HEAL Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Comité permanent de la santé
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 4 mai 2004
Á | 1105 |
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)) |
Son Excellence Svend Nielsen (ambassadeur, Ambassade royale du Danemark) |
Á | 1110 |
Á | 1115 |
La présidente |
Á | 1120 |
M. John Gould (président, New York Fries) |
Á | 1125 |
La présidente |
Á | 1130 |
M. Bruce Holub (professeur, Département de biologie humaine et de sciences alimentaires, Université de Guelph) |
Á | 1135 |
Á | 1140 |
La présidente |
Dre Karen L. Dodds (sous-ministre adjointe déléguée par intérim, Direction générale des produits de santé et des aliments, ministère de la Santé) |
Á | 1145 |
Á | 1150 |
La présidente |
M. Rob Merrifield (Yellowhead, PCC) |
Dre Karen L. Dodds |
M. Rob Merrifield |
Á | 1155 |
Dre Karen L. Dodds |
M. Rob Merrifield |
Dre Karen L. Dodds |
M. Rob Merrifield |
M. John Gould |
M. Rob Merrifield |
M. John Gould |
M. Rob Merrifield |
Son Excellence Svend Nielsen |
 | 1200 |
M. Rob Merrifield |
M. Bruce Holub |
M. Rob Merrifield |
M. Bruce Holub |
M. Rob Merrifield |
M. Bruce Holub |
M. John Gould |
Son Excellence Svend Nielsen |
M. John Gould |
M. Rob Merrifield |
M. John Gould |
M. Rob Merrifield |
Son Excellence Svend Nielsen |
 | 1205 |
La présidente |
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ) |
Dre Karen L. Dodds |
M. Réal Ménard |
Dre Karen L. Dodds |
 | 1210 |
M. Réal Ménard |
La présidente |
M. Bruce Holub |
La présidente |
L'hon. David Kilgour (Edmonton-Sud-Est, Lib.) |
La présidente |
L'hon. David Kilgour |
La présidente |
L'hon. Gilbert Normand (Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, Lib.) |
M. Bruce Holub |
La présidente |
L'hon. David Kilgour |
 | 1215 |
L'hon. Gilbert Normand |
M. John Gould |
La présidente |
L'hon. David Kilgour |
M. John Gould |
L'hon. David Kilgour |
La présidente |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
M. Bruce Holub |
 | 1220 |
M. Pat Martin |
M. Bruce Holub |
M. Pat Martin |
M. John Gould |
M. Pat Martin |
La présidente |
Son Excellence Svend Nielsen |
M. Pat Martin |
Dre Karen L. Dodds |
La présidente |
L'hon. Susan Whelan (Essex, Lib.) |
 | 1225 |
M. John Gould |
L'hon. Susan Whelan |
M. John Gould |
L'hon. Susan Whelan |
M. John Gould |
L'hon. Susan Whelan |
M. John Gould |
L'hon. Susan Whelan |
 | 1230 |
La présidente |
Dre Karen L. Dodds |
La présidente |
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, PCC) |
Dre Karen L. Dodds |
Mme Deborah Grey |
Dre Karen L. Dodds |
Mme Deborah Grey |
Dre Karen L. Dodds |
Mme Deborah Grey |
Dre Karen L. Dodds |
Mme Deborah Grey |
Dre Karen L. Dodds |
Mme Deborah Grey |
Dre Karen L. Dodds |
Mme Deborah Grey |
M. Bruce Holub |
Mme Deborah Grey |
 | 1235 |
Dre Karen L. Dodds |
Mme Deborah Grey |
M. John Gould |
La présidente |
L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.) |
Dre Karen L. Dodds |
L'hon. Don Boudria |
M. Bruce Holub |
L'hon. Don Boudria |
M. Bruce Holub |
L'hon. Don Boudria |
M. Bruce Holub |
L'hon. Don Boudria |
M. Bruce Holub |
L'hon. Don Boudria |
M. Bruce Holub |
L'hon. Don Boudria |
M. Bruce Holub |
L'hon. Don Boudria |
Dre Karen L. Dodds |
 | 1240 |
L'hon. Don Boudria |
Dre Karen L. Dodds |
L'hon. Don Boudria |
La présidente |
M. Bruce Holub |
L'hon. Don Boudria |
M. Bruce Holub |
L'hon. Don Boudria |
M. Bruce Holub |
La présidente |
Son Excellence Svend Nielsen |
La présidente |
M. Gilbert Barrette (Témiscamingue, Lib.) |
Dre Karen L. Dodds |
 | 1245 |
M. Gilbert Barrette |
La présidente |
M. Gilbert Barrette |
La présidente |
M. Pat Martin |
 | 1250 |
La présidente |
M. Pat Martin |
La présidente |
Dre Karen L. Dodds |
La présidente |
Dre Karen L. Dodds |
La présidente |
M. Bruce Holub |
La présidente |
L'hon. Don Boudria |
La présidente |
M. John Gould |
 | 1255 |
La présidente |
L'hon. Susan Whelan |
M. Bruce Holub |
L'hon. Susan Whelan |
M. John Gould |
L'hon. Susan Whelan |
M. John Gould |
L'hon. Susan Whelan |
M. John Gould |
La présidente |
L'hon. Don Boudria |
La présidente |
L'hon. Don Boudria |
· | 1300 |
Dre Karen L. Dodds |
La présidente |
Mme Deborah Grey |
M. John Gould |
Mme Deborah Grey |
M. John Gould |
Mme Deborah Grey |
M. Bruce Holub |
La présidente |
M. Bruce Holub |
La présidente |
M. Bruce Holub |
Mme Mary L'Abbé (directrice, Bureau des sciences de la nutrition, Direction générale des produits de santé et des aliments, ministère de la Santé) |
La présidente |
CANADA
Comité permanent de la santé |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 4 mai 2004
[Enregistrement électronique]
Á (1105)
[Traduction]
La présidente (Mme Bonnie Brown (Oakville, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs.
J'ai le plaisir de vous accueillir à cette 14e séance du Comité permanent de la santé. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous étudions les effets des acides gras trans sur la santé et les alternatives.
Je souhaite la bienvenue aux membres réguliers du comité. Nous avons aujourd'hui la présence de M. Pat Martin, député de Winnipeg, qui est l'instigateur de l'étude que nous menons sur ce sujet. Bienvenue, monsieur Martin.
Nous entendons aujourd'hui plusieurs témoins. Notre premier sera Son Excellence Svend Nielsen, ambassadeur de l'Ambassade royale du Danemark.
Ambassadeur Nielsen, vous avez la parole.
Son Excellence Svend Nielsen (ambassadeur, Ambassade royale du Danemark): Merci.
J'aimerais tout d'abord vous remercier, madame la présidente, de m'avoir invité. J'en suis très honoré et je suis ravi de me trouver parmi vous.
Je dois dire également que pour un Danois, c'est là chose quelque peu inhabituel. Nous avons l'habitude de protéger nos fonctionnaires un peu plus que vous ne le faites ici, au Canada, si bien que notre expérience de la comparution devant des comités parlementaires est relativement limitée, mais je ferai de mon mieux.
Je vais vous expliquer ce que nous avons fait au Danemark et le contenu de la loi que nous avons maintenant adoptée.
Depuis le 1er janvier 2004, il est interdit de produire des aliments contenant plus de 2 p. 100 d'acides gras trans produits industriellement par 100 grammes d'huiles et de matières grasses. En mars 2003, le ministère de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Pêches du Danemark a pris un décret établissant les limites maximales de la teneur en acides gras trans dans les huiles et les graisses, que ce soit à titre de produits alimentaires ou comme ingrédients dans des produits alimentaires transformés.
Le débat qui a conduit le Danemark à devenir le premier pays au monde à prendre des mesures du genre était axé sur la protection des consommateurs et la protection de la santé publique. Je vais résumer certains des éléments clés du débat qui a mené à cette décision.
Au Danemark, le débat a débuté à peu près en même temps qu'en Amérique du Nord et dans les autres pays d'Europe. En 1994, le Conseil de la nutrition du Danemark a publié un rapport sur les incidences adverses sur la santé de la consommation d'acides gras trans. Le rapport a en outre été publié dans un certain nombre de revues internationales soumises à un contrôle par les pairs. Par la suite, ce rapport est devenu le point de départ des dispositions législatives finales adoptées. Le rapport a suscité l'attention des politiques dès le tout début, tout comme les débats tenus parallèlement dans d'autres régions du monde, y compris au Canada.
Le gouvernement du Danemark n'a pas tardé à décider qu'un règlement national régissant la teneur en acides gras trans dans les huiles et les matières grasses devrait être élaboré et il a proposé un décret, lequel fixe des limites quant à la teneur maximale autorisée dans les aliments. Comme vous le savez, le Danemark, en tant que membre de l'UE, est toutefois obligé de soumettre à la Commission européenne, pour examen, toutes les dispositions législatives susceptibles de faire indirectement obstacle au commerce. Si la Commission européenne détermine que les dispositions législatives s'appuient sur des bases scientifiques justifiées, le Danemark peut adopter la loi.
En conséquence, le rapport du Conseil de la nutrition du Danemark, ainsi que le décret proposé, ont été communiqués à la Commission européenne en 1996. Dans un premier temps, la Commission a rejeté la demande au motif du manque de preuves scientifiques concernant les effets néfastes sur la santé des acides gras trans produits industriellement.
Toutefois, le débat public a continué à faire rage au Danemark et mettait l'accent sur la protection des consommateurs. À cause de ce débat, l'industrie danoise a volontairement commencé à réduire la teneur en acides gras trans de ses produits. De plus, le Conseil de la nutrition du Danemark est parvenu à conclure une entente volontaire avec l'industrie de la margarine pour que celle-ci réduise la teneur en acides gras trans de la margarine produite au Danemark. À ce stade, la margarine était la principale source d'acides gras trans dans le régime alimentaire des Danois.
Après la publication du premier rapport en 1994, un certain nombre d'études ont été publiées à l'extérieur du Danemark, lesquelles ont toutes confirmé et complété les conclusions des chercheurs danois. À la suite des conclusions tirées à l'échelon international, le Conseil de la nutrition du Danemark a publié en 2001 un rapport actualisé. Dans ce deuxième rapport, il confirmait les incidences néfastes pour la santé des acides gras trans.
Á (1110)
Il en a résulté, chez les politiques, une volonté forte et croissante d'éliminer progressivement, mais rapidement, les acides gras trans industriels et une nouvelle proposition fixant des limites à la teneur en acides gras trans a été élaborée et transmise à la Commission européenne en 2002. Cette fois, les dispositions législatives n'ont suscité aucune objection de la part de la Commission. La deuxième version du rapport du Conseil de la nutrition du Danemark, intitulé « L'influence des acides gras trans sur la santé », assorti de preuves scientifiques additionnelles, a sans doute contribué à convaincre la Commission que le règlement proposé ne visait pas à restreindre le commerce mais qu'il était uniquement motivé par le souci de protéger la santé publique. Le fait que les États-Unis et le Canada, avec leurs exigences d'étiquetage, avaient aussi reconnu les effets adverses sur la santé a pu influencer également la Commission européenne.
Cependant, s'appuyant sur les avis d'autres États membres, le Danemark a décidé d'augmenter la limite permise pour la teneur en matières grasses trans, qui est ainsi passée de 1 p. 100 à 2 p. 100 de la teneur totale des huiles et matières grasses. Le ministère de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Pêches du Danemark a ultérieurement édicté le décret, qui a pris effet le 11 mars 2003. Aux termes de ce décret, à compter du 1er juin 2003, l'industrie devait commencer à ramener la teneur en acides gras trans à deux grammes par 100 grammes d'huiles et de matières grasses et à cinq grammes dans le cas des huiles et des matières grasses présentes dans les produits alimentaires transformés contenant également des ingrédients autres, vendus dans les commerces de détail, chez les traiteurs, dans les restaurants, les cantines et les boulangeries. Depuis le 1er janvier 2004, la limite maximale est ramenée à deux grammes par 100 grammes pour tous les produits alimentaires.
Dans le but de continuer à encourager la réduction de la teneur pour qu'elle soit inférieure à la limite initiale proposée, c'est-à-dire un gramme par 100 grammes, l'industrie est en outre autorisée à poser sur les produits contenant moins d'un gramme d'acides gras trans une mention à cet effet. Le décret, il importe de le souligner, ne s'applique pas aux acides gras trans naturellement présents dans les matières grasses d'origine animale.
J'aimerais maintenant vous dire quelques mots sur le débat politique au Danemark. Tous les partis politiques représentés dans notre Parlement partageaient la même intention d'éliminer progressivement les acides gras trans produits industriellement, et cette intention est demeurée inchangée même après l'arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement. Le mouvement a été lancé par le gouvernement social démocrate en place au cours des années 90 et la proposition finale a été adoptée sous le gouvernement libéral conservateur porté au pouvoir en novembre 2001. Les deux gouvernements étaient animés par le souci de protéger les consommateurs et la santé publique et convenaient qu'il n'y avait pas lieu d'accorder la priorité aux intérêts de certaines sociétés au détriment des consommateurs et de la santé publique.
La décision était fondée principalement sur les arguments suivants. On soupçonne grandement que les acides trans produits industriellement ont des incidences néfastes sur la santé. Absolument rien ne permettait de conclure qu'ils aient des effets positifs pour la santé. Certains produits alimentaires populaires contenaient de très grandes quantités d'acides gras trans industriels; enfin, le retrait des acides gras trans n'a aucune influence sur le goût du produit.
Lorsque le décret définitif a été présenté en conférence de presse, la ministre de l'Alimentation, de l'Agriculture et des Pêches du Danemark a déclaré :
Le rapport sur l'influence des acides gras trans sur la santé montre que ces produits posent un risque inacceptable pour la santé. Le rapport constitue une base indiscutable et il nous oblige à agir. Certes, le décret imposera une nouvelle restriction à l'industrie, mais nous ne placerons pas les intérêts de l'industrie au-dessus de la santé publique. |
Voyons maintenant la réaction de l'industrie.
Á (1115)
L'industrie et les organisations qui la représentent sont demeurées relativement silencieuses dans les médias au cours du processus, à l'exception de quelques commentaires formulés par la Fédération des aliments et boissons du Danemark, qui est affiliée à la plus grosse association professionnelle de l'industrie danoise. Cette dernière était en faveur de la limitation de l'utilisation des acides gras trans, mais estimait que la limite fixée par le décret était trop faible. Les entreprises individuelles, toutefois, ont choisi une approche passive en public, ce qui, à mon avis, peut s'expliquer par plusieurs facteurs.
L'industrie danoise était déjà en avance sur les autres industries européennes pour ce qui est de la réduction de la teneur en acides gras trans, avant même la prise du décret, et, par conséquent, elle a eu moins de difficulté que les autres à apporter des modifications au niveau de la production. En outre, l'industrie avait peut-être prévu que l'élimination progressive des acides gras trans était susceptible de devenir une tendance à l'échelle mondiale, ce qui pouvait donner aux producteurs danois un avantage puisqu'ils étaient les premiers à agir.
Il est aussi possible que l'industrie soit restée silencieuse parce que les pressions du public, au Danemark, étaient très grandes et que l'industrie ne pouvait pas contester la loi ou les preuves scientifiques sans se discréditer aux yeux du public. En outre, il est possible que certaines entreprises aient compté sur la Commission européenne pour contester le décret comme étant une discrimination commerciale indirecte et déclarer illégal le décret danois.
La modération de l'industrie s'est également avérée dans le cas des sociétés multinationales. Nestlé Danemark a indiqué qu'elle escomptait que la Commission européenne s'élève contre la proposition. Cependant, aujourd'hui, maintenant que le décret est en vigueur, chez Nestlé Danemark, qui importe des produits fabriqués dans des usines Nestlé partout en Europe, on affirme que Nestlé Europe, pour continuer à approvisionner le marché danois, modifie ses recettes de manière à se conformer aux limites danoises.
Seuls quelques rares produits ont été retirés du marché danois. Toutefois, à l'avenir, il est possible que certains produits ne soient pas lancés sur le marché danois à cause des restrictions imposées par le décret.
Une multinationale allemande, Storck, connue pour « le bonbon Werther's Original », a décidé de changer tous ses produits partout dans le monde de manière à ne pas dépasser la limite d'acides gras trans autorisée par le décret danois.
Un autre exemple est celui de McDonald's, qui a adopté une huile différente dans ses restaurants au Danemark afin de se conformer aux limites prescrites pour la teneur en acides gras trans. Les habitués—je n'en suis pas un—de McDonald's au Danemark n'ont observé aucun changement de goût des frites.
J'ai quelques remarques de conclusion.
Le décret a donc déjà eu des répercussions à l'extérieur du Danemark. J'espère que le Danemark donne un exemple qui peut contribuer à une réduction de l'utilisation des acides gras trans industriels à l'échelon mondial.
Je suis heureux de pouvoir vous dire que, après des années de débat au Danemark et l'apport de preuves scientifiques, la promulgation du décret a été relativement simple dans la pratique.
Le décret définitif n'a rencontré aucune résistance digne de mention de la part de l'industrie ni de la part de la Commission européenne. Au contraire, un fort soutien politique et l'appui des médias et des consommateurs ont facilité considérablement le processus.
J'ai remis à votre bureau le texte du décret danois, le texte de mon exposé ici, ainsi que le rapport déposé par le Conseil de la nutrition du Danemark, et vous avez donc tous ces documents en votre possession.
Merci beaucoup de votre attention.
La présidente: Merci beaucoup de nous avoir fait part de ces renseignements. Ce que vous avez accompli dans votre pays est réellement très intéressant. Merci, excellence.
Notre prochain témoin est le président de New York Fries, M. John Gould.
Monsieur Gould, vous avez la parole.
Á (1120)
M. John Gould (président, New York Fries): Madame la présidente, membres du comité, j'ai été invité à témoigner devant ce comité pour parler de notre expérience s'agissant de remplacer l'huile partiellement hydrogénée, qui contient des acides gras trans, par un produit non hydrogéné.
Pour commencer, quelques mots au sujet de New York Fries. Nous sommes une entreprise canadienne gérée par des Canadiens, possédant 175 points de vente au Canada, un à Séoul, en Corée du Sud, prochainement trois à Brisbane, en Australie, et trois à Dubai, aux Émirats Arabes Unis. Si cela apparaît comme des choix géographiques bizarres, c'est vrai, c'est le cas. Cependant, il me faudra moins de temps pour expliquer le choix d'un produit exempt d'acides gras trans que le choix de nos emplacements à l'étranger.
Des voix: Oh, oh!
M. John Gould: Nous entendons typiquement la remarque; « Donc, il n'y a pas de New York Fries à New York, mais il y en a trois au Moyen-Orient? ».
Des voix: Oh, oh!
M. John Gould: En août prochain, nous existerons depuis 20 ans. Nous avons survécu, et même prospéré, en prenant pour principe que si nous pouvions produire des frites meilleures que celles que nous produisons maintenant, nous le ferions. Pour information, chez New York Fries, chaque jour, dans chacun de nos établissements, nous taillons des pommes de terre de première qualité en gardant la pelure. Depuis toujours, nous utilisons de l'huile végétale, principalement du canola. Pas de produits congelés—pas de lampes infrarouges. Et comme vous l'avez peut-être deviné, les frites sont l'élément de base de notre menu, un produit également vendu par presque tous les exploitants dans ce genre d'entreprises. On peut donc affirmer sans crainte que si notre produit n'était pas véritablement supérieur aux autres, nous aurions fait faillite.
Il convient également de noter que les pommes de terre frites arrivent en tête de la liste des aliments préparés à l'extérieur du domicile en Amérique du Nord, devançant son plus proche concurrent dans une proportion de près de deux pour un.
Depuis quelques années, l'assaut porté contre les repas minute ou contre les restaurants à service rapide par les médias, et, dans certains cas, par le gouvernement, s'est intensifié. Les préoccupations portent sur l'obésité chez les enfants, la valeur nutritive et, bien entendu, les répercussions à long terme sur la santé. Aux États-Unis, des adolescents ont intenté des poursuites contre McDonald's—sans succès—en accusant la chaîne d'être responsable de leur problème de poids. Des avocats qui avaient beaucoup de succès en s'attaquant aux géants du tabac ont décidé de faire de cette industrie leur prochain champ de bataille.
En Suède, des scientifiques étaient tellement empressés de dire au monde entier que l'acrylamide était cancérigène et que la cuisson du pain et du riz ou la friture, peu importe l'aliment, entraînait la formation d'acrylamides qu'ils n'ont pas effectué les tests appropriés ni les recherches médicales nécessaires pour déterminer à quel niveau le produit risquait d'être dangereux. D'ailleurs, comme on le sait maintenant, ils ont mis la charrue avant les boeufs.
En fait, il faudrait que vous viviez au fin fond d'une caverne, notamment si vous travaillez dans l'industrie, pour ne pas être au fait de la presse négative. Cette sensibilisation accrue chez les consommateurs est au premier rang des priorités de la direction de mon entreprise depuis quelque temps. Nous avons bien remarqué que lorsque l'industrie fait l'objet de critiques, ce sont souvent les frites qui sont, pour ainsi dire, montrées du doigt.
Nous considérons notre produit comme une spécialité, le genre de frites que vous devriez manger lorsque vous mangez des frites, mais ce positionnement ne se fait pas tout seul. Il faut réellement devenir la frite de prédilection et faire passer ce message. Si nous ne gérons et ne commercialisons pas correctement notre produit, nous pourrions être très facilement en tête d'affiche lorsqu'on décrie tout ce qui n'est pas approprié dans notre régime alimentaire, plutôt que d'être l'endroit où aller pour manger de bonnes frites. Pour reprendre une expression un peu usée « la perception est la réalité » de nos jours.
C'est donc la raison pour laquelle nous avons revu toutes nos méthodes chez New York Fries afin de continuer à satisfaire notre clientèle à long terme. Entre autres, nous avons complètement redessiné notre comptoir de vente de manière à mettre en évidence le fait que nous utilisons des pommes de terre fraîches chaque jour et que bon nombre de nos garnitures sont elles aussi des produits frais. Nous avons ajouté au menu un met végétarien et, surtout, nous avons mis à l'essai des huiles de remplacement dans nos établissements.
À notre avis, la mauvaise presse dont j'ai fait état tout à l'heure est soit erronée, soit obéit à une mode, comme le régime Atkins. Quoi qu'il en soit, nous n'y pouvons pas grand-chose. Mais les matières grasses trans et leurs effets néfastes sur la santé sont bien réels et le problème ne disparaîtra pas de lui-même. Je suppose que la plupart d'entre vous êtes mieux renseignés sur les aspects scientifiques liés aux matières grasses trans et les effets possibles sur la santé que moi, et je vais plutôt mettre en lumière les difficultés que nous avons rencontrées pour opérer le changement et sur les défis qui pourraient se poser à l'industrie alimentaire dans son ensemble.
Pour commencer, nous avons mis à l'essai une huile à base de canola sans acides gras trans dans l'un de nos établissements à Toronto, en 2002, mais les résultats n'ont pas été concluants. Lorsque nous avons commencé à faire davantage de recherche sur les acides gras trans au cours de l'été 2003, nous avons tôt fait de constater que la question n'était pas de savoir si nous allions adopter une huile non hydrogénée, mais plutôt quand nous allions le faire. Si nous voulions rester fidèles à nos principes et espérer demeurer les meilleurs dans notre catégorie, il nous fallait frayer la voie et ce, sans tarder. Quelques huiles non hydrogénées étaient disponibles dans le commerce; nous savions donc que c'était possible, mais il y avait encore les questions de coût, de durabilité et, surtout, de goût.
Á (1125)
Nous avons une clientèle loyale et, comme je l'ai mentionné, les frites sont notre spécialité; il n'est donc pas question de transiger sur le goût.
Nous avons mis à l'essai une autre huile à base de canola dans trois de nos établissements à Toronto à la fin de l'été 2003 et pendant l'automne et, au bout de quelques mois, nous savions que nous avions trouvé le produit qui nous convenait. Notre fournisseur actuel nous a proposé une huile de tournesol qu'il a mise au point et nous l'avons essayée elle aussi. Ce produit était beaucoup plus coûteux que les autres mais on nous promettait une longévité plus grande que celle du produit que nous utilisions alors et qu'elle serait peut-être absorbée en moindre quantité par la pomme de terre. Tout cela était bon.
À ce stade, la couverture négative dont faisaient l'objet les matières grasses trans avait gagné en ampleur. Notre clientèle posait de plus en plus de questions sur la nature de notre huile et de ce fait beaucoup de nos franchisés nous demandaient ce que nous comptions faire à ce sujet.
Sur toutes les ondes on parlait du fabricant de biscuits Voortman et de sa décision de retirer les matières grasses trans de ses produits d'ici la fin mars 2004. Cette marque obtenait ainsi une publicité formidable pour quelque chose qu'elle avait prévu de faire en l'espace de six mois, et je voulais donc moi aussi opérer rapidement le changement.
Nos premiers résultats avec l'huile de tournesol ont été fantastiques. L'huile était plus légère et nos frites aussi. Nos clients, pour la plupart, n'ont constaté aucune différence ou alors trouvaient que les frites étaient meilleures. Nous avions encore besoin de temps pour évaluer entièrement la qualité de l'huile et déterminer ses propriétés sur le plan de la durabilité, mais nous étions confiants de pouvoir réaliser un produit de première qualité sans matière grasse trans.
Le problème était le coût. Nous avons attendu assez longtemps pour vérifier que la nouvelle huile était plus durable que celle utilisée jusqu'alors mais nous ne savions pas exactement de combien. C'était le meilleur produit que nous avions essayé et comme je l'ai déjà indiqué, la question n'était pas de savoir si mais quand le changement se ferait; nous avons donc fait l'annonce et introduit l'huile de tournesol dans tous nos établissements canadiens avant la fin de mars.
Même avec une durée de vie plus longue, je peux dire, ayant vu les états financiers d'avril, que notre coût de production a augmenté de 1 p. 100 du fait de ce changement. Cela peut paraître une différence minime, mais si vous considérez que dans un établissement type le profit se situe en moyenne entre 10 p. 100 et 14 p. 100, la hausse de 1 p. 100 équivaut en fait à une diminution de 10 p. 100 du profit. Nous ne pourrons combler la différence qu'en augmentant le volume des ventes à des consommateurs informés qui prennent la décision consciente de privilégier la qualité par rapport à la quantité.
Il est indéniable que notre nouveau produit est considérablement meilleur. De fait, le profil des matières grasses que nous utilisons ressemble à celui de l'huile d'olive. Non seulement avons-nous retiré les acides gras trans, mais la teneur en acides gras saturés a diminué de 33 p. 100 tandis que la quantité de matières grasses monoinsaturées (le bon gras) a augmenté de plus de 50 p. 100. Finalement, nous sommes persuadés que ce coût initial sera rentable en bout de ligne.
Mis à part le coût et le temps nécessaire pour mettre à l'essai les nouvelles huiles pour en évaluer le goût, le passage à un produit sans matières grasses trans a été relativement facile. Nous avons nos propres installations de fabrication. Nous commençons avec des pommes de terre entières, nous les tranchons sur place et nous suivons un processus de cuisson par étape, depuis la pomme de terre crue jusqu'à la frite prête à manger. Autrement dit, nous contrôlons le processus en entier. Presque tous les autres exploitants reçoivent un produit congelé précuit, si bien que le passage à une huile non hydrogénée au niveau du restaurant ne réglera pas leur problème, le changement doit aussi être fait à la source.
En définitive, je peux seulement supposer que l'une des principales difficultés que pourrait rencontrer l'industrie de la restauration rapide dans son ensemble serait l'énorme demande soudaine d'huile non hydrogénée, à quoi s'ajoutent, bien entendu, les impératifs propres à chacun en matière de coût et de goût. Dans le cas des aliments emballés, c'est-à-dire des produits vendus dans les marchés d'alimentation tels que les biscuits, le pain et une multitude d'autres articles, le changement présente une difficulté accrue. En effet, en plus de ces facteurs fondamentaux, la conservabilité au détail constitue le principal problème pour cette industrie. En outre, les gros fabricants ont tellement de produits que la reformulation représente une énorme entreprise.
Finalement, comme c'est souvent le cas, tout est affaire d'offre et de demande : plus grande est la demande, et plus l'industrie sera empressée d'y répondre. Le prix de nos huiles devrait finir par baisser au fur et à mesure que l'huile non hydrogénée deviendra plus largement acceptée et davantage disponible.
Je conclurai en disant qu'il est paradoxal que l'industrie alimentaire ait réagi aux recommandations des autorités sanitaires au milieu des années 80 qui demandaient la réduction des matières grasses saturées et animales dans notre alimentation. La meilleure solution à l'époque a consisté à reformuler les produits en utilisant des huiles végétales partiellement hydrogénées. Qui aurait pu savoir?
Je vous remercie de votre attention.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Gould.
Notre prochain témoin est professeur de diététique à l'Université Guelph, M. Bruce Holub.
Monsieur Holub.
Á (1130)
M. Bruce Holub (professeur, Département de biologie humaine et de sciences alimentaires, Université de Guelph): Madame la présidente, membres du Comité permanent de la santé, mesdames et messieurs, je vous remercie de votre invitation à comparaître aujourd'hui.
Si vous le permettez, je ferai un exposé d'une dizaine de minutes traitant des risques sanitaires de la consommation d'acides gras trans présents dans le régime alimentaire canadien et provenant de diverses sources.
Pour commencer, j'aimerais faire remarquer au comité qu'il y a environ 25 ans j'ai été nommé pour siéger au Comité ad hoc sur la composition des margarines spéciales et j'ai étudié la présence des acides gras trans dans les produits de ce genre sous l'autorité de la Direction générale de la protection de la santé du ministère Santé et Bien-être Canada. Le comité a déposé son rapport à Ottawa en décembre 1979 et le ministre des Approvisionnements et Services l'a publié en 1980—et j'en ai ici des copies.
Le comité a documenté les propriétés spécifiques des acides gras trans produits au moyen du procédé commercial appelé hydrogénation et a fait remarquer qu'elles ressemblaient davantage à celles des acides gras saturés qu'à celles des acides gras non saturés, tant sur le plan biologique que physique. En outre, déjà à l'époque, le comité a relevé dans la documentation scientifique des preuves selon lesquelles les acides gras trans ont pour effet d'augmenter le taux de cholestérol sanguin et le risque de maladies cardiaques dans des études contrôlées chez l'homme.
Dans ces recommandations, il y a donc déjà 25 ans, le comité a fait état de la nécessité de réduire la teneur en acides gras trans des aliments au Canada et recommandé que le Bureau des sciences de la nutrition au sein de la Direction générale de la protection de la santé réalise ou commande une étude de grande envergure sur le sujet dans un délai de cinq ans. À ma connaissance, aucune étude du genre n'a jamais été effectuée.
Environ 90 p. 100 des acides gras trans consommés dans le cadre d'un régime alimentaire canadien type sont présents dans les aliments transformés et prêts à manger, souvent étiquetés et commercialisés comme « sans cholestérol », « faible en gras saturés », etc. Ces mentions attirent les consommateurs qui pensent que ces aliments ont été d'une certaine manière testés pour établir leurs attributs bénéfiques pour la santé, notamment une diminution du risque de maladie cardiaque, plutôt que d'avoir des effets potentiellement néfastes.
L'industrie de l'hydrogénation commerciale utilise une huile végétale liquide telle qu'huile de soja ou huile de canola qui, au départ, ne contient pas de cholestérol et est faible en gras saturé, et la soumet à un procédé industriel appelé hydrogénation partielle. On obtient ainsi un shortening végétal ou une huile végétale partiellement hydrogénés qui se présentent alors sous forme solide plutôt que liquide et qui ne contiennent toujours pas de cholestérol et qui demeurent faibles en gras saturé mais qui sont grandement enrichi en acides gras trans, principalement sous la forme d'isomères trans d'acides gras monoinsaturés. L'industrie alimentaire aime bien cette matière grasse durcie à forte teneur en acides gras trans parce qu'elle permet d'obtenir des produits transformés ayant une durée de conservation très longue ainsi que des matières grasse stables pour la friture prolongée dans les restaurants-minute. D'autres facteurs, commerciaux et économiques, ainsi que la consistance et le goût, etc. rendent ces matières grasses très attrayantes pour l'industrie alimentaire.
Santé Canada et la Food and Drug Administration aux États-Unis approuvent l'inclusion d'acides gras trans dans les aliments transformés et frits commercialisés sous la mention « sans cholestérol et faible en gras saturés », sans pour autant obliger le fabricant à déclarer la présence d'acides gras trans à l'intention du consommateur. C'est la raison pour laquelle on a observé une augmentation très marquée des aliments contenant des acides gras trans, de telle sorte que la margarine ne représente maintenant plus qu'environ 20 p. 100 de la quantité totale d'acides gras trans consommés dans le régime alimentaire canadien type.
Beaucoup d'études sur la population, y compris l'enquête bien connue sur la santé des infirmières, réalisée auprès de 80 000 femmes suivies pendant une période de 14 ans par la Harvard Medical School et qui a été publiée dans le New England Journal of Medicine, ont permis de constater un lien entre un apport accru en acides gras trans et une augmentation marquée des maladies cardiaques. Il est établi que les acides gras trans constituent un facteur de risque important de développer une maladie coronarienne—c'est-à-dire une crise cardiaque, fatale ou non—du fait que chaque gramme de cette matière grasse dans le régime alimentaire, soit 1 000 milligrammes, augmentent le risque de crise cardiaque d'environ 20 p. 100. De plus, l'étude sur la santé des infirmières a fait ressortir que, gramme pour gramme, les acides gras trans multiplient par 13 le risque de maladie cardiaque comparés au gras saturé.
En passant, le lien entre le cholestérol alimentaire consommé sous forme d'oeufs et, dans une mesure moindre, de viande, à raison de 0,4 gramme par jour en moyenne dans ce pays, et le risque de maladie cardiaque est faible comparativement au risque causé par les acides gras trans. Malheureusement, les sondages ont également montré que 85 p. 100 des Canadiens considèrent—à tort—que le cholestérol alimentaire est le facteur principal qui influe sur le taux de cholestérol sanguin et le risque de maladie cardiaque.
Au fil de nombreuses années, nous-mêmes et d'autres chercheurs avons analysé un vaste éventail de produits alimentaires transformés et prêts à manger, tant au Canada qu'aux États-Unis, pour en déterminer la teneur en acides gras trans. Par exemple, deux gaufres congelées, sans cholestérol, fournissent souvent 4,5 grammes de matières grasses trans, rien qu'au petit-déjeuner, comparativement aux oeufs qui ne contiennent pas de matières grasses trans et seulement qu'environ 0,4 gramme de cholestérol.
Á (1135)
Une petite portion de croustilles fournit souvent cinq grammes d'acides gras trans, sans oublier que la taille de la portion « officielle » ne représente qu'une petite partie du petit sac que bon nombre de jeunes consomment en entier.
En plus d'une large gamme de produits transformés et de produits prêts à manger, de nombreuses grignotines, depuis les craquelins en passant par les beignet et les biscuits jusqu'au maïs soufflé au micro-ondes, contiennent jusqu'à 25 à 40 p. 100 de leurs matières grasses totales sous la forme d'acides gras trans. Un vaste éventail de produits promus par les publicités télévisées et vendus dans nos écoles, les YM-YWCA, etc. aux des jeunes enfants sont des sources très importantes d'acides gras trans.
D'après les évaluations faites au Canada, l'apport moyen en acides gras trans est d'environ 8,4 grammes par personne par jour, 8 400 milligrammes, soit 3,7 p. 100 de l'énergie alimentaire totale absorbée. La plus forte consommation est observée chez nos jeunes où, par exemple, les jeunes hommes adultes de 18 à 34 ans consomment en moyenne 12,5 grammes par personne et par jour, avec des pointes pouvant atteindre 39 grammes par personne et par jour chez certains.
Malheureusement, l'une des sources alimentaires les plus riches en acides gras trans dans le régime alimentaire canadien est le lait maternel. En moyenne, il représente 7,2 p. 100 des matières grasses totales du lait maternel et, chez certaines femmes qui allaitent, le chiffre peut atteindre 17 p. 100, reflétant des apports pouvant atteindre 20,3 grammes par personne par jour.
La teneur en acides gras trans dans l'organisme et le lait des femmes enceintes et allaitantes reflète directement leur consommation alimentaire. Il existe des preuves scientifiques selon lesquelles des apports élevés en acides gras trans pourraient avoir des effets négatifs sur le métabolisme des acides gras omega-3 essentiels pendant la grossesse pour la croissance et le développement du bébé.
Des essais contrôlés sur le terrain ont indiqué que les acides gras trans font augmenter le risque de maladie cardiaque en haussant les niveaux de cholestérol-LDL dans le sang, comme c'est le cas pour les acides gras saturés; cependant, les acides gras trans posent un risque d'origine alimentaire plus grand que les acides gras saturés parce qu'ils ont aussi pour effet de diminuer le cholestérol HDL (qualifié de « bon cholestérol », et d'augmenter une fraction très athérogène du sang appelée lipoprotéine(a), tandis que les acides gras saturés n'ont pas ces deux derniers effets néfastes.
Il convient de féliciter Santé Canada d'avoir finalement pris des mesures en faveur de la déclaration obligatoire de la teneur en acides gras trans sur les étiquettes des aliments. Il faudra aussi rendre cette information disponible afin de lutter contre la teneur élevée en acides gras trans des aliments servis dans les restaurants et restaurants-minute.
Il est très préoccupant de constater que les dispositions législatives concernant l'étiquetage obligatoire des acides gras trans dans les produits alimentaires transformés exemptent les aliments destinés aux enfants de moins de deux ans de cette obligation. Cela est particulièrement troublant compte tenu de l'analyse que nous avons effectuée et selon laquelle, dans certains biscuits pour bébés de marque populaire, les acides gras trans représentent jusqu'à 35 p. 100 des matières grasses totales.
Lorsque nous analysons un large éventail de produits dans un groupe donné, nous constatons régulièrement que certains produits contiennent peu ou pas d'acides gras trans tandis que d'autres en contiennent de très grandes quantités. Autrement dit, l'industrie alimentaire n'est pas obligée d'utiliser comme ingrédients les shortenings végétaux et les huiles végétales partiellement hydrogénées.
Il ne faut pas perdre de vue non plus le fait qu'interdire l'hydrogénation commerciale de l'huile végétale pour aboutir à un produit hydrogéné riche en isomères trans d'acides gras monoinsaturés aurait probablement pour effet de réduire considérablement notre absorption de cette substance.
Il convient de noter qu'il n'est pas réaliste d'envisager une interdiction totale de tous les acides gras trans dans les aliments, étant donné qu'une certaine bio-hydrogénation naturelle est causée par les microbes présents dans le tube digestif des ruminants tels que vaches et bovins de boucherie, de telle sorte que dans les graisses provenant de ces sources naturelles les acides gras trans constituent souvent de 3 à 4 p. 100 des matières grasses totales.
Il convient également de noter que si l'on procédait à l'hydrogénation complète, à 100 p. 100, de l'huile de canola ou de l'huile de soja, le produit final sans acides gras trans serait principalement un acide gras saturé appelé acide stéarique qui comporte 18 carbones. Or, l'acide gras stéarique gras saturé à 18 carbones ne cause pas une augmentation des niveaux de cholestérol sanguin, selon les essais contrôlés sur le terrain.
Á (1140)
L'étiquetage des produits transformés est une mesure louable dont l'utilité est reconnue, mais il faut signaler que si l'on continue d'indiquer sur l'étiquette la teneur en cholestérol en milligrammes, où la quantité de cholestérol en grammes est multipliée par 1 000, le consommateur soucieux de sa santé risque de ne plus s'y retrouver si la teneur en acide gras trans est, pour sa part, exprimée en grammes. Il est extrêmement important de veiller à ce que l'indication du cholestérol (s'il y a lieu), se fasse au moyen des mêmes unités numériques que celles utilisées pour les acides gras trans—c'est-à-dire les deux en milligrammes ou les deux en grammes.
L'étude sur la santé des infirmières a montré que chaque gramme d'acides gras trans est associé à une hausse de 8 p. 100 du risque de diabète type 2 sur une période de 14 ans. Avec une consommation per capita de la population canadienne adulte de 8,4 grammes par jour, on peut calculer que les acides gras trans pourraient bien contribuer à eux seuls une majoration de 156 p. 100 du risque de maladie coronarienne et de 66 p. 100 du risque de diabète de type 2 dans cette population.
Les Canadiens ont l'une des consommations les plus élevées en acides gras trans au monde, jusqu'à dix fois celle observée dans beaucoup d'autres pays.
Je vous remercie de votre attention.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Holub.
Nous entendons maintenant Mme Karen Dodds, sous-ministre adjointe déléguée par intérim, Direction générale des produits de santé et des aliments, ministère de la Santé.
Madame Dodds.
[Français]
Dre Karen L. Dodds (sous-ministre adjointe déléguée par intérim, Direction générale des produits de santé et des aliments, ministère de la Santé): Merci, madame la présidente. C'est vraiment un plaisir d'être ici aujourd'hui avec ma collègue la docteure Mary L'Abbé pour discuter avec vous des acides gras trans dans la nourriture.
[Traduction]
Permettez-moi de dire qu'il est très satisfaisant d'être parvenu à un stade où tous les témoins admettent que la science a établi que les acides gras trans présentent un risque pour la santé. C'est là une évolution positive.
Ces matières grasses accroissent plus particulièrement le risque de maladie coronarienne. Il est donc très intéressant de savoir pour quelle raison ces matières grasses trans sont présentes dans les aliments et ce que l'on peut faire pour changer cet état de choses, au niveau de Santé Canada et au niveau de l'industrie alimentaire.
Mon mémoire est assez détaillé et je vais essayer d'expliquer les termes techniques employés.
[Français]
Je serai très heureuse de répondre à vos questions.
[Traduction]
La graisse trans ou les acides gras trans sont formés lors de l'hydrogénation partielle de graisses insaturées. Les huiles végétales contiennent des niveaux élevés de graisses insaturées à température ambiante. On procède à l'hydrogénation afin de les rendre solides ou semi-solides à température ambiante. Ensuite, les huiles partiellement hydrogénées sont employées pour fabriquer des shortenings pour la cuisson au four et la friture, ainsi que des margarines et autres tartinades, toutes sous forme solides à température ambiante.
Avant les années 70 et 80, comme tous les autres témoins l'ont dit, les graisses animales telles que le beurre et le saindoux étaient les sources traditionnelles des matières grasses solides utilisées en cuisine et en boulangerie dans les pays nordiques. Or, ces graisses animales contiennent des niveaux élevés d'acides gras saturés. Dans le courant des années 70, on s'est rendu compte que la consommation de graisses animales, riches en gras saturés et cholestérol, contribuaient aux maladies cardiaques.
Des comités d'experts dans le monde entier ont recommandé de réduire la consommation de ces graisses. On est donc passé, pour la cuisson au four et la friture, de graisses animales à des graisses partiellement hydrogénées, ainsi qu'un collègue l'a déjà expliqué. En outre, les consommateurs ont délaissé le beurre au profit de margarine fabriquée avec des huiles végétales partiellement hydrogénées.
[Français]
Les gras solides sont critiques dans ce que nous appelons la fonctionnalité des aliments. Dans la nourriture cuite au four, les gras solides contribuent au succès d'une pâte feuilletée et tendre. De plus, ils prolongent la durée des aliments sur l'étagère.
[Traduction]
Ce n'est qu'au début des années 90 que l'on a commencé à voir un consensus parmi les scientifiques que les acides gras trans gonflaient le cholestérol LDL, qualifié de « mauvais cholestérol », et réduisaient parallèlement le cholestérol HDL, le « bon cholestérol ». En revanche, les acides gras saturés, c'est-à-dire les autres matières grasses solides, faisaient augmenter le taux et du bon cholestérol et du mauvais. On a donc conclu que les acides gras trans dans l'alimentation posent un plus grand risque pour la santé que les acides gras saturés.
En 2002, le Food and Nutrition Board de l'Institute of Medicine a fait savoir que la consommation d'acides gras trans augmente le risque de maladies coronariennes. Il n'a pas fixé de seuil maximal tolérable d'acides gras trans car sa conclusion est que toute majoration de consommation accroît le risque de maladies coronariennes. Donc, son rapport recommandait une consommation d'acides gras trans aussi réduite que possible à l'intérieur d'un régime alimentaire équilibré.
Comme on l'a déjà dit, la consommation canadienne de gras trans est parmi les plus élevées du monde et c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons insisté pour que les étiquettes des produits mentionnent les matières grasses trans dans les indications nutritives. Cette forte consommation est due à l'usage répandu des huiles de canola et de soja, lesquelles doivent être hydrogénérées pour être employées dans les shortenings et certaines margarines. Plus de 60 p. 100 des graisses trans consommées par les Canadiens proviennent d'aliments préparés, tels que produits de boulangerie, repas-minute et grignotines, et 11 p. 100 proviennent de margarines.
Á (1145)
[Français]
Il y a eu une tendance au Canada de développer des margarines sans gras trans pour répondre aux rapports sur les effets négatifs sur la santé des acides de gras trans. Les margarines sans gras trans ont une grande diffusion au Canada, mais très peu d'aliments transformés sont faits d'huiles non hydrogénés.
[Traduction]
En janvier dernier, nous sommes devenus le premier pays à imposer la déclaration obligatoire de la teneur en acides gras trans sur les étiquettes de la plupart des aliments préemballés. Le nouveau règlement sur l'indication de la valeur nutritive exigera la déclaration du contenu en graisses trans sur les étiquettes de la plupart des aliments préemballés d'ici le 12 décembre 2005.
Mais de nombreux produits comportent déjà les nouvelles étiquettes avec mention des graisses trans. Certains fabricants ont rapidement adopté les nouvelles étiquettes et le règlement prévoyait que si un fabricant veut inscrire un argument sanitaire, il doit en même temps introduire la nouvelle étiquette sur le contenu nutritionnel.
En juillet dernier, les États-Unis ont annoncé qu'ils imposeraient la déclaration obligatoire des graisses trans sur les étiquettes des aliments à compter de janvier 2006.
Cet étiquetage est destiné à aider les consommateurs à opérer des choix alimentaires sains, à limiter leur consommation de graisses trans. En outre, nous reconnaissons certainement que cet étiquetage aura pour effet de pousser l'industrie à réduire la teneur en graisses trans dans les produits.
[Français]
Comme Son Excellence M. l'ambassadeur l'a dit, le 1er juin 2003, le Danemark a introduit des règlements limitant la quantité des acides de gras trans dans les gras et les huiles à 2 p.100 lorsqu'ils sont vendus directement aux consommateurs ou lorsqu'ils sont utilisés dans les aliments.
[Traduction]
Jusqu'à présent, le Canada n'a pas choisi de limiter par voie réglementaire la teneur en graisses trans, comme cela a été fait au Danemark, puisque selon toutes les indications, l'étiquetage et la sensibilisation du consommateur sont un moyen efficace pour pousser les fabricants à réduire l'usage des graisses trans.
Un certain nombre de fabricants ont déjà annoncé qu'ils reformulaient leurs produits en vue de retirer les huiles partiellement hydrogénées, les principales sources de graisses trans dans le régime alimentaire. Nous félicitons les industries et les fabricants qui l'ont fait. Par exemple, deux grandes compagnies, McCains et Voortmans, ont annoncé qu'ils allaient éliminer les graisses trans dans leurs produits. Pepsico, qui coiffe un certain nombre de fabricants de grignotines tels que les croustilles Frito-Lay, a également annoncé son intention de réduire autant que possible la teneur en graisses trans de ses aliments. Kraft a annoncé que les biscuits Triskets et Oreos seraient exempts de graisses trans.
Une considération importante sur le plan de la réduction de la teneur en graisses trans dans les aliments est qu'il ne faut pas les remplacer par d'autres matières grasses aussi néfastes pour la santé ou pire encore. Le message des années 70, où l'on a voulu réduire les graisses saturées, a amené un changement imprévu, le remplacement d'une mauvaise graisse par une autre mauvaise graisse. À ce stade, nous voulons assurer que cela ne se reproduise pas.
On s'accorde au sein de Santé Canada à reconnaître que nous devons collaborer avec l'industrie pour lui fournir des conseils sur la façon d'améliorer la qualité diététique des matières grasses et huiles utilisées dans les aliments. Une première étape importante a consisté à créer un groupe d'experts à cet effet.
[Français]
Le 6 avril 2004, Santé Canada a tenu une réunion du Comité d'experts des graisses, huiles et autres lipides.
[Traduction]
Nous lui avons demandé son avis sur les stratégies de reformulation des matières grasses et les solutions de rechange viables permettant de ramener à des niveaux minimes la présence de graisses trans dans l'alimentation canadienne. Nos discussions avec le comité ont tourné autour des questions suivantes :
Quelles options existe-t-il pour remplacer les graisses trans dans les aliments préparés?
Les substituts assureraient-ils la fonctionnalité recherchée, notamment la résistance à l'oxydation, la stabilité à la cuisson et le goût?
Que savons-nous des effets sanitaires des alternatives viables? Ces graisses sont-elles meilleures, égales ou pires? Quels sont leurs effets sur le niveau des lipides sanguins? Quels sont les effets avec l'usage d'huiles liquides pour la friture?
Quelles sont les considérations de coût et de disponibilité?
Quelle sera l'acceptation par les consommateurs d'aliments préparés au moyen des sources alternatives?
Tandis que les membres du comité ont souligné que les matières grasses solides sont essentielles pour la fonctionnalité alimentaire, il existe un certain nombre de substituts aux graisses partiellement hydrogénées. Par exemple, des graisses solides plus fortement hydrogénées ne contiendraient virtuellement aucune graisse trans. Les oléagineux traditionnels ont été sélectionnés de façon à présenter des niveaux d'acides linéléiques et linoléniquesplus faibles afin d'accroître la résistance à l'oxydation. Des huiles tropicales, dont l'huile de palme, sont des alternatives viables et il est possible de réaliser des mélanges.
Certaines des alternatives ci-dessus peuvent être préférables à d'autres, chacune présentant des avantages et des inconvénients. Le problème majeur avec la plupart des substituts est que s'ils réduiraient certes la quantité d'acides gras trans, on verrait augmenter la quantité d'acides gras saturés.
Santé Canada fait observer cependant qu'en dépit du risque cardiovasculaire accru associé aux acides gras saturés, il semble que tous ces derniers n'aient pas les mêmes effets négatifs sur le cholestérol. Par exemple, la consommation d'acides gras saturés augmente le risque de maladie cardiovasculaire, comparé aux cis-polyinsaturés et aux cis-monoinsaturés, mais dans des proportions moindres que les graisses trans.
Santé Canada surveillera la teneur en acides gras trans des principales sources alimentaires afin de mesurer l'efficacité du programme d'étiquetage nutritif et de ses efforts d'encouragement à l'industrie alimentaire de réduire la teneur en graisses trans de ses produits par le recours à des substituts.
Comme on l'a dit, la nourriture vendue dans les restaurants et autres débits de nourriture sont d'importantes sources de graisses trans dans le régime alimentaire. Comme on l'a vu également, nos règlements n'imposent pas l'étiquetage de ces aliments. Cependant, nous avons déjà entamé des discussions avec l'industrie et continuerons à travailler avec elle sur une stratégie visant à encourager la réduction de matières grasses trans dans les plats servis dans les restaurants et établissements de restauration et à fournir une information nutritionnelle.
Lorsque nous parlons d'alimentation saine et de nutrition, nous avons recours à des approches réglementaires auprès de l'industrie, mais nous agissons aussi directement, par des intermédiaires et en collaboration avec d'autres, sur les Canadiens afin qu'ils adoptent un régime alimentaire sain. Le Guide alimentaire canadien pour manger sainement est l'une des publications gouvernementales les plus populaires et nous encourageons les Canadiens à suivre ses recommandations. Nous conseillons aux Canadiens désireux de réduire leur absorption de matières grasses trans d'éviter les aliments frits et les produits de boulangerie, sauf indication que leur teneur en matières grasses trans a été réduite.
Je vous remercie de votre attention.
Á (1150)
La présidente: Merci, madame Dodds.
Nous allons maintenant passer à période des questions. Monsieur Merrifield, vous serez le premier, en tant que critique de l'opposition officielle.
M. Rob Merrifield (Yellowhead, PCC): Merci tout d'abord à vous tous d'être venus. Vous nous apportez des renseignements réellement précieux. Je ne pense pas que nous ayons tous été au courant de cette situation.
J'aimerais tout d'abord savoir—vous avez peut-être déjà répondu à cette question-depuis quand les graisses trans existent dans le régime alimentaire canadien? Depuis combien d'années? Cela a-t-il commencé dans les années 70?
Dre Karen L. Dodds: Comme on l'a dit, certaines graisses trans sont naturellement présentes dans des aliments, si bien qu'il y a toujours eu une certaine exposition. Je dirais que l'augmentation a commencé dans les années 70 et s'est prolongée dans les années 80. Santé Canada contrôle la production alimentaire et nous savons que la plus grande majoration est intervenue au cours des dernières décennies.
M. Rob Merrifield: Donc, au cours des 30 à 35 dernières années, pourrait-on dire.
J'essaie de déterminer si nous avons un problème d'étiquetage ou bien un problème législatif. Je m'explique : si les graisses trans sont aussi néfastes que le disent ces témoins, peut-être le Danemark est-il en avance sur nous et a-t-il raison. Peut-être ne devrions-nous pas du tout autoriser de graisses trans dans nos aliments, au lieu de l'approche suivie par le ministère consistant à exiger la mention sur les étiquettes et à encourager les gens à ne pas manger ces produits.
Je suis un peu perdu. Le témoignage du ministère indique que vous avez conscience du risque. Seriez-vous ouvert à l'idée d'un projet de loi d'initiative parlementaire demandant l'interdiction des graisses trans?
Á (1155)
Dre Karen L. Dodds: Il y a certes aujourd'hui un large consensus scientifique sur la nocivité des graisses trans. Il y a un risque sanitaire. Mais ce consensus ne remonte pas à 30 ans, ni à 20 ans, cela a fait à peine dix ans que cette réalisation de la nocivité des graisses trans existe. Mais rien que notre initiative d'étiquetage, exigeant la mention des graisses trans sur les étiquettes, a rencontré une opposition de la part de fabricants.
Je pense donc aujourd'hui que l'on s'accorde à reconnaître que les graisses trans sont mauvaises. Il y a aussi un consensus pour faire notre possible afin de minimiser la consommation des graisses trans par les Canadiens et nous devrons sans doute opter pour des approches multiples.
M. Rob Merrifield: Nous avons besoin d'une diversité d'approches, d'accord. Ma question portait sur une approche en particulier, soit une loi d'interdiction. Je pense qu'un projet de loi d'initiative parlementaire prendrait deux ans pour éliminer les graisses trans de l'alimentation des Canadiens. Est-ce faisable? Et comment réagirait l'industrie?
Dre Karen L. Dodds: Je ne sais pas si c'est réalisable. Ce ne serait certainement pas réalisable sans gravement perturber les pratiques industrielles actuelles au Canada, et probablement en Amérique du Nord, et sans bouleversement majeur au niveau des préférences des consommateurs.
M. Rob Merrifield: Oui. Cela nous ramène à ce que disait M. Gould. Vous avez déjà réalisé cela, vous n'avez plus de graisses trans dans les frites.
M. John Gould: Non, nous n'en avons plus dans nos frites.
M. Rob Merrifield: Combien de temps vous a-t-il fallu pour y arriver?
M. John Gould: Je pense que nous aurions pu le faire du jour au lendemain, car le substitut était disponible, mais cela aurait été quelque peu imprudent. Il nous a fallu faire des essais pour déterminer le coût et la durabilité—et bien entendu, le goût. Mais comme je l'ai mentionné, nous avons d'abord essayé une huile non hydrogénée en 2002. C'était le meilleur produit disponible. Et très franchement, ma sensibilisation au problème des graisses trans, sans même parler de celle du consommateur, était bien moindre que ce qu'elle est aujourd'hui.
Nous avons accéléré le rythme l'été dernier et il nous a fallu six mois, un délai raisonnable pour la transition. Mais comme je l'ai signalé, chez nous, nous contrôlons tout le processus et je ne sais pas comment les choses iraient pour les producteurs d'huiles ou les Nestlé du monde, en raison de divers facteurs. Notre sauce contenait également un peu de graisses trans mais elle en est exempte depuis un mois environ. Notre sauce au fromage qui vient de Nestlé contient toujours un peu de graisse trans. Nous travaillons fort, et le fabricant aussi, pour l'en supprimer, et pas seulement pour nous satisfaire, nous, car nous ne sommes qu'un client relativement mineur pour la compagnie.
M. Rob Merrifield: Mon autre question est de savoir combien de temps il a fallu au Danemark pour opérer la transition?
Son Excellence Svend Nielsen: Cela a été long. Nous avions déjà un dialogue avec l'industrie depuis le début des années 90 et nous avons conclu un accord avec certains secteurs—les fabricants de margarine, comme je l'ai dit—pour qu'ils éliminent graduellement les graisses trans à titre volontaire.
Certaines entreprises n'avaient aucunement adapté leur production et à partir du moment de l'entrée en vigueur du décret jusqu'à ce que leurs nouveaux produits soient sur le marché, il a fallu six mois de transition, car ce sont de grosses sociétés. Dans ces compagnies, c'était tout le flux de production qu'il a fallu revoir. Mais elles étaient tout de même informées. La plupart savaient quelle était la tendance depuis le milieu des années 90, et ont donc pu chercher quel substitut pourrait être utilisé sans qu'ils aient à changer tous les procédés de fabrication.
Pour ce qui est du système d'étiquetage, permettez-moi d'ajouter que nous avons mis en place un système d'étiquetage de type canadien et que de façon générale nous portons grande attention à notre système d'étiquetage et faisons confiance à nos consommateurs. Mais dans cette situation particulière, notre Conseil de la nutrition, c'est-à-dire l'organisation représentant les consommateurs, et finalement le gouvernement aussi se sont opposés au système, jugeant qu'il ne permettrait pas de donner aux consommateurs une information suffisamment claire et simple en l'occurrence. Ils jugeaient cette problématique comme complexe. Certains utilisaient même le slogan « Il ne faut pas devoir être ingénieur chimiste pour choisir une alimentation saine ».
Aussi, après des discussions sérieuses, nous sommes parvenus à la conclusion que, s'agissant de cette substance en particulier, il était nécessaire pour le gouvernement de la limiter et ne de pas se fier au seul étiquetage. En particulier, nous avons trouvé très difficile de mettre en place un étiquetage efficace pour la restauration rapide et les consommateurs de ce type d'aliments, qui sont souvent des jeunes, des adolescents. Nous ne pensions pas que ce serait efficace dans ce cadre, précisément celui où le risque sanitaire est le plus grand.
Voilà quelle était donc notre motivation. Ce n'était pas parce que de façon générale nous considérons que l'étiquetage n'est pas un bon outil, mais en l'occurrence nous avons jugé qu'il ne suffirait pas à protéger les consommateurs.
 (1200)
M. Rob Merrifield: Voilà ma crainte. Si nous avons la preuve scientifique que les graisses trans sont aussi nocives, alors l'étiquetage ne fera que semer la confusion dans la population. Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de gens qui se promènent dans la rue et qui connaissent la différence entre les matières grasses saturées, insaturées, partiellement hydrogénées, etc. Si nous savons qu'un produit n'est pas bon pour nous, il faudrait l'interdire plutôt que de se contenter de le mentionner sur une étiquette.
Est-ce que 2 p. 100 est la teneur tolérable appropriée? Je vais peut-être poser la question à Bruce.
M. Bruce Holub: Tout d'abord, nous connaissons les effets potentiellement nocifs des graisses trans dans le régime canadien depuis 25 ans.
M. Rob Merrifield: Oui, je vois.
M. Bruce Holub: Depuis, le gouvernement a autorisé la mention sans cholestérol—faible en graisses saturées—sur une grande variété de produits de transformation et de plats préparés.
Pour ce qui est de l'interdiction des graisses trans dans les aliments, elle est très raisonnable et je serais en faveur de l'interdiction de l'hydrogénation partielle, du moins celle aboutissant à une matière grasse comportant des graisses trans. Deuxièmement, on ne peut pas interdire l'hydrogénation, car comme la SMA et moi-même l'avons mentionné, l'hydrogénation totale d'une huile de canola et de soja vous donnera un acide gras saturé libre de graisse trans qui peut être mélangé à certaines huiles insaturées.
Troisièmement, une interdiction totale de la graisse trans dans la chaîne alimentaire canadienne est irréaliste du fait de la biohydrogénation naturelle dans l'estomac des ruminants.
Pourriez-vous répéter la question?
M. Rob Merrifield: Est-ce que la limite de 2 p. 100 est appropriée?
M. Bruce Holub: Il n'y a pas de limite sécuritaire de graisse trans. Du point de vue de la santé publique, si le Canadien moyen consomme 100 grammes de graisse, il faut escompter deux grammes de graisse trans. À en croire l'étude sur la santé des infirmières, soit 80 000 sur 14 ans publiée dans le New England Journal of Medicine et des études correspondantes, deux grammes de graisse trans par jour augmentent le risque de maladie cardiaque de 40 p. 100.
La Food and Drug Administration aux États-Unis propose la mention obligatoire des graisses trans sur les étiquettes à partir de 0,5 grammes. Cela signifie qu'un produit qui accroît le risque de crise cardiaque de 10 p. 100 sera exempté d'étiquetage.
M. John Gould: J'ai une question pour l'ambassadeur Nielsen. Est-ce 2 p. 100 pour 100 grammes de graisse ou bien 2 p. 100 par portion de 100 grammes pouvant comporter 10 p. 100 de matières grasses?
Son Excellence Svend Nielsen: Selon le décret, c'est deux grammes par 100 grammes d'huile ou de gras.
M. John Gould: Cent grammes de gras, c'est une grosse quantité. Je pense que même les lois actuelles au Canada et aux États-Unis relatives à la mention « libre de graisse trans ou zéro graisse trans » autorise 0,5 gramme par portion de 100 grammes.
M. Rob Merrifield: Dites-vous que les lois canadiennes actuelles sont conformes au plafond de 2 p. 100?
M. John Gould: Pour se qualifier de libre de graisse trans ou à zéro graisse trans, sauf erreur... Je n'ai pas fait le calcul, mais la question est de savoir si c'est 2 p. 100 de 100 grammes de gras ou 2 p. 100 d'une portion de 100 grammes pouvant contenir 10 ou 15 grammes de matières grasses.
M. Rob Merrifield: C'est bien.
Son Excellence Svend Nielsen: Je ne puis qu'ajouter que le gouvernement avait proposé une limite de 1 p. 100, comme je l'ai indiqué dans l'exposé. La réaction de l'industrie a été qu'un seul fabricant pourrait fournir des produits respectant ce niveau. Nous avons jugé qu'il nous fallait une concurrence. C'est l'une des raisons pour lesquelles la limite a été portée à deux grammes dans le texte final.
 (1205)
La présidente: Merci, monsieur Merrifield.
M. Ménard sera notre prochain intervenant.
[Français]
M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Madame la présidente, il y a une petite blague, pas méchante, qui circule et que j'aimerais partager avec vous. Il y a certaines personnes qui croient que le Canada a beaucoup contribué à réduire les acides trans en rappelant l'ancien ambassadeur du Canada au Danemark, mais ce n'est pas là-dessus, évidemment, que je vais interroger notre ministère, fondamentalement.
Je veux bien comprendre les termes du débat. Au fond, on a le choix entre un régime volontaire ou un régime obligatoire. Le régime volontaire semble un peu avoir été retenu au Canada, et le régime obligatoire semble effrayer le ministère de la Santé.
Pourquoi le ministère de la Santé a-t-il la conviction qu'en adoptant un projet de loi comme celui que propose notre collègue Pat, cela pourrait être trop draconien et bouleverser trop rapidement les pratiques de l'industrie? Sur quoi vous basez-vous et que redoutez-vous, du côté du ministère de la Santé?
Il arrive que le ministère de la Santé soit un peu frileux. Sur les OGM, vous avez été frileux, sur la publicité sur les médicaments, vous avez été frileux. Pourquoi, une fois de plus, le ministère de la Santé n'est-il pas plus audacieux?
[Traduction]
Dre Karen L. Dodds: Vous avez comme témoins des représentants de deux pays qui sont à l'avant-garde : le Danemark, le seul pays à avoir imposé une limite, et le Canada, le premier pays à avoir imposé l'étiquetage nutritionnel. Les règlements n'ont été pris que l'an dernier et ne seront pleinement en vigueur qu'en 2005. Il y a donc déjà certaines obligations d'étiquetage des graisses trans aujourd'hui, mais ce sera obligatoire à partir de 2005. Le Danemark a opté pour une approche réglementaire différente.
Comme je l'ai dit, ce n'est pas une problématique facile. Il y a des différences entre la situation canadienne et la danoise, d'après ce que j'en sais. Nous avons été plusieurs ici à dire que les Canadiens sont parmi les plus grands consommateurs de graisses trans parce que nous utilisons beaucoup d'huile de canola et de soja, qui sont produites au Canada. Nous utilisons moins de graisses animales qu'en Europe.
Pour ce qui est des substituts, il faut veiller à ce que les produits qui viendront remplacer les graisses trans ne soient pas aussi nocifs ou pires. Il faut trouver des substituts plus sains.
L'autre différence dans le contexte canadien...
[Français]
M. Réal Ménard: Il me semble que ce que vous nous décrivez va dans la logique inverse de ce que fait Santé Canada. Si le Canada a, parmi sa population, des gens qui consomment plus, on devrait laisser l'approche volontaire et aller vers une approche un peu plus obligatoire.
Dans votre exposé, vous avez dit que c'était comme si les gras trans avaient une fonction de conservation des aliments. Est-ce qu'il existe une possibilité de les retirer complètement ou d'en réduire la teneur dans les aliments à 2 p. 100 mais, en même temps, d'avoir des procédés de conservation qui soient sécuritaires? Si on enlève l'élément conservation, il n'y a pas d'autre justification pour ne pas être coercitif.
Ce que je ne comprends pas, c'est pourquoi on ne va pas tout de suite vers une approche législative. Avoir cette information, pour les consommateurs, ça ne donne rien sur les déterminants de la santé ni sur les saines pratiques de consommation. Alors, à part l'argument des pratiques de consommation, si on les enlève ou si on les réduit à 2 p. 100, on peut quand même conserver les aliments, comme l'a fait le Danemark. Je trouve que vous ne nous donnez pas beaucoup de rationalité pour nous rendre à vos arguments, si ce n'est que c'est une approche frileuse. En quoi cela va-t-il bouleverser les pratiques de l'industrie? Expliquez-moi cela clairement.
[Traduction]
Dre Karen L. Dodds: Les graisses jouent de nombreux rôles dans les aliments. L'un des avantages des graisses trans est qu'elles sont plus stables et rancissent moins vite à l'oxydation que les autres matières grasses. C'est important dans le contexte de la chaîne alimentaire canadienne, où nous avons des niveaux de production supérieurs dans des installations plus centralisées et de gros réseaux de distribution.
Nombre des produits comportant ce genre de matières grasses aujourd'hui peuvent passer plusieurs mois dans la chaîne de distribution, depuis la production jusqu'à la consommation. Donc, l'un des problèmes que nous connaissons dans le contexte canadien, c'est que ces graisses de remplacement devront soit avoir le même niveau de stabilité—et cela n'était manifestement pas un problème pour New York Fries car la chaîne sert un produit frais—soit l'industrie alimentaire va devoir adapter sa chaîne de distribution.
 (1210)
[Français]
M. Réal Ménard: Professeur Holub, est-ce que vous vous rendez aux arguments qui sont énoncés par le ministère de la Santé? Est-ce que l'approche un peu plus frileuse, un peu plus timide que déploie le Canada vous apparaît plausible? Est-ce que notre climat, les chaînes de distribution, la nécessité d'avoir des gras qui vont durer plus longtemps vous paraissent une rationalité qui fait que le Canada doit aller vers l'étiquetage plutôt que vers une législation?
[Traduction]
La présidente: Monsieur Holub.
M. Bruce Holub: Je pense que l'approche idéale serait d'interdire par une loi le type d'hydrogénation qui fournit un produit comprenant une proportion substantielle de graisses trans. Il s'agit de couvrir les chaînes de restaurants, qui représentent environ 30 p. 100 des graisses trans consommés dans ce pays, comparé à 60 p. 100 pour les aliments de transformation. Je ne sais pas dans quelle mesure cela est pratique ou non, je ne suis pas expert, mais voilà ma recommandation.
La présidente: Merci, monsieur Ménard.
Notre prochain témoin sera M. Kilgour.
Avant de commencer, monsieur Kilgour, je vais donner l'ordre des intervenants. Ce sera M. Kilgour, M. Martin, Mme Whelan, Mme Grey, puis M. Boudria. Ensuite, selon que nous aurons d'autres demandes de ce côté, ce sera M. Normand.
L'hon. David Kilgour (Edmonton-Sud-Est, Lib.): Puis-je partager mon temps limité avec M. Normand?
La présidente: Ce n'est que cinq minutes.
L'hon. David Kilgour: Oui. Cela ferait environ deux minutes et demie chacun.
La présidente: D'accord, certainement.
Allez-vous commencer?
L'hon. Gilbert Normand (Bellechasse—Etchemins—Montmagny—L'Islet, Lib.): Je vais parler français, si vous le permettez.
[Français]
Lorsqu'on veut prendre une mesure qui vise toute la population, le but premier, c'est d'augmenter l'espérance de vie de la population. Il y a quelques années, je suis allé au Danemark et j'ai été frappé, surtout au mois de mai, de voir toutes ces jolies femmes qui se promenaient sans soutien-gorge sous leur chemisier. Un an ou deux plus tard, il y a eu une étude faite par l'Organisation mondiale de la santé sur le cancer du sein, et on a pris le Japon pour faire une comparaison. Or, effectivement, le Danemark est le pays où le taux de cancer du sein chez la femme est le plus bas, et le Japon est le pays où il est le plus élevé, parce que les japonaises portent des soutiens-gorges très serrés. Alors, on en est venu à la conclusion que les soutiens-gorges, surtout trop serrés, peuvent être une cause de cancer du sein. Alors, je voudrais savoir si le Danemark a interdit les soutiens-gorges! Mais c'est une histoire vraie de santé publique.
Tout ça pour dire que dans une décision comme celle-ci, je pense qu'il faut procéder de façon plus avancée au niveau scientifique.
On sait, par exemple, que le sel peut être dommageable. Autrefois, on disait qu'il l'était pour tout le monde; aujourd'hui, on sait que c'est seulement 30 p. 100 de la population qui est touchée par le sel en ce qui concerne l'hypertension artérielle.
J'aurais deux questions, suite à cela. La première s'adresse à M. Holub. Actuellement, est-ce qu'on est convaincu que tous les individus sont touchés par les acides gras? La génétique ne nous dira-t-elle pas que certaines catégories d'individus peuvent supporter les gras trans, et qu'une autre partie de la population ne le peut pas? C'est ma première question.
[Traduction]
M. Bruce Holub: Dans l'étude sur la santé des infirmières, toutes les femmes ayant la plus forte consommation de graisses trans n'étaient pas touchées par une maladie cardiovasculaire. À l'évidence, il y a beaucoup de variabilité entre les personnes, mais c'est un gros facteur de risque.
Si le but des initiatives de santé publique est de protéger autant que possible les masses, alors manifestement nous devons adopter des mesures couvrant les masses, même s'il existe par exemple des personnes qui fument beaucoup et ne meurent pas de cancer du poumon.
La présidente: Merci, monsieur Normand.
Monsieur Kilgour.
L'hon. David Kilgour: J'aimerais...
 (1215)
L'hon. Gilbert Normand: J'ai encore une petite question pour M. Gould.
[Français]
Est-ce que vous connaissez l'impact agricole de la production des huiles de tournesol par rapport, par exemple, au canola ou au soya? Quel impact peut avoir l'utilisation du tournesol par rapport aux autres huiles actuellement utilisées sur le marché? Dans l'avenir, est-ce que cela pourrait avoir un impact?
M. John Gould: Je ne le sais pas.
[Traduction]
Je ne sais pas, je ne suis pas agriculteur. Si vous me demandez s'il y aurait des répercussions négatives d'une culture trop importante du tournesol, par opposition au canola, je ne puis imaginer qu'il y en ait, mais je ne sais pas.
La présidente: Merci.
Monsieur Kilgour.
L'hon. David Kilgour: Le temps est compté.
Madame la présidente, nous recevons aujourd'hui un excellent groupe qui traite d'un sujet très important.
Je le demande à qui veut répondre, combien d'entre vous souhaiteraient que nous suiviez la voie du Danemark, ou bien faudrait-il laisser les entreprises faire ce que New York Fries a fait, c'est-à-dire leur laisser le choix?
Je sais que vous avez déjà partiellement répondu à cela, mais quelqu'un souhaiterait-il ajouter un mot à ce qui a déjà été dit?
M. John Gould: Je pourrais peut-être proposer une solution intermédiaire. Je pense que les gens qui savent lire les étiquettes peuvent déjà déduire la teneur en graisses trans d'un produit avec les étiquettes actuelles—ceux que cela intéresse et qui se soucient suffisamment pour regarder. Mais je ne pense pas que l'étiquetage, en soi, contribuera beaucoup à la solution du problème.
Je pense que si l'on consacrait autant de temps et d'argent à sensibiliser le consommateur aux effets nocifs des graisses trans qu'on le ferait avec l'adoption d'une loi, on pourrait résoudre le problème. Je ne connais pas suffisamment l'impact sur toutes les industries, notamment l'agriculture, d'une loi d'interdiction. Je suis sûr qu'il y a un impact.
Mais il est sûr que tous devraient être beaucoup plus sensibilisés aux problèmes des graisses trans. Ce pourrait être la meilleure solution à court terme, en attendant que l'on débatte d'autre chose.
L'hon. David Kilgour: Merci beaucoup.
La présidente: Merci.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, madame la présidente et merci à tous les membres du comité d'avoir permis que cette étude se fasse aujourd'hui. Je sais que vous avez dû exclure de l'ordre du jour d'autres sujets très importants pour faire place à celui-ci.
Merci également à tous les invités. Vous nous avez donné un excellent survol de toutes les facettes de ce débat.
Cependant, je pense que l'on peut réellement le ramener à une question simple : l'étiquetage suffirait-il à protéger les Canadiens contre le risque sanitaire avéré des graisses trans? On pourrait parler d'encore beaucoup de choses, mais je pense que c'est la seule question pressante à poser aujourd'hui.
Ce n'est un secret pour personne que je considère qu'il n'est pas tolérable de mettre du poison dans notre nourriture pourvu que ce soit indiqué sur l'étiquette, et je ne pense pas exagérer en qualifiant les matières grasses trans de poison. Et je ne le fais pas par romantisme ou goût du théâtre.
Walter Willett, le président du Département de diététique de l'Université Harvard, appelle les graisses trans « le plus grand désastre alimentaire de l'histoire ». Les scientifiques experts emploient le mot « toxique » en parlant des graisses trans.
Il est bon que je vous transmette d'abord une information : le sénateur Wilbert Keon, spécialiste du coeur renommé, et le sénateur Yves Morin, qui a été doyen de la faculté de médecine de l'Université Laval, vont conjointement introduire ce projet de loi au Sénat plus tard dans la semaine. J'ai pensé que vous seriez intéressés de savoir que des scientifiques de cette stature, qui sont également sénateurs—un conservateur et un libéral—collaborent à une initiative pluripartisane pour promouvoir le modèle danois de la réglementation des graisses trans, une mesure tellement stricte qu'à toutes fins pratiques leur usage serait éliminé.
Pour utiliser efficacement mon temps, j'en reviens à la question initiale : Quelqu'un voudrait-il indiquer publiquement s'il faudrait éliminer les graisses trans plutôt que de simplement les étiqueter?
Monsieur Holub?
M. Bruce Holub: J'ai déjà dit, et je le répète, qu'il faudrait envisager très sérieusement—et j'y serais favorable—dans l'intérêt du public canadien, une interdiction du type d'hydrogénation, telle que l'hydrogénation partielle, qui produit des matières grasses contenant une forte proportion d'acides gras trans. Manifestement, une interdiction totale de toutes les graisses trans, du fait de l'estomac des ruminants, n'est pas praticable et il ne faut pas la tenter.
 (1220)
M. Pat Martin: C'est juste.
M. Bruce Holub: Évidemment, je serais aussi favorable à l'interdiction de l'hydrogénation, du moins de la formation d'acides stéariques dans le produit fini, si vous allez jusqu'à l'interdiction de l'emploi de mélanges dans les produits à graisses trans.
M. Pat Martin: Merci.
Monsieur Gould, si je puis vous poser expressément la question selon l'optique de l'industrie... Sachez que lorsque j'ai parlé récemment à notre ministre de la Santé, lui demandant s'il reconsidérerait, sa seule réserve a été qu'il s'attendait à une forte opposition de l'industrie.
J'admire beaucoup votre décision d'éliminer unilatéralement et volontairement les graisses trans. Dans votre secteur industriel, est-ce possible ou est-ce faisable?
M. John Gould: Encore une fois, je ne suis pas certain d'être tout à fait compétent pour répondre à cette question, mais je peux vous dire que McDonald's a apparemment enlevé cela de son huile au Danemark, ou en tout cas est sur le point de le faire. Je pense que cela fera bientôt deux ans que la société a annoncé qu'elle allait réduire sensiblement, voire éliminer complètement les gras trans d'ici la fin de l'année 2003. Or, cela n'a pas été fait. Je ne peux que penser que ce n'est pas son service du marketing qui a mis des entraves, mais qu'il y a en fait des obstacles très réels à l'exécution de ce changement. Ce pourrait être une simple question de maintien du goût, mais je ne peux pas 'imaginer que ce soit là le seul problème. Il doit clairement y avoir d'autres questions, car c'est la chose à faire dans l'industrie de l'alimentation, déjà politiquement parlant, mais à bien d'autres égards également. Si c'était aussi simple que cela, tout le monde serait en train de faire la même chose.
Enfin, il me faut dire que si l'objectif était de réduire la contribution de 30 p. 100 aux gras trans faite par l'industrie de la restauration rapide, alors davantage de gens devraient manger chez New York Fries.
Des voix : Oh, oh!
M. Pat Martin: Cela va figurer au procès-verbal, au procès-verbal permanent.
La présidente: M. Nielsen voulait réagir à quelque chose qui a été dit au sujet du Danemark et de McDonald's, et ce sera ensuite au tour de Mme Dodds.
Son Excellence Svend Nielsen: Je me répète un peu mais nous nous sommes sérieusement penchés sur le système d'étiquetage. Nous utilisons dans nombre de cas le système d'étiquetage. Dans ce cas-ci, tous les partis politiques se sont entendus pour dire que le système d'étiquetage ne suffirait pas pour assurer la protection voulue aux consommateurs—notamment aux consommateurs amateurs de plats-minute. C'était là le principal argument avancé, et c'est pour cette raison que nous avons dans ce cas-ci choisi l'interdiction ou en tout cas la limitation côté quantité.
Merci.
M. Pat Martin: Merci, monsieur l'ambassadeur.
Dre Karen L. Dodds: J'aimerais faire quelques commentaires.
En notre qualité de responsables de la santé, nous avons très clairement énoncé que notre objectif allait être de réduire, dans toute la mesure du possible, la teneur en gras trans des aliments et la consommation de gras trans par les Canadiens. Le ministère a déclaré très publiquement qu'en ce qui concerne les informations nutritionnelles données sur les étiquettes pour l'ensemble des produits alimentaires l'approche fondée sur la réglementation ne suffit pas. Il faut beaucoup d'autres instruments, dont, notamment, l'éducation du public. Les données nutritionnelles sur les étiquettes sont une chose qui aide le consommateur à comprendre, mais le consommateur a besoin de beaucoup plus de renseignements, comme par exemple vos insignes et d'autres choses du genre. L'attention que les médias accordent aux gras trans est selon nous une chose merveilleuse. Cela nous aide à mieux conscientiser les consommateurs.
Du point de vue de la réglementation, nous avons fait plusieurs choses. Nous avons changé les règles quant au label « sans cholestérol ». Ainsi, avec les nouvelles règles, vous ne pourrez pas dire d'un produit qu'il est sans cholestérol s'il renferme en fait d'importantes quantités de gras trans. Nous avons donc éliminé là certains aspects.
Comme je l'ai dit, l'un de nos soucis est que, si l'on va remplacer les gras trans, l'on sache que le produit de remplacement ne va pas poser plus de risques pour la santé et saura s'inscrire dans le contexte canadien. C'est ainsi que les entreprises sont, l'une après l'autre, en train d'examiner toutes ces considérations.
Nous savions que l'obligation de faire apparaître sur les emballages un tableau de la valeur nutritive allait pousser l'industrie à changer ses formulations. Le message n'était donc pas « vous devez changer votre formulation »; c'était plutôt « voici un incitatif, car vous allez devoir déclarer la teneur en gras trans et l'inscrire dans les tableaux de valeur nutritionnelle dans le cadre du nouveau système d'étiquetage ».
La présidente: Merci, madame Dodds.
Merci, monsieur Martin.
C'est maintenant au tour de Mme Whelan.
L'hon. Susan Whelan (Essex, Lib.): Merci beaucoup, madame la présidente.
Je ne peux m'empêcher d'enchaîner sur les observations de Mme Dodds sur l'importance du fait de parler nutrition et d'éduquer les Canadiens. Je suis sortie manger vendredi soir avec des amis. Leur plus jeune enfant est à la maternelle et il venait tout juste de faire deux journées en classe sur ce qui est sain et sur ce qui n'est pas sain. Je n'en revenais pas de ce qu'il était en mesure de comprendre et des choix qu'il pouvait faire quant à ce qu'il voulait commander sur la base de ce qui était sain et des groupes d'aliments qui avaient été couverts en classe.
J'estime que cela est essentiel pour la santé des Canadiens : il importe de les éduquer quant aux choix qui existent et de veiller à ce qu'ils fassent les bons choix et à ce qu'on leur présente les bonnes données. J'assiste à cette réunion ici aujourd'hui et je m'efforce de comprendre. Si je comprends bien la loi danoise, elle limite les gras trans à seulement deux grammes par 100 grammes de graisse ou d'huile. Vous pourriez peut-être me dire, monsieur Gould, combien de grammes de graisse l'on retrouve dans une portion normale de frites.
 (1225)
M. John Gould: Je le peux. Il y a à peu près 13 grammes de graisse par 100 grammes de produits. Je peux vous dire que la teneur totale—c'est-à-dire le volume de graisse—n'a pas diminué du fait que l'on ait éliminé les gras trans. On a simplement remplacé une forme de graisse par une autre. On a réduit les acides gras saturés et on a augmenté les acides gras monoinsaturés. Mais il demeure du gras dans le produit.
L'hon. Susan Whelan: Les 100 grammes de produit sont donc une portion de frites?
M. John Gould: Non. Je pense que ce serait une quantité typique... Comme le professeur l'a, je pense, souligné, ce n'est pas nécessairement là ce que nous... Je dirais que cela équivaudrait à à peu près la moitié d'une portion normale de notre produit.
L'hon. Susan Whelan: Et, aux fins de notre discussion, savez-vous combien de calories seraient renfermées dans ces mêmes 100 grammes?
M. John Gould: Je vous demanderais de ne pas me citer précisément, mais cela doit tourner autour de 340 ou 375.
L'hon. Susan Whelan: Ce à quoi je veux en venir c'est qu'il y a quantité d'experts oeuvrant dans différentes disciplines où il est question de la santé et qui parlent de toutes sortes de choses, et les gens vont acheter telle ou telle revue. Vous devez compter les calories, vous devez compter la teneur en matières grasses, vous devez tenir compte de la grosseur des portions, vous devez bien comprendre tout cela, car vous pouvez faire des choix très mal éclairés quant à ce que vous allez manger dans le courant d'une journée si vous n'avez pas tenu compte des groupes d'aliments et des différents éléments nutritifs, voire encore de la façon dont nous autres Canadiens préparons les différents produits.
Je suis grande amatrice de pommes de terre. Je suis également grande amatrice de frites. Mais je dois dans le courant d'une journée équilibrer ma consommation de frites et d'autres produits de façon à ne pas absorber trop de calories ou trop de matières grasses, et c'est ainsi que si j'ai mangé des frites plus tôt dans la journée, je peux équilibrer mon alimentation en prenant une salade verte au repas suivant. Comme je l'ai dit, je raffole des frites. Je n'essaie pas d'être critique, j'essaie de dire qu'il faut qu'il y ait un équilibre dans ce que nous mangeons.
J'estime que lorsqu'on se concentre sur une partie seulement de... Et ce n'est pas que je pense que nous devrions permettre que d'importantes quantités de gras trans se retrouvent dans les aliments que nous consommons, loin de là. La société McDonald's a dit qu'elle allait réduire de moitié la teneur en gras trans de ses produits d'ici 2003—non pas éliminer le gras trans; l'étude que j'ai lue parle d'une réduction de moitié. Je ne sais pas si cela a été fait ou non. La société n'est pas ici pour se défendre, alors je ne pense pas qu'il soit juste de dire qu'elle l'ait fait ou qu'elle ne l'ait pas. Mais je pense que le comité doit discuter plus à fond de cette question avant de faire de quelconques recommandations ou de prendre des décisions, car vous avez dit que vos premiers résultats de recherche n'étaient pas concluants.
Je me demande combien de recherches font chacune de ces entreprises—je me dis qu'elles doivent en faire des montagnes—pour essayer d'apporter des changements, de trouver des produits de remplacement et d'amener tous ces résultats. J'ignore quelle moyenne cela donnerait, monsieur Gould. Vous ou Mme Dodds en avez peut-être une idée.
M. John Gould: Pour revenir à votre premier point, je pense que le processus éducatif devrait commencer tout de suite et, au contraire de la question de savoir si vous devriez consommer x calories ou inclure ou non des glucides dans votre régime alimentaire, je pense que nous avons ici la preuve que les gras trans ne devraient pas figurer dans notre alimentation, et ce message devrait dès maintenant être communiqué au public. Je ne pense pas qu'il faille faire toutes sortes d'études pour le démontrer. Et dans l'intervalle, pendant que vous menez vos études, vous pouvez au moins commencer à éduquer le consommateur.
Je pense que ce cas est différent. Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites qu'il faut équilibrer son alimentation. Mais ce n'est pas que dans les frites que l'on retrouve des gras trans. Il y en a dans les biscuits, dans le pain, dans presque tout ce que vous mangez, et nous savons que c'est mauvais pour la santé.
L'hon. Susan Whelan: Je comprends cela, mais même le Danemark n'a pas dit « Plus de gras trans du tout »; il a dit « deux grammes par 100 grammes de matières grasses ». Cent grammes de matières grasses, c'est beaucoup, pour que le consommateur moyen se retrouve avec deux grammes de gras trans. Certes, plus on peut faire pour réduire la quantité de gras trans que l'on consomme chaque jour, mieux cela vaut, mais j'estime qu'il est également important que l'on amène les Canadiens à faire des choix qui soient de plus en plus sains.
Voici un exemple de ce que j'aimerais voir. Lorsque la province parlait de réinstaurer la taxe de vente provinciale pour les repas de moins de 4 $, j'ai discuté avec plusieurs personnes qui ont demandé « Pourquoi ne pourrait-on pas avoir des repas sains sans TPS et sans TVP, pour promouvoir ainsi la consommation de repas santé dans nos différents établissements et organisations? » Les gens sont nombreux à avoir adopté les repas-minute. Ils sont nombreux à recourir aux plats prêts à consommer parce qu'ils sont très occupés. Les styles de vie ont changé. Je pense que l'on devrait réellement promouvoir cela : plus les produits proposés au consommateur sont sains, mieux les gens se porteront.
Je ne suis donc pas en train de dire que l'on ne devrait pas éliminer les gras trans. Plus l'on peut tendre vers leur élimination, mieux ce sera, mais en tant que Canadienne, j'aimerais voir les Canadiens mieux comprendre la totalité de leur alimentation et la nécessité, en tout cas, d'avoir un régime alimentaire équilibré.
J'inviterai Mme Dodds à faire quelques commentaires sur le Guide alimentaire canadien, sur ce que l'on pourrait envisager pour le promouvoir et sur la façon de communiquer ces renseignements aux Canadiens.
 (1230)
La présidente: Soyez très brève, car le temps qui vous était alloué est de loin dépassé.
Dre Karen L. Dodds: Comme je l'ai dit, le Guide alimentaire canadien pour manger sainement est certainement l'une des publications les plus populaires du gouvernement fédéral. Santé Canada travaille avec nombre de groupes intermédiaires. Nous oeuvrons aux côtés de collègues provinciaux et territoriaux, de diététiciens partout au Canada, de responsables scolaires, et ainsi de suite, pour veiller à ce qu'il y ait un effet multiplicateur dans la livraison aux Canadiens des renseignements contenus dans le guide alimentaire.
La présidente: Merci, madame Dodds.
Le tour est maintenant à Mme Grey.
Mme Deborah Grey (Edmonton-Nord, PCC): Merci à vous tous d'être venus ce matin. C'est formidable.
Susan, j'ai remarqué que vous avez dit que 100 grammes, c'est une assez grosse quantité, et qu'il nous faudrait faire les calculs. Je vous parie que ce n'est pas du tout beaucoup par rapport à tout ce que nous avalons chaque jour.
J'aimerais poser une question. C'est peut-être vous, Karen, qui serez le mieux en mesure d'y répondre. Elle concerne cette huile sans matière grasse, mise au point par Procter & Gamble, appelée Olestra, qui a été autorisée aux États-Unis en 1996—c'est-à-dire, et je n'en reviens pas, il y a huit ans déjà. D'après ce que j'ai compris, Santé Canada a refusé d'homologuer ce produit. Pourriez-vous m'en dire quelque chose? Je n'en sais strictement rien, et j'apprécierais beaucoup une explication.
Dre Karen L. Dodds: Le produit appelé Olestra serait au Canada considéré comme un aliment nouveau. Nous avons des règles qui exigent que les aliments nouveaux nous soient soumis avant qu'ils...
Mme Deborah Grey: Quel genre d'aliment?
Dre Karen L. Dodds: Les aliments nouveaux.
Mme Deborah Grey: Très bien.
Dre Karen L. Dodds: Les aliments génétiquement modifiés sont tous considérés comme étant des aliments nouveaux, mais les aliments qui sont nouveaux pour d'autres raisons—et c'est notamment le cas de l'Olestra—sont eux aussi réglementés par nous.
Mme Deborah Grey: En quoi cet aliment est-il nouveau?
Dre Karen L. Dodds: En quoi est-il nouveau? Il s'agit d'un mélange de matières grasses qui ne sont pas naturelles. Ce sont des gras synthétiques.
Mme Deborah Grey: Un peu à la manière des gras trans?
Dre Karen L. Dodds: Je n'en ai pas le détail, et le détail serait la propriété de Procter & Gamble. J'ignore combien de données au sujet de ce produit sont aujourd'hui du domaine public aux États-Unis.
En vertu de nos règles actuelles, une entreprise, avant de commercialiser un produit au Canada, doit s'adresser à nous pour obtenir une vérification de son innocuité pré-mise en marché.
Mme Deborah Grey: Très bien. Merci.
Je suis intéressée par la question de l'étiquetage : le bon cholestérol passe la rampe, et les gras saturés aussi, alors on augmente tout cela, mais on ne met pas de mention sur les gras trans. Vous voyez-nous tendre vers cette mention obligatoire dans l'étiquetage?
Je comprends que cela est censé être facultatif et l'on espère toujours que tout le monde va se comporter comme il se doit.
Dre Karen L. Dodds: Le nouveau règlement, adopté en janvier 2003, rend obligatoire à compter de décembre 2005 un nouvel étiquetage nutritionnel. Mais nous avons en même temps dit à l'industrie que si elle veut utiliser l'une des nouvelles allusions à la santé autorisées, alors il lui faut utiliser simultanément le nouvel étiquetage nutritionnel. L'industrie est également en train d'adopter volontairement les nouvelles étiquettes nutritionnelles, et l'on commence à en voir.
Il y a une ligne pour les matières grasses, mais il y a une ligne distincte pour les gras saturés. Il y a également une ligne pour les gras trans. Les deux lignes doivent être ajoutées l'une à l'autre. Le règlement établit d'autre part que l'étiquette ne peut pas dire « sans cholestérol » si le niveau de gras trans ou de certains autres éléments est élevé.
Mme Deborah Grey: Combien d'adolescents connaît-on qui vont vraiment être obsédés par cela et dire « Oh là là, il vaudrait mieux que je ne mange pas cela »? C'est vraiment cela qui compte, non?
Je passe tout le temps devant le New York Fries du Southgate Mall à Edmonton. Ce qu'on y propose me paraît appétissant mais j'essaie, mais pas trop fort, d'éliminer tous ces produits. Jusqu'à aujourd'hui, j'avais totalement ignoré tout ce que j'ai appris ici, et je suis raisonnablement intelligente. Vous ne pouvez pas le croire, mais les étiquettes sont là.
Bruce, vous fêtez votre 25e anniversaire. Quel chemin avons-nous fait? Vous devez parfois vous gratter la tête.
M. Bruce Holub: Le public me dit que vous pouvez consulter la revue Protégez-vous et obtenir les cotes— bon, mauvais ou épouvantable—pour les caméscopes, par nom de marque. Le public me demande, dans les réunions de sous-sol d'église—et j'en fais beaucoup—de leur donner une cote pour le risque de crise cardiaque par nom de marque.
Nous pourrions, nous appuyant sur la science, examiner les produits commerciaux, si nous en connaissions la composition. Les chercheurs experts pourraient assez facilement s'entendre sur une cote de risque de crise cardiaque par portion d'un produit donné. L'on pourrait avoir une grille de un à dix, dix correspondant à un risque élevé et un à un risque faible ou nul. Ce serait facile à faire.
Mme Deborah Grey: Serait-il possible, Karen, que Santé Canada produise un jour ce genre de chose? Je ne parle pas des enfants, mais du guide alimentaire. Nous avons tous grandi avec le guide alimentaire. Maintenant que nous autres de la génération du babyboom sommes en train de vieillir et d'engraisser, il serait peut-être bon que nous ayons aussi un guide qui nous aide à éviter l'infarctus. Ce serait peut-être une bonne chose.
 (1235)
Dre Karen L. Dodds: Certes, comme l'a dit votre collègue, Mme Whelan, l'éducation en matière de nutrition est un élément clé.
J'ai participé à des discussions avec des groupes qui ont ciblé la coronaropathie. J'ai également participé à des groupes qui ont ciblé l'obésité. J'ai participé à des groupes qui ont ciblé le cancer ou le diabète. L'étiquette nutritionnelle avait pour objet de fournir des renseignements très objectifs pour lutter contre tous les problèmes de santé que je viens de mentionner, car il y a différents choix de régime alimentaire offerts, selon le stade auquel vous êtes dans votre vie.
Nous souhaiterions en fait que nos enfants et nos tout-petits aient un régime alimentaire assez fort en gras. Les gras sont d'une importance critique pour eux. Nous ne voulons pas que les gens pensent que notre message est que leurs jeunes enfants devraient éviter les matières grasses. Les étiquettes nutritionnelles ont très clairement pour objet d'être une source objective de renseignements de base à partir de laquelle Santé Canada et d'autres groupes pourront bâtir des plates-formes d'éducation pour les aider dans le contexte des différents dossiers liés à l'alimentation.
Mme Deborah Grey: La question qui s'impose est celle de savoir si cela fonctionne?
M. John Gould: Non, je ne pense pas que l'étiquetage change quoi que ce soit. Je pense que les jeunes qui viennent commander au comptoir chez nous peuvent rentrer chez eux et, pour défendre notre produit, dire à leur mère que nous n'utilisons pas de gras trans. Ce n'est pas vraiment un message de vente. Il nous faut éduquer les jeunes.
Il y a plusieurs choses qui peuvent résulter de cela. Je pense que la loi sert souvent de béquille aux gens qui peuvent alors dire qu'ils savent qu'ils ne peuvent donc plus faire telle ou telle chose, et que c'est tout ce qu'il leur faut savoir. Or, en plus d'avoir un régime équilibré, il faut se grouiller un peu, sortir dehors et faire de l'exercice.
Je trouve que l'on a beaucoup critiqué l'industrie alimentaire, rejetant sur elle toute la responsabilité des problèmes de nos enfants. Viser la seule industrie alimentaire et interdire certaines choses dans la loi ne suffira pas pour faire bouger et se dépenser les jeunes, ce qui fait partie d'un tout. Je pense que ce qu'il faut, c'est plus d'éducation, au sens large.
Vous souvenez-vous du lancement, il y a 30 ans, du programme ParticipAction? Qu'en est-il advenu?
La présidente: Merci, madame Grey.
C'est maintenant au tour de M. Boudria.
L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.): J'aurais quelques courtes questions à poser.
Madame Dodds, pourquoi les aliments pour bébés sont-ils exemptés des exigences en matière d'étiquetage? Ai-je bien compris que c'est le cas?
Dre Karen L. Dodds: Les aliments destinés aux membres de la population âgés de moins de deux ans sont exemptés de certains aspects du programme. C'est peut-être une généralisation. Je vais vérifier auprès de ma collègue, mais je pense que l'idée première était que l'on ne voulait pas amener une réduction de la consommation de matières grasses par cette catégorie d'âge. Le gras est absolument essentiel au bon développement des tout-petits.
L'hon. Don Boudria: Mais si j'ai bien compris, l'exigence en matière d'étiquetage concerne non pas le gras, mais les gras trans. En tant que grand-père, j'ai quelque difficulté avec l'idée que ma fille ne puisse pas savoir cela. Pourquoi ne met-on pas ces renseignements à sa disposition? Quelle explication logique peut-il y avoir à cela?
Pendant que vous réfléchissez à cela, puis-je, madame la présidente, poser une question au professeur Holub?
La consommation moyenne de nos jeunes gens est-elle de 12,5 grammes?
M. Bruce Holub: Oui, c'est la moyenne pour nos jeunes âgés de 18 à 35 ans.
L'hon. Don Boudria: Et cela augmente d'environ 40 p. 100 le risque d'infarctus?
M. Bruce Holub: Eh bien, pour chaque gramme.. 240 p. 100. Pour nos jeunes âgés de 18 à 35 ans, donc, vous pouvez vous attendre, sur la base de leur consommation actuelle de gras trans, à un risque d'infarctus de 240 p. 100 plus élevé.
L'hon. Don Boudria: Combien de cigarettes vous faudrait-il fumer par jour pour vous infliger autant de dommages?
M. Bruce Holub: Le tabagisme ne se résume, je pense, pas à une simple question de maladie du coeur. Il nous faut tenir compte des poumons...
L'hon. Don Boudria: Non, mais simplement du côté risque de crise cardiaque...
M. Bruce Holub: Je m'en excuse, mais je n'ai pas les chiffres. Je ne peux pas vous donner de réponse.
L'hon. Don Boudria: Est-ce que ce serait plusieurs paquets par jour?
M. Bruce Holub: Ce serait plusieurs paquets par jour, les bons jours.
L'hon. Don Boudria: En d'autres termes, nous avons ici une situation qui crée autant de dommages côté maladie du coeur que le fait de fumer plusieurs paquets de cigarettes par jour.
M. Bruce Holub: Pour ce qui est de la cardiopathie, je pense que cela s'inscrirait dans la même catégorie.
L'hon. Don Boudria: Je vois. C'est fascinant.
Sait-on autre chose au sujet de l'étiquetage des aliments pour bébés?
Dre Karen L. Dodds: Encore une fois, les aliments qui sont non seulement disponibles mais qui sont proprement destinés aux enfants de moins de deux ans, soit une catégorie très limitée, sont exemptés de façon générale des exigences en matière d'étiquetage nutritionnel. Nous pourrons vous fournir des renseignements plus précis. Mais l'une des choses à retenir, encore une fois, est qu'il s'agit d'un segment très restreint de l'industrie alimentaire. C'est un marché créneau.
Nous avons eu de nombreuses discussions avec les fabricants d'aliments pour bébés, d'aliments pour tout-petits, et ils sont généralement très sensibles aux préoccupations côté santé. Les aliments pour bébés ne peuvent pas faire l'objet d'allusions à la santé ou de déclarations de bienfaits pour la santé. Leur présentation est très objective. Par ailleurs, du fait que sur le plan nutritionnel les besoins de cette catégorie de la population soient si différents de ceux des adultes, ce pourrait être difficile de traduire les quantités quotidiennes recommandées de sodium, de matières grasses et de sucre pour adultes en des quantités recommandées pour cette tranche d'âge.
 (1240)
L'hon. Don Boudria: Madame la présidente, la question des gras trans et des dommages qu'ils peuvent causer est quelque peu différente de celle des autres éléments qui seraient énumérés sur l'étiquette. Même s'il est vrai que vous ne voudrez par exemple pas faire peur aux gens en incluant de façon générale la teneur en matières grasses, étant donné que le bébé en a plus besoin—ce qui est tout à fait logique—pourquoi personne ne peut-il nous expliquer pourquoi cela ne figure pas sur l'étiquette?
Je regrette, mais je ne comprends pas du tout cela. Peut-être que nous pourrions obtenir plus de renseignements ou inviter d'autres témoins à m'expliquer cela, mais même si nous ne faisons rien d'autre, il nous faut absolument faire ceci.
Dre Karen L. Dodds: Je peux vous dire ceci.
Lorsque le Comité des aliments et de la nutrition de l'Institute of Medicine a fait rapport sur les gras trans et les gras saturés, il n'a pas du tout présenté de ventilation par groupe d'âge. N'oubliez pas que le risque dans le cas des gras trans est un risque accru de maladie cardiovasculaire du fait de l'augmentation du bon et du mauvais cholestérol. Le rapport de l'Institute of Medicine ne fait état nulle part d'effets à long terme pour les jeunes enfants.
J'ignore si M. Holub a d'autres renseignements là-dessus.
L'hon. Don Boudria: M. Holub peut-il répondre? Me reste-t-il encore suffisamment de temps?
La présidente: Monsieur Holub.
M. Bruce Holub: Nous avons fait une analyse, sans faire mention de noms de marque, de toute une gamme de céréales et de biscuits pour bébés dans cette catégorie pour voir... Il y a des biscuits pour bébés sans gras trans. L'industrie n'a pas besoin d'utiliser des gras trans dans la production de biscuits pour bébés. S'il devenait obligatoire de se confesser sur les étiquettes des aliments, je devine que nombre de ces biscuits pour bébés à forte teneur en gras trans seraient très vite vidés de leurs gras trans.
L'hon. Don Boudria: Pourrait-on avoir copie de ce document?
M. Bruce Holub: Je regrette, mais on y donne des noms de marque, et je vous ai dit que je ne fournirais pas de noms de marque.
L'hon. Don Boudria: D'accord, mais peut-être plus tard, sans les noms de marque...
M. Bruce Holub: Je pourrais vous le faire parvenir plus tard sans les noms de marque.
M. Ratnayake, un chercheur de renom—je suis certain que nous sommes tous d'accord là-dessus—à Santé Canada a très fermement pris position quant à ses inquiétudes s'agissant des gras trans pour les bébés et les nouveaux-nés.
Je vous citerai cet extrait de ce qu'il a publié chez Santé Canada : « Le très haut niveau d'acides gras isomériques »—et ce sont là des gras trans—« dans le régime alimentaire canadien et dans le lait maternel humain est tel qu'il y aurait lieu de faire une enquête approfondie sur les conséquences néfastes possibles de ces gras et pour les foetus et pour les nouveaux-nés. » Et cette déclaration ne concerne pas du tout la maladie du coeur.
La présidente: Merci.
Je pense que l'ambassadeur souhaite lui aussi intervenir là-dessus.
Son Excellence Svend Nielsen: J'aimerais vous renvoyer au rapport que j'ai mentionné et que nous vous avons fourni, qui est en fait le rapport de fond qui sous-tend notre loi. Vous trouverez, à la page 23, une corrélation entre la consommation d'acides gras et le nombre de décès par suite d'infarctus. Il se pourrait qu'il y ait d'autres raisons, mais il existe une très solide corrélation entre les deux.
Je pourrais vous fournir encore un autre rapport, celui-ci traitant principalement de questions de santé. Il s'y trouve également un chapitre sur l'incidence sur les foetus et les nouveaux-nés humains, et c'est vraiment très dérangeant d'après les faits constatés. Je vais remettre ce document aussi à la présidente.
La présidente: Merci, monsieur Boudria.
Monsieur Barrette.
M. Gilbert Barrette (Témiscamingue, Lib.): Merci, madame la présidente.
J'ai un mot en tête, le mot « prévention », et je pense qu'il y a ici quelques responsabilités qui nous reviennent. Oeuvre-t-on présentement à un plan pour traiter de la question de la prévention et pour renseigner le public? Même s'il y a de jolies étiquettes sur tout ce que vous consommez, en l'absence de sensibilisation ou d'éducation du public, cela ne va rien changer du tout. D'après moi, c'est pourquoi la question est très sérieuse. Qui devrait montrer la voie pour faire plus que ce que nous faisons à l'heure actuelle, pour prévenir et pour aider?
Dre Karen L. Dodds: Alors que Santé Canada élaborait le règlement qui a été approuvé en janvier dernier, le ministère s'est engagé à livrer un programme éducatif sur l'étiquetage nutritionnel et sur les questions liées à l'alimentation et à l'adoption d'un régime alimentaire sain. Pour ce qui est des efforts éducatifs sur l'étiquetage nutritionnel, cela fait plusieurs mois déjà qu'il existe une trousse d'outils, l'une de nature générique destinée à la population canadienne dans son ensemble et l'autre visant tout particulièrement les Autochtones. Nous savons, sur la base d'indicateurs de santé, que nombre des indicateurs pour la population autochtone ne sont pas aussi bons que pour le Canadien moyen, et il importe donc d'y porter une attention toute particulière et d'adopter des approches ciblées. C'est ainsi qu'un effort éducatif à paliers multiples a été lancé en matière d'étiquetage nutritionnel.
Santé Canada est par ailleurs en train de réviser le Guide alimentaire canadien pour manger sainement. L'on y travaille depuis plus d'un an. L'une des conclusions auxquelles j'ai abouti est que ce guide pourrait être amélioré côté utilité. D'un point de vue scientifique, il conseille toujours à la population d'adopter un régime alimentaire sain; il va plutôt s'agir au cours des mois à venir de réfléchir à la question des messages à livrer et des outils à fournir pour que les Canadiens traduisent ces messages en des mesures concrètes.
 (1245)
M. Gilbert Barrette: Comptez-vous—ou peut-être que c'est la responsabilité du comité de vous inviter à le faire—faire une présentation sur un plan exhaustif pour le guide alimentaire?
La présidente: Eh bien, si nous décidions que nous voulions une présentation là-dessus, nous pourrions en faire la demande. Si c'est quelque chose que vous souhaiteriez, vous pourrez soulever la question lors de la prochaine réunion de planification.
M. Gilbert Barrette: Merci.
La présidente: Merci.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci, madame la présidente. J'ignorais si nous aurions le temps de faire un autre tour de table, mais j'apprécie cette possibilité d'intervenir.
Je souhaite enchaîner sur ce qu'a dit M. Boudria. J'ai lu dans beaucoup de la documentation que les gens sont nombreux à penser que l'incidence de cette utilisation généralisée de gras trans est égale à l'incidence du tabac et du tabagisme s'agissant des risques pour la santé publique, à la différence que le problèmes des gras trans est relativement facile à régler. Les gras trans ne présentent pas le même problème d'accoutumance que le tabac et leur élimination n'aurait pas la même incidence sur le secteur agricole que l'élimination de la tabaculture.
Mais cela étant dit, j'aimerais revenir à la question de l'étiquetage. Premièrement, je trouve incroyable que les aliments pour bébés soient exemptés car, encore une fois, les travaux de recherche montrent que jusqu'à 35 p. 100 de la teneur totale en gras de nombreux produits alimentaires courants pour bébés sont des gras trans. Si nous recommandons deux grammes au 100 grammes de produit, cela donne 35 p. 100 du total dans un pot; c'est fou. Nous avons des cardiologues qui nous disent qu'ils voient des jeunes de 10 et 12 ans dont les artères sont bouchées par du cholestérol, et cela est dû au fait que les gras trans non seulement bouchent vos artères mais éliminent également le bon cholestérol, qui a une action nettoyante naturelle. Le problème, donc, n'est pas seulement que nous avons des enfants obèses; nous avons des enfants dont les artères sont occluses. Je n'en reviens pas.
En ce qui concerne l'étiquetage, j'aimerais beaucoup entendre vos commentaires là-dessus. Les études montrent que 70 p. 100 des gens ne lisent pas les étiquettes. Nombre de ceux qui les lisent ne comprennent pas les données techniques qui y figurent. C'est peut-être le socialiste en moi qui parle, mais c'est également une question de classe : les personnes pauvres et à faible revenu sont moins portées à s'attarder sur les étiquettes, ou parce qu'elles n'ont pas les moyens d'acheter d'autres produits ou parce qu'elles ne font pas leurs courses au supermarché du fait qu'elles n'ont pas de voiture. Elles se rabattent sur le petit dépanneur du coin et mangent plus de produits transformés que de légumes frais, etc., que vous pourriez trouver chez SuperValu.
Je ne parviens tout simplement pas à comprendre comment quelqu'un pourrait défendre l'idée que l'étiquetage suffira pour protéger la santé de la population tout entière. Cela servira peut-être la santé de la classe moyenne, des personnes instruites qui ont le luxe de pouvoir faire leurs courses autrement, mais de façon générale, les habitants des quartiers pauvres, les personnes à faible revenu et les démunis, en ressentiront bien moins les effets. Ces enfants qui le matin attendent l'autobus pour aller à l'école à l'arrêt situé tout près de ma maison avec un double supergulp qu'ils ont acheté au 7-Eleven avalent des quantités telles de gras trans que cela finira par les tuer.
Lorsque le sénateur Morin s'est lancé dans le débat il a déclaré que si nous interdisons les gras trans, cela sauvera des vies; c'est aussi simple que cela. Comment peut-on défendre l'étiquetage plutôt que l'élimination pure et simple de ces produits de notre chaîne d'alimentation?
 (1250)
La présidente: Je pense que cela fait au moins quatre fois que Mme Dodds nous présente sa défense de l'étiquetage. Je ne pense pas qu'il nous faille entendre cela une nouvelle fois.
M. Pat Martin: Je suppose que je voulais simplement parler.
La présidente: Je vous demande pardon?
Dre Karen L. Dodds: Je n'ai pas présenté l'étiquetage comme étant la solution. J'ai en fait dit explicitement que nous reconnaissons que l'étiquetage n'est pas la solution.
La présidente: Mais, pour être juste, il me faut dire que vous n'avez pas donné d'indication, autrement que de parler de livrer davantage d'éducation au public, que Santé Canada compte faire quelque chose de semblable à ce qu'a déjà fait le Danemark.
Dre Karen L. Dodds: Mais j'ai indiqué dans mes remarques préliminaires que nous oeuvrons aux côtés de l'industrie et du comité expert sur les graisses et les huiles pour déterminer quelles sont les solutions de rechange et comment nous pourrions travailler en vue de réduire les niveaux dans l'approvisionnement alimentaire canadien.
La réglementation n'est jamais une solution simple. Il y a ensuite tout l'aspect exécution, et notre collègue a dit qu'aucun aliment n'a été rappelé. Il vous faut travailler avec le comité expert. Une partie de la logique est que les grosses entreprises ont en effet été claires avec nous : elles comptent réduire ou éliminer les gras trans. Elles aideront en faisant une partie de la recherche, elles nous proposeront certaines solutions de rechange et nous pourrons ensuite travailler avec d'autres secteurs, notamment celui des petits restaurants familiaux.
Nous oeuvrons aux côtés de nos collègues provinciaux et territoriaux pour diffuser les meilleures pratiques. Quelles sont les huiles à privilégier dans la préparation de repas et d'aliments?
La présidente: Merci.
Je pense que M. Holub souhaite intervenir.
M. Bruce Holub: L'Australie a retiré les gras trans des margarines en 1996. Au bout de quelques semaines, on a constaté une baisse marquée des niveaux de gras trans dans les corps des Australiens. Les bienfaits se manifestent donc très rapidement, en l'espace de quelques semaines, voire même de quelques jours.
La présidente: Merci, et merci à vous, monsieur Martin.
Je tenais à soulever un certain nombre de points. Il y a des personnes qui—je ne sais pas—ne sont pas en aussi bonne santé ou qui doivent sans cesse faire attention à leur poids, et qui lisent beaucoup les étiquettes. Il y en a d'autres...
Je ne pense pas que M. Boudria passe beaucoup de temps à lire des étiquettes.
L'hon. Don Boudria: Vous seriez surprise de savoir combien. Votre collègue a un terrible problème de poids. Cela fait deux fois que je perds une cinquantaine de livres.
La présidente: Je l'ignorais.
Quoi qu'il en soit, il y a des gens qui ne lisent pas les étiquettes, et je pense qu'ils doivent compter pour 70 p. 100 de la population.
Prenons les biscuits, par exemple. Si vous êtes maman, vos enfants vont rouspéter si vous n'avez pas en permanence des biscuits dans la jarre. Je me demande combien il y a de biscuits sur le marché aujourd'hui qui ne contiennent pas de gras trans. Je devine qu'il y en a très peu. Il me semble qu'il y a peut-être une ou deux marques de biscuits pour bébés et il y a maintenant les biscuits Voortman. Ce ne sont pas mes préférés.
J'ai pris l'avion l'autre soir et on nous a proposé trois types de grignotages. J'ai choisi le produit que je voulais. Sa teneur en gras trans était incroyablement élevée.
Ce que je veux dire c'est que si vous compter sur les gens pour lire les étiquettes, ce qui est déjà, à mon sens, un peu ambitieux, le fait est qu'il n'y a au départ pas un merveilleux choix de produits parmi lesquels faire un tri, que les gens sachent ou non qu'il s'y trouve des gras trans. Si les étagères à l'épicerie et le panier qu'on vous propose dans l'avion sont dominés par des aliments à forte teneur en gras trans, vous n'allez pas gagner. Vous pouvez faire autant de sensibilisation que vous voulez, mais si les choix ne sont pas là côté grignotines, desserts, produits de boulangerie et ainsi de suite, si tous ces aliments ont une forte teneur en gras trans, alors à quoi cela sert-il?
Je ne sais trop comment exprimer cela. Santé Canada est selon moi sans cesse en train d'essayer d'éduquer les gens. Mais beaucoup de gens veulent simplement manger. Ils ne veulent pas être éduqués. Vous pouvez mener un cheval à l'abreuvoir, mais vous ne pouvez pas l'obliger à boire, si vous voyez ce que je veux dire. Il me semble donc que l'on peut victimiser les Canadiens en les obligeant à choisir parmi des grignotages à forte teneur en gras trans ou l'on peut faire quelque chose pour réduire les gras trans dans les produits parmi lesquels ils vont choisir.
M. John Gould: Madame la présidente, je pense que vous sous-estimez le pouvoir de l'éducation et que vous sous-estimez peut-être l'effort d'éducation qui est présentement mené en la matière.
Au bout du compte, si une entreprise est en train de perdre des clients parce que ceux-ci veulent des produits sans gras trans, alors elle fera d'elle-même le virage. Vous n'aurez pas à le lui dire deux fois. Elle trouvera le moyen d'y parvenir. C'est le choix que nous nous avons fait, et notre promotion est axée là-dessus. Je devine qu'il doit y avoir beaucoup d'autres commerçants dans les aires de restauration où nous avons des comptoirs qui aimeraient faire la même chose. Si un plus grand nombre de leurs clients réclamaient des produits sans gras trans, ils leur en proposeraient.
La réalité est que l'on commence à peine à parler de cette question. Bien que M. Holub soit au courant depuis 25 ans, le consommateur canadien moyen ignore toujours de quoi on parle. S'il se faisait davantage d'éducation au sujet de cette question, alors le consommateur aurait des exigences telles que l'industrie apporterait d'elle-même les changements.
 (1255)
La présidente: Je pense que Mme Whelan a une courte question, et ce sera ensuite à M. Boudria d'intervenir.
L'hon. Susan Whelan: Pour enchaîner sur ce qu'a dit M. Martin, comment fait-on pour obtenir que soient offerts sur le marché davantage de produits ne contenant pas d'acides gras trans? Nous pouvons certainement adopter des lois et cela pourrait avoir un effet immédiat, comme l'a dit M. Holub. Je pense néanmoins qu'il est important que les Canadiens sachent que ces autres possibilités existent déjà sur le marché, comme New York Fries et, je l'espère, d'autres.
Pourquoi cette résistance à ce que nous fassions cela? Je comprends que ce n'est pas une simple question d'étiquetage. Mme Dodds a dit que c'est l'approche tout entière. Je suis très préoccupée par la recherche qui doit être faite par certaines compagnies et par le temps que cela va demander. J'aimerais également connaître l'opinion d'Agriculture Canada, étant donné l'incidence de tout cela sur d'autres industries, aspect qui a été soulevé plus tôt. En même temps, j'aimerais nous voir promouvoir la santé des Canadiens et les éduquer.
Je pense que M. Martin, ainsi que la présidente du comité et d'autres, ont tout à fait raison de dire que les gens sont nombreux à ne pas lire les étiquettes. Comment donc veillez à ce que ces gens-là jouissent des mêmes possibilités? Voilà pourquoi je reviens à mon idée de promotion de repas sains. Cela encouragerait les gens à choisir des repas sains parce qu'ils seraient moins coûteux. Un tel programme viserait directement les pauvres dans notre société.
Monsieur Holub, vous faites de la recherche depuis longtemps. Combien de temps faudrait-il pour obtenir que ces compagnies fassent la recherche et apportent les changements nécessaires tout en préservant le goût de leurs produits? Je ne suis pas experte en la matière, loin de là, mais je sais qu'il existe des laboratoires de recherche et toutes sortes d'autres établissements. J'aimerais avoir une idée de ce que l'on pourrait faire pour lancer un programme d'éducation et peut-être apporter en même temps des changements législatifs. Combien de temps faudrait-il compter pour ce faire? Je pense qu'il est important que nous nous occupions le plus rapidement possible et par tous les moyens possibles de la santé des Canadiens.
M. Bruce Holub: Le PDG d'une grosse entreprise alimentaire américaine est venu me voir il y a de cela de nombreuses années et il m'a dit ceci : « Ces gras trans sont mauvais, ce sont de mauvais gras, mais tant et aussi longtemps que nous ne sommes pas obligés de faire quelque chose, nous ne ferons rien ». Une loi les y obligerait; les changements viendraient. Ils ont la technologie, ils ont les solutions de rechange. Tout ce qu'il leur faut faire c'est se magner le gras, comme le recommande la loi la plus courageuse, et passer à l'action.
Des voix : Bravo! Bravo!
L'hon. Susan Whelan: Monsieur Holub, je ne pense pas que ce que vous dites-là soit vraiment juste. M. Gould, de New York Fries, a déjà fait cela. J'ai des parents qui travaillent dans l'industrie alimentaire. Je sais qu'ils font sans cesse de la recherche en vue de réduire la teneur en gras, de diminuer le nombre de calories, de contrôler ce qui entre dans la composition des aliments, de voir comment ils pourraient faire pour en retirer certains éléments et de s'assurer de bien respecter les exigences de Santé Canada. Peut-être que cette personne d'antan n'existe plus dans le marché d'aujourd'hui.
Ma question est la suivante : combien de temps faut-il pour tester un aliment? C'est cela que je veux savoir. Est-ce un an? Six mois? Trois mois? Combien de temps faut-il pour apporter ces genres de changements? Peut-être que c'est M. Gould qui serait le mieux en mesure de répondre, vu qu'il vient tout juste d'effectuer cette recherche. Je ne sais pas.
M. John Gould: Notre recherche s'est faite en laboratoire. Mais je dirais que la plupart sinon toute la recherche nécessaire pourrait se faire dans les mêmes délais que ceux qui ont été suggérés pour l'étiquetage.
L'hon. Susan Whelan: Donc d'ici 2006.
M. John Gould: Janvier 2006.
C'est une question de changement des procédés. La plupart de ces entreprises travaillent déjà très activement à cela. Les Nestlés de ce monde s'y appliquent justement.
L'hon. Susan Whelan: Je suppose que dans l'intervalle, nous pourrions faire la promotion. Si le gouvernement faisait plus de promotion pour encourager les Canadiens à choisir des produits ne contenant pas de gras trans, cela encouragerait les entreprises à sortir leurs nouveaux produits et à offrir un plus vaste choix aux Canadiens un peu plus tôt qu'en 2006. En même temps, je pense qu'il nous faut réfléchir aux genres de lois qu'il nous faudra par la suite, et peut-être que cela viendra plus tôt plutôt que plus tard. Je ne pense pas que l'étiquetage soit la solution pour tout le monde, comme nous l'avons entendu dire.
M. John Gould: La compagnie à laquelle nous achetons notre huile n'a cette saison pas suffisamment de produit pour approvisionner une entreprise sensiblement plus grosse que la nôtre, mais c'est là un phénomène saisonnier. L'an prochain, cela pourrait changer si le besoin était là.
La présidente: Merci, madame Whelan.
[Français]
L'hon. Don Boudria: Ai-je du temps pour une dernière question?
[Traduction]
La présidente: Une rapide question pour vous, et la parole sera ensuite à Mme Grey.
[Français]
L'hon. Don Boudria: D'accord.
On dépense des millions de dollars à chaque année pour l'étiquetage des boîtes de cigarettes pour convaincre les gens de ne pas fumer. Or, que je sache, les adolescents fument encore en beaucoup trop grand nombre. Compte tenu que l'étiquetage sur un paquet de cigarettes a, bien sûr, des bienfaits, mais quand même mitigés, pourquoi pense-t-on, en ce qui a trait à ces produits, que ce sera la solution à tout? Sûrement notre manque de succès total avec nos campagnes antitabac doivent nous dire que ce n'est pas suffisant pour régler le problème, il me semble.
· (1300)
[Traduction]
Dre Karen L. Dodds: Je reviens encore sur l'étiquetage. Clairement, ce n'est pas la seule solution. Il faudra d'autres approches aussi. Dans le cas du tabac et des avertissements santé sur les emballages de produits du tabac, vous avez un produit et une maladie. Le lien entre le tabagisme et le cancer est assez clair. Pour ce qui est d'une saine alimentation, ce que nous visons c'est de donner aux Canadiens des informations telles qu'ils puissent minimiser le risque de coronaropathie, de diabète, d'obésité, et connaître une bonne santé. Et ce n'est pas là une affaire d'étiquette ou d'un genre ou de deux genres de messages; c'est une initiative exhaustive. Il faudra sans doute une combinaison de programme d'éducation d'ensemble sur ce qui constitue une saine alimentation et de programmes visant des maladies en particulier.
La présidente: Merci.
Madame Grey.
Mme Deborah Grey: Merci.
J'aimerais vous interroger au sujet de l'huile de canola. Avez-vous bien dit que vous utilisez de l'huile de tournesol?
M. John Gould: En effet.
Mme Deborah Grey: Je sais que l'huile de canola est cyclique dans le secteur agricole.
Je ne comprends pas très bien toute cette question d'huile hydrogénée versus l'huile partiellement hydrogénée. D'après ce que j'ai pu lire, l'huile de canola est fantastique. Mais si vous l'hydrogéner en partie, alors cela en fait-il une mauvaise huile?
M. John Gould: Oui.
Mme Deborah Grey: Pourrait-on faire en sorte qu'elle reste bonne et apporter ces changements? Si elle est bonne au départ, pourquoi la rendre mauvaise? Peut-on toujours s'en servir pour faire des frites si elle n'est par partiellement hydrogénée?
M. Bruce Holub: J'ai visité une exposition à Vancouver la semaine dernière, et il y avait là des gaufres congelées pour petit-déjeuner d'un fournisseur qui utilise l'huile du Canada, l'huile de canola, sans gras trans, au contraire du gros des gaufres congelées qui sont vendues dans ce pays, qui contiennent deux ou trois grammes de gras trans et qui provoqueront sans doute la maladie du coeur chez ceux qui en mangent tous les matins.
La présidente: Cela est donc possible.
M. Bruce Holub: Cette compagnie utilise de l'huile de canola, et ses gaufres ont aussi bon goût que les autres.
La présidente: Pourquoi utilise-t-on ce procédé? Est-ce pour prolonger la durée de vie du produit?
M. Bruce Holub: Oui, ainsi que la consistance en bouche et le goût.
Mme Mary L'Abbé (directrice, Bureau des sciences de la nutrition, Direction générale des produits de santé et des aliments, ministère de la Santé): L'hydrogénation forme une huile qui présente une multitude de nouvelles caractéristiques. Certains fabricants sont préoccupés par la stabilité et la durée de vie du produit, mais souvent c'est une question de texture de la pâte, dans le cas de pâtisseries, et de stabilité. L'huile de canola est très bonne; c'est une excellente huile, l'une des meilleures pour le coeur, et je pense que nous en sommes très fiers au Canada, mais ces très bonnes caractéristiques de l'huile de canola sont également celles qui sont telles que l'huile est plus susceptible de renfermer des gras trans une fois hydrogénée. Ce que l'on gagne d'un côté, donc, on le perd de l'autre dès lors que le produit est hydrogéné.
La présidente: J'aimerais remercier mes collègues de leurs questions et de leur participation.
Je remercie également les témoins, Son Excellence l'ambassadeur Nielsen, M. Gould, M. Holub, Mme. Dodds et Mme. L'Abbé, du ministère de la Santé, pour cette très riche discussion.
Enfin, j'aimerais remercier M. Martin d'avoir mené la charge au sujet de cette question.
Merci d'avoir été des nôtres aujourd'hui pour cette discussion.
La séance est levée.