FOPO Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON FISHERIES AND OCEANS
COMITÉ PERMANENT DES PÊCHES ET DES OCÉANS
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le mardi 22 février 2000
Le président (M. Wayne Easter (Malpeque, Lib.)): Notre premier témoin de l'après-midi est le représentant de la T. Buck Suzuki Foundation, M. David Lane. David, vous avez la parole. Pour respecter l'horaire, nous ne pouvons vous accorder qu'une demi-heure, et si vous pouviez ne présenter qu'une brève déclaration, nous pourrions vous poser des questions, si vous êtes d'accord?
Soyez le bienvenu. Merci d'être venu.
M. David Lane (directeur de la Recherche, T. Buck Suzuki Foundation): Merci beaucoup.
Je voudrais tout d'abord dire que notre organisation a pour seul but la protection du saumon sauvage. Nous comptons quelque 4 000 membres dont la plupart sont du secteur de la pêche commerciale, et pour cette raison, ils sont très préoccupés par l'état des stocks de saumon sauvage. On nous confond souvent avec la David Suzuki Foundation. Nous sommes des organisations distinctes, bien que nous travaillions ensemble sur certaines questions. Notre organisation tient son nom d'un pêcheur commercial qui s'appelait Tatsuro Suzuki. Il est l'un des tout premiers à avoir travaillé pour assurer la protection de l'habitat du saumon dans le fleuve Fraser il y a de nombreuses décennies. Nous avons jugé opportun de donner son nom à notre organisation, puisque nous nous adressons principalement aux membres du secteur de la pêche commerciale. On le surnommait Buck, c'est pourquoi la fondation s'appelle T. Buck Suzuki Environmental Foundation.
Nous voulons vous faire part aujourd'hui de nombreuses inquiétudes que nous avons au sujet de l'incidence de la salmoniculture sur le saumon sauvage, mais nous ne sommes pas venus dire qu'ils sont tout à fait incompatibles. Nous estimons que la salmoniculture telle qu'on la pratique en ce moment n'est pas suffisamment réglementée pour garantir la protection des stocks de saumon sauvage, stocks qui sont très perturbés pour l'instant. Nous souhaiterions qu'on évite d'aggraver les répercussions sur ces stocks déjà menacés.
Je me suis adressé à la Direction de la politique sur la gestion des océans du ministère des Pêches quand je réfléchissais à ma comparution ici, et, ô surprise, j'ai constaté que trois grands principes constituaient le fondement de la politique de gestion des océans du ministère: le développement durable, la gestion intégrée et le principe de prudence. Je crois qu'en ce qui concerne la salmoniculture le ministère des Pêches viole chacun de ces trois principes.
D'abord pour ce qui est du développement durable. Selon la définition même du ministère, il s'agit de répondre aux besoins actuels sans compromettre la capacité qu'auront les générations futures de répondre à leurs besoins propres, et je crois fermement que si l'on s'appuie sur les données dont on dispose, surtout dans d'autres pays où le saumon sauvage a été durement touché, si l'on pense à long terme et aux générations futures qui dépendront du saumon sauvage, il faut bien reconnaître que nous n'avons pas mis en place les garanties qui permettraient d'avoir l'assurance que les stocks sauvages ne sont pas menacés.
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Pour ce qui est maintenant de la gestion intégrée, le MPO la définit
comme un processus décisionnel transparent élaboré par les parties
prenantes pour intégrer des activités de planification et de mise en
oeuvre. Or, il n'y a eu absolument aucune consultation des parties
prenantes touchées par le développement du secteur de la
salmoniculture et il n'y a eu aucune transparence non plus.
Quant au principe de prudence, le MPO dit tout simplement qu'il faut agir avec prudence, et nous estimons que ce n'est pas ce qu'on fait et qu'il faudrait le faire.
J'aimerais dire qu'en ce qui concerne les données économiques relatives à la salmoniculture, cette nouvelle industrie présente de grandes perspectives économiques, mais j'aimerais aussi qu'il soit tenu compte des aspects économiques de la pêche au saumon sauvage. Soyons clairs, il ne s'agit pas que de la pêche. Quand on pense au saumon sauvage, on fait souvent erreur quand on ne pense qu'à la valeur des saumons que les pêcheurs rapportent au quai. Il n'y a pas que cela. Il y a la valeur du saumon sauvage transformé, qui est presque doublée, la pêche sportive qui dépasse de loin ce que l'on pense généralement, sans oublier la pêche commerciale que pratiquent les Premières nations ainsi que leur pêche de subsistance, ce qui tout ensemble représente plus d'un milliard de dollars dans l'économie de la Colombie-Britannique.
En ce qui concerne les principales menaces, il y en a deux dont je voudrais surtout parler, bien qu'il y en ait un grand nombre qui nous préoccupent, soit la possibilité de transmission de maladies au saumon sauvage et l'incidence des fuites de saumon d'élevage.
En ce qui concerne d'abord la transmission de maladies, on dit souvent qu'il n'y en a aucune preuve en Colombie-Britannique. Tout d'abord, nous croyons fermement que l'on ne mène pas les recherches voulues pour répondre à cette question, et je vous rappelle à nouveau le principe de prudence. Toutefois, en deuxième lieu, partout où se côtoient le saumon sauvage et des installations d'aquaculture, qu'on pense à la Norvège, à l'Écosse ou au Nouveau-Brunswick, on a connu de graves problèmes de maladies et de parasites, à tel point qu'en Norvège 40 systèmes sont infestés par un parasite et qu'il va falloir empoisonner les rivières pour s'en débarrasser. Nous estimons que c'est intolérable et que la menace est beaucoup trop grande, et que cette menace subsiste tant qu'il y a des installations de salmoniculture qui utilisent des cages en filet ouvertes qui permettent le contact non seulement avec les jeunes adultes mais aussi avec les juvéniles qui passent à travers. Le ministère des Pêches et des océans n'a fait aucun effort pour s'assurer que les installations de salmoniculture ne soient pas établies le long des voies migratoires du saumon, qui part et revient à son point de départ, et nous sommes très préoccupés par les juvéniles qui se dirigent vers les océans.
Quant aux fuites de saumon d'élevage, vous en avez sans doute entendu parler par des témoins, et on vous a probablement surtout parlé du saumon de l'Atlantique, qui actuellement—bien qu'on nous ait dit qu'il ne causerait jamais de problème, ne se retrouverait jamais en liberté—se retrouve quand même dans nos cours d'eau à frayer avec les saumons sauvages.
Mais j'aimerais cependant mentionner un deuxième problème: il y a aussi du saumon quinnat du Pacifique qui est produit en élevage. Les saumons quinnats du Pacifique s'enfuient aussi. Le ministère de l'Environnement avait dit au début que cela ne devait pas être toléré, qu'on ne devait pas permettre qu'ils puissent s'enfuir en grand nombre, parce qu'ils peuvent parfaitement se croiser avec le saumon sauvage. Il s'agit de la même espèce. Le ministère des Pêches et des océans n'a aucun programme qui permette d'établir s'ils aboutissent dans les cours d'eau où se trouve le saumon sauvage. Il n'y a pas de programme semblable à ce qu'on appelle Atlantic Watch. Rien ne nous dit qu'ils ne s'enfuient pas, qu'ils ne se reproduisent pas entre eux, qu'ils ne se retrouvent pas en grand nombre dans nos cours d'eau, puisque personne ne regarde ce qui se passe. C'est un peu difficile à observer parce qu'il s'agit de la même espèce, mais quiconque s'y connaît un peu en saumon peut distinguer un saumon d'élevage d'un saumon sauvage parce que sa queue est moins fournie.
Les croisements vont nécessairement entraîner un affaiblissement du bagage génétique. Ce n'est pas le même saumon. Ils ne viennent pas des mêmes systèmes. Les saumons d'élevage sont produits à des fins domestiques, et on tient compte de critères différents pour ce qui est du bagage génétique.
Que proposons-nous? Nous avons de nombreuses recommandations, mais il y en a trois sur lesquelles j'insisterai. D'abord, nous avons désespérément besoin de voir le ministère des Pêches et des océans et le gouvernement provincial faire plus de recherche sur les effets ressentis par le saumon sauvage. On n'a pas encore fait le travail voulu pour que nous disposions de l'information nécessaire pour prendre des décisions éclairées sur la façon de réglementer ce secteur, sur les incidences générales et à long terme, et tant que nous ne disposerons pas de cette recherche nous ferons vraiment fausse route.
• 1340
Deuxièmement, nous devons vraiment opter pour des technologies de
confinement qui vont supprimer le problème des enclos en filet. Les
enclos en filet donneront toujours lieu à des fuites. Les phoques
peuvent les ronger et y pénétrer. Il y aura des prédateurs qui
causeront des dommages. Les tempêtes les endommageront aussi. Il n'y a
pas moyen de garantir qu'il n'y aura pas de fuite de saumon d'élevage.
La seule façon de résoudre ce problème c'est de recourir à des
installations de confinement.
Enfin, il faut une politique qui écarte les cages en filet des voies migratoires qu'utilise le saumon sauvage. Il n'y a pas de politique provinciale ni fédérale à ce sujet.
Cela dit, il y a bien d'autres choses que j'aimerais ajouter, mais je me contenterai plutôt de répondre à vos questions et de participer aux discussions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Lane, pour cet exposé très éclairant.
M. Stoffer va entamer la période de questions.
M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Merci, monsieur Lane.
Vous avez parlé des saumons quinnats qui s'échappent. Pourriez-vous nous dire où seraient ces piscicultures?
M. David Lane: Il y en a plusieurs. J'en ai vu une, par exemple. J'y suis resté plusieurs jours. C'était sur la côte ouest de l'île de Vancouver. J'ai donc vu les conditions moi-même.
M. Peter Stoffer: Où cela se situe-t-il à peu près, monsieur?
M. David Lane: Dans la baie de Clayoquot. Il y a des rivières à quinnat dans le coin. Et j'ajouterais à ce sujet qu'une commission parlementaire a examiné le problème de l'incidence sur le saumon sauvage en Norvège il y a deux ans. Sa conclusion est essentiellement qu'il n'y a pas de compatibilité possible entre les enclos d'élevage dans des passages où il y peut y avoir d'importantes migrations anadromes de saumon. Sa recommandation était tout simplement de les interdire dans ces passages. De les autoriser ailleurs. De les interdire dans de telles circonstances. Nous sommes d'accord là-dessus. Ce serait une bonne politique pour la Colombie-Britannique.
M. Peter Stoffer: Au deuxième point de vos recommandations principales, vous indiquez une instauration rapide de systèmes de confinement fermés. Nous avons entendu dire que cette technologie est toute nouvelle. À quel rythme votre organisation envisage-t-elle que cela se fasse? Comme il s'agit d'une nouvelle technologie, quel délai envisagez-vous?
M. David Lane: Je dirais cinq ans. Nous en discutons mais, essentiellement, nous aimerions que l'industrie puisse changer. Nous ne voudrions pas qu'elle soit obligée de cesser toute activité parce qu'une politique l'empêche de se transformer mais nous voudrions qu'elle se transforme.
M. Peter Stoffer: Pour finir, votre organisation travaille-t-elle, par exemple, avec le ministère fédéral des Pêches et Océans ou avec le ministère provincial pour essayer de dresser des plans concrets pour l'avenir de ce secteur dans la région?
M. David Lane: Je dois dire que le ministère des Pêches et des Océans fédéral entreprend beaucoup de consultations en matière de gestion des pêches et a même ouvert ces consultations à certains groupes de conservation. Je l'en félicite. Toutefois, pour ce qui est de l'aquaculture du saumon, il n'y a eu absolument aucune consultation avec les groupes touchés ou concernés et aucune possibilité d'avoir ce genre de discussion.
M. Peter Stoffer: Merci.
Le président: Monsieur Cummins.
M. John Cummins (Delta—South Richmond, Réf.): Merci, monsieur le président.
David, nous avons reçu deux professeurs de biologie, l'un de Victoria et l'autre de Vancouver. Leur position est que la recherche fondamentale n'a pas été faite et qu'il est pour le moment impossible de se prononcer de façon définitive sur les conséquences soit négatives soit neutres de l'élevage de poisson—tout simplement parce que la recherche n'a pas été faite. Êtes-vous d'accord?
M. David Lane: Tout à fait. C'est un nouveau secteur. Il y a des possibilités. Mais la recherche n'a pas été faite sur les effets sur le saumon sauvage en particulier. Il y a aussi des effets sur d'autres espèces, les mammifères marins en particulier, mais pour ce qui est du saumon sauvage, le ministère des Pêches devrait lancer immédiatement un programme de recherche approfondie. Il a le personnel voulu pour le faire mais il a complètement négligé cette responsabilité.
M. John Cummins: Je crois que l'on utilise les enclos de confinement fermés, ou cette technologie ailleurs dans le sud des États-Unis, pour le poisson-chat et ce genre de chose. Êtes-vous au courant?
M. David Lane: Je vois ce dont vous voulez parler à propos du sud des États-Unis. C'est une technologie qui à notre avis pourrait être utilisée ici, que l'on pourrait mettre au point.
Je vais prendre une analogie. Il y a un peu plus de 10 ans, un certain nombre de groupes environnementalistes concernés, dont le nôtre, sont allés voir le gouvernement provincial pour dire qu'il était intolérable de laisser les usines de pâte à papier émettre autant de dioxine; qu'il fallait une autre technologie. L'industrie a hurlé. Elle a déclaré que c'était impossible; que cela coûtait trop cher; qu'elle ne pouvait se transformer. En fait, les gouvernements fédéral et provincial ont mis sur pied un plan de 10 ans pour se débarrasser de cette toxine mortelle. Et effectivement, l'industrie a observé le plan et pratiquement toutes les usines de pâte à papier sont passées à une nouvelle technologie.
M. John Cummins: Faites-vous une distinction entre les systèmes de confinement sur terre ferme et ceux qui flottent?
M. David Lane: Non, en fait, ce qui est important pour nous c'est qu'il n'y ait pas d'effet sur le saumon sauvage. Si c'est confiné dans l'océan, et que cela fait l'affaire, peu importe, si c'est sur la terre ferme, c'est la même chose, dans les deux cas, il y a la question des déchets et d'autres influences possibles.
Des installations fermées sur terre peuvent causer un problème pour une rivière voisine, par exemple, si l'on ne prend pas des précautions. L'approvisionnement d'eau doit venir de quelque part.
M. John Cummins: Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Sekora.
M. Lou Sekora (Port Moody—Coquitlam—Port Coquitlam, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Tout d'abord, lorsque vous avez dit que le ministère des Pêches et des Océans était responsable de trois infractions, parliez-vous des administrations fédérales-provinciales ou de l'une ou de l'autre en particulier?
M. David Lane: J'ai dit que le gouvernement fédéral, le ministère des Pêches, a pour politique concernant les océans le développement durable, la gestion intégrée et le principe de précaution et que ces trois principes ne sont pas respectés dans ses propres politiques...
M. Lou Sekora: Vous parlez du poisson d'élevage?
M. David Lane: ... oui.
M. Lou Sekora: Je ne pensais pas que nous avions encore approuvé, que le gouvernement fédéral avait encore approuvé la pêche au poisson d'élevage. C'est le gouvernement provincial qui s'occupe actuellement de l'émission de permis.
M. David Lane: Le gouvernement fédéral est très impliqué dans la réglementation de l'aquaculture du saumon. C'est une compétence mixte. Le gouvernement fédéral a toujours approuvé cette industrie.
M. Lou Sekora: Nous approuvons donc la pêche au poisson d'élevage. Nous sommes donc en infraction. Est-ce cela que vous dites?
M. David Lane: C'est exact. Le ministère des Pêches doit approuver l'utilisation du saumon dans l'océan.
M. Lou Sekora: D'accord.
Vous avez mentionné autre chose, cette maladie en Norvège, la maladie à l'Île-du-Prince-Édouard et à un ou deux autres endroits, ce n'est pas aussi rapide ici en Colombie-Britannique. Sommes-nous en avance, en retard ou pensez-vous que d'ici quelques années, cela va nous toucher? Que prévoyez-vous?
M. David Lane: C'est certain, d'ici à quelques années, nous serons touchés comme ont été touchées ces autres régions où l'on disait autrefois qu'il n'y avait pas de problème et voilà que tout d'un coup une maladie importante a frappé le Nouveau-Brunswick, maladie dont la source remonte probablement à la Norvège parce que les oeufs et les saumoneaux sont transportés d'un pays à l'autre.
Cela arrivera encore. Il n'y a pas de garanties que cela ne se produira pas en Colombie-Britannique.
M. Lou Sekora: S'il y avait du poisson d'élevage et du poisson sauvage et que tout marchait, qu'est-ce que vous feriez de différent pour vous assurer que les uns et les autres survivent, ou pensez-vous que c'est impossible?
M. David Lane: Comme je le disais, le simple fait de s'assurer qu'ils ne sont pas dans des cages en filet ferait déjà beaucoup pour protéger le saumon sauvage et pour permettre aux deux pêcheries de coexister sur les côtes de Colombie-Britannique et même de s'épauler.
M. Lou Sekora: Une dernière question.
Tout le monde a parlé de ces filets. On dit qu'il faut les sortir de l'eau parce qu'avec les filets il y en a qui s'échappent.
Je vais vous dire une chose et je me trompe peut-être complètement. Pourquoi ne pas envisager des mailles d'acier inoxydable plutôt que de la corde et ce genre de fibre que les phoques et autres détruisent? Qu'en serait-il si on les gardait dans des cages d'acier inoxydable plutôt que de fibre ou de corde?
M. David Lane: Je n'ai jamais entendu une telle proposition.
M. Lou Sekora: Voyez-vous un inconvénient?
M. David Lane: À première vue...
M. Lou Sekora: Je pense que cela serait très cher. C'est certainement un inconvénient.
M. David Lane: Oui, et la souplesse d'un filet permet de le soulever, de le déplacer et de le nettoyer.
M. Lou Sekora: Je songe ici à un treillis métallique en acier inoxydable que l'on pourrait déplacer. Je suppose qu'il faudrait trouver la technique pour ce faire mais ce pourrait très bien être une autre possibilité. Le cas échéant, y aurait-il encore du danger pour le saumon?
M. David Lane: Je le répète, dans la mesure où l'eau de mer peut circuler dans la cage, il y a le problème de la transmission des maladies, et possiblement, celui des jeunes saumons sauvages qui pourraient entrer à l'intérieur de la cage et se faire avaler.
M. Lou Sekora: À propos des maladies... en fermant les écluses, on peut facilement constater la maladie. Mais assurément, il doit bien y avoir des maladies chez les espèces de poissons sauvages que l'on ne peut pas détecter parce qu'il y en a si peu et qu'elles apparaissent de loin en loin.
M. David Lane: Il y a des maladies chez le saumon sauvage. À l'occasion, des problèmes surgissent dans le cas d'un banc en particulier, comme c'est le cas si le poisson est trop sollicité. C'est naturel.
Selon nous, on ne devrait pas tolérer d'autres maladies que celles qui sont naturelles et il devrait certainement ne pas être question que cette région risque d'être menacée par de nouvelles maladies.
M. Lou Sekora: Merci beaucoup.
Le président: Merci, monsieur Sekora.
Y a-t-il d'autres questions?
Monsieur Lane, tout comme bien d'autres, vous dites que l'on n'a pas effectué de recherches ici. En aurait-on effectué ailleurs? En Norvège, au Chili, en Écosse ou en Irlande, y en aurait-il?
M. David Lane: Oui mais la difficulté vient du fait que pendant l'examen environnemental provincial effectué ici, ces renseignements n'ont pas été pris en compte. En fait, les représentants du ministère des Pêches n'ont pas offert les renseignements disponibles en provenance d'autres pays qui auraient pu nous informer sur les incidences dans le cas du poisson sauvage et on n'a pas jugé bon non plus de faire venir les experts du ministère en matière de protection du saumon sauvage. Les gens qui ont participé à cet examen environnemental étaient uniquement du secteur de l'aquaculture.
Le président: Pourriez-vous nous donner la liste, qui pourrait même être partielle, de ces études? Serait-ce possible? Je ne vous demande pas de le faire sur-le-champ mais pourriez-vous nous l'envoyer pour que nous puissions les consulter?
M. David Lane: Volontiers. En fait, un autre témoin prévu cet après-midi, Laurie MacBride de l'Alliance du détroit de Georgia a annexé cette liste à son mémoire.
Le président: Merci. Tout ce que vous pourriez nous donner ultérieurement sera utile, y compris le nom de fonctionnaires que nous devrions peut-être consulter au ministère des Pêches.
M. David Lane: Je ne sais pas si on vous a signalé que l'université Simon Fraser, de concert avec d'autres commanditaires, a organisé, le 2 mars 2000, une rencontre de certains experts internationaux sur ces incidences et nous allons pouvoir tirer des renseignements très intéressants à cette occasion.
Le président: Est-ce que cela se tiendra à Saskatoon?
M. David Lane: Non, c'est une rencontre qui aura lieu ici à Vancouver le 2 mars 2000.
Le président: Il y en aura une en mars également à Saskatoon, n'est-ce pas?
Y a-t-il d'autres questions?
Merci, monsieur Lane, de votre exposé.
M. David Lane: Merci de m'avoir donné l'occasion de vous parler.
Le président: Nous passons maintenant aux représentants de l'Association des salmoniculteurs de Colombie-Britannique—qui sont au nombre de cinq, si je ne m'abuse—et dont le porte-parole est Anne McMullin.
M. Peter Stoffer: Que faites-vous du deuxième témoin?
Le président: Non, le deuxième, Tom Bird de l'Institut de la pêche sportive de la Colombie-Britannique, a annulé.
Nous accueillons Anne McMullin, Ward Griffioen, Brad Hicks, David Groves et Stephen F. Cross. Bienvenue.
Anne, vous avez la parole.
Mme Anne McMullin (Association des salmoniculteurs de la Colombie-Britannique): Merci beaucoup.
Notre collègue Stephen Cross devrait être là. Le traversier qui devait l'amener de l'île de Vancouver est en retard. J'espère qu'il va pouvoir arriver avant la fin.
Le président: Anne, à l'Île-du-Prince-Édouard, nous avons trouvé la solution pour éviter cet inconvénient. Nous avons construit un pont.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Allez-y.
Mme Anne McMullin: Bonjour. Merci beaucoup. Je m'appelle Anne McMullin et je suis la directrice exécutive de l'Association des salmoniculteurs de la Colombie-Britannique.
Permettez-moi de vous présenter mes collègues. David Groves de Sea Spring Salmon Farm a été l'un des pionniers de la salmoniculture en Colombie-Britannique, Brad Hicks de Taplow Feeds est un vétérinaire renommé dans le domaine de l'aquaculture en Colombie-Britannique et Ward Griffioen de la Est Coast Fishculture exploite une installation de pisciculture en eau douce près de Powell River.
Mes collègues vont faire leurs propres exposés cet après-midi mais d'ici là ils ont accepté de se mettre à votre disposition pour répondre aux questions précises ou techniques qui pourraient surgir pendant l'heure qui vient.
Je suis ravie que les membres du comité se soient déplacés pour venir en Colombie-Britannique afin d'étudier cette question. Je pense que le fait de visiter une pisciculture de saumon sur la côte Ouest, de rencontrer les hommes et les femmes qui travaillent dans le secteur de la salmoniculture et de vous rendre dans les localités qui comptent sur cette industrie sur le plan économique vous a permis d'acquérir une perspective non négligeable.
Nous savons bien qu'actuellement la salmoniculture en Colombie-Britannique est un des secteurs les plus intensément étudiés, réglementés et surveillés au Canada. Je tiens à dire que cela nous convient parfaitement.
La salmoniculture en Colombie-Britannique a désormais meilleure presse. Nous travaillons actuellement en partenariat étroit avec le gouvernement provincial, les localités de la côte, les Premières nations et d'autres industries maritimes de même qu'avec les environnementalistes pour mettre en oeuvre un nouveau cadre de réglementation dans notre secteur. Une fois cela fait, la Colombie-Britannique pourra compter sur des législations parmi les plus progressistes et exhaustives du monde dans le domaine de la salmoniculture.
En même temps, les salmoniculteurs de Colombie-Britannique continuent d'investir dans de nouvelles technologies et d'adopter de nouvelles pratiques, ce qui a amélioré de façon spectaculaire les rendements sur le plan de la production et du respect de l'environnement. Par exemple, les améliorations apportées au cours des 10 dernières années se traduisent par une réduction des deux tiers de matières organiques relâchées dans l'environnement comparativement à il y a 10 ans, malgré une augmentation de production de 300 p. 100. En outre, les salmoniculteurs ont dépensé des dizaines de millions de dollars pour moderniser les systèmes de filet afin de réduire la quantité d'échappés. Nous avons construit de nouvelles usines de transformation pour augmenter la valeur ajoutée et par conséquent les avantages sociaux économiques découlant de la salmoniculture et pour bonifier les synergies entre l'aquaculture et la pêche traditionnelle.
L'industrie a également fait d'énormes progrès sur le plan d'une bonne gestion environnementale des maladies. Le recours à des vaccins et à des pratiques d'élevage perfectionnées a permis de réduire les besoins en antibiotiques qui sont en salmoniculture actuellement à un niveau inférieur à celui de n'importe quel autre secteur agricole dans le monde.
Je suis sûre que d'autres témoins vous ont signalé que les salmoniculteurs ont tout intérêt à maintenir un milieu sain autour de leurs élevages. En l'absence de conditions sanitaires favorables à la croissance, nous ne pouvons pas produire les produits de grande qualité qu'exige la demande sur les marchés internationaux. En conséquence, les investissements dans de nouvelles technologies et de nouvelles pratiques, en plus de nous permettre d'améliorer notre production, donnent des résultats sur le plan environnemental. Les deux éléments vont de pair, moyennant quoi l'environnement marin de la Colombie-Britannique va à coup sûr profiter des progrès futurs sur le plan des pratiques et de la technologie de l'aquaculture.
La salmoniculture a également beaucoup progressé dans la constitution de partenariats avec les communautés autochtones et non autochtones en Colombie-Britannique. Nous nous sommes efforcés d'expliquer aux habitants de la Colombie-Britannique la nature de notre industrie, nos méthodes environnementales et nos attentes pour l'avenir. En fait, un sondage récent Mark Trend révèle que les habitants de la Colombie-Britannique appuient le développement de la salmoniculture dans leur province, à cinq contre un. Plus de 70 p. 100 des citoyens pensent que la salmoniculture n'est pas nuisible à l'environnement et que c'est un secteur durable, et 85 p. 100 reconnaissent que c'est une composante importante de l'avenir économique de la province.
Les salmoniculteurs de la Colombie-Britannique militent de façon active pour la conservation du saumon en Colombie-Britannique. Des sociétés individuelles et l'industrie dans son ensemble contribuent de façon régulière, avec leurs fonds et leur expérience, à appuyer les projets de mise en valeur des pêches et de restauration de l'habitat. Nous avons également travaillé dur pour former des partenariats avec d'autres parties prenantes dans le secteur des pêches. Notre association a récemment participé à la fondation de l'alliance des crustacés de Colombie-Britannique, une coalition des pêcheurs de la côte Ouest et des organisations d'aquaculture dont la mission est de promouvoir la conservation, l'utilisation durable et la production des crustacés en Colombie-Britannique.
• 1400
Notre industrie a créé un produit alimentaire haut de gamme qui est
en demande dans le reste du monde, qui génère des emplois bien
nécessaires, des investissements et qui contribue à la diversification
économique des localités côtières de Colombie-Britannique. Comme vous
le savez, le plein potentiel de notre industrie en
Colombie-Britannique n'a pas encore été atteint. Avec un modeste taux
de croissance, les salmoniculteurs de Colombie-Britannique peuvent
envisager la création de 20 000 nouveaux emplois et un chiffre
d'affaires annuel d'un milliard de dollars d'ici dix ans.
Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous sommes très fiers de notre parcours. Il existe actuellement un processus mettant en présence de nombreux intervenants pour mettre en oeuvre des règlements qui sont parmi les plus progressistes dans le monde en matière de salmoniculture. Il est évident que le processus repose sur des années d'enquêtes scientifiques et d'expérience pratique. Nous avons investi des dizaines de millions de dollars pour acquérir de nouvelles méthodes et de nouveaux procédés qui ont changé du tout au tout notre performance environnementale. Au fur et à mesure que la salmoniculture va continuer de prospérer en Colombie-Britannique, ces investissements et les avantages environnementaux qu'ils créent ne manqueront pas de s'accentuer.
En terminant, les salmoniculteurs se sont acquis la confiance et le respect de beaucoup d'habitant de la Colombie-Britannique. Notre secteur s'appuie sur une ressource publique et nous comprenons la responsabilité que cela nous impose à l'égard de la population de la Colombie-Britannique. Nous acceptons cette responsabilité et nous acceptons que nos activités soient étudiées en profondeur car nous estimons que cela fait partie du lot qui revient aux entrepreneurs de la Colombie-Britannique. Nous nous acquittons avec sérieux de notre responsabilité qui est de maintenir et de bonifier l'environnement marin de la Colombie-Britannique pour en protéger le caractère et la productivité.
Je voudrais vous dire une dernière chose. Au fil des ans, on a porté nombre d'accusations contre les salmoniculteurs, en affirmant que leur activité pourrait avoir un impact sur les stocks de saumon sauvage et sur la salubrité du milieu marin. Vous avez peut-être entendu un grand nombre de ces accusations depuis une semaine et vous en entendrez d'autres avant la fin de vos audiences. Les sciences de la mer et halieutique sont très complexes, moyennant quoi toute question prête à interprétation voire, selon moi, à manipulation. Je tiens à ce que vous preniez connaissance aujourd'hui de certains faits centraux et de conclusions scientifiques qui permettent de mettre les choses en perspective.
Je vous rappelle que la salmoniculture est étudiée intensément en Colombie-Britannique depuis dix ans. La plus récente et la plus exhaustive de ces études est celle du bureau d'évaluation environnementale de la Colombie-Britannique, terminée en août 1997. Après 18 mois de consultations et 1 800 pages de documents, cet examen de la salmoniculture conclut que la façon dont cette culture est pratiquée en Colombie-Britannique crée un risque faible pour l'environnement marin de la province et ses stocks de poisson sauvage. Les accusations de dégradation de l'environnement proférées contre notre industrie se sont révélées non fondées sur le plan scientifique.
Je tiens à ajouter que trois études gouvernementales en Colombie-Britannique, entreprises entre 1987 et 1994, avaient abouti à la même conclusion. En fait, les recherches scientifiques faites depuis 1997 n'ont fait que confirmé de façon solide les conclusions du bureau d'évaluation environnementale de Colombie-Britannique.
Je voudrais signaler aux membres du comité un article scientifique, auquel souscrivent un groupe de pairs, publié dans la revue scientifique internationale, Aquaculture, la semaine dernière. Les auteurs en sont trois scientifiques canadiens renommés dans le domaine des pêches: Donald Noakes, Richard Beamish et Michael Kent. Cet article tente de déterminer les causes de la baisse spectaculaire des stocks de saumon en Colombie-Britannique dans les années 90.
Ces experts de renommée internationale concluent ceci:
-
Les raisons les plus plausibles qui expliqueraient le déclin des
stocks du saumon du Pacifique tiennent à une combinaison de
changements climatiques, de surpêche et de destruction de l'habitat en
eau douce.
Et ils ajoutent que le changement climatique est central, sans doute le facteur dominant.
En outre, MM. Noakes, Beamish et Kent concluent que la salmoniculture de Colombie-Britannique n'a pas eu une incidence marquée sur le phénomène et que:
-
L'ensemble des preuves indique que l'élevage du saumon, tel qu'il se
fait à l'heure actuelle en Colombie-Britannique, pose un faible risque
pour les stocks de saumon sauvage, surtout quand on le compare à
d'autres facteurs qui pourraient avoir une incidence sur les stocks
sauvages.
Cette étude indépendante faite par trois des scientifiques les plus respectés dans le domaine des pêches au Canada, et qui a été soumise à l'examen d'autres scientifiques, confirme les résultats d'innombrables études antérieures. Au bout du compte, toutes les preuves scientifiques conduisent à la même constatation. Les établissements d'élevage de saumon n'ont pas contribué de façon démontrable à la baisse des stocks de saumon sauvage du Pacifique et ne posent aucun risque appréciable pour la survie future de ces stocks.
Je devrais ajouter que les scientifiques Noakes, Beamish et Kent se sont intéressés à toutes les composantes de l'élevage du saumon qui pourraient avoir une incidence sur les stocks de saumon sauvage. C'est-à-dire qu'ils ont examiné les accusations de nos adversaires concernant les effets génétiques et écologiques ainsi que la propagation de maladies et ont conclu qu'il n'y avait aucun fondement scientifique à ces accusations.
• 1405
Les trois scientifiques ont toutefois fait remarquer que les
programmes de mise en valeur du saumon de la Colombie-Britannique
posent un risque génétique plus grand pour les stocks de saumon
sauvage que les établissements d'élevage du saumon. Ils concluent dans
leur document de recherche que les programmes d'alevinage «se
traduisent par des interactions écologiques et génétiques importantes
avec le saumon sauvage» et «ont tendance à réduire la diversité
génétique et conduisent au remplacement du saumon sauvage par le
saumon d'alevinage».
Il convient de signaler que les stations d'alevinage canadiennes et américaines relâchent chaque année deux milliards d'alevins de saumon du Pacifique dans les eaux. Ces alevins, c'est bien connu, propagent les maladies, comme le signalent les scientifiques dans leur document, et sont en fait traités avec le même éventail d'antibiotiques que le saumon d'élevage, bien qu'ils soient soumis à des contrôles vétérinaires et réglementaires bien moins nombreux, et pourtant personne ne demande qu'on mette un terme aux programmes de mise en valeur du saumon en Colombie-Britannique.
J'aimerais maintenant déposer auprès du comité ce document de recherche qui fait partie de la documentation que j'ai déjà déposée. Je crois que cette étude constitue l'évaluation scientifique la plus actuelle de l'incidence environnementale de l'élevage du saumon en Colombie-Britannique. Elle vient manifestement appuyer la position du gouvernement canadien et du gouvernement de la Colombie-Britannique, qui soutiennent que l'élevage du saumon est une industrie durable sur le plan écologique et constitue une exploitation légitime de la ressource marine.
Cette constatation a d'ailleurs été avalisée récemment par l'Organisation pour la conservation du saumon de l'Atlantique Nord ou OCSAN, dont le Canada est membre. L'OCSAN et l'industrie internationale de l'élevage du saumon ont signé ce mois-ci un accord de coopération d'importance historique, où les parties reconnaissent ceci, et je cite:
-
L'élevage du saumon pourrait avoir un effet complémentaire et
bénéfique sur la conservation du saumon sauvage.
L'industrie canadienne de l'aquaculture se fera un plaisir de travailler avec l'OCSAN afin de l'aider à réaliser ses objectifs en matière de conservation du saumon sauvage tout en poursuivant les efforts en faveur d'un élevage du saumon durable dans l'Atlantique Nord. Les deux parties se sont entendues pour chercher à trouver des moyens de faire en sorte que les éleveurs de saumon puissent contribuer à la conservation des stocks sauvages par des partenariats de recherche et par l'application des ressources et des compétences du secteur privé.
Un de mes collègues, Ward Griffioen, a d'ailleurs présenté cet après-midi un exposé sur la façon dont les connaissances, les compétences et la capacité d'innovation technologique de l'industrie de l'élevage du saumon de la Colombie-Britannique pourraient être utilisées au profit des programmes de mise en valeur du saumon en Colombie-Britannique et dans le Canada tout entier.
Il y a une idée qui suscite de plus en plus le consensus des scientifiques et du grand public: c'est que l'élevage du saumon, non seulement ne contribue pas au problème de la conservation du saumon sauvage, mais constitue un élément important de la solution à ce problème. En augmentant la production de saumon d'élevage pouvant être vendu à l'état frais en Colombie-Britannique, nous pouvons atténuer la pression des activités de pêche sur les stocks sauvages restants tout en créant des emplois à plein temps et bien rémunérés pour les travailleurs du secteur des pêches qui perdront ainsi leur emploi. Les compétences, les connaissances et les ressources de notre industrie peuvent aussi être mises à profit afin de renverser la vapeur en ce qui a trait à la baisse des stocks de saumon sauvage de la Colombie-Britannique.
Nous sommes une industrie dynamique, technologiquement avancée et à forte concentration de capital et de savoir qui représente un potentiel économique énorme pour la Colombie-Britannique. La prépondérance des preuves scientifiques donne à penser que l'élevage du saumon est une industrie écologique et durable qui peut contribuer de façon importante à la conservation du saumon sauvage.
Enfin, je supplie instamment le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes de se joindre au nombre grandissant de Canadiens qui souhaitent une industrie de l'aquaculture florissante au Canada.
Avant de répondre à vos questions, j'aimerais vous signaler que j'ai déposé un certain nombre de documents auprès du greffier. Il s'agit de communications et de rapports que le comité a expressément demandés ainsi que de documents qui réfutent certaines des accusations faites par nos détracteurs.
Nous avons notamment déposé un certain nombre de documents qui réfutent les affirmations faites par les témoins qui nous ont précédé au sujet des maladies qui seraient passées des stocks d'élevage aux stocks sauvages, notamment à Scott Cove en 1993 et en 1999. Nous vous avons aussi remis des exemplaires du rapport de la Commission d'enquête de l'État de Washington sur la lutte contre la pollution, qui a conclu que l'élevage du saumon ne pose de risque ni pour l'environnement ni pour les stocks de saumon indigène. Nous avons également déposé une description du Programme de surveillance du saumon de l'Atlantique de la Colombie-Britannique, qui suit l'incidence des saumons de l'Atlantique qui s'échappent des établissements d'élevage.
Nous avons aussi déposé un rapport de l'Institut de la recherche marine de la Norvège, qui conclut que la multiplication du parasite appelé Gyrodactylus qui a conduit à la contamination par le gouvernement norvégien d'un certain nombre de cours d'eau en Norvège, trouvait son origine dans le programme de mise en valeur du saumon sauvage. On n'a jamais pu établir de liens entre l'éclosion de la maladie dans ce cas-là et l'aquaculture du saumon, malgré les affirmations maintes fois répétées ici au Canada.
• 1410
Enfin, nous avons aussi déposé deux rapports financiers en réponse à
la demande en ce sens qui nous a été faite par les membres du comité.
Vous trouverez dans ces rapports une description de la situation de
l'offre et de la demande de saumon d'élevage dans le monde ainsi que
des exemples de comptes créditeurs d'un grand établissement d'élevage
de la Colombie-Britannique.
Merci encore de votre attention. Mes collègues et moi serons heureux de répondre aux questions que vous voudrez nous poser.
Le président: Merci, madame McMullin. Les documents que vous avez déposés seront remis aux membres du comité le plus tôt possible.
Nous passons donc aux questions, avec M. Duncan.
Merci beaucoup pour votre exposé, soit dit en passant.
Monsieur Duncan.
M. John Duncan (Île de Vancouver-Nord, Réf.): Merci, monsieur le président.
J'ai quelques questions à poser.
Le président: John, si vous le permettez, je tiens à vous dire que, comme nous avons un peu plus de temps, nous allons vous en accorder plus.
M. John Duncan: Très bien.
Prenons tout d'abord le document de la Norvège. On y indique que la quantité totale d'antibiotiques utilisés est bien en deçà de ce qui est utilisé dans l'agriculture norvégienne et qu'elle ne représente qu'un cinquantième de la quantité utilisée en 1988. Il s'agit de l'année 1996. Savez-vous comment cela se comparait à l'utilisation d'antibiotiques en Colombie-Britannique, en supposant une équivalence entre les deux pays?
Mme Anne McMullin: Je demanderais à M. Hicks de répondre à la question, mais je dirai seulement que l'utilisation d'antibiotiques a baissé de façon radicale en Colombie-Britannique. Je crois que cette baisse est attribuable à ce qui est sans doute un des plus importants avantages de l'élevage du saumon, à savoir la mise au point de vaccins, et aussi aux améliorations au chapitre de la zootechnie et des aliments des animaux.
Je ne sais pas si vous voulez répondre plus précisément à la question, Brad.
Dr Brad Hicks (représentant, B.C. Salmon Farmers Association): À vrai dire, je ne sais pas exactement quels sont les chiffres, mais je serais d'accord avec Anne pour dire qu'il y a eu une baisse importante et que cette baisse est principalement attribuable à deux facteurs.
Le premier est l'arrivée de vaccins, qui, pour tout vous dire, sont semblables à ceux qu'on utilise pour les êtres humains et les autres espèces d'animaux que nous élevons—à ne pas confondre avec l'élevage des enfants. Essentiellement, les techniques de gestion de la santé des êtres humains et des autres animaux sont maintenant appliqués aux poissons, si bien qu'il y a eu une baisse très importante.
L'autre facteur, c'est que l'industrie, c'est-à-dire l'élevage du saumon à grande échelle, remonte à 25 ans tout au plus et pendant les 10 ou 15 premières années, il a fallu apprendre au personnel à appliquer les techniques de zootechnie aux poissons. Au fur et à mesure que le personnel s'est familiarisé avec les techniques d'élevage, les conditions d'élevage et les sources de stress pour les poissons ont diminué, ce qui explique qu'ils succombent moins souvent aux maladies. Les maladies étant ainsi graduellement enrayées, il devient moins nécessaire de recourir à des antibiotiques.
Je pense qu'il y a un autre grand problème. Lorsque l'élevage du saumon a commencé, notre seule source d'oeufs était les saumons à l'état naturel. Ce saumon—comme M. Lane l'a dit—est porteur de ses propres maladies. À l'origine, les oeufs provenaient de saumons sauvages et étaient triés, même si nos techniques n'étaient pas parfaites. En réalité, ce qui s'est passé, maintenant que l'on sort le saumon des élevages, c'est que le poisson élevé a beaucoup moins de pathogènes que le poisson sauvage. Nous avons un document qui le montre. Par conséquent, les poissons qui sont dans les élevages sont aujourd'hui beaucoup plus «sains» qu'il y a 15 ou 20 ans.
Tous ces éléments ont contribué à une diminution des antibiotiques utilisés.
Mme Anne McMullin: De plus, l'utilisation des antibiotiques et des vaccins est sévèrement réglementée par quatre organismes gouvernementaux. Le ministère de l'Agriculture et des Aliments, et en particulier, la Dre Joanne Constantine, a tous les dossiers et les chiffres relatifs à la quantité d'antibiotiques utilisés et je peux lui demander de transmettre l'information au comité.
M. John Duncan: En parlant de cette docteure, Joanne Constantine, dans ses lettres, elle parle d'AIS, je crois, sur la côte Est, quelque chose qui existe naturellement dans le milieu marin. Qu'est-ce que ça signifie?
Mme Anne McMullin: David, voulez-vous répondre?
Le président: Monsieur Groves.
M. David Groves (représentant, B.C. Salmon Farmers Association): Brad Hicks voudra sûrement vous répondre aussi.
Je ne suis pas un spécialiste de l'AIS dans le saumon de l'Atlantique sur la côte Est, mais il semble que ce soit quelque chose d'intrinsèque ou que l'espèce susceptible est sans doute le saumon de l'Atlantique, sauvage ou élevé. Je ne pense pas que tous les vecteurs ont été trouvés. Jusqu'à présent, il ne semble pas que ces vecteurs se trouvent dans l'océan Pacifique—il est donc peu probable qu'il apparaîtra ici. Nous avons sur la côte du Pacifique des maladies qui ne sont pas présentes sur la côte Est, comme le virus NHI.
• 1415
Pour moi cela signifie—et Brad pourra vous en dire plus—que c'est
un organisme intrinsèque dans l'environnement porté par quelque chose.
Ce quelque chose, c'est sans doute le saumon de l'Atlantique ou une
autre espèce, comme le hareng de l'Atlantique ou une autre espèce
comme ça. C'est à un niveau très bas, il y a donc une incidence qui
apparaît tôt ou tard.
Le président: Docteur Hicks ou docteur Groves, avez-vous des communications ou des discussions avec des gens du Atlantic Veterinary College qui travaillent sur la question?
Dr Brad Hicks: Oui, en fait, jusqu'à il y a quelques mois, j'assurais la gestion des élevages dans l'État du Maine, sur la côte Est évidemment, une région qui m'est très chère. On m'a même déjà offert un poste d'enseignant au collège vétérinaire de l'Île-du-Prince-Édouard, si bien que je connais très bien ces gens-là.
Quoi qu'il en soit, j'aimerais apporter une précision sur ce que David Lane a dit dans son intervention. Il a dit que l'AIS était une menace à cause de l'importation de saumoneaux. Eh bien, nous n'avons pas importé le moindre saumoneau d'Europe, jamais, dans le secteur de l'élevage du saumon.
Au Canada, il y a ce que l'on appelle le Règlement sur la protection de la santé des poissons, même si on nous a dit qu'il n'y avait pas de réglementation. Le ministère des Pêches et des Océans a obtenu la mission, dans la loi, de s'occuper de l'élevage du saumon et c'est lui qui est responsable du Règlement sur la santé des poissons. Ce règlement existe depuis que je suis dans la profession, c'est-à-dire plus de 20 ans. Seuls les oeufs sont importés et, avant de l'être, ils doivent être désinfectés. Ils doivent venir de ce que l'on appelle un animal exempt d'organismes pathogènes spécifiques. Il y a donc beaucoup de contrôle sur la circulation des oeufs de poisson d'un pays à l'autre.
M. John Duncan: Très bien, merci.
Votre document, Anne, porte sur l'usage radicalement réduit d'antibiotiques dans l'élevage du saumon, à un niveau bien inférieur à toute autre activité agricole dans le monde. Comment définissez-vous cela? Est-ce basé sur la biomasse produite ou les quantités utilisées par biomasse produite? Comment définissez-vous cela?
Mme Anne McMullin: C'est exact. Brad me reprendra si je me trompe, mais je crois que dans d'autres secteurs agricoles, on en utilise de sept à huit fois plus qu'en aquaculture.
M. John Duncan: J'aimerais revenir sur votre exposé, Ward, car vous avez beaucoup parlé de ce que vous avez fait en Alaska.
Le président: Mais auparavant, John, est-ce que nous allons revenir sur cette question plus tard?
Mme Anne McMullin: Non.
Le président: Très bien, c'est parfait.
Allez-y, John.
M. John Duncan: C'est particulièrement intéressant; est-ce que vous avez été un des principaux instigateurs de cette stratégie qui a lancé l'Alaska dans cette voie?
M. Ward Griffioen (B.C. Salmon Farmers Association): En 1979, j'ai été invité à me rendre là-bas et, dans l'ensemble, je travaillais à partir du sud-est de l'Alaska. Au départ, c'était des groupes de pêcheurs qui adhéraient à ce programme de pacage marin qui existait dans le sud-est de l'Alberta, un programme qui a maintenant donné d'assez bons résultats.
M. John Duncan: Vous avez beaucoup parlé de certaines initiatives au Canada, et j'ai remarqué en particulier un programme très dynamique de mise en valeur dans l'anse Theodosia. Est-ce que cela sera basé sur le modèle de l'Alaska?
M. Ward Griffioen: Oui, c'est une proposition que nous avons préparée, qui a maintenant été approuvée officiellement par notre ministre des Pêches et qui est axée sur un effort communautaire des pêcheurs et des Premières nations, qui avaient d'ailleurs déjà mis en place un programme très semblable. Tout dépendra du succès de ce programme et de la mesure où nous pouvons coopérer avec les biologistes marins.
M. John Duncan: Notre comité a entendu parler à plusieurs reprises de l'abandon de Smith Inlet et de Rivers Inlet, des régions de la province qui produisaient jadis une grande quantité de saumon et qui n'en produisent presque plus. Est-ce que vous connaissez ces régions-là? Vous êtes-vous demandé si votre concept donnerait des bons résultats dans ces deux cas.
M. Ward Griffioen: Oui, je connais le problème dans cette région, et je pense que nous devrions examiner très sérieusement les possibilités, premièrement de récolter des oeufs, et deuxièmement de produire des jeunes saumons et de les relâcher dans le cadre d'un vigoureux programme de repeuplement.
Le repeuplement en Alaska m'a beaucoup impressionné. Cela dit, je sais que nous avons des problèmes dans cet océan, mais je ne sais vraiment pas ce qu'il faudrait faire pour y remédier. Cela dit, les écloseries ont fourni du poisson à la flotte de cette région avec un tel succès que... J'ai consulté des gens dans le secteur du détroit du Prince William, en particulier un pêcheur que je rencontrais souvent. Je lui ai demandé quel pourcentage de ses prises provenait des écloseries et il m'a répondu: la totalité. Quand on dit cela en Colombie-Britannique, ils répondent qu'il faut fermer les écloseries.
Si vous voulez fournir des stocks à la flotte, il faut ensemencer l'océan, d'une façon ou d'une autre. Ma solution au fiasco de Rivers Inlet serait de constituer immédiatement un stock de géniteurs pour avoir une source d'oeufs qu'on pourrait alors élever pour réensemencer le secteur. La technologie existe, nous savons ce qu'il faut faire.
M. John Duncan: Merci. Enfin, j'aimerais parler de l'exposé de M. Hicks. Vous avez parlé du système en circuit fermé. De toute évidence, on a beaucoup parlé de ce sujet, mais peut-être pourriez-vous développer cela. Ce que vous nous dites, c'est qu'un système en circuit fermé, cela n'existe pas, et j'aimerais d'abord entendre des détails à ce sujet.
Dr Brad Hicks: En fait, je dois faire un autre exposé à ce sujet.
M. John Duncan: Oh, vraiment?
Dr Brad Hicks: Oui.
Je ne comprends pas comment votre comité fonctionne, mais aujourd'hui, on m'a simplement demandé d'assister Anne en fournissant des informations techniques. Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, j'aimerais mieux...
Le président: Monsieur Hicks, nous pouvons remettre cette question à plus tard, si vous le voulez bien?
Dr Brad Hicks: Absolument.
Le président: À propos du mémoire de M. Griffioen, il n'a pas été lu pendant la séance, mais si vous voulez le lire, il est disponible.
M. John Duncan: J'ai tout de même une question pour M. Hicks à ce sujet. Nous avons parlé de la vaccination non seulement du poisson d'aquaculture, mais également du poisson d'écloserie. S'agit-il de la principale source? Est-ce que dans les deux cas, c'est une action unique?
Mme Anne McMullin: Est-ce que ça se fait de manière équivalente?
M. John Duncan: Est-ce que c'est la même chose?
Mme Anne McMullin: Non, le saumon d'aquaculture est vacciné contre des maladies; les programmes d'écloserie n'utilisent pas de vaccinations, mais par contre, ils utilisent des antibiotiques.
Dr Brad Hicks: Dans l'ensemble, c'est exact.
Dans le secteur agricole, quand on achète des poulets d'un jour dans une écloserie, ils sont assez sains et ils sont vaccinés. On les envoie ensuite dans une entreprise agricole et, jadis, dans ce milieu-là ils étaient exposés à des pathogènes à cause des pigeons, des moineaux, etc.
Quand nous relâchons notre poisson d'aquaculture dans l'océan, il est très sain, car il vient d'un système très salubre. Par contre, lorsqu'il s'agit d'écloserie, dans le cadre de systèmes de mise en valeur, ce sont des systèmes très ouverts. Dans presque tous les cas, ils utilisent de l'eau de rivière alors que chez nous, c'est toujours de l'eau de puits. Pour cette raison, notre système est très salubre.
Tout notre poisson est trié. Tous les oeufs et tout ce qui aboutit dans nos écloseries est trié pour éliminer la maladie. Dans la nature, ce n'est pas le cas. Dans la nature, les produits utilisés pour la reproduction, les poissons reproducteurs, sont libérés dans les écloseries après un tri très superficiel. C'est donc un système ouvert, où le poisson est constamment exposé à la maladie.
Parmi les jeunes animaux, qu'il s'agisse de poisson ou d'autre chose, la maladie est assez fréquente. Elle est présente également dans les écloseries fédérales et provinciales, mais la situation n'est pas dramatique pour autant. En effet, on trouve des maladies parmi tous les animaux sauvages; c'est donc une question d'équilibre.
• 1425
On a eu l'occasion de prouver à de très nombreuses reprises que cette
notion selon laquelle le poisson d'aquaculture est bourré de maladies,
ou encore que c'est un vecteur très fréquent de la maladie, n'est tout
simplement pas vraie.
Quand je suis arrivé en Colombie-Britannique, j'ai d'abord été vétérinaire au provincial, spécialisé dans le poisson. À l'époque, nous avions fait une étude des maladies chez les saumons sauvages qui revenaient frayer et chez le poisson d'aquaculture. En fait, nous nous étions contentés d'étudier la présence de pathogènes ou de bactéries. Il ne s'agissait pas vraiment de maladies, car c'est un peu différent. Quoi qu'il en soit, cette étude a démontré qu'il y avait plus de pathogènes dans le poisson sauvage, ce qui est d'ailleurs normal puisque ce poisson-là vit dans un environnement hétérogène, un environnement extrêmement varié, alors que le poisson d'aquaculture vit dans un environnement homogène, quasiment stérile.
À l'époque où j'étais pathologiste à l'Université de Guelph, je m'intéressais beaucoup à la biologie de la faune, et nous avions constaté exactement la même chose. Chez les animaux de ferme, on trouvait une dizaine ou une douzaine de maladies, et c'était toujours les mêmes qui revenaient. Par contre, dans la nature, comme il s'agit d'un environnement beaucoup plus hétérogène, il y avait une gamme de maladies beaucoup plus étendue.
Donc, cela ne me surprend pas. Il n'est pas surprenant de voir que le poisson d'aquaculture est plus propre. Il n'est pas surprenant de trouver moins de maladies dans cette population, et des maladies plus faciles à gérer, car il est en effet possible de les gérer. Dans la nature, par contre, ce n'est pas possible de la même façon. Ainsi, en réalité, ce n'est pas le poisson d'aquaculture qui menace le poisson sauvage, c'est l'inverse.
Lorsque nous relâchons notre poisson dans l'océan, il est alors exposé à toutes sortes de pathogènes qui existent, non seulement dans le saumon de l'océan, mais également dans le hareng, dans la loquette, dans toutes sortes d'autres espèces. Beaucoup de ces pathogènes sautent d'une espèce à l'autre. Il est donc important pour vous de vous faire à l'idée que ce que nous relâchons dans l'océan est sain, et que c'est l'océan où le mélange est beaucoup plus hétérogène.
L'élevage du saumon remonte à 25 ans seulement. Les maladies animales ont mis beaucoup de temps à apparaître. Au fur et à mesure que les glaciers ont reculé et que le saumon a peuplé les rivières, ils sont arrivés avec leurs pathogènes. Ce n'est pas comme si les aquaculteurs avaient inventé les pathogènes.
Le président: Monsieur Hicks, la situation est tout à fait comparable en ce qui concerne la maladie des porcs. À l'heure actuelle, il y a des stocks de reproduction qui sont produits dans les porcheries où il n'y a aucune maladie. Si vous les introduisez dans une porcherie qui n'est pas protégée de la maladie de la même façon, vous vous exposez à de gros problèmes. Dans mon expérience de l'agriculture, c'est comparable.
Dr Brad Hicks: Oui, quand vous parlez d'un système d'élevage des porcs dans un environnement libre de pathogènes, vous avez parfaitement raison: si on ne réussit pas à maintenir cet environnement, cela pose de gros problèmes. Toutefois, si vous vacciniez ces porcelets contre les maladies les plus communes, vous pourriez alors les élever dans un système ouvert. Essentiellement, c'est ce que nous faisons dans le secteur de l'aquaculture.
Le président: En fait, c'est exactement ce qui se fait.
Monsieur Stoffer puis monsieur Sekora.
M. Peter Stoffer: Merci beaucoup pour votre exposé. Il est bon d'entendre les deux sons de cloche.
Dans votre document, vous nous dites que près de 70p. 100 ou de 80 p. 100 des habitants de la Colombie-Britannique sont pour.
Mme Anne McMullin: C'est exact.
M. Peter Stoffer: Quelle serait la proportion dans les collectivités autochtones?
Mme Anne McMullin: Lorsqu'un organisme comme Market Trend fait un sondage, on peut être certain que c'est un échantillonnage représentatif. Ils n'ont pas visé spécifiquement les Premières nations, mais je peux vous assurer que beaucoup de Premières nations sont en faveur de l'aquaculture, et en fait, il y en a même qui sont actives dans ce domaine. Une bande des Premières nations de Klemtu, les Kitasoo, exploite un compagnie d'aquaculture sous le nom de Nutreco. Il y a également une Première nation sur la côte ouest de l'île de Vancouver, les Kyuquot, qui élève du saumon. Évidemment, il y a aussi ceux de la région de Campbell River qui remontent du poisson vivant et qui font de la transformation. Plusieurs Premières nations commencent à s'intéresser très activement au processus consultatif qui a lieu actuellement en Colombie-Britannique au sujet de l'aquaculture.
Les Premières nations que cela intéresse ont constitué un groupe, le Comité des communications des Premières nations, avec lequel nous...
M. Peter Stoffer: Excusez-moi, mais je voulais savoir pourquoi tellement de Premières nations souhaitent comparaître devant notre comité, pourquoi nous avons reçu tellement de mémoires pour demander que ces entreprises d'aquaculture quittent leur territoire traditionnel.
Et cela m'amène à ma deuxième question; en Nouvelle-Écosse, nous avons un processus consultatif: lorsqu'une communauté ne veut pas d'exploitation dans sa région, bien que le ministre de la province puisse décréter que l'exploitation restera là, grâce à ce processus consultatif, l'entreprise va s'installer ailleurs. Ainsi, supposons qu'une collectivité ici, en Colombie-Britannique, décide pour une raison ou pour une autre qu'elle ne veut pas d'entreprise d'aquaculture sur son territoire, est-ce que votre organisme accéderait à cette requête, ou bien utiliseriez-vous toute votre influence pour obtenir que le gouvernement vous laisse vous y installer?
Mme Anne McMullin: J'imagine qu'il s'agit de savoir qui est légalement propriétaire du territoire. En collaboration avec le gouvernement provincial, nous avons commencé à créer un comité consultatif d'établissement de l'élevage du saumon, un groupe composé de multiples intéressés, des groupes environnementaux, des Premières nations, les collectivités et l'industrie, et ce groupe va justement examiner ces questions-là et formuler des recommandations.
Je sais que lorsque les Premières nations sont concernées, s'il existe un titre de propriété autochtone, les salmoniculteurs sont impuissants. La décision appartient au gouvernement. Je ne pense pas que nous acceptions jamais de nous lancer dans une controverse juridique de ce genre.
M. Peter Stoffer: Prenez le cas de la ville de Port Hardy. Si cette collectivité décidait d'éliminer l'aquaculture sur son territoire, est-ce que vous vous inclineriez?
Mme Anne McMullin: Eh bien je pense... Je ne comprends pas très bien...
M. Peter Stoffer: Si je pose la question, c'est qu'il y a certaines compagnies, par exemple la Scotia Rainbow à Arichat, qui reçoivent énormément de fonds publics. Cette compagnie a reçu plus de 20 millions de dollars, et en dépit des protestations véhémentes de la communauté, elle continue à essayer de s'imposer et d'établir une entreprise d'aquaculture dans le secteur qui comprend Whitehead, Tor Bay et Larry's River. Apparemment, il est toujours possible que le gouvernement l'y autorise.
Il y en a une autre à St. Margaret Bay. La majorité des gens de là-bas n'en veulent pas. Peu importe les emplois, peu importe que ces élevages soient bons ou pas, ils n'en veulent tout simplement pas. Cette compagnie refuse d'accéder aux demandes de la collectivité.
Votre organisation accéderait-elle aux demandes d'une collectivité si les gens disaient qu'ils ne veulent pas d'élevages de poisson dans leur secteur?
Mme Anne McMullin: Oui, je pense qu'une industrie doit être acceptée par la collectivité dans laquelle elle a des activités.
M. Peter Stoffer: Exactement.
Mme Anne McMullin: Dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique de la Colombie-Britannique sur l'aquaculture, certains élevages déménagent en raison de conflits avec les usagers. Je pense que notre industrie respecte cela, oui, mais la décision ultime incombe au gouvernement.
M. Peter Stoffer: D'accord, parce qu'il y a des collectivités qui souhaitent que des fermes viennent s'installer dans leur région pour avoir des emplois.
Mme Anne McMullin: En effet.
M. Peter Stoffer: Diriez-vous que le commissaire à l'aquaculture du Canada, Yves Bastien, devrait être le plus objectif possible quand cette question se pose, quand il travaille pour le MPO?
Mme Anne McMullin: Oui. Je pense que son titre est commissaire au développement de l'aquaculture et son bureau s'efforce donc de favoriser l'aquaculture. Je pense qu'il doit être aussi objectif que possible pour tout ce qui concerne le développement de l'aquaculture, oui.
M. Peter Stoffer: Bien. Je pose la question parce qu'au bas de la page Web, on dit que les renseignements ont été fournis par l'industrie canadienne de l'aquaculture. Je me demande dans quelles mesures le commissaire à l'aquaculture peut être objectif si c'est l'industrie qui lui fournit ces renseignements, alors même qu'il y a des gens qui s'opposent à l'élevage du poisson ou qui s'opposent à certaines pratiques.
Mme Anne McMullin: Je pense que bien des gens fournissent des renseignements au commissaire au développement de l'aquaculture, y compris l'industrie.
M. Peter Stoffer: D'accord.
Le président: Merci.
Yves Bastien a le rang de sous-ministre et il est chargé du développement de l'aquaculture. Le MPO, d'autre part, a également ses propres responsabilités et le sous-ministre est Wayne Wouters. Nul doute qu'il y a un débat de temps à autre, mais en fin de compte, c'est le ministre qui doit avoir le dernier mot.
M. Peter Stoffer: Très bien, mais on ne voit pas sur les sites Web du MPO, par exemple, la mention «les renseignements ont été fournis par la Fondation David Suzuki».
Voici où je veux en venir. On nous a dit qu'il y a conflit au sein du MPO entre l'aquaculture et son mandat premier, qui est de protéger le poisson et son habitat, ou les poissons sauvages. Bien des gens sont d'avis que le MPO n'assume pas son mandat, son mandat constitutionnel. C'est pourquoi j'ai soulevé la question.
S'il y a des conflits internes dans ce ministère, on suppose que l'on travaille de près avec tous les intervenants, et non pas seulement certains d'entre eux, pour mettre au point un plan global pour l'avenir de l'aquaculture.
Mme Anne McMullin: En effet, et c'est bien ce que j'ose croire. Pour reprendre vos propres paroles, s'il y a conflit, je suppose que ce que je souhaite, c'est que l'on résolve le conflit. On peut mener de front le mandat de la conservation et le développement de l'aquaculture.
Franchement, beaucoup de Canadiens sont écoeurés des conflits de ce genre et voudraient voir les ministères travailler ensemble de manière équilibrée pour que l'on s'occupe de façon satisfaisante des deux questions.
M. Peter Stoffer: Vous avez dit par ailleurs ce que le MPO ne cesse de nous dire, à savoir que le déclin des stocks est principalement attribuable aux conditions océaniques et au changement climatique. Pourtant, l'Alaska a eu six des plus importantes montaisons de la décennie et ses poissons nagent dans les mêmes eaux que ceux de Colombie-Britannique, ou à peu près. Je me demande pourquoi ça va si bien en Alaska tandis que ça va mal en Colombie-Britannique et dans l'État de Washington.
• 1435
En plus, pourquoi l'Alaska s'oppose-t-elle si catégoriquement à
l'élevage du poisson et à la levée du moratoire en
Colombie-Britannique? En avez-vous une idée?
Mme Anne McMullin: Je pense que ce sont deux questions très distinctes. Au sujet du réchauffement planétaire, franchement, je ne suis pas une experte en la matière. Peut-être que David Groves, Brad ou Ward voudront répondre à cette question. Je crois toutefois comprendre que c'est justement le réchauffement planétaire qui avantage l'Alaska, parce qu'ils sont tellement au Nord. En tout cas, ils ne sont pas tellement proches de Vancouver ni de Campbell River. C'est simple: le poisson s'en va vers le nord et l'Alaska profite du réchauffement planétaire. Mais je répète que je ne suis pas spécialiste.
Quant à savoir pourquoi les pêcheurs de l'Alaska sont contre, il est certain que les conséquences réelles ou appréhendées de l'élevage du saumon sur la côte de Colombie-Britannique ne nuisent pas à la pêche en Alaska, mais je pense que les pêcheurs de l'Alaska s'opposent à bien des choses.
Franchement, je pense que c'est en fin de compte une question de marché. Tous rivalisent pour le même marché. Ils s'efforcent de vendre au même détaillant.
M. Peter Stoffer: Enfin, nous avons eu un exposé de M. E.B. Taylor, qui a dit qu'il n'était vraiment pas avisé de s'aventurer dans l'aquaculture d'une manière ou d'une autre, parce que l'on n'a tout simplement les travaux de recherche et scientifiques nécessaires.
En fait, il le dit très clairement. Il dit que ce qu'il faut faire, c'est se lancer activement dans la recherche sur la biologie de l'envahissement et sur l'impact potentiel sur le poisson indigène, car il dit que ces travaux n'ont pas encore été faits. Il affirme qu'il faut presser le MPO, dont le mandat porte notamment sur la conservation des ressources aquatiques, de s'engager justement dans cette voie, et presser l'industrie de l'aquaculture de s'engager à financer ces travaux de recherche.
Mme Anne McMullin: C'est exact. Je pense que Brad, David et d'autres l'ont dit, il s'est fait énormément de recherches. David Groves travaille sur l'aquaculture en Colombie-Britannique depuis 1972. On a accumulé beaucoup de connaissances en la matière.
Comme pour n'importe quelle industrie, je pense que l'on continuera à en apprendre toujours plus et nous serions tous preuve obtus si nous disions que la recherche a été faite et que nous n'avons plus rien à apprendre. Dans n'importe quel secteur, on continue toujours de faire de la recherche.
De plus, notre industrie s'est engagée à faire de la recherche. David Groves en fait. Les compagnies qui fabriquent la nourriture en font. On fait de la recherche à Nanaimo. On fait de la recherche dans le monde entier sur cette question. Il est dans notre intérêt supérieur de faire constamment de la recherche.
De plus, dans le cadre de la mise en oeuvre de la politique de l'aquaculture que le gouvernement a annoncée, notre industrie s'est engagée à mener à bien des projets de recherche. Il y a des projets qui en sont actuellement à l'étape du développement et qui portent sur la gestion des déchets, les espèces de l'Atlantique, les aspects génétiques, et la lutte contre les maladies.
Compte tenu des nombreux travaux de recherche qui ont été menés dans cette industrie pour mettre au point un vaccin, il est tout simplement faux de dire que l'on n'a pas fait de recherche. Nous avons mis au point un certain nombre de vaccins au cours des 10 dernières années et cela exige énormément de recherche.
M. Peter Stoffer: Un dernier point...
Le président: Je vous demande d'être très bref, Peter, parce qu'on commence à manquer de temps.
M. Peter Stoffer: Vous avez dit que nous avions amplement de temps.
Le président: Eh bien, c'était vrai jusqu'à ce que vous preniez la parole.
M. Peter Stoffer: Nous avons entendu de nombreux groupes et j'en ai entendus beaucoup sur la côte Est, en Nouvelle-Écosse. Nous irons aussi sur la côte Est. Comme vous l'avez dit vous-même, beaucoup d'autres groupes auront une position différente de la vôtre.
Qu'avez-vous à dire à tous ces groupes qui sont venus nous faire part de leurs préoccupations et de leurs craintes au sujet de l'élevage du poisson? Que pouvez-vous leur dire pour apaiser leurs craintes et leurs inquiétudes face aux éléments de preuve qu'ils recueillent: le poisson malade qu'ils attrapent, la mort des rivières en Norvège, le sang que rejettent les bateaux qui remontent les ruisseaux; et toutes les autres inquiétudes? Que pouvez-vous leur dire pour apaiser ou du moins atténuer leurs craintes quant à l'avenir de l'élevage du poisson?
Mme Anne McMullin: L'essentiel dans tout cela, c'est que leurs préoccupations sont aussi les nôtres. Vous savez, lorsqu'il s'agit de gestion des déchets, cela nous concerne. S'il s'agit d'un problème d'échappée, ou de contrôle des maladies, cela nous concerne également. Il est dans notre intérêt d'améliorer continuellement notre performance environnementale, car ce qui est bon pour l'environnement l'est aussi pour le poisson.
Si l'on réduit les déchets ou les conséquences pour les fonds marins, on favorise les conditions d'élevage et on obtient un meilleur produit. Si l'on contrôle mieux les maladies, il est évident que l'on protège les stocks. Dans les bassins, le taux de survie de nos poissons est de 95 p. 100. Pour ce qui est des échappées, il est dans notre intérêt supérieur d'investir et de dépenser des millions de dollars dans la recherche, comme nous l'avons fait, afin d'en réduire le nombre.
L'annonce par le gouvernement provincial que des progrès sont en cours, que toutes les parties prenantes vont joindre leurs efforts pour s'attaquer à ces problèmes et participent à des études permanentes, représente l'objectif vers lequel nous devons tendre. Je le répète, leurs préoccupations sont aussi les nôtres.
M. Peter Stoffer: Merci.
Le président: Avant de donner la parole à M. Sekora, monsieur Griffioen, je sais que vous n'avez pas lu votre mémoire devant le comité. Je l'ai lu et j'aimerais qu'il soit consigné à notre compte rendu. Aviez-vous l'intention de le lire?
Mme Anne McMullin: C'est en effet ce que nous comptions faire. Au départ, on nous a dit que Ward allait prendre la parole.
Le président: Les remarques que vous faites au sujet de la mise en valeur du saumon sauvage et le rôle, ou l'absence de rôle du MPO à cet égard, sont très importantes. J'aimerais donner la parole à M. Sekora, suivi de M. Cummins, et je reviendrai ensuite à vous pour que vous nous en parliez pendant quelques instants, si possible.
Monsieur Sekora.
M. Lou Sekora: Dans votre allocution liminaire, vous avez dit que vous collaborez avec les Premières nations. Pourtant, nous avons rencontré certains de leurs représentants à Campbell River qui nous ont dit qu'on ne les consulte pas. Un autre groupe a déclaré qu'il avait été invité à participer à la réunion mais n'y était pas allé. D'où vient le problème?
Mme Anne McMullin: Je ne sais pas si c'est un problème en rapport avec l'élevage du saumon. À mon avis, le problème des Premières nations est complexe. Tout le dossier des Premières nations et des revendications territoriales est d'une bien plus grande importance que notre secteur d'activité. Pour ce qui est des consultations, de la décision Delgamuukw et autres choses du même genre, la question est complexe.
Je vous dirais que, au tout début de notre industrie, le gouvernement provincial nous a demandé de ne pas communiquer avec les Premières nations, ni avec les collectivités. Le gouvernement allait prendre la décision et on nous demandait de nous occuper de nos affaires. Il va sans dire que nous avons appris, en tout cas dans le contexte social et politique de la Colombie-Britannique, qu'on ne fait pas ce genre de choses.
Nous avons en tout cas fait de gros efforts ces deux dernières années pour faire participer les collectivités et les Premières nations. Nous avons constitué des comités et organisé des rencontres avec les Premières nations pour disposer d'une tribune où l'on pourrait discuter de tous les problèmes.
M. Lou Sekora: Je devrais peut-être vous poser la même question qu'au témoin précédent. Vous parlez de l'utilisation des filets. Tout le monde est contre cette pratique à cause des échappées. Qu'y aurait-il de mal à utiliser au fond ou en premier un filet dont les mailles seraient en acier inoxydable, pour éviter que les phoques et autres animaux ne s'y attaquent?
Mme Anne McMullin: Je ne suis pas experte en matière de filet en acier inoxydable, mais il est évident qu'on utilise des doubles filets. Brad ou quelqu'un d'autre qui a de l'expérience de l'élevage du saumon, ou qui a fait des recherches sur le genre de filet utilisé et expérimenté diverses méthodes, pourra peut-être vous répondre. De toute évidence, c'est une chose que font de nombreuses entreprises. Elles utilisent des doubles filets contre les prédateurs et envisagent des filets de solidité et durabilité diverses, etc., pour éviter les échappées.
Brad, je vais vous passer la parole si vous n'y voyez pas d'objection.
Dr Brad Hicks: Les bonnes clôtures font les bons voisins. Vous avez tout à fait raison.
Je vais vous raconter une anecdote. Une fin de semaine, nous avons perdu pour 50 000 $ de poisson aux phoques, et depuis lors, nous avons réussi à améliorer nos filets. Ça ne veut pas dire que les phoques ne mangent plus jamais de nos poissons ni ne réussissent à percer des trous dans notre maillage, mais c'est devenu assez rare.
En outre, il y a quelques années, puisqu'aucune recherche ne s'effectuait, en collaboration avec le Conseil national des recherches, nous avons nous-mêmes effectué une étude très poussée des courants et des autres forces qui s'exerçaient contre les établissements piscicoles afin de les protéger convenablement. Il y a donc eu de grands progrès en génie piscicole.
Par exemple, ces cinq ou six dernières années, les nappes de filet ont été sensiblement améliorées. Si vous vous reportez aux chiffres relatifs au nombre de saumons échappés, vous remarquerez une chute considérable. Je crois que nous avons atteint le sommet à cet égard en 1994 ou 1995, et depuis lors, les chiffres ont diminué. Cela tient simplement au fait que les éleveurs érigent maintenant de meilleurs systèmes de clôturage, mais ça ne se fait pas du jour au lendemain.
Pour ce qui est de l'acier inoxydable dont vous avez parlé, en 1978 ou 1979, quelqu'un au Nouveau-Brunswick a installé un maillage fait de ce matériau. Il était cependant rigide, et bien entendu, les marées dans la baie de Fundy ont emporté la pisciculture, et ça n'a donc pas marché. Il n'empêche que le maillage genre cotte de mailles fonctionnera. Seul le temps nous dira à quel point il est pratique.
M. Lou Sekora: J'en arrive à ma dernière question. Pourquoi est-ce que les gens sont tellement préoccupés par les poissons échappés?
Mme Anne McMullin: Nous devons tous être préoccupés par les poissons échappés et demeurer vigilants, tout au moins sous l'aspect commercial, car cela nuit à nos affaires. Je pense aussi qu'en général, les gens s'inquiètent de la possibilité que cela affecte les stocks sauvages du Pacifique, ce qui est une préoccupation tout à fait légitime.
• 1445
Ce qui me paraît le plus important à retenir est que nous devons
vraiment surveiller les répercussions que cela peut avoir sur le
saumon de l'Atlantique. David Groves va peut-être aborder le sujet
dans son exposé. Je sais que selon certains, aucune recherche n'a été
effectuée là-dessus, mais, au contraire, il y en a eu beaucoup et il
s'en fera encore davantage, mais pour certains, il semble s'agir d'une
espèce exotique qui menacera nos stocks de poisson sauvage.
Il faut aussi se souvenir que pendant les années 20, 30 et 40, le gouvernement de la Colombie-Britannique a essayé de peupler nos cours d'eau de saumon de l'Atlantique à des fins de pêche sportive. J'ai d'ailleurs parcouru un vieux journal de Chemainus, où on recommandait aux habitants du Royaume-Uni de venir en Colombie-Britannique pour pêcher du saumon de l'Atlantique. En même temps, le gouvernement s'est efforcé d'introduire quelques autres espèces, dont je ne me souviens pas, sauf pour la truite de mer.
La truite de mer et les autres espèces ont réussi à s'établir. Le ministre de l'Environnement de la Colombie-Britannique a d'ailleurs activement appuyé la mise en valeur des stocks de truite de mer, qui est une espèce exotique, et le fait encore, après des tentatives d'ensemencement grâce à huit millions de fretins, d'oeufs et d'alevins, effectuées dans 37 rivières de Colombie-Britannique, et aussi en dépit des échappées qu'on a observées au début de notre industrie. Les études ont révélé que tout cela n'a pas eu d'effet, mais si l'on introduit une espèce exotique en Colombie-Britannique, les gens doivent demeurer vigilants. C'est tout à fait naturel au sein de notre industrie et une de nos responsabilités normales.
M. Lou Sekora: Merci.
Le président: Monsieur Hicks.
Dr Brad Hicks: J'aimerais ajouter quelque chose. J'ai une publication du gouvernement de la Colombie-Britannique remontant à 1951 et portant sur les espèces de poisson présentes dans les eaux de cette province. À l'époque, 25 p. 100 des espèces d'eau douce observées en Colombie-Britannique étaient exotiques. Il y a donc de très nombreuses espèces exotiques ici; il n'y a pas que le saumon de l'Atlantique. À mon avis, on aime particulièrement s'en prendre à ce dernier.
Le président: Monsieur Cummins.
M. John Cummins: Il est facile d'affirmer qu'il existe déjà beaucoup d'espèces exotiques, mais ça ne justifie pas nécessairement l'introduction d'une autre. Vous admettrez sans doute que bon nombre d'entre elles ont entraîné des problèmes considérables. Ainsi, à l'heure actuelle, on est aux prises avec les difficultés causées par l'introduction de la crevette dans le lac Okanagan, qui devait être un aliment pour le saumon rouge. Votre observation est intéressante, mais ne constitue nullement une justification. Ça ne signifie pas que je porte un jugement sur l'élevage du saumon ou autre chose.
Merci beaucoup de votre exposé, Anne. Dans vos documents, il est question d'un article signé par trois éminents scientifiques canadiens spécialistes des pêches, et qui a paru dans la revue scientifique Aquaculture. Enfin, vous en mentionnez trois. Monsieur Noakes est le spécialiste de l'aquaculture du ministère des Pêches et des Océans.
Mme Anne McMullin: C'est exact.
M. John Cummins: Les noms des deux autres ne me sont pas familiers. Je pense qu'il s'agit aussi de fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans mais, à ma connaissance, il ne sont pas nécessairement des spécialistes des sciences halieutiques. Pouvez-vous m'en dire quelques mots.
Mme Anne McMullin: Oui. M. Richard Beamish a été décoré de l'Ordre du Canada pour son travail en sciences halieutiques, et M. Kent est le directeur des sciences halieutiques à l'Université de l'Oregon. David a travaillé avec eux ou les connaît, et il va vous donner de plus amples renseignements.
M. David Groves: Me permettez-vous de développer quelque peu? M. Beamish est un ex-directeur de la Station biologique du Pacifique, où il a longuement travaillé. Son domaine de spécialisation et la climatologie des sciences halieutiques. Quant à Michael Kent, c'est un des principaux chercheurs qui se consacre à la santé du poisson à la Station biologique du Pacifique. Ils n'ont pas nécessairement participé directement à l'étude de l'aquaculture, mais leur travail y est étroitement lié.
M. John Cummins: Oui, je croyais que le professeur Noakes y travaille comme spécialiste de l'aquaculture. Leurs conclusions sont intéressantes, particulièrement celles qui se rapportent à l'évolution du climat, prétexte souvent invoqué par le ministère des Pêches et des Océans pour justifier ses lacunes en matière de gestion. Il me semble cependant que ces trois chercheurs reprennent cette justification, et pour ma part, j'hésiterais donc à prêter totalement fois à cette étude sans l'avoir d'abord examinée.
Pour ce qui est des maladies, je ne nierai pas moi non plus que les maladies sont répandues dans toutes les espèces sauvages, et que s'il en existe une, elle s'observera probablement dans les espèces sauvages aussi bien qu'ailleurs.
• 1450
Je ne pense cependant pas qu'il s'agit de voir si la maladie est
répandue parmi les poissons sauvages ou les poissons d'élevage.
L'essentiel, c'est que lorsqu'il y a tassement des stocks, il y a
maladie. À titre d'exemple, je crois que c'est en 1995 que dans le lac
Babine, l'ichtyophtiriose était courante. Or l'eau y était chaude, et
il y avait un tassement considérable du saumon rouge sauvage dans les
goulots d'entrée du gravier de frai, les bancs artificiels à Pinkut
Creek et l'autre écloserie qui s'y trouve, et la maladie a donc fait
son apparition. Elle tenait cependant au tassement. N'est-ce pas
vraiment cela le noeud du problème? La question n'est pas qu'il s'agit
de poissons sauvages ou de poissons d'élevage, mais bien s'il y a
surabondance de poissons pour l'espace qu'ils occupent. N'est-ce
pas...
Mme Anne McMullin: Je vais laisser à David le soin de vous donner plus de détails là-dessus.
Ainsi que je le disais à M. Stoffer, nous partageons aussi ces préoccupations au sujet des maladies, car nous devons assurer la survie des espèces. Autrement, notre industrie disparaît.
M. John Cummins: Vous ne réalisez pas de bénéfices non plus, il est donc manifeste...
Mme Anne McMullin: Oui. La santé du poisson est donc un souci primordial. En élevage, on observe un taux de survie de 95 p. 100. Or à l'état sauvage, ce taux est de 1 p. 100 ou de 2 p. 100. C'est pour cela qu'on recourt à des vaccins et à d'autres améliorations en zootechnie. Les vétérinaires et les éleveurs recommandent certaines choses afin de protéger les poissons du stress pour qu'il n'y ait pas d'éruption de maladie, et c'est ainsi qu'on obtient ce taux de survie.
David, peut-être voudriez-vous nous donner davantage de détails?
M. David Groves: D'abord, nous pouvons contrôler le tassement dans une certaine mesure. Cela fait partie de la zootechnie. À l'intérieur d'une fourchette très étroite où se situe un niveau à 99 p. 100 sûr, et dans quelles circonstances nous poussons les choses.
C'est ici que l'efficacité des vaccins devient évidente, et c'est pourquoi on y recourt autant. Si une population donnée de poissons est un peu plus dense que la population sauvage, ça ne voudra pas nécessairement dire que les poissons courent davantage de risques d'être atteints de maladies, mais s'il y en a un de malade, alors il est beaucoup plus probable qu'il transmettra sa maladie. Toutefois, lorsqu'on vaccine ces mêmes poissons—et ici je pense que Brad m'appuiera—ils sont moins susceptibles de devenir malades, et demeurent donc en santé.
Les poissons sauvages qui sont porteurs des mêmes maladies semblent très rarement en être atteints, bien que lorsque nous prenons des échantillons, nous pouvons observer des niveaux infracliniques du problème. Cependant, ils vivent dans des aires de faible densité. Ils ne sont pas près les uns des autres, ni des saumons d'élevage. Même dans les cas où l'un d'entre eux nagerait près du périmètre extérieur d'un bassin piscicole, il reste une différence considérable du fait que le facteur de dilution est très élevé.
Cela dit, vous avez raison, on se préoccupe toujours plus de l'éruption de maladies dans un système de culture intensive. Si l'on veut cependant offrir un produit et obtenir des taux de survie de 90 p. 100 ou même 95 p. 100, il faut réussir à contenir la maladie et en éliminer la probabilité. L'animal d'élevage doit être en excellente condition physiologique. Autrement, il ne grandira pas ni ne se reproduira. C'est aussi simple que cela.
M. John Cummins: Je vois.
Ainsi que le disait un témoin hier, j'ai perdu le fil de ma pensée. J'allais quelque part, je vais essayer de me rappeler où j'en étais.
Oh! je me souviens de ce que je voulais demander. Lorsque vous avez discuté des maladies et de questions connexes, vous avez mentionné les recherches effectuées par l'industrie de l'élevage du saumon, et j'en reconnais volontiers l'importance.
Cela dit, ce matin il me semble qu'un scientifique a dit quelque chose de très juste. Permettez-moi de vous demander ce que vous en pensez. Il a affirmé que les recherches effectuées visent surtout à mettre en valeur l'industrie de l'aquaculture et à la rendre plus rentable, ce qui est excellent à mon avis, mais ces travaux ne cherchent pas à connaître les effets que l'élevage du saumon peut entraîner sur les stocks de poissons sauvages ainsi que sur l'habitat. C'est cela qui nous préoccupe. On se demande quelles seront les conséquences de cela.
• 1455
L'élevage va-t-il bouleverser les gènes des poissons sauvages et le
reste? Dans leurs témoignages devant le comité, Peter et d'autres ont
dit s'inquiéter de ce que le général actuel de l'aquaculture, ou quel
que soit son titre officiel à Ottawa, M. Bastien, soit davantage un
défenseur de l'industrie qu'un observateur impartial.
Le président: Il s'agit du Commissaire au développement de l'aquaculture.
M. John Cummins: Au fond, on s'inquiète de la possibilité que cette science ne réponde pas à certaines des préoccupations exprimées par les citoyens dans leurs témoignages devant nous et le reste. Estimez-vous vous aussi qu'il faut répondre à de telles préoccupations, et que les activités scientifiques ont peut-être d'autres buts?
Mme Anne McMullin: Je vais céder la parole à David à ce sujet dans quelques instants. Il a certainement fait beaucoup de travail là-dessus.
Je réitère encore une fois que les préoccupations exprimées sont aussi les nôtres, et que nous en tenons compte. En conséquence, non, je ne suis pas d'accord. Ainsi que je l'ai déjà dit, il y a toujours du travail en cours là-dessus.
M. David Groves: J'aimerais peut-être parler de cela brièvement. Il y a deux sortes de recherche. Il y a la recherche appliquée, qui est orientée de sorte à favoriser des avantages pour l'industrie. On pense par exemple aux entreprises de provende qui font leur propre recherche interne, laquelle a pour but de produire de meilleurs aliments pour animaux, ce qui rapporte davantage d'argent et davantage de ventes.
Toutefois, il est tout à fait ridicule d'affirmer qu'aucune recherche n'a été effectuée. L'un des plus grands avantages que la Colombie-Britannique et l'industrie canadienne de l'élevage du saumon ont tiré de leur expérience de 30 ans est que malgré les variations dans les politiques adoptées par le ministère des Pêches et des Océans, il a toujours effectué des études halieutiques de calibre mondial. Lorsque nous nous sommes lancés dans l'élevage des saumons, les gens avec lesquels j'ai eu le bonheur d'être en contact, dont bon nombre se trouvaient à la Station biologique du Pacifique, ne travaillaient pas en aquaculture. Ils avaient pour mandat d'étudier la remontée des saumons rouges dans la rivière Babine. Cela dit, leur recherche fondamentale était excellente. Il y a d'autres institutions comme le National Marine Fisheries Service à Manchester, dans l'État de Washington, et l'Université de Washington, et divers autres organismes au Royaume-Uni et en Norvège.
Le travail effectué ne portait pas nécessairement sur l'aquaculture, mais les études destinées à mieux comprendre les poissons et leur insertion dans leur environnement remontent à il y a déjà un bon nombre d'années et sont d'excellente qualité. Il reste encore de l'étalonnage à faire dans certains cas précis. Nous ne manquerons jamais de sujets de recherche. Cependant, les renseignements déjà recueillis ont toujours été disponibles pour les membres de l'association des éleveurs de saumon...
Nous n'avons jamais eu de difficultés dans nos rapports avec le ministre des Pêches et des Océans. Quand nous avions un problème, nous pouvions toujours frapper à la porte d'un laboratoire et demander ce qu'on pouvait faire pour nous. Nous demandions aussi s'il y avait certaines choses que nous devions apprendre. Dans les cas où nos vis-à-vis ignoraient la réponse, ils pouvaient nous aiguiller vers les lieux où nous obtiendrions ce que nous cherchions. Par exemple, à l'heure actuelle, l'une des meilleures sources de renseignement est la bibliothèque de la Station biologique du Pacifique située à Nanaimo. Elle comprend tous les documents à consulter au sujet de l'industrie norvégienne, par exemple.
À mon avis, ça n'est pas de recherches que nous avons manqué, mais de personnes qui avaient des connaissances assez vastes et une formation scientifique assez solide pour tirer parti de documents qui ne portaient pas nécessairement sur leur domaine étiologique de façon directe, et qui seraient donc en mesure d'utiliser ces renseignements pour résoudre un de nos problèmes. C'est d'ailleurs ce que nous avons fait année après année, et nous continuerons de cette manière.
Le président: Ce sera votre dernière question.
M. John Cummins: Je conviens avec vous que le ministère des Pêches et des Océans compte certains scientifiques de calibre international en sciences halieutiques, mais les données qu'ils semblent tirer de leurs études ne semblent pas circuler. On n'a qu'à regarder ce qui se passe avec la morue de l'Atlantique Nord pour le deviner. Quelqu'un a fait une grossière erreur à cet égard; je soupçonne que ce n'était pas les scientifiques mais bien plutôt les gestionnaires. À l'heure actuelle, on a la même impression face à la situation du saumon du Pacifique. Bon nombre d'entre nous ne se fient pas vraiment à ce que nous dit le gouvernement. Peut-être qu'un des problèmes que vous avez vous aussi est que les gens ne font pas nécessairement confiance à l'interprétation que donne le ministre des Pêches et des Océans de certaines de ces réalités. Il faut vraiment que nous nous penchions sur cette question si nous voulons résoudre le différend qui...
M. David Groves: Vous avez tout à fait raison. Les scientifiques n'ont pas toujours eu raison dans le choix de leur domaine de recherche. Cependant, si on se penche sur ce qu'ils ont fait, très souvent ils ont répondu à nos besoins.
Le président: Sur ce point, monsieur Groves, l'un des problèmes dont parlait M. Taylor ce matin était l'absence d'un programme de recherche global au sein du ministère des Pêches et des Océans. Un tel programme permettrait d'évaluer de façon objective les effets écologiques et génétiques éventuels de l'échappée de saumon de l'Atlantique et de poisson indigène.
J'ai eu l'occasion de travailler sur le dossier de la somatotropine bovine recombinante où on s'opposait à la compagnie Monsanto et à un certain nombre d'autres entreprises pharmaceutiques. Je sais d'expérience que l'une des choses dont il faut tenir compte est la perception.
Lors des audiences que nous avons tenues, j'ai observé qu'on a la perception voulant qu'aucune recherche n'ait été effectuée, ou s'il y en a eue, elle a été effectuée par l'industrie, qui elle est nécessairement intéressée étant donné sa recherche de bénéfices et d'autres avantages.
Il est certain qu'ils veulent protéger leurs stocks de poisson, je le comprends, mais on ne pense pas que la recherche a été faite pour protéger l'hygiène publique ou l'environnement. C'est tout au moins cela qu'on pense et cette perception c'est parfois à la réalité. Nous estimons quant à nous que s'il y avait davantage d'argent, un organisme indépendant ou le ministère des Pêches et des Océans effectuerait ce genre travail, mais les capitaux se font rares. En ce cas, comment régler ce problème?
M. David Groves: Vous avez tout à fait raison d'affirmer que la perception constitue très souvent 90 p. 100 de ce que les gens croient. Le seul moyen de fonctionnement pour un organisme comme la B.C. Salmon Farmers Association, qui un regroupement de producteurs, est de faire comme nous. Nous ne pouvons tout simplement pas progresser si les conditions ne sont pas parfaitement propices à l'élevage du saumon.
Nous ne pouvons pas nous contenter de parler d'un environnement durable; nous devons savoir que nos pratiques environnementales sont soutenables, sinon nous n'avons pas vraiment d'avenir. Vos remarques au sujet de la perception sont absolument justes. Il faut que nous nous conformions aux exigences de l'environnement et cela se voit, mais il faut d'abord que nous soyons conformes. Si à la longue nous réalisons cela, je pense que la perception elle aussi évoluera.
Le président: Peter, je n'ignore pas que vous voulez parler, mais je vous permettrai d'intervenir au second tour lorsque nous parlerons avec M. Ward au sujet de cette lettre. Cela vous va?
Certains témoins ont parlé de leurs préoccupations au sujet de l'utilisation de l'éclairage nocturne dans les bassins d'élevage ainsi que de systèmes d'alarme acoustiques. Je pourrais même dire que bon nombre des témoins en ont parlé. Quelle est la position de l'industrie à cet égard? Les préoccupations vous paraissent-elles valides? Grâce à l'éclairage, il semble que l'indice de consommation des aliments soit plus élevé, mais cela tient au fait que les lumières attirent d'autres animaux marins dans les bassins, et le reste. Quand au dispositif acoustique, il cause des problèmes pour tout, qu'il s'agisse de baleine ou d'autres choses.
M. David Groves: Je peux intervenir au sujet de l'éclairage. Pour ce qui est des dispositifs acoustiques censés effrayer les phoques, je vais m'en remettre à Brad, car je ne m'en suis jamais servi. Nous exploitons surtout une écloserie. Il n'y a pas de phoques en eau douce.
Pour ce qui est des lumières, elles permettent au poisson de se nourrir 24 heures par jour. Le taux de métabolisme du saumon, sa croissance et sa maturation sexuelle sont fonction de la manipulation photopériode, de telle sorte que les lumières servent de catalyseur de ses fonctions physiologiques.
Les gens qui voient l'éclairage s'inquiètent et pensent que c'est terrible, mais le recours à des lumières pour attirer des animaux assez proches afin de pouvoir les tuer en les éclairant de très près remonte à la nuit des temps. Les lumières qui éclairent les bassins d'élevage de saumon attirent peut-être d'autres formes de vie animale, mais il est très facile de vérifier si cela a des conséquences quelconques sur l'indice de consommation des aliments en pisciculture.
Une exploitation piscicole tient des registres très détaillés et très précis des aliments utilisés, par rapport au nombre de poissons produits. Si l'éclairage avait des effets marqués, nous observerions des indices de consommation très élevés; or, ce n'est pas ce qui se passe. On peut vérifier cela en examinant les livres de n'importe quel élevage de saumon.
Dans d'autres situations, on observe couramment des harengs adultes d'un pied de long en train de nager avec les saumons parce qu'ils n'ont pas été mangés lorsqu'ils se sont introduits dans le bassin lorsqu'ils étaient très petits. Il est très facile de vérifier cela en examinant les livres.
Le président: Je ne veux pas me lancer dans une discussion là-dessus, car je viens moi-même du secteur agricole, mais à mon avis, il n'y a qu'une manière d'affirmer sans l'ombre d'un doute que les saumons d'élevage ne mangent pas les autres formes de vie marine qui peuvent entrer dans le bassin, c'est de comparer les indices de consommation d'un milieu fermé et ceux d'un bassin ouvert.
Monsieur Hicks.
Dr Brad Hicks: Il y a un moyen plus simple de faire cela—c'est de les ouvrir et de vérifier le contenu de leur estomac.
Mme Anne McMullin: Des études ont déjà été effectuées sur le contenu des estomacs, et elles sont disponibles.
Dr Brad Hicks: Cela a été fait. L'une d'entre elles s'est même penchée précisément sur le contenu des estomacs d'élevage. Il est vrai qu'elles s'habituent aux granulés, aux aliments pour poisson, et que les harengs vont grandir dans des bassins d'élevage. Sur la côte Est, on observe des aiglefins et des goberges dans des bassins d'élevage. Sur la côte Ouest, de temps à autre, on observe de la morue noire évoluant avec les saumons. Elles réussissent à entrer dans le bassin lorsqu'elles sont petites, en nageant à travers les mailles du filet, elles grandissent puis sont incapables de grandir. Il existe même parfois des bancs entiers de petits harengs qui nagent avec le saumon.
M. Peter Stoffer: Êtes-vous en train de dire que les poissons ne mangent rien d'autre que les aliments que vous leur donnez?
Dr Brad Hicks: Ils mangent ce qu'ils trouvent. J'ai vu un cas où le saumon d'élevage attrapait des vers. Je n'arrivais pas à savoir comment ils avaient fait, mais, ils avaient mangé des crevettes. Ils vont donc manger ce qui entre dans leurs enclos, mais cette nourriture ne constitue certainement pas une part importante de leur alimentation.
Je vais lire l'étude. Il y a à peu près huit ou neuf ans que j'ai lu l'étude qui a été faite là-dessus, mais les chiffres à cette époque étaient très bas. La quantité d'aliments sauvages que l'on retrouvait dans les estomacs des poissons d'élevage était minime.
Le président: Au sujet des dispositifs acoustiques...
Dr Brad Hicks: Je ne suis pas un expert en acoustique. J'ai lu la documentation à ce sujet et j'étais présent aux audiences environnementales sur les dispositifs acoustiques. Je ne peux que répéter ce que d'autres experts ont dit, à savoir, qu'essentiellement, les études qui ont été présentées n'étaient ni exactes ni concluantes. Franchement, je ne crois pas qu'on utilise beaucoup de dispositifs d'éloignement acoustiques en ce moment.
Le président: On les utilise ailleurs.
Dr Brad Hicks: On les utilise, mais je crois que leur usage a diminué parce qu'on a bâti de meilleures clôtures. Comme je l'ai dit, mon seul souvenir des évaluations qu'on avait présentées aux audiences environnementales est que Mme Morton était parvenue à une conclusion et que les scientifiques qui avaient lu son texte étaient parvenus à une conclusion différente. C'est tout ce que je peux vous dire. Les textes ont été présentés en détail lors de l'étude sur la salmoniculture, et les détails figuraient dans ce document.
Le président: Merci, monsieur Hicks.
Nous allons maintenant passer à l'exposé de M. Griffioen et discuter de cela un peu. Il se peut que nous ayons à voler un peu du temps de M. Cross, de M. Groves et de M. Hicks pour rattraper le temps perdu.
Bienvenue, monsieur Cross. Nous savions que vous veniez. Vous n'aviez pas de pont à traverser.
Monsieur Griffioen, voulez-vous lire votre texte? Il contient beaucoup de bonnes informations. Je sais que nous avons des questions là-dessus aussi.
M. Ward Griffioen: D'accord. Je peux l'abréger un peu.
Je suis salmoniculteur à Powell River. Nous exploitons une entreprise familiale indépendante et nous adorons ce que nous faisons. Nous n'aimons pas nous voir de l'autre côté de la clôture. Nous adorons le poisson, et il nous importe peu qu'il s'agisse de poissons sauvages ou d'élevage.
Le déclin des stocks naturels nous préoccupe beaucoup. Les salmoniculteurs que nous sommes savons comment y remédier, et je crois fermement que l'on peut renverser le déclin du saumon sauvage en mettant sur pied un rigoureux programme d'amélioration du saumon.
Examinez l'industrie salmonicole, vous allez voir très vite que nous avons l'expertise et la technologie voulues. Nous ne manquons pas de réserves d'oeufs et nous avons l'équipement qu'il faut. Notre ministère des Pêches ne veut rien savoir de tout cela étant donné qu'il se sent menacé par l'industrie salmonicole privée et se croit choisi par Dieu pour sauver les stocks de saumon.
• 1510
Partout dans le monde, les stocks de saumon sauvages sont en déclin,
sauf au Japon et en Alaska où, grâce aux pêcheurs privés et aux
coopératives, un rigoureux effort d'amélioration montre que l'on peut
alimenter la flotte de pêche.
Je crois qu'au Canada, le ministère des Pêches nous a passé un sapin. On nous avait promis qu'on doublerait la prise de saumon grâce à un incroyable programme d'amélioration du saumon. Cela ne s'est jamais matérialisé, et aujourd'hui, comme ils se voient incapables d'ensemencer énergiquement l'océan de saumons pour la pêche future, les ministres responsables des écloseries nous ont maintenant convaincus que si on laisse faire la nature en pratiquant la conservation, tout ira bien. C'est comme dire à un fermier: «Laissez faire les semailles, restez chez vous, laissez faire la récolte, et tout ira bien».
Cependant, nos pêcheurs et le grand public semblent avaler cette histoire, et ils sont maintenant convaincus qu'un effort intense d'amélioration ou les grands programmes d'écloserie constituent une mauvaise chose.
Depuis le début des années 70, à la baie Clayoquot et ailleurs, j'essaie de promouvoir ces efforts intenses d'amélioration. J'ai été invité en Alaska, où j'ai travaillé, et mes idées ont été acceptées par la flotte commerciale qui est propriétaire du poisson. Et il faut comprendre que les pêcheurs là-bas ont cotisé à ces programmes afin de maîtriser leur avenir, ce qui est le cas d'une certaine manière.
Je participe en ce moment à un programme pilote d'amélioration intense du saumon à l'échelle locale, à Powell River et à Theodosia Inlet, et nous venons d'apprendre que, grâce à notre ministre des Pêches, Herb Dhaliwal, ce programme pilote est encore meilleur qu'il était.
Je crois que nos programmes d'amélioration du saumon ont échoué lamentablement à cause des erreurs qu'a commises le ministère des Pêches et des Océans, des objectifs compliqués en matière de pêche et de l'absence d'une participation privée. La participation privée favorise la flexibilité biologique, et je pense qu'on a beaucoup besoin de cela. Et alors qu'à l'origine, tous les règlements des comités de pêche semblaient fondés sur des considérations biologiques, nous sommes maintenant en présence d'une situation différente. Nos stocks de poisson sont en déclin, ils disparaissent, et nous devons trouver autre chose. Je crois que, grâce à nos efforts à Powell River, grâce au partenariat des localités côtières où interviennent des salmoniculteurs qui ont le savoir voulu, comme moi-même, des pêcheurs commerciaux, les Premières nations et le public, nous allons nous engager dans un projet fascinant.
Le président: Merci beaucoup, Ward.
Monsieur Cummins.
M. John Cummins: Merci beaucoup.
J'ai trouvé votre lettre intéressante. Permettez-moi de citer le document que Mme McMullin nous a remis aujourd'hui, dont les signataires sont MM. Noakes, Beamish et Kent. Je cite:
-
Il y a une autre pratique courante qui consiste à libérer des
alevins de saumon coho des écloseries dans les rivières et les
ruisseaux ensemencés au sein d'un certain bassin hydrographique. On
a constaté que les alevins des écloseries plus gros se
substituaient aux alevins sauvages plus petits, et un certain
nombre d'études (Nickelson et al., 1986; Solazzi et al., 1990;
Reisenbichler, 1996) ont démontré que cette pratique peut réduire
la productivité de ces populations. Dans certains cas, on a libéré
plus de 10 000 poissons/kilomètre de ruisseau ensemencé dans les
années où les ruisseaux étaient susceptibles d'être déjà pleinement
peuplés par la progéniture des saumons sauvages (Pitre et Cross,
1992).
Et voici maintenant le passage le plus important:
-
Il est probable que ces activités ont eu des conséquences
écologiques et génétiques à court et à long terme, même si l'on n'a
mené aucune étude quantitative.
Vous suggérez d'utiliser les écloseries pour améliorer le saumon. Vous dites que cela a été fait en Alaska, mais il y a des études assez fiables qui disent que ces gros alevins des écloseries vont remplacer les stocks naturels, et il pourrait fort bien y avoir des changements écologiques et génétiques à court et à long terme. Est-ce une bonne chose?
M. Ward Griffioen: Ce que vous dites est intéressant, parce que c'est justement là que le ministère des Pêches et des Océans a commis une grande erreur, à savoir, en plaçant ces grandes écloseries sur les rapides viables de la Colombie-Britannique. Je n'ai jamais compris pourquoi ils avaient fait ça. En Alaska, nous avons installé ces écloseries dans des baies isolées et dans des régions où il n'y avait pas de rapides, ou alors on a sacrifié les quelques poissons qui restaient afin d'améliorer ces régions, à l'écart des principaux rapides.
Encore là, si vous voulez alimenter une flotte commerciale et si vous voulez pêcher, il faut ensemencer. Si vous ne faites pas ça... Ce que vous voulez, c'est éloigner la flotte des stocks naturels afin qu'elle commence à pêcher des poissons d'élevage à 100 p. 100; ainsi, les stocks naturels auront une meilleure chance de se rétablir. Il faut réfléchir à cela.
M. John Cummins: Une partie du problème que posent ces programmes d'écloserie... En Oregon, il y en avait, et ils se sont effondrés il y a quelques années à cause des maladies. Dans le témoignage de Mme McMullin aujourd'hui, elle fait état de certains échecs des programmes d'écloserie où les stocks naturels ont été décimés à cause des problèmes qu'ils posaient. Vous ne craignez pas que la même chose se produise de nouveau?
M. Ward Griffioen: Je n'essaie pas de prédire ce que nous pouvons faire sur le Fraser, le Columbia ou ailleurs. Mais il y a des baies isolées, par exemple à Theodosia ou à Sechelt, où il faudrait voir dans quelle mesure ce système est applicable. Je suis très heureux de voir que nous avons enfin reçu le feu vert pour lancer un projet pilote dans une région particulière. Je ne dis pas qu'il faut faire ça tout le long de la côte, mais tout ce qu'on fera de ce côté va attirer...
Les stocks naturels sont en déclin. Ils disparaissent. Cependant, en Alaska, dans les régions où ces programmes d'écloserie existent, le rendement est suffisamment grand pour alimenter la flotte commerciale, et des tas de poissons reviennent à ces écloseries pour les rendre autosuffisantes et fournir les oeufs pour la prochaine génération.
M. John Cummins: Je sais que ça marche. D'ailleurs, les poissons de certaines écloseries sont en fait traités à Prince Rupert. Ça a donc très bien marché.
Le danger serait—et j'imagine que c'est la raison pour laquelle vous parlez de baies isolées—que vous ne voulez pas produire ces poissons de telle sorte qu'ils vont se mélanger au stock naturel et nous donner une pêche mixte en quelque sorte. Cela serait improductif. Vous voulez donc vous assurer que les deux soient bien séparés.
M. Ward Griffioen: Oui, et je crois que c'est la raison pour laquelle l'on s'oppose tant à nos pêches. Ces poissons vont revenir, et il faut des plans de gestion particuliers de la pêche pour y voir, et je pense que le ministère préfère ne pas s'en occuper.
M. John Cummins: Merci.
Le président: Monsieur Stoffer.
M. Peter Stoffer: Merci.
[Le député parle en hollandais]
Le président: Nous avons le bilinguisme, et nous avons maintenant une troisième langue entre Peter et Ward.
M. Peter Stoffer: Il est bon de parler à un compatriote hollandais.
En fait, ma question s'adresse à vous deux. Je n'ai pas eu l'occasion de la poser au dernier tour. Ma question porte sur le saumon d'élevage. Bien sûr, nous savons qu'en Europe, les gens veulent que l'on étiquette les aliments génétiquement modifiés, et maintenant les gens nous disent qu'ils voudraient que l'on étiquette aussi le saumon d'élevage, dans les magasins et les restaurants. Vous opposeriez-vous à cette mesure?
Mme Anne McMullin: Je ne crois pas. Il incombe aux détaillants d'y voir, car c'est eux qui sont les mieux placés pour vendre le produit. Les détaillants gagnent leur vie en vendant leurs produits aux clients, et ils ne vendront leurs produits qu'en satisfaisant le client. Chose certaine, je le vois moi-même dans plusieurs magasins. À Vancouver, il y a l'étiquette «saumon de l'Atlantique», l'étiquette «saumon d'élevage», et l'étiquette «quinnat d'élevage». Je vois des tas de choses différentes sur les menus. Comme je l'ai dit, c'est une affaire entre le détaillant et le client.
Mais j'aimerais aussi reprendre l'observation de Ward, faire une petite clarification, John. Comme je l'ai dit dans mon exposé et comme Ward l'a dit, les programmes d'amélioration du saumon sont prometteurs, mais ce que j'espérais vous montrer dans mon exposé, c'est que l'industrie salmonicole dispose d'un savoir considérable sur la génétique et les maladies qui peut enrichir le programme d'amélioration du saumon. On a beaucoup parlé récemment des problèmes génétiques, mais cela ne veut pas dire que l'industrie salmonicole et le programme d'amélioration du saumon ne peuvent pas bonifier la diversité génétique des stocks naturels.
M. Ward Griffioen: Pour la commercialisation du saumon de l'Atlantique, je pense que ce serait formidable. Vous allez voir qu'il y a plus de gens comme moi qui vont acheter du saumon d'élevage. Je mange beaucoup de saumon. Je préfère le saumon d'élevage au saumon sauvage, parce que c'est toujours un bon produit.
M. Peter Stoffer: Le lac d'ici s'appelle le lac Lois. Je sais où se trouve Powell River; j'y suis déjà allé. Mais le lac Lois lui-même a-t-il une décharge naturelle quelque part?
M. Ward Griffioen: Oui. C'est un réservoir, il est donc à l'intérieur d'un barrage et on s'en sert pour alimenter en électricité l'usine de pâte. Il y a deux lacs dans la région. Il y a le lac Powell, et il y a le lac Lois.
M. Peter Stoffer: Et vous êtes dans ce domaine depuis combien de temps maintenant, monsieur?
M. Ward Griffioen: Une vingtaine d'années. J'ai ouvert ma propre entreprise en 1979, mais avant cela, j'ai travaillé...
M. Peter Stoffer: Vous avez dit que M. Dhaliwal venait d'intervenir pour faire approuver votre programme.
M. Ward Griffioen: Oui.
M. Peter Stoffer: Cela ne représente-t-il pas un changement important au ministère des Pêches et des Océans?
M. Ward Griffioen: Oui.
M. Peter Stoffer: Pourquoi croyez-vous que cela lui a pris tant de temps?
M. Ward Griffioen: Eh bien...
Des voix: Ah, ah!
M. Ward Griffioen: Ils ne veulent pas avoir à gérer ce poisson qui reviendra, si jamais ça marche. Je commence à me demander si le ministère des Pêches et des Océans tient vraiment à retourner à un programme de licences, si jamais ces programmes marchent, avec un plus grand nombre de pêcheurs qui obtiendraient des prêts pour acheter des bateaux ou autres choses. Je me demande vraiment pourquoi je me butte à ce mur depuis si longtemps, mais je commence enfin à comprendre. Peut-être que ça n'intéresse personne.
M. Peter Stoffer: Dankje wel.
Le président: Merci, Ward.
Y a-t-il d'autres questions?
Alors merci beaucoup, à Mme McMullin et à toutes les autres personnes présentes.
Je me demande si nous pouvons entendre maintenant monsieur George Peterson, et entendre plus tard MM. Groves, Hicks et Cross. Nous aurons ainsi le temps de faire une pause.
Nous allons faire une pause de cinq minutes, monsieur Peterson, si cela vous va. Ah, c'est Ray Peterson? J'ai «R. George» devant moi. C'est Ray. D'accord.
Le président: Bon. Nous allons commencer.
Monsieur Ray Peterson, vous avez la parole. Vous avez aussi un texte dans votre trousse d'information, les amis.
Monsieur Peterson, nous vous écoutons.
M. Ray Peterson (témoignage à titre personnel): Merci beaucoup.
Je m'appelle Ray Peterson. Je suis professeur agrégé émérite au Département de zootechnie de l'Université de la Colombie-Britannique. Émérite veut dire que je suis à la retraite. C'est comme une libération honorable de l'armée.
Quoi qu'il en soit, pendant 30 ans, j'ai enseigné et fait des recherches à l'Université de la Colombie-Britannique sur la génétique et les programmes d'élevage sélectif. Pendant longtemps, je me suis intéressé essentiellement aux troupeaux laitiers mais aussi aux porcs et à d'autres espèces. En 1984-1985, j'ai entrepris une recherche sur les salmonidés, et nous avons étudié le quinnat, le coho, le saumon de l'Atlantique et la truite arc-en-ciel.
Je me suis associé à l'un de mes anciens étudiants du deuxième cycle pour créer TRI-GEN Fish Improvement, et notre entreprise se consacre au développement de stocks de salmonidés géniteurs, à la recherche et à la gestion.
J'aimerais parler des interactions génétiques entre le poisson d'élevage et le poisson sauvage des mêmes espèces. C'est une question importante dans le Canada atlantique, mais c'est aussi une question importante en Colombie-Britannique. C'est une question très complexe qui gravite autour de la sélection naturelle, ou si vous voulez, de la loi du plus fort.
En deux mots, les poissons les plus forts sont ceux qui auront le plus grand nombre de descendants à la prochaine génération de reproducteurs. Ce sont donc ces poissons qui apporteront la plus grande contribution génétique à la prochaine génération. La génétique de la valeur adaptative fait intervenir le génome au complet. Elle fait intervenir tous les gênes. Elle fait intervenir toute l'ADN active—et je souligne le mot «active». Nous y reviendrons peut-être plus tard au moment des questions.
La force ou valeur adaptative n'est pas seulement une caractéristique héréditaire. Peut-on mesurer cette valeur? Oui, du moins en théorie. Vous n'avez qu'à compter les rejetons du poisson qui fraye. Lorsque ces rejetons frayent, comptez le nombre de rejetons. Vous devez compter leurs rejetons. La valeur adaptative d'un poisson doit être mesurée pendant tout le cycle de vie, de l'oeuf à l'oeuf.
On cherche entre autres à savoir si la valeur adaptative du poisson d'élevage est moindre que celle du poisson sauvage. Ma conclusion est que oui, c'est le cas. Les produits des croisements entre poisson d'élevage et sauvage sont-ils moins forts que les poissons sauvages? Oui, mais à court terme seulement. Le poisson d'élevage peut-il enrichir la diversité génétique des stocks naturels? Oui. Les croisements entre stocks naturels peuvent-ils augmenter la diversité génétique de ces populations sauvages? Absolument, oui.
Ces conclusions sont basées sur la théorie génétique, et non sur des observations. Les textes scientifiques ne font aucune mention de méthodes permettant de mesurer la valeur adaptative des espèces de salmonidés. On ne sait rien sur celle des poissons d'élevage, des poissons sauvages ou des croisements entre eux. Pourquoi? Parce que la valeur adaptative est un trait ou une caractéristique très difficile à mesurer. La mesure de cette valeur fait intervenir tout le cycle de vie, de l'oeuf à l'oeuf. Le cycle de vie des salmonidés est très long, en règle générale, de trois à six ans. Pour mesurer la valeur adaptative, il faut identifier les parents et leurs rejetons d'une génération à l'autre. Imaginez ce que cela représente pour une population qui fraye—la tâche serait immense.
• 1540
Bon nombre d'études ont évalué les différences dans les
sous-caractères de la valeur adaptative pendant de courtes périodes du
cycle de vie: la survie à la smoltification, le succès de la
reproduction, etc. Cependant, ces différences sont limitées à la
partie du cycle de vie passée en eau douce, qui représente une toute
petite partie du cycle de vie. Ces études ne représentent que des
résultats partiels du premier tour de piste lors d'un marathon. Les
conclusions concernant la valeur adaptative qui se fondent sur de tels
résultats sont subjectives, pas objectives.
Quelle est la valeur adaptative attendue des croisements entre le poisson d'élevage et le poisson sauvage, selon la théorie génétique? La valeur adaptative du croisement initial sera moins grande que celle du poisson sauvage. Après deux ou trois générations de sélection naturelle, l'hybride sera égal à la population sauvage. Après trois ou quatre générations de sélection naturelle, il se peut fort bien que le poisson hybride ait une meilleure valeur adaptative que le poisson sauvage.
Mes conclusions: tout d'abord, les petites échappées de poisson d'élevage ne représentent pas une menace pour les stocks naturels sains. Les stocks naturels à risque en raison d'une diversité génétique minimale pour la valeur adaptative profiteront d'une migration génétique peu en importe la source, qu'il s'agisse de poissons sauvages ou de poissons d'élevage. La gestion des stocks naturels devrait viser surtout à maintenir et même à augmenter le flux génétique entre les populations pour qu'une sélection naturelle puisse se faire.
À l'heure actuelle, la stratégie que propose le MPO et d'autres qui s'occupent de ces questions pour la gestion des stocks naturels à les isoler de la migration génétique. Cela pourrait fonctionner à court terme. Cela pourrait fonctionner pour la première génération ou même pour deux générations. C'est cependant contraire à l'état naturel. Normalement, il y a de petites migrations entre les stocks naturels. C'est une source vitale de variation génétique. Cet isolement se traduira par une diminution de la diversité génétique des stocks naturels qui mènera en fin de compte à l'extinction des stocks naturels.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Peterson.
M. Stoffer va commencer, suivi de M. Duncan.
M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président et merci, monsieur Peterson.
J'ai une question fondamentale à vous poser, monsieur. Le saumon d'élevage pourrait-il mettre en danger la survie du saumon sauvage?
M. Ray Peterson: Cela dépend. Ce que je dis, c'est que les petites migrations de saumon d'élevage ne vont pas affecter les stocks naturels sains.
M. Peter Stoffer: Très bien, car les scientifiques du MPO nous ont présenté un rapport, et nous avons entendu aujourd'hui l'avis des meilleurs scientifiques à ce sujet. Ils nous ont mis en garde en disant que les fuites pourraient mettre en danger la survie du saumon sauvage au Canada. Êtes-vous ou non d'accord avec cela?
M. Ray Peterson: S'il s'agit d'échappées très importantes, alors elles pourraient inonder la population et la mettre en danger pour ce qui est de... Oui, cela pourrait envahir la population et essentiellement la remplacer.
M. Peter Stoffer: Très bien. Comme vous le savez sans doute, dans un article du New Scientist du 6 février 2000, on rapporte que vous avez dit avoir écrit un article pour le ministère dans lequel vous prétendiez que le saumon sauvage profiterait de certains nouveaux gènes:
-
«On devrait éviter d'isoler les stocks de saumon», écrit Peterson.
Il dit qu'ils ont une grande diversité génétique.
M. Carl Walters et M. Taylor, qui a comparu devant notre comité, ont dit que cela n'avait pas de sens. Que répondez-vous à ce qu'ils ont dit à votre sujet?
M. Ray Peterson: En fait, je suis arrivé juste avant le déjeuner et j'ai entendu ce qu'a dit M. Taylor au sujet de mon article qui aurait pu susciter un excellent débat si nous...
M. Peter Stoffer: Certainement, c'est pour cette raison que nous sommes ici, pour écouter.
M. Ray Peterson: Eh bien, c'est dommage qu'il ne soit pas ici pour en débattre. Je lui enverrai un courrier électronique ce soir.
Quoi qu'il en soit, ce qui m'a le plus dérangé, c'est qu'il a dit que les stocks naturels avaient essentiellement toute la variation génétique qu'ils pouvaient utiliser. Eh bien, de toute évidence, cela n'est pas vrai pour les très petits stocks. Nous éliminons donc cela. Nous parlons donc des stocks plus naturels. Le problème c'est que je ne sais pas comment il évalue la variation génétique entre les poissons d'un même stock pour évaluer cette diversité génétique. Si en fait il compte sur les sondes d'ADN, alors je suis désolé, cela n'a pas de sens. Les sondes d'ADN sont utiles pour identifier le poisson car le poisson... Cela permet de sonder l'ADN non active, c'est-à-dire le matériel qui ne dérange pas le poisson s'il a des mutations. Cela crée donc un bon marqueur. Cela est très utile pour l'identification généalogique, par exemple. Cela est extrêmement utile à cet égard, mais cela ne révèle rien au sujet du matériel génétique associé à la valeur adaptative.
• 1545
Lorsqu'on parle de valeur adaptative, on parle essentiellement du
génome total pour le poisson: tous les gènes, toute l'ADN active.
Certains de ces gènes sont associés à des caractères comme la
croissance. J'ai probablement étudié 15 stocks différents de saumon
quinnat sur cette côte, des stocks naturels provenant des rivières.
Dans tous les cas, il y avait une variation génétique pour la
croissance. Cela est utile pour moi qui fais l'élevage sélectif du
saumon. J'aborde cette question dans l'article que j'ai cité.
Falconer divise les caractères associés à la valeur adaptative en trois groupes. L'un de ces groupes est une série de caractères qui sont très utiles et qui gardent une variation génétique même s'ils ne sont pas directement associés à la valeur adaptative. Le poids en est un.
Il y a une autre série de caractères qui sont directement associés à la valeur adaptative. La sélection naturelle fait en sorte que la variation génétique saute par-dessus ces derniers. La sélection les élimine essentiellement avec le temps.
La troisième série est celle des gènes neutres. Je soupçonne que bon nombre des résultats de M. Taylor se fondaient sur les gènes neutres. Ce sont les échantillons de protéine et ce genre de chose, où on constate des différences au niveau de la protéine. Ces gènes sont neutres par rapport à la valeur adaptative.
Lorsque je dis que l'on perd la variation génétique, je veux parler de la variation génétique associée à la valeur adaptative. Si on isole une population et qu'on permet à la sélection naturelle de se faire, je suis désolé, mais on perd la variation génétique pour le caractère qui est sélectionné: la valeur adaptative.
M. Peter Stoffer: Ce sera un courrier électronique intéressant, n'est-ce pas? Merci.
Le président: Quelle était votre dernière remarque, Peter? Nous ne l'avons jamais entendue.
M. Peter Stoffer: Il a dit qu'il allait envoyer un courrier électronique à M. Taylor. J'ai dit que ce serait un courrier électronique intéressant.
M. Ray Peterson: J'ai affiché cet article sur le Web car je voulais vraiment avoir une rétroaction scientifique.
M. Peter Stoffer: Certainement.
M. Ray Peterson: C'est là un débat utile. Malheureusement, je n'ai pas lu l'article. Il a laissé entendre qu'il ne croyait pas...
M. Peter Stoffer: J'ai une dernière question. Je sais que ce n'est pas votre domaine en particulier, mais certains fonctionnaires du MPO disent que pour empêcher les fuites ils aimeraient voir un circuit fermé ou une ferme piscicole terrestre. Vous venez tout juste de dire que dans le cas des fuites importantes—disons l'effondrement total d'une ferme piscicole lorsque 100 000 poissons décident de partir—cela pourrait avoir un effet. Nous n'en sommes pas tout à fait sûrs encore, mais cela pourrait avoir un effet. Êtes-vous d'accord alors pour dire que les enclos devraient être fermés, ou qu'il faudrait avoir une installation terrestre, dans la mesure du possible, afin d'éviter les échappées?
M. Ray Peterson: J'appuie tout ce qui pourrait réduire au minimum les échappées, mais je pense qu'il faut évaluer ces systèmes. Je ne les approuverais pas d'emblée. Ils doivent pouvoir fonctionner dans un système de culture et sur le plan économique.
M. Peter Stoffer: Oui, monsieur.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Stoffer.
Monsieur Duncan.
M. John Duncan: Serait-il juste de dire qu'avec le temps nos populations de poissons sauvages se sont essentiellement isolées davantage tout simplement parce qu'elles sont moins nombreuses et à la suite de certaines extinctions locales, etc.?
M. Ray Peterson: Oui, je le pense. Je ne sais pas si nous avons de bonnes données à ce sujet. On a fait des études au sujet de la migration génétique relativement aux populations humaines, mais je n'ai rien vu de semblable pour le saumon.
M. John Duncan: Si l'hypothèse est juste, il est donc possible que nous ayons par exemple diminué notre diversité génétique sur le plan de la valeur adaptative récemment, n'est-ce pas?
M. Ray Peterson: Oui, cela est certain.
M. John Duncan: Mais n'est-il pas vrai également qu'il y a une certaine dérive naturelle? N'y a-t-il pas des individus qui vont ailleurs?
M. Ray Peterson: Oui. J'ai abordé ce genre de question. Voyez-vous, l'un des problèmes c'est que le fondement, le fondement génétique à la base d'un stock, n'est pas sélectionné; il est assigné au hasard. Les gènes qui sont à la base du stock sont essentiellement là à la suite d'événements qui se sont produits au hasard.
Les populations fondatrices, la théorie de l'étranglement—il y a toute une série de façons, et bon nombre de spécialistes de la génétique des populations se sont penchés sur ces questions. Cela veut dire qu'en fait il est peu probable qu'un stock ait eu au départ les meilleurs gènes pour son créneau écologique particulier.
M. John Duncan: Donc, en un sens, vous contestez essentiellement le régime de gestion du MPO.
M. Ray Peterson: Oui.
M. John Duncan: Vous étiez ici pendant l'exposé de Ward Griffioen.
M. Ray Peterson: Oui.
M. John Duncan: Vous êtes d'accord pour dire qu'il s'agit là d'une proposition très valable, une proposition qui ne mettrait pas...
M. Ray Peterson: Je ne suis pas certain de quelle proposition il s'agit.
M. John Duncan: C'est la proposition...
Le président: La mise en valeur des stocks.
M. John Duncan: La mise en valeur des stocks, la proposition Theodosia, la façon de faire que l'on retrouve en Alaska.
M. Ray Peterson: Je ne sais pas grand-chose de la mise en valeur des stocks. J'ai visité bon nombre des installations de mise en valeur essentiellement pour échantillonner certains de leurs poissons. Je pense que la proposition a une certaine validité réelle. J'ai cependant vraiment de la difficulté à comprendre comment il est possible de sélectionner les parents pour la reproduction en vue de l'enrichissement des stocks. C'est une énigme. Je ne vois pas comment il est possible de choisir réellement le poisson le plus apte car cela se fait par sélection naturelle. Je ne sais pas quels caractères entrent en jeu.
M. John Duncan: C'est peut-être une énigme, mais cela ne vous paralyserait pas, n'est-ce pas?
M. Ray Peterson: Non. Cependant, j'explorerais certainement différentes possibilités. La façon dont ils utilisent à l'heure actuelle le programme d'enrichissement des stocks—du moins, si j'ai bien compris—consiste à prendre un échantillon de toutes les différentes tailles de poisson. Intuitivement, pour moi, ça ne semble pas être une très bonne façon de procéder.
M. John Duncan: De toute évidence, vous utiliseriez d'autres variables.
M. Ray Peterson: Je pense que oui. Mais je pense qu'il faut réellement réfléchir et examiner la question.
M. John Duncan: C'est tout pour moi. Merci.
Le président: Merci, John.
Monsieur Bernier, suivi de M. Cummins.
[Français]
M. Yvan Bernier (Bonaventure—Gaspé—Îles-de-la-Madeleine—Pabok, BQ): Je vais essayer de poser une question courte. J'ai écouté plusieurs témoins aujourd'hui, même si j'ai dû aller faire quelques appels parce qu'on travaille avec trois heures de à décalage. Je m'excuse auprès des autres témoins, mais je sais qu'ils doivent revenir tout à l'heure.
Vous avez passé une trentaine d'années à enseigner et à faire de la recherche. Votre exposé fait état de connaissances très pointues, très spécialisées dans le domaine de la reproduction des poissons. Nous, politiciens, sommes un peu éloignés de ces champs très spécialisés.
Ma plus grande difficulté vient du fait qu'il va nous être difficile de départager le vrai du faux. En effet, certains de vos confrères ne pensent pas à la même chose que vous et nous n'avons pas le même bagage pour démêler tous les aspects de la question. Est-ce qu'il va nous falloir un livre qui nous fournisse une grille d'analyse pour départager les opinions de tel docteur ou de tel vétérinaire? Je trouve comique et plutôt dommage que vous déposiez un document sur Internet et que cela ne suscite aucune réaction. C'est grave. Votre impopularité nous amène à nous demander si cela tient debout.
Je ne suis pas capable de vous poser des questions précises sur la gestion de l'ADN, mais comment peut-on arriver à faire la lumière sur tout cela? C'est grave, autant pour la gestion de l'ADN que pour toutes les autres questions qui ont été soulevées par les fermes d'élevage de saumon. On n'a aucune donnée scientifique et, quand on en a une, elle est aussitôt contestée par quelqu'un d'autre. Qui dit vrai? C'est peut-être de la philosophie, mais avez-vous... [Note de la rédaction: Inaudible].
M. Ray Peterson: Je suis certain que tous les scientifiques qui viennent témoigner devant votre comité tentent de vous donner leur pure version de la vérité, mais vous devez vous rendre compte qu'il est très rare que la science donne une réponse noir sur blanc, particulièrement dans le domaine de la biologie. Ce sont des remarques très utiles tant d'un côté comme de l'autre, mais j'ai été vraiment très bouleversé du fait que l'article n'ait pas suscité une discussion scientifique. Elle a suscité une certaine discussion dans les médias, ce qui n'est pas nécessairement si productif, mais je voulais avoir la réaction des scientifiques, leurs critiques. Il ne suffit pas de dire «Vous avez tort, mais je n'ai pas lu l'article». Il faut dire «Je ne suis pas d'accord avec ce point, par conséquent nous en arrivons peut-être à une conclusion différente».
La même chose s'applique aux travaux de M. Taylor ou de qui que ce soit d'autre, et c'est pourquoi les universitaires abordent ce genre de questions lors de colloques et d'ateliers de travail. Malheureusement, j'espérais que notre bon ami l'Internet pourrait nous permettre de le faire, mais cela n'a pas été le cas.
Le président: Merci, monsieur Peterson, Yvan.
Monsieur Cummins.
M. John Cummins: Merci, monsieur le président.
Monsieur Peterson, à la première page de votre mémoire, vous dites qu'il y a une idée fausse qui influence le débat sur l'interaction génétique et c'est l'idée selon laquelle la sélection naturelle a transformé les stocks de saumons sauvages en une solution génétique optimale pour leur créneau écologique. C'est ce que croient non seulement le MPO mais sans doute les pêcheurs également, c'est-à-dire qu'un stock particulier était adapté à sa rivière, son foyer, et que si on commence à mélanger, on aura des problèmes. Vous dites que non.
M. Ray Peterson: Non. La raison, naturellement, comme je l'ai mentionnée précédemment, c'est que les gènes que ce stock avait au départ n'étaient probablement pas les meilleurs gènes sur le plan de la diversité génétique pour la sélection naturelle. Par conséquent, le stock va atteindre un sommet, mais ce sommet impose des limites. C'est un peu comme l'analogie de Sewall Wright. Si on dit que la valeur adaptative est une sorte de plaine et que l'on a ces montagnes tout autour, le stock se rend à la montagne la plus près relativement aux gènes qui sont disponibles. Ce n'est peut-être pas la montagne la plus élevée. Mais pour arriver à l'autre sommet, il doit redescendre et remonter de l'autre côté. C'est ce que je dis. En théorie, lorsque nous faisons des croisements avec des stocks naturels, nous nous attendons à ce que le poisson ne soit pas aussi fort que le stock naturel original, la première génération, les premiers croisements, mais très rapidement ils reprendront la valeur adaptative du stock original et grimperont probablement une montagne encore plus haute parce qu'il a un bagage différent de gènes.
L'autre question—c'est peut-être la plus importante—c'est que nous semblons penser que ces créneaux écologiques sont constants. Ils ne le sont pas. Ils changent. L'environnement est très dynamique et lorsque l'on change l'environnement, ce que l'on fait avec ce petit champ de montagnes consiste essentiellement à changer l'altitude de toutes les montagnes. On change la définition de la valeur adaptative et il faut retourner en arrière et escalader une autre montagne. En théorie, on pourrait même se retrouver tout en bas dans la vallée en changeant l'environnement.
M. John Cummins: Je ne sais pas. Je connais les jeans et Gene Autry, mais je ne connais pas grand-chose de ce dont vous parlez. Je fais de la pêche au filet maillant dans le Fraser, alors je ne suis pas très calé, mais je connais un peu le poisson, un tout petit peu.
L'étude Noakes dont nous parlions plus tôt au cours de la journée fait référence au poisson frayant en bonne santé, et dit que le poisson d'élevage frayerait peut-être plus tôt que le saumon sauvage. Si on prend un stock comme celui de la rivière Stewart à montée hâtive dans le Fraser, c'est un poisson qui est assez sain. Ce poisson a suffisamment de gras pour remonter environ 700 milles dans le Fraser sans manger, et il doit en avoir suffisamment pour se rendre là-bas et frayer.
Si on tripote les gènes et si on modifie ce poisson un tout petit peu de sorte qu'il arrive un peu plus tard, un peu plus tôt, ou qu'il a un peu moins de gras ou un peu trop, il n'y arrivera sans doute plus.
M. Ray Peterson: Cela réduira sa valeur adaptative, du moins initialement, mais cela pourrait ajouter certains gènes qui l'amélioreront en fin de compte. Voilà l'important. Qu'est-il arrivé lorsque nous avons eu le glissement rocheux dans le canyon du Fraser qui a empêché toute la migration de poisson dans le Fraser? Qu'est-il arrivé à la remonte de la rivière Stewart?
M. John Cummins: Le poisson a tout simplement survécu—tous les poissons ont survécu—mais les gens faisaient passer le poisson par-dessus les roches, autour des roches, pour tenter de s'assurer que les reproducteurs atteignaient les zones de frai. Mais ils ont tout simplement survécu.
M. Ray Peterson: C'est le genre de catastrophe qui représente réellement un stress pour les gènes, essentiellement, pour avoir un poisson en bonne forme.
M. John Cummins: Il me semble qu'au départ on n'avait peut-être pas le meilleur stock de poissons, mais qu'ils sont arrivés à un point où ils avaient ce qu'il fallait pour revenir chez eux.
M. Ray Peterson: Oui, mais ils ne sont pas nécessairement les meilleurs; on est peut-être en mesure d'en créer de meilleurs.
M. John Cummins: Oui, mais d'un autre côté, comme vous le dites ici, le stock ne survivra peut-être pas à une intrusion considérable de gènes provenant de poissons d'élevage.
M. Ray Peterson: Cela est vrai.
M. John Cummins: C'est toujours le risque.
M. Ray Peterson: Cependant, une petite infusion de matériel génétique provenant de poissons d'élevage ou d'autres stocks naturels fournit une variation génétique qui met à l'épreuve ces gènes pour la sélection naturelle, pour les mettre à l'essai. C'est là l'élément clé. Je pense qu'il est très futile pour nous de siéger ici en comité et de dire qu'il s'agit là d'un bon caractère ou d'un mauvais caractère ou quoi que ce soit. Nous devons le mettre à l'essai; nous devons le soumettre à la sélection naturelle.
M. John Cummins: Le point qui me préoccupe c'est qu'il me semble que ces poissons, dans de nombreux cas, sont conçus selon des devis très spécifiques et que toute modification pourrait avoir des conséquences pour ces remontes. Certaines de ces remontes ne sont pas très énormes dans le meilleur des cas.
M. Ray Peterson: Les petites remontes posent réellement un problème.
M. John Cummins: Dans la même veine...
Le président: Dernière question, John.
M. John Cummins: Je vais être un peu plus précis. Nous avons des remontes dans le haut Skeena, des remontes de saumon coho, qui sont très faibles. Nous avons introduit le saumon rouge dans les écloseries au lac Babine—non pas des écloseries, mais nous avons deux grandes aires de ponte, une dans la petite rivière Pinkut et l'autre dont le nom m'échappe, qui produit beaucoup de saumon rouge. Il y a donc un grand potentiel d'activité de pêche que les stocks de saumon coho plus en amont de la rivière ne peuvent tolérer. L'eau là-bas est très froide; le frai est limité. D'après ce que vous dites, le fond génétique qui existe permet à ces remontes tout simplement de survivre, mais vous dites qu'il y a peut-être quelque chose que nous pourrions faire pour rendre l'environnement plus sain, ou faire un animal qui soit avantage adapté à son environnement que ne l'avait prévu la nature.
M. Ray Peterson: À mon avis, le problème est attribuable au changement d'environnement. Les poissons doivent avoir la capacité de changer et même si on ne veut pas de changement, cette capacité devrait exister.
Le président: Nous devrons nous arrêter là-dessus. Je vous remercie, monsieur Peterson.
Je sais que vous voulez intervenir, Peter, mais il vous faudra parler à M. Peterson en privé.
• 1605
Nous allons maintenant entendre M. Groves. Est-ce que vous
voulez venir à la table tous les trois ou préférez-vous faire vos
exposés séparément?
Dans ce cas, nous allons entendre M. Groves.
Il y aura 20 minutes pour chacun.
Monsieur Groves, je pense que vous avez un mémoire.
M. David Groves: Désolé, je n'ai pas de texte avec moi.
Je vais abréger les commentaires à cause du retard.
Le président: Très bien, car nous avons déjà besoin de deux valises supplémentaires pour rapporter tous nos documents.
M. David Groves: Je voudrais mettre en perspective l'échappement du saumon de l'Atlantique en Colombie-Britannique. Je ne vais pas parler du saumon de l'Atlantique sur la côte Est, mais plutôt de l'idée selon laquelle la présence de saumon de l'Atlantique dans les eaux de la Colombie-Britannique risque d'avoir un effet préjudiciable.
Je pourrais dire en passant que certains effets pourraient également être attribués au saumon du Pacifique échappé mais dans le cas du saumon de l'Atlantique, il ne se croise pas avec le saumon du Pacifique. Il s'agit donc simplement de la présence du saumon de l'Atlantique dans ce nouveau milieu et de la possibilité qu'il s'y établisse.
Nous avons vu toutes sortes d'exemples d'espèces exotiques introduites dans de nouvelles régions écologiques avec les dégâts que ça peut représenter. Il y a les moineaux domestiques et les étourneaux de même que les abeilles africaines et aussi peut-être le saumon du Pacifique dans les Grands Lacs. On trouve toutes sortes d'exemples. De façon générale, on s'inquiète du fait que le saumon de l'Atlantique se révèle être une espèce envahissante.
Mais quand on examine la situation au cours des années en regardant l'évolution du saumon de l'Atlantique, on constate que ce n'est pas le cas. On a eu beaucoup de mal à rétablir le saumon de l'Atlantique dans ses propres zones d'habitat lorsqu'il y a eu une diminution de la population.
Le saumon de l'Atlantique ne semble donc pas appartenir à une espèce envahissante. Pourquoi? Si on regarde l'histoire, on constate que le genre Salmo, c'est-à-dire le genre du saumon de l'Atlantique, est apparu il y a environ 50 millions d'années. Ensuite, il y a à peu près 15 millions d'années, il y a eu l'émergence d'un nouveau genre, Oncorhynchus, c'est-à-dire le saumon du Pacifique, différent du saumon de l'Atlantique comme cela est constaté par des indicateurs géologiques.
À cette époque, les masses terrestres avaient une configuration assez différente. D'abord, le Salmo original se trouvait essentiellement dans les régions circumpolaires un peu partout dans l'hémisphère septentrional. Au moment de l'émergence de l'Oncorhynchus, l'océan Atlantique couvrait une superficie relativement réduite, pas beaucoup plus grande que celle des Grands Lacs. Des ponts continentaux ou des ponts de glace empêchaient les poissons de circuler du bassin du Pacifique jusqu'au bassin de l'Atlantique. Le bassin de l'Atlantique constituait une zone protégée dans l'intrusion du saumon pacifique.
Je ne suis pas géologue mais il paraît qu'après l'émergence de l'Oncorhynchus, le Salmo a disparu du bassin du Pacifique—là où il était apparu en premier. Pourquoi? Au lieu de s'inquiéter de l'établissement de ce poisson dans le bassin du Pacifique, on pourrait peut-être se demander pourquoi il ne s'y trouve pas toujours.
Il y a là beaucoup de questions et beaucoup d'hypothèses possibles. Mais si l'on considère les différences dans la biologie, le développement et la culture du saumon de l'Atlantique et du saumon du Pacifique, on pourra peut-être comprendre un peu ce qui aurait pu causer cela, soit la façon dont le saumon du Pacifique diffère beaucoup du saumon de l'Atlantique.
• 1610
On en déduit que le saumon de l'Atlantique ou bien n'a pu s'adapter
aux changements environnementaux, à une époque ou une autre de
l'histoire géologique, ou simplement qu'il a perdu la partie contre le
saumon du Pacifique, plus vigoureux du point de vue écologique. Les
différences sont évidentes quand on essaie de faire l'élevage de ces
poissons.
Je me suis d'abord intéressé au saumon du Pacifique, puisque c'était l'espèce alors élevée sur la côte de la Colombie-Britannique puis, plus tard, au saumon de l'Atlantique.
Déjà dans l'écloserie, le saumon de l'Atlantique a un taux de croissance juvénile extrêmement lent. À 10 degrés Celsius, le saumon quinnat ou coho pourra croître de 3,5 p. 100 par jour, après son émergence du gravier. Le saumon de l'Atlantique ne croît qu'à raison de 1 p. 100 par jour, voire moins.
Il y a bien des raisons pour lesquelles le saumon de l'Atlantique est élevé plus facilement, notamment parce que plus tard dans son développement, il a des caractéristiques plus souhaitables pour l'élevage, pour un élevage économique. Mais à sa sortie du gravier, le saumon du Pacifique a une plus grande capacité, non seulement parce qu'il croît si rapidement, le rythme de croissance étant fonction de la quantité de nourriture disponible, mais si la nourriture est suffisante, il peut avoir une poussée de croissance qui lui donne un avantage pour sa survie, puisqu'il peut sortir du gravier, nager et grandir plus vite, de sorte que les prédateurs ne l'attrapent pas. C'est très manifeste quand on les voit.
Dans l'écloserie où je travaille, que nous gérons, nous avons depuis des années des programmes de mise en valeur du saumon. Nous avons du saumon quinnat, un peu de saumon de l'Atlantique et du saumon coho dans l'écloserie, ce qui est inhabituel dans le secteur de l'élevage du saumon. Nous faisons tout cela en même temps.
Pour que le saumon de l'Atlantique croisse à un rythme acceptable pour la culture commerciale, soit 3,5 p. 100 par jour, il faut une chaleur de 15 ou 16 degrés Celsius. Autrement, sa croissance est trop lente et c'est trop coûteux. Avec notre appareil de chauffage au propane, la chaleur à donner au saumon de l'Atlantique nous coûte actuellement 3 000 $ par semaine.
C'est quelque chose de très évident, surtout si vous voyez un saumon de l'Atlantique sauvage, s'il en existe en Colombie-Britannique—ce qui est douteux—un saumon coho et un saumon de l'Atlantique qui sortent du gravier en même temps, en quelques mois, particulièrement au printemps et s'il y a suffisamment de nourriture. En effet, dans la plupart des ruisseaux, la nourriture devient plus rare vers la fin juin et en juillet, quand les températures plus chaudes font sécher les cours d'eau, par exemple. Mais au 1er juillet, à la température ambiante, le saumon de l'Atlantique fera un gramme, environ, et le coho, cinq à six grammes. La différence de taille peut bientôt devenir suffisante pour que le coho soit tenté de manger le saumon de l'Atlantique.
Ce n'est donc pas nécessairement la raison pour laquelle il n'y a pas de saumon de l'Atlantique en dehors de l'aquaculture, mais c'est une raison qui devient évidente, quand on en fait l'élevage. Vous pouvez comprendre qu'un alevin de saumon de l'Atlantique de souche sauvage, dans un réseau où il y a du saumon de l'Atlantique, serait fort désavantagé. Soit il se fait manger, soit le saumon du Pacifique est suffisamment gros pour l'emporter dans la lutte pour la nourriture.
En fait, le saumon de l'Atlantique a un habitat naturel légèrement différent. Il a tendance à rester au fond du cours d'eau. Le coho et le quinnat, de même que la truite arc-en-ciel et le saumon steel head, ont tendance à être plus haut dans la colonne d'eau. Mais s'il y a un manque de nourriture, je vous garantis que le coho trouvera la nourriture où qu'elle soit, et sera le premier à la manger.
Nous avons fait quelques expériences toutes spéciales de coélevage de coho et de saumon de l'Atlantique dans notre écloserie, et nous répéterons l'expérience cette année. Le coho et le saumon de l'Atlantique étaient au départ de la même taille. Ils pesaient de 1 à 1,5 gramme. Dans ce cas-ci, on avait donné une longueur d'avance au saumon de l'Atlantique en l'élevant dans de l'eau réchauffée. Cette année, nous essaierons de nouveau, sans chauffer l'eau.
À la fin de l'été, le coho pesait 10 grammes, et tous les spécimens ont survécu. Dans ce système, ils étaient en concurrence pour la nourriture. Je ne les nourrissais pas tous les jours et quand je le faisais, je m'assurais qu'il y avait suffisamment de nourriture pour qu'ils y aient tous accès, mais ils ne croissaient pas au taux maximal. À la fin, le coho pesait environ 10 grammes, était très uniforme et en très bon état.
Du saumon de l'Atlantique, 30 p. 100 des spécimens avaient disparu. Je n'ai jamais trouvé comment ils avaient pu quitter le bassin. En fait, ils ont probablement été mangés par les autres poissons. Le poids moyen du saumon de l'Atlantique était de 3,5 grammes.
• 1615
Une chose intéressante s'est produite. À la fin de l'été, en
septembre, deux saumons de l'Atlantique ont commencé à grossir. La
croissance de tous les autres était complètement inhibée. À la fin du
cycle, au début de novembre, il n'y avait que ces deux gros
poissons—seulement deux saumons de l'Atlantique—alors que tout le
coho avait survécu. Mais en gros, pour toute la période de croissance,
le saumon de l'Atlantique se débrouillait mal, en concurrence avec le
coho. Cette année, nous répéterons l'expérience avec du saumon de
l'Atlantique et du saumon coho, sans donner une longueur d'avance au
saumon de l'Atlantique. On le prendra à 0,2 gramme, et je crois que le
saumon de l'Atlantique sera encore plus défavorisé, mais nous n'aurons
des données là-dessus que l'an prochain, à pareille date.
Je m'arrête ici pour ce sujet, mais c'est un sujet de préoccupation très important.
Je n'ai pas assez de temps pour vous décrire toutes les différences entre le saumon de l'Atlantique et le saumon du Pacifique, mais je vais dire une autre chose au sujet du saumon du Pacifique: il a appris à remonter les cours d'eau en grand nombre, pour s'y reproduire et mourir. Cela fertilise le cours d'eau. C'est une économie d'énergie, puisqu'il n'a pas besoin de stocker de l'énergie en partant de la mer, pour en avoir suffisamment pour y revenir. Il meurt, tout simplement. Cela fertilise le cours d'eau de manière qu'au cycle suivant, il y a suffisamment de nutriments dans l'eau pour nourrir les alevins de saumon qui y croîtront. Cela ne se produit pas dans les rivières à saumon de l'Atlantique, puisque le saumon de l'Atlantique ne meurt pas dans la rivière. Il revient à la mer. Certains reviennent pour se reproduire, mais la plupart disparaissent simplement. On ne les revoie plus.
L'une des conséquences de cela, c'est qu'il y a d'énormes quantités de poissons morts dans une rivière à saumon du Pacifique. Chaque année, sur l'île de Vancouver, par exemple, on voit des milliers et des milliers, peut-être 30 000 à 40 000 saumons kéta qui viennent mourir un peu partout dans le Goldstream, tout près de Victoria. Nous avons des photos de David Suzuki devant une rivière qui est toute blanche de saumons morts, et qui dit comme c'est merveilleux. C'est tout à fait merveilleux, puisque c'est ainsi que les cours d'eau sont fertilisés. Mais quand ils meurent, ces poissons ne sont pas stériles. Nous avons constaté qu'en fait, sur ces saumons kéta, on trouve la maladie bactérienne du rein, l'Aeromonas hydrophila et toute une gamme de micro-organismes qui les tapissent. Il y a donc de très fortes concentrations de bactéries sur ces carcasses en décomposition et nombre d'entre elles sont pathogènes.
Ainsi, pour pouvoir profiter de cette capacité fertilisante, le saumon du Pacifique a acquis une énorme résistance à la maladie, des maladies courantes ordinaires qui existent dans l'environnement. Même s'il attrape l'Aeromonas hydrophila, il peut attraper l'Aeromonas salmonicida, la furonculose, etc. Le saumon du Pacifique a acquis une résistance relativement forte notamment à des maladies comme le virus de la NHI, qui est présent dans le saumon rouge et aussi, dans une certaine mesure, dans le saumon quinnat.
Le saumon de l'Atlantique, comme nous l'avons constaté à notre désarroi au tout début de l'élevage de cette espèce, est très vulnérable face à ces maladies, encore plus que le saumon du Pacifique. Dans le système de pisciculture, nous avons heureusement réussi à mettre au point et à utiliser des vaccins qui protègent le poisson en grande partie contre ces maladies, mais le saumon de l'Atlantique qui fraye ne sera pas vacciné. Si l'on veut établir ce système, il faut le faire dans un cours d'eau où frayent le saumon coho, sans doute le saumon rouge, le quinnat et le saumon kéta et toutes les autre espèces.
C'est très intéressant. Anne a parlé du début du siècle dernier, avant la Seconde Guerre mondiale. Il y avait dans le réseau fluvial, et notamment dans la rivière Cowichan sur l'île de Vancouver, près de 7 ou 8 millions d'alevins de saumon de l'Atlantique. Certains ont fait valoir que, à l'époque, la technologie n'était pas assez avancée pour supporter un stock viable d'alevins de l'Atlantique, mais la technologie était bien assez bonne pour conserver un stock viable d'alevins de truite de mer, lequel s'est établi. Nous ne savons pas pourquoi ce saumon de l'Atlantique n'a pas pu survivre ou n'est pas réapparu par la suite, mais ce qui s'est sans doute passé, c'est que tous les endroits où l'on a essayé d'installer un peuplement étaient semblables au lac Cowichan, qu'il s'agisse de la population de saumons kokanis, qui est un saumon rouge connu pour être infecté de façon endémique par le virus de la NHI, ou d'une population de saumons rouges anadromes. Cette espèce n'a sans doute pas réussi à atteindre l'embouchure du fleuve. Il y a de nombreux autres cas semblables.
• 1620
Pour vous résumer les risques que le saumon de l'Atlantique présente
pour l'environnement, tout d'abord, cela est une source de gêne pour
les éleveurs de saumons et il continuera d'en être ainsi tant que ces
poissons s'échapperont. L'objet de l'élevage du saumon est d'élever
cette espèce pour la commercialiser ensuite et non d'en constituer des
stocks dans l'environnement. Tant qu'il en ira ainsi, cela nous posera
un problème.
S'agissant du véritable risque, personnellement, je ne suis guère inquiet. J'aurais beaucoup de mal à travailler pour une entreprise ou une exploitation qui est néfaste pour le poisson sauvage, car pour moi, la mise en valeur du saumon vient au deuxième plan. Toutefois, ces poissons sont là et posent ce genre de problème. Même s'il a été prouvé qu'ils venaient dans les cours d'eau et y avaient peut-être frayé, la probabilité de voir se développer des populations naturelles dans nos cours d'eau est très faible. J'en suis convaincu. Je ne pense pas qu'on va assister à un établissement de stocks de saumon de l'Atlantique. Cette espèce a déjà disparu de notre environnement et je ne peux pas envisager qu'elle s'établisse encore une fois ici. Un autre facteur qui confirme cet état de choses c'est qu'il lui est très difficile de se reconstituer dans son propre aire de migration, tandis qu'il est assez facile au saumon du Pacifique de s'établir dans d'autres aires de migration.
Nous manquons de temps, et...
Le président: En effet.
M. David Groves: ... je pourrais m'étendre indéfiniment sur le sujet, mais ce n'est qu'un point de vue.
Le président: Vous nous avez fourni un témoignage intéressant, monsieur Groves.
Nous allons passer aux questions, mais il faudra faire vite.
Monsieur Duncan.
M. John Duncan: Très brièvement, vous dites qu'il est difficile aux saumons de l'Atlantique de s'établir dans leur propre aire de dispersion; vous parlez du réseau fluvial de l'Atlantique. Je ne le savais pas. Est-ce dû à la productivité des cours d'eau ou simplement à la nature du poisson?
M. David Groves: Je n'ai pas très bien compris.
M. John Duncan: Vous avez dit que le repeuplement des stocks de l'Atlantique est vraiment problématique, même au sein de la même espèce.
M. David Groves: En effet.
M. John Duncan: Est-ce dû à une importante baisse du taux de fertilité ou simplement aux facteurs dont vous avez parlé?
M. David Groves: Bien franchement, je n'en sais rien. Le taux de fertilité sera inférieur dans un système de l'Atlantique parce qu'il n'y a pas d'approvisionnement en substances nutritives.
Si l'on veut reconstituer le stock de saumon de l'Atlantique—et j'ai obtenu ces renseignements indirectement de certaines personnes en Écosse et en Norvège—il faut en premier lieu se débarrasser de la truite arc-en-ciel et de la truite de mer qui sont présentes dans le système, mais surtout la truite de mer. Autrement, ces espèces font trop concurrence au saumon de l'Atlantique.
Le président: Monsieur O'Brien.
M. Lawrence D. O'Brien (Labrador, Lib.): Monsieur Groves, je vous demande d'excuser mon retard, mais je suis légèrement grippé aujourd'hui. La partie de votre intervention que j'ai entendue m'a beaucoup intéressé. Vos propos sont convaincants, du moins pour moi.
Vous l'avez peut-être déjà dit avant mon arrivée, mais j'aimerais vous demander comment nous pouvons combler l'écart ou trouver un dénominateur commun, un terrain d'entente, pour aborder la question des craintes des pêcheurs et des habitants de la Colombie-Britannique ainsi que de tout le littoral Pacifique, l'Alaska et l'État de Washington, etc. Comment pouvons-nous jeter un pont pour que, en fin de compte, ces craintes soient...? On ne pourra jamais calmer entièrement les craintes de tout le monde, mais comment faire pour redonner aux gens confiance dans la situation et pour calmer les esprits, si vous voulez, en trouvant une politique commune? C'est le plus gros défi auquel nous sommes confrontés. En fait, c'est ce que nous recherchons:une solution.
Avant de partir l'autre jour, j'ai entendu le monsieur—et vous étiez assis à la table—émettre toutes sortes de reproches au MPO. Nous entendons de nombreux intervenants, qui représentent les deux positions. Nous entendons dire que le MPO fait tout de travers ou qu'il fait de bonnes choses, selon les personnes à qui on parle. Je sais que dans les deux camps, il s'agit d'opinions un peu extrêmes. Il doit bien y avoir entre les deux une certaine majorité silencieuse.
• 1625
J'aimerais vraiment que vous m'en parliez car vous avez l'air d'avoir
des choses à dire et j'aimerais bien les entendre.
M. David Groves: C'est une extrêmement bonne question. C'est le plus gros défi qu'il nous faut relever.
Depuis plusieurs années, les arguments volent d'un côté à l'autre en ce qui a trait au saumon sauvage par rapport au saumon d'élevage. En fait, cet argument n'a rien à voir avec le problème. Nous avons prouvé de façon satisfaisante qu'il y a très peu d'interaction entre le saumon sauvage et le saumon d'élevage, si toutefois celle-ci est mesurable.
Toutefois, ces craintes sont bien réelles. Il y a des gens qui depuis toujours, gagnent leur vie en pêchant du saumon sauvage, et toute la situation est en train de changer. Il règne une grande confusion et ces personnes ont de véritables craintes.
C'est exactement la même chose lorsqu'on traite avec les Premières nations. Ces dernières ont des craintes tout à fait réelles et entièrement fondées au sujet du saumon d'élevage, du saumon de l'Atlantique échappé, de l'aquaculture par opposition au poisson sauvage, et autres choses du même ordre. En outre, il y a eu beaucoup de désinformation à ce sujet. Les Autochtones commencent à beaucoup mieux comprendre la question.
C'est à mon avis l'un des défis que doit relever l'Association des éleveurs de saumon. Depuis un certain nombre d'années, nous essayons de nous enfouir la tête dans le sable pour éviter les problèmes, et pourtant notre technologie, c'est-à-dire nos connaissances de la question et de ce que cela représente par rapport à une véritable durabilité, a énormément évolué et évolue de plus en plus.
Il nous incombe, de concert avec le MPO et d'autres secteurs spécialisés, de continuer de collaborer avec les autres groupes. C'est tout ce que nous pouvons faire. Nous ne pouvons pas les convaincre d'opter pour l'élevage du saumon. Nous ne pouvons pas dire au conseil de district de Kwakiutl que c'est une activité merveilleuse. Ils vont continuer pendant un certain temps de rejeter cette idée, parce qu'ils ne comprennent pas en quoi cela consiste, mais il nous faut redoubler d'efforts et leur fournir la meilleure information possible, et non de la documentation préparée d'avance. Nous devons leur expliquer vraiment comment les choses se passent lorsqu'on veut élever ce poisson de façon qu'ils puissent prendre une décision en pleine connaissance de cause. C'est à mon avis le principal problème au coeur de tout ce processus.
Nous sommes arrivés au point—mises à part quelques perceptions—où nous sommes convaincus de ne pas nuire au stock de poisson sauvage. Il y a d'autres facteurs qui entrent en ligne de compte. La pêche du poisson sauvage doit exister en Colombie-Britannique. Nous avons un grand nombre de terrains propices au saumon dans cette province et ce serait une honte nationale si nous ne réussissions pas à préserver le peuplement de poissons sauvages.
Toutefois, l'aquaculture a sa place dans le contexte du réchauffement de la planète et des facteurs qui vont peut-être réduire la production d'espèces sauvages au cours des prochaines années. Il faut espérer que c'est un cycle qui reviendra. Nous pouvons exercer un contrôle suffisant sur les méthodes d'aquaculture pour maintenir la production du secteur de la pêche même si le poisson sauvage connaît des conditions difficiles. Toutefois, il faut préserver les deux. Ce n'est pas l'un ou l'autre. Il y a à la fois l'aquaculture et la pêche au poisson sauvage, et cela fait partie intégrante de l'industrie de la pêche en Colombie-Britannique.
Vous avez donc raison de dire qu'il faut continuer à trouver des façons de faire participer les autres pêcheurs. À mesure que notre industrie prend de l'expansion, il y a des pêcheurs et des bateaux de pêche commerciaux, avec leurs compétences et leur matériel pointus, qui participent à l'élevage du saumon. Il y a un grand nombre de bateaux qui transportent du poisson vivant et qui longent la côte chargée de saumoneaux. Les mêmes bateaux prennent le poisson dans les piscifactures et les ramènent aux usines de transformation. Nous avons un grand nombre d'usines, à l'heure actuelle, qui ne transforment pratiquement que du poisson d'élevage. Auparavant, ces usines ne conditionnaient que le poisson sauvage, mais elles transforment aujourd'hui du poisson d'élevage.
Nous progressons peu à peu, mais vous avez effectivement mis le doigt sur notre plus gros problème. L'industrie doit se manifester régulièrement pour faire en sorte que nous participions au processus d'éducation. C'est dans notre intérêt supérieur.
Le président: Merci.
Peter.
M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur, de votre témoignage.
Dans la même veine, vous avez dit qu'il restait encore beaucoup de travail à faire, mais lorsque les Autochtones lisent des manchettes disant: «Le poisson d'élevage fait du tort aux stocks sauvages», d'après un rapport interne préparé par des scientifiques du MPO, on peut comprendre les craintes qui les animent.
M. David Groves: Parfaitement.
M. Peter Stoffer: C'est pourquoi j'ai fait cette remarque. Hier, nous avons entendu le témoignage de l'Union des chefs indiens de la Colombie-Britannique. C'est tout récent. Il est évident que vous participez à des discussions permanentes avec eux.
• 1630
Encore une fois, pour répéter la question que j'ai posée plus tôt à
Anne, si ces groupes de personnes, ou municipalités ou collectivités,
pour une raison ou une autre—car la perception devient parfois
réalité—refusent les exploitations aquicoles quel que soit... Vous
savez comment les Autochtones parlent de leurs droits culturels
ancestraux. Bon nombre d'Autochtones auxquels nous avons parlé disent
qu'ils refusent de manger un saumon de l'Atlantique, même si certains
d'entre eux le font sans doute. Allez-vous répondre à cette demande et
dire que vous ne participerez pas aux réunions si vous n'êtes pas le
bienvenu?
M. David Groves: Parfaitement. Il faut répondre à cette demande. Il ne faut pas non plus partir du principe qu'ils ne vont jamais... S'ils disent non, cela veut dire non, mais en tout cas pas pour l'instant. Il nous incombe, je pense, de nous assurer que les Autochtones sont bien informés pour pouvoir prendre une décision éclairée. Ils ne veulent peut-être pas de l'élevage du saumon, mais ils sont peut-être favorables à un autres aspect de l'aquaculture, et nous devons en tenir compte.
M. Peter Stoffer: Vous avez dit que le poisson en putréfaction transporte toutes sortes de substances pathogènes lorsqu'il meurt. Ces substances sont-elles présentes avant que le saumon ne remonte la rivière, ou se présentent-elles uniquement lorsqu'il commence à se putréfier?
M. David Groves: Un peu des deux. Il existe dans les cours d'eau une microflore de substances comme l'Aeromonas. À une époque, on pensait que le saumon rouge reproducteur du Fraser, par exemple, était infecté par le virus de la NHI dans les frayères et que ce virus se transmettrait à tant de poissons que cela causerait une véritable épidémie et d'importantes pertes dans les stocks. Il y a quelques années, toutefois, il a été prouvé que le saumon sockeye pouvait survivre à ce virus. En conséquence, il en était atteint à un très faible taux, il transportait le virus avec lui vers la mer et le virus était toujours présent lorsque le saumon remontait la rivière. C'est donc un peu des deux.
Certaines des maladies dont nous nous occupons sont des maladies du milieu marin, comme les infections à vibrion. On ne les retrouve pas en eau douce, mais certaines infections sont présentes dans l'eau douce et passent d'un milieu à l'autre.
M. Peter Stoffer: Vous avez mentionné...
Le président: Ce sera votre dernière question, Peter.
M. Peter Stoffer: ... que le saumon coho et le saumon de l'Atlantique cohabitaient et que le saumon de l'Atlantique avait disparu. Vous pensez que le saumon coho s'en est nourri. Avez-vous eu l'occasion d'ouvrir un saumon coho pour voir s'il y en avait effectivement dans son estomac?
M. David Groves: J'en ai ouvert à la fin de l'expérience, mais je n'ai pas pris d'échantillon à ce moment-là. J'ai en fait ouvert les deux plus gros saumons de l'Atlantique, et aucun ne contenait alors de restes de poisson. Un poisson disparaît dans les 36 heures environ à cette température.
M. Peter Stoffer: Très bien, merci.
Le président: M. Duncan aimerait avoir une précision.
M. John Duncan: Je veux simplement poser la question que suscite naturellement votre exposé. Si vous éleviez du saumon du Pacifique dans l'Atlantique, étant donné tous leurs avantages naturels, est-ce qu'ils ne s'imposeraient pas massivement?
M. David Groves: Il y a du saumon du Pacifique dans les Grands Lacs. Si le saumon du Pacifique se retrouvait dans la Voie maritime du Saint-Laurent, cela poserait vraiment un problème au saumon de l'Atlantique, c'est-à-dire qu'il aurait du mal parce que le saumon du Pacifique est plus vigoureux.
M. John Duncan: À votre connaissance, on n'a pas vraiment tenté d'introduire du saumon du Pacifique...
M. David Groves: À un moment donné, il y a des années, du saumon rose a été introduit près du Labrador, et il y a dans les Grands Lacs du saumon rose qui est issu d'un très petit nombre de saumons qu'on avait introduits dans le lac Supérieur. Mais Brad Hicks sait beaucoup mieux que moi ce qui s'est passé. Il y a un certain risque qu'ils s'échappent et à ce moment-là il faudra en tenir compte.
Le président: Carmen, très brièvement.
M. Carmen Provenzano (Sault Ste. Marie, Lib.): Monsieur le président, si ma question demande une longue réponse, M. Groves pourra peut-être la poster au comité.
La réponse que vous avez donnée à la question de mon collègue Lawrence O'Brien m'a intéressé. Quand on parle de piscicultures et de pêche au poisson sauvage, et qu'on dit qu'on essaie d'assurer la prospérité de l'un et l'autre secteurs, de leur permettre de coexister ou de promouvoir leur coexistence, existe-t-il des éléments qui exigeraient qu'on harmonise ce qui se passe autour de nous? Sur la côte Ouest, peut-on agir isolément de ce qui se passe, par exemple, dans l'État de Washington ou en Alaska? Voyez-vous ce que je veux dire? C'est une chose d'assurer l'harmonisation de son propre secteur, mais c'est une tout autre chose quand on se trouve sur la côte et qu'il y a évidemment d'autres éléments qui interagissent. On ne fait qu'accroître le nombre d'intervenants et le nombre d'intérêts à prendre en compte.
• 1635
Pouvez-vous en parler brièvement?
M. David Groves: Eh bien, c'est un peu difficile, parce que tout le poisson de l'État de Washington, d'Oregon, de la Californie et de la Colombie-Britannique remonte au-delà de l'Alaska. Je pense que l'une des raisons pour lesquelles les Alaskiens se sont montrés assez intransigeants face à la salmoniculture, c'est parce qu'il y a encore beaucoup de poissons là-haut, dont un bon nombre sont de chez nous.
Je pense personnellement qu'en ce qui concerne certaines de leurs espèces, comme le coho et le quinnat, et plus particulièrement le quinnat, les choses ne vont pas aussi bien que dans le cas, par exemple, du sockeye et du saumon rose. Je ne pense pas qu'on soit bien loin du jour où, dans le cas du quinnat, on en détiendra dans des enclos en filet et où l'on aura des programmes de maintien de stocks de géniteurs.
Le problème de la pêche au saumon sauvage, comme vous l'avez dit, tient en partie au fait qu'il s'agit de stocks de passage. Ils viennent de toutes sortes d'endroits. Il n'est pas facile de distinguer un poisson qui vient des eaux canadiennes d'un autre qui vient des eaux américaines.
Je ne sais donc pas quelle peut être la solution, mais on peut quand même pratiquer l'aquaculture sans gêner ces migrations.
M. Carmen Provenzano: C'est bien ce que je voulais savoir.
Le président: Merci, Carmen, et merci monsieur Groves, pour cette information.
Monsieur Hicks, nous vous resouhaitons la bienvenue.
Dr Brad Hicks: Merci.
Le président: Peut-être pourriez-vous nous présenter les grandes lignes de votre exposé, monsieur Hicks. Nous sommes de plus en plus pressés par le temps.
Dr Brad Hicks: Je serai très bref. Vous avez un document qui contient beaucoup d'informations, mais il y a en fait trois grands points que j'aimerais faire ressortir.
Tout d'abord, le fait est que la salmoniculture est une très grosse entreprise à l'échelle de la planète, qu'elle fournit un peu plus de 55 p. 100 à 60 p. 100 de tout le saumon produit, selon le rendement de l'Alaska d'une année sur l'autre. Les derniers calculs que j'ai faits remontent à août dernier. À ce moment-là, pour chaque dollar dépensé pour du saumon, 83 étaient versés à un salmoniculteur.
Pour ce qui est de la participation du Canada à cette activité, au point culminant fort, le Canada détenait 12 p. 100 de la valeur du saumon vendu dans le monde, et celle-ci était de 2 ou 3 milliards de dollars. La participation du Canada n'est plus que de 5,5 p. 100. Nous avons donc énormément diminué notre participation au marché mondial du saumon. C'est une chose que je tenais à dire.
Deuxièmement, je souligne que dans les 15 dernières années environ, le Chili qui, en 1985, ne produisait presque rien en fait de saumon, en produit maintenant pour plus de 1,5 milliard de dollars et fait travailler 35 000 personnes dans une région qui était autrefois assez mal en point. À une certaine époque, j'ai géré des piscifactures au Chili et je peux vous dire que l'amélioration du niveau de vie des gens de ces communautés côtières était frappante. Pour l'amour du ciel, je n'arrive pas à comprendre pourquoi nous au Canada ne faisons pas ce qu'il faut pour participer à cette activité en pleine croissance et en plein développement.
L'autre chose que je tiens à dire, très brièvement, c'est que des systèmes fermés, ça n'existe pas. C'est tout. Tous les systèmes d'élevage du poisson sont des systèmes ouverts, d'une façon ou d'une autre. Tous les systèmes d'élevage des animaux de ferme sont des systèmes ouverts. C'est tout.
Or, il se pose une question beaucoup plus compliquée, et je pense qu'elle est au coeur même de tout ce débat sur l'élevage du saumon, c'est le changement de paradigme que nous constatons. Au milieu des années 80, la valeur de la salmoniculture en Colombie-Britannique dépassait les 350 millions de dollars. Je parle du secteur commercial. M. Lane a parlé de tout le secteur du saumon, mais moi je parle exclusivement du secteur commercial.
La salmoniculture représentait donc plus de 350 millions de dollars. Le montant le plus élevé que j'ai vu était de 387 millions de dollars, mais on peut très bien s'en tenir à 350 millions de dollars.
• 1640
L'an dernier, soit seulement 15 ans plus tard, ce secteur de la pêche
ne valait plus que 20 millions de dollars. C'est un changement énorme.
Il a entraîné beaucoup de colère, de ressentiment, et fait beaucoup de
chômeurs. À mon sens, ce changement explique la très grande hostilité
que suscite la salmoniculture.
Dans ce débat, on utilise souvent l'argument de l'environnement. J'ai participé à quatre ou cinq différents types d'évaluations environnementales, et à chaque fois, quand les données arrivent, ceux qui ont pour fonction de trancher concluent que la salmoniculture est un secteur environnementalement durable.
Je demande donc instamment au comité de l'accepter. La salmoniculture est une industrie durable, et nous devrions reconnaître qu'elle est effectivement une industrie durable. Nous devrions reconnaître que comme pour tout système de gestion de la production, elle doit comporter un élément de gestion environnementale. L'examen de la salmoniculture en Colombie-Britannique prévoit un élément de gestion environnementale, qu'on appelle la mesure de notre incidence sur l'environnement, et il existe un système de rétroaction où la mesure de l'incidence sur l'environnement limitera notre productivité.
Je pense qu'au Canada, nous devrions aller de l'avant. Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Hicks, pour ne pas y être allé par quatre chemins.
Monsieur Stoffer.
M. Peter Stoffer: Êtes-vous vétérinaire?
Dr Brad Hicks: Oui.
M. Peter Stoffer: Le Canada autorise l'utilisation de combien de médicaments dans le secteur de l'aquaculture?
Dr Brad Hicks: La gestion du système de médicaments pour utilisation chez les animaux de ferme—peu importe qu'il s'agisse ou non de poissons—est telle qu'il existe en fait trois types de règlements s'y appliquant.
M. Peter Stoffer: Je connais la réponse. Je veux simplement savoir si vous allez la fournir. Ce que je sais, c'est qu'il y en a quatre.
Le président: Êtes-vous sûr de savoir la réponse?
M. Peter Stoffer: Je me suis entretenu privément avec deux ou trois messieurs, et ils disent qu'il y a quatre médicaments qui sont autorisés pour utilisation en aquaculture.
Dr Brad Hicks: En fait, ce n'est pas exact. Il y en a beaucoup plus.
Veuillez m'excuser si je dois prendre un peu de temps.
Il y en a un en vertu de quelque chose qu'on appelle les Medicating Ingredient Brochures, et qui peut être utilisé sans ordonnance. C'est un médicament en vente libre. Quiconque est producteur a probablement utilisé des médicaments en vente libre et sait de quoi je parle. Ce n'est pas inhabituel. Dans le secteur laitier, il y en a un bon nombre. Pour ce qui est de la pisciculture, il y en a un.
Il y en a trois autres qui portent une étiquette disant qu'on peut s'en servir pour les poissons, mais il faut une ordonnance. Pour tous les différents types de médicaments sur le marché, tous les médicaments qui portent un DIN, une identification numérique, peuvent être prescrits par un vétérinaire pour utilisation chez les animaux destinés à la consommation.
Puis il existe une autre catégorie, soit la distribution de médicaments d'urgence. C'est ainsi qu'on se procure des médicaments expérimentaux pour les humains et les animaux. On peut aussi s'en servir comme moyen d'obtenir des médicaments qui sont nouveaux et qui ne portent peut-être pas l'identification numérique. L'identification numérique de la drogue est affichée sur les médicaments une fois qu'ils ont franchi un certain nombre d'étapes à Santé Canada. Je ne m'occupe pas de réglementation, et je ne connais donc pas toutes les étapes à franchir.
Donc, en réalité, on a accès à un grand nombre de médicaments, mais nous n'en utilisons pas tant que cela.
M. Peter Stoffer: D'accord.
Toujours à ce propos, comme vous le savez, Alexa Morton a envoyé pour examen, à Guelph en Ontario, un saumon de l'Atlantique qui contenait 18 médicaments différents. Entres autres, de l'érythromycine. Selon le MPO même:
-
Érythromycine est un médicament délivré sur ordonnance au Canada.
On ne peut s'en servir pour les poissons qu'avec une permission
spéciale de Santé et Bien-être social Canada. Le poisson traité à
l'érythromycine, notamment le poisson ayant frayé, ne peut pas
servir à la consommation humaine, et en aucun cas le médicament ne
peut être administré oralement ni pour vérifier la présence de la
maladie rénale bactérienne dans le poisson destiné à la
consommation.
Il s'agit d'un saumon de l'Atlantique. S'il s'est échappé d'un enclos, je présume qu'il s'agirait de l'archipel Broughton, parce que c'est là qu'il se trouvait, j'essaie de comprendre comment il se fait que de l'érythromycine se soit retrouvé dans un saumon de l'Atlantique et que dans les installations piscicoles c'est justement du saumon de l'Atlantique qu'on produit pour la consommation humaine.
Dr Brad Hicks: Tout d'abord, je pense que ce rapport a été mal interprété. J'ai vu un rapport similaire—je pense que c'est le même, mais comme je n'ai pas vu celui-ci, je n'en suis pas certain—et je dirais que c'est en raison du tableau qu'on a utilisé. Dans un laboratoire, quand on a un animal chez qui on soupçonne la présence d'une bactérie résistante aux médicaments, en fait je suppose que ces 18 médicaments ont été utilisés pour la batterie de tests devant servir à révéler une antibiorésistance; L'analyse poisson n'a pas révélé la présence de ces 18 médicaments.
M. Peter Stoffer: Je vous en remettrai un exemplaire.
Dr Brad Hicks: C'est simplement pour que vous le sachiez. Il serait de plus inhabituel de retrouver 18 médicaments dans un animal quelconque. Disposez-vous d'un rapport analytique qui précise qu'on a retrouvé de l'érythromycine?
M. Peter Stoffer: J'ai simplement ce qui nous a été remis par le Dr McGrogan de l'université de Guelph. C'est un pathologiste.
Dr Brad Hicks: Quoi qu'il en soit, c'était pour que vous le sachiez, je pense qu'on a mal interprété et donc mal compris ce rapport. C'est ce que je dirais d'abord.
Deuxièmement, en vertu de la loi, l'érythromycine pourrait être utilisée dans les piscifactures. Voilà tout ce que je peux dire. Je ne sais pas quel document vous avez du MPO qui dit qu'on ne peut l'administrer par voie orale, mais il existe un mécanisme permettant l'utilisation chez les poissons. Les poissons sont traités comme tous les autres animaux qu'on élève dans des fermes. Les poissons ne sont pas traités différemment sur ce plan. Je sais effectivement qu'on peut employer l'érythromycine pour traiter d'autres espèces, et je suis sûr qu'on peut l'utiliser pour les poissons. Je ne suis au courant d'aucune interdiction spécifique.
M. Peter Stoffer: Ce sera ma dernière observation.
Vous avez fait des comparaisons entre nos installations d'aquaculture et la croissance phénoménale enregistrée au Chili et vous avez aussi parlé des emplois qui s'y rattachent. Mais en toute franchise, monsieur, la plupart des groupes ainsi que moi-même ne voudrions surtout pas voir le Canada comparé au Chili et cela d'aucune façon. Ce pays a l'une des pires législations au monde en matière d'environnement et de conditions de travail. Faire une comparaison avec le Chili pour ce qui est de cette croissance... Je suis heureux que le Canada y aille lentement, afin que nous puissions nous assurer de disposer des meilleures données scientifiques possible pour dissiper les craintes des groupes environnementalistes, des Autochtones et d'autres intéressés. On entend dire que la salmoniculture nuit aux stocks de poisson sauvage et quand on voit ce genre de rapport de scientifiques du MPO—ce ne sont pas des groupes environnementalistes qui le disent—je suis alors heureux que le Canada respecte le principe de prudence et s'assure d'avoir les meilleures données scientifiques possible pour que le jour où l'aquaculture ira de l'avant, nous le fassions en commettant le moins de fautes possible ou encore mieux aucune erreur.
Le président: Merci, Peter.
Monsieur Hicks.
M. Peter Stoffer: Je vous en remettrai un exemplaire, cela dit.
Dr Brad Hicks: Voulez-vous que je réponde?
Le président: Si vous voulez.
Dr Brad Hicks: Je dirais que je sais pertinemment que les lois sur le travail sont différentes au Chili. J'y ai travaillé pendant un certain temps. J'ai aussi grandi dans le fin fond du nord de l'Ontario. Quand j'étais enfant, les lois sur le travail au Canada n'étaient pas très différentes de ce qu'elles sont au Chili maintenant. J'employais 50 travailleurs au Chili. Pour ne rien vous cacher, j'ai été expulsé de la Colombie-Britannique, et je n'en suis pas heureux. Je suis parti au Chili parce que j'ai été expulsé de mon pays, non pas parce que je voulais aller au Chili. Au Chili, il y a des normes en matière salariale et un programme de soins de santé pour tous les travailleurs. Nous fournissons des vêtements à tous les travailleurs au Chili, et il y a un bureau d'indemnisation des travailleurs là-bas. La situation n'est pas celle que la presse veut bien vous présenter.
Le président: Merci, monsieur Hicks, pour cette précision.
La parole est à M. Cummins, puis à M. O'Brien.
M. John Cummins: Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci, monsieur Hicks.
Pour revenir à votre changement de paradigme, je m'inquiète toujours quand j'entends parler de changements de paradigme, et quand j'ai lu la description que vous en faisiez, je pense que j'avais tout lieu de m'inquiéter.
Il ne me semble pas utile de considérer l'aquaculture comme si elle allait nécessairement remplacer la pêche au saumon sauvage. Il est bien certain que la gestion des stocks de saumon sauvage n'a pas été utile. C'est un problème gouvernemental, le gouvernement a exploité ou géré les pêches comme un programme social plutôt que comme s'il s'agissait d'une entreprise commerciale. Les pêches florissantes affichent des résultats nets positifs, et je pense qu'il doit en être ainsi.
• 1650
Je ne pense pas que la gestion de la pisciculture entraîne
nécessairement l'abandon d'une activité pour l'autre. S'il y a un
changement, c'est probablement le passage d'un système vieux de dix
ans qu'on utilisait en pisciculture à un système moderne, le système
dont nous avons entendu parler ces derniers jours, où les
pisciculteurs ont amélioré leur procédé.
Quant au mythe des systèmes clos, de tels systèmes n'existent pas. Je ne sais pas bien pourquoi. Est-ce simplement parce qu'on déverse tout ce qu'on prend directement dans l'eau? Qu'est-ce qui se passe?
Dr Brad Hicks: L'eau s'écoule dans ce qu'on appelle maintenant plus exactement un circuit «enfermé» plutôt qu'un circuit «fermé». Un circuit fermé donne à penser en quelque sorte qu'on est complètement isolé de l'environnement et de toute interaction avec ce dernier. Essentiellement, ces circuits pompent de l'eau de l'océan, l'utilisent pour les poissons, puis l'eau retourne dans l'océan.
Je soutiens qu'actuellement l'eau vient de l'océan, passe par les poissons et retourne à l'océan. La différence se situe davantage au niveau du type de filet utilisé comme le suggère M. Sekora.
La différence tient à ce qu'on appelle les systèmes enfermés. Le tissage est effectivement assez serré. On ne peut pas voir à travers; c'est vraiment serré. En réalité, sur le plan environnemental, il n'y a presque pas de différence. Des poissons s'échappent des circuits enfermés. Ces derniers peuvent se briser par gros temps tout comme ce peut être le cas pour une installation conventionnelle. L'azote excrétée par les branchies du poisson est en grande partie soluble dans l'eau.
Je ne crois pas que quiconque, bien franchement, ait réfléchi en détail à ce que peut être un système enfermé ni à ce qu'on pense pouvoir vraiment en tirer. Je ne pense pas qu'on y ait réfléchi à fond.
M. John Cummins: Peut-être que ce à quoi on pensait, c'était le type de circuits utilisé au Nouveau-Brunswick et que le président a mentionné plus tôt, ces circuits installés à terre. Nous avons posé la question ce matin pour savoir si oui ou non les systèmes terrestres équivalaient aux systèmes marins, et on nous a dit que c'était le cas, mais vous dites essentiellement le contraire.
Dr Brad Hicks: Encore là, je ne vois pas bien ce que vous entendez par un système terrestre. Une écloserie fédérale en Colombie-Britannique est un système terrestre, mais c'est un système grand ouvert. Il y a une installation avec une pompe terrestre à Nanaimo, que l'on considère comme un système terrestre. On a une pompe, elle apporte l'eau qu'on utilise pour l'élevage du poisson, puis il y a une autre canalisation qui retourne à l'océan. Dans mon document, ce que je dis, c'est qu'en réalité on a un système où il y a beaucoup de plomberie.
Si l'on y regarde de près, de la molécule d'eau à la molécule d'azote, on n'a pas vraiment changé grand-chose, sinon qu'on a ajouté de la plomberie. D'une certaine façon, cela en a rassuré certains, mais pour ma part je ne comprends pas en quoi, sauf, bien sûr, que c'est la façon la plus chère d'élever le poisson.
M. John Cummins: Je croyais qu'un système de filtration était essentiel.
Dr Brad Hicks: Je le redis, je ne connais personne, d'abord, qui ait vraiment pris le temps d'examiner la situation et d'établir ce qu'on filtre, puisque essentiellement il s'agira de carbone. Le carbone n'est généralement pas considéré comme un polluant. Le carbone organique est considéré comme un nutriment.
Si l'on veut avoir un débat sérieux, il faudrait parler de cycles nutritifs et de capacité porteuse.
Le président: D'accord. Voulez-vous ajouter autre chose, monsieur Hicks?
Dr Brad Hicks: Non, je pense que c'est tout.
Le président: D'accord. Monsieur Bernier, dernière question.
[Français]
M. Yvan Bernier: Je vais revenir un peu sur ma ligne de pensée philosophique de tout à l'heure. Je pense que cela vous a fait sourire. Tout d'abord, monsieur Hicks, vous êtes vétérinaire.
Dr Brad Hicks: Oui, c'est ça.
M. Yvan Bernier: J'aimerais trouver la correspondance entre votre titre et celui qui existe au Québec; que veut dire exactement votre titre de docteur? Êtes-vous vétérinaire en ce sens que vous soignez indistinctement tous les animaux, ou si votre spécialité est le saumon?
Voulez-vous aussi me dire si vous êtes engagé de quelque façon dans l'élevage? Quel est votre niveau d'expertise par rapport à notre problème concernant les installations d'élevage de saumon?
[Traduction]
Le président: Monsieur Hicks.
Dr Brad Hicks: Pour répondre à la première question, je suis diplômé en biologie des pêches, diplômé en médecine vétérinaire—diplôme qui couvre toutes les espèces, et non pas simplement les poissons; et j'ai une maîtrise en ichtyopathologie.
Dans les Grands Lacs seulement, j'ai dû effectuer environ 250 000 autopsies quand j'étudiais la situation du poisson dans cette région. J'ai beaucoup lu sur le saumon du Pacifique et l'écologie du saumon. J'ai passé de nombreuses années à travailler sur l'écologie du saumon dans les Grands Lacs. Voilà donc pour ma formation et mon expérience.
J'ai assisté à de nombreuses séances environnementales où l'on étudiait l'interaction entre le poisson d'élevage et le poisson sauvage. Bien franchement, plus tôt on a demandé pourquoi on n'étudie pas l'interaction entre le poisson d'élevage et le poisson sauvage. En fait, il existe énormément d'information sur le sujet. Le problème tient en partie au fait que c'est écrit en latin et en grec. Ces articles paraissent dans des publications scientifiques, et le grand problème c'est que les gens ne peuvent pas les lire.
Le MPO a finalement embauché un vétérinaire cette année. C'est la première fois cette année qu'ils embauchent un vétérinaire, ce qui répond donc à la question.
Qu'est-ce qui se passe au Québec?
[Français]
M. Yvan Bernier: Je voulais seulement trouver un point de comparaison par rapport à ce qui existe au Québec dans votre métier. Je ne vois pas beaucoup de vétérinaires s'occuper des poissons chez nous.
Mon autre question concerne le paragraphe où est abordé le mythe du système fermé. M. Cummins l'a abordé. Vous expliquez très bien ce que vous voulez dire par là, mais vous reconnaissez aussi au milieu du paragraphe, à la page 3, qu'il est possible que l'environnement immédiat d'une ferme d'élevage ne puisse pas assimiler ou détruire la nourriture ou la matière organique qui est produite, ce qui peut entraîner une chute de la productivité de cet environnement comme tel.
En réponse à cela, vous dites que les nouveaux critères d'aquaculture du saumon, tels que définis auprès de la province par le SAR, pourraient permettre la mise au point d'une méthode.
Croyez-vous que ce soit suffisant? Ne croyez-vous pas que cela fourbit les armes des gens qui s'y opposent? Je pense, par exemple, aux Premières Nations, qui sont contre l'installation de fermes d'élevage du saumon dans leur environnement immédiat. Vous confirmez que cela peut causer des dommages au milieu. Est-ce que le fait de relocaliser ces fermes nous apporterait plus de certitude? Comme je vous le dis, je ne suis pas un expert, mais c'est la première fois que quelqu'un qui est en faveur de l'élevage du saumon à filets ouverts reconnaît que cela peut causer des dommages au milieu.
• 1700
Dans ma recherche philosophique, qui m'amène à me demander qui dit
vrai, je vous demande si vous croyez que ces critères seront
suffisants.
[Traduction]
Dr Brad Hicks: Durant l'évaluation environnementale, on a proposé de nombreux modèles pour gérer la salmoniculture. Nous en sommes arrivés à des normes axées sur le rendement par consensus avec les environnementalistes, les salmoniculteurs et le gouvernement, étant donné qu'il s'agit d'un mécanisme commun de gestion des questions environnementales.
Quand on y réfléchit, on ne peut rien faire sans que cela ait un effet sur l'environnement, quoi qu'on fasse. Le producteur laitier a un tas de fumier. Le bureaucrate à Ottawa a un bureau. Il y avait autrefois un arbre là où se trouve ce bureau. Nous sommes donc en interaction avec l'environnement. La norme axée sur le rendement est un mécanisme de rétroaction par lequel si l'on dépasse la capacité porteuse là où se trouve l'exploitation, le gouvernement dispose d'un mécanisme pour réduire l'incidence. C'est un système de rétroaction naturelle. C'est le principal mécanisme actuellement utilisé dans la gestion environnementale de la plupart des secteurs.
Je pense que cela devrait bien fonctionner. On a déjà ce type de système en place dans l'État de Washington et cela fonctionne bien. À ce que je sache, ça fonctionne bien.
Le président: Merci.
Monsieur Bernier, vous avez une dernière question?
[Français]
M. Yvan Bernier: Il me semble que, dans l'État de Washington, on ait aussi des problèmes de santé des rivières, à moins que je n'aie pas très bien compris ce qu'on nous a dit la semaine dernière.
La dernière question que je veux vous poser est toujours en rapport avec ce que vous dites, à savoir que les élevages peuvent affecter l'environnement immédiat, mais qu'on peut réussir à trouver des méthodes ou des façons de faire qui n'affecteront pas l'environnement.
Je vais vous poser une question qui ne porte pas du tout sur l'élevage, mais qui est en rapport avec l'environnement et aussi avec la sécurité publique. Que faut-il penser du fait que les égouts de la ville de Victoria se déversent au large, à ce qu'il paraît? Je ne sais pas si vous êtes au courant du problème. Est-ce la même explication? On nous dit qu'ils sont envoyés assez loin, en quantités assez petites, et que l'environnement marin est assez fort pour les détruire.
Est-ce que vous voulez établir une comparaison avec cela, si vous connaissez le problème des égouts de Victoria, et est-ce la chose que vous cherchez à nous faire comprendre à propos des élevages à filets ouverts sur les rivières?
[Traduction]
Dr Brad Hicks: Je ne connais pas tous les détails du système d'égout de Victoria. Je sais qu'on compare souvent la matière organique qui quitte les piscifactures à des eaux d'égout, et on fait souvent cette comparaison. Je pense que c'est pour soulever des émotions, puisque ce qui sort des salmonicultures ce ne sont pas des eaux d'égout comme telles. Les eaux d'égout sont des matières organiques très complexes qui incluent bien d'autres choses que du carbone, de l'azote et du phosphore. Elles comportent énormément de matières chimiques que nous ajoutons à l'eau.
Dans la salmoniculture, l'effluent est composé principalement de matières digérées, d'excréments. Les matières digérées proviennent des aliments, et essentiellement tous les ingrédients contenus dans les aliments du saumon sont de bons ingrédients qu'on pourrait consommer. C'est donc un peu différent. Tout d'abord, il ne s'agit pas que d'eaux d'égout. Compte tenu des normes axées sur le rendement, on peut surcharger le système si l'on exploite une trop grosse installation sur une superficie trop petite. C'est là que les problèmes commencent. Avec les normes axées sur le rendement, il y a moyen de mettre un frein à cela. C'est pourquoi dans cette province, après beaucoup de discussions, les groupes ont accepté cette façon de procéder.
Le président: Merci, docteur Hicks. Nous devrons nous arrêter là. Si les membres ne voulaient pas tant en savoir, nous procéderions plus rapidement, mais nous avons besoin de ces réponses.
Dr Brad Hicks: Merci beaucoup.
Le président: Monsieur Stephen Cross, soyez le bienvenu.
M. Stephen F. Cross (président, directeur de la recherche, Aquametrix Research): Monsieur le président, je serai très bref dans l'intérêt du comité, étant donné que j'ai déjà cinq minutes de moins pour parler.
J'ai renoncé à utiliser le discours que j'avais préparé, et je vais simplement...
Le président: Nous l'avons pour publication, toutefois.
M. Stephen Cross: C'est bien. Je parlerai brièvement de trois choses, puis on pourra me poser des questions, si cela convient au comité.
Je m'occupe d'aquaculture depuis 14 ans, à titre d'expert-conseil indépendant en environnement. Quand je parle à l'industrie, ce n'est pas qu'aux entreprises qui élèvent du saumon mais aussi aux ministères qui régissent cette industrie, notamment le MPO, le ministère de l'Environnement, des Terres et des Parcs de la Colombie-Britannique et le ministère de l'Agriculture, des Pêches et de l'Alimentation de la Colombie-Britannique.
Les 14 dernières années, j'ai mené diverses études au nom de ces organismes gouvernementaux et j'ai fait pas mal de travail pour l'industrie au cours des six dernières années en matière de gestion de l'environnement.
Le travail que j'ai effectué au nom de tous ces groupes m'a permis de visiter 104 centres de salmoniculture sur la côte et de recueillir de l'information environnementale. Les commentaires que je ferai donc s'appuient sur une véritable expérience bien concrète sur le terrain, si l'on peut dire. Je tenais à le préciser.
J'ai trois éléments à souligner dans le document que vous avez sous les yeux. Le premier, c'est qu'il y a un impact sur le benthos, c'est-à-dire sur le fond océanique, du fait de la salmoniculture. Personne ne va le nier; il existe de nombreuses preuves incontestées de l'existence d'un impact réel. Cet impact se produit principalement en dessous de la piscifacture de saumon même et, d'après les renseignements dont nous disposons, s'étend à une cinquantaine de mètres autour du périmètre de la piscifacture.
Deuxièmement, il s'agit de la seule industrie, à ma connaissance, qui est directement affectée elle-même par ses déchets environnementaux. Que je sache, il n'existe pas beaucoup d'industries le long de la côte de Colombie-Britannique ou de la côte canadienne qui soient influencées par leurs propres rejets de déchets, y compris les usines de pâtes et papiers, le flottage à bûches perdues, les rejets municipaux et les résidus des opérations minières. Toutes ces activités commerciales rejettent des matières pour s'en débarrasser.
Dans le processus même de pisciculture, la salmoniculture perd des déchets organiques en cours d'exploitation. Cela inclut les aliments accessoires et les matières fécales des poissons. Ces matières tombent sur le sol marin et se décomposent naturellement dans l'environnement. Si elles dépassent la capacité d'assimilation de l'environnement, les premiers à en être affectés seront les poissons de la couche sus-jacente. C'est vraiment conforme au scénario du canari dans le puits de mine. Ces pisciculteurs doivent donc vraiment surveiller et gérer l'environnement, puisque ce sont eux qui subiront les premiers les conséquences négatives.
De ce fait, et c'est là ma troisième observation, il y a eu et il continue d'y avoir des améliorations apportées aux pratiques du secteur. Dans mon mémoire, je fais état de quelques-unes des grandes activités et de certains processus qui ont été modifiés au cours des dix dernières années et qui continuent de changer. L'un d'eux est celui des pratiques d'élevage, c'est-à-dire des formations désormais dispensées aux pisciculteurs et des méthodes d'élevage de poissons sur le site. Il y a eu des améliorations technologiques des méthodes d'élevage. La plus importante d'entre elles, le long de la côte, c'est l'utilisation de caméras.
Pratiquement tous les systèmes d'enclos de la côte ont une caméra fixée à l'enclos inférieur, qui donne une vue du site en contre-plongée. Lorsque l'exploitant, qui est situé à côté de l'enclos, jette une brassée d'aliments dans l'enclos, il regarde l'image que lui envoie la caméra et voit les poissons qui nagent en rond. Dès qu'il voit un granulé d'aliment passer à travers le banc de poissons et poursuivre sa chute, l'alimentation est interrompue. Cette amélioration technologique, qui ne s'est produite qu'au cours des dix dernières années, a donc considérablement réduit les pertes d'aliments dans l'environnement.
Il y a eu d'autres améliorations importantes de la qualité des aliments, de la gestion du cheptel reproducteur et du choix d'emplacements des piscifactures. Nous avons récemment adopté de nouvelles techniques océanographiques et les avons appliquées à notre industrie, pour choisir les sites optimaux d'installations de structures de cages en filet, afin de s'assurer qu'il y ait un mouvement d'eau optimal dans les cages et un mouvement d'eau suffisant au niveau du sol marin pour assimiler les déchets.
• 1710
Toutes ces technologies ont été appliquées et continuent d'être
appliquées, ce qui permet à la gestion des déchets de s'effectuer de
façon efficace. Dans mon mémoire, vous verrez des chiffres qui
montrent, en fait, les améliorations constatées au cours des dix
dernières années.
Dans le cadre de cette idée d'amélioration constante des pratiques de l'industrie, nous appliquons actuellement les principes et les lignes directrices du programme ISO 14001 au secteur de la salmoniculture de la côte Ouest. Deux des plus grandes entreprises de cette région ont retenu nos services pour élaborer des systèmes régularisés de gestion environnementale. Elles tiennent donc à constamment apporter des améliorations. Elles ne se contentent pas simplement d'en parler. Elles apportent vraiment des améliorations à cet aspect de l'exploitation.
Je suis prêt à répondre à vos questions.
Le président: Merci, monsieur Cross. Nous avons eu l'occasion de voir une de ces caméras fonctionner à la piscifacture où nous nous trouvions. J'ai une certaine connaissance de ces problèmes d'alimentation, parce que je suis un producteur laitier. Les gens de votre milieu semblent toujours donner l'exemple de l'industrie laitière.
Monsieur Duncan.
M. John Duncan: Vous mentionnez 104 sites, et je me demande si cela inclut des sites abandonnés de la région de Sechelt ou s'il s'agit uniquement de sites dans les emplacements actuellement occupés ou en attente d'exploitation.
M. Stephen Cross: C'est la liste que j'ai établie depuis 14 ans que je fais ce travail, depuis le milieu des années 80. Elle inclut donc certains sites de la région de Sechelt, certains sites du sud, tels que Nanoose et d'autres à Sooke.
M. John Duncan: Existe-t-il un système qui permette de nettoyer les sites d'anciens engins de pêche et d'autres débris? Par exemple, dans la région de Sechelt, on a trouvé certains de ces débris, mais l'entreprise qui était là à l'époque n'existe plus ou est introuvable. Si je soulève cette question, c'est parce que je sais qu'il y a un pêcheur de crevettes qui a perdu des engins de pêche dans une de ces régions et qui attribue cette perte au fait qu'il y a déjà eu une piscifacture à cet endroit et que l'entreprise n'a pas nettoyé le site à son départ.
M. Stephen Cross: C'est un petit peu en dehors de mon domaine de compétence. Je m'intéresse principalement à la gestion des déchets d'exploitation. Toutefois, j'imagine que, parmi les conditions imposées à l'exploitant lorsqu'on lui accorde un permis, il en est une qui le contraint à débarrasser le site de tout son matériel au moment de son départ.
M. John Duncan: Très bien. Je n'insisterai pas.
Connaissez-vous bien la région assujettie à des poursuites judiciaires... Les accusations de Lynn Hunter?
M. Stephen Cross: Je n'ai pas eu l'occasion de m'occuper de ce site-là. J'ai examiné certains des renseignements provenant de l'entreprise. Il y a quelques années, il y avait eu une étude gouvernementale effectuée sur ce site. Je n'ai pas moi-même fait des relevés sur ce site précis de l'entreprise. Je connais la région—l'archipel de Broughton. Nous avions fait des mesurages sur un certain nombre d'autres sites dans cette région.
M. John Duncan: Considérez-vous ce site comme étant typique ou atypique?
M. Stephen Cross: Il m'est difficile de le dire sans avoir vraiment vu les renseignements disponibles. C'est probablement un site moyen, d'après le souvenir que j'ai des données que nous avons recueillies. Mais les données ne sont pas très nombreuses.
M. John Duncan: D'accord.
Le président: Merci, monsieur Duncan. Je me posais moi-même la question, parce que c'est un problème dans d'autres régions du pays. Il y a des débris qui restent, même ceux que laissent les mytiliculteurs, par exemple. N'est-ce pas là une question de compétence provinciale?
M. John Duncan: Non, parce qu'il s'agit d'un habitat sous-marin.
Une voix: Les sites sont assujettis à des baux provinciaux.
M. John Duncan: Les baux sont provinciaux, mais le MPO peut insister pour qu'ils soient nettoyés.
Le président: Le comité devra certainement examiner cela. Nous avons entendu parler de choses effarantes qui se sont produites dans de nombreuses régions. En fait, à Terre-Neuve, une personne a été tuée par une bouée, parce qu'elle n'était pas bien placée.
Monsieur Stoffer.
M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président. Stephen, merci de votre exposé.
En 1997, l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) a élaboré un code de pratique pour les exploitations d'aquaculture du monde entier, j'imagine. Je crois comprendre qu'actuellement, en Colombie-Britannique, l'industrie s'occupe de préparer son propre code de pratique. Dans quelle mesure ce code de pratique—je ne sais même pas si vous pouvez vraiment répondre à ma question—peut-il s'inspirer du premier? Pour l'avoir lu, je trouve qu'il est propice au développement de l'aquaculture et qu'il permet de réduire les craintes de nombreuses personnes concernées. Ne faudrait-il pas simplement conseiller aux gens de la Colombie-Britannique de prendre le code de pratique de la FAO et d'y apporter quelques modifications pour respecter les normes de la Colombie-Britannique?
M. Stephen Cross: Je ne peux pas vous dire comment ils s'y sont pris pour préparer leur code de pratique. En fait, ils ne l'ont publié que la semaine dernière. D'après ce que j'en sais, il est prêt. J'en ai un exemplaire. Je parle de celui de la Colombie-Britannique. Je n'ai pas encore eu l'occasion de le lire.
M. Peter Stoffer: Je pourrais peut-être en obtenir un exemplaire.
M. Stephen Cross: D'après ce que j'en sais, nous venons tout juste de recevoir notre exemplaire. Je ne l'ai pas encore lu. Nous avons l'intention de prendre le code que l'industrie a préparé et de l'inclure dans le système de gestion de l'environnement (SME) ISO 14001 pour les clients avec lesquels nous traitons sur la côte. Cela leur permettra de renforcer leur SME.
Je sais que le code de pratique qu'a préparé l'industrie de la Colombie-Britannique est appelé à évoluer. La version actuelle est une première tentative. Ensuite, à mesure que se dessineront de nouveaux scénarios, nous continuerons constamment à l'améliorer.
M. Peter Stoffer: Très bien.
Vous avez parlé des caméras. Nous en avons vu une. C'était intéressant de voir tous ces poissons nager. Mais y a-t-il une caméra installée au fond de chaque enclos?
M. Stephen Cross: Oui, il y en a une dans la plupart des enclos.
M. Peter Stoffer: Là où nous étions, combien y a-t-il d'enclos dans un site moyen? Cinq, six, sept, huit?
M. Stephen Cross: Le nombre d'enclos?
M. Peter Stoffer: Oui.
M. Stephen Cross: Cela dépend de la taille de l'enclos. Il y en a de plus grands, et ils seraient donc moins nombreux.
M. Peter Stoffer: Lorsque nous étions là, nous avons vu un distributeur automatique d'aliments qui tournait sans cesse. Pourtant, je n'ai vu personne aller voir, à la caméra, si les granulés... Vous avez dit que si un granulé tombe, l'alimentation s'interrompt, n'est-ce pas?
M. Stephen Cross: Je peux vous donner l'exemple d'un site juste au nord de Campbell River qui combine la présence de caméras et de distributeurs automatiques d'aliments. En fait, il y a un réseau de caméras multiples installées dans tout le système. Il y en a donc une au fond de chaque enclos. Elles sont toutes reliées à un écran informatique, dans la cabine. Là, il y a quelqu'un qui, assis sur sa chaise, peut, en fait, surveiller tous les enclos. Il peut contrôler l'enclos numéro un et y déverser des aliments. Ensuite, d'un simple clic sur la souris, il peut passer à l'enclos numéro deux et peser sur un bouton pour que des aliments y soient jetés.
M. Peter Stoffer: C'est comme le responsable de la sécurité d'un grand hôtel.
M. Stephen Cross: Oui, ça ressemble beaucoup à cela.
M. Peter Stoffer: Cette personne peut donc surveiller tous les enclos.
M. Stephen Cross: Oui. C'est essentiellement un système automatisé, mais le préposé peut quand même contrôler directement l'alimentation.
M. Peter Stoffer: Je vous remercie de cette mise au point.
Le président: Merci.
Monsieur Cummins, dernière question.
M. John Cummins: Je voudrais parler de la section sur la composition des déchets. Vous y parlez du tristement célèbre système principal d'épuration des eaux usées de Victoria. Je trouve que vous soulevez là une question intéressante. Les membres du comité voudront peut-être prendre note de cela.
Je trouve également que vous faites des observations intéressantes lorsque, traitant de la récupération environnementale, vous parlez des résidus que laisse le flottage à bûches perdues, de la longévité des détritus qui restent sur le fond marin et d'autres problèmes similaires. Je ne sais pas si vous voulez ajouter quelque chose à cela, mais je pense qu'il serait utile que les membres du comité en prennent note.
M. Stephen Cross: Oui, je fais ces observations parce qu'en qualité de biologiste de la vie marine, d'océanographe et de biologiste spécialisé en évaluation environnementale, mon travail m'a amené à entrer en contact avec toutes les autres activités commerciales et industrielles le long de la côte, y compris le flottage à bûches perdues. Étant donné qu'en Colombie-Britannique la salmoniculture occupe environ 0,3 p. 100 de l'estran accordé en tenure, comparativement à plus de 30 p. 100 pour le flottage à bûches perdues, il est naturel de vouloir faire la comparaison. Le flottage à bûches perdues s'effectue sur une très vaste superficie et les déchets sont de nature semblable à la salmoniculture, sauf que dans le cas du flottage, on parle de bûches et de parties d'écorce qui se déposent sur le fond marin. Ce sont quand même des matières organiques et elles s'accumulent.
On pourrait faire une analogie. Mettons que l'on prenne de la nourriture pour chien Puppy Chow au lieu des aliments pour poisson et qu'on en fasse dissoudre un peu dans un verre d'eau. C'est cela que nous comparons à un morceau d'écorce. Le temps qu'il faut pour que soient assimilés cet aliment pour poisson ou les matières fécales des poissons est très différent du temps qu'il faut pour assimiler un morceau d'écorce. L'écart est de quelques dizaines, voire d'une centaine d'années. Par conséquent, selon moi, pour légitimer une industrie du point de vue des déchets qu'elle suscite, il faut la comparer à une autre.
M. John Cummins: Ce sont des observations judicieuses.
Le président: Merci. Oui, il y a d'excellentes observations dans le mémoire.
La semaine dernière, nous avons justement fait une visite de Victoria en bateau.
Merci beaucoup, monsieur Cross. Je ne vois plus personne qui veuille vous poser des questions. Merci d'avoir été aussi bref que possible.
M. Stephen Cross: Merci.
Le président: Nous passons maintenant à Mme MacBride, de la Georgia Strait Alliance, et nous aurons encore un témoin après cela.
Madame MacBride, je vous souhaite la bienvenue. Avez-vous un exposé?
Mme Laurie MacBride (directrice exécutive, Georgia Strait Alliance): Oui. Merci.
Le président: Comme vous le savez, nous avons eu une petite conversation.
Mme Laurie MacBride: J'allais justement dire que je sais que vous avez eu une longue journée; ne vous inquiétez pas, je ne vais pas lire mon exposé.
J'aimerais toutefois en aborder quelques éléments et vous dire essentiellement ce qui s'y trouve afin que vous puissiez l'emporter et, espérons-le, le lire plus tard. Je vais principalement traiter des questions qui relèvent de la compétence fédérale et je ne passerai pas beaucoup de temps à traiter de celles qui sont du ressort des provinces.
Commençons d'abord par quelques observations au sujet du ministère fédéral des Pêches et de son attitude à l'endroit de l'aquaculture par cage en filet dans toute la Stratégie fédérale de développement de l'aquaculture. Nous constatons que le MPO a activement fait la promotion de la salmoniculture par cage en filet et a parfois supprimé de l'information critique et négligé d'agir pour protéger les poissons sauvages qui, selon nous, représentent le principal mandat du MPO. Dans la première section de mon mémoire, j'en donne un certain nombre d'exemples que vous voudrez peut-être examiner plus tard. Essentiellement, ce que je dis dans cette section, c'est qu'il est abusif et tout à fait inapproprié que le MPO soit l'organisme de réglementation qui agisse comme promoteur de la salmoniculture, comme il l'a fait et continue de le faire dans de nombreux cas.
La deuxième section porte sur les maladies des poissons de pisciculture. Comme vous le savez, au Nouveau-Brunswick, le gouvernement provincial a adopté une mesure radicale en ordonnant l'abattage de millions de poissons de pisciculture pour empêcher l'anémie contagieuse du saumon de se propager au saumon sauvage. Malgré cela, en octobre dernier, on a trouvé des poissons sauvages infectés par cette maladie. Cette maladie a été jugée suffisamment grave en Écosse pour que près d'un quart de toutes les piscifactures soient mises en quarantaine, ce qui n'empêche pas qu'elle se propage quand même.
En novembre, pour la première fois, des fonctionnaires écossais ont constaté que le virus a été décelé dans plusieurs espèces de poisson sauvage, y compris des saumons, des truites et des anguilles. En Écosse, les scientifiques du gouvernement reconnaissent maintenant qu'il y a peu d'espoir d'enrayer la progression de la maladie. L'anémie du saumon est hautement contagieuse et il me semble qu'elle ne tardera pas à se produire en Colombie-Britannique parce qu'on la retrouve maintenant dans tous les pays dont le Canada importe des oeufs de l'Atlantique.
Bien sûr, l'anémie du saumon n'est qu'une des maladies qui infectent les saumons piscicoles. Il y en a de nombreuses autres. Je parle également, dans cette section, de certaines des autres maladies.
J'ai quelques images que je voudrais porter à votre attention. À qui puis-je les remettre pour que vous vous les passiez de l'un à l'autre?
Une voix: Ici.
Mme Laurie MacBride: La première photo, qui porte le numéro 1, montre un saumon de l'Atlantique pris dans un ruisseau dans la région de l'archipel de Broughton, en automne dernier, après qu'il se soit échappé d'une piscifacture de la région. Il a des signes manifestes de maladie. À l'époque, les travailleurs ont pensé que cette maladie pouvait bien être la furonculose, mais ces poissons ont été envoyés à deux laboratoires indépendants qui ont révélé que les deux poissons étaient infectés par une bactérie et que, de surcroît, le deuxième poisson s'était révélé porteur d'une deuxième bactérie. Ces bactéries, Aeromonas hydrophila et Serratia liquefaciens, peuvent causer une variété d'infections chez les humains, qui vont de la diarrhée—maladie relativement bénigne—à la maladie dévoreuse de chair. Il existe au moins un exemple d'un pêcheur qui a perdu son avant-bras à cause de cette maladie après avoir été exposé à cette bactérie après s'être lacéré le pouce sur la nageoire d'un poisson pêché dans le Détroit de Georgie. C'était la même maladie.
Le Dr Warren Bell, de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement, a examiné de près les constatations des laboratoires et a déclaré: «Je crois que les gens qui pêchent dans cette région devraient certainement être avertis». Autrement dit, la santé des gens de la région risque d'être compromise, mais il n'existe aucun avertissement public en ce sens. Il y a, dans cette section, quelques autres exemples de maladies de poissons et des effets qu'elles ont sur les humains.
• 1725
La troisième section porte sur les antibiotiques. Comme vous le
savez, les aliments qu'on donne aux poissons en contiennent. Une
utilisation poussée d'antibiotiques à certaines périodes, y compris
des antibiotiques semblables à ceux dont on se sert pour traiter des
infections humaines, accroît la préoccupation à l'endroit de la santé
humaine et de l'écosystème marin.
Évidemment, on se sert également d'antibiotiques pour élever le bétail. Il s'agit toutefois d'un sujet de préoccupation réelle en pisciculture, en raison de la nature de l'environnement marin et du fait que l'on ne peut pas contenir l'application des médicaments, comme les agriculteurs peuvent le faire dans leurs exploitations agricoles. Les antibiotiques sont donnés dans les aliments, et les granulés d'aliments sont jetés sur les parcs en filets. Les poissons ne peuvent absorber que de 2 à 10 p. 100 des antibiotiques qu'on leur donne et le reste peut sombrer en dessous des cages, où d'autres poissons et des crustacés peuvent le consommer.
Une étude de l'Université de la Colombie-Britannique a permis de constater que des crustacés situés à 300 mètres des lieux de pisciculture avaient absorbé des quantités importantes d'antibiotiques. Cela touche donc d'autres organismes de la région. L'étude de 1994, que je cite dans mon exposé, a permis de constater que la chair de 74 p. 100 à 100 p. 100 des poissons sauvages pris près des piscifactures contient des antibiotiques, dans certains cas à des niveaux supérieurs au niveau acceptable pour être consommée par un être humain. Nous estimons qu'il faudrait que tous les poissons de pisciculture soient étiquetés de façon que les consommateurs puissent prendre leur décision d'acheter ou de ne pas acheter en connaissance de cause, sachant qu'il peut y avoir des résidus d'antibiotiques dans certains de ces poissons.
La quatrième section porte sur les produits antiparasitaires. Celui dont je parle principalement, c'est l'ivermectine, un antiparasitaire très toxique. Deux millilitres suffisent pour tuer tous les parasites dans un animal de 1 000 livres. Lorsqu'on a effectué une étude sur le traitement contre le pou du poisson, il y a deux ans, l'industrie a assuré au gouvernement provincial qu'elle n'utilisait aucun produit chimique ni médicaments en Colombie-Britannique pour traiter les poux du poisson. Toutefois, des demandes faites en vertu des lois sur l'accès à l'information ont permis de constater que cela était faux, et qu'en 1997 seulement, on a utilisé 107 kilogrammes d'ivermectine dans les piscifactures de la côte ouest de l'île de Vancouver.
Il y a donc là deux graves questions: (1) le fait que l'industrie ait menti au gouvernement provincial; et (2) l'utilisation d'un produit dont le fabricant même ne recommande pas qu'il soit utilisé dans un environnement marin, vu sa toxicité pour d'autres organismes.
L'industrie n'arrête pas de nous dire que ces histoires-là sont chose du passé, que les pratiques ont changé et qu'elles sont bien meilleures aujourd'hui. Pourtant, il y a à peine deux semaines, une piscifacture de l'archipel de Broughton, à Wehlis Bay, a accidentellement tué 7 000 saumons au moyen d'une surdose d'ivermectine. Je crois que vous avez entendu des témoignages à ce sujet l'autre jour. L'ivermectine a été introduite dans les aliments des poissons pour réagir à la présence de poux du poisson. L'une de nos préoccupations, c'est qu'une partie de ces aliments peut être passée par les cages en filet pour être consommée par d'autres éléments de la faune et de la flore marines. L'ivermectine ne se contenterait pas de tuer les poux de mer; elle peut également tuer des crevettes, et cette piscifacture était proche d'une zone où des pêcheurs sportifs pêchent la crevette. Nous nous préoccupons donc des répercussions possibles sur la santé des gens de la région.
La cinquième section porte sur les poissons morts et les autres déchets. Je parle là des poissons morts dans les piscifactures. C'est une problématique que soulève directement l'incident de Wehlis Bay. Que fait-on de 7 000 poissons morts? J'aimerais porter à votre attention la deuxième et la troisième photos. Il s'agit d'une barge de poissons morts qui se trouvent dans la région de l'archipel de Broughton.
Lorsque j'ai vu cette barge j'ai pris ces photos; les fourre-tout en plastique étaient pleins à craquer de poissons de pisciculture morts, qui constituaient une masse brune informe. Si vous regardez ces photos de près—je ne sais pas où elles sont en ce moment—, vous verrez de petits points blancs dans cette masse; ce sont des larves. Cette soupe de poissons morts débordait des sacs fourre-tout, se mêlant à ce qui semblait être des fuites d'acide formique provenant de cuves installées sur la barge. Tout cela coulait dans l'eau. Cela ne s'est pas produit il y a très longtemps; c'était l'avant-dernier été. Les habitants de la région nous disent que les mêmes pratiques ont encore cours.
Je voudrais également attirer votre attention sur les photographies 4 à 7. J'ai trouvé très intéressante cette discussion avec le témoin précédent sur les déchets que laissent derrière elles les piscicultures qui font faillite ou qui déménagent. J'ai pris ces quatre photos l'été dernier, dans une pisciculture abandonnée de la Sunshine Coast, dans la région de Sechelt. Comme vous pouvez le voir, il reste un sacré gâchis, même si la pisciculture n'est plus exploitée depuis des années: il y a des filets qui restent dans les zones intertidales, des flotteurs de styromousse tout le long de la côte, des flotteurs à moitié immergés dans la baie, des piles de débris jonchés un peu partout. Des débris provenant de cette seule pisciculture se retrouvent dans cinq îlots séparés de la région, au centre d'une région populaire de navigation de plaisance et de maisons d'été. Bien sûr, il y a tous les déchets que nous ne pouvons pas voir, et je ne vais pas beaucoup parler de cela, parce que les déchets du fond de mer sont principalement du ressort de la province.
• 1730
La cinquième section de mon mémoire porte sur le saumon de
l'Atlantique dans les eaux de Colombie-Britannique. Ce qui n'a de
cesse de nous préoccuper, c'est que cette espèce étrangère entraîne
des risques pour le saumon sauvage, non seulement en raison de la
transmission de maladies exotiques, mais également à cause de la
colonisation de l'habitat du saumon sauvage.
Lorsqu'on a introduit le saumon de l'Atlantique dans les eaux de Colombie-Britannique, le MPO nous a dit de ne pas nous inquiéter, puisque le saumon de l'Atlantique ne pourrait jamais survivre s'il s'échappait. Par conséquent, lorsque les pêcheurs ont commencé à prendre des saumons de l'Atlantique, qui, manifestement, étaient vivants et bien portants, on leur a dit de ne pas s'inquiéter, puisque ces poissons ne survivraient pas dans les cours d'eau. Très bien. Ensuite, on les a retrouvés dans des cours d'eau, à 100 milles en amont de la rivière Skeena et dans des ruisseaux partout dans l'île de Vancouver. Il était donc évident que les renseignements étaient erronés. Ensuite, le MPO nous a dit de ne pas nous inquiéter, puisque les saumons de l'Atlantique n'allaient jamais frayer dans nos cours d'eau. Or, maintenant, nous les avons vus frayer dans trois rivières de l'île de Vancouver.
Manifestement, le MPO n'arrête pas de nous dire de ne pas nous inquiéter, tout en essayant de minimiser ou de négliger la très nette possibilité que le saumon de l'Atlantique s'empare de l'habitat du saumon sauvage.
La sixième section porte sur le contrôle des prédateurs. L'étude du MPO sur les appareils de harcèlement acoustiques ont montré que ces très bruyants dispositifs pour effrayer les phoques contreviennent très clairement à la réglementation relative aux mammifères marins parce qu'ils dispersent les mammifères en question. C'est devenu un problème encore plus important au vu du fait qu'au printemps dernier, nous avons appris que les épaulards de Colombie-Britannique figuraient au nombre des espèces en péril.
Le Comité fédéral sur la statut des espèces menacées au Canada a inclus les appareils de harcèlement acoustiques dans sa liste des menaces qui pèsent actuellement sur les épaulards. L'étude du gouvernement de Colombie-Britannique a recommandé que ces appareils soient éliminés d'ici à 2001. Jusqu'à présent, nous n'avons pas vu le MPO se préparer à les éliminer.
Une autre question relative au contrôle des prédateurs nous préoccupe. Il s'agit de l'abattage illégale, par armes à feu, d'animaux sauvages. Je donne une liste de cas qui ont été portés à notre attention d'abattage excessif d'animaux sauvages, sans permission, dans plusieurs piscicultures.
La section suivante est très brève. Je voulais simplement signaler une question qui a alarmé beaucoup d'habitants de la région, à savoir l'éclairage de nuit. Il s'agit de l'utilisation de lumières très puissantes pour favoriser la croissance des poissons. Cela soulève l'inquiétude des gens de la région au sujet des effets nocifs que cet éclairage pourrait avoir sur le mouvement du hareng, de l'eulakane, et ainsi de suite, ce qui entraînerait des dérèglements de la chaîne alimentaire marine.
L'étude provinciale a recommandé que cette question soit étudiée avant que d'autres permis d'éclairage de nuit ne soient accordés, mais nous constatons, une fois de plus, que le MPO n'a encore rien fait pour corriger cette situation. Il s'agit d'un problème fédéral.
Dans la partie suivante, il est question des organismes génétiquement modifiés. Je vous en parlerai très brièvement. Nous exprimons certaines préoccupations au sujet du développement de poissons transgéniques, en d'autres termes d'organismes génétiquement modifiés, dans l'industrie canadienne de la pisciculture et en milieu universitaire.
À ce moment-ci, à notre connaissance, ce genre de pisciculture ne se fait pas au Canada, mais on exporte cette technologie. Nous ne savons pas quel impact cela peut avoir sur la santé humaine, sur le milieu marin, et cela nous préoccupe. Les études qui ont été faites à ce jour n'ont pas permis de trouver de vraies réponses. Il n'est pas logique d'introduire ces poissons dans les piscicultures canadiennes tant que nous n'aurons pas la certitude que cela ne présente aucun danger. Par ailleurs, il est très logique que tous les paliers du gouvernement appuient une politique d'étiquetage obligatoire pour tous les organismes transgéniques—les OGM—étant donné que le grand public a le droit de savoir ce qu'il mange et ce qu'il achète.
Le neuvième chapitre porte sur la durabilité du saumon sauvage dans le contexte de la pêche commerciale. Nous constatons que l'industrie de la cage en filet a exercé davantage de pressions sur les stocks naturels, et même si l'industrie dit qu'elle aide à nourrir un monde affamé, nous constatons qu'elle a en fait réduit la capacité de nourrir le monde pour deux raisons. La première est la perte nette de protéines—l'indice de consommation lorsqu'on élève des prédateurs. Vous trouverez une explication plus détaillée dans une annexe ci-jointe. La deuxième raison est le fait que la majeure partie de cette alimentation provient d'autres régions du monde, des pays en voie de développement, et cela crée une alimentation de luxe.
• 1735
Nous constatons par ailleurs que l'industrie a cassé les
marchés et les prix du saumon sauvage, créant ainsi davantage de
difficultés pour les pêcheurs des collectivités côtières—et on
donne des exemples ici.
Le dernier chapitre qui précède mes recommandations d'action porte sur les circuits fermés par opposition aux cages en filet. La pisciculture en circuit totalement fermé sans aucun échange avec le milieu marin constitue la pisciculture la plus sûre pour le saumon. Des systèmes qui font recirculer l'eau salée, systèmes comparables à ceux qui sont nécessaires pour l'aquaculture du saumon, ont eu du succès dans plusieurs pays. Le grand avantage de ces derniers est leur capacité de contrôler et de gérer la qualité de l'environnement dans lequel les poissons sont élevés. En d'autres termes, on laisse le pisciculteur maximiser sa production sans poser de risques pour les espèces sauvages ou l'habitat.
Par ailleurs, il est possible d'utiliser une enceinte de confinement en milieu marin si les piscicultures sont bien situées et si elles sont en circuit fermé. En d'autres termes, elles comportent un élément d'enlèvement et de traitement des déchets et un système de recirculation qui fait en sorte qu'il n'y a aucune décharge d'effluents ou de solides en milieu marin. Si l'industrie faisait cela, nous croyons que cela réglerait la plupart des problèmes inhérents à l'aquaculture du saumon aujourd'hui.
L'industrie maintient que les circuits fermés coûtent trop cher en raison des coûts d'immobilisation initiaux et des coûts d'exploitation, mais nous croyons que si l'on tient compte de tous les coûts réels, cette équation change. Il faut par exemple tenir compte des subventions cachées accordées à l'industrie des cages en filet. À l'annexe 4 nous avons joint, je pense, quatre pages d'exemples de telles subventions, et il ne s'agit là que des subventions accordées par le fédéral. Je n'ai pas inclus la liste des subventions provinciales.
Il faudrait par ailleurs tenir compte dans cette équation des faibles pertes pour les piscicultures de cages en filet lorsqu'un système à circuit fermé est utilisé. Les pisciculteurs de cages en filet subissent des pertes attribuables à la prolifération d'algues toxiques, aux tempêtes, aux prédateurs, etc., qui ne constitueraient pas un problème s'ils utilisaient des circuits fermés.
Une autre chose dont nous devons tenir compte est le coût relatif de chaque circuit pour le milieu marin. L'autre chose qui ne semble jamais prise en compte lors de l'analyse économique est l'impact des cages en filet pour les autres utilisateurs, notamment la pêche sportive, la pêche commerciale, l'industrie des mollusques et crustacés, et l'industrie du tourisme marin. À titre d'exemple, l'industrie du tourisme marin à elle seule représente le tiers de toutes les recettes de la Colombie-Britannique dans le domaine du tourisme. Cela représente environ 3 milliards de dollars par an. Les piscicultures de cages en filet à ciel ouvert ne plaisent absolument pas aux touristes qui viennent en Colombie-Britannique pour voir ses côtes vierges. Ils n'aiment pas voir un milieu industriel ni sentir une présence industrielle, de sorte que ces industries sont en conflit à bien des endroits. Elles posent par ailleurs un risque pour le saumon sauvage qui est à la base même de l'industrie du tourisme marin en Colombie-Britannique, de sorte qu'à mon avis, il ne fait aucun sens sur le plan économique de risquer une industrie de 3 milliards de dollars pour une qui en vaut environ 250 millions.
Les annexes 5 et 6 donnent d'autres informations au sujet des chiffres économiques qui remettent vraiment en question l'idée selon laquelle les cages en filet sont plus économiques que les circuits fermés, et on y donne des exemples avec des chiffres pour le Canada et l'Écosse.
Par rapport à un système de cages en filet marin, les circuits fermés présentent un certain nombre d'avantages non seulement pour le milieu marin mais aussi pour l'industrie. Ces avantages doivent être pris en compte lors d'une analyse économique. Certains de ces avantages sont énumérés aux pages 10 et 11. Je ne vous les lirai pas. Je vous laisse le soin de le faire.
À notre connaissance, aucune étude définitive n'a été faite pour déterminer les avantages économiques réels du circuit fermé par rapport aux cages en filet. Nous sommes d'avis que si l'on compare tous les coûts environnementaux, écologiques, sociaux et réglementaires de la production avec cages en filet à ceux de la production en circuit fermé, cette dernière semblerait très abordable par rapport à la première.
Je termine en vous présentant nos recommandations d'action qui sont au nombre de 10.
La première consiste à révoquer la stratégie fédérale de mise en valeur de l'aquaculture et d'éliminer le rôle de promoteur du MPO. Il faut s'assurer que le MPO s'acquitte de sa responsabilité juridique de sauvegarder le poisson sauvage.
Deuxièmement, il faut cesser toute importation d'oeufs de l'Atlantique au Canada, particulièrement à la lumière de l'AIS.
Troisièmement, exiger le dépistage biologique ou un autre système d'identification pour déterminer la propriété de tous les poissons d'élevage. Par ailleurs, exiger que soit immédiatement signalée et que des efforts concrets de recouvrement soient entrepris lorsque les fuites se produisent, en imposant des amendes importantes lorsque les poissons se sont échappés.
Quatrièmement, travailler avec les gouvernements provinciaux, l'industrie, les groupes de consommateurs et les intervenants afin de mettre au point un système d'écocertification pour le poisson élevé en circuit fermé et sans utilisation d'antibiotiques, de pesticides et d'autres médicaments.
Cinquièmement, interdire l'utilisation des barrières acoustiques.
Sixièmement, interdire l'utilisation d'éclairage de nuit sauf lorsqu'il est possible de prouver que cela n'a aucun effet nocif sur la chaîne alimentaire marine. Par exemple, cela peut peut-être bien fonctionner en circuit fermé.
• 1740
Septièmement, poursuivre vigoureusement les employés de pisciculture
qui tuent la faune sans permission.
Huitièmement, travailler avec les provinces en vue d'adopter un calendrier pour la conversion totale progressive de l'industrie à des circuits fermés et s'assurer ensuite que l'industrie se dirige dans ce sens et respecte le calendrier.
Neuvièmement, exiger un étiquetage clair de tous les poissons d'élevage vendus sur le marché afin que les consommateurs sachent qu'il s'agit de poisson d'élevage.
Dixièmement, refuser tout permis autorisant l'élevage de poisson génétiquement modifié en eau canadienne.
Je vous remercie, et je serai heureuse de répondre à vos questions.
Le président: Merci, madame MacBride.
Monsieur Duncan.
M. John Duncan: Merci.
À la page 5 de votre document, vous dites qu'en 1997, un total de 107 kilogrammes d'ivermectine ont été utilisés, et que vous avez obtenu cette information à la suite d'une demande d'accès à l'information. Selon d'autres témoignages que nous avons entendus, 450 grammes auraient été utilisés je crois pour l'année 1998, bien qu'il s'agissait peut-être de 1999.
Mme Laurie MacBride: Je crois que c'était 1998, car j'ai vu moi aussi ces chiffres.
M. John Duncan: Croyez-vous qu'il y a vraiment eu un changement aussi spectaculaire? À quoi attribuez-vous un tel changement?
Mme Laurie MacBride: Je l'aurais peut-être cru jusqu'à ce qu'il y ait cet incident à la baie Willis il y a deux semaines, lorsque 7 000 poissons ont été accidentellement tués par une surdose d'ivermectine.
Le problème des parasites est un problème cyclique. Certaines années sont pires que d'autres, et 1997 de toute évidence a été pire que 1998. Je ne dirais pas que toutes les pratiques ne s'améliorent pas, car ce serait exagéré. Il y a certainement des pratiques qui s'améliorent, et au cours des dernières années il y a beaucoup plus de pratiques qui ont été rendues publiques, forçant ainsi l'industrie à apporter certaines améliorations. Je ne pense pas cependant que nous ayons réglé le problème. Nous avons beaucoup de progrès à faire.
L'une des choses que je voudrais ajouter au sujet du problème d'il y a quelques semaines relativement à l'ivermectine et que j'ai abordé, est la question suivante: où peut-on déverser 7 000 poissons qui sont morts d'une dose toxique de pesticides? Les habitants de la région sont inquiets au sujet de l'un des deux endroits où on s'en est débarrassé. Ils ont vu des oiseaux survoler ces deux endroits en grand nombre, et ils craignent que ces oiseaux ingèrent ce pesticide toxique.
M. John Duncan: Le sous-ministre adjoint provincial nous a présenté un témoignage sur cette question. Son bureau a participé au processus et je crois comprendre que le poisson a été transporté là où il faut amener... Je ne pense pas qu'on l'ait amené dans le lieu habituel puisqu'il contient de l'ivermectine. Je pense qu'il y a un processus spécial prévu dans de telles circonstances.
Mme Laurie MacBride: Je l'espère certainement, car ce produit pourrait se retrouver dans d'autres espèces sauvages par l'intermédiaire des oiseaux et des eaux de ruissellement et autres.
M. John Duncan: Exactement.
Le président: On nous a essentiellement assurés qu'on avait transporté ces poissons dans un site adéquat.
Mme Laurie MacBride: Bien.
M. John Duncan: Certains d'entre nous n'ont pas de questions à poser parce que nous avons déjà fait le tour. C'est notre septième jour, de sorte que nous avons entendu beaucoup de choses et déjà posé beaucoup de questions.
Mme Laurie MacBride: Je voudrais tout simplement ajouter que, dans ce cas-ci, il faut s'inquiéter également de ceux qui prennent des crevettes dans le voisinage de la pisciculture. À ma connaissance, aucune mise en garde n'a été émise pour la santé publique afin que les gens cessent la pêche sportive des crevettes dans cette zone à ce moment-là.
Une voix: C'est un excellent point.
Le président: M. Provenzano suivi de M. Stoffer.
M. Carmen Provenzano: Votre mémoire est intéressant. Je ne sais pourquoi j'ai l'impression de l'avoir déjà lu. A-t-il été présenté à la province?
Mme Laurie MacBride: Certaines parties de notre mémoire sont très semblables à ce que nous avons présenté à la province, mais le mémoire est en fait très différent. Dans le mémoire que nous avons présenté à la province, il n'y avait pas beaucoup de choses qui pouvaient à mon avis s'appliquer à celui-ci. Nous avons cependant écrit beaucoup de choses au cours des dernières années.
M. Carmen Provenzano: C'est tout simplement qu'il me semblait si familier.
Mme Laurie MacBride: Il n'en fait aucun doute.
M. Carmen Provenzano: Certaines observations que vous faites au sujet des antibiotiques sont pour le moins intéressantes. J'en ai relevé deux ou trois. J'aimerais tout simplement que vous vous reportiez à certaines déclarations.
Mme Laurie MacBride: Quelle page, s'il vous plaît?
M. Carmen Provenzano: Vous dites:
-
L'usage excessif d'antibiotiques—dont bon nombre sont notamment
les mêmes que ceux que l'on utilise pour traiter des infections
humaines—représente une préoccupation croissante à cause de
l'impact à long terme de l'élevage du saumon sur la santé humaine
et l'écosystème marin.
Est-ce là à votre avis une préoccupation bien fondée?
Mme Laurie MacBride: Absolument. J'ai rencontré des microbiologistes et des spécialistes de la santé humaine de l'Université de la Colombie-Britannique à ce sujet, et ils ont dit que cette question les préoccupait beaucoup. Ce n'est pas seulement un problème d'aquaculture. C'est un problème mondial pour ce qui est de la résistance toujours plus forte aux antibiotiques. Les industries de l'aquaculture ajoutent au problème, ce qui est donc une préoccupation. En fait, j'ai reçu un témoignage de quelques professeurs de l'Université de la Colombie-Britannique sur la question et ils m'ont demandé d'en faire part au ministre de la Santé.
M. Carmen Provenzano: Vous dites:
-
Même lorsque les aliments arrivent au saumon auquel ils sont
destinés, au moins 90 p. 100 sont transmis dans l'environnement
soit par les excréments ou par les branchies du poisson.
Est-ce vrai?
Mme Laurie MacBride: C'est l'information que j'ai lue, et qui a été corroborée.
M. Carmen Provenzano: Aussi:
-
Une étude effectuée à l'Université de la Colombie-Britannique
révèle que les crustacés-coquillages qui se trouvent jusqu'à 300
mètres des élevages de poisson avaient des niveaux considérables
d'antibiotiques dans leurs tissus.
Mme Laurie MacBride: Oui.
M. Carmen Provenzano: Ce que j'essaie de faire, à titre de membre de ce comité, c'est d'obtenir un point de vue sur certaines choses que l'on dit. Lorsque je lis et que j'entends des choses comme celles-ci, je me rappelle des faits élémentaires. Il y a cinq milliards de personnes sur notre planète dont l'urine et les excréments se retrouvent dans l'eau. Si ce que nous disons est vrai pour les antibiotiques contenus dans les excréments, qu'en est-il des déchets des êtres humains qui sont déversés...
Mme Laurie MacBride: Oh, absolument.
M. Carmen Provenzano: ... écoutez-moi jusqu'au bout—qui sont déversés dans nos eaux marines à raison de milliards de gallons. On ne mentionne aucunement ici que les antibiotiques que l'on retrouve dans le poisson pourraient provenir non pas des piscicultures mais des égouts municipaux car en fait les humains prennent beaucoup plus d'antibiotiques en beaucoup plus grande quantité que n'importe quel poisson de n'importe quelle pisciculture spécifique. Peut-être que nous sommes la source des antibiotiques que l'on retrouve dans l'eau. Avons-nous éliminé cette possibilité?
Mme Laurie MacBride: Je suppose que c'est peut-être le cas si ces piscicultures se trouvent près des centres urbains qui ont des égouts municipaux, mais ce n'est pas le cas. Elles se trouvent dans des régions éloignées de l'archipel Broughton, qui sont très peu peuplées comparativement aux centres urbains qui ont des égouts municipaux.
M. Carmen Provenzano: Les poissons nagent.
Mme Laurie MacBride: Pas les poissons d'élevage.
M. Carmen Provenzano: La migration se fait sur un territoire énorme. Dites-vous que nous ne tiendrons pas compte des émissaires d'évacuation des usines de traitement des eaux usées des municipalités? Les municipalités qui ne traitent pas leurs eaux usées? Est-ce que tous les antibiotiques contenus dans les excréments, les déchets provenant des êtres humains, qui sont déversés dans les eaux ne sont pas une source possible? Nous ne les mentionnons même pas comme une source possible.
Mme Laurie MacBride: Je doute qu'il s'agisse d'une source dans la cas du poisson d'élevage mis en marché. On trouve des résidus importants d'antibiotiques dans la chair de 3 à 4 p. 100 du poisson d'élevage qui est mis sur le marché. Ces poissons ne nagent pas dans la nature, du moins nous espérons que ce n'est pas le cas. Ils sont en cage et lorsqu'on les sort de leur cage, ils sont mis en marché. Ça ne peut pas être un facteur dans le cas de ces poissons.
Pour ce qui est des endroits comme Victoria, c'est un problème, mais c'est surtout un problème pour le saumon qui revient frayer dans le Fraser. Ce n'est pas tant...
M. Carmen Provenzano: Où est-ce que je me trompe ici? Vous nous dites que ces niveaux d'antibiotiques ne se retrouvent que dans 3 à 4 p. 100 du poisson élevé dans des cages en filet qui va sur le marché. Nous parlons d'environ 3 ou 4 p. 100 d'énormes quantités de poisson.
Mme Laurie MacBride: Nous parlons d'environ 3 à 4 p. 100 du poisson qui a été contrôlé, et seulement un très petit nombre est contrôlé au départ. L'examen provincial a révélé que seul un tout petit nombre étaient en fait contrôlés et ce en raison du sous-financement des services de contrôle du gouvernement, surtout. Donc, au départ, seulement une petite quantité est contrôlée. Selon l'un des experts techniques qui a participé à l'examen, le poisson d'élevage qui est mis sur le marché contient généralement un pourcentage légèrement plus élevé de résidus d'antibiotiques dans sa chair, par rapport à d'autres animaux d'élevage terrestres.
M. Carmen Provenzano: Mais vous dites également que la vie marine...
Le président: C'est votre dernière question.
M. Carmen Provenzano: ... qui se trouve près de ces piscicultures contient un niveau plus élevé d'antibiotiques.
Mme Laurie MacBride: Oui, c'est ce que dit un journal scientifique. J'ai la référence ici.
M. Carmen Provenzano: Est-il possible de trouver un baril d'eau où que ce soit qui ne contienne pas un certain niveau d'antibiotiques? Peut-on aller à une centaine de milles dans l'océan chercher un baril d'eau qui ne contiendrait pas un certain niveau de contaminants?
Mme Laurie MacBride: Non, cela n'est pas possible, naturellement. La planète entière baigne dans une couche diluée de tétracycline parce que nous avons surutilisé ce produit, et cela cause une résistance accrue aux antibiotiques chez les humains, ce qui est un problème incroyable auquel nous devons faire face, mais la solution ne consiste pas à laisser l'industrie ajouter au problème.
M. Carmen Provenzano: Notre tâche consiste à évaluer l'importance du problème, à déterminer s'il y a un additif important ou si, dans l'ensemble, ce n'est pas le cas.
Mme Laurie MacBride: Je pense que votre tâche consiste également à déterminer ce qui constitue une utilisation essentielle et non essentielle de ces substances. Lorsqu'elles sont essentielles, oui, nous devrions les utiliser. Nous disons que dans le cas de ces poissons qui sont élevés en circuits fermés, il ne devrait pas être nécessaire d'utiliser ces antibiotiques et nous pourrions éliminer une autre source d'antibiotiques que se retrouvent inutilement dans l'environnement et chez les humains.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Provenzano et madame MacBride.
Monsieur Stoffer, c'est votre dernière question.
M. Peter Stoffer: Merci, monsieur le président.
À la page 7, au dernier paragraphe, vous dites quelque chose qui est à mon avis très grave et si j'étais Anne McMullin, je serais très préoccupée par ce dernier paragraphe où vous indiquez en fait que des employés et ex-employés et un directeur d'une pisciculture ont déclaré qu'au cours d'une période de quatre ans, ils ont tué toutes sortes d'animaux autour de la pisciculture. Pouvez-vous nous dire de quelles années vous parlez?
Mme Laurie MacBride: Ce dont on parle dans le dernier paragraphe s'est passé il y a plusieurs années, mais dans le cas de l'avant-dernier paragraphe, cela s'est produit tout récemment, de sorte que ce n'est pas nécessairement une pratique qu'on ne voit plus.
M. Peter Stoffer: Pouvez-vous nous dire où se trouvait cette pisciculture?
Mme Laurie MacBride: Je ne l'ai pas ici sous les yeux, mais je pourrai vous le dire plus tard, si vous voulez. Nous avons en fait déjà déposé une plainte au sujet du cas dont il est question dans l'avant-dernier paragraphe. Nous savons de quelle pisciculture il s'agit. Nous avons déposé une plaine. À notre connaissance, le MPO n'a pas poursuivi ni fait quoi que ce soit.
Pour ce qui est du dernier paragraphe, je ne peux pas vous le dire. L'homme était tellement terrifié d'en parler publiquement, car il croyait qu'il serait poursuivi pour le rôle qu'il a joué dans tout cela, et nous n'avons jamais pu obtenir cette information.
En fait, on retrouve deux exemples différents dans ce dernier paragraphe. Pour le deuxième, oui, je peux vous donner cette information, quoique je préférerais le faire en toute confidentialité, car je ne voudrais pas que les employés de cette pisciculture soient...
M. Peter Stoffer: Pour la gouverne de notre comité, je dirai que c'est là un autre aspect de la pisciculture que l'on n'a jamais mentionné, jusqu'à présent. Si vous pouviez nous fournir l'information...
Mme Laurie MacBride: Je serai heureuse de le faire.
M. Peter Stoffer: ... c'est-à-dire qui est propriétaire de la pisciculture, qui étaient ses employés, et voir s'ils seraient prêts à parler, car j'aimerais certainement pouvoir leur parler et le comité aimerait entendre leurs témoignages, s'ils pouvaient nous donner la preuve qu'une ferme piscicole en particulier ou d'autres fermes piscicoles... Vous dites par ailleurs que d'autres employés d'autres fermes piscicoles ont dit que de telles choses se faisaient chez eux aussi.
Mme Laurie MacBride: Oui. Il me faudra quelques semaines avant de pouvoir vous fournir cette information, car mon employé qui s'occupe du dossier est en Europe à l'heure actuelle.
M. Peter Stoffer: L'information doit être vraie et factuelle.
Mme Laurie MacBride: Oui.
M. Peter Stoffer: Si vous pouviez nous faire parvenir cette information, nous vous en saurions gré.
Mme Laurie MacBride: Je le ferai.
M. Peter Stoffer: Tout cela est très bouleversant c'est le moins que l'on puisse dire.
Mme Laurie MacBride: Oui.
Comme je l'ai dit, pour ce qui est du premier exemple dans le dernier paragraphe, malheureusement, cet homme était trop terrifié pour donner son nom ou toute autre information, mais pour les deux autres exemples, je peux vous fournir les renseignements.
M. Peter Stoffer: Vous pouvez donc constater que nous ne pourrions utiliser ces témoignages en particulier, mais nous pourrions en utiliser d'autres.
Mme Laurie MacBride: Oui.
M. Peter Stoffer: Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Stoffer, et merci, madame MacBride, pour cet échange intéressant.
Mme Laurie MacBride: Tout le plaisir est pour moi.
Le président: Nous allons maintenant entendre M. Bruce Turris, de la Canadian Sablefish Association.
Monsieur Simmons, nous en avons pour environ 20 minutes. Désolé de vous faire attendre.
Bruce, John disait que vous avez travaillé pour le MPO. Vous pourrez peut-être nous en parler avant de commencer.
M. Bruce Turris (directeur exécutif, Canadian Sablefish Association): Merci, monsieur le président. C'est ce que je vais faire.
Je m'appelle Bruce Turris et je suis ici au nom de la Canadian Sablefish Association. Comme John l'a mentionné, je suis un ancien employé du ministère des Pêches et des Océans où j'ai travaillé de 1984 à 1987. Lorsque j'ai quitté le ministère en 1987...
M. John Cummins: En 1997.
M. Bruce Turris: Désolé. Merci, John.
• 1755
J'ai quitté le ministère en 1997 alors que j'étais gestionnaire de la
Division de la pêche commerciale du poisson de fond pour la région du
Pacifique.
Cependant, je suis ici pour faire un exposé au nom de la Canadian Sablefish Association concernant l'aquaculture. Notre association dont je suis le directeur exécutif n'appuie pas l'aquaculture avec cages en filet et est d'avis que la pisciculture terrestre en circuit fermé est absolument nécessaire si on veut s'assurer que les ressources en poisson sauvage et leur habitat ne seront pas menacés et perturbés.
La Canadian Sablefish Association est une organisation légalement constituée qui représente presque tous les détenteurs de permis de pêche commerciale pour la morue charbonnière. La CSA a été créée en 1987 en vue de protéger les intérêts et les investissements des pêcheurs de morue charbonnière et d'élaborer des programmes et des politiques pour la protection et la conservation de la morue charbonnière, tant indépendamment que conjointement avec le ministère des Pêches et des Océans.
En 1999, environ 4 500 tonnes de morue charbonnière ont été pêchées commercialement, ce qui représentait une valeur au débarquement de 25 millions de dollars.
Dès le départ, la Canadian Sablefish Association a joué un rôle très actif dans la surveillance, la recherche, l'évaluation et la gestion de la pêche commerciale de morue charbonnière. Nous avons travaillé en collaboration avec le MPO afin de trouver des solutions progressives, constructives, efficientes et efficaces à une myriade de problèmes auxquels l'industrie était constamment confrontée.
Aujourd'hui, la pêche à la morue charbonnière en Colombie-Britannique est l'une des pêches les mieux gérées au monde, ce qui est attribuable en grande partie aux efforts de notre association.
Dans mon exposé, je vous donnerai un bref aperçu de la pêche et je parlerai ensuite des préoccupations de notre association en ce qui a trait à l'aquaculture.
La morue charbonnière est pêchée au large de la côte Ouest depuis environ 40 ans. Après le départ de la flotte étrangère japonaise à la fin des années 70, un certain nombre de pêcheurs canadiens ont tenté d'établir une pêche viable en trouvant des marchés étrangers au Japon et en expérimentant avec des pièges à poisson, des nouveaux pièges à poisson, et avec la pêche à la palangre qui était plus efficace et plus productive pour récolter la morue charbonnière.
En 1981, le MPO a limité l'accès à la pêche. À cette époque, on gérait la pêche en fixant une date d'ouverture de la pêche et en la fermant lorsque le ministère des Pêches estimait que le total des prises admissibles avait été atteint. Comme vous le savez tous j'en suis certain, l'accès limité n'a pas résolu la plupart des problèmes de bien commun associés aux pêches commerciales de l'époque. C'est pourquoi les propriétaires continuent d'utiliser tous les moyens à leur disposition afin d'augmenter la récolte et le pouvoir de pêcher des navires.
Préoccupée par l'avenir de la pêche et la ressource de la morue charbonnière, la gestion de la pêche et la viabilité économique de l'industrie, la Canadian Sablefish Association a entrepris des discussions avec le MPO en 1989 relativement aux changements apportés à la structure de gestion. Après des mois de consultation, ces changements ont donné lieu à la mise en place de quotas individuels de bateau en 1990.
Depuis 1990, l'association a été extrêmement active dans tous les aspects de la pêche, particulièrement dans les domaines de la recherche scientifique et de l'évaluation des stocks. La CSA finance et gère directement des bateaux affrétés pour la recherche et fait une évaluation annuelle des stocks de morue charbonnière pour le ministère en plus d'exécuter les programmes de surveillance, d'étiquetage et d'échantillonnage biologique.
Les coûts associés à la recherche et l'évaluation de la morue charbonnière sont payés par les détenteurs de permis de pêche à la morue charbonnière par l'intermédiaire de la Canadian Sablefish Association. Cela inclut tous les salaires du MPO, les avantages et les dépenses d'exploitation et d'immobilisation ainsi que les dépenses encourues directement par la CSA pour les divers bateaux affrétés, les contrats et les activités gérés par l'industrie. Le budget ou le coût annuel pour la recherche scientifique s'élève à environ 600 000 $.
Par ailleurs, la CSA finance les activités de surveillance, d'application de la loi et de gestion directement ou par le biais d'ententes de recouvrement des coûts avec le MPO. Afin de respecter ces obligations et d'autres, la CSA a à son emploi un titre d'employés permanents et à titre de sous-traitants des gestionnaires professionnels, des techniciens, des scientifiques et d'autres, sur une base annuelle et pluriannuelle. Le coût total annuel des activités de gestion et de recherche de l'association s'élève à 1,2 million de dollars.
Si je vous donne toute cette information, c'est pour montrer au Comité permanent que la Canadian Sablefish Association et ses membres ont investi considérablement dans le bien-être, la conservation et la durabilité de la ressource en morue charbonnière et de l'environnement dans lequel vit la morue charbonnière et dont elle dépend. Cela étant dit, j'aimerais maintenant vous parler de nos préoccupations en matière d'aquaculture.
La position de la CSA en ce qui concerne l'aquaculture a été élaborée après l'examen et l'analyse minutieux de l'information que nous avons recueillie de diverses sources au fil des années passées.
• 1800
En plus de se reporter à la documentation de plus en plus importante
qui existe à l'heure actuelle sur la question, l'association a de son
côté fait faire des études pour examiner l'impact de l'aquaculture du
point de vue environnemental, écologique et législatif. L'opposition
de la CSA à l'aquaculture au moyen de cages en filet ne se fonde pas
sur une seule préoccupation. Il s'agit plutôt d'un problème constant
constaté de plus en plus tant au Canada qu'à l'étranger, avec une
longue liste de questions sans réponse qui inquiètent la CSA et bien
d'autres qui craignent que les dommages actuels et potentiels causés
par l'aquaculture avec cages en filet auront un impact négatif grave
sur l'habitat des poissons et les ressources en poisson sauvage et sur
la viabilité et l'avenir de bon nombre de pêches commerciales,
récréatives et autochtones.
Les préoccupations de notre association sont notamment les suivantes: le risque que des maladies soient transférées des enclos aux stocks naturels; le risque de maladie provenant de l'importation d'espèces exotiques d'oeufs et de laitance; le risque de contamination accrue entre les espèces domestiques; la perte d'accès aux lieux de pêche traditionnels, pour la pêche commerciale, récréative et autochtone; la pollution de l'habitat par les déjections du poisson; le fait que le financement et les subventions que le gouvernement accorde à l'aquaculture réduisent les ressources financières et humaines disponibles pour l'évaluation de la recherche et la gestion des ressources en poissons sauvages; les blessures, le stress et la mortalité causés chez les animaux marins par les filets et les barrières acoustiques; l'effet sur les ressources sauvages des médicaments et des pesticides utilisés en aquaculture; l'interaction génétique entre le poisson sauvage et le poisson échappé des enclos; la concurrence pour la nourriture entre le poisson sauvage et le poisson échappé des enclos; la perte de poissons sauvages, surtout de petits juvéniles consommés par les poissons des enclos; la perte de l'habitat des juvéniles; l'infestation parasitaire; la présence de fermes piscicoles qui modifient la disponibilité de plancton et d'aliments naturels et qui créent un environnement hostile pour les larves et les juvéniles de poissons sauvages; la diminution de la résistance aux maladies en raison d'une hausse du niveau de stress chez les poissons vivant en enclos; le risque pour la santé humaine provenant d'une utilisation accrue d'antibiotiques et d'autres médicaments pour la pisciculture; et le risque que le poisson d'élevage devienne résistant aux antibiotiques.
Bien entendu, les répercussions d'un grand nombre des facteurs susmentionnés n'ont pas encore été entièrement analysées et quantifiées par les chercheurs. Nous le comprenons. Mais nous nous attendons à ce que, dans l'intervalle, tant qu'on n'aura pas mieux compris ces problèmes, l'organisme chargé de la gestion de la pêche, le ministère des Pêches et des Océans, s'efforce de réduire au minimum les risques et aborde la croissance et le développement de l'aquaculture en faisant preuve de prudence.
Le ministère a clairement démontré qu'il voulait assurer une gestion prudente de la pêche commerciale au saumon étant donné qu'il a fermé la quasi-totalité de la pêche au saumon sockeye afin de protéger un petit nombre de saumon coho, quinnat et arc-en-ciel. Le Canada est également signataire de divers accords internationaux qui souscrivent au principe d'une gestion prudente des ressources marines et naturelles. En fait, le Canada est membre de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture qui a bien précisé les mesures de précaution à prendre pour la gestion des pêches et de l'aquaculture.
Selon la FAO, le principe de précaution exige que des mesures de prudence soient prises pour: éviter les changements irréversibles; identifier au préalable les résultats indésirables; prendre des mesures correctives immédiates; en cas d'incertitude, donner la priorité à la conservation; imposer le fardeau de la preuve là où il convient et gérer toutes les activités de pêche.
Les lignes directrices que la FAO a émises en 1997 pour un développement viable de l'aquaculture devraient également servir de guide pour l'expansion de cette industrie. Le document reconnaît que la promotion de l'aquaculture est un moyen d'assurer une diversification économique et nutritionnelle, mais il énonce un certain nombre de principes de précaution dont je voudrais vous citer quelques-uns.
Le premier est que les États devraient promouvoir une expansion et une gestion raisonnable de l'aquaculture en faisant une évaluation poussée des effets du développement de l'aquaculture sur la diversité génétique et l'intégrité des écosystèmes en fonction des meilleures données scientifiques disponibles.
Les États doivent veiller à ce que le développement de l'aquaculture ne nuisent pas à l'économie des collectivités locales et à leur accès aux lieux de pêche.
Les États devraient établir des méthodes efficaces pour effectuer une évaluation et une surveillance adéquates de l'environnement dans le but de réduire au minimum les changements écologiques négatifs de même que les conséquences économiques et sociales de l'aquaculture.
Les États devraient préserver la diversité génétique et l'intégrité des communautés et écosystèmes aquatiques au moyen d'une gestion appropriée. Il faudrait surtout déployer des efforts pour réduire au minimum les effets nuisibles de l'introduction d'espèces non autochtones ou de stocks génétiquement modifiés.
• 1805
Enfin, les États devraient, dans la mesure du possible, promouvoir
des mesures pour éviter les maladies génétiques et les autres effets
de l'évasion de poissons d'élevage sur les stocks de poissons
sauvages.
Le principe de précaution fait partie de la stratégie de gestion des océans du Canada aux termes de la Loi sur les océans, mais il ne semble pas avoir été appliqué par le ministère des Pêches et des Océans. En fait, le ministère n'a même pas de plan pour recapturer le poisson qui s'échappe des fermes piscicoles ou pour s'assurer qu'il ne va pas élire domicile dans les cours d'eau locaux. Ces fuites deviennent plus fréquentes et nous savons maintenant que le saumon de l'Atlantique a survécu et frayé dans les cours d'eau locaux.
Pour conclure, la Canadian Sablefish Association est contre l'utilisation de cages en filet pour l'aquaculture. Nous croyons nécessaire que l'élevage se fasse à terre, dans des basins, pour que le poisson sauvage et l'habitat ne soient pas menacés.
Notre association estime également que le gouvernement, le ministère des Pêches et des Océans, devrait appliquer le principe de prudence et le code de pratique de la FAO pour l'aquaculture. Au lieu de défendre les intérêts de l'aquaculture, le ministère des Pêches et des Océans devrait défendre les intérêts du public en veillant à ce que l'aquaculture ne cause pas de dommages à long terme aux stocks de poisson sauvage et aux ressources écologiques.
Les gouvernements devraient entreprendre et financer des projets de recherche qui permettront de résoudre la plupart des questions susmentionnées. Tant que cette recherche ne sera pas achevée et qu'on n'en connaîtra pas les résultats, il faudrait interdire l'utilisation de cages en filet pour l'aquaculture ou la réduire afin de réduire au minimum les risques pour les ressources sauvages.
La Canadian Sablefish Association tient à remercier le comité permanent de lui avoir accordé la parole et nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, Bruce. Vous avez joint à votre mémoire une épaisse documentation que les membres du comité pourront certainement examiner. Je vous remercie de votre travail.
Monsieur Duncan.
M. John Duncan: Merci beaucoup, Bruce.
Les sommes que dépense votre association sont impressionnantes. Il n'y a sans doute pas d'autre pêche qui se compare à la vôtre. Ai-je raison?
M. Bruce Turris: Cette pêche arrive sans doute en tête pour ce qui est de l'argent dépensé à la recherche au Canada. Il y en a une ou deux autres qui nous suivent sans doute de près.
Le président: La pêche au homard de l'Atlantique dépense également beaucoup d'argent.
M. John Duncan: Ma question est un peu en dehors du cadre de notre mandat, mais je m'intéresse à votre budget scientifique. Sur quel genre d'activités mettez-vous l'accent dans la pêche à la morue charbonnière?
M. Bruce Turris: Dans le cadre d'un projet de recherche intensive, nous marquons plus de 20 000 morues charbonnières. C'est un projet très coûteux. Nous employons également deux chercheurs de l'extérieur du ministère pour évaluer le stock. Ce sont des chercheurs très réputés au niveau international. Nous employons également des gens qui mesurent l'âge du poisson. Nous avons aussi un autre technicien.
En fait, c'est un processus très officiel. Nous avons un comité des finances qui travaille en collaboration avec le ministère. Au début de chaque saison ou de chaque année, il établit en collaboration avec le ministère un plan de travail qui comprend toute une série de projets scientifiques. Ces projets sont examinés afin qu'ils complètent le processus d'évaluation existant et sont approuvés en conséquence. Ces projets représentent des dépenses de 600 000 $ environ.
M. John Duncan: Le ministère dépense-t-il un montant supplémentaire en plus de vos dépenses totales de 1,8 million de dollars?
M. Bruce Turris: Il s'agit de 1,2 million de dollars et la réponse est non. Je ne prétends pas que nous sachions ce que les gens du ministère, à Ottawa, dépensent pour la morue charbonnière. Mais pour ce qui est du gestionnaire du poisson de fond, par exemple, le coordonnateur de la morue charbonnière au ministère, plusieurs chercheurs des Pêches et des Océans qui s'intéressent à la morue charbonnière récupèrent auprès de l'association le coût de leur travail dans le cadre d'un programme de recettes en déduction de la dépense que le Conseil du Trésor a approuvé en 1993, je crois.
M. John Duncan: À la page 5 de votre document, vous dites que le ministère n'a pas de plan pour capturer le poisson d'élevage qui s'est échappé. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi? Et dans quelle mesure serait-il difficile d'établir ce genre de plan?
M. Bruce Turris: Je ne peux pas vraiment vous expliquer pourquoi. Je dirais que c'est en raison de la façon dont le ministère répartit ses ressources.
Quant à savoir pourquoi il serait difficile d'établir un tel plan, j'ai travaillé là pendant près de 13 ans... Bien entendu, c'est mon opinion personnelle. J'espère que vous le comprenez. Cela ne reflète pas nécessairement les opinions de l'association que je représente ici aujourd'hui.
Le ministère n'a pas la bonne structure. Le ministère s'est organisé pour défendre des intérêts. J'y ai travaillé pendant longtemps comme gestionnaire de la pêche au poisson de fond. À bien des égards, je défendais les intérêts de la pêche commerciale au poisson de fond. Mais je défendais ces intérêts de façon moins vigoureuse que le coordonnateur de la pêche récréative, le coordonnateur de la pêche de l'aquaculture ou bien du coordonnateur de la pêche des Autochtones. Ces coordonnateurs servaient de défenseurs les intérêts de leurs secteurs respectifs.
Lorsqu'on a affaire à une question qui chevauche la pêche commerciale et l'aquaculture, la pêche commerciale et la pêche sportive, ou l'aquaculture et la pêche sportive, la structure du ministère rend toute entente extrêmement difficile. Chacun se retrancher dans son camp pour défendre ses intérêts et ensuite la question est acheminée à la haute direction.
Plutôt que de clarifier le rôle du ministère dans le dossier, on s'occupe de répartir les ressources et d'établir qui a su mener le meilleur combat. Qu'il s'agisse de notre façon de gérer la pêche commerciale, récréative ou autochtone ou l'aquaculture, il faut préciser le rôle du ministère et il faut déterminer la meilleure approche intégrée qu'il faut adopter pour faire face à ces questions.
Il y a donc des problèmes de structure fondamentaux au sein du ministère. Il y a aussi, bien entendu, d'importants problèmes de ressources en matière de personnel et de budget. Par exemple, quelqu'un a fait illusion tout à l'heure au fait que la pêche au saumon valait plus de 300 millions de dollars. Je n'ai pas l'intention de pointer qui que ce soit du doigt pour expliquer pourquoi ce secteur ne vaut que 20 millions de dollars en 1999. Vous-mêmes, vous êtes en train de vous poser ces questions.
Disons simplement que le MPO dépensait 100 millions de dollars sur des ressources dans le but de gérer la pêche—les scientifiques, l'administration, les bateaux et ainsi de suite. Aujourd'hui, le ministère dépense presque autant d'argent pour gérer l'industrie du saumon. Cela s'explique par le fait que l'administration se compose d'empires, et le ministère protège ses empires. Il est donc certain que si vous essayez d'obtenir plus d'argent pour effectuer des recherches sur le poisson de fond ou sur la gestion du poisson de fond ou sur la pêche récréative, comme je faisais auparavant, vous devez composer, en même temps, avec beaucoup de personnes qui essaient de protéger leur empire de saumons. Et ces gens sont très efficaces. Ils se sont servis de chaque outil possible, grâce en grande partie à la crise internationale qu'a vécu le secteur du saumon au cours des dernières années.
Il y a, par conséquent, des problèmes structurels au niveau des ressources. Il est très difficile d'affecter des ressources pour effectuer des recherches dans le secteur de l'aquaculture afin de répondre aux questions dont vous êtes saisis. En toute honnêteté, les réponses ne sont pas là parce qu'on n'a pas effectué la recherche qui s'imposait.
M. John Duncan: Merci beaucoup.
Le président: Merci, Bruce, de votre franc parler. Quant à la structure du MPO, nous avons discuté de cette question avec le vérificateur général, et cette question a fait l'objet de plusieurs rapports de comité et nous avons dit qu'il faut faire un peu de réorganisation au 200 de la rue Kent.
Monsieur O'Brien.
M. Lawrence O'Brien: Bruce, j'ai l'impression que vous n'envisagez pas un retour au travail au ministère des Pêches et des Océans.
M. Bruce Turris: Ah, non. Je l'ai dit très clairement bien avant de me présenter ici.
M. Lawrence O'Brien: Je vous demande pardon, mais je connais très peu la pêche à la morue charbonnière. De toute évidence, il s'agit d'une pêche très lucrative, de l'ordre de 25 millions de dollars. Vous y investissez beaucoup en retour, environ 1,2 millions de dollars. Vous semblez être très organisés en ce qui concerne le niveau d'expertise que vous avez trouvé au MPO, par exemple.
• 1815
Pourriez-vous me dire pourquoi vos préoccupations ressemblent
beaucoup à...? Nous avons entendu de nombreuses préoccupations des
autres secteurs, des autres groupes d'intérêts, mais vous, vous
représentez la pêche. Pourriez-vous nous dire pourquoi cette pêche
serait menacée par la pisciculture en Colombie-Britannique?
Pourriez-vous nous faire une comparaison expliquant pourquoi vous avez
soulevé cette préoccupation lors de votre présentation devant le
comité aujourd'hui?
M. Bruce Turris: Bien sûr. Je m'excuse de ne pas avoir expliqué dans mon exposé. Merci d'avoir demandé cette précision.
La pêche à la morue charbonnière se fait dans des eaux très profondes—normalement, des eaux d'une profondeur de 250 000 à 500 000 pieds. Ce n'est pas là qu'on trouve la culture des salmonidés. Néanmoins, les jeunes poissons grandissent dans les bras de mer, et c'est là qu'a lieu la culture des salmonidés. Cette culture pourrait avoir un impact considérable sur les jeunes poissons.
M. Lawrence O'Brien: J'ai compris.
Le président: Vous aurez l'occasion de poser une autre question, monsieur O'Brien.
Monsieur Stoffer.
M. Peter Stoffer: J'aimerais vous remercier d'avoir soumis ce document très fourni. Je pourrai le lire dans l'avion quand je rentrerai chez moi.
À la page 30, vous dites ce qu'a déjà mentionné le témoin avant vous. Entre 1989 et 1997, plus de 3 800 phoques et lions de mer ont été tués par les piscicultures de salmonidés en Colombie-Britannique. Est-ce qu'ils ont un permis pour faire cela.
M. Bruce Turris: Non.
M. Peter Stoffer: J'essaie de comprendre ce qui se passe ici. Nous essayons de promouvoir une industrie sécuritaire qui produit des aliments, mais en même temps les producteurs de cette ressource tuent d'autres animaux qui sont attirés par les enclos. Vous ne savez donc pas s'ils ont un permis provincial ou fédéral pour faire ce qu'ils font?
M. Bruce Turris: Je suis convaincu qu'ils n'ont pas de permis pour faire cela.
C'est un secteur où il y a un tas de problèmes.
Notre association aimerait que le ministère ait une stratégie cohérente pour régler des questions qui touchent les ressources. Nous préconisons une méthode préventive. Je l'ai vue appliquer dans beaucoup de pêches commerciales, et je suis sûr que nous la verrons encore dans les années à venir, quand le ministère essaie de régler les problèmes causés par l'utilisation croissante des ressources ichtyques.
Cette stratégie préventive ne se retrouve pas dans l'industrie de l'aquaculture, et nous aimerions savoir pourquoi. Nous savons un peu pourquoi, mais nous aimerions que le comité permanent pose certaines questions au ministère. Pourquoi n'impose-t-on pas l'établissement d'une stratégie préventive pour la gestion de la culture des salmonidés?
Ici en Colombie-Britannique, la pêche au chalut du poisson de fond a été fermée en 1995 parce qu'on épuisait la ressource. On a tout fermé pendant quatre mois et demi; c'était nécessaire. Quand la pêche a recommencé, le gouvernement a imposé une stratégie de gestion conservatrice. Toutes les activités sont surveillées par des observateurs, et les coûts sont assumés par l'industrie.
Un peu plus tôt, quelqu'un a mentionné les coûts exorbitants d'une conversion à des systèmes d'enclos fermés. Un bateau de pêche au chalut du poisson de fond vend ses poissons à 30c. ou 40c. la livre; déjà, il faut dépenser 80 000 $ par an pour un observateur dont on n'avait pas besoin avant l'imposition du nouveau système. En même temps, le permis qui coûtait 10 $ coûte maintenant à peu près 20 000 $. Le ministère a donc ajouté 100 000 $ à la facture du pêcheur, juste quand le marché chutait. Premièrement, il fallait s'occuper de la ressource et s'assurer qu'elle était bien gérée. Deuxièmement, même si imposer l'observation de 100 p. 100 des activités pourrait être considéré un peu lourd, le gouvernement a vu que c'était nécessaire.
Mais même s'il y a toutes sortes de problèmes qui doivent être étudiés dans les autres industries de pêche et dans l'aquaculture, d'après ce que je vois on ne considère pas une telle stratégie dans ces cas-là.
M. Peter Stoffer: Il faudrait qu'on félicite votre organisme et vous-même pour avoir démontré qu'une ressource peut être cogérée quand tout le monde travaille ensemble, même si ça coûte beaucoup d'argent.
• 1820
Au Cap-Breton, il y a des pêcheurs de crabe qui utilisent un système
semblable: ils ont un plan quinquennal de cogestion; ils investissent
beaucoup dans la protection et dans les recherches scientifiques sur
la ressource. Nous devons vous féliciter pour cela aussi.
M. Bruce Turris: Merci.
Le président: Monsieur Bernier, vous aviez une question.
[Français]
M. Yvan Bernier: Je suis curieux. Comment pêchez-vous actuellement la morue charbonnière? Quel type d'engin de pêche utilisez-vous?
[Traduction]
M. Bruce Turris: Dans la plupart des cas, nous utilisons des filets de fond et des engins de pêche à la palangre. À peu près 85 p. 100 de la capture annuelle se fait au moyen de filets de fond. Ces filets sont coniques et sont un peu plus grands que les casiers à crabe utilisés pour la pêche à la palangre. Les filets de fond sont attachés à une ligne de fond, avec une distance de 20 à 30 pieds entre chaque filet. Il y a à peu près 60 filets sur chaque ligne de fond, et le bateau installe à peu près quatre ou cinq lignes de fond.
Les filets sont très sélectifs et les prises sont rares. De plus, ils ont été conçus de manière à sélectionner la morue charbonnière, et ne retiennent donc pas les jeunes. Chaque filet doit avoir deux anneaux de sortie pour que les poissons de moins de quatre livres ne soient pas retenus. Cela exclut tous les jeunes.
Actuellement, l'association est en train de tester l'efficacité des anneaux d'exclusion, qui seraient installés dans le tunnel du filet pour exclure les plus grandes femelles. Ces femelles sont les plus productives: leurs oeufs sont plus nombreux et de meilleure qualité. Nous voulons donc que ces poissons restent dans la mer comme ressource reproductive.
La pêche à la morue charbonnière se fait donc dans des bateaux de 50 à 110 pieds. Dans de l'eau profonde avec des engins assez massifs.
À Surrey, l'investissement pour la pêche est considérable. Les engins de pêche du bateau pourraient facilement coûter plus de un million de dollars. Ces bateaux sont des bateaux congélateurs, et le produit est congelé en mer. Un voyage peut prendre de 20 à 30 jours, avec un équipage de sept ou huit personnes.
Le président: Monsieur Bernier.
[Français]
M. Yvan Bernier: Quand vous dites qu'elle se pêche en eau profonde, parlez-vous de 80 à 100 brasses ou d'une beaucoup plus grande profondeur? Quel est l'appât pour attirer la morue dans la cage?
Je m'éloigne sans doute de l'aquaculture mais je cherche à comprendre. Les morues vont se reproduire et grossir dans des eaux moins profondes. Qu'est-ce qu'elles vont y faire? Qu'est-ce qui les attire? Elles vont ensuite en eau profonde. Là, comment les attrapez-vous?
Je voudrais qu'on me précise un peu ce point et j'aimerais aussi savoir si cela ressemble à ce que fait la morue dite commune dans l'Est. C'est un comportement qui semble être totalement différent.
[Traduction]
M. Bruce Turris: La morue charbonnière est généralement prise à plus de 250 brasses—à peu près de 1 500 pieds à 4 000 pieds.
Ces poissons se reproduisent en dispersant leurs oeufs. Les oeufs sont fertilisés et flottent dans la colonne d'eau. Ils montent vers la surface et flottent vers les bras de mer, surtout vers le détroit d'Hécate et certains bras de mer dans le détroit de Johnstone, sur la côte centrale.
Ils passent à peu près deux ans dans les bras de mer. Arrivés à maturité, ils passent à des eaux plus profondes et peuvent être pris par la pêche commerciale. Normalement, ces poissons ne sont pas pris avant d'atteindre trois ou quatre livres. Cela prend trois ou quatre ans.
M. Yvan Bernier: Quelles sortes d'appâts mettez-vous dans les filets?
M. Bruce Turris: On mélange le merlu du Chili—qui est une forme de morue—et le calmar. Le merlu du Chili prédomine. On met quelques livres de merlu—un bloc gelé—dans le filet. Et peut-être une demi-livre de calmar dans des petits sacs.
Le président: Merci, monsieur Bernier.
Monsieur O'Brien, aviez-vous une autre question.
M. Lawrence O'Brien: Non, ça va.
Le président: Parfait. Merci beaucoup de votre présentation, Bruce.
Cela met fin à nos audiences officielles.
Les membres du comité ne peuvent pas encore partir. Nous aurons une courte réunion à huis clos d'à peu près 20 minutes avec le consul général du Canada à Seattle. Il nous donnera des informations sur l'Alaska qui pourraient être utiles pendant nos conférences téléphoniques avec les témoins de l'Alaska.
Nous allons faire une courte pause de cinq minutes, puis nous reprendrons nos travaux. Cela mettra fin à notre tournée dans l'Ouest.