avoir prononcé à la Chambre des communes un discours dans lequel je disais comprendre pourquoi les Québécois s'inquiétaient énormément du sort de leur société distincte, que j'étais d'ailleurs prêt à défendre. J'estimais que mon sentiment de faire partie d'une société distincte dans le reste du Canada était menacé par l'ALE et l'ALENA et que ce qui faisait de moi un Canadien et du Canada le Canada serait éventuellement détruit par ces accords en raison du poids de la conformité, dont vous avez parlé, et de la disparition de la culture canadienne.
Je sais que c'est plus une déclaration qu'une question, mais le cheval de Troie est à nos portes, et même s'il ne prend pas la forme de l'AMI, il faut délimiter clairement la ligne de bataille et affirmer qu'on ne saurait dépasser ces bornes.
Moi aussi, j'ai entendu l'allocution de M. Ruggiero à l'OMC à Singapour, il y aura un an la semaine prochaine. Mais j'ai aussi entendu Arthur Eggleton dire, alors qu'il était ministre du Commerce, que tôt ou tard, il nous faudrait abandonner cette notion de culture canadienne. Et c'est là le juste reflet de l'opinion du gouvernement.
La question n'est cependant pas de savoir si c'est l'avis ou non des membres de ce comité.
On semble être résigné au sein du gouvernement, c'est-à-dire parmi les instances dirigeantes, à une certaine inévitabilité. Il faut absolument mettre fin à ce défaitisme, car si on n'essaie pas d'obtenir notre accord là-dessus dans le cadre de l'AMI, on tâchera de le faire dans le cadre de l'OMC. L'AMI n'est qu'un prototype d'accord pour l'OMC et la question politique ou existentielle qui se pose aux Canadiens est de savoir s'ils veulent d'un prototype du genre de l'ALE et l'ALENA ou préfèrent-ils résister à la tendance jusqu'au bout en espérant pouvoir l'inverser?
J'opte pour la résistance et j'espère que c'est aussi ce que fera le comité.
J'ai l'impression que ce sera votre position.
M. Sandy Crawley: J'aimerais simplement répéter quelque chose qui a déjà été dit et le replacer dans le contexte des politiques du gouvernement actuel.
Le ministère des Affaires étrangères a publié un énoncé de principes très brave à l'époque de M. Ouellet, si je ne m'abuse, qui s'intitulait «Le Canada et le monde». Il y était question du troisième pilier des relations étrangères et commerciales du Canada, le pilier culturel. À mon avis, il s'agissait d'une orientation de politique imaginative et assez osée ainsi qu'une stratégie politique et économique ne pouvant que mener au succès. Malheureusement, je conviens avec vous que rien ne semble indiquer que le gouvernement suit cette politique. Il n'a ni le courage ni la conviction voulue pour le faire et semble plutôt accepter une mondialisation inévitable—nous ne pouvons plus prendre de décisions; les sociétés transnationales établissent les règles du jeu; le marché est maître—au lieu de jouer un rôle de leadership comme celui qu'ont proposé certains de nos invités aujourd'hui...
• 1845
Certains craignent que les forces du marché n'imposent une
culture homogène au lieu de laisser place à l'indépendance et à la
liberté d'expression. Le gouvernement est certainement en mesure de
faire ce qu'il veut. Il a même une politique toute prête. S'il le
souhaitait, il pourrait adopter une stratégie proactive dans ce
domaine au lieu d'adopter une attitude défaitiste. J'aimerais bien
le voir le faire. Au lieu de simplement résister à la tendance,
j'aimerais vraiment que nous soyons un peu plus dynamiques.
Le président: Monsieur Blaikie, si vous le permettez, M. Reed pourrait ajouter quelque chose.
M. Julian Reed: J'aimerais d'abord m'élever contre ce qu'a dit M. Blaikie. Il laisse entendre que le gouvernement a abandonné la partie, mais si c'était le cas, nous ne serions pas ici en train de discuter de la question et M. Marchi n'aurait pas dit ce qu'il a dit devant ce comité lorsqu'il a comparu devant lui.
Je crois que quelques remarques s'imposent. Premièrement, je pense que ce groupe ainsi que celui du début de l'après-midi ont présenté les points de vue les plus réfléchis que nous ayons entendus jusqu'ici sur la question. Je tiens personnellement à vous remercier de votre contribution puisque vos propos nous auront été très utiles.
Je crois qu'on exagère un peu en disant qu'on voudrait faire adopter l'AMI à toute vapeur. Nous aimerions bien sûr qu'il soit adopté. Les discussions touchant cet accord ont débuté en 1995, soit il y a deux ans. Les négociations, elles, n'ont pas encore commencé, mais les signataires éventuels de l'accord ont déjà beaucoup réfléchi ensemble à la question. La publication de cette information sur l'Internet en mai dernier a été préjudiciable au processus car certains ont cru que c'était un fait accompli alors que rien n'était plus loin de la vérité.
L'AMI ne se concrétisera peut-être jamais. J'estime cependant que pour ce qui est de la menace provenant des États-Unis, elle existera avec ou sans l'AMI. Tous les accords sur le commerce des biens et des services prévoient un mécanisme de règlement des différends. C'est d'ailleurs à l'avantage du Canada étant donné notre petit marché intérieur et le fait que nous ne pouvons pas vraiment faire concurrence aussi bien que nous le souhaiterions aux grands pays sur les marchés internationaux, ces derniers ayant les ressources voulues pour s'imposer. Même l'ALENA n'empêche pas les États-Unis de nous porter des coups bas dans le domaine du commerce.
Que l'AMI se concrétise ou non, nous devrons toujours être vigilants et faire preuve de prudence dans nos rapports avec les États-Unis. Il n'y a pas à revenir là-dessus.
Oublions pour l'instant les questions culturelles et permettez-moi de vous donner des exemples qui nous amènent à voir le processus de façon positive.
On semble croire que les sociétés multinationales sont de grandes entreprises tentaculaires, mais il n'en demeure pas moins que la majorité des multinationales sont de petites et moyennes entreprises. La semaine dernière, je participais à un congrès de sociétés d'exploration minière qui a lieu au Canada tous les 10 ans. Le Canada compte 700 sociétés d'exploration minière. Bon nombre d'entre elles sont des multinationales qui comptent en moyenne 15 employés. Comme vous voyez, toutes les multinationales ne se ressemblent pas.
• 1850
Cela étant dit, je me suis efforcé de vous expliquer pourquoi
M. Marchi pense que la culture canadienne n'est pas en péril et
vous l'avez vous-même expliqué mieux que ne l'ont fait tous les
autres témoins avant vous. À titre de secrétaire parlementaire de
M. Marchi, je ne manquerai pas de lui faire savoir en termes très
clairs que vous nous appuyez dans ce domaine. Je peux vous assurer
que je partage votre point de vue. Je sais que vous trouverez
rassurante la déclaration préliminaire qu'a faite le ministre
devant le comité lors de sa première réunion.
La question est évidemment de savoir comment atteindre nos objectifs de la façon la plus efficace possible en évitant les coups bas qu'on pourrait nous porter.
Je me rends compte que je me suis laissé emporter par ma propre éloquence comme le fait parfois Blaikie...
Des voix: Oh, oh.
M. Julian Reed: Je n'aurais pas dû le faire. Je vous remercie. Vous nous avez donné des conseils utiles.
M. Jack Stoddart: J'aimerais ajouter que les mécanismes de règlement des différends conviennent dans la plupart des industries, mais je ne sais pas s'ils conviendraient dans le domaine culturel. S'il n'y avait qu'un message qu'on devait transmettre à M. Marchi, ce devrait être le suivant: comment négocie-t-on ce que constitue un pays? Il ne s'agit pas simplement d'industries. Nous sommes des entreprises et des artistes, etc. Je suis sûr que tous ceux que vous entendez demandent un traitement de faveur alléguant qu'ils ne sont pas dans le même cas que les autres. Je suis d'avis que le domaine culturel est le seul domaine qui se distingue vraiment des autres.
Personnellement—je ne parlerai pas au nom de qui que ce soit d'autre—ce n'est pas que je ne fais pas confiance aux principaux ministres libéraux. Je suis sûr qu'ils veulent protéger la culture. Je sais bien que c'est leur intention, mais il importe que nous obtenions des garanties par écrit. Voilà pourquoi je réclame la création d'un petit sous-comité qui compterait des représentants des industries culturelles et des créateurs ainsi que des négociateurs de haut niveau, à qui on confierait la tâche de rédiger des dispositions que le Canada pourrait présenter au reste du monde et au reste des membres de l'OCDE. Tout le monde saurait ensuite ce sur quoi nous ne ferons pas de compromis. Si nous ne sommes pas très clairs là-dessus, on ne nous épargnera pas.
On veut donc protéger la culture. Les discussions sont peut-être en cours depuis trois ans, mais personne ne savait vraiment à quoi s'en tenir jusqu'à tout récemment. Si je ne m'abuse, les négociations doivent aboutir en avril 1998. Nous estimons donc que le temps presse.
Le président: Monsieur Spurgeon, soyez très bref.
M. Paul Spurgeon: Nous pouvons conseiller au ministre Marchi une certaine orientation. Permettez-moi de vous citer les propos du ministre Eggleton. Lorsqu'il était le ministre responsable de ce secteur, il a dit qu'il était vraiment illusoire de croire que l'exemption culturelle prévue dans le cadre de l'ALENA protégeait vraiment la culture canadienne. Il a dit: «L'ALENA ne prévoit aucune garantie culturelle. C'est un mythe. Ces garanties ne nous ont jamais été accordées.»
Si c'est bien la vérité—je crois qu'il a raison—, nous devrions nous assurer de proposer un libellé qui permette d'atteindre les objectifs que se fixe le ministre Marchi c'est-à-dire de faire en sorte de protéger la culture. À mon avis, ce sont les meilleurs conseils qu'on pourrait lui donner.
Une voix: Vous avez raison.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Crawley, avant que nous ne passions à une autre question, je me demandais à qui vous songiez lorsque vous avez dit qu'il fallait faire la promotion de la télévision et du cinéma canadiens. J'aimerais vous signaler quelque chose.
• 1855
Hier, je présidais une réunion à laquelle participaient le
haut-commissaire et le vice-premier ministre des Bahamas. La
ministre du Patrimoine s'est jointe à nous et a essayé de conclure
une entente bilatérale avec eux en matière de cinéma. Elle a dit
qu'elle poursuivrait ses efforts en ce sens parce qu'elle venait de
conclure une entente bilatérale semblable avec l'Italie. Toute la
réunion ensuite tournait autour de ce sujet. Je peux vous assurer
que la ministre du Patrimoine fait la promotion de la culture
canadienne.
M. Sandy Crawley: Je me réjouis de vous l'entendre dire. Mais je vois que vous ne savez pas ce qu'est le troisième pilier. On en a fait cependant grand cas au moment de l'annonce de cette critique. C'était un autre gouvernement qui était au pouvoir mais du même parti pour ainsi dire. Il n'était pas simplement question de conclure des ententes bilatérales, même si la stratégie l'envisageait, mais d'utiliser la culture comme un ambassadeur dans des façons qui nous sont familières mais modernes également.
Enfin, c'était une source d'inspiration pour les fonctionnaires et pour les dirigeants politiques. La stratégie élargissait leurs horizons et les incitait à prendre les choses en main au lieu de simplement réagir aux situations. On a vraiment essayé de proposer une bonne politique. Faisons en sorte qu'elle soit mise en oeuvre ou admettons qu'on l'a simplement abandonnée.
Il s'agit du troisième pilier. Demander à quelqu'un de vous renseigner là-dessus. Je suis sûr qu'on pourra vous transmettre ce document.
Le président: Je vous remercie, monsieur Crawley.
Je suis sûr que Mme Bulte aurait quelque chose à ajouter, mais je vais d'abord donner la parole à M. McKay et ensuite brièvement à Mme Tremblay. Ce sera ensuite autour de Mme Bulte.
M. John McKay: Je vous remercie, monsieur le président. J'ai beaucoup aimé la définition que nous a donnée Mme Simonds du «droit d'un pays à s'entendre penser». Je crois que c'est une façon élégante de présenter les choses. Malheureusement, c'est le dilemme auquel fait face le comité, soit traduire en termes juridiques ce que constitue une culture et, en effet, ramener le concept de culture à un concept industriel. Bien que cette idée me plaise, je ne pense pas qu'elle se concrétisera.
J'aimerais donc que nous revenions à l'exemption culturelle proposée par la SOCAN à la page 14 et faire deux observations à ce sujet. Premièrement, vous avez dit que cette définition vous semblait meilleure que celle qui se trouve dans la proposition française. Ma deuxième observation porte sur le libellé très vaste qui prévoit une incidence neutre au point de vue technologique, la possibilité d'avoir recours à des représailles, l'inclusion dans tous les accords et un modèle autonome. D'après vous, il s'agit d'exemptions très larges.
La question que je me pose, est de savoir à quoi nous devrions renoncer en contrepartie de cette exemption? M. Mayson cesserait-il d'avoir accès aux fonds qui lui permettent de réaliser ses films? M. Stoddart cessera-t-il d'avoir accès aux fonds sur lesquels repose son entreprise d'émissions.
Ces exigences vont-elles dissuader un investisseur étranger d'investir au Canada?
Ces mesures risquent-elles de nous priver des investissements dont nous avons besoin pour faire la promotion de notre culture?
M. Paul Spurgeon: Votre question s'adresse-t-elle à moi?
M. John McKay: J'ai d'abord pensé vous l'adresser, mais je suis sûr que les autres témoins voudront aussi dire quelques mots.
M. Paul Spurgeon: Parlons d'abord de la proposition de la France. Je vais essayer de répondre aux questions que vous avez soulevées dans l'ordre où vous l'avez fait. La France va dans la bonne direction, mais malheureusement, comme vous l'avez dit, ou quelqu'un d'autre l'a dit, ces critères sont très vagues. Je crois que nous l'expliquons à la page 12 de notre mémoire. Le libellé est vraiment très vague: «dans le cadre de politiques visant à promouvoir et à préserver la diversité culturelle et linguistique». Je ne sais pas ce qu'on entend par là. Les avocats étant ce qu'ils sont, ils interpréteront cela de diverses façons.
• 1900
Ce libellé est certainement restrictif. Il n'y est question
que de mesures visant à préserver et à promouvoir la diversité
culturelle et linguistique, et on demandera à des avocats de dire
ce que l'on entend par cela.
Enfin, on ne peut pas vraiment parler d'un modèle autonome. Dans la dernière partie de la disposition, il est question de mesures conçues «pour préserver et promouvoir». D'autres pays pourront prétendre que les mesures ont été conçues dans ce but. Ils voudront eux-mêmes dire ce qu'il en est.
M. John McKay: Votre définition est même plus large. Vous réclamez n'importe quel type de mesure ou d'intervention. Vous n'êtes pas plus précis.
M. Paul Spurgeon: Vous avez tout à fait raison. Je cite le bas de la page 14: rien dans cet accord ne peut empêcher le Canada d'adopter une loi ou de prendre un règlement qu'il juge nécessaire pour promouvoir ses industries culturelles. Le règlement sur le contenu canadien pourrait donc être considéré comme un règlement nécessaire.
Qu'est-ce qu'une industrie culturelle? C'est là-dessus qu'il peut y avoir divergence de vues...
M. John McKay: Faut-il utiliser le mot «industrie»? Je suppose que c'est un autre mot...
M. Paul Spurgeon: Dans le cadre de l'AMI, ce serait une bonne façon de désigner les choses. Nous ne voulons certainement pas exclure les créateurs d'oeuvres. Je songe ici à la propriété intellectuelle comme les chansons et les livres. Je songe évidemment à leurs auteurs. Tout commence par le créateur.
M. John McKay: Vous avez raison. Les créateurs.
M. Paul Spurgeon: Je ne veux certainement pas exclure ces gens-là.
M. John McKay: On est en présence d'un paradoxe vu que les gens qui réclament le plus de protection sont ceux qui sont les artistes les plus vulnérables. Plus on monte le long de la chaîne, moins on a besoin d'accorder de protection. Je songe ici aux Conrad Black de ce monde et à tous ceux qui font de bons profits en vendant des biens culturels.
M. Paul Spurgeon: Ce dont il est question, ce sont les industries culturelles canadiennes qui ont été protégées grâce aux règlements qui ont été proposés par des gens clairvoyants comme le règlement sur le contenu canadien.
De toute évidence, lorsqu'un créateur crée une oeuvre, il veut la faire connaître à d'autres Canadiens. Ce seront ces lois et ces règlements qui leur permettront de le faire.
C'est l'orientation dont il est ici question. Je ne dis pas que c'est nécessairement la meilleure orientation. Je crois cependant que c'est un moyen efficace de promouvoir notre culture si nous le souhaitons. Il est question des mesures que le Canada peut juger nécessaires. Nous n'aurons pas recours à des mesures que nous ne jugeons pas nécessaires.
Le président: J'aimerais permettre à Mme Simonds d'ajouter quelque chose. J'aimerais cependant d'abord obtenir une précision. Ce que vous proposez n'est-il pas restrictif? Cette interprétation s'opposerait-elle à quelque chose comme l'Internet qui, personne ne pouvait l'imaginer il y a cinq ou six ans, a pris une telle importance?
M. Paul Spurgeon: C'est une excellente question. Comme vous le savez, le gouvernement du Canada a terminé des études sur l'autoroute de l'information, par l'entremise de son comité consultatif sur l'autoroute de l'information et a formulé des recommandations sur la façon dont nous allons aborder le problème de la culture du Canada dans le nouvel environnement.
Mais si vous lisez la définition, vous voyez qu'elle introduit un nouveau mot, entre autres, qui ne figurait pas dans la définition contenue dans l'ALENA, et il s'agit de l'expression «communication par télécommunication». Nous avons emprunté cette expression à la Loi sur le droit d'auteur.
Je ne veux pas entrer dans des détails techniques, mais cela peut comprendre n'importe quoi, y compris l'Internet. L'Internet offre la transmission ou la réception de signes, de signaux, d'écrits, d'images ou de sons... des renseignements de toute nature. C'est aussi simple que ça. S'agit-il de communication par fil, de communication radio, visuelle, optique ou électromagnétique...? Il peut s'agir de n'importe quoi. La transmission peut se faire par satellite ou par ligne téléphonique.
Nous voulons une disposition très neutre sur le plan de la technologie, comme c'est le cas dans la Loi sur le droit d'auteur, dirais-je. Ce n'est pas mon domaine d'expertise. La Loi sur le droit d'auteur a tenté de créer une mesure législative qui serait «neutre sur le plan de la technologie», pourrait-on dire.
M. Peter MacKay: Mais vous êtes aussi disposé à accepter la réciprocité que cela entraînerait nécessairement?
M. Paul Spurgeon: La réciprocité dans quel sens?
M. Peter MacKay: Je suppose que si nous voulions négocier une telle mesure dans l'accord, un certain nombre d'autres pays, peut-être même les États-Unis, voudraient probablement aussi négocier une mesure de cette nature.
M. Paul Spurgeon: C'est possible. Je n'ai rien vu de tel dans leur liste de demandes. Des dispositions de cette nature permettraient certainement au Canada de s'assurer... Je ne pense pas que cela manifeste une intention d'exclure les droits d'auteur étrangers. Ce n'est pas là l'intention.
M. Brison a dit qu'il aimait bien lire son New York Times le dimanche, comme moi, mais qu'il aimait aussi lire Maclean's et qu'il y est abonné, comme moi, ainsi qu'à d'autres publications canadiennes.
Nous devons faire en sorte d'offrir un choix aux Canadiens. La plupart des pays, y compris le nôtre, ne veulent pas exclure les produits culturels d'autres pays, mais ils veulent pouvoir offrir un moyen d'expression aux créations culturelles de leurs ressortissants. C'est ce que nous essayons de faire en l'occurrence.
Le président: Merci.
Mme Simonds a fait preuve de patience. Elle voulait intervenir.
Mme Merilyn Simonds: Je voulais seulement parler du libellé français, que je trouve extrêmement problématique. Je ne suis pas certaine s'il s'agit d'une question de traduction ou d'un problème inhérent au libellé de l'exemption.
L'expression anglaise «cultural diversity» a un sens très précis au Canada. Elle a trait à des mesures mises en oeuvre pour résoudre la question des rapports entre les cultures de la minorité et de la majorité. C'est un ensemble très spécifique de mesures législatives. Étant donné le libellé utilisé, l'exemption ne s'appliquerait qu'à notre politique de multiculturalisme et de bilinguisme. Tout le reste ne fait l'objet d'aucune restriction.
Si vous lisez le texte attentivement, vous verrez qu'il est très mal rédigé. Peut-être qu'en français... J'en ai parlé à des traducteurs, mais je n'ai pas pu obtenir une idée claire. L'expression «diversité des cultures» signifie peut-être autre chose que l'expression «diversité culturelle». Quoi qu'il en soit, vous pouvez voir les problèmes que présente cette exemption particulière. Nous ne pouvons simplement pas l'accepter.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: D'abord, le Bloc québécois avait fourni une liste de 22 groupes ou personnes dont 10 du Québec. De ces dix, deux ont été invités à participer au comité, mais ils n'étaient pas disponibles, et les huit autres n'avaient pas été retenus. Donc, on avait fait un effort quand même pour amener un peu du Québec à la table, mais cela ne s'est pas organisé comme cela.
Est-ce que votre...
[Traduction]
Le président: Pour être juste, je vous signale que nos recherchistes ont préparé une liste fondée sur les institutions nationales qui représentaient toutes les régions du pays, y compris le Québec. C'est ce qui est arrivé.
Mme Suzanne Tremblay: Très bien, je ne veux pas critiquer.
Le président: Nous avons aussi encouragé alors tous les groupes à amener des représentants du Québec avec eux lorsqu'ils venaient témoigner. Il s'agissait d'institutions nationales.
[Français]
Mme Suzanne Tremblay: Ma question s'adresserait à la SOCAN. Avez-vous testé votre proposition auprès des gens du milieu? Les autres en veulent-ils? Les autres sont-ils d'accord avec ce que vous avez dit ou faites-vous cavalier seul?
M. François Cousineau: J'ai l'impression qu'il s'agit d'un consensus naturel, si je puis m'exprimer ainsi. Vous parlez du Québec?
Mme Suzanne Tremblay: Dans le Canada, les écrivains, les gens de la télévision sont-ils tous d'accord avec vous? Et, si c'était cela, par exemple, la position de négociation du gouvernement canadien, tous les groupes du milieu, from coast to coast, seraient-ils d'accord avec vous? Avez-vous testé auprès des autres?
[Traduction]
M. Jack Stoddart: Nous n'en avons pas entendu parler, mais je pense qu'il est question que des représentants des industries et des créateurs travaillent ensemble avec des représentants du gouvernement pour que nous arrivions à un libellé qui fonctionnera. Je n'ai pas de doute quant à ce qui en ressortira. Si vous laissez aux bureaucrates le soin de rédiger un texte à ce sujet sans qu'ils comprennent bien ce que nous essayons d'accomplir, je pense, sauf votre respect, qu'à moins de travailler dans certains secteurs, on ne peut pas les comprendre. Je dis cela seulement parce que c'est vrai.
Une voix: Oui, je suis d'accord. Puis-je...
Le président: M. Henderson d'abord.
M. Bill Henderson: Je voulais seulement répondre à cela brièvement.
• 1910
Comme on l'a dit, ce libellé n'a pas circulé beaucoup, mais je
pense pouvoir parler au nom des auteurs-compositeurs. En général,
ils seraient en faveur d'une telle disposition.
En outre, pour répondre à une autre question concernant les mesures de rétorsion que pourrait entraîner l'adoption d'une telle clause d'exemption relative à la culture, je dirai simplement qu'il y a des pays dans le monde qui ont déjà des mesures de protection pour leur culture et que ce n'est donc pas rare. Évidemment, vous le savez déjà.
Les États-Unis n'en ont pas besoin. On a dit que la mondialisation de la culture était en fait l'américanisation de la culture, parce que leur culture est tellement puissante.
Pour ce qui est des mesures de rétorsion, je ne sais pas exactement ce que vous entendez par là, mais si vous voulez parler de l'adoption de mesures de protection, je ne pense pas que cela présente un problème. Il a été difficile pour les Canadiens de faire face aux puissantes cultures américaines depuis une trentaine d'années, pendant lesquelles nous avons vraiment essayé de faire des progrès. J'y travaille depuis toutes ces années et j'y ai consacré beaucoup de temps, et j'ai dû aller aux États-Unis pour faire impression et m'engager dans cette cause.
À cause de l'appui que le Canada a commencé à donner aux artistes dans les années 70, en particulier grâce aux mesures relatives au contenu canadien, un groupe de musiciens peuvent vraiment se faire entendre sur les ondes au Canada, gagner leur vie au Canada, sans avoir à s'inquiéter des États-Unis. Le groupe Tragically Hip en est un parfait exemple. Une telle chose n'aurait pas pu se produire il y a 25 ans.
Les Canadiens ont donc appuyé les leurs et ont permis ce genre de succès, et je pense que la réussite des Canadiens dans le monde, dont nous sommes témoins de nos jours, reflète bien le pouvoir et le bien qui ont découlé de l'appui que nous avons donné.
M. Guy Mayson: Je voulais seulement ajouter que nous n'avons pas vu non plus de définition, et qu'il faudra être très prudent dans la rédaction d'une définition. Nous tenons beaucoup à participer à ce processus. L'Association des producteurs n'approuve certes pas de libellé spécifique.
Mme Sarmite Bulte: J'ai seulement une brève question à poser au sujet du commentaire de M. Crawley, qui a dit qu'on avait perdu le troisième pilier.
Je crois savoir qu'à la fin de la dernière législature, le comité du patrimoine essayait de définir une politique culturelle. Je crois qu'un certain nombre d'organismes avaient présenté des mémoires à ce sujet, et qu'ensuite il y a eu la dissolution des Chambres.
Le comité a été recréé et c'est maintenant l'un de ses sujets prioritaires.
Si vous voulez y présenter des instances, je suggère que vous vous adressiez au greffier du comité du patrimoine, parce que ce sera maintenant la priorité de ce comité, dont Mme Tremblay et moi sommes membres, comme Mme Lill.
M. Alexander Mair: Je tiens à insister sur quelque chose qu'a dit Merilyn tout à l'heure et qui se rattache à votre question concernant les mesures de rétorsion.
Nous parlons du Canada. Comme Merilyn l'a dit, chaque pays doit avoir le droit de protéger sa propre culture, quelle que soit la façon dont on la définit.
Les lois sur le contenu canadien et d'autres mécanismes de soutien au secteur de la musique ont servi de fondement à des lois et à des politiques semblables en Australie d'abord, et maintenant en Afrique du Sud. La Pologne vient d'adopter une mesure exigeant 50 p. 100 de contenu polonais. La France a maintenant une mesure exigeant 40 p. 100 de contenu français. L'Irlande a également des règlements concernant le contenu. De plus en plus de pays sont en train de copier le modèle canadien et nous ne pouvons pas le rejeter.
Je ne pense pas qu'il s'agisse là de mesures de rétorsion et nous ne nous plaignons pas de ce que d'autres pays font, même si cela nous limite dans une certaine mesure, parce que nous profitons dans notre pays de la meilleure musique au monde. L'Australie n'est pas intéressée par tous les artistes canadiens, seuls les meilleurs l'intéressent, et c'est ce que ce pays aura. Nous ne souffrirons pas du fait que l'Australie ou l'Irlande ont des règlements sur le contenu. Les meilleurs de nos artistes réussiront.
Le président: Chers collègues, je tiens à vous remercier tous.
• 1915
Je m'excuse auprès de Mme Simonds. Vous étiez inscrite avec
M. Stoddart, comme je peux le voir sur ma liste.
Mme Merilyn Simonds: Eh bien, c'est mon éditeur.
Le président: De fait, il est éditeur et vous êtes auteur. Vous avez réussi à prendre la parole, mais c'était bien. Votre exposé était excellent.
Je vous remercie tous d'avoir comparu. Je tiens à vous rappeler que nous présenterons un rapport en janvier. Nous pourrions faire appel à vous si nous avons d'autres questions. Il y a encore beaucoup de détails à mettre au point. Comme plusieurs d'entre vous l'ont dit, c'est une question très compliquée. Nous ferons peut-être encore appel à vous si nous avons des questions au sujet de vos mémoires.
Nous encourageons également tous les Canadiens qui veulent présenter un mémoire à le faire. C'est beaucoup plus facile maintenant grâce au courrier électronique, et c'est peut-être même encore plus facile qu'il y a une semaine. Nous voulons que vous nous fassiez parvenir vos mémoires. Nous commencerons à préparer notre rapport après la fin de nos séances officielles la semaine prochaine. Nous continuerons notre étude en préparant un rapport que nous voulons remettre au gouvernement avant qu'il n'entreprenne les négociations en janvier.
Je tiens à assurer à tous ceux qui ont pris la parole que le comité continuera de suivre cette question jusqu'à la signature de l'accord. Nous voudrons donc peut-être vous inviter encore à comparaître.
Lorsque nous saurons plus précisément ce que contiendra l'accord... À l'heure actuelle, il semble que nous soyons encore à l'étape des négociations et bien qu'on puisse en discuter, je ne suis pas certain que le gouvernement voudrait mettre tout sur la table dès maintenant. Je ne suis pas certain que ce soit la meilleure façon de négocier. Les représentants de Postes Canada pourraient peut-être me le dire; je l'ignore. Je peux vous assurer que nous allons suivre cette question jusqu'à la signature de l'accord.
Notre prochaine séance aura lieu lundi.
La séance est levée.