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SINT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON INTERNATIONAL TRADE, TRADE DISPUTES AND INVESTMENT OF THE STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

SOUS-COMITÉ DU COMMERCE, DES DIFFÉRENDS COMMERCIAUX ET DES INVESTISSEMENTS INTERNATIONAUX DU COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 3 mars 1999

• 1529

[Traduction]

La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Mesdames et messieurs, je déclare ouverte la présente séance du Sous-comité du commerce, des différends commerciaux et des investissements internationaux.

Nous accueillons aujourd'hui le ministre du Commerce international, l'honorable Sergio Marchi, qui est ici pour nous renseigner sur l'Accord de libre-échange des Amériques. Le ministre dispose d'une heure, donc j'aimerais que nous commencions dès maintenant.

Je tiens également à souhaiter la bienvenue à Kathryn McCallion, qui est sous-ministre adjointe, Affaires internationales et Affaires consulaires. Elle a également été notre présidente pour la création de la ZLEA. Nous vous souhaitons à nouveau la bienvenue. M. Claude Carrière, directeur, Direction des droits de douane et de l'accès aux marchés, est également des nôtres. Je vous souhaite la bienvenue.

Soyez le bienvenu, monsieur le ministre. Nous vous remercions de vous être joint à nous aujourd'hui.

L'honorable Sergio Marchi (ministre du Commerce international, Lib.): Je tiens à vous remercier, madame la présidente, et mesdames et messieurs les membres du comité. Je suis heureux d'être de retour parmi vous. Comme vous le savez, nous avons rencontré le comité principal le mois dernier le 9 février pour examiner toute la question du programme multilatéral de l'OMC. Je suis très heureux d'être de retour cet après-midi pour mettre l'accent sur le mandat que le sous-comité a gracieusement accepté, à savoir la Zone de libre-échange des Amériques.

• 1530

Comme vous l'avez mentionné, je suis accompagné de George Haynal, le sous-ministre adjoint responsable des Amériques; de Kathryn McCallion, notre déléguée commerciale en chef et présidente du Comité de négociation pour la création de la ZLEA, jusqu'à la fin de notre mandat de 18 mois; et Claude Carrière, qui sera notre négociateur en chef pour la création de la Zone de libre-échange des Amériques.

J'aimerais décrire brièvement ce que le Canada tâche d'accomplir par la création de la Zone de libre-échange des Amériques, notre position actuelle et certains des défis que doit relever la collectivité de la ZLEA. Enfin, je parlerai des consultations intérieures. Je serai ensuite très heureux d'entendre vos conseils et de répondre à vos questions.

Tout d'abord, que tâchons-nous d'accomplir? En quelques mots, nous tâchons de tirer profit du succès énorme de nos milieux d'affaires et de profiter des débouchés qu'offre le monde des Amériques au Canada. Il faut dire que le Canada s'est débrouillé extrêmement bien dans le monde des Amériques. Non seulement nous avons conclu un accord de l'ALENA avec le Mexique et un accord de libre-échange avec le Chili, mais le nombre de nos accords bilatéraux avec tous les pays des Amériques, tant en matière de commerce que d'investissement, a augmenté de façon spectaculaire.

Le Canada s'est bien positionné et jouit d'une bonne réputation. Il est considéré par bien des pays comme un contrepoids aux États-Unis et au continent. Donc, sur le plan stratégique, je pense qu'il est dans notre intérêt national sur le plan commercial que nous soyons considérés non seulement comme un participant mais également comme un chef de file dans l'unification de ce qui deviendra une région du monde d'une énorme importance.

Le Canada se trouvera donc à pratiquement jouer le rôle d'hôte des Amériques. Cette année, comme vous le savez, Winnipeg au Manitoba accueillera les Jeux panaméricains. À l'automne, la Conférence des conjoints de dirigeants se tiendra à Ottawa. En novembre, à Toronto, j'aurai l'honneur d'accueillir mes homologues, c'est-à-dire les ministres du Commerce des 33 autres pays des Amériques. En l'an 2000, le Canada sera l'hôte de l'Assemblée générale de l'OEA, et en l'an 2000 ou en l'an 2001, le premier ministre tiendra le sommet des dirigeants des Amériques. Je suis très fier, comme Canadien, que nous ayons pu manifester dès le départ non seulement notre participation mais aussi notre leadership.

Comme vous le savez, le Canada a été invité à assumer la présidence de la première période de 18 mois, qui a débuté le printemps dernier et dont le point culminant sera la réunion de novembre, dont nous assurerons la présidence, de l'ensemble des ministres du Commerce, ainsi que le Forum commercial des Amériques qui aura lieu les 1er et 2 novembre. Nous avons obtenu de tous les pays l'engagement de faire des progrès concrets d'ici le tournant du siècle et de terminer nos négociations d'ici 2005.

Lorsque nous disons que les intérêts nationaux de la politique commerciale du Canada seraient bien servis par cette initiative, c'est qu'elle permettra de créer la plus importante zone de libre- échange au monde—800 millions de personnes dont le PIB réuni s'élève à 9 billions de dollars. Je pense que la ZLEA permettra au Canada de prendre sa place au sein de l'une des principales régions économiques de notre planète.

Si nous faisons abstraction des affaires que nous faisons avec les États-Unis et le Mexique par le biais de l'ALENA, la région représente déjà un marché d'exportation de 4 milliards de dollars pour le Canada, et reçoit jusqu'à 26 milliards de dollars d'investissements canadiens. Je dirais que ce sont déjà des chiffres impressionnants, et ce sans tenir compte du Mexique et des États-Unis.

Les échanges bilatéraux de la région, à l'exclusion des États- Unis et du Mexique, ont atteint 8,5 milliards de dollars l'année dernière. Je crois qu'une zone de libre-échange des Amériques offrirait aux exportateurs et aux investisseurs canadiens de plus vastes débouchés pour leurs biens et services, des règles améliorées ainsi qu'un mécanisme de règlement des différends, qui, comme nous le savons d'après notre expérience avec les États-Unis et le Mexique, est absolument essentiel.

• 1535

Il importe de signaler que nos exportateurs font toujours face à des barrières tarifaires relativement élevées dans la région, et c'est pourquoi il serait avantageux d'avoir un régime d'échange libéralisé. Par exemple, dans le secteur automobile, nous faisons face à des tarifs conjoints du MERCOSUR de 70 p. 100; dans le secteur des équipements, à des tarifs de 20 à 25 p. 100 dans les principaux marchés sud-américains; dans le secteur du papier, à des tarifs de 12 à 16 p. 100 dans les économies du MERCOSUR, et dans le secteur des matières plastiques, à des tarifs de 14 à 18 p. 100 sur nos principaux marchés.

La zone de libre-échange permettrait d'abaisser ces barrières pour nous étant donné qu'elles le sont déjà dans l'autre sens. Les pays des Amériques et des Antilles bénéficient déjà de tarifs peu élevés au Canada et beaucoup d'entre eux ont droit à un tarif préférentiel général ou à un autre type de traitement tarifaire préférentiel. Donc l'issue de ces négociations pourrait être très positive pour les entreprises canadiennes car elle nous permettrait de pénétrer ces marchés encore mieux que nous l'avons fait sous le régime tarifaire en vigueur. Au bout du compte, cela signifierait un accroissement de l'activité économique, une stimulation de la création d'emplois et la multiplication de liens entre les pays qui formeront la Zone de libre-échange des Amériques.

Pour ce qui est des progrès réalisés jusqu'à présent, on peut dire que le processus suit son cours et que la plupart des membres sont satisfaits des progrès réalisés. Le processus a été bien amorcé à San Diego l'année dernière en présence de l'ensemble des 34 dirigeants. Le secrétariat administratif à Miami, qui est un secrétariat tournant, a commencé ses activités. Il est dirigé par un Canadien, Michael Eastman, qui faisait partie de notre secrétariat de l'ALENA jusqu'à ce qu'on lui confie ces nouvelles tâches dans le cadre la ZLE.

En juin, le Canada a présidé la première réunion du comité des négociations commerciales à Buenos Aires en Argentine. Il a établi les programmes de travail pour l'ensemble des neuf groupes de négociation et pour les trois organismes qui s'occupent des questions de portée générale. Ces groupes ont tenu leurs séances d'inauguration en septembre et en octobre. La deuxième série de négociations, de janvier de cette année jusqu'à avril, se poursuit en ce moment.

En décembre dernier, au Suriname, le Comité des négociations commerciales a tenu sa deuxième réunion et a mis l'accent sur la facilitation des affaires, afin de tâcher d'accomplir de réels progrès, et s'est entendu pour concentrer ses premiers efforts dans les domaines des douanes, des procédures et de l'harmonisation. Ce comité, présidé par le sous-ministre adjoint du Canada, Kathryn McCallion, se réunira à nouveau à la fin d'avril pour examiner le travail des divers groupes de négociation et commencera à préparer une série de mesures sur lesquelles se pencheront les ministres en novembre à Toronto.

Dans l'ensemble, par conséquent, la présidence considère que le processus se déroule comme prévu et que les perspectives sont bonnes. Parallèlement, nous devons aussi faire preuve de réalisme car nous savons tous qu'il existe un certain nombre de défis auxquels les régions de la ZLEA doivent faire face alors qu'elles se lancent dans cette entreprise très stimulante. Permettez-moi de vous décrire certains de ces défis.

La première difficulté dont parlent assez souvent tous les experts et les politiciens, c'est l'absence de pouvoir aux États- Unis pour accélérer le processus. Je l'ai déjà dit, et je le répète aujourd'hui, l'absence de ce pouvoir, à mes yeux et aux yeux de notre gouvernement, n'est pas encore préjudiciable au processus au point de la paralyser.

Nous avons réussi à faire des progrès considérables et à gagner du terrain. Nous avons établi tous les groupes de travail et le processus est bien amorcé. Cependant, la plupart des pays considèrent également qu'à un certain moment, ce pouvoir de négociation accélérée s'imposera, et le plus tôt sera le mieux. Autrement, si cela prend trop de temps, cela risque de ralentir le processus. Compte tenu de l'ampleur de l'initiative, je ne crois pas que l'absence de pouvoir de négociation accélérée de la part d'un pays mette fin au processus ou le fasse dérailler. Mais de toute évidence, aucun pays qui se respecte ne négociera deux fois. On négociera une fois, on négociera correctement et on le fera lorsque les États-Unis auront clairement un pouvoir de négociation accélérée.

Bien des gens disent qu'il est peu probable que ce pouvoir de négociation accélérée soit accordé au cours de l'administration de M. Clinton. Peut-être ont-ils raison et peut-être pas. Il est également possible qu'après les événements dont nous avons été témoins à Washington, les républicains et les démocrates aux États- Unis décideront de surcompenser et de montrer au peuple américain qu'ils peuvent s'occuper des affaires publiques, et le pouvoir de négociation accélérée pourrait être l'une de ces questions susceptibles de rallier un appui bipartite. Autrement, nous devrons simplement nous débrouiller sans eux, tant dans le cadre des négociations de la ZLEA que dans le cadre de l'OMC.

• 1540

Le deuxième défi est la facilitation des affaires, et à cet égard, l'objectif est simple—c'est-à-dire faciliter et simplifier le déroulement des affaires sur le continent. Il faudrait essentiellement qu'il soit aussi facile pour une entreprise ici à Ottawa de faire affaire à San Diego qu'à Miami. Nos négociateurs en chef ont tenu des premières discussions positives sur des propositions visant à réduire les formalités administratives et les autres coûts que comporte la conduite des affaires sur le continent et à tâcher de mettre l'accent sur des procédures de douane simplifiées et harmonisées. Nous envisageons d'en faire le thème de notre réunion des ministres à Toronto en novembre. C'est une chose à laquelle nous tenons beaucoup car de toute évidence nous voulons partir du bon pied en ce qui concerne la politique commerciale relative à la ZLEA et il y a de nombreuses questions à régler. Mais nous tenons également à nous assurer que l'on facilite le commerce car cela est un aspect important pour les entreprises canadiennes. Parfois, si la politique commerciale est adéquate mais qu'on ne facilite pas le commerce, on ne retire pas les avantages du commerce parce que les gens seront entravés par les formalités administratives, des règlements ou des procédures douanières qui ne sont pas harmonisés.

Le troisième défi c'est la disparité en ce qui concerne la taille des pays, car vous avez des pays comme les États-Unis et le Brésil, qui sont de grands pays, et vous avez certains pays des Antilles comme Trinidad et Tobago qui ne comptent qu'un million d'habitants. Donc comment régler ce problème de disparité, non seulement en ce qui concerne la taille des partenaires mais également dans différentes économies? Certains pays des Amériques dépendent surtout du tourisme, tandis que d'autres comme les États- Unis sont des économies très complexes et modernes. C'est pourquoi nous avons mis sur pied un groupe spécial des petites économies, parce que je crois que l'objectif premier du Canada est de ne laisser personne derrière à cause de sa taille. Et deuxièmement, grâce à notre expérience avec les États-Unis, étant donné que nous sommes dix fois plus petits que l'économie américaine, nous ne manquerons de parler de nos relations et de nos réussites qui s'appuient sur l'établissement de règles commerciales ainsi que sur un mécanisme indépendant d'arbitrage des différends en fonction non pas de la taille des participants, mais des faits propres à chaque cas.

La disparité de taille est un aspect que je considère très important, toutes les mesures à prendre pour aider les petits pays à se doter de la capacité institutionnelle qui leur permettra d'établir leur cadre de négociation et de consultation—et les pays se sont renseignés auprès de nous sur nos SAGIT, c'est-à-dire nos groupes de consultation sectorielle—puis de tirer parti de ce qui est négocié. Donc le développement de cette capacité pour certains de ces pays représente un défi et apporte aussi, espère-t-on, des promesses.

Le quatrième défi concerne l'impact que les marchés financiers internationaux auront sur la rapidité, le ton et la teneur des négociations de la ZLE, non seulement à l'échelle internationale mais dans les pays d'Amérique. On s'intéresse beaucoup à la façon dont le Brésil va gérer sa situation financière et à l'influence que cela aura sur les négociations, étant donné que l'économie brésilienne, d'après ce que je crois savoir, représente environ 60 p. 100 du PIB de l'Amérique latine. À notre avis, ces défis financiers sont autant d'arguments qui militent en faveur de la libéralisation du commerce et non l'inverse. Si les gens sont inquiets à propos de la situation des marchés financiers, ils ne proposeront pas comme solution l'établissement de barrières ou l'augmentation des tarifs.

• 1545

Nous considérons effectivement qu'une plus grande libéralisation du commerce favorisera l'ouverture et la transparence des marchés financiers plutôt que d'y nuire. Le Canada est d'avis qu'il faut résister aux appels en faveur d'un protectionnisme accru et d'un plus grand repli sur soi lancés en réaction à certaines de ces difficultés financières et faire valoir les avantages que l'on peut retirer en continuant à opter pour la libéralisation du commerce, que les fluctuations du marché soient positives ou négatives.

Le dernier défi consiste à s'assurer que la participation de la totalité de la société civile demeure une priorité. Pour nous, il est essentiel que ces négociations se déroulent d'une manière ouverte et englobent tous les intéressés.

Négocier un accord auquel participent 34 pays n'est pas une mince tâche. Ce sera une véritable gageure. Mais la négociation d'un accord de libre-échange entre les 34 pays des Amériques présente d'énormes avantages. Nous devons prendre tous les moyens nécessaires—et c'est une position que le Canada n'a cessé de préconiser—pour que, dès le début de cette entreprise qui s'échelonnera sur sept ans, nos gens soient tenus au courant. Nous devons leur expliquer les raisons de cet accord et comment il sera profitable à eux et à leurs familles. Je crois que cela a été difficile car dans certains pays d'Amérique latine, ce sont exclusivement les gouvernements qui prennent la parole, qui décident et qui négocient.

De toute évidence, au bout du compte, les négociations s'effectuent entre gouvernements souverains. Mais nous avons toujours considéré qu'il ne s'agit pas uniquement d'un accord commercial. Lorsque nous négocions avec 34 pays, la discussion déborde le simple cadre commercial. Nous devons donc inclure les citoyens et les familiariser avec le processus pendant qu'il est en cours, plutôt que de les exclure jusqu'à ce qu'il soit terminé. C'est la raison pour laquelle, avec l'appui entre autres des États- Unis, nous avons mis sur pied au Costa Rica un comité de la société civile. Nous estimons qu'effectivement, il incombe à chaque pays de procéder à ses propres consultations sur son propre territoire mais qu'au bout du compte, il doit également y avoir un attachement profond de la part de la société civile envers tout ce que représente la ZLE. C'est pourquoi ce comité a été constitué. Nous avons invité les citoyens à présenter des mémoires d'ici la fin du mois en prévision de la réunion des ministres à Toronto pour que ceux-ci aient une idée de ce que les gens pensent de la ZLEA.

C'est un premier pas positif, mais le comité a toujours besoin d'un président permanent au sein de ce comité que nous tâchons de mettre sur pied et d'un mandat général qui à un certain stade comprendra des liens directs avec des organisations non gouvernementales. Le défi ici encore consiste à rapprocher les mentalités, à tenir compte du fait que chaque pays a sa façon de faire. De nombreux pays d'Amérique latine ont fait beaucoup de chemin; nous devrions éviter de les sermonner aux dernières étapes à parcourir et penser au contraste qui existe entre la situation de ces pays autrefois et celle d'aujourd'hui. Car si nous croyons dans une zone de libre-échange des Amériques, nous devons aussi commencer à partager des positions et des valeurs communes et à laisser de côté nos divergences d'opinions pour établir un rapprochement. Je considère que le domaine de la société civile reste l'un de ces aspects où nous avons encore du travail à faire pour établir ce rapprochement. Mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit d'une entreprise qui s'étalera sur sept ans et je suis heureux que nous ayons l'occasion de parler de ces questions de façon ouverte et franche avec nos homologues.

Le dernier point porte sur les consultations nationales ou intérieures. Je suppose qu'il n'y a pas de moyen plus efficace de discuter de l'engagement des citoyens des 34 pays dans le cadre d'un accord de libre-échange des Amériques que de le faire chez soi et de le faire tôt et de le faire correctement. C'est pourquoi je suis particulièrement reconnaissant de l'initiative prise par le présent sous-comité qui s'avérera un outil important pour consulter les Canadiens au sujet d'une zone de libre-échange des Amériques et pour connaître peut-être les aspects qui leur posent problème.

• 1550

Je pense qu'il s'agit d'une initiative importante pour ce qui est de sensibiliser les Canadiens à la raison d'être de la zone de libre-échange des Amériques, à l'intérêt que cela représente pour notre pays et aux aspects où nous devons favoriser un consensus et une prise de conscience nationale. C'est pourquoi j'estime que votre travail, madame la présidente, est très important. Je pense également que c'est la raison pour laquelle le gouvernement a publié un avis dans la gazette pour demander les commentaires du public sur les négociations de l'OMC et sur les négociations de la ZLE.

Nous avons également entrepris ce printemps des consultations auprès de diverses organisations intéressées. Sauf erreur, le 26 avril, nous tiendrons une réunion des principales ONG du pays. D'autres organisations feront leur part. Par exemple, le Conseil des Amériques aide notre gouvernement à organiser un forum d'affaires des Amériques cet automne. Par ailleurs, au moment approprié, nous demanderons à nos groupes de consultation sectorielle sur le commerce extérieur de se mettre en branle au fur et à mesure que le travail de négociation avance.

Nous voulons multiplier les modes de participation, comme celui que vous assurez, et avoir accès à plusieurs points de vue. Je me ferai d'ailleurs un plaisir de recevoir le rapport final afin de pouvoir en tenir compte non seulement dans notre stratégie gouvernementale de négociation mais aussi dans la façon dont nous traiterons les uns avec les autres à la table de négociation en novembre et par la suite.

En conclusion, madame la présidente, je tiens à dire que notre gouvernement veut s'engager résolument dans les négociations de la zone de libre-échange des Amériques. J'estime qu'il s'agit d'une occasion unique. Le rêve d'unir les Amériques fait partie du folklore des Amériques depuis de très nombreuses années. Nous avons ici l'occasion d'en faire une réalité.

Je crois également que l'identité canadienne sera encore une fois au rendez-vous parce que la façon dont nous commerçons est également fonction de la façon dont nous nous percevons dans le monde. Les racines de notre pays sont européennes. Nous avons ensuite développé de très importantes relations commerciales avec les États-Unis. Puis nous avons découvert le versant du Pacifique de notre identité canadienne qui va bien au-delà de la Colombie- Britannique. Et je pense que maintenant les Canadiens, particulièrement nos milieux d'affaires, se tournent avec enthousiasme vers l'Amérique latine. Nous allons capturer l'imagination de l'axe nord-sud de ce continent.

Je crois qu'il est possible de concevoir l'existence de trois régions du monde d'une importance stratégique—non pas exhaustives, mais trois grandes régions: l'Europe, l'Asie et les Amériques. Le Canada est membre de deux de ces clubs, et a de profondes racines dans le troisième. Sur le plan stratégique, si on regarde vers l'avenir, je pense que le Canada sera bien positionné pour assurer la compétitivité de ses entreprises et créer le dynamisme économique auquel toute la population de l'ensemble de nos circonscriptions est en droit de s'attendre, que ce soit de la part des gouvernements que de la part des chefs de file du secteur privé.

Je vous remercie.

La présidente: Merci beaucoup, monsieur le ministre.

Nous allons maintenant passer aux questions. Monsieur Penson.

M. Penson (Peace River, Réf.): Je vous remercie, madame la présidente.

Je tiens à souhaiter la bienvenue au ministre Marchi et aux gens qui l'accompagnent cet après-midi pour lancer la discussion sur le libre-échange des Amériques, discussion qui se poursuivra partout au pays lorsque le comité va entendre les témoignages des Canadiens intéressés.

Nous estimons nous aussi qu'il s'agit d'une excellente occasion pour les Canadiens. Je me réjouis à l'idée d'être partie un jour à cet accord commercial continental. Cependant, monsieur le ministre, vous avez dit qu'il faut être réalistes et je pense que vous avez raison. Ce processus risque d'être plus long que nous le pensons aujourd'hui, mais c'est une entreprise qui vaut la peine.

Je constate que vous avez parlé de la nécessité de libéraliser davantage le commerce et de résister au protectionnisme. Je pense que c'est très important. L'une des raisons pour lesquelles ce processus risque d'être retardé, comme vous l'avez mentionné, c'est qu'il est probable que le Congrès américain n'approuvera pas de sitôt un pouvoir de négociation accélérée.

• 1555

De plus, vous savez sans doute qu'il règne encore à l'heure actuelle aux États-Unis un climat de protectionnisme. Ce qui me semble avoir toujours existé dans une certaine mesure, mais nous devons surmonter cet obstacle si nous voulons développer cette notion de libre-échange des Amériques. Notre comité de l'agriculture vient de rentrer de Washington et nous a dit que le sénateur Lugar et le sénateur Baucus, entre autres, se plaignent aussi du protectionnisme canadien. Cela n'aide pas à favoriser le climat de coopération dont nous avons besoin pour développer l'accord de libre-échange. Nous avons des mesures comme le projet de loi C-55, la Commission canadienne du blé et le secteur de la gestion de l'offre avec des tarifs de 300 p. 100 au Canada.

Donc nous avons du travail à faire chez nous, et il me semble que ces mesures nuisent à l'avancement de cette cause. Si nous croyons vraiment dans la libéralisation du commerce, je considère que nous avons du travail à faire ici également.

Il faut aussi être réaliste, surtout en ce qui concerne le Brésil. Nous devons améliorer nos relations avec ce pays. Nous avons le différend concernant le secteur aérospatial, mais ce pays connaît aussi certaines difficultés économiques, donc cela risque de retarder les choses. Il s'agit de l'économie la plus importante d'Amérique du Sud et il faut en tenir compte.

J'aimerais qu'au cours de cette période d'attente, pendant que nous attendons ce pouvoir de négociation accélérée, un certain travail se fasse, mais essentiellement il me semble que jusqu'à ce que nous obtenions le pouvoir de négociation accélérée, personne ne va consacrer la totalité de ses efforts à cette entreprise. Mais il me semble que cela se produira un jour et le Canada doit être prêt.

L'un des aspects où à mon avis nous devons nous préparer, en aidant les jeunes à saisir les occasions qui se présentent, c'est de travailler en collaboration avec les collèges, les provinces, les universités et les écoles commerciales, pour mettre sur pied certains programmes axés sur l'Amérique latine qui les prépareront sur le plan tant de la formation linguistique que de la culture commerciale pour qu'ils soient prêts lorsque ce projet se concrétisera et qu'ils puissent tirer profit de certains des débouchés qui s'offriront alors.

Je vous laisserai donc sur cette réflexion, à savoir que nous devons régler certains de nos propres problèmes qui nous empêchent de négocier de façon crédible.

M. Sergio Marchi: Je pense que vous avez soulevé de nombreux points pertinents, Charlie. Le premier est le pouvoir de négociation accélérée. Je fais certainement une distinction entre la paralysie et le ralentissement. De toute évidence, nous ne sommes pas dans la première de ces situations et je pense que s'il faut attendre une nouvelle administration avant d'avoir la négociation accélérée, cela peut de toute évidence ralentir le processus de création d'une ZLE. On peut également soutenir que si vous avez une entreprise qui a débuté l'année dernière et qui prendra fin en 2005, les véritables négociations ne commenceront pas vraiment avant l'an 2002 ou l'an 2003 de toute façon. Donc tant que nous ne laissons pas, sur le plan politique, l'absence de pouvoir de négociation accélérée faire dérailler le processus dès le départ, je pense qu'il se poursuivra.

Il ne faut pas non plus oublier que lors du cycle d'Uruguay, les Américains n'ont pas eu le pouvoir de négociation accélérée jusqu'à ce que cette série de négociations soit bien entamée. Donc les choses sont possibles.

M. Charlie Penson: Il a fallu sept ans.

M. Sergio Marchi: Oui, mais nous avons une entreprise ici qui s'étalera sur sept ans aussi.

Je trouve encourageant le discours prononcé par M. Clinton la semaine dernière, car j'ai vu une importante tentative en vue d'assurer un leadership politique qui reconnaît les avantages d'une Amérique tournée vers l'extérieur et qui refuse de courber l'échine devant les membres du Congrès qui se targuent de ne pas posséder de passeport et de n'avoir jamais voyagé, en transmettant non seulement le message «l'Amérique d'abord» mais aussi le message «l'Amérique seulement», ce qui est une dangereuse indication de repli sur soi.

Je pense donc que M. Clinton, dans son discours, a adopté l'attitude voulue. Nous espérons toujours qu'il puisse y avoir une position de négociation accélérée qui soit avalisée par les deux partis. Je ne pense pas qu'il n'y ait que les démocrates qui fassent problème. Vous avez tout à fait raison de dire que c'est quelque chose qui intéresse les deux partis au Congrès, et que c'est dans ce sens qu'il faut chercher une solution, car il y a effectivement de plus en plus de sénateurs républicains, et de représentants, qui font des discours protectionnistes, en brandissant également des menaces.

La perfection n'est pas de ce monde, et loin de moi l'idée de faire la morale. Cependant, je suis moins sur la défensive que vous là-dessus, Charlie, car j'estime que 95 p. 100 ou plus de nos échanges avec les États-Unis se font sans accroc. Quarante pour cent de notre PIB est fait d'exportations. Si nous ajoutons les importations, nous voyons que 77 p. 100 de notre économie dépend de l'exportation et de l'importation. Nous avons donc prouvé que nous étions prêts à échanger et commercer, mais nous sommes également prêts à respecter la règle du jeu.

• 1600

Nous pourrions entrer dans certains des détails de votre question, ce qui ouvrirait sans doute tout un autre débat, mais j'estime que le Canada, tout en étant disposé à apprendre, a su également faire figure de modèle pour ce qui est de sa capacité de vivre avec le reste de la communauté internationale, c'est-à-dire d'obtenir certains avantages mais également de savoir panser ses plaies, sans immédiatement jeter l'éponge mais au contraire en continuant à foncer.

Pour ce qui est du Brésil, je suis d'accord avec vous. J'ai déjà dit qu'il y avait là un défi, et il ne fait aucun doute que l'on se pose des questions tout en espérant que le Brésil réussira à régler ses problèmes financiers et à en sortir plus fort. Dans la négative, à notre avis, la zone de libre-échange se révélerait coûteuse. Mais je crois que c'était M. Kissinger qui avait dit au Forum économique mondial, et c'était bien formulé, que pour les dirigeants politiques ambitieux d'Amérique latine qui pouvaient espérer faire carrière, il était toujours possible de susciter la fièvre nationale en jouant de ces questions de souveraineté, c'est- à-dire en se faisant l'avocat du libre-échange ou au contraire son ennemi convaincu.

Il y a donc effectivement des défis qui nous attendent. La route va être longue. Il y aura des hauts et des bas... dans la mesure où nous serons prêts à aller jusqu'au bout de notre mission.

Enfin, je crois que vous avez tout à fait raison lorsque vous parlez de notre jeunesse et des questions de langue—en l'occurrence l'espagnol—en même temps que de la culture latino- américaine du monde des affaires. À l'époque où le Japon était à son zénith économique, des tas de jeunes chez nous s'étaient mis à apprendre le japonais et à s'initier à la culture asiatique, pour pouvoir traiter avec les nouveaux tigres de l'Asie.

Je crois que c'est une excellente recommandation qui touche au problème de l'éducation et de l'enseignement. Lorsqu'on parle de la nouvelle économie, l'éducation et la formation en sont les matières premières. Je crois donc que vous avez tout à fait raison de dire qu'il faut inclure ça dans le processus de négociation de ce libre- échange, et je crois bien que Lloyd Axworthy a inscrit cela à l'ordre du jour des ministres des Affaires étrangères, en annexe de l'ordre du jour de l'Accord de libre-échange, lorsque les négociations ont été lancées au Chili l'an dernier...

M. Charlie Penson: J'aurai une petite observation à faire.

La présidente: Très courte.

M. Charlie Penson: Nous ne voulons pas entrer dans le vif du débat aujourd'hui, vous avez d'ailleurs laissé entendre que j'étais un petit peu sur la défensive. Ce que je demande surtout c'est que nous fassions preuve d'initiative. D'autres pays de l'hémisphère attendent que le Canada donne l'exemple en matière de libéralisation des échanges et de l'investissement. Certains de ces pays ne connaissent pas l'économie de marché depuis très longtemps, et regardent vers le Canada comme un chef de file. Je veux dire que si nous voulons avoir accès à leurs marchés, nous devons également leur ouvrir le nôtre. Si ces gens-là croient fermement dans la libéralisation des échanges, faisons tout ce que nous pouvons chez nous pour nous assurer qu'il en est bien ainsi.

M. Sergio Marchi: Charlie, je suis bien d'accord avec vous. Mais si vous vous reportez aux tarifs douaniers, par exemple, vous verrez que nous avons donné l'exemple. Ce nouvel accord de libre-échange des Amériques nous mettrait encore en meilleure position, puisque, par rapport à certains autres pays, et dans la plupart des secteurs que j'ai abordés, le Canada n'a aucune barrière tarifaire aux importations. Nous n'avons donc pas d'attitude négative, il n'est pas question pour nous de reprendre nos billes. Au contraire, nous y voyons une véritable possibilité de gains réels pour le Canada, aussi bien du côté du monde latino- américain, que de façon générale dans le monde des échanges et du commerce à l'échelle planétaire.

M. Charlie Penson: Nous avons encore chez vous des tarifs de 300 p. 100, ne l'oubliez pas.

[Français]

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Bonjour, monsieur Marchi.

M. Sergio Marchi: Bonjour.

Mme Monique Guay: On se revoit pour l'étude d'un autre dossier; on s'était connus au Comité de l'environnement. Puisque j'aimerais poser plusieurs questions, je vous les poserai rapidement. Je vous invite à me donner des réponses courtes afin que je puisse les poser toutes.

Monsieur le ministre, vous savez que, dans les objectifs généraux des négociations de la Zone de libre-échange des Amériques, on dit que le comité de négociation devra offrir des possibilités tendant à faciliter une intégration des économies de petite taille.

Comment pourrons-nous intégrer des pays comme le Nicaragua ou le Honduras, dont l'économie a été détruite en grande partie par l'ouragan Mitch, et comment pourront-ils concurrencer économiquement avec nous? Qu'est-ce que la Zone de libre-échange des Amériques pourrait leur apporter de plus face à la situation dans laquelle ils se trouvent présentement?

• 1605

[Traduction]

M. Sergio Marchi: Je suis heureux de vous voir autour de cette table où on discute de commerce, et je me souviens avec plaisir des discussions que nous avons eues par le passé sur l'environnement, lorsque vous étiez le porte-parole en la matière et que j'étais ministre.

Pour ce qui est des petites économies, c'est justement la raison pour laquelle nous avons un groupe de travail spécial. Je crois que les petites économies, instinctivement, savaient qu'elles poseraient des problèmes particuliers en raison de cette petite taille. Chose certaine, le cyclone Mitch n'a pas aidé les choses, et le Canada a été généreux, en même temps que le reste de la famille internationale, lorsqu'il s'est agi d'aider nos frères de cette partie du monde.

Mais il faut écouter ce que dit le groupe de travail spécial. Comme ministre venant du Canada, je ne vais pas dire aux petites économies quel est leur problème, ou dans quelle direction elles doivent s'orienter. Je crois que tout le monde attend de voir ce que le groupe de travail dira, pour décider des questions importantes. Est-ce que ce sera une question de mise en oeuvre graduelle, de capacité institutionnelle, de différentiel tarifaire selon les économies? Mais qu'est-ce qui les gêne exactement, à propos de leur petite taille? Espérons que le groupe de travail pourra s'adresser à l'ensemble des 34 pays, et si ces petites économies sont aussi intéressées que nous le sommes par une démarche collective, nous serons certainement sensibles aux différences de taille et de poids.

Mais je ne veux pas trop m'avancer, tout en espérant qu'au moment où les ministres se rencontreront à Toronto au mois de novembre, nous aurons eu des nouvelles des résultats de ces discussions en comité, pour ce qui est du premier tour de table. Nous pourrons alors décider de ce que nous voulons faire des conclusions de ce groupe de travail spécial.

[Français]

Mme Monique Guay: Selon un article paru en mai dans les journaux, le domaine de la culture serait mis sur la table lors des négociations. Pouvez-vous confirmer ce fait et nous indiquer comment le Canada abordera cette question de la culture lors des négociations?

[Traduction]

M. Sergio Marchi: Nous allons certainement faire de la culture un élément des négociations partout où nous parlerons, et de façon constante. Comme vous le savez, pour ce qui est de nos accords avec les Américains et les Mexicains, la culture a un statut d'exception. À la table de négociation de l'AMI, lorsque cela marchait encore à l'OCDE, nous nous battions pour la même exception, que ce soit une exception individuelle ou générale, appliquée à tous les pays de l'OCDE. Le résultat était le même pour le Canada, cela signifiait le statut d'exception pour la culture.

Nous avons maintenant le rapport du groupe de consultations sectorielles sur le commerce et la culture, nous l'avons reçu il y a quelques jours. Le travail est excellent, la réflexion est bonne, et j'apprécie beaucoup tout ce qui a été fait. Nous l'avons transmis au comité central pour que ce soit inclus dans sa documentation sur l'OMC. On y parle d'un mécanisme international—sans dire exactement si ce sera à l'OMC, ou à l'ONU—qui déciderait de l'ensemble des règles du commerce en ce qui concerne la culture. Dans mes discussions avec d'autres ministres, ou avec le directeur général de l'OMC, c'est ce dont je me suis fait l'avocat. Puisque nous avons eu le commerce et l'environnement, le commerce et le travail, et puisque l'agriculture va être un point difficile, je crois qu'il est également temps que nous prenions à bras le corps l'ensemble du dossier de la culture.

Tout cela pour vous dire que nous traiterons de la culture aux négociations de la zone de libre-échange comme nous l'avons fait partout jusqu'ici.

[Français]

Mme Monique Guay: Est-ce qu'on prévoit mettre en place des règles d'origine afin d'éviter que des produits entrent par un pays ayant des tarifs plus bas pour ensuite être écoulés sur notre propre marché?

[Traduction]

M. Sergio Marchi: Certainement, mais peut-être que notre négociateur en chef aura quelque chose à dire là-dessus, pour que vous ayez une idée de ce qui a pu se tramer jusqu'ici.

[Français]

Mme Monique Guay: Allez-y.

M. Claude Carrière (directeur, Direction des droits de douane et de l'accès aux marchés, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Tous les pays ont convenu qu'il y aura des règles d'origine. C'est une des caractéristiques d'un accord de libre-échange que d'établir des règles d'origine qui précisent quels pays pourront bénéficier de préférences tarifaires.

Mme Monique Guay: À cause des tarifs qui seront différents, il faudra qu'il y ait un équilibre quelque part pour ne pas que cela passe...

M. Claude Carrière: Voilà. Cela fera partie du processus de négociation.

Mme Monique Guay: Merci. Madame la présidente, j'aimerais poser une dernière petite question.

On a parlé des blocs régionaux forts, comme le serait la Zone de libre-échange des Amériques. Est-ce que la montée de blocs régionaux forts ne risque pas de détourner l'attention de la libéralisation multilatérale? Autrement dit, est-ce qu'il n'est pas dangereux de créer trois blocs régionaux, soit l'Asie, l'Union européenne et les Amériques? J'aimerais entendre votre opinion là-dessus.

• 1610

[Traduction]

M. Sergio Marchi: Voilà une question intéressante, puisque les gens se demandent toujours si le commerce par bloc régional est quelque chose de complémentaire ou d'opposer à l'OMC. Pour nous c'est quelque chose de complémentaire. Complémentaire parce qu'à mon avis les règles et les mécanismes d'arbitrage de L'OMC seront appliqués aux accords de commerce régionaux. Il s'agit donc bien d'une complémentarité, puisque sur le plan matériel, si je puis dire, rien ne changera.

Et deuxièmement, cela permet aux gens de se situer. Je crois que de ce point de vue c'est très intéressant, car parfois l'OMC est un petit peu éloigné de l'ordinaire du commun des mortels, que ce soit au Canada ou ailleurs. C'est même parfois un petit peu intimidant. Mais lorsque les gens voient de près l'ALENA, l'accord avec le Chili, l'Accord de libre-échange avec Israël qui a connu une embellie de 30 p. 100, ou une zone de libre-échange des Amériques, cela permet de remettre les choses en perspective. C'est-à-dire que les gens voient directement, et de près, comment quelque chose fonctionne. Non seulement ils s'aperçoivent qu'un accord de libre-échange régional est un plus, mais en même temps ils arrivent à resituer les choses et à mieux définir les fonctions de l'OMC.

Enfin, il n'y a aucun inconvénient à créer des blocs régionaux. C'est tout à fait nature. Quatre-vingts pour cent de nos échanges se font avec les États-Unis. L'Italie est à 70 p. 100 branchée sur l'Europe. Pour le Brésil on pourrait poser la question du MERCOSUR. Le chiffre est certainement également très élevé. Et pour Singapour, les pays d'Asie? C'est également un pourcentage important. C'est donc un phénomène naturel. Ne nous laissons pas abattre lorsque nous lisons certains commentaires... du genre, mon Dieu nous commerçons trop. Tant que nous édifions ces blocs, et qu'il y a des passerelles d'une région à l'autre, de par le monde, nous n'avons qu'à y gagner.

[Français]

Mme Monique Guay: À titre de commentaire, monsieur le ministre, comme vous le savez, j'aimerais souligner que les Québécois, tout comme le Bloc québécois, sont très en faveur du libre-échange. Ils sont déjà très libres-échangistes. J'espère qu'on pourra suivre ce qui se passe dans le cas de l'Union européenne et se servir leurs erreurs et de leurs bons coups pour mieux évoluer, de notre côté, dans cette entente de libre-échange. Merci.

La présidente: Merci, madame Guay.

[Traduction]

M. Sergio Marchi: À première vue, j'allais dire, je ne sais pas s'il s'agit d'une observation ou d'un conseil. Je vois ici qu'on mélange commerce et politique. En ce qui concerne le Québec, il est vrai que celui-ci a une tradition de libre-échangisme. Je me souviens des débats d'il y a 10 ans. Les Québécois ont exprimé clairement les avantages qu'ils voyaient à la libéralisation des échanges, vis-à-vis de l'Union européenne, par exemple. Le Canada et les Européens ont un plan d'action.

Pour ce qui est de l'Amérique du Nord et de l'Europe, je pense que nous devons donner à nos discussions un tour décidément nord- américain. Ce que je veux dire, c'est que d'un côté nous avons effectivement le meilleur label au monde à offrir. Lorsque nous disons Canada, ou arborons un macaron canadien au revers de notre veste, cela nous ouvre des portes et nous vaut des sourires. Mais lorsque nous sommes en Europe, il est parfois payant d'avoir une position globalement nord-américaine. Voilà pourquoi notre plan d'action, celui des Américains et celui des Mexicains, dans nos rapports avec l'Europe, doit être unitaire.

J'ai parlé de convergence. Finalement, s'il n'y a pas de convergence, ce sera l'Europe qui en profitera, dans la mesure où elle peut essayer de jouer un des trois pays contre les deux autres. Face à l'Union européenne, il est bon de se ranger aux raisons de la convergence, et tout en construisant les Amériques, nous devrons conserver un pont pour l'Europe. Ce n'est pas sans raison que l'Europe est en train d'accélérer les choses avec le Mexique. Les Européens voient ce qui se passe en Amérique latine. Si le Canada, les États-Unis et le Mexique représentent le groupe ALENA, nous ne devons certainement pas laisser les Européens nous diviser.

[Français]

La présidente: Monsieur Bachand.

M. André Bachand (Richmond—Arthabaska, PC): Bienvenue, monsieur le ministre. Je suis heureux de vous rencontrer. Avant de traiter de la question des négociations de libre-échange des Amériques, j'aimerais poser deux ou trois petites questions qui ont un intérêt autre.

D'abord, j'aimerais savoir ce qui se passe au niveau de la plainte à l'OMC concernant l'amiante et la France. Comme vous le savez, pendant 11 ans, j'ai été maire d'une ville qui porte le nom d'Asbestos. Je porte donc un certain intérêt à cette question.

• 1615

Quand, la fin de semaine, je vois les scaphandriers enlever l'amiante des édifices gouvernementaux, je me pose encore des questions sur le sérieux du gouvernement fédéral quand il défend l'amiante partout dans le monde.

Ma deuxième question porte sur la Loi C-91. Comme vous le savez, l'Union européenne pense, si ce n'est déjà fait, à porter plainte auprès de l'OMC concernant les brevets pharmaceutiques. Vous avez certainement reçu de la correspondance à cet effet à votre bureau. J'aimerais connaître la position de votre ministère là-dessus.

Il est toujours intéressant de vouloir agrandir sans cesse la zone de libre-échange. Je fais partie d'un parti politique qui a toujours été en faveur de cela. À la suite des accords de libre-échange que nous avons signés avec les Américains il y a plusieurs années, ainsi qu'avec le Mexique et le Chili, quelles sont vos études, constats et commentaires sur les effets de ce libre-échange sur les questions humaines et environnementales dans ces pays, ainsi qu'au Canada? Selon vous, est-ce que ces accords de libre-échange ont contribué à améliorer, à faire stagner ou à dégrader les conditions environnementales et humaines dans les pays signataires d'accords de libre-échange? C'est un élément important.

Vous vendez très bien la question de l'argent et du commerce, mais il ne faut pas oublier la question humaine. J'aimerais savoir quels sont les constats de votre ministère aux plans humain et environnemental dans ces pays. Je sais que ce sont des aspects qui vous intéressent beaucoup.

On entrevoit de plus en plus la possibilité que certains pays avec lesquels on fait affaire sur le plan commercial puissent, à un moment donné, aller à l'encontre de certains droits fondamentaux liés aux êtres humains surtout, ainsi qu'à l'environnement. Est-il pensable que dans le cadre de futurs projets de libre-échange de continents, un mécanisme de sanctions plus rapide et plus efficace puisse être mis de l'avant, plutôt que d'attendre l'ONU? Est-ce qu'à l'intérieur même du groupe libre-échangiste—je pense au plan commercial, et non à la fameuse cause libre-échangiste à Montréal au sens personnel ou sexuel du terme—, un processus de sanctions immédiat pourrait être mis en place pour faire en sorte que les pays respectent certaines règles de base?

Est-ce qu'on discutera de la question d'une monnaie commune au cours de la période de sept ans avec les pays des Amériques?

Si jamais on en avait le temps, j'aimerais poser d'autres questions.

[Traduction]

La présidente: Merci.

M. Sergio Marchi: Merci, André.

Sur la question de l'amiante, je connais votre intérêt pour le dossier et votre compétence. Vos connaissances m'ont été très précieuses, et je vous en remercie publiquement et officiellement, pour présenter notre dossier à l'OMC.

Nous avons donc saisi l'OMC. Aux dernières informations, nous attendons toujours que le groupe spécial voie le jour. J'ai l'impression que les Européens, lorsqu'il s'agit de créer ces groupes spéciaux, traînent un petit peu la patte. Nous aimerions que cette discussion commence. J'ai également eu une réunion avec le nouveau ministre du Commerce du Québec, puisque c'est là qu'est l'industrie de l'amiante, et il s'est félicité du climat de bonne entente entre les deux niveaux de gouvernement, le fédéral et le québécois, pour parvenir à présenter des stratégies et un dossier aussi favorables que possible. Je le répète, le groupe spécial n'a pas encore été constitué. Nous aimerions que cela se fasse sou peu, nous l'espérons, afin de pouvoir alors défendre le mieux possible les intérêts de notre secteur de l'amiante.

Nous avons tous que lorsque l'on s'adresse à un de ces groupes spéciaux, pour arbitrage, on peut gagner ou perdre; nous avons essayé la voie de la négociation pendant très longtemps, parce que nous voulions effectivement, avec les Français et la Grande- Bretagne, essayer d'en tirer le maximum. Il y a cependant un moment où l'on a l'impression que rien n'aboutit et que, par égard pour notre industrie, il faut passer en arbitrage, comme cette industrie nous l'a d'ailleurs demandé.

• 1620

Sur la question des produits pharmaceutiques, nous avons là aussi demandé un groupe spécial, les Européens prétendant que nos médicaments génériques sont contraires aux règles du commerce des produits pharmaceutiques. Nous ne sommes pas d'accord, et là encore nous allons demander à un groupe spécial de trancher.

Pour ce qui est de l'environnement et des droits de la personne, et ce qu'on peut attendre sur ces plans de la libéralisation des échanges, il est clair à mon avis que stimuler les échanges et le commerce permet de créer des ponts entre les peuples, en faisant tomber les murs, et que ce sera toujours la solution préférable, préférable au statu quo et à l'isolement des peuples et des pays.

Mais nous devons dire également que la libéralisation des échanges ne sera pas la réponse unique aux problèmes d'environnement, de droits de l'homme ou de législation du travail. Il faut plutôt inscrire cette démarche dans une solution globale. Si nous demandons au commerce d'être le vecteur d'une solution à tous ces grands problèmes de société, c'est à la fois injuste et cela ne nous permettra certainement pas d'obtenir les résultats que nous cherchons. Voilà ce qu'il faut dire.

Nous avons parlé d'associer la société civile et de relever les normes dans tous les domaines, et nos entrepreneurs et commerçants, petits et grands, demandent toujours que l'on relève les normes minimales, à chaque fois qu'ils sont en relations d'affaires de par le monde ou qu'ils nous accompagnent lors de nos missions. Beaucoup de nos entreprises, installées ici et là dans le monde, respectent souvent des normes plus rigoureuses que ne leur demandent les gouvernements locaux, sachant très bien que dans une économie globale où l'on veut donner de soi une image positive, on ne peut pas se contenter de pratiquer l'écologie au Canada en adoptant des normes moins exigeantes dès qu'on est installé ailleurs. Cela risquerait de nuire à l'image de la société et au label Canada. C'est, je crois, ce qui explique l'excellente performance de nos compagnies canadiennes. Nous discutons également avec elles de l'amélioration des codes de bonne conduite, des normes appliquées dans tous les domaines, des pratiques à suivre et de la déontologie industrielle et commerciale. Nous sommes, sur ce front, tout à fait performants.

Je vais expliquer pourquoi nous parlons d'associer la société civile, et notamment dans le cadre de la ZLEA, où ces questions revêtent une importance particulière. C'est le président, M. O'Neill, qui disait que toute politique est toujours locale; il avait tout à fait raison, et les dirigeants politiques le savent. Mais cela peut s'appliquer au commerce. Le commerce n'est pas cette chose abstraite, lointaine et uniquement internationale. Le commerce, cela concerne votre ville et la mienne. Il suffit d'aller dans un parc industriel, d'entrer dans une usine, pour être agréablement surpris de voir qu'on y travaille sur un contrat et à partir d'investissements qui font intervenir l'étranger. Lorsque nos enfants auront terminé leur scolarité et leurs études, nombreux seront ceux qui auront une occupation les mettant en contact avec des régions de l'extérieur.

Le commerce s'intéresse à la dimension locale de notre existence, et dans cette même mesure la politique intérieure, la politique commerciale et la politique étrangère se rejoignent. C'est ce que j'ai dit à mes homologues d'Amérique latine, à savoir qu'il n'est pas possible de rester indifférent à la dimension nationale de nos politiques, qu'il s'agisse de l'environnement, de la réglementation ou de la législation du travail; si le commerce a des conséquences sur le plan local, avec une dimension en même temps nationale, nous ne pouvons pas ignorer cet aspect de la question.

Nous ne pouvons pas non plus en assumer toute la responsabilité. Autrement, nous réduirions au chômage les ministres des Affaires étrangères, les ministres de l'Industrie et les ministres des Finances. Les ministres du Commerce pourraient alors diriger le monde. Je ne crois pas que ce soit le cas. Je ne crois pas que ce devrait être le cas, mais je pense que nous devrions être un élément de la solution. C'est pourquoi j'estime que nous devrions accepter notre part, et que dans le cadre de l'ALENA, par exemple, nous avons une entente parallèle en matière d'environnement et de travail. Je pense que c'est davantage un aspect des choses à venir que l'exception à la règle.

• 1625

Pour ce qui est de la monnaie commune, j'accepterais certainement une monnaie commune tant qu'elle est en dollars canadiens.

La présidente: Je vous remercie, monsieur le ministre.

Monsieur Calder, puis M. McCormick.

M. Murray Calder (Dufferin—Peel—Wellington—Grey, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.

Roy, du Comité permanent de l'agriculture, est parmi nous—mon éternel coéquipier.

Monsieur le ministre, comme vous le savez, la semaine dernière le Comité permanent de l'agriculture s'est rendu à Washington pendant quatre jours et a eu l'occasion de rencontrer le président du Congrès, Larry Combest, et le sénateur Dick Lugar. Nous en avons profité pour leur communiquer certaines de nos préoccupations étant donné que le Canada est l'un des plus grands consommateurs de produits américains. Nous leur avons indiqué que les citoyens canadiens consomment pour environ 216 $ de produits américains par année tandis que les citoyens américains consomment des produits canadiens d'une valeur de 31 $ par année. L'écart est donc énorme.

Nous leur avons aussi indiqué que selon le dernier sondage Angus Reid, le Canada est 10 ans en avance sur les États-Unis pour ce qui est de la réduction des subventions.

Lors de nos entretiens, nous avons entre autres appris que le pouvoir de négociation accélérée prévu par l'article 301 serait beaucoup plus susceptible d'être adopté si cela faisait partie d'une loi omnibus. S'il s'agit de dispositions isolées, il est beaucoup moins probable qu'elles soient adoptées.

Pendant que nous étions là, les Américains ont tenu leur forum sur les perspectives agricoles. Nous avons donc assisté à l'une des réceptions qui a été donnée ce soir-là et nous avons constaté que l'intégration verticale est un grand sujet de préoccupation aujourd'hui aux États-Unis. Et cela vaut non seulement pour les milieux agricoles mais aussi pour les milieux politiques, ce qui m'a fait chaud au coeur étant donné que je suis partisan des offices de commercialisation.

Ils ont aussi abordé ce dont vous avez parlé, c'est-à-dire la position commerciale nord-américaine versus la position commerciale européenne, avec le lancement de l'eurodollar. C'est une situation qu'ils surveillent à l'heure actuelle et ils se demandent si l'eurodollar est la première étape vers une position commerciale européenne, ce sur quoi vous aimeriez peut-être commenter.

La dernière préoccupation que nous leur avons communiquée concerne l'étiquetage—le point d'origine. Nous leur avons demandé comment, par exemple, si nous expédions du bétail à leurs usines de transformation aux États-Unis, ils peuvent distinguer le bétail américain du bétail canadien. Est-ce en fait simplement une autre façon d'établir un tarif, lorsque nous ne pouvons pas mettre d'obstacle à notre commerce avec eux?

M. Sergio Marchi: J'aimerais simplement dire avant de répondre à la question de Murray que mes collaborateurs m'ont corrigé, et ils ont raison. J'avais dit qu'un groupe spécial sur l'amiante n'avait pas été constitué. En fait un groupe spécial sur l'amiante a été constitué à la fin de l'année dernière. On n'en a pas encore choisi les membres. Donc je devrais apporter un correctif parce que j'avais dit que je croyais que les Européens avaient constitué un groupe spécial. Le groupe a été constitué, ils sont en train d'examiner la nomination des membres. Le groupe spécial sur les brevets pharmaceutiques a été établi au début du mois dernier. Donc en fait les membres de ce groupe n'ont pas encore été nommés et si vous n'avez pas de membre, vous n'avez pas vraiment de groupe spécial de toute façon.

Donc, je reviens à la question posée par Murray.

Je suis heureux que le comité ait eu l'occasion de se rendre à Washington parce que je pense que l'une des choses que nous devons faire avec les États-Unis—comme nous l'avons fait je pense lorsqu'un certain nombre de leurs gouverneurs se sont levés du mauvais pied et arrêté nos camions—c'est de nous assurer qu'ils apprennent de la bouche même des Canadiens quels sont les faits, et non pas les fausses rumeurs qu'il est facile de répandre, de part et d'autre de la frontière, je préciserais. Donc l'une des choses que nous avons réussi à faire, dans un premier temps, c'est de refuser de nous présenter à la table jusqu'à ce que les camions circulent à nouveau. Nous avons alors pu mettre nos cartes sur la table.

Je pense que la prochaine étape des relations dans le secteur agricole entre nos deux pays, relations qui ont été une source de cet irritant de 5 p. 100, si on peut dire, consiste non seulement à assurer le dialogue entre ministres et députés et entre membres du Congrès et sénateurs, mais aussi à commencer à instaurer le dialogue entre les principaux intéressés, parce qu'il y a beaucoup de mythes qui circulent. Je serais beaucoup plus rassuré si je savais qu'il y avait suffisamment de tribunes où un agriculteur canadien a l'occasion de s'entretenir directement avec un agriculteur américain afin qu'il puisse vraiment expliquer ce qui se passe au juste chez eux, car on peut dire sans se tromper que la situation est difficile autant pour l'un que pour l'autre. Et il est important que chacun d'eux sache que c'est effectivement le cas, que ni l'un ni l'autre n'est en train de se remplir les poches. Je pense qu'il faut que cela se fasse parce que de toute évidence, les gens parfois ne croient pas leur gouvernement élu et préféreraient nettement traiter avec ceux dont le travail consiste à mettre de la nourriture sur la table sept jours par semaine grâce à l'agriculture.

• 1630

L'autre chose que je ferais—et cela m'amène au point que vous avez soulevé—c'est de renforcer la solidarité dans les milieux nord-américains face à la guerre de subventions que nous voyons les Européens livrer. Cela serait profitable parce que nous nous trouverions à ne plus nous battre les uns contre les autres; nous nous trouverions à collaborer pour tâcher de préparer un mémoire dont la portée serait plus vaste que le dernier communiqué de presse diffusé par chaque gouvernement aux groupes d'agriculteurs.

Je pense que la politique européenne de subvention—je suppose que je l'ai déjà dit—ne pourra pas être maintenue à long terme. L'adhésion de la Pologne est prévue en l'an 2002. Lorsque nous avons visité la Pologne avec le premier ministre, on nous a dit que ce pays comptait 7 millions d'agriculteurs. Je pense que cela risque d'avoir de fortes incidences sur la politique agricole commune.

Donc à long terme, je pense que la politique européenne de subvention sera tout simplement impossible à maintenir pour l'Europe et n'a aucun sens en ce qui concerne le reste du monde, lorsque les agriculteurs canadiens se trouvent pris dans cette guerre. Comment le Canada, les États-Unis et d'autres pays peuvent- ils alors établir une position commune contre l'utilisation des subventions?

Nous avons également été encouragés par le discours important prononcé par le vice-président des États-Unis sur l'élimination des subventions. J'espère qu'ils s'y tiendront, et ils pourraient également en profiter pour examiner leurs recours commerciaux. S'ils ont l'intention de réduire la totalité de leurs subventions, ils devraient alors peut-être écouter certains des discours prononcés par le Canada au fil des ans sur les recours commerciaux. C'est pourquoi nous allons être présents à titre d'observateurs, je crois, lors de la contestation présentée par les Européens aux mesures prises par les Américains aux termes de l'article 301.

En ce qui concerne l'euro, je pense qu'à ses débuts, l'euro a bien fonctionné. Il sera intéressant de voir quelles en seront les conséquences pour notre commerce en tant que pays. Est-ce que cela nous offrira plus de possibilités compte tenu du fait qu'en théorie, il coûtera moins cher de faire des affaires en Europe grâce à l'adoption de l'euro? Dans quelle mesure les autres pays utiliseront-ils l'euro pour leur réserve de change? Notre dollar a augmenté à un certain point parce que le dollar américain s'est déprécié face à l'euro. Je pense que l'euro, au-delà de son importance monétaire, est un important témoignage de la maturité et de la stabilité de l'Europe.

Personnellement, j'ai toujours pensé que l'euro afficherait une meilleure performance que ce que prédisaient les sceptiques. Je pense également que la Grande-Bretagne ne tardera pas à adopter l'euro. Je pense que cela deviendra une réalité avec laquelle nous devrons composer. Il est à espérer que l'avènement de l'euro entraînera un accroissement du commerce pour le Canada plutôt qu'un durcissement du commerce.

La présidente: Je vous remercie, monsieur le ministre. Je sais que vous nous avez accordé une heure. Quelques autres personnes encore veulent prendre la parole. Avez-vous 10 minutes de plus à nous accorder?

M. Sergio Marchi: Bien sûr.

La présidente: Je vous remercie.

Monsieur McCormick, vous aviez une brève question.

M. Larry McCormick (Hastings—Frontenac—Lennox et Addington, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente, monsieur le ministre et chers collègues.

Je tiens à rendre hommage à vos collaborateurs car j'estime que nous avons eu une expérience très réussie et instructive et de bons échanges lors de notre voyage à Washington, D.C. Vos collaborateurs, dont tous ceux qui sont ici, je crois, ont renseigné les cinq membres de notre comité pendant plusieurs heures à différentes occasions, et ces séances d'information ont été très utiles.

• 1635

Je suis heureux d'entendre tant de commentaires positifs ici, et c'est une expérience dont j'ai tiré une grande leçon, comme mes collègues de l'autre côté de la table qui parlent d'éducation, et cela me rappelle l'une de mes histoires préférées que j'aime raconter pour montrer à quel point notre pays rapetisse.

C'est un fait, d'ailleurs accepté, qu'aux États-Unis, l'anglais deviendra la langue minoritaire de l'Amérique du Nord en l'an 2023. Je dis bien langue minoritaire en Amérique du Nord en l'an 2023. Il ne reste qu'une ou deux régions réactionnaires au Canada—et elles ne sont certainement pas dans ma circonscription—où on vous tombe dessus si on a l'impression qu'on vous impose une autre langue officielle, puis vous leur rappelez que l'espagnol est déjà la langue principale dans sept États, probablement huit à l'heure où je vous parle.

Plusieurs membres du Congrès que nous avons rencontrés... écoutez, nous avons la possibilité de collaborer avec les Européens pour ce qui est du commerce et nous avons la possibilité de collaborer avec les Américains pour ce qui est du boeuf et de certains obstacles à la concurrence et certaines pratiques commerciales déloyales établies par les Européens. Le Canada sera un chef de file auprès de ces petits pays.

J'aimerais simplement en profiter pour faire un commentaire. Il est intéressant d'entendre les membres du Congrès dire qu'ils sont favorables à notre Commission du blé parce qu'ils ont fait au moins deux enquêtes officielles sur cette commission et n'ont rien trouvé à y redire. Ils n'ont pas dit que la situation était parfaite, nous ne l'avons pas dit non plus—on est en train de remettre la commission entre les mains des agriculteurs—, mais le fait est qu'il s'agit d'une organisation où on sait ce que l'on a et on sait ce que l'on aura demain.

J'aimerais simplement ajouter une autre chose. La Farm Bureau Federation des États-Unis, la plus importante organisation d'agriculteurs en Amérique du Nord, a parlé des camions qui traversaient la frontière, que ce soit pour le transport des céréales ou de boeuf. Ils en sont tous membres, et leurs propres politiciens se rendent compte qu'effectivement, comme mon collègue Murray l'a dit, il s'agit d'échanges bilatéraux, mais, dans l'Est, ils ne voient pas le boeuf envoyé vers le Nord et ils ne voient même pas les céréales, tout ce qu'ils voient ce sont les camions.

Les États-Unis sont un pays tellement vaste. Je dis toujours que je suis heureux d'habiter à côté du deuxième meilleur pays au monde, mais dans la plupart des négociations et des accords, ils semblent avoir tellement d'atouts cachés.

Monsieur le ministre, croyez-vous, en raison du positionnement des pays et des contraintes financières que nous connaissons tous, que nous pouvons nous attendre à des négociations plus équitables la prochaine fois?

Je vous remercie, madame la présidente.

M. Sergio Marchi: Je vous remercie, Larry. En ce qui concerne les langues, je pense que dans ce monde qui est le nôtre, comme le monde semble rétrécir chaque jour, j'envisage un Canada qui peut devenir plus grand. L'une des raisons c'est que nos citoyens, un grand nombre d'entre eux, proviennent de pays du monde entier.

Nous bouclons la boucle et le Canada a adopté de plein gré une politique affirmant que vous êtes un Canadien, mais que vous n'avez pas à abandonner votre langue et votre culture aux douanes. Je crois qu'il s'agit d'une politique sensée. Nous avons assisté à l'effondrement du Bloc soviétique, qui avait essayé pendant des années d'interdire l'emploi d'autres langues, ou l'ethnicité, ou la religion, pour se rendre compte, après l'effondrement, que tous ces éléments refaisaient surface.

Il faut savoir tirer les leçons de l'histoire, et la politique que nous avons adaptée ne va pas avoir que des avantages sociaux sur l'organisation de notre pays, elle aura aussi des avantages économiques qui vont se faire sentir dans nos relations avec le reste du monde.

Il est intéressant que vous ayez parlé de l'utilisation de l'espagnol dans sept État, et je ne crois pas que ce soit par hasard que George Bush fils se soit exprimé en espagnol pour peut- être montrer une mentalité différente de celle exprimée par quelques-uns de ses collègues républicains. Donc, je suppose que si c'est bon pour George Bush fils, ça doit être bon pour tout le monde.

Vous avez parlé des petits pays et du Canada qui est perçu comme un chef de file, et puis vous avez demandé quel genre de relations nous pouvions avoir avec un pays aussi vaste que les États-Unis. Vous avez une perspective intéressante, mais je crois que la réponse se trouve en partie dans votre commentaire au sujet du Canada qui est perçu comme un chef de file. Lorsque vous transigez avec les États-Unis dans le contexte de la ZLEA qui regroupe 34 pays, je crois que c'est important; les petites économies peuvent exercer une influence. Même s'ils sont désormais la seule superpuissance de la planète, les États-Unis ne dirigent pas le monde. Du moins, pas encore, et ils ne devraient pas se faire d'illusion à cet égard.

• 1640

Je ne veux pas faire de leçon, car nous avons beaucoup profité de notre statut d'allié et de partenaire des États-Unis—si nous avions le choix, nous chercherions quand même 10 fois sur 10 à nous associer à eux, et qui ne le ferait pas? Mais j'espère qu'ils n'auront pas la prétention de vouloir dominer le monde. Et il ne faudrait pas que la dernière superpuissance s'engage dans cette voie, car nous avons déjà vu ce qui peut se produire lorsque des puissances moyennes unissent leurs forces. Nous pouvons être très efficaces. Notre gouvernement, par l'entremise de notre premier ministre et de M. Axworthy, l'a démontré dans le cas du traité sur les mines antipersonnel. Qui aurait cru il y a quelques années que ce traité aurait pu voir le jour, malgré la réticence des États- Unis? Aujourd'hui, dans une certaine mesure, les États-Unis se trouvent dans une situation embarrassante, si l'on pense au grand nombre de pays qui interdisent les mines terrestres.

Et il en est de même de la Cour internationale de justice. Malgré la réticence des Américains, nous assistons à sa création.

Je crois que le message est le suivant: nous vivons dans le même village planétaire, et nous devons apprendre à cohabiter. Je ne crois pas que nous puissions nous permettre de dire que vous êtes petit et que vous n'avez aucune importance, car le poids de nombreux petits pays égale et surpasse celui d'un grand pays.

J'espère donc que les Américains en sont conscients. Je crois que M. Clinton l'est, si l'on se fie à son discours. Je crois que le moment est venu de collaborer avec les leaders politiques des États-Unis pour nous assurer que cette opinion est aussi la leur.

M. Larry McCormick: Je n'ai qu'une chose à dire: gracias.

La présidente: Merci, monsieur le ministre.

Merci, monsieur McCormick.

Nous vous savons gré de votre aimable collaboration, monsieur le ministre. Nous avons presque épuisé le temps que vous avez à nous accorder.

Peut-être pourrais-je conclure par un commentaire. Je crois comprendre, d'après notre haut-commissaire dans les Caraïbes, que le Canada a signé un protocole d'entente pour aider les petites économies à négocier l'ALEA, et je tiens à féliciter notre gouvernement de ce geste.

On m'a également dit dans les Caraïbes que le premier ministre de la Barbade avait proposé l'établissement d'un indice de vulnérabilité pour les petites économies en prévision de la mise en oeuvre d'un accord. Si vous êtes au courant, j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Une dernière question: quelles sont les répercussions sur les négociations du différend concernant les bananes entre l'Union européenne et les États-Unis, surtout, et toujours, aux Caraïbes?

M. Sergio Marchi: Je demanderais aux fonctionnaires de commenter le protocole d'entente avec le haut-commissaire, parce que je ne suis pas au courant, madame la présidente... De quel haut-commissaire s'agit-il?

La présidente: À la Barbade.

Mme Kathryn McCallion (sous-ministre adjointe, Affaires internationales et affaires consulaires, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci.

Ce que nous avons fait—et il se peut que le cours soit offert dans le cadre d'un protocole d'entente—c'est que le Centre canadien de la politique commerciale et du doit à l'Université Carleton s'est prévalu du financement offert par l'ACDI dans le passé afin d'aider les pays ayant de petites économies à négocier. Donc, il s'agit d'un cours sur les techniques de négociation. Nous l'avons fait pour les gens de l'Amérique centrale et pour les gens des Caraïbes.

M. Sergio Marchi: Au sujet des bananes, à mon avis, tout le différend actuel concernant le projet de loi C-55, dont Charlie a fait mention, et le différend concernant les bananes entre eux et les Européens, renforcent le discours de Larry et moi-même, c'est- à-dire, on ne peut pas simplement forcer un pays à faire quelque chose, on ne peut pas l'intimider. C'est pourquoi je crois qu'il faut se servir du cadre multilatéral. Donc, dans le contexte du projet de loi C-55 ou des bananes, la réponse en partie est de permettre à l'OMC de se prononcer sur un différend entre deux pays qui ne peuvent pas le régler. C'est précisément la fonction des groupes spéciaux.

En fin de compte, on ne peut pas faire justice soi-même, on ne peut pas dire, écoutez, je n'ai pas confiance en ce mécanisme; nous allons déclarer une guerre commerciale contre vous. À mon avis, cela ne semble pas être la voie de l'avenir. Donc nous ne pouvons pas construire ces sortes de modèles pour faire affaire avec d'autres pays.

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Nous avons tous nos différends. Il n'existe aucun pays qui n'a pas un différend avec un autre. Ici nous discutons des différends commerciaux, mais il existe une façon de les régler. On peut faire autrement que de prendre une position, de dire, écoutez, le Canada, si vous ne faites pas ceci, nous allons faire cela; ou l'Europe, si vous ne mettez pas vos bananes avec nos raisins, si vous ne mettez pas tout dans le même panier, nous allons vous faire mal avec la clause 301. Ce n'est pas la façon dont les États-Unis devraient faire preuve de leadership.

Les États-Unis se doivent d'être magnanimes. Ils doivent faire confiance au cadre multilatéral qui a été établi à l'OMC ou aux accords commerciaux régionaux qu'ils ont conclus avec d'autres pays, et j'espère que la sagesse prévaudra. Sinon, la situation pourrait bien sûr s'aggraver. Et qui sortirait gagnant à la fin? Nos secteurs ne peuvent pas sortir gagnants lorsqu'on se met à menacer d'autres industries. Il est difficile pour les pays de persuader leurs intervenants de négocier d'autres arrangements commerciaux. De plus, si nous ne pouvons nous mettre d'accord ici, pourquoi devrait-on les convaincre de s'engager dans un autre long cycle qui commence à la fin de cette année? Au bout du compte, il n'y a personne qui sort gagnant. Il faut prendre du recul et régler les différends, en usant non pas de la force mais du droit, et d'une façon autonome. C'est donnant, donnant, nous le savons tous. On ne peut dire que le système fait notre affaire lorsque l'on gagne, et le rejeter lorsque l'on perd. Ce serait deux poids deux mesures. Cela ne mène pas au libre-échange, mais à l'impasse.

La présidente: Au nom de tous les membres du comité, monsieur le ministre et vos collègues, je vous remercie sincèrement d'avoir été des nôtres aujourd'hui.

Chers collègues, la prochaine réunion du sous-comité aura lieu mardi prochain à 15 h 30. Nous nous pencherons sur le programme pour le Sommet des Amériques.

Merci beaucoup. La séance est levée.