Passer au contenu
;

FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 4 octobre 2001

• 1532

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je vous souhaite la bienvenue à tous.

Comme chacun sait, nous étudions aujourd'hui le projet de loi S-23, Loi modifiant la Loi sur les douanes et d'autres lois en conséquence.

Nous avons le plaisir d'accueillir aujourd'hui le président national de l'Union Douanes Accise, Serge Charrette. Soyez le bienvenu.

M. Serge Charette (président national, Union Douanes Accise): Merci, monsieur le président.

Le président: Vous avez déjà témoigné devant des comités; je n'ai donc pas besoin de vous dire comment on procède. Prenez le temps qu'il vous faut pour nous présenter votre exposé préliminaire, après quoi nous aurons une période de questions.

M. Serge Charette: Parfait. Merci beaucoup.

Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du comité, d'avoir accepté d'entendre le témoignage de CEUDA sur le projet de loi S-23.

Je vous demande tout d'abord de nous excuser de n'avoir que la version anglaise de notre mémoire. C'est que j'ai appris seulement ce matin que nous devions venir témoigner cet après-midi, et nous étions toujours en train de rédiger notre projet de mémoire. Je demande donc aux membres francophones du comité de bien vouloir nous excuser. Si toutefois vous avez des questions ou des observations, sentez-vous parfaitement libres de les présenter en français, et je tâcherai d'y répondre.

Les événements qui nous réunissent ici aujourd'hui ont eu depuis quelques semaines un profond retentissement sur les médias canadiens d'un bout à l'autre du pays, sur la population canadienne et de nombreux députés, et surtout sur les membres du Sénat et du Congrès américains.

Hier, nous avons entendu le ministre parler du mandat double, et à mon sens contradictoire, du service de douanes: la facilitation d'une part et la sécurité d'autre part. Les deux fonctions sont manifestement liées, mais peuvent toutefois être assimilées aux deux pôles de ce sablier. Car la facilitation accrue se traduit, monsieur le président, par une sécurité réduite, et vice versa. Il me semble que ce sablier l'illustre très bien.

Le projet de loi S-23 favorise énormément la fonction facilitation, notamment pour ce qui est d'accélérer le traitement des personnes et des marchandises entrant au Canada. Nous considérons d'ailleurs que c'est là le but premier du projet de loi S-23, qui est en fait le fruit des consultations auprès secteurs du commerce et du tourisme.

• 1535

Le projet de loi contient également des mesures qui devraient selon nous permettre de remédier à certains problèmes. La nouvelle structure des pénalités, les nouveaux mécanismes de contrôle des envois postaux destinés à l'exportation et les zones de contrôle des douanes aux aéroports internationaux sont autant d'améliorations qui y sont prévues.

Les douaniers aux postes-frontières canadiens se sont dit frustrés par l'insuffisance du matériel informatique dont ils disposent, dont la plupart est désuet, par le manque de formation, le manque de personnel et d'autres problèmes qui avaient également été signalés par le vérificateur général dans son rapport d'avril 2000.

Bien avant les événements terribles du 11 septembre, le vérificateur général en fonction à l'époque, Denis Desautels, avait déclaré qu'en raison du nombre de voyageurs entrant au pays aux 147 postes-frontières et aux 13 aéroports internationaux sont plus de 100 millions de personnes par an, les risques pour la sécurité du Canada étaient élevés. Au sujet des douaniers, il avait dit que leur rôle consiste principalement maintenant à protéger les Canadiens contre des activités illégales, comme l'entrée de marchandises en contrebande ou l'entrée illégale de personnes inadmissibles. Les vérifications effectuées par son bureau avaient, disait-il, fait ressortir certaines inquiétudes quant à la gestion de ces risques.

Si le projet de loi S-23 promet certaines améliorations qui dépassent la simple facilitation, les représentants politiques, les forces policières, les Canadiens, les médias et beaucoup d'Américains, à tous les niveaux, sont, tout comme nous, persuadés qu'il faut réexaminer nos politiques en matière d'application de la loi. Certains des reproches que nous adressent les élus américains, même si j'abonde dans le sens de ceux qui y voient un moyen commode de détourner les critiques vers le Canada, confirment les inquiétudes que CEUDA exprime depuis bien des années.

L'Association canadienne des policiers a d'ailleurs fait une mise en garde cette semaine contre la tentation de s'imaginer que l'on est en sécurité. Elle demandait un accroissement des effectifs et une application plus rigoureuse de la loi. Nous partageons cette opinion, notamment en ce qui a trait à la frontière canado-américaine. Dans son rapport, le vérificateur général concluait que les relations entre les douanes, l'immigration et les autres organismes et ministères à bien des points d'entrée sont tendues. L'échange de renseignements de sécurité essentiels ne va pas de soi, et les outils dont on dispose, comme les lecteurs de plaques et les ordinateurs, sont lents et désuets, à tel point qu'ils ne sont pas fiables. Nous espérons que le projet de loi S-23 permettra aussi de remédier à ces lacunes, puisque, s'ils avaient accès à du matériel à haute performance et aux données les plus récentes, nos membres seraient bien plus efficaces.

M. Desautels concluait également à l'insuffisance de la formation dispensée aux étudiants et aux contractuels à court terme ainsi qu'à la nécessité d'accroître la formation des douaniers à plein temps, notamment pour les compétences spécialisées comme le ciblage, qui exige de savoir bien tenir compte à la fois des informations obtenues sur place de même que des renseignements de sécurité consignés dans les bases de données informatiques afin de déterminer si on est en présence d'un risque potentiel. Étant donné la nature des fonctions douanières et l'évolution du cadre d'application de la loi, il faut assurer une formation soutenue pour maintenir les compétences à jour, disait-il. Cependant, mis à part le stage d'initiation de 14 semaines—qui, soit dit en passant, n'est plus que de huit semaines, auxquelles viennent s'ajouter des modules de formation ultérieurs—, bon nombre des employés de longue date que nous avons interviewés n'avaient participé à aucune séance de recyclage relativement aux fonctions douanières.

Le fait est que la charge de travail est telle qu'il est impossible de libérer les employés pour qu'ils puissent se perfectionner et certains ont d'ailleurs dû attendre des années avant même de suivre le stage initial de 14 semaines, qui n'est plus maintenant que de huit semaines et où le taux d'échec se situe en moyenne aux alentours de 15 p. 100. La formation dispensée aux étudiants reste toutefois essentiellement la même, c'est-à-dire qu'elle dure deux semaines en moyenne, ou trois semaines dans l'hypothèse la plus favorable, et que ces étudiants, de même que les quelque 300 employés embauchés pour une période déterminée qui ne reçoivent eux aussi que deux semaines de formation, représentent à un certain moment plus de la moitié de l'effectif douanier affecté au contrôle des voyageurs pendant les mois les plus occupés de l'année, en juillet et en août.

On entend beaucoup parler par ailleurs de la création d'un périmètre nord-américain. D'après ce que nous en savons, l'idée est d'appliquer un contrôle plus rigoureux aux voyageurs arrivant de l'extérieur de l'Amérique du Nord. Nos membres s'inquiètent depuis des années du peu de place qu'occupe l'application de la loi dans leurs fonctions. Nous serions donc en faveur de la création de ce périmètre, à condition toutefois qu'il n'en résulte pas une diminution des activités d'application de la loi à la frontière canado-américaine.

• 1540

L'application à la frontière canado-américaine vise non pas seulement les terroristes, mais aussi les armes à feu, la pornographie, les conducteurs ivres, les criminels nord-américains de même que l'alcool, le vin, la bière et les cigarettes de contrebande. Nous vérifions aussi la présence de produits agricoles contaminés de même que des symptômes de maladie chez les voyageurs. Nous vérifions que les marchandises radioactives et les autres marchandises dangereuses soient bien étiquetées et transportées en toute sécurité.

L'un de vous, hier, a assimilé les douanes à un ralentisseur, un simple dos d'âne. N'oubliez pas que les dos d'âne permettent de sauver des vies. Il a également été question hier des efforts que devrait déployer le Canada pour devenir la voie d'accès de l'Amérique du Nord. Cet objectif ne serait-il pas d'autant plus difficile à réaliser si nous avions un périmètre nord-américain?

Alors que les Américains ont décidé de tripler le nombre de leurs gardes-frontières le long de la frontière avec le Canada et de dépenser de 25 à 50 millions de dollars pour l'achat de matériel comme des lunettes de vision nocturne et des détecteurs de mouvement, des mesures comme l'accès préalable aux listes de voyageurs des lignes aériennes, l'établissement de zones de contrôle des douanes dans les aéroports et la mise sur pied de nouveaux programmes comme l'initiative CANPASS ne semblent guère suffire. Ce n'est pas que ces mesures ne sont pas bonnes, mais c'est plutôt qu'elles semblent dérisoires par rapport à celles qu'il faudrait pendre selon nous.

Ainsi, le programme CANPASS est excellent en principe, mais il n'est efficace que dans la mesure où il s'appuie sur un certain nombre de vérifications. Nous croyons savoir qu'un rapport interne que l'Agence a réalisé dernièrement sur CANPASS a révélé des constatations assez étonnantes. Le rapport n'a toujours pas été rendu public, mais les membres du comité voudront peut-être en demander un exemplaire au ministre. On y faisait état d'un certain nombre de problèmes de sécurité et d'application de la loi. On signalait par exemple que plus de 15 p. 100 des adresses que nous avons pour les titulaires de cartes CANPASS sont inexactes. Qui plus est, le ministre s'attend que les nouvelles mesures prévues dans le S-23 se traduiront par une réduction des ressources qui devront être consacrées aux personnes et aux marchandises à faible risque et qu'il pourra ainsi affecter plus de ressources là où le risque est plus élevé.

C'est l'objectif que visaient les responsables des douanes avec CANPASS. Le vérificateur général a aussi conclu que CANPASS n'avait pas encore donné lieu aux économies escomptées et que l'objectif initial, qui était de pouvoir ainsi affecter plus de ressources là où le risque est plus élevé, n'a toujours pas été atteint. Cela s'expliquait surtout, disait-il par le fait que les Canadiens étaient moins nombreux à s'en servir qu'on avait prévu.

Les présumés gains d'efficience et de sécurité à la frontière qui seraient attribuables à CANPASS et à d'autres programmes semblables ne sont donc que conjectures pour l'instant. Les programmes de ce genre n'ont généralement pas encore fait leurs preuves et pourraient contribuer à créer un faux sentiment de sécurité. J'espère que le ministre a raison, mais nous ne le saurons qu'à long terme. Le comité voudra peut-être suivre ce dossier et demander au ministre de lui faire des rapports d'étape périodiques au cours de l'année à venir.

Nous sommes aussi préoccupés par les ports d'entrée où il n'y a qu'un employé en poste. Le ministre a dit hier que le recours accru à des installations communes serait un moyen de répondre à cette préoccupation. Il en existait déjà quelques-unes, et je suis d'accord avec le ministre pour dire qu'elles ont beaucoup contribué à rassurer les douaniers sur leur sécurité. Ces installations représentent toutefois une solution à long terme, alors que le problème est immédiat. Ne pourrions-nous pas mettre les douaniers par équipe de deux jusqu'à ce que nous puissions offrir partout des installations communes? Dans la conjoncture actuelle, il ne semble pas qu'il soit dans l'intérêt du Canada ou des Canadiens de permettre simplement que les voyageurs qui se présentent puissent entrer au Canada.

Comme vous avez pu le constater, nos membres ont de graves inquiétudes. Il faut repenser l'équilibre entre la sécurité et la facilitation. Avec les années, la balance penche de plus en plus du côté de la facilitation, trop à notre avis. Nous considérons qu'il existe des problèmes et des lacunes graves.

Le ministre vous a dit hier que l'évaluation du risque se fait de façon quotidienne de manière à tenir compte de l'évolution du contexte. Le projet de loi S-23 a été rédigé avant le 11 septembre et, même s'il y est question de la gestion du risque, nous sommes d'avis qu'il n'aurait pas pu prendre en compte la réalité du monde d'aujourd'hui.

• 1545

Quand un sénateur américain brandit en comité une balise routière orange et dit: «Voilà ce qui passe pour de la sécurité à certains postes le long de notre frontière avec le Canada—et nous savons qu'il en va de même chez nous—, nous estimons qu'il y a lieu de poser davantage de questions. Une balise orange ne peut assurer de sécurité. La sécurité de la frontière n'est assurée que dans la mesure où toute la frontière est verrouillée».

En conclusion, voici ce que CEUDA propose au comité. Nous vous demandons de faire une étude plus approfondie de la sécurité nationale et d'entendre sur cette question le témoignage de divers experts et témoins représentant tous les points de vue. Demandez au ministre Cauchon de créer un comité consultatif chargé d'examiner les problèmes et les préoccupations relatifs à la sécurité comme il l'a fait dans le cas de la facilitation quand il a consulté divers organismes ayant un intérêt à la chose. Convenez de convoquer le ministre, CEUDA et d'autres à venir témoigner devant votre comité d'ici six mois à un an pour vous parler de sécurité et de douanes. Nous devrions d'ici là avoir une idée des progrès réalisés dans la mise en oeuvre du projet de loi S-23 et de son efficacité pour ce qui est d'assurer la sécurité. La vérificatrice générale aura déposé son rapport où elle aura évalué le risque du côté du contrôle douanier des échanges et nous devrions aussi avoir une bien meilleure idée de ce que les Américains auront décidé de faire à la frontière.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Charette.

Nous passons maintenant à la période des questions, et nous commençons par M. Jaffer, pour un tour de 10 minutes.

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, AC): Merci, monsieur le président.

Merci pour l'exposé que vous venez de nous présenter, Serge.

Je vous ai écouté avec intérêt parce qu'hier, j'ai justement interrogé le ministre sur cette question du mandat double du service des douanes, qui doit faire appliquer la loi et produire des recettes. Il semble de plus en plus clair, d'après certaines des observations que vous avez faites dans votre exposé, et d'après certaines des personnes avec qui nous avons parlé de cette question, qu'on soit vraiment déterminé à faire en sorte que le service des douanes puisse s'acquitter efficacement de son double mandat. De toute évidence, le projet de loi à l'étude cherche à assurer le traitement beaucoup plus rapide et efficace des marchandises et des services. Même si cela pose certains problèmes, je crois que la plupart seraient d'accord pour dire que c'est un pas dans la bonne voie. Vous nous avez toutefois parlé des préoccupations relatives à la sécurité et ce sont des questions qui préoccupent les députés de l'opposition et qui doivent, selon nous, trouver une réponse efficace.

Ne pensez-vous pas qu'il y a une solution évidente pour remédier à l'anomalie que présente ce mandat double, à savoir retirer le service des douanes du portefeuille du revenu pour le confier au solliciteur général et lui redonner ainsi son mandat d'application de la loi, car ce volet est de toute évidence absent de son mandat actuel?

M. Serge Charette: C'est là une idée qui a déjà été proposée sous le régime conservateur, je crois, il y a peut-être six ou sept ans, ou plus longtemps encore—j'oublie. À l'époque, l'Union douanes et accises avait au nom des douaniers donné son aval à cette idée. Dans notre optique, les douaniers s'orienteraient de plus en plus vers l'application de la loi. Le projet de loi C-18 qui a été adopté en 1998 l'a d'ailleurs fait ressortir encore plus clairement, et nous y verrions certainement un pas dans la bonne voie.

M. Rahim Jaffer: Vous avez notamment fait allusion dans votre exposé au problème de la formation de certains étudiants. Je crois que le ministre en a parlé à la Chambre, quand il a souligné l'importance d'un soutien constant aux stratégies visant à favoriser l'emploi chez les jeunes, et c'est là une notion qui ne risque guère de soulever d'opposition. Il est clair toutefois que le manque de formation ou le manque d'attention accordée au programme d'emplois d'été pour étudiants suscite des craintes étant donné les incidents à la frontière qui pourraient présenter un risque pour la sécurité. Je me demande donc si vous avez des exemples ou des incidents en particulier qui se seraient produits à la frontière en raison de l'insuffisance de la formation dispensée aux étudiants travaillant l'été.

M. Serge Charette: Il n'y a pas vraiment d'exemples dont je puisse vous parler, essentiellement parce que les étudiants relèvent de leurs superviseurs qui, à ma connaissance, n'évaluent même pas leur rendement pendant la courte période où ils sont à l'emploi de l'Agence. C'est donc assez difficile.

• 1550

Le seul exemple qui me vient à l'esprit est celui de cet étudiant qui examinait une arme chargée et qui essayait d'en retirer la cartouche. Comme il n'y arrivait pas, il aurait remis l'arme au voyageur en lui demandant de retirer la cartouche. Un coup de feu serait parti sur les entrefaites. Nous savons de manière certaine qu'un inspecteur douanier chevronné, bien formé à la manutention des armes à feu, n'aurait jamais agi de la sorte. Premièrement, il aurait été capable de retirer la cartouche lui- même. Deuxièmement, on ne remet jamais aux clients une arme chargée.

M. Rahim Jaffer: Y a-t-il eu des dommages quelconques?

M. Serge Charette: Non, la balle s'est simplement égarée. Il n'y a pas eu de blessures.

M. Rahim Jaffer: En interrogeant le ministre hier, je lui ai notamment posé une question à laquelle il n'a pas vraiment répondu. Il s'agissait de la réaffectation des ressources. Vous pourriez peut-être éclairer le comité à ce sujet, notamment en ce qui a trait au virage amorcé dans le projet de loi S-23 qui, grâce aux changements proposés, comme vous l'avez indiqué, mettrait l'accent là où le risque est plus élevé. Nous partons du principe qu'il y aurait plus de ressources à consacrer aux vérifications à la frontière dans les cas où le risque est plus élevé. Je lui ai demandé quel serait le nombre exact de personnes qui pourraient être réaffectées au cas présentant un risque élevé et quel type de ressources ne seraient plus nécessaires en raison du projet de loi S-23 et pourraient ainsi servir à renforcer les ressources consacrées aux cas présentant un risque élevé. Vous pourriez peut- être nous dire ce qu'il en est de votre point de vue.

M. Serge Charette: C'est justement une des préoccupations dont je vous ai fait part. Pour l'instant, nous n'avons pas vraiment constaté de réaffectations importantes des ressources de la facilitation à l'application de la loi. J'ai cité l'exemple de CANPASS, le vérificateur général ayant clairement indiqué dans son rapport que CANPASS n'avait pas produit les résultats escomptés. Au moment où il a fait sa vérification, il n'était toujours pas possible de déterminer la quantité de ressources qui aurait été réaffectée. Si j'ai bien compris, ce n'est pas que le programme n'est pas disponible, il l'est. C'est plutôt que les Canadiens ne se précipitent pas pour s'en prévaloir.

M. Rahim Jaffer: C'est donc dû à un manque de ressources? Car il me semblait que le programme devait accélérer les choses. Il paraît curieux que les voyageurs ne s'en prévalent pas. Ce manque d'enthousiasme serait notamment dû, semble-t-il, au fait que les ressources dont on aurait besoin pour améliorer l'infrastructure et faciliter le passage de ces voyageurs, n'ont pas été prévues en même temps que les changements législatifs en ce sens. Est-ce ce qui explique le manque de participation au programme?

M. Serge Charette: Il pourrait y avoir divers facteurs qui entrent en ligne de compte. Je sais qu'à certains points d'entrée où CANPASS a été mis en oeuvre, il n'existe pas de voie réservée aux détenteurs de la carte CANPASS. Ces voyageurs doivent faire la queue avec tous les autres. Quand ils arrivent au comptoir, ils montrent leur carte et sont autorisés à passer. Le gain est donc minime à un point d'entrée comme celui-là. Il faudrait réaménager les installations et les agrandir sans doute pour prévoir un comptoir supplémentaire ou une voie supplémentaire. Les détenteurs de la carte pourraient alors emprunter cette voie réservée. C'est là l'un des sujets qui nous préoccupent à l'heure actuelle.

Moyennant une amélioration, il serait possible de développer le programme pour qu'il donne de meilleurs résultats qu'à l'heure actuelle.

M. Rahim Jaffer: J'ai une dernière question. Les responsables des douanes ont-ils le personnel voulu à l'heure actuelle pour mettre en oeuvre les changements prévus dans le projet de loi S-23? Quel type d'infrastructure faudra-t-il mettre en place pour accroître le nombre de douaniers à la frontière?

M. Serge Charette: Selon nous, tout au long des années 90, on a essayé de faire plus avec moins. J'ai constaté essentiellement que, quand on a moins on ne peut pas faire plus; on en fait moins en réalité. On essaie donc de travailler de la façon la plus efficiente possible, en ciblant le type d'activités auxquelles il faut accorder plus d'attention. Naturellement, il y en a d'autres qui, de ce fait, se trouvent négligées.

• 1555

Nous sommes essentiellement d'avis que l'effectif est insuffisant à l'heure actuelle et nous souhaiterions qu'il soit accru considérablement, surtout si nous devons continuer à exercer une vigilance accrue comme c'est le cas à l'heure actuelle.

M. Rahim Jaffer: Merci.

[Français]

Le président: Monsieur Perron.

M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ): Merci, monsieur le président.

Bonjour, monsieur Charette, je vous souhaite la bienvenue. Je voudrais d'abord vérifier avec vous ce qui se passe lorsque quelqu'un veut traverser la frontière et entrer au Canada. Vous me corrigerez s'il y a lieu, parce que ce que j'en sais vient de rumeurs que j'ai entendues. Je ne suis pas un expert comme vous.

Est-il vrai, monsieur Charette, que lorsqu'une automobile se présente au poste à la frontière—que ce soit au mois d'août ou à n'importe quel autre mois de l'année, que ce soit à un moment très occupé ou très peu occupé—vous arrêtez cette automobile et quel que soit le nombre de personnes qui s'y trouvent, vous avez 30 secondes pour décider si l'automobile peut continuer ou si l'on devrait effectuer une fouille plus approfondie?

M. Serge Charette: Nous avons, en effet, peu de temps pour prendre cette décision dans les bureaux à haut volume, et 30 secondes, ça me semble correspondre à la moyenne actuelle.

M. Gilles-A. Perron: Vous a-t-on imposé de faire ce travail en 30 secondes, ou à peu près 30 secondes?

M. Serge Charette: Il ne s'agit pas d'une période de temps imposée. Cette durée de 30 secondes représente une moyenne. Il arrive que se présentent ce que nous appelons des réguliers, par exemple des gens qui travaillent à Détroit et qui habitent à Windsor. Ces gens traversent la frontière cinq jours par semaine. Nos employés sont donc habitués à les voir revenir du travail toujours à la même heure. Dans un tel cas, nous demandons à la personne les deux ou trois questions de base et ensuite, nous la laissons passer. Cela nous donne un petit peu de temps supplémentaire pour examiner un autre véhicule qui pourrait représenter un cas plus inhabituel ou un petit peu plus complexe, s'il y avait deux ou trois personnes à l'intérieur, par exemple. Nous essayons de maintenir une moyenne d'environ 30 secondes par véhicule.

M. Gilles-A. Perron: Croyez-vous sincèrement que 30 secondes suffisent?

M. Serge Charette: Nous prétendons que non. Nous avons toujours maintenu que non. Au début des années 1990, il y a eu une augmentation fulgurante du nombre de voyageurs. À cette époque, nous avons été obligés de limiter nos interventions, de modifier notre façon de questionner les gens car avant cela, les files d'attente étaient devenues interminables.

Les modifications ont donc débuté à cette époque. Au cours des années 1990, nous tâchions de faire plus avec moins, et nous n'avons jamais pu revenir à nos méthodes d'avant 1991.

M. Gilles-A. Perron: Je voudrais vous poser une autre question. Est-il vrai qu'à certains postes de douanes, par exemple, à Lacolle et à Windsor, certains mots de passe facilitent le travail des officiers? Par exemple, si une personne arrive et dit qu'elle va au casino, cela constitue pratiquement une passe automatique: Go ahead.

M. Serge Charette: Oui, mais disons que...

M. Gilles-A. Perron: Ou au bingo.

M. Serge Charette: Oui, ces gens font partie de ce groupe que nous appelons nos réguliers, comme je le disais plus tôt. Le cas de Windsor et de son casino est un très bon exemple. Si des Américains arrivent à la frontière de Windsor et nous disent qu'ils vont au casino pour une petite soirée de jeu, cela constitue pour nous un motif tout à fait valable.

M. Gilles-A. Perron: Donc, si je suis un terroriste ou un contrebandier de narcotiques et que je connais votre façon de faire, je monte dans une automobile qui va au casino et je peux passer.

M. Serge Charette: Ce serait peut-être une possibilité, mais un terroriste qui se présenterait à la frontière de Windsor arriverait probablement dans une voiture louée. Il n'utiliserait pas son véhicule personnel.

M. Gilles-A. Perron: Mais il pourrait accompagner une personne qui utilise son véhicule personnel.

M. Serge Charette: Oui. Si on veut donner l'impression que l'on se rend au casino, le fait de connaître un résidant de Détroit qui, lui, utilise son véhicule peut faciliter les choses.

M. Gilles-A. Perron: Avez-vous vu dans le projet de loi S-23 des éléments qui pourraient vous permettre de travailler d'une façon différente? Je ne veux pas blâmer qui que ce soit, mais je suis effrayé d'entendre de telles choses, des inspections de 30 secondes, des mots de passe, etc. Cela me donne la chair de poule. Autrement dit, n'importe qui, n'importe quoi peut entrer au Canada.

• 1600

M. Serge Charette: Il ne s'agit pas comme tel de mots de passe. Il s'agit plutôt de mots clés. Et dans de tels cas, on se dit que cela est tout à fait logique. Si quelqu'un arrive dans un véhicule et est habillé d'une façon appropriée, à une heure sensée, il s'agit en effet probablement de quelqu'un qui va au casino. Le douanier présume donc, dans une telle situation, que le risque est moins élevé. Par contre, si on voit quelqu'un en jeans, dans une voiture louée, et que cette personne nous dise aller au casino, automatiquement nous aurons des soupçons, parce qu'on sait que pour aller au casino, il faut être assez bien mis; on n'accepte pas n'importe qui. Une voiture louée éveillerait aussi nos soupçons.

M. Gilles-A. Perron: Le projet de loi S-23 peut-il régler les problèmes de sécurité? Je pense que nous avons des problèmes de sécurité. On n'évalue pas le niveau de risque. S'agit-il d'un niveau de risque léger, lourd ou pas, ou inconnu? Nous avons maintenant un nouveau terme pour indiquer un haut niveau de risque, le niveau de risque inconnu.

Une voix: Oui.

M. Gilles-A. Perron: Le projet de loi S-23 peut-il aider à combler ces lacunes?

M. Serge Charette: À mon avis, certains aspects du projet de loi S-23 pourraient régler certains problèmes, par exemple la liste qu'on va demander aux transporteurs aériens de fournir. Il s'agit d'un pas dans la bonne direction, en autant que l'information qui apparaît sur cette liste soit bonne, parce qu'il faut bien comprendre qu'un transporteur aérien n'est pas en affaires pour fournir de l'information à Revenu Canada. Il est en affaires pour transporter le plus grand nombre possible de personnes; c'est pourquoi il se satisfait du fait qu'une personne ait payé son billet d'avion et qu'elle ne représente pas un risque pour l'avion ou la ligne aérienne. Pour lui, son travail est fait.

L'efficacité du projet de loi S-23 dépendra, selon moi, du degré auquel l'information qui nous sera fournie sera vérifiée. Je pense qu'il faudra investir des ressources dans la vérification de ces informations.

M. Gilles-A. Perron: Votre réponse me satisfait très peu. J'essaie de comprendre ce que le projet de loi S-23 apporte au niveau de l'évaluation du risque. Comment allons-nous faire pour déterminer si Gilles Perron constitue un bas risque, un haut risque ou un risque inconnu? Sur quels critères allons-nous nous baser pour venir à bout de déterminer, le niveau de risque que représente M. Charette?

M. Serge Charette: Je crois que le projet de loi S-23 propose des mesures qui nous permettront de vérifier certaines informations avant l'arrivée des gens. Par contre, si quelqu'un se présente aux douanes à la frontière en automobile, peu d'information aura été fournie au préalable. Nous ferons essentiellement le même travail que d'habitude. Nous serons obligés de poser des questions et de tâcher de nous informer.

Par contre...

M. Gilles-A. Perron: Et prendre plus de 30 secondes pour faire votre inspection.

M. Serge Charette: Nous aimerions prendre plus de 30 secondes, mais nous prenons le temps qui est à notre disposition.

M. Gilles-A. Perron: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, Monsieur Perron.

[Traduction]

Je donne la parole à Sue Barnes, qui sera suivie de John McCallum, de Nystrom, et de Brison, après quoi je reviendrai aux libéraux.

Madame Barnes.

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président. Merci à vous, monsieur Charette, de comparaître aujourd'hui.

J'aimerais que vous m'éclairiez sur quelque chose. Comment la technologie soit les programmes informatiques dont dispose le Service canadien des douanes pour lire les plaques numérologiques et obtenir de l'information se compare-t-elle à celle dont disposent les douaniers américains?

M. Serge Charette: Je ne saurais vous dire quelle est l'efficacité du matériel qu'on utilise du côté américain. Je peux toutefois vous dire que, d'après des études dont nous avons pris connaissance, le matériel est fiable à 70 p. 100 quand les conditions climatiques sont bonnes. S'il y a une tempête de neige ou s'il pleut à verse ou encore au crépuscule quand l'angle des rayons du soleil nuit à la visibilité, il se pourrait que la lecture soit fausse.

Mme Sue Barnes: D'accord. Je veux savoir s'ils ont la même capacité pour ce qui est de lire les plaques. Êtes-vous en mesure de me le dire?

M. Serge Charette: Je crois que oui, mais je ne peux pas faire de comparaison, parce que je n'ai pas vu de rapport sur le sujet.

Mme Sue Barnes: Très bien.

Je vous ai entendu dire qu'il faudrait maintenir la frontière canadienne plutôt que d'opter pour le soi-disant périmètre nord- américain. J'ai moi-même travaillé aux douanes il y a de cela un certain nombre d'années, et je me souviens notamment que les douaniers devaient souvent demander aux Américains de leur remettre leurs armes à feu pour qu'ils puissent les entreposer ou les obliger à faire demi-tour parce qu'ils étaient nombreux à se présenter à la frontière avec leur arme généralement parce qu'ils ignoraient que la loi canadienne l'interdisait. En est-il toujours ainsi?

M. Serge Charette: Oui, c'est le cas encore aujourd'hui. Nous saisissons chaque année des milliers d'armes à feu.

• 1605

Mme Sue Barnes: Raison de plus pour maintenir la frontière telle qu'elle existe à l'heure actuelle, selon vous.

M. Serge Charette: Tout à fait.

Mme Sue Barnes: D'accord, merci.

Pour les emplois d'été des étudiants c'est ce que j'ai fait moi aussi en 1974 après avoir terminé mes études universitaires et avant de me lancer en droit. C'est sans doute le meilleur emploi que j'ai jamais eu.

Je ne me rappelle pas d'avoir été jamais laissée sans surveillance par les douaniers permanents. À votre connaissance, est-il déjà arrivé qu'un étudiant travaillant à temps partiel ou pendant l'été soit laissé sans surveillance?

M. Serge Charette: Je peux vous dire que, quand je suis allé au Yukon l'été dernier, je me suis rendu à un point d'entrée où il y avait six agents en poste. Le seul qui occupait un poste indéterminé se trouvait en congé annuel, si bien que les six agents qui étaient là n'avaient reçu que deux semaines de formation environ.

Mme Sue Barnes: C'est bien possible. Je crois qu'en 1974, j'avais sans doute eu droit à moins de deux semaines de formation, mais je peux vous dire que tous les étudiants qui travaillaient là étaient sans doute des étudiants diplômés et que les agents permanents les aidaient et les supervisaient très consciencieusement. La situation a-t-elle changé selon vous?

M. Serge Charette: Je ne veux certainement pas laisser entendre que les étudiants qui travaillent aux douanes ne sont pas consciencieux. Ils font leur travail du mieux qu'ils peuvent. Le problème auquel nous nous heurtons, c'est que, quand on est posté à la frontière, il nous faut appliquer non pas seulement la Loi sur les douanes, mais 70 autres lois—du moins les plus importantes parmi elles. Voilà ce qui nous préoccupe. Nous ne pouvons pas concevoir que quelqu'un qui n'a eu que deux semaines de formation puisse atteindre le niveau de travail pour en arriver à comprendre à fond 70 lois différentes.

Mme Sue Barnes: À l'époque, il y avait certains emplois qu'on ne confiait pas aux étudiants, et je suis sûre qu'il en est toujours ainsi. N'est-ce pas?

M. Serge Charette: Je crois savoir qu'il n'en est pas ainsi. Il y a des étudiants qui travaillent sans surveillance. Car la définition que l'on retient de la surveillance à l'heure actuelle est telle qu'il suffit d'avoir accès à un téléphone pour pouvoir appeler un superviseur ou un douanier chevronné pour qu'on soit considéré comme étant sous surveillance.

Mme Sue Barnes: Je veux maintenant passer aux nouvelles dispositions du projet de loi S-23 qui vous permettraient d'ouvrir le courrier destiné à l'exportation et qui d'après vous sont une amélioration. Vous appuyez ces dispositions et j'aimerais que vous nous donniez vos raisons pour qu'elles puissent être consignées au compte-rendu.

M. Serge Charette: Si nous appuyons ces dispositions, c'est essentiellement parce que nous savons qu'il y a une foule de produits qu'on peut mettre dans des petits colis, comme des ordinateurs. Pendant un certain temps, tous les ordinateurs destinés aux pays de l'Est devaient être interceptés parce qu'ils étaient considérés comme des marchandises dont on interdisait la vente à ces pays.

Nous n'avons jamais scruté les envois postaux à l'exportation comme il aurait fallu le faire. Nous le faisons pour les envois importés. Nous estimons toutefois que nous serions ainsi beaucoup plus en mesure d'intercepter des marchandises qui ne devraient pas être exportées à certains pays et qui figurent sur les listes à cet effet.

Mme Sue Barnes: Faudrait-il donc à tout prix conserver cette disposition du projet de loi, selon vous?

M. Serge Charette: C'est une excellente disposition qu'il faudrait certainement conservée.

Mme Sue Barnes: Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup, madame Barnes.

Monsieur McCallum.

M. John McCallum (Markham, Lib.): Je cède mon temps de parole, monsieur le président, car le temps qui passe.

Le président: Allez-y, posez votre question.

M. John McCallum: Non, je m'incline devant ces messieurs.

Le président: On aura tout vu.

M. John McCallum: Cela ne veut pas dire que je leur donne mon temps de parole; cela veut simplement dire qu'il nous faudra moins de temps.

Le président: Vous avez la parole, monsieur Nystrom.

M. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Je suis très heureux de savoir qu'à ses yeux Scott et moi sommes des messieurs.

[Français]

Je vous souhaite la bienvenue à notre comité, monsieur Charette.

[Traduction]

Je voudrais simplement vous poser une ou deux questions. Cette fin de semaine, il se fait que j'étais à Kenora, en Ontario, une ville qui se trouve au bord du lac des Bois. Ce lac s'étend des deux côtés de la frontière. D'après ce qu'on m'a dit, on y trouve 14 000 îles. Beaucoup de gens m'ont dit qu'on pouvait facilement, à peu près n'importe quand, se rendre aux États-Unis en utilisant un petit bateau sans aucun risque d'être intercepté. J'ai donc posé la question hier au ministre. Que pourrions-nous faire pour renforcer la surveillance dans des endroits comme celui là, où c'est très difficile à accomplir?

Comme vous le savez, je viens de la Saskatchewan et, dans les Prairies, de très nombreux postes-frontières n'ont qu'un seul douanier. Le ministre a parlé d'une collaboration avec les douaniers américains de l'autre côté. Que pourriez-vous nous conseiller d'autre? Je sais que souvent, les postes de police sont assez éloignés et, si l'agent de faction a un problème, il faut parfois qu'il attende une demi-heure avant de voir arriver un policier.

• 1610

Auriez-vous quoi que ce soit à conseiller au comité afin de rectifier ce genre de problème?

M. Serge Charette: Pour ce qui est du premier volet de la question et des gens qui fréquentent le lac, je dirais que la situation du Canada est différente de la situation américaine. Les représentants de Revenu Canada ont pour mission de surveiller tout ce qui se passe aux postes-frontières. Si nous avons de bonnes raisons d'intervenir ailleurs, nous avons recours à ce que nous appelons les équipes d'intervention mobiles. Par contre, nous n'en avons pas beaucoup, et ces équipes sont normalement utilisées pour des opérations spéciales à des endroits particuliers. Elles n'en sortent guère étant donné que pour ce qui est de la frontière—et j'entends par là la frontière proprement dite et non pas les postes frontaliers—ce n'est pas l'Agence qui est compétente, mais plutôt la GRC. C'est à la GRC à s'occuper de ce genre de chose.

Pour ce qui est maintenant du second volet de votre question, j'en ai parlé dans mon exposé en disant que c'était une excellente suggestion, qui est d'ailleurs mise en pratique au moins à trois endroits à ma connaissance. Cela a été extrêmement utile au niveau de la sécurité des personnes qui travaillent à ces trois postes- frontières, et cela parce que ces gens travaillent maintenant avec d'autres personnes qui sont armées.

M. Lorne Nystrom: Pourriez-vous nous donner un exemple qui nous dirait en quoi cela affecte quelqu'un qui se rendrait en voiture de Regina à Plentywood, au Montana, quelqu'un qui pourrait présenter un niveau de risque plus élevé? Quelles seraient par exemple les questions qu'on poserait À cette personne si elle était considérée comme présentant un risque plus élevé? Y aura-t-il d'autres définitions des diverses catégories, en ce sens que quelqu'un qui ne présente peut-être pas un risque plus élevé aujourd'hui serait considéré différemment après l'adoption du projet de loi? Quel serait le genre de questions qu'on lui poserait par rapport à ce qui est le cas actuellement?

M. Serge Charette: Je dirais qu'il faudrait demander à cette personne où elle a été aux États-Unis, ce serait l'une des questions qu'on lui poserait, pourquoi elle s'est rendue aux États- Unis, combien de temps elle y a séjourné et si les réponses ne semblent pas concorder...il faut également surveiller les réactions de la personne en question. Si la personne en question a un rire nerveux, si elle évite de vous regarder dans les yeux, si elle semble extrêmement tendue, à ce moment-là il faut se demander pourquoi, de sorte que ce genre d'attitude est immédiatement un facteur de risque supplémentaire.

Il y a par ailleurs toujours la possibilité d'utiliser toute une série d'outils si on a accès aux données. Par contre, ce n'est pas possible dans les petits postes-frontières. Mais si vous pouvez avoir accès à une base de données, vous pouvez, à partir du numéro de la plaque d'immatriculation de la voiture de la personne en question, ou à partir de son nom, vérifier si elle a un casier judiciaire ou si elle fait l'objet d'un avis de signalement quelconque.

Mais tout cela restera variable d'un individu à l'autre. Il est très difficile de normaliser tout et de dire que, chaque fois que quelqu'un se présente à la frontière, nous allons procéder de la même façon.

M. Lorne Nystrom: C'est donc extrêmement subjectif et tout dépend en somme de la personne qui se trouve devant vous.

M. Serge Charette: Tout à fait.

[Français]

M. Lorne Nystrom: Y aura-t-il des modifications au type de questions que vous poserez après l'adoption du projet de loi S-23? Y aura-t-il des modifications à votre évaluation d'une situation où, par exemple, quelqu'un sourirait de façon suspecte, ou quelque chose de ce genre? Votre approche sera-t-elle différente dans quelques semaines de ce qu'elle était la semaine dernière?

M. Serge Charette: Pas à ma connaissance. Selon moi, nous poserons essentiellement les mêmes questions qu'aujourd'hui. Le douanier aura le même pouvoir discrétionnaire, du moins d'après ce que le ministre a dit hier. Il a dit qu'il était important de compter sur des douaniers d'expérience. Il veut donc garder les douaniers d'expérience.

M. Lorne Nystrom: Merci beaucoup.

M. Serge Charette: De rien.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup, monsieur Nystrom.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC/RD): Je vous remercie, monsieur le président.

Merci à vous, monsieur Charette, pour votre intervention.

M. Serge Charette: Je vous en prie.

M. Scott Brison: J'aurais une ou deux questions à vous poser.

• 1615

Ce que je crains, c'est que le fait d'adopter un système plus automatisé nous donne une fausse impression de sécurité. Certes, cela facilitera la vie de 98 p. 100 des voyageurs peut-être, cela va faciliter l'entrée au Canada. Mais les gens qui peuvent s'y prendre de manière à tomber dans la catégorie des voyageurs à faible niveau de risque pourront dorénavant beaucoup plus facilement entrer au Canada et en sortir grâce à la nouvelle loi. Ainsi, la perspective d'un système plus automatisé, dans la foulée des événements du 11 septembre, ne laisse pas de m'inquiéter, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Peut-être devrions-nous accroître les ressources. Il est évident qu'il ne devrait pas exister de postes-frontières où il n'y a que six étudiants sans superviseur, comme vous nous en avez fait part. J'ai toutefois le sentiment que l'adoption d'un système plus automatisé semble tout à fait propice à une augmentation du risque plutôt que le contraire. Qu'en dites-vous?

M. Serge Charette: Eh bien, selon moi, l'automatisation proposée dans le projet de loi S-23 aurait pour but de donner de nouveaux moyens d'action aux douaniers pour les aider dans leur travail, par exemple en leur donnant accès à des renseignements plus fiables grâce à l'utilisation de lecteurs optiques d'empreinte palmaires, par exemple. Il est extrêmement difficile de classer les empreintes palmaires d'un individu sur un lecteur optique.

M. Scott Brison: Il ne s'agit pas d'une de ces machines à lire la bonne aventure, n'est-ce pas?

M. Serge Charette: Il s'agit d'un lecteur d'empreintes palmaires. Vous placez votre main sur l'écran et la machine vous dit si l'empreinte de la paume de la main correspond à celle de Serge Charette. C'est de cela qu'il s'agit, des nouveaux outils qui faciliteraient l'identification des voyageurs. Le projet de loi S-23 ne vise nullement à implanter un système dans lequel c'est un ordinateur qui déterminerait si telle ou telle personne peut ou non entrer au Canada ou si telle ou telle marchandise peut ou non être importée. C'est davantage un auxiliaire.

M. Scott Brison: Mais, pour la plupart des voyageurs, cela leur donnera une impression de sécurité et facilitera aussi leur déplacement, n'est-ce pas? À certains égards, cela dégagera également une partie du personnel qualifié, non? Vous faites des hypothèses qui reposent...

M. Serge Charette: Oui, en effet, et c'est ce que j'ai dit dans mon exposé. Nous faisons plusieurs hypothèses, mais seul le temps nous dira si ces hypothèses étaient justes. Par contre, cet élément là ne nous inquiète pas autant que vous. C'est surtout le nombre de vérifications qui seront nécessaires pour corroborer ce que nous dira ce système automatisé, comme le système SSMAEC par exemple.

Ce qui nous préoccupe, c'est que nous ne contrôlons pas suffisamment de gens qui reviennent au Canada en utilisant le système SSMAEC. Il faudrait en contrôler un plus grand nombre étant donné qu'après un certain temps, les gens finissent par savoir qu'ils ne seront pas contrôlés. À ce moment-là, il faudrait qu'ils essaient de deviner à quel moment ils vont être contrôlés, mais, si nous n'en contrôlons qu'un sur cent, à ce moment-là, il devient très facile de deviner si on va être contrôlé ou pas.

M. Scott Brison: Vous dites dans un rapport interne que l'un des problèmes associés au système CANPASS est que plus de 15 p. 100 des adresses données par les détenteurs d'une carte CANPASS sont fausses. Pouvez-vous nous parler d'autres problèmes associés au système CANPASS dans ce rapport interne?

M. Serge Charette: Je n'ai pas lu ce rapport à proprement parlé. C'est quelque chose que m'a dis quelqu'un qui avait appris que c'était confidentiel et qu'il ne fallait pas trop en parler, mais j'ai jugé la chose suffisamment importante pour en faire part aux membres du comité.

• 1620

Nous sommes préoccupés parce que cela laisse croire que l'automatisation est toujours assortie d'une obligation de la part de l'Agence de vérifier que l'information utilisée pour déterminer si une personne devrait obtenir un laissez-passer ou non, est toujours bonne et actuelle. Pour nous, cela signifie qu'il y a un défaut majeur dans le système. Dans mon rapport j'ai dit qu'il serait bon que le comité exige que le ministre lui fournisse une copie de ce rapport. Je ne peux pas vous la remettre.

Merci beaucoup.

Le président: On commence le deuxième tour avec M. Epp qui a deux questions.

M. Ken Epp (Elk Island, AC): Merci beaucoup.

J'ai une ou deux petites questions pour vous. Pouvez-vous nous donner une idée du moral chez le personnel à l'heure actuelle?

M. Serge Charette: Le moral est très bas et pour plusieurs raisons. La raison principale, à l'heure actuelle, c'est que beaucoup de douaniers se font dire dans la presse, la radio et la télévision qu'ils ne font pas leur travail. Je puis vous assurer que les inspecteurs des douanes constituent un groupe de professionnels fiers qui prennent leur travail à coeur. C'est pour cela qu'ils ont demandé, au fil des ans, que tant de changements soient effectués.

L'autre aspect, pour un certain nombre d'entre eux, c'est qu'ils ne croient pas qu'on puisse employer des étudiants qui n'ont que deux semaines de formation, pour les remplacer. Ils ne comprennent tout simplement pas comment cela peut être possible parce qu'ils savent le genre de formation qu'ils ont eu à subir, eux. Le taux d'échec à Rigaud, à l'heure actuelle, est de 15 p. 100. À titre de nouvelle recrue à Rigaud, il vous faut subir avec succès le PFNID, le programme de formation des douanes. Je ne me souviens pas exactement de ce que représente le sigle.

M. Ken Epp: Y a-t-il des normes sévères de formation qu'on ne respecte tout simplement pas, ou y a-t-il des lacunes au niveau des normes?

M. Serge Charette: L'information qu'on leur transmet pendant les cours est absorbée, à notre avis. Il y a une nette difficulté au niveau de ce qu'on appelle les compétences. Lorsqu'on leur fait subir l'épreuve, il y a un pourcentage assez élevé—jusqu'à 15 p. 100—qui ne réussissent pas à prouver qu'ils ont les compétences essentielles, à notre avis, pour faire le travail. Cela contribue au problème de moral parce que les étudiants et les employés nommés pour une période déterminée n'ont jamais besoin de prouver qu'ils ont ces mêmes compétences.

M. Ken Epp: Comment ces gens sont-ils embauchés, alors? Normalement, si vous recrutez quelqu'un pour un poste qui a certaines exigences, on doit pouvoir répondre aux exigences avant d'être embauché.

M. Serge Charette: Oui.

M. Ken Epp: Bon, j'avoue qu'il s'agit d'un cas spécial, c'est- à-dire qu'on doit avoir subi une certaine formation, ce qui n'est peut-être pas le cas pour quelqu'un qui vient d'un autre métier ou qui a un diplôme d'études de douaniers. Mais vous leur assurer quand même une formation et vous évaluez leurs connaissances, et s'ils ne réussissent pas les tests, ils n'obtiennent pas l'emploi.

M. Serge Charette: Il y a une sélection qui s'effectue par voie de concours, il y a des centaines de candidats. Disons qu'il y a un concours pour la région du sud-ouest de l'Ontario: sur les 300 ou 400 candidats, on en choisit une centaine. Ces gens subissent la formation, c'est la crème de la crème, ce sont ceux qui ont le mieux réussi au concours de sélection, et ce groupe a quand même un taux d'échec de 15 p. 100.

M. Ken Epp: Bon. À votre avis, quelle proportion de vos ressources—équipement, temps, personnel—sert à gérer le côté taxes et accises par opposition à la sécurité?

M. Paul Charette: Je ne pourrais rien vous donner de précis. Je n'en suis pas sûr parce qu'il y a deux composantes qui représentent les employés au sein de l'Agence et il y a plus de deux syndicats. À l'intérieur de l'Alliance de la fonction publique, il y a deux composantes. L'une représente les employés du secteur impôts, l'autre les employés du secteur douanes et accises.

• 1625

Sur les 45 000 employés de l'Agence, à peu près 7 000 sont du secteur des douanes. Sur ces 7 000, à peu près 2 000 sont au siège social, donc à peu près 5 000 travaillant sur le terrain. Peut-être 1 000 d'entre eux sont des gestionnaires et s'acquittent d'autres fonctions, comme des fonctions régionales. Donc, en fin de compte, nous avons quelque 3 500 inspecteurs des douanes qui s'occupent des aspects commercial et voyage.

M. Ken Epp: En général, pensez-vous que vous n'avez pas les ressources qu'il vous faut pour assurer une sécurité adéquate aux frontières et aux lignes de démarcation?

M. Serge Charette: Nous pouvons bien sûr faire mieux. Nous aimerions certainement avoir des armes à feu. Il y a à peu près 10 ans que nous insistons là-dessus. Nous venons de recevoir des bâtons et du gaz poivré aux ports où le projet de loi C-18 est appliqué—c'est le projet de loi qui établit les nouveaux pouvoirs d'arrestation en vertu du Code criminel. Mais cela ne représente que 32 points d'entrée sur 160.

M. Ken Epp: La plupart de votre travail semble être concentré à la frontière entre le Canada et les États-Unis. C'est là que se fait la plupart de votre travail. Mais étant donné la situation actuelle, c'est à une zone de sécurité nord-américaine que nous pensons. Avez-vous des recommandations particulières à nous faire sur les procédures qui devraient être appliquées aux personnes venant d'un autre continent?

M. Serge Charette: J'ai déjà fait une proposition—qui d'après moi serait appuyée par nos membres—soit qu'on établisse des voies spéciales pour les résidents canadiens qui retournent au Canada, ou peut-être pour les résidents de l'Amérique du Nord qui retournent en Amérique du Nord. Il y aurait d'autres voies où on s'occuperait des passeports et des questions d'immigration. Nous pourrions nous assurer que les personnes dans ces kiosques-là, ou à ces points d'entrée-là, reçoivent plus de formation dans les domaines voulus et soient bien équipées.

M. Ken Epp: Avez-vous du matériel spécialisé qui vous aide à vérifier si un passeport est authentique?

M. Serge Charette: Nous avons des lecteurs de passeports.

M. Ken Epp: Est-ce qu'ils fonctionnent bien?

M. Serge Charette: Ils fonctionnent assez bien.

M. Ken Epp: Est-ce qu'ils rejettent un pourcentage adéquat de faux passeports?

M. Serge Charette: Il paraît que oui.

M. Ken Epp: Vraiment? On nous a donné l'impression qu'il est très facile d'entrer au Canada avec un faux passeport.

M. Serge Charette: Ça dépend de ce que vous voulez dire par «entrer facilement». Parlez-vous des gens qui viennent de destinations internationales, comme des voyageurs d'Europe qui arrivent au Canada?

M. Ken Epp: Oui, c'est ça.

M. Serge Charette: On ne passe pas facilement. La plupart des préoccupations que nous entendons ces jours-ci dans les nouvelles sont au niveau de l'immigration. Par exemple, quand quelqu'un demande le statut de réfugié, ou...

M. Ken Epp: Mais ces gens-là passent par vous aussi, n'est-ce pas?

M. Serge Charette: Oui, ils passent par nous, mais aussitôt qu'ils demandent le statut de réfugié, ils ne restent plus avec nous. Nous les renvoyons au ministère de l'Immigration. Nous nous occupons seulement des procédures primaires.

M. Ken Epp: Bon, là ils ne relèvent plus de vous.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Epp. Vos deux questions étaient très brèves.

M. Ken Epp: J'en avais au moins une dizaine encore.

Le président: Ceci est un sujet très intéressant, bien sûr, mais il y aura d'autres réunions au cours desquelles vous pourrez poser des questions.

Monsieur Charette, nous vous remercions de votre exposé très réfléchi.

M. Gilles-A. Perron: J'aurais une question.

Le président: Vous pensez que vous avez une question, mais vous n'en avez pas.

M. Gilles-A. Perron: Une seule question.

Le président: Va-t-elle être courte, ou est-ce qu'elle est comme celle de...

M. Gilles-A. Perron: Elle est très courte.

Le président: C'est probablement un commentaire. Allez-y.

[Français]

M. Gilles-A. Perron: Merci, monsieur.

• 1630

Il y a une question qui m'intéresse. Vous n'avez aucunement parlé du transport de marchandises, ni durant votre présentation, ni à l'intérieur de votre rapport.

M. Serge Charette: En effet, parce que nous sommes moins inquiets pour les marchandises que pour les voyageurs présentement. Vu les circonstances, nous croyons qu'il est plus facile de vérifier les marchandises après leur entrée au Canada. On sait où elles se trouvent. Si on veut faire une vérification ultérieure, on peut retracer les marchandises et faire des vérifications basées sur la documentation, etc.

Les compagnies tiennent d'excellents relevés d'où se trouvent les marchandises. Dans le cas des voyageurs, c'est une autre paire de manches. Quand un voyageur passe la douane, il est libre d'aller où il veut au Canada.

M. Gilles-A. Perron: Merci, monsieur.

[Traduction]

C'est très gentil, merci. Je vous en sais gré.

Le président: Je vous remercie encore. Au nom du comité, j'aimerais aussi remercier tout le personnel que vous représentez du travail qu'il accomplit à nos frontières. Ce n'est pas un travail facile, et je suis sûr que vous faites tous de votre mieux. Nous vous en sommes très reconnaissants. Merci.

M. Serge Charette: Merci beaucoup.

Le président: La séance est levée.

Haut de la page