Passer au contenu

CC30 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain







CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-30


NUMÉRO 016 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 27 février 2007

[Enregistrement électronique]

(0905)

[Traduction]

    La séance est ouverte, puisque nous avons le quorum. Bonjour, mesdames et messieurs.
    Soyez les bienvenus à cette 16e séance du Comité législatif chargé du projet de loi C-30.
    Le thème à l'ordre du jour est le captage du CO2. Nous accueillons quelques témoins très qualifiés, à savoir les porte-parole de EPCOR Utilities Inc., M. David Lewin, premier vice-président du Développement de gazéification intégrée à cycle combiné et M. Tim Boston, directeur des Relations publiques et gouvernementales, le représentant de l'Association des produits forestiers du Canada, M. Avrim Lazar, président et directeur général; les porte-parole du ICON Group, M. Stephen Kaufman, de Suncor, et M. Wishart Robson, de Nexen et, pour l'Université de Calgary, M. David Keith, chaire de recherche du Canada, Institute for Sustainable Energy, Energy and Environmental Systems Group.
    Bienvenue à tous. La façon de procéder habituelle est d'accorder une dizaine de minutes, moins si possible, pour chaque exposé, puis de faire un tour de table en donnant la parole alternativement à des représentants de l'opposition et du gouvernement, pour obtenir tous les faits. Je vous suis reconnaissant d'être venus. Il s'agit d'un sujet important que nous suivons de près depuis longtemps, bien entendu.
    Sans plus tarder, j'invite M. David Lewin, de EPCOR Utilities, à faire un exposé d'au maximum 10 minutes.
    Vous avez la parole, monsieur Lewin.
    Merci, monsieur le président. Merci, mesdames et messieurs les membres du comité.
    EPCOR félicite le comité pour ses efforts d'élaboration d'une législation environnementale efficace visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre et d'autres types d'émissions. Il est clair que les résultats de vos efforts auront une importance considérable pour l'avenir du Canada et pour celui de l'industrie électrique canadienne.
    À l'intention des membres de l'assistance qui ne connaissent pas EPCOR, je présenterai brièvement notre compagnie. EPCOR Utilities Inc. construit, possède et exploite des centrales électriques, des réseaux de transmission et de distribution électriques, des usines de traitement des eaux et des eaux usées et diverses infrastructures au Canada et maintenant, aux États-Unis.
    Au Canada, nous avons des installations en Colombie-Britannique, en Ontario et en Alberta. Le parc de production d'électricité d'EPCOR inclut de la production à base d'énergie éolienne et à partir de la biomasse, des centrales au fil de l'eau, de petites centrales hydroélectriques, de la production à base d'énergie recyclée, des centrales alimentées au gaz ou au charbon. EPCOR figure sur la liste des 100 meilleurs employeurs au Canada depuis sept années consécutives et son siège est situé à Edmonton, en Alberta.
    La EPCOR Power LP a la plus forte capitalisation dans son secteur et possède des centrales au Canada et aux États-Unis. EPCOR est propriétaire de 31 p. 100 de la LP et en assure la gestion.
    En 2000, EPCOR Utilities Inc. et plusieurs autres entreprises canadiennes ont formé ce que nous appelons la Canadian Clean Power Coalition, ou CCPC. La CCPC a été créée dans le but d'étudier les avancées technologiques susceptibles de permettre de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre et autres émissions atmosphériques provenant de l'utilisation du charbon pour la production d'électricité.
    Nous voulons exposer aujourd'hui les opinions de notre société sur les répercussions qu'aura le projet de loi C-30 ainsi que sur les difficultés et les possibilités que présente la gestion des émissions atmosphériques de l'industrie électrique au Canada. En outre, nous aimerions vous communiquer de l'information récente sur les progrès réalisés par la Canadian Clean Power Coalition en matière de développement et de mise en place de la nouvelle technologie. EPCOR est convaincue qu'un cadre réglementaire rationnel permettrait d'obtenir à long terme des réductions marquées dans le profil des émissions canadiennes.
    Nous discutons des émissions à l'échelon national, mais la production d'électricité est réglementée par les gouvernements provinciaux et ces gouvernements sont parfois propriétaires des centrales. Les types de combustibles principalement utilisés pour produire de l'électricité sont très différents d'une région du pays à l'autre, et ce n'est pas étonnant, car ces différences sont liées en grande partie à des facteurs géographiques et aux ressources disponibles. L'Alberta, la Saskatchewan et les Maritimes, par exemple, ont largement recours à des centrales au charbon pour la production d'électricité. Ces régions n'ont pas accès à d'abondantes ressources hydroélectriques. L'Alberta en particulier a des réserves de charbon subbitumineux faible en soufre pour plus de 1 000 ans. La Colombie-Britannique, le Québec et le Manitoba ont la chance d'avoir des ressources hydroélectriques à profusion, qui sont dues à leurs caractéristiques géographiques. L'Ontario a l'avantage d'avoir une production d'électricité basée sur plusieurs combustibles. Un pourcentage important de cette électricité est générée par des centrales nucléaires.
    Les producteurs d'électricité canadiens sont capables, sur le plan individuel et sur le plan collectif, d'obtenir des réductions substantielles d'émissions conformes à celles envisagées par la loi et par le comité. Cependant, les réductions se dérouleront en réalité par étapes, sur une période de plusieurs décennies, plutôt que sur quelques mois ou quelques années. Comme vous l'ont appris d'autres personnes qui ont fait un exposé devant le comité, notre industrie en est une à très forte intensité capitalistique, possédant de grosses installations ayant une durée de vie considérable. En outre, les installations offrent peu de possibilités de conversion à d'autres combustibles sans une rénovation intégrale.
    Vers la fin des années 60 et dans les années 70, on a construit au Canada de nombreuses centrales électriques qui représentent maintenant un pourcentage important de la production nationale. La production par des centrales thermiques alimentées au charbon représente un pourcentage important de la production d'électricité qui arrivera à la fin de sa vie utile d'ici 2020. Par conséquent, une nouvelle série d'investissements dans des centrales électriques de base sera essentielle pour remplacer cette infrastructure qui prend de l'âge.
    EPCOR et d'autres entreprises du secteur recommandent vivement d'adopter une approche qui tire parti de cette rotation de stock de capital national et encourage l'adoption de ce que nous appelons les meilleures techniques existantes d'application rentable ou MTEAR, lorsqu'une centrale est mise hors service. Le remplacement de nos vieilles centrales par les meilleures techniques existantes d'application rentable entraînera une réduction marquée et immédiate des émissions provenant de la production d'électricité et représente une partie du parcours qui mènera à la production d'électricité à émissions presque nulles. Je n'oserais jamais parler de production d'électricité à émissions nulles.
(0910)
    Cette approche est déjà efficace. En 2000, EPCOR a fait une étude approfondie des progrès techniques dans la production thermique au charbon. C'est sur cet examen que nous nous sommes basés pour faire notre choix technologique pour la demande que nous avons présentée à l'Alberta Energy and Utilities Board, le projet Genesee Phase 3, ou G3, de EPCOR. Ce projet a été approuvé en 2001.
    Le G3 utilise les meilleures techniques existantes d'application rentable et produit depuis mars 2005 450 mégawatts pour le réseau électrique de l'Alberta. Grâce à un investissement supplémentaire de 90 millions de dollars, EPCOR a pu réduire considérablement les émissions atmosphériques de cette installation ultramoderne. Comparativement à plusieurs centrales thermiques alimentées au charbon mises hors service en 2003 et en 2004, le projet G3 a permis de réduire les émissions de NOx de 63 p. 100 et celles de SO2 de 80 p. 100. En outre, la technologie supercritique du G3 a produit une réduction de 18 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre par mégawatt heure, par rapport à la moyenne provinciale pour la production d'électricité dans les centrales thermiques au charbon de la province. Par conséquent, les émissions de GES ont été considérablement réduites. Une substitution de technologie comme celle-là offre de grosses possibilités de réduire les émissions atmosphériques au Canada.
    J'en reviens à la Canadian Clean Power Coalition. Je suis heureux d'être président de cette coalition qui encourage le déploiement de nouvelles options technologiques en ce qui concerne la production dans des centrales alimentées au charbon. La gazéification intégrée à cycle combiné, ou GICC, est la technologie à laquelle nous nous intéressons actuellement, surtout en Alberta.
    La coalition a entrepris dernièrement un effort de conception technique initiale, ou FEED, d'une durée de 28 mois à l'installation Genesee de EPCOR, située à l'ouest d'Edmonton. Ce projet est actuellement financé par EPCOR et par l'Alberta Energy Research Institute. À la fin de l'étude FEED, Les membres de la Coalition seront capables d'évaluer la possibilité de construire une centrale de gazéification intégrée à cycle combiné en Alberta. Cette étude pourrait en fait accélérer la capacité de mise en place de ce type de technologie.
    Nous espérons que ce type de centrale nous permettra d'obtenir un flux de CO2 relativement pur pour la récupération assistée des hydrocarbures, peut-être dans les champs pétrolifères voisins de Pembina. Ce type de centrale permettrait en outre d'améliorer la qualité de l'air en réduisant considérablement les principales émissions atmosphériques. Comparativement aux vieilles centrales thermiques alimentées au charbon, la technologie de la GICC offre la possibilité de réduire les émissions de NOx de 96 p. 100, celles de particules de 98 p. 100 et celles de SO2 de 99 p. 100, ce qui représenterait une amélioration considérable en ce qui concerne les émissions atmosphériques. Bien que cette technologie ne soit pas encore disponible sur le marché, nous persistons à croire qu'il est important pour l'industrie et les pouvoirs publics de continuer d'investir dans sa commercialisation.
    Dans le contexte de la Loi canadienne sur la qualité de l'air, nous estimons qu'il est important que le gouvernement maintienne son partenariat avec l'industrie pour la recherche sur des technologies et leur commercialisation. Il est également essentiel que les normes réglementaires et les objectifs fixés par le gouvernement soient fondés sur une évaluation objective des meilleures techniques existantes d'application rentable.
    Donc, où allons-nous maintenant? Bien que les possibilités qu'ont des entreprises comme la nôtre d'apporter des changements considérables à court terme soient restreintes, nous appuierions un environnement politique établissant des objectifs à court terme, pour autant que ce ne soit pas au détriment de réductions tangibles à long terme. Pour de nombreux producteurs, la seule option pour obtenir des réductions à court terme passerait par l'achat de réductions à d'autres secteurs dans le cadre du système de compensation. Nous pensons que l'objectif à court terme devrait permettre aux producteurs d'électricité de conserver des capitaux suffisants pour investir dans la commercialisation et la mise en place de nouvelles technologies comme la GICC ou celle du captage et du stockage du carbone.
    Comme nous l'avons déjà signalé, en ce qui concerne notre industrie, nous sommes en faveur d'un modèle qui exigerait qu'une centrale atteignant le terme de sa durée de vie soit remplacée ou qu'elle ait un niveau d'efficacité équivalant à celui des meilleures techniques existantes d'application rentable. Le projet Genesee 3 est un exemple parfait de la façon dont on procéderait et des réductions qu'on pourrait obtenir.
(0915)
    À court terme, EPCOR appuierait le concept d'un Fonds pour la technologie à titre de mécanisme de conformité pour le secteur de l'électricité. TransAlta a déjà fait des commentaires à ce sujet et, par conséquent, je ne m'attarderai pas là-dessus, si ce n'est pour manifester mon accord lorsque cette société signale que ce serait une façon efficace de vaincre les obstacles économiques et d'accélérer le remplacement du parc d'immobilisations en adoptant de nouvelles technologies à faibles émissions.
    Un autre mécanisme de conformité doit être un système intérieur de compensations et un régime national d'échange des droits d'émission actif permettant des échanges de crédits concrets et vérifiables à l'échelle internationale. EPCOR est un des participants canadiens les plus actifs au marché des compensations. Nous estimons qu'il peut entraîner des réductions tangibles et vérifiables — par une tierce partie — des émissions de gaz à effet de serre. Si cela peut vous être utile, nous vous communiquerons volontiers de l'information sur l'approche que nous avons adoptée en ce qui concerne les échanges de crédits compensatoires dans le but de respecter les exigences auxquelles nous sommes soumis en Alberta.
    Grâce à ce type de mécanismes, EPCOR pourrait atteindre l'objectif proposé par le gouvernement, à savoir une réduction de 65 p. 100 des niveaux de gaz à effet de serre d'ici 2050. Avec le projet Genesee 3, nous avons déjà démontré notre capacité de réduire considérablement les niveaux d'émissions de Nox, de SOx et de gaz à effet de serre.
    Nous trouvons en outre que l'estimation des coûts pour le secteur faite par TransAlta est juste et, par conséquent, je ne ferai pas d'autres commentaires à ce sujet aujourd'hui.
    EPCOR a démontré son engagement pour la mise en place de nouvelles technologies et sa volonté de jouer un rôle de chef de file en recherchant la prochaine avancée technologique pour l'appliquer à son secteur. Nous voyons un énorme potentiel de réduction de gaz à effet de serre dans toute l'industrie à moyen et à long terme. Nous tenons compte du fait que ce qui pourrait compromettre ces réductions, c'est un cadre stratégique axé sur une action à court terme dans une industrie qui doit miser sur le long terme.
    Nous encourageons le comité à fixer son attention sur les réductions considérables à moyen et à long terme que pourrait réaliser notre industrie. Il ne faut pas sacrifier l'objectif à long terme au désir d'une intervention immédiate. Les objectifs actuels doivent tenir compte des réalités des différents secteurs et de leurs capacités respectives d'apporter des changements à court, à moyen et à long terme. Ce n'est pas forcément une solution qui convient à tous les secteurs.
    Enfin, nous constatons que le projet de loi règle la question de l'équivalence provinciale et fédérale. Nous nous en réjouissons, car cela supprime une source d'incertitude supplémentaire pour notre industrie.
    Merci pour cette occasion d'exposer nos opinions. C'est avec plaisir que je répondrai aux questions.

[Français]

    Nous recevons maintenant l'Association des produits forestiers du Canada, dont monsieur Avrim Lazar est le président et directeur-général.
     Vous avez 10 minutes.

[Traduction]

    Je remercie le comité pour cette occasion de faire un exposé. Je sais que vous avez entendu de nombreux témoins et que vous devez nous trouver parfois ennuyeux, mais c'est pour nous très important d'avoir l'occasion de se faire entendre.
    Nous sommes en fait confrontés à une seule question de politique, à savoir comment faire face au changement climatique et conserver les emplois au Canada. C'est là l'objet du débat, et aucun intervenant ne prétend que nous avons le choix entre l'un ou l'autre. Nous sommes tous d'accord sur le fait que nous devons poursuivre les deux objectifs à la fois. Nous devons maintenir les emplois au Canada et nous devons faire face au changement climatique.
    J'aborderai la question sous trois angles, qui sont tous trois liés aux emplois et à l'environnement.
    En premier lieu, l'industrie forestière a 900 000 emplois qui reposent sur des forêts en bonne santé et, par conséquent, sur un environnement sain. Si l'on ne fait pas face de façon efficace au changement climatique, ces 900 000 emplois seront menacés. En fait, ils sont déjà menacés par l'invasion du dendroctone du pin qui gagne tout le pays et par les feux de forêt. Par conséquent, pour le secteur forestier, il ne s'agit pas d'une menace future ni d'une menace théorique. Une action efficace contre le changement climatique est essentielle pour avoir des forêts saines, sans quoi nous n'aurons pas d'emplois.
    Nous n'avons pas attendu que le gouvernement montre l'exemple ou nous réglemente. Notre industrie a réduit ses émissions de gaz à effet de serre de 44 p. 100 depuis 1990, soit sept fois l'objectif de Kyoto, et ce, sans réglementation. Nous comptons d'ailleurs poursuivre nos efforts dans ce domaine. Nous avons pris une initiative semblable en ce qui concerne la qualité de l'air; nous l'avons améliorée de 60 p. 100. Nous avons abandonné les combustibles fossiles et 60 p. 100 de notre énergie est actuellement produite à base de combustibles renouvelables. Nous produisons de l'énergie renouvelable dans nos usines — rien que dans nos usines canadiennes — en quantité suffisante pour remplacer trois réacteurs atomiques.
    Parce qu'elle est conscience de l'importance de la nature et de l'environnement, l'industrie forestière n'a pas attendu la mise en place d'une réglementation. Nous avons agi et nous l'avons fait rapidement. Nous avons pris les mesures nécessaires pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre de 44 p. 100 — soit sept fois l'objectif de Kyoto. Voilà donc le premier point de vue qui soit axé sur les emplois et sur l'environnement.
    Le deuxième point de vue est que, chaque fois que nous mettons en place une loi, un règlement ou une pénalité qui chasse la production du Canada, nous n'aidons pas l'environnement; nous ne faisons que déplacer les émissions de gaz du Canada vers un autre pays. Dans le secteur forestier, chaque fois que l'on ferme une usine, le vide ainsi créé est comblé par un pays qui n'est pas soumis au régime instauré par le Protocole de Kyoto — le Brésil, la Chine ou la Russie — et qui peut produire des émissions à volonté. Nous n'aidons pas à contrer le changement climatique en chassant la production à l'étranger. Il est donc essentiel que nous maintenions la production ici et que nous l'assainissions. La seule façon d'y arriver consiste à réoutiller l'industrie. C'est un impératif en matière de politique.
    Comment réoutiller l'industrie assez rapidement pour que les emplois restent au Canada et que les émissions de gaz à effet de serre diminuent? Dans le secteur forestier, nous l'avons fait en remplaçant les combustibles fossiles par des combustibles renouvelables. D'autres industries adopteront d'autres solutions. C'est toutefois la rapidité de ce réoutillage qui est le facteur primordial pour maintenir les emplois au Canada et faire face au changement climatique.
    Nous avons quelques suggestions précises à faire pour accélérer le processus de réoutillage et aucune n'est particulièrement surprenante. De quoi a-t-on besoin pour se réoutiller? On a besoin de sommes d'argent colossales. Il faut acheter du nouveau matériel et on a donc besoin de capitaux, un point c'est tout. Si l'on a accès au capital, on peut se réoutiller. Malheureusement, dans le secteur manufacturier canadien, et dans le secteur forestier en particulier, le capital est une denrée rare, car nous ne faisons pas de gros profits. Par conséquent, toutes les mesures de stimulation que le gouvernement peut instaurer — les allégements fiscaux ou tout autre type de stimulant — ou tout signal financier qui nous permette d'acheter plus rapidement le nouvel équipement nécessaire pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, permettront de maintenir les emplois au Canada et de faire face au changement climatique.
    Un système fondé sur des règlements mais qui ne tient pas compte de la nécessité de se rééquiper et, par conséquent, d'avoir des capitaux, ne sera pas efficace. Le seul résultat sera que cette réglementation poussera des entreprises, dont la rentabilité est marginale, à aller d'établir en Chine; les gaz à effet de serre viendront de ce pays alors que les emplois y resteront. Par conséquent, il est essentiel que nous mettions en place un régime réglementaire vigoureux, mais aussi, simultanément, un système de stimulants fiscaux ou quelque autre système de stimulation qui permettra aux entreprises d'acheter plus facilement l'équipement nécessaire pour se réoutiller rapidement.
(0920)
    En ce qui concerne un régime réglementaire, plusieurs changements d'attitude sont essentiels. Le premier est qu'il faut prendre pleinement en considération les réductions réalisées depuis 1990. Peu importe que l'année de base soit 1990 ou 2000 mais, quelle qu'elle soit, les calculs doivent tenir compte des progrès qui ont déjà été réalisés. Les industries qui n'ont pas attendu la mise en place d'une réglementation pour agir ne devraient pas être pénalisées par le gouvernement en feignant que toutes les mesures qu'elles ont déjà prises ne comptent pas, et les industries qui n'ont pas bougé jusqu'à ce que les gouvernements les y forcent ne devraient pas être récompensées en considérant leur situation actuelle comme le point de repère. Il est essentiel que l'on tienne compte des efforts qu'ont faits les secteurs qui sont passés à l'action avant la mise en place de la réglementation. C'est une question de justice dans la réglementation gouvernementale. Sinon, le message communiqué par une telle attitude est tout simple: ne bougez pas jusqu'à ce que nous vous y forcions, sinon les résultats que vous avez déjà obtenus seront le point de départ pour des améliorations supplémentaires.
    En outre, un régime réglementaire doit inclure la capacité d'échanger des crédits et d'avoir recours à un système compensatoire car, en l'absence de mécanismes de marché, nous ne trouverons pas les solutions les moins coûteuses. Si l'on met en place un règlement détaillé et si les fonctionnaires et les bureaucrates, faisant de leur mieux pour trouver des possibilités de réglementer et des solutions, interviennent lourdement, ce ne sera jamais aussi efficace que des mécanismes de marché. Un régime d'échange de crédits compensatoires nous permettant de trouver les solutions les moins coûteuses est indispensable. Je vous promets que l'industrie trouvera la solution la plus efficace et la plus intelligente en présence d'une stimulation économique qu'apporte précisément le système des échanges.
    Enfin, en ce qui concerne l'équivalence, l'ordre de gouvernement qui fixe les normes nous importe peu, pour autant que les normes soient intelligentes et celui qui les fera respecter n'a pas beaucoup d'importance à nos yeux non plus, mais nous ne voulons pas que les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral fassent le même travail partout. On pourrait donc établir une machine réglementaire fédérale robuste et intelligente en laissant aux provinces la responsabilité de l'exécution. Ou alors, les provinces pourraient établir le régime et le gouvernement fédéral le mettre en vigueur. Cela n'a pas d'importance pour nous, mais il ne faut pas que les deux ordres de gouvernement fassent le même travail. Quand nous parlons d'équivalence, nous n'entendons pas par là qu'il faille que vous approuviez absolument toutes les normes établies par une province. S'il s'agit d'une norme fédérale, tout le monde doit la respecter, mais il n'est pas indispensable qu'elle soit mise en application par les autorités fédérales responsables de la réglementation. C'est possible. Peu importe à nos yeux qui les fait appliquer, mais nous ne voulons pas que deux paliers de responsables de la réglementation envahissent nos usines. Un suffit amplement. Nous respecterons les normes, même en l'absence de la visite de toutes ces personnes.
    Je voudrais attirer l'attention du comité sur un document préparé par le Sierra Club — je peux les énumérer —, par Greenpeace, par Nature Canada, par le Fonds mondial pour la nature et par Écojeunesse. Toutes ces organisations sont d'accord entre elles pour la première fois. Il s'agit donc d'un document étonnant. Je signale que l'Association des produits forestiers du Canada l'approuve également. On pourrait en tenir compte et suivre les recommandations qu'il contient.
    J'aimerais en outre attirer votre attention sur notre rapport annuel. Dans l'autre partie se trouve notre Rapport sur le développement durable, qui contient des informations très détaillées sur la performance du secteur forestier en matière d'environnement — les aspects intéressants et les moins intéressants. Nous nous tenons responsables de nos actes. Nous sommes transparents. Il n'y est pas question uniquement de la réduction de 44 p. 100 des émissions de gaz à effet de serre ni de l'amélioration de 60 p. 100 de la qualité de l'air ou encore de la réduction de 40 p. 100 des déchets placés dans les décharges que nous avons pu réaliser, mais aussi de toutes les mesures environnementales que nous avons mises en place. Nous en sommes très fiers.
    Merci.
(0925)
    Merci beaucoup, monsieur Lazar. Je vous rappelle que le sujet d'aujourd'hui est « Outils: Captage du CO2 ». C'était toutefois un exposé intéressant.
    Je donne maintenant la parole à M. Kaufman ou M. Robson, pour le ICON Group.
    Monsieur Kaufman, pour 10 minutes.
    Merci, monsieur le président. Bonjour, mesdames et messieurs. Nous vous remercions pour l'occasion que vous nous avez donnée, à M. Wishart Robson, de Nexen, et à moi-même, de faire un exposé au nom du ICON Group.

[Français]

    Parce que le sujet est compliqué et que mon français n'est pas très bon, mes remarques et mes réponses à vos questions seront en anglais.

[Traduction]

    Nous vous avons remis d'avance un document de présentation des diapositives sur lequel vous pourriez peut-être suivre mes observations liminaires et que vous pourriez consulter pour les questions.
    Le ICON Group regroupe 14 entreprises dont le nom figure sur la 2e diapositive. Ces entreprises sont actives dans les secteurs de la production électrique, des sables bitumineux, de la production industrielle et de la production chimique. Elles ont un intérêt marqué pour le captage et le stockage du carbone, ou CSC. Notre but est de créer un réseau intégré du dioxyde de carbone durable et efficace, et c'est de là que vient l'appellation ICON. Ce réseau serait en mesure de se charger de volumes importants de dioxyde de carbone à un coût global minimal.
    ICON n'est pas un projet isolé. C'est une série de politiques, de règlements et, en définitive, d'investissements privés et publics ayant pour objet de réaliser le captage et le stockage du carbone.
    Le CSC est une chance de débouché extraordinaire pour le Canada, et nous sommes ici aujourd'hui pour mettre en évidence certaines des considérations les plus importantes liées au CSC, pendant que votre comité examine les modifications que contient la Loi sur la qualité de l'air proposée.
    La 3e diapositive décrit de façon très simple le processus du captage et du stockage du carbone. Le CO2 produit par des sources industrielles importantes de toutes sortes peut être séparé des gaz effluents, comprimé et séché pour son acheminement. On peut utiliser un réseau de pipelines haute pression pour acheminer ce CO2 sur des centaines, voire des milliers de kilomètres. Le dioxyde de carbone est ensuite injecté dans des formations rocheuses situées à deux ou trois kilomètres de profondeur, où il restera pendant des millénaires. On peut également injecter du CO2 dans de vieux champs pétrolifères dont la production décline; cette technique, qui améliorerait la récupération du pétrole, est appelée récupération assistée des hydrocarbures, ou RAH.
    Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat des Nations Unies (GIEC) a écrit dans un rapport volumineux publié en mai 2006, si je ne me trompe, que le captage et le stockage du carbone peut être une méthode efficace, durable et rentable pour réduire les émissions de CO2.
    Le CSC est très important pour le Canada, car il pourrait constituer la meilleure façon, pour le Canada, de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre d'ici cinq à dix ans. C'est ce qu'a indiqué la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie dans un rapport préparé l'été dernier. Un extrait de son analyse est reproduit sur la 4e diapositive.
    Le CSC facilitera la transformation de notre économie en économie de l'énergie à basse teneur en carbone. Il est essentiel de réaliser une production de charbon épuré pour obtenir une source d'énergie à faible impact environnemental, comme l'a signalé M. Lewin. Ce changement permettra une croissance plus durable des ressources de sables bitumineux canadiennes et d'utiliser le charbon, le coke ou le bitume sous forme gazéifiée, pour remplacer nos sources restreintes de gaz naturel et libérer celles-ci pour les utiliser à d'autres fins dans l'économie.
    En bref, le captage et le stockage du carbone est une solution canadienne. Les investissements seront faits dans notre pays, les réductions d'émissions de dioxyde de carbone auront lieu au Canada et la technologie pourra être développée chez nous. Le Canada pourra réaliser le potentiel qu'il a de devenir une superpuissance énergétique et réduire ses émissions de GES tout en déployant des technologies comme celle du captage et du stockage du carbone. Le Canada pourrait devenir un chef de file à l'échelle mondiale dans cette méthode de réduction des GES.
    La 5e diapositive représente une ventilation des sources d'émissions de CO2 au Canada. Ce que nous voudrions signaler, c'est que près de la moitié des sources industrielles au Canada pourraient avoir recours à la technique du captage et du stockage du carbone. Les autres sources d'émissions, qui ont tendance à être davantage réparties entre les résidences et les petites activités commerciales, ainsi que les transports, ne se prêtent pas vraiment à cette technique. Pour ces types d'émissions, nous envisageons la conservation de l'énergie, le remplacement par des combustibles à faible teneur en carbone et d'autres méthodes de réduction des émissions de CO2.
    Avec le captage et le stockage du carbone, les entreprises peuvent réaliser des réductions d'émissions de CO2 supérieures au pourcentage des objectifs nationaux qu'on pourrait raisonnablement leur attribuer, mais il est essentiel que nous mettions en place un mécanisme visant à récompenser et à stimuler ce type de comportement. Cela réduirait le fardeau pour d'autres secteurs de l'économie qui n'ont pas accès au CSC, tout en permettant au Canada de réaliser des réductions significatives.
    En outre, l'adoption de la technique du captage et du stockage du carbone doit se faire en tenant compte de la compétitivité des entreprises canadiennes pour assurer la continuité des investissements, en particulier en ce qui concerne le traitement des sables bitumineux, qui doit impérativement être concurrentiel avec le traitement fait par les raffineries américaines, où pourrait se faire cette valorisation.
    L'étude faite par ICON indique que la planification d'un réseau à grande échelle pour le captage et le stockage du carbone dès le départ et son implantation par étapes présentent des avantages. C'est indiqué sur la 6e diapositive. Nous estimons qu'il serait possible de capter jusqu'à 20 mégatonnes ou 20 millions de tonnes par année d'ici 2015. C'est l'équivalent de la suppression de millions de véhicules sur les routes, soit 25 p. 100 du parc canadien de véhicules légers.
(0930)
    ICON a la vision d'un réseau de pipelines à accès libre connecté à divers sites de captage et de stockage. La carte que vous voyez sur la 6e diapositive indique un parcours potentiel — car aucune décision n'a été prise — de la source à l'utilisation finale en ce qui concerne le tronçon albertain du réseau de ICON.
    Alors que le captage et l'entreposage du carbone seront probablement adoptés d'abord dans l'ouest du Canada, notamment en Colombie-Britannique et en Saskatchewan, nous pensons que notre approche axée sur un réseau est conçue de façon à être applicable aux autres régions du Canada. Nous estimons plus particulièrement qu'il serait possible d'appliquer le concept en Ontario et dans les Maritimes, où se trouvent d'importantes sources d'émissions ponctuelles et où la structure géologique se prête à l'adoption de cette technique.
    Un réseau comme celui-ci sera la clé de la réussite du captage et du stockage du carbone. Comparativement à des projets individuels, une approche axée sur un réseau permet des économies d'échelle et une rentabilité optimale à long terme et, surtout, elle réduit dans de très fortes proportions l'empreinte des pipelines et des autres infrastructures qui seraient construites.
    Cependant, ce type de projet exige la participation de différents secteurs de l'industrie et l'appui coordonné des gouvernements. En particulier, le plan de réduction des émissions de GES du Canada doit encourager le recours au CSC.
    La 7e diapositive concerne les responsabilités partagées. Un système intégré efficace doit inclure trois éléments: le captage du CO2 à grande échelle à partir des sources industrielles; un réseau de pipelines pour raccorder ces sources aux utilisations finales et l'infrastructure de stockage qui comprend en fait deux éléments. On peut utiliser les champs pétrolifères où l'on pratique la récupération assistée des hydrocarbures (RAH) comme clientèle de base et défrayer certains des coûts à court terme mais, surtout, le stockage direct, qui ne génère pas de revenus, sera essentiel pour obtenir de fortes réductions de CO2.
    Si on laisse agir les forces du marché, le recours au CSC sera très réduit, même si l'on impose des restrictions plus sévères en ce qui concerne les émissions de CO2. Le profil des risques et les perspectives de rendement de l'implantation à grande échelle de la technique du CSC sont tout simplement défavorables. Les gouvernements ont un rôle transitoire à jouer pour permettre l'implantation de cette technique; un partenariat trilatéral privé-public avec les deux ordres de gouvernement est essentiel.
    La 8e diapositive concerne les principes que vous devriez peut-être examiner dans le cadre de cette étude du projet de loi C-30. Il est important que l'industrie et que les gouvernements envisagent d'innover lorsqu'il s'agira d'édifier l'infrastructure de CSC et qu'ils utilisent à grande échelle les technologies existantes et les technologies nouvelles en attendant que se développent les mécanismes de marché en ce qui concerne le CO2.
    Il faudrait examiner l'éventail complet des politiques et mécanismes existants pour déployer cette technologie. Les entreprises devraient conserver l'option d'adopter le CSC sans abandonner d'autres stratégies conformes aux exigences. Nous ne voulons pas que le CSC soit obligatoire et nous ne voulons pas que l'on établisse des règlements qui créeraient une injustice liée au secteur technologique concerné ou à la situation géographique.
    Les coûts d'observation des lois et des règlements ne devraient pas être plus élevés pour les entreprises qui adoptent le CSC que pour d'autres secteurs de l'économie et les politiques doivent encourager le stockage direct et la capture du CO2. C'est dans ces domaines-là que l'on pourrait faire face à des obstacles de taille.
    Sur la 9e diapositive, toujours à propos des principes directeurs, il est indiqué que les entreprises qui optent pour la technique du captage et du stockage du carbone obtiendront peut-être des réductions supérieures à la part raisonnable des objectifs nationaux qui leur revient. Par conséquent, il est essentiel de mettre en place un mécanisme visant à récompenser et à encourager ce type de comportement. Tout système d'échange ou de compensation devrait s'appuyer sur ce principe.
    J'aimerais signaler en outre que nous avons atteint l'étape de la mise en place. Des recherches considérables ont déjà été faites sur certains volets de cette technologie et certains aspects sont déjà très connus. Nous estimons que les mécanismes d'un Fonds pour la technologie qui sont proposés devraient être axés sur la mise en place à grande échelle, et non sur la recherche comme telle.
    Le gouvernement a un rôle transitoire à jouer pour faciliter la mise en place du CSC. C'est au cours de ces premières étapes que le risque est le plus élevé et que notre niveau de compréhension des questions d'échelle, de la technologie, des questions de coûts et de synchronisation est le moins bon.
    En conclusion, le ICON Group a fait une analyse substantielle de la façon dont pourrait fonctionner un réseau de captage et de stockage du carbone. Nous encourageons le gouvernement fédéral à confirmer que la technique du CSC constitue un volet essentiel de la stratégie environnementale du Canada et de faire du concept développé par ICON une priorité.
    Je voudrais en outre spécifier que les entreprises qui adoptent cette technique sont disposées à payer leur juste part des coûts des réductions d'émissions de CO2. Nous ne nous attendons pas à retirer des bénéfices du CSC si c'est le mécanisme de conformité choisi pour toutes les entreprises.
(0935)
    L'élaboration d'un réseau intégré en ce qui concerne le CO2 sera une étape environnementale d'ordre évolutif qui sera la plus efficace sous la forme d'un partenariat privé-public. Nous aimerions que le gouvernement fédéral collabore avec nous et avec les gouvernements provinciaux pour établir la portée et l'envergure du projet ainsi que les options stratégiques qui permettront de réaliser ICON. La collaboration est essentielle et les entreprises membres de ICON sont prêtes à faire participer le gouvernement à des discussions de fond.

[Français]

    Merci de votre attention. J'attends avec intérêt vos questions.

[Traduction]

    Merci, monsieur Kaufman.
    Le dernier exposé d'aujourd'hui sera fait par M. David Keith, de l'Université de Calgary.
    Monsieur Keith, pour dix minutes.
    Je donnerai en premier lieu quelques informations d'ordre général sur le captage et le stockage du CO2. Je vous indiquerai ce qui a changé, ce qui s'est passé et pourquoi on en discute sérieusement.
    En premier lieu, au niveau très général, je ne considère pas le captage et le stockage du CO2 comme une technique de récupération assistée des hydrocarbures, quoique ce soit parfaitement utile, mais surtout comme un outil de gestion des émissions de CO2 produites par l'énergie fossile, dans le contexte d'une stratégie mondiale sur le changement climatique. Il est effectivement essentiel de supprimer les émissions mondiales de CO2 au cours de la vie de mes enfants si l'on veut éviter un changement climatique radical. Il n'est tout simplement pas plausible de pouvoir faire une transition aussi rapide qu'il le faudrait de l'énergie fossile à un autre type d'énergie et, par conséquent, la capacité de gérer les émissions de CO2 produites par la filière énergétique fossile, pendant que nous mettons en place une filière énergétique non fossile, est absolument indispensable pour réduire très rapidement les émissions alors que nous sommes déjà confrontés au changement climatique. C'est l'opinion générale.
    Il y a 15 ans, ou plutôt près de 20 ans, lorsque j'ai eu mon premier contact avec ce sujet, à l'époque où j'étais étudiant de deuxième cycle au MIT, quelques études seulement avaient été faites et peu d'universitaires s'intéressaient à la question. En fait, personne ne prenait le problème au sérieux. Actuellement, de nombreux travaux de R-D ont été entrepris sur la question et de nombreux projets sérieux ont été mis en place. Il y a notamment le « Rapport spécial sur le captage et le stockage du dioxyde de carbone » du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat — dont j'étais le principal auteur canadien — et toute une série d'autres rapports.
    Ce qui est toutefois plus important que toutes ces discussions, c'est le fait que deux projets d'envergure consistant à stocker le CO2 dans le sol, en sus des activités courantes, soient actuellement en place. Ces projets n'ont aucun lien avec la récupération assistée. Dans ces deux cas, des sommes ont été investies dans le seul but d'éviter des émissions atmosphériques. Un autre projet de ce type sera opérationnel d'ici la fin de l'année et toute une série de projets sérieux sont mis en oeuvre à travers le monde. Il semblerait que dans le cadre d'une réunion prévue pour le mois prochain, les dirigeants européens s'engageront à en mettre à peu près six en oeuvre. Il s'agit de projets à l'échelle des centrales.
    L'activité est donc intense dans ce domaine. Pourquoi la situation a-t-elle évolué aussi rapidement? La réponse n'est pas en raison de l'innovation. Notre évolution dans ce domaine depuis 15 ans n'est pas due à l'innovation. La raison pour laquelle le changement a été aussi rapide est que nous nous sommes rendu compte que la technique du captage et du stockage du CO2 est en fait un assemblage de technologies préexistantes à l'échelle commerciale, c'est-à-dire à une échelle de plusieurs milliards de dollars. Il s'agit d'une nouvelle façon de procéder et d'une nouvelle conception de l'énergie fossile.
    Je voudrais signaler certains des outils qui sont déjà dans ce coffre à outils. Ils étaient déjà là il y a 15 ans et ils sont la raison sous-jacente pour laquelle nous pouvons dire avec assurance que nous sommes prêts à déployer cette technologie. On ne peut pas dire que nous sachions tout à son sujet, qu'elle ne présente aucun risque et que les coûts ne seront pas très élevés, mais nous sommes prêts à aller de l'avant.
    En voici les raisons. Voici une liste des technologies déjà disponibles.
    La gazéification n'est pas une technologie expérimentale. À l'échelle mondiale, elle représente un volume de 60 gigawatts, soit l'équivalent de 60 centrales thermiques alimentées au charbon, de très grosse taille. Un pourcentage important des combustibles utilisés dans ces centrales est le charbon, les autres étant des asphaltènes, du coke de pétrole ou d'autres combustibles.
    Il y a aussi la production d'hydrogène à base de gaz naturel. Elle représente plus de 1 p. 100 de la consommation mondiale d'énergie primaire; la technique de captage dans les usines modernes est bien connue et son coût est évalué avec précision à l'échelle industrielle. Je ne dis pas qu'elle n'est pas coûteuse, mais je veux seulement signaler qu'il est possible de construire ce type d'installation avec les garanties actuelles en matière de performance industrielle.
    Le transport du dioxyde de carbone sur des distances de plusieurs milliers de kilomètres et son injection dans le sol à des profondeurs de plusieurs kilomètres sont des techniques déjà utilisées dans la récupération assistée des hydrocarbures. Par conséquent, il est possible de trouver dans la plupart des régions pétrolières développées des entrepreneurs capables de construire les pipelines et les systèmes d'injection nécessaires et d'en assurer la livraison à un coût déjà familier. Il ne s'agit pas d'une technique qui en est encore au stade théorique.
    Ce qui reste théorique, c'est la nouvelle combinaison de tous ces éléments qui est nécessaire pour permettre l'utilisation de l'énergie fossile en produisant des émissions de CO2 minimales. C'est cela l'aspect nouveau et certaines incertitudes sont encore liées à cette technologie mais la raison pour laquelle il faut prendre la chose au sérieux est qu'il s'agit en fait d'assembler en puisant dans cette boîte à outils des techniques déjà existantes, qui ont largement fait leurs preuves à l'échelle commerciale.
    La conclusion est que d'une façon générale, le CSC est prêt pour un déploiement mondial à grande échelle. Il reste certainement de la recherche-développement à faire. Celle-ci pourrait réduire les coûts et les risques, mais la façon la plus efficace de réaliser des progrès et de mieux comprendre cette technologie est de passer à l'action et de construire quelques projets.
    Cela n'exclut pas des incertitudes bien réelles. Par exemple, lorsque je dis que la gazéification est un procédé utilisé couramment, des problèmes subsistent en ce qui concerne la gazéification des types de charbon que nous avons au Canada, qui ont des particularités liées par exemple à une forte teneur en sodium, qui crée des difficultés — du type des difficultés auxquelles EPCOR sera confrontée — et des incertitudes en ce qui concerne la gestion des projets. Cela dit, il ne s'agit pas fondamentalement d'une entreprise de R-D, mais plutôt de construire des installations concrètes.
    C'est l'aperçu très général. Combien cela coûtera-t-il? En ce qui concerne le secteur électrique, c'est-à-dire le centre des grosses économies, d'après les coûts d'il y a environ cinq ans et pour de grosses centrales, la réponse très approximative est que, si l'on compare une centrale au charbon récemment construite avec un système de CSC à une centrale récente non équipée d'un tel système, la différence est d'environ 0,02 $ US le kilowattheure. Ce sont les coûts établis il y a cinq ans qui représentent une hausse de coût d'environ 20 p. 100 pour les consommateurs qui achètent l'électricité. C'est très intéressant. Autrement dit, pour le secteur de l'électricité, qui représente, après tout, plus de 40 p. 100 des émissions mondiales de CO2 — c'est le même coût aux États-Unis, quoiqu'il soit plus faible au Canada, car nous avons de nombreuses centrales hydroélectriques et nucléaires —, cela permettrait de réduire considérablement les émissions. Par conséquent, on pourrait aussi atténuer considérablement le problème du changement climatique pour des coûts de cet ordre. Ce sont des coûts que notre société a les moyens de payer. Aux États-Unis, ils représentent 0,75 p. 100 du PIB. C'est donc encourageant.
(0940)
    L'inconvénient en ce qui concerne ces coûts, c'est que les frais de construction de grosses installations industrielles ont augmenté à l'échelle mondiale. La principale cause de cette augmentation est la croissance chinoise, mais la croissance dans d'autres pays est également un facteur. Les coûts de l'acier et du béton, ainsi que le coût des marchés de services écoénergétiques ont augmenté. Je pense que la nouvelle centrale d'EPCOR, qui est une copie assez fidèle de la vieille centrale, dont vous avez entendu parler, coûtera presque le double de ce que la première avait coûté. Les coûts du CSC seront encore plus élevés pour les nouveaux projets.
    Par contre, personne ne sait comment évolueront ces coûts. Je présume qu'ils ne doubleront pas indéfiniment. L'économie chinoise ralentira et ces coûts devraient baisser à nouveau ou bien le nombre d'entreprises qui passent ce type de marchés augmentera.
    Une distinction qu'il faut faire en l'occurrence — et c'est un défi pour les décideurs — c'est que l'on obtiendra un type de réponse de la part des universitaires et un autre de la part des représentants de l'industrie, alors qu'en fait, les deux ont raison. Les représentants de l'industrie donnent actuellement les chiffres précis pour l'Alberta, et ceux-ci sont très élevés. Les moyennes à long terme en ce qui concerne les grosses centrales américaines sont assez raisonnables et elles sont différentes pour les raisons que nous connaissons.
    Il est important de préciser que les hausses de coût pour des installations comme celle-ci sont également applicables à toute une série de technologies concurrentes que nous pourrions installer pour réduire également les émissions de CO2. Le coût des installations éoliennes, des centrales nucléaires et de nombreuses autres technologies à forte proportion de capitaux, à faibles émissions de CO2, ont augmenté également à peu près dans les mêmes proportions. C'est un défi pour les responsables de la réglementation qui désirent aller de l'avant. Nous devons toutefois aller de l'avant si nous voulons nous attaquer de façon sérieuse au problème du changement climatique.
    Je peux faire quelques commentaires sur les risques et la capacité. Je ferai seulement les observations suivantes, puis je répondrai avec plaisir aux questions supplémentaires.
    La capacité de stockage du CO2 n'est pas en cause. Nous avons une capacité colossale. Nous avons des préoccupations légitimes en ce qui concerne les coûts et les risques, mais je ne pense pas que nous en ayons au sujet de la capacité.
    En ce qui concerne les risques locaux, le rapport du GIEC indique que, pour autant que l'on choisisse l'emplacement de façon appropriée et que l'on prenne toutes les autres précautions d'usage, les risques locaux en matière de santé, de sécurité et d'environnement du stockage géologique seraient comparables aux risques liés à diverses activités actuelles comme le stockage du gaz naturel — qui est pratique courante à l'échelle mondiale depuis environ un siècle —, la récupération assistée des hydrocarbures, l'entreposage des gaz acides à grande profondeur, etc. En fait, le principe est le même qu'en ce qui concerne de nombreuses autres activités industrielles et le commentaire qui suit est plus important que vous ne le pensez. Les risques liés à ces activités sont très réduits dans les pays comme le Canada, où elles sont réglementées de façon appropriée, où les intervenants en matière d'environnement font preuve d'efficacité et où le principe de la primauté du droit est appliqué de façon efficace.
    Les statistiques relatives aux accidents mortels dans ce secteur sont très étonnantes. Le nombre d'accidents mortels est très bas comparativement à ce qu'il est dans de nombreux autres secteurs. En Russie ou au Nigeria, ces types de risques sont très élevés. Cette différence démontre que les risques ne sont pas étroitement liés à l'infrastructure, mais plutôt aux systèmes de gestion de cette infrastructure. C'est une leçon importante.
    Par conséquent, si vous me demandez quels sont les risques de l'entreposage du CO2, en ma qualité d'universitaire, la seule réponse que je pourrais vous donner est qu'ils dépendent de vous, les responsables de la réglementation, et de nous, c'est-à-dire de la société. Il n'est pas possible de donner une réponse ferme. Tout dépend de la façon dont on procède et du lieu.
    Je voudrais faire quelques derniers commentaires sur le CSC au Canada. Le Canada avait pris très tôt de l'avance dans les connaissances scientifiques et dans une partie de la technologie en matière de captage et de stockage du CO2. À mon avis, nous avons perdu cette avance. Sans action décisive de la part des pouvoirs publics, nous aurons bientôt perdu toute chance de la reprendre. Je visite des entreprises à travers le monde et on me consulte à l'occasion pour des entreprises et des gouvernements étrangers. Je vois des gens qui sont prêts à passer à l'action. Au Canada, je n'en vois pas, et c'est vraiment décourageant. On discute beaucoup. Je pense que, d'une certaine façon, le Protocole de Kyoto a empêché les Canadiens de réfléchir de façon claire aux initiatives à prendre.
    Aux États-Unis, il semblerait vraiment que l'on veuille réglementer de façon sérieuse les émissions de CO2. Le projet de loi a de bonnes chances d'être adopté et d'être signé au cours de la présente session du Congrès. Au Canada, nous sommes bloqués par cette discussion bipolaire. D'une part, il semblerait que certaines personnes soient convaincues que l'on puisse respecter les objectifs d'un instrument comme le Protocole de Kyoto, qui nécessiterait une réduction de 35 p. 100 dans un délai de trois ans, car il ne reste plus que trois ans d'ici à l'échéance médiane de 2010. Ce serait fondamentalement impossible dans les pays développés. En outre, certaines personnes, comme certains de mes voisins à Calgary, nient totalement l'existence d'un problème et ne prêtent aucune foi aux données scientifiques. Compte tenu de ce degré de polarisation, on aurait beaucoup de difficulté à élaborer une politique raisonnable. Pendant ce temps-là, dans certains autres pays, on se rapproche d'une action concrète.
(0945)
    Je voudrais faire encore quelques tout derniers commentaires. En ce qui concerne les mécanismes politiques, j'estime que le principal doit être un mécanisme qui laisse la liberté d'innover, et cela implique un signal vigoureux en ce qui concerne les prix. Je suis personnellement en faveur d'une taxe sur le carbone, mais les mécanismes de plafonds et d'échange de crédits et de nombreux autres mécanismes sont également appropriés. Ce doit être la première initiative.
    Les particuliers et les entreprises sont essentiellement plus au courant que vous de ce qu'il faut faire pour réduire les émissions. Le rôle du gouvernement est de fixer les objectifs sous la forme de plafonds et d'échange de crédits ou de taxes, et pas de donner des directives précises sur la façon de procéder. Cependant, en ce qui concerne des technologies à coût en capital élevé comme celle-ci, il sera essentiel de prévoir des mesures incitatives spécifiques. Il ne s'agira peut-être pas d'incitatifs monétaires, mais probablement d'un mélange d'incitatifs monétaires et réglementaires pour atteindre cet objectif.
    Enfin, il me reste un commentaire à faire en pensant aux personnes qui sont assises à ma droite et à ma gauche, et à l'histoire concernant le captage et le stockage du dioxyde de carbone en Alberta. Actuellement, presque toute l'attention politique est fixée sur les sables bitumineux. La plupart des émissions du secteur albertain de l'électricité sont beaucoup plus élevées que les émissions liées aux sables bitumineux. Le coût de réduction de ces émissions par le biais du CSC est moins élevé pour les compagnies d'électricité de la région d'Edmonton qu'il ne l'est pour les sociétés de traitement des sables bitumineux. C'est donc un défi de taille pour les décideurs.
    Je vous remercie pour votre attention.
(0950)
    Merci beaucoup.
    Nous aurons de la difficulté à donner la parole à tous les membres dans les 68 minutes dont nous disposons pour les questions. Nous ferons donc respecter rigoureusement les délais individuels.
    Nous entamons le tour de table de sept minutes avec M. McGuinty. Vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie d'être venus aujourd'hui, messieurs. Nous disposons de très peu de temps et, par conséquent, je poserai quelques questions très précises que j'adresserai à la plupart d'entre vous.
    La première s'adresse aux porte-parole de ICON. Pouvez-vous indiquer de façon approximative les revenus bruts des entreprises membres de votre réseau?
    Nous n'avons pas fait ce type d'analyse et, par conséquent, je suis incapable de répondre à cette question.
    Pouvez-vous nous donner une idée de leurs profits nets?
    Non, je n'ai pas analysé les profits de toutes les compagnies dernièrement.
    Veuillez me pardonner de réagir aussi vite à plusieurs commentaires que vous avez faits au sujet d'un partenariat public-privé. Actuellement, compte tenu du prix de l'énergie, du rendement du secteur de l'énergie et de la rentabilité des entreprises de ce secteur, ainsi que de la réussite générale de ces 18 entreprises, la plupart des Canadiens ont de la difficulté à envisager que l'on puisse investir des fonds publics, sauf s'ils constatent des réductions assez marquées des émissions de gaz à effet de serre. J'essaie de faire le lien entre votre suggestion concernant un partenariat public-privé et la participation à ce processus, et une observation trouvée dans votre documentation, à savoir qu'il ne faut pas imposer de règlements et que le CSC ne devrait pas être obligatoire. Vous ne voulez certainement pas dire que nous ne devrions pas réglementer les réductions de gaz à effet de serre, n'est-ce pas?
    En ce qui concerne le deuxième volet de votre question, nous estimons que les entreprises devraient avoir la possibilité de se conformer en ayant recours aux mécanismes de leur choix. Pour certaines entreprises, le captage et le stockage du carbone est peut-être l'approche appropriée alors que d'autres entreprises pourront peut-être se conformer par l'économie d'énergie, par un investissement dans les sources d'énergie renouvelables, ce que font d'ailleurs plusieurs entreprises de notre groupe, ou par l'adoption d'autres types de combustibles ou encore en faisant d'autres choix. Nous ne voulons pas que la politique soit prescriptive et qu'elle impose une technologie. Cependant, nous ne suggérons pas que la politique ne doive pas contenir des instructions en ce qui concerne le niveau des réductions des émissions de CO2.
    Monsieur Keith, vous êtes titulaire d'une chaire de recherche du Canada. Par curiosité, quand le Programme des chaires de recherche du Canada a-t-il été créé?
    Je m'excuse, mais je n'en ai pas la moindre idée.
    Quand avez-vous été nommé titulaire d'une chaire de recherche du Canada?
    Il y a environ deux ans et demi.
    Monsieur Keith, je signale à ce propos qu'il s'agit d'une procédure à laquelle le parti qui était dans l'opposition s'opposait. Vous devriez savoir qu'il s'opposait à la création des chaires de recherche.
    Il me semble que c'est un commentaire à saveur très politique et qu'il n'a aucun rapport avec le sujet. Excusez-moi d'être direct, mais passons à l'essentiel.
    Je le signalais pour que vous sachiez que votre travail et celui de M. David Boyd, et de plusieurs autres... Mais je passe à l'essentiel...
    Je le sais très bien. C'est le type d'attitude partisane démagogique qui est responsable de l'absence de politique au Canada. Je m'excuse de répondre de façon aussi crue.
    Vous êtes effectivement un peu trop impertinent, monsieur.
    Je vous pose ma question. Vous avez signalé qu'une taxe sur les combustibles fossiles serait préférable. Pouvez-vous nous aider à comprendre pourquoi une taxe sur les combustibles fossiles serait préférable à un système de plafonds et d'échange de crédits? Pouvez-vous également dire quelle est votre réaction après que le gouvernement ait annoncé que le Canada ne participerait pas aux marchés internationaux du carbone? Contrairement aux rumeurs qui circulent, ce ne sont pas des foutaises. En effet, d'après ce qu'a annoncé le gouvernement, le Canada ne participera pas au mécanisme pour un développement propre ni à l'application conjointe.
    Ainsi, vous voulez faire des commentaires sur l'élaboration des politiques en indiquant quelle serait la façon de procéder réaliste. Voulez-vous, en votre qualité d'économiste, nous donner une idée de ce que vous savez maintenant? Pouvez-vous nous aider en comprendre pourquoi le gouvernement fait une telle déclaration?
    Je répondrai d'abord à votre première question.
    Si je reconsidère sérieusement les taxes — et je pense que les décideurs américains les reconsidèrent également —, c'est en raison du fait que le système européen des échanges de droits d'émission s'est avéré très inefficace pour ce qui est d'encourager des réductions substantielles; il n'a pas été un échec total, mais certaines personnes qui ont participé à sa création, comme Michael Grubb, l'ont reconnu.
    La fiscalité présente des avantages réels, car c'est très simple. Après tout, l'objectif n'est pas d'accabler les citoyens, mais de protéger l'environnement en réduisant les émissions. Les taxes sont un outil administratif très efficace pour instaurer des prix homogènes à la grandeur de l'économie en ce qui concerne les émissions de CO2 dans l'atmosphère, pour signaler aux gens qu'ils ne peuvent pas utiliser impunément l'atmosphère comme un dépotoir et pour le faire d'une façon qui soit stable.
    En ce qui concerne le système européen, le problème réside en partie dans l'extrême instabilité des prix qui est due à une foule de raisons politiques, comme vous le savez sans doute. Le gouvernement allemand a par exemple renoncé à prendre des mesures énergiques pour réduire les émissions.
    Je suis donc convaincu qu'un système de plafonds et d'échange de crédits puisse être efficace et que de nombreuses autres tactiques le soient également. Le problème réside dans les questions de détail. Nous pourrions instaurer un système de plafonds et d'échange de crédits qui serait efficace, mais je pense qu'on a de très bonnes raisons de penser qu'un système de taxe pourrait être efficace. J'ai l'impression que les dirigeants américains avaient d'abord complètement exclu la possibilité d'instaurer des taxes mais que, maintenant, ils se demandent si, puisqu'il faut avaler la pilule, il n'existerait pas de méthode plus efficace que les plafonds et l'échange de crédits; ils pensent qu'une taxe ferait probablement très bien l'affaire.
    Il ne faut pas oublier que cette façon de procéder pourrait n'avoir aucune incidence sur les recettes. Un gouvernement pourrait instaurer une taxe et supprimer par exemple la TPS pour que le jour où cette taxe est imposée, elle n'ait pas d'incidences sur les recettes.
    Je ne sais donc pas exactement quelle décision le gouvernement prendra dans deux jours ou dans deux semaines, s'il annoncera finalement sa politique. Ça ne m'intéresse pas particulièrement de faire des supputations. Je pense que ce qui est important, c'est de signaler que le Canada fait tout un cirque depuis une dizaine d'années pour finalement avoir très peu de résultats concrets à montrer.
    Je ne critique pas le gouvernement précédent. Cela n'a pas d'importance pour moi. Ma tâche est d'aider les gens à prendre des décisions qui aboutissent à des réductions d'émissions.
(0955)
    Monsieur Keith, si je rassemblais dans cette pièce une quarantaine d'économistes, combien d'entre eux approuveraient votre façon de voir? Est-ce que M. Jaccard l'approuverait? Est-ce que Nancy Olewiler l'approuvait?
    M. Jaccard approuverait précisément ma façon de penser. Je pense que le problème est qu'en théorie, on peut démontrer que les taxes et le système des plafonds et de l'échange de crédits peuvent être pratiquement identiques; le problème réside dans les détails et dans les difficultés politiques que présente la mise en oeuvre. Par conséquent, M. Jaccard est effectivement en faveur d'une taxe, comme moi, mais on pourrait sans doute s'arranger pour que le système des plafonds et de l'échange de crédits soit efficace.
    Vous avez également posé une question sur les marchés internationaux. Je pense qu'il existe de très grandes failles sur certains de ces marchés, surtout sur le marché du mécanisme pour un développement propre. Ce sont à mon avis des raisons pour lesquelles il faudrait porter tout particulièrement notre attention sur la réduction des émissions dans les pays développés. Ce n'est qu'après cela qu'il sera intelligent de penser sérieusement à faire participer la Chine ou l'Inde, par exemple.
    On peut participer à toutes les assemblées internationales possibles mais, tant et aussi longtemps que les pays riches ne réduiront pas leurs émissions, les Chinois penseront que ce ne sont que des paroles en l'air de notre part. Ce n'est que lorsque nous aurons commencé à réduire nos émissions qu'il sera raisonnable de vouloir mobiliser un plus grand nombre de pays.
    Pour bien des raisons, le Protocole de Kyoto était une tentative de courir avant d'avoir appris à marcher.
    Dans ce cas, je voudrais faire des commentaires sur les données scientifiques concernant le captage et la séquestration du carbone. David Suzuki a indiqué l'autre jour dans un exposé auquel j'ai assisté que les promoteurs du captage et de la séquestration du carbone n'ont pas les données scientifiques nécessaires pour garantir ou pour justifier...
    Voudriez-vous aider les Canadiens à comprendre? Je sais qu'on a toujours de la difficulté à en parler lorsqu'on est partisan d'une technologie, mais quels sont les risques concrets? Vous avez mentionné qu'il fallait passer à l'action, car nous avons perdu notre avance et nous sommes maintenant en retard sur les États-Unis, en dépit de toutes les études que nous avons financées.
    Les Canadiens sont-ils censés croire que le captage et la séquestration du carbone est sans danger?
    Veuillez répondre brièvement.
    La réponse courte est exactement celle que j'ai donnée. C'est essentiellement une question de qualité de la réglementation. Je pense que dans les milieux scientifiques et techniques, on estime clairement que si l'on veut procéder de façon sécuritaire, il est possible de procéder de façon à atteindre le même degré de sécurité extraordinaire que pour d'autres grands procédés industriels.
    Je ne pense pas que cela soit très contesté. Je ne me souviens pas... Pour être clair, de nombreux chefs de file de la communauté environnementale mondiale ont participé activement aux travaux du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat. M. Suzuki n'y a pas participé, mais de nombreux experts de haut niveau de la communauté environnementale internationale ont joué un rôle prépondérant dans la préparation de ce rapport et l'ont signé.
    Merci beaucoup.
    Vous avez la parole, monsieur Bigras, pour sept minutes, s'il vous plaît.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    À propos du sujet d'aujourd'hui, je pense qu'il faut reconnaître que le piégeage, le captage du CO2 peut très certainement être une solution. D'ailleurs, je pense que le rapport du GIEC de 2005, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, qui dit qu'il est possible de piéger de 85 à 95 p. 100 du CO2 par le biais de cette technologie, doit nous faire réfléchir. Ce que je comprends, c'est qu'il y a trois techniques, une technique postcombustion, une technique précombustion, et une technique oxycombustion, et qu'elles ne sont pas encore au point et ne sont pas non plus parvenues au même niveau de maturité.
    Je m'inquiète relativement à la question de la sécurité et de l'efficacité à long terme du captage du CO2. Avons-nous de l'information sur la capacité d'emmagasiner ce carbone dans des gisements et de nous assurer qu'il n'y aura pas de pertes de CO2 à long terme?
    Je pense qu'il n'y a pas de doute quant au court terme et quant à la capacité de cette technologie de capter le CO2, mais mon inquiétude et l'information qui nous manque, c'est de savoir jusqu'à quel point cela constitue une solution à long terme qui nous permette de stabiliser le CO2 qui sera emmagasiné.
(1000)

[Traduction]

    Nous possédons en fait de nombreux renseignements. Je vous recommande de jeter un oeil sur le tableau 5.5 du rapport du GIEC, qui résume les principaux raisonnements que nous tenons pour évaluer la stabilité du stockage à long terme. Je voudrais en mentionner deux: un qui est fondé sur une solution artificielle et l'autre sur un phénomène naturel.
    Certaines accumulations souterraines de CO2 existent depuis plus d'une centaine de millions d'années. Nous savons avec certitude que certaines formations rocheuses — qui sont en fait répandues — sont capables d'emprisonner des gaz sous la surface du sol pendant une centaine de millions d'années ou davantage, soit essentiellement une période d'une durée infinie si l'on se base sur n'importe quelle échelle de temps ayant de l'importance en ce qui concerne le problème climatique.
    Vous pourriez reconnaître que c'est vrai en indiquant toutefois que le problème sera que certains puits ou certaines structures artificielles auront des fuites. Nous avons maintenant près d'un siècle d'expérience cumulative en matière de stockage du gaz naturel et, pour le rapport du GIEC, nous avons tenté de faire une estimation du taux de fuite total. Il est clair qu'il y a eu des fuites et que certaines personnes ont perdu la vie à la suite d'accidents liés au stockage du gaz naturel. Aucune activité semblable n'est totalement dénuée de risques. Cependant, le taux de fuite global dans le contexte du stockage du gaz naturel est de moins d'une partie par centaine de mille par année; ce chiffre est à peu près une centaine de fois supérieur au taux d'efficacité qui serait nécessaire pour gérer de façon appropriée le problème du réchauffement climatique.
    Le problème est surtout lié, à mon sens, aux risques locaux, et pas aux risques de fuite à long terme.

[Français]

    J'ai une deuxième question, et le temps file. Dans le plan Dion, le plan vert qui avait été proposé, on estimait qu'une partie de l'objectif pouvait être atteinte grâce aux puits de carbone venant de nos forêts.
    Ma question s'adresse à M. Lazar. Pouvez-vous nous dire si, en ce qui a trait aux puits de carbone, les forêts canadiennes sont des émettrices nettes de carbone, ou si elles absorbent plutôt des puits de carbone? Quel est donc l'état actuel du couvert forestier canadien dans une perspective d'absorption de CO2?

[Traduction]

    C'est une bonne question. Merci.
    La forêt canadienne est mature. Elle est d'une maturité extrême. En fait, la plupart des forêts canadiennes ont atteint un âge plus avancé que celui qu'elles auraient atteint de façon entièrement naturelle, grâce à la lutte contre les incendies. Une forêt mature a tendance à être une émettrice nette plutôt que d'absorber le dioxyde de carbone.
    Cependant, dans la mesure où nous pouvons créer de nouvelles forêts par le boisement de zones qui sont d'un rendement agricole marginal ou qui seraient destinées à des usages moins productifs par exemple, la création de nouvelles forêts piégerait de plus grandes quantités de carbone.
    L'autre possibilité de piéger de plus grandes quantités de carbone consisterait à faire une gestion plus intensive de nos forêts dans le but d'augmenter le volume, ce que les exploitants forestiers ont évidemment toujours voulu faire. Au Canada, nous avons eu une certaine réticence, car nous préférons soutenir les écosystèmes naturels plutôt que de maximiser le stockage de carbone dans la forêt.
    Une troisième méthode de séquestration consisterait à piéger le carbone dans le produit. Lorsqu'on abat un arbre pour le transformer en papier, tout le carbone qu'il contenait est resté dans le papier alors que, pendant ce temps-là, un deuxième arbre pousse. Par conséquent, on peut séquestrer le carbone par le biais d'un processus naturel d'abattage, de régénération forestière et de création de produits.
    Cela dit, le Protocole de Kyoto n'accepte pas la séquestration dans des produits, mais seulement dans de la matière vivante.
    Dans l'industrie forestière, notre tâche fondamentale consiste à gérer le carbone. Nous nous trouvons à l'intérieur du cycle du carbone. Nous abattons des arbres, régénérons les forêts, abattons des arbres et régénérons. Par conséquent, la gestion du cycle du carbone fait intrinsèquement partie de nos activités.
    En définitive, pouvons-nous atteindre les objectifs de Kyoto en comptant sur la séquestration dans la forêt? La réponse est négative. Nous pourrons atteindre nos objectifs dans le contexte du Protocole de Kyoto en réduisant nos émissions de CO2, ce qui nécessite un réoutillage massif de l'industrie.
(1005)

[Français]

    Il me semble que ma question est claire: avez-vous un inventaire? Êtes-vous en mesure de nous dire aujourd'hui si le couvert forestier canadien est un émetteur de carbone ou un capteur de carbone? Vous connaissez la technique comme moi. On dit souvent que les forêts peuvent être des puits de carbone. Compte tenu du couvert forestier, de son âge... C'est important parce qu'un futur plan pourrait considérer cet aspect dans l'atteinte des objectifs du Protocole de Kyoto.
    C'est d'ailleurs ce que proposait le plan Dion. Il y avait une partie des objectifs du Protocole de Kyoto qui pouvait être atteinte à partir des puits de carbone forestiers; pas la majorité, bien sûr, mais une petite partie. Si vous nous dites que les forêts canadiennes sont des émettrices nettes, et non pas des capteurs de carbone, il est clair que dans un futur plan de lutte contre les changements climatiques, on ne pourra compter sur le captage forestier pour comptabiliser des réductions d'émission de gaz à effet de serre.
    Ce n'est pas un piège que je vous tends.
    Je pense que ma réponse était claire: nos forêts sont matures et les forêts matures sont des émettrices de dioxyde de carbone. Ce n'est pas sorcier. Il y a cependant une autre option. Si on crée de nouvelles forêts et que l'on plante des arbres sur des terres qui ne peuvent servir à l'agriculture, on peut capturer du dioxyde de carbone.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Je donne maintenant la parole à M. Cullen, pour sept minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Lazar, je voudrais vous remercier rapidement pour votre exposé intéressant sur les initiatives prises par votre secteur jusqu'à présent et sur la nécessité de passer à l'action.
    Je n'ai pas de questions à vous poser ce matin. C'est toujours agréable d'avoir un représentant du secteur forestier sous la main.
    Vous ne m'aviez encore jamais fait un tel compliment.
    Si.
    Cette question-ci s'adresse à M. Lewin: quel est actuellement le coût des émissions de CO2 pour l'industrie? Quelle incidence ont-elles sur vos profits et sur vos budgets?
    Pour l'instant, la seule façon dont nous réduisons les émissions de CO2 est par le biais des compensations.
    C'est volontaire, toutefois. Est-ce bien cela?
    Non, pas vraiment.
    En Alberta, un règlement applicable à notre centrale Genesee 2 exige que nous fassions davantage que les améliorations techniques que nous avons apportées en construisant l'unité supercritique. Nous le faisons en achetant des crédits compensatoires à divers participants. Il n'existe pas encore de marché bien établi pour les échanges et, par conséquent, nous procédons généralement par le biais d'ententes bilatérales.
    M. Keith a fait remarquer que la production d'électricité représente un pourcentage beaucoup plus élevé des émissions totales que le traitement des sables bitumineux, malgré toute l'attention dont ces derniers font l'objet.
    Quel est le coût actuel à la tonne du captage et de la séquestration du carbone, en dehors de toute utilisation pour la récupération assistée des hydrocarbures?
    Les coûts sont très variables. Je dois hésiter à indiquer un chiffre, car ces chiffres sont la propriété des entreprises concernées. Nous avons conclu des ententes avec diverses entreprises qui séquestrent le carbone ou détruisent certains des six autres... Il y a six GES, par exemple.
    Quelle est la gamme de coûts actuellement? Pouvez-vous citer des chiffres approximatifs? Je sais que vous ne voulez pas révéler des secrets d'entreprise.
    C'est pourtant ce que je ferai si j'indique un coût; c'est là le problème.
    Je m'adresserai à quelqu'un qui n'est pas dans les affaires.
    Monsieur Keith, quel est le coût moyen actuel de la séquestration du carbone pour une entreprise canadienne?
    Le problème, c'est que ce sont les dirigeants de l'entreprise qui sont au courant des coûts réels.
    Est-ce que quelqu'un le sait? C'est un renseignement qui nous est nécessaire.
    Non, on a certaines réponses, car des installations sont en cours de construction. On construit par exemple des unités de gazéification aux États-Unis — deux — et il y a également l'usine de BP de Carson City.
    Je répondrais ceci. Je pense que, d'après les prix qui avaient cours il y a quelques années, un coût de séquestration du carbone de 30 $ la tonne de CO2 inciterait les dirigeants des centrales électriques à passer à l'action. Je pense toutefois que le coût réel pour une installation de relativement petite taille d'Edmonton — car 450 mégawatts est une petite centrale à l'échelle mondiale — dépasserait de beaucoup 30 $ la tonne...
    C'est donc de cet ordre.
    J'adresse cette question-ci à M. Lewin. Votre entreprise tient-elle compte du coût de séquestration à la tonne lorsque vous faites des améliorations pour accroître l'efficience, si vous avez une centrale au charbon qui produit de l'électricité? Combien cela vous coûte-t-il à la tonne pour apporter une modification en vue d'améliorer l'efficience plutôt que de produire les émissions puis d'essayer de les capter à nouveau?
(1010)
    Ce que je devrais expliquer au sujet d'une centrale au charbon, c'est que c'est un défi de maintenir pendant toute sa durée de vie l'efficience de la centrale au même niveau que lorsqu'elle a été construite ou même conçue. Par conséquent, on y apporte régulièrement des améliorations. Nous ne calculons pas le coût du CO2 en nous basant sur celui de ces améliorations limitées.
    Les améliorations qui sont apportées aux centrales au charbon pour en accroître l'efficience sont généralement très limitées. Si nous arrivons à obtenir une amélioration du rendement de 0,1 p. 100, c'est bien.
    Avez-vous une répartition des différents types d'émissions pour votre secteur, c'est-à-dire des émissions fugitives et des émissions générées par la combustion?
    Certainement. L'Association canadienne de l'électricité doit avoir ces chiffres ventilés.
    Mais est-ce que vous tenez ce type de statistiques?
    Oui, nous le faisons pour nos propres besoins. Oui.
    Pouvez-vous les communiquer au comité?
    Oui, nous pourrions vous les communiquer.
    Ce serait utile.
    Monsieur Keith, aviez-vous un commentaire à faire?
    Oui. On construit actuellement en Europe et, tout récemment, en Chine, des centrales au charbon dont le taux d'efficience est supérieur à 42 ou 43 p. 100, soit un taux beaucoup plus élevé que l'efficience moyenne du parc de centrales nord-américaines. Cependant, si vous voulez savoir s'il serait rentable d'aller au-delà de ce taux d'efficience, je vous signale que ce le serait très peu. Il en coûterait des centaines de dollars par tonne de CO2 pour passer à une installation ultrasupercritique à double postcombustion, qui est la technologie dernier cri.
    Bien. Ceci m'amène à poser une question intéressante sur les possibilités de commercialisation de cette technologie, car on cite souvent ces exemples. ICON et d'autres organisations citent des exemples technologiques en les présentant comme l'étalon or absolu, sans toutefois préciser ce que coûte cette technologie idéale et si le marché calculera ce coût. Ceci nous ramène à ma question.
    L'industrie a réclamé la création d'un Fonds pour la technologie pour pouvoir compenser une partie de ses émissions. Quelle est l'efficacité de ce type de fonds pour ce qui est de réduire les émissions globales, surtout lorsqu'il est question de captage et de séquestration du carbone? Est-ce un outil efficace? Est-ce un bon investissement?
    Cela dépend dans une large mesure du mode d'administration précis du fonds, mais d'après les connaissances acquises dans le secteur de la production électrique, la réglementation est l'outil le plus important pour inciter l'entreprise privée à faire de la recherche. La réglementation des émissions de soufre dans le secteur de la production électrique aux États-Unis a donné naissance à toute une industrie de fabrication de purificateurs, qui a fait baisser le coût de ces purificateurs de 50 p. 100 sur une dizaine d'années.
    Et l'économie ne s'est pas effondrée...
    Non. En outre, cette initiative n'était pas liée étroitement à un fonds pour la technologie; nous avons simplement adopté une loi exigeant que les exploitants possèdent le nombre requis de permis à la fin de l'année, sinon on fermerait leur usine.
    Ceci m'amène à aborder la question de la certitude pour les investisseurs, de la capacité de faire ces investissements considérables qui ont été mentionnés par de nombreux témoins.
    Il existe un régime axé sur l'intensité des émissions qui fixe des cibles en ce qui concerne l'intensité, ce qui est, à mon avis, une erreur d'appellation. Ce régime a-t-il la confiance des investisseurs qui permet aux entreprises d'attirer des capitaux et de faire ce type d'investissements, si le gouvernement établit une formule axée sur l'intensité? Est-ce le plafond strict? Est-ce la certitude qui a été efficace dans d'autres domaines, notamment en ce qui concerne le soufre?
    Ma réponse vous semblera très évasive et théorique...
    Ah non, ne faites pas ça. Nous voulons obtenir des réponses directes.
    La difficulté réside dans les détails. On pourrait concevoir un système axé sur l'intensité qui permettrait d'obtenir des réductions tangibles et serait efficace. La difficulté est liée à une question de réglage de l'intensité. Par conséquent, si on fixe un objectif précis à très long terme et que l'on réduit l'intensité de façon marquée, cette façon de procéder pourrait faire l'affaire.
    Le problème n'est donc pas intrinsèquement lié à l'intensité; la difficulté est de faire quelque chose, d'établir un prix clair et précis du carbone, peu importe que ce soit en établissant des plafonds sur l'intensité ou des plafonds généraux.
    C'est intéressant que vous parliez d'un prix du carbone. Nous avons discuté avec certains groupes canadiens, européens ou d'autres pays, et certaines des entreprises qui prennent des initiatives dans ce domaine ont signalé que c'était très difficile parce que ce sont des analyses rétrospectives. Pour concevoir un modèle axé sur l'intensité, il faut être capable de prévoir la production globale de la centrale pour l'année à venir.
    C'est pourquoi une taxe est aussi simple. L'intensité laisse aux gouvernements et aux entreprises une grande latitude pour les cachotteries, car ils peuvent faire une surestimation des émissions. Ce fut le cas en Europe; on a surestimé les émissions. Mais la situation est la même avec un système de plafonds et d'échange de crédits. Si le prix du carbone a radicalement baissé en Europe, c'est parce que les émissions avaient été surestimées. Lorsque les estimations réelles ont été connues, le prix a fortement baissé. L'avantage d'une taxe, c'est qu'il n'y a pas de cachotteries.
    Bien.
    Nous devons donner la parole à M. Warawa, pour sept minutes.
    Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui. Nous avons beaucoup apprécié cette franche discussion.
    Monsieur Lazar, vous avez signalé que pour atteindre l'objectif de Kyoto, un réoutillage massif de l'industrie afin de réduire les émissions de gaz à effet de serre était absolument essentiel. Je laisserai tomber Kyoto et dirai que, pour obtenir une réduction considérable des émissions de gaz à effet de serre, un réoutillage massif sera indispensable...
    Tout à fait. Kyoto est un accord international et un instrument ayant pour objet de faire face au changement climatique; c'est un instrument qui présente de graves lacunes, mais c'est le seul que nous ayons à notre disposition. Par conséquent, Kyoto était un raccourci pour faire face au changement climatique.
    Je sais que vous êtes beaucoup plus sensibles aux termes employés que les autres personnes mais, d'une façon générale, lorsqu'on parle de Kyoto dans un débat public, on ne fait en réalité pas allusion aux clauses précises d'un accord international mais au changement climatique.
(1015)
    Bien. Merci.
    Monsieur Keith, vous avez également signalé que «Kyoto» était un obstacle. Encore une fois, sans vouloir ergoter sur la signification du terme « Kyoto », pour ce qui est d'atteindre l'objectif et de réduire considérablement les émissions de gaz à effet de serre, vous avez précisé que la réussite dépendait de la qualité de la réglementation et de l'administration du système.
    Nous étudions le projet de loi C-30, la loi canadienne, et nous voulons savoir comment l'améliorer. Avez-vous des recommandations précises à faire pour en améliorer le libellé et améliorer les règlements? Le projet de loi C-30 contient un cadre législatif, mais également un avis d'intention d'établir des règlements. Avez-vous par conséquent des recommandations précises à faire pour en accroître l'efficacité?
    Je pense que le facteur crucial est la leçon que nous pouvons tirer d'autres régimes réglementaires, et qu'une réglementation doit être assez simple pour pouvoir être appliquée par les ingénieurs d'une entreprise, et non par les avocats — sans vouloir offusquer ces derniers, car j'ai de l'estime pour eux. L'avantage d'un système qui établit clairement un prix du carbone — une taxe ou un système de plafonds et d'échange de crédits ne présentant aucune ambiguïté — est que l'on cesse de devoir se faire conseiller par des avocats et que les ingénieurs de l'entreprise puissent réfléchir aux possibilités de réduire leurs coûts de fonctionnement, car c'est là-dessus que leur formation est axée et c'est ce qu'ils font quand ils ont à leur disposition un prix du carbone.
    La réussite de cette façon de procéder a été amplement démontrée par le marché américain du NOx. Avant cela, on avait un règlement imposé d'autorité et après la mise en place du mécanisme du prix du NOx, les gens ont découvert toutes sortes d'autres possibilités de réduction des émissions qu'ils n'avaient jamais examinées avant, car l'employé du bureau central passait un coup de fil au directeur de la centrale pour lui signaler que le NOx était coûteux; on se mettait alors à réfléchir à diverses possibilités d'ajustement afin de réduire le volume de NOx.
    J'estime par conséquent qu'il est primordial de fixer un prix assez précis.
    Je présume que l'autre facteur est qu'il faut établir une cible. Il est essentiel de fixer une cible qui renverse considérablement la courbe de croissance des émissions, car je pense que les autres pays agiront et devraient agir rapidement pour gérer ce problème. Le Canada doit faire sa part et même plus, en quelque sorte, pour gérer efficacement le problème du changement climatique.
    Je pense que le problème en ce qui concerne Kyoto, c'est qu'ici et dans d'autres pays, on en fait tout un cirque à la télévision. Il est essentiel de cesser de discuter interminablement de Kyoto au Canada pour réfléchir aux mesures que nous prendrons pour réduire les émissions.
    Très bien. Merci.
    Monsieur Kaufman, pour continuer à parler de captage et de stockage du carbone, nous examinons l'infrastructure existante et aussi la nouvelle infrastructure... M. Keith a signalé que la technologie existait déjà et il nous a encouragés en disant qu'il fallait passer à l'action et la construire.
    Quel est le coût de construction d'une infrastructure neuve en comparaison de la réhabilitation de l'infrastructure existante? Quelle est la dynamique, surtout pour ce qui est d'inciter les investisseurs à investir dans l'infrastructure existante, au lieu d'en créer une?
    C'est une excellente question.
    Théoriquement, il serait peut-être moins coûteux de remettre à niveau les installations existantes car, dans certaines usines de production d'hydrogène, le CO2 est relativement pur. Vous savez peut-être déjà que le captage du CO2 dans les usines de production d'hydrogène est facile. C'est facile, mais il n'est pas facile d'envoyer une équipe de soudeurs dans une usine vieille d'une trentaine d'années qu'on essaie de maintenir en activité. En fait, d'après nos estimations, les coûts de réhabilitation sont beaucoup plus élevés que les coûts d'une nouvelle usine.
    Une forte proportion des coûts d'exploitation permanents du captage et du stockage du CO2 impliquent la consommation d'énergie. Il faut faire un calcul tenant compte du fait que si l'on réduit les émissions de CO2 de 100 tonnes, on ne peut en fait compter que sur une réduction de 85 tonnes, par exemple, car il faut acheter davantage d'électricité à TransAlta ou à EPCOR, et cela produit des émissions de CO2. C'est par conséquent un procédé très énergivore.
    Si on l'intègre à une nouvelle usine en construction, qu'il s'agisse d'une usine de traitement des sables bitumineux ou d'une usine de gazéification du charbon, ou encore d'une raffinerie, on a l'occasion d'obtenir de bien meilleurs résultats en ce qui concerne l'efficacité énergétique et d'utiliser une technologie plus efficace et moins coûteuse.
    Merci beaucoup.
    Je n'ai plus de questions à poser.
    Bien. Nous entamons un tour de table de cinq minutes.
    Monsieur Godfrey, pour cinq minutes.
    Ma question concerne l'observation que M. David Keith a faite, à savoir que nous étions des chefs de file en matière de captage et de stockage du carbone, mais que nous ne le sommes plus. Ma question est la suivante: comment pourrions-nous devenir à nouveau des chefs de file dans ce domaine?
    D'après les commentaires des autres témoins — à moins que je n'aie pas tout compris —, la difficulté est qu'il s'agit d'une technologie extrêmement importante, une technologie habilitante comme nulle autre. Nous nous trouvons pratiquement dans la même situation que pendant la Seconde Guerre mondiale, avec la pénurie de caoutchouc naturel. Nous avions alors décidé qu'il fallait construire une usine de production de caoutchouc synthétique à Sarnia, qu'on appellerait Polysar, et que la durée des travaux serait de 18 mois. Ou encore, nous avions besoin d'une technologie représentant une percée dans le monde destructeur, et c'est ainsi que nous avons mis en place le projet Manhattan. Nous sommes tout simplement passés à l'action.
    J'essaie de concilier une opportunité apparemment extraordinaire avec l'attitude qui consiste à suggérer de ne pas imposer un système spécifique, qu'il faut transmettre les messages et que la meilleure technologie émergera.
    Par conséquent, monsieur Keith, si nous voulons procéder en ce qui concerne le CSC comme nous l'avons fait dans le cas du projet Manhattan, sans imposer de contraintes, comment privilégier le choix?
(1020)
    C'est une excellente question, et j'aimerais pouvoir donner une excellente réponse.
    Si vous m'aviez posé cette question il y a quelques années, je me serais accroché à l'idée qu'il suffit de fixer un prix ou d'établir un système de plafonds et d'échange de crédits réglementaire. Je n'ai pas d'opinion bien particulière entre ces deux solutions. Je pense que, dans un pays relativement petit, la réalité est qu'il n'est pas nécessaire de faire un certain choix de technologies. Il faut toutefois être très prudent pour ce qui est de la façon de procéder.
    Une des raisons pour lesquelles j'ai dit que les Australiens et les Norvégiens étaient en avance sur nous actuellement en ce qui concerne cette technologie — et les Australiens ont en fait tenu des ventes aux enchères d'espaces lacunaires —, c'est que ce sont de petits pays et qu'ils choisissent librement les formules gagnantes.
    Nous devons être très prudents. Je ne préconise certainement pas de considérer le CSC comme le gagnant toutes catégories, car je ne pense pas que ce soit le cas. Je pense que le potentiel est énorme en ce qui concerne l'énergie éolienne, au Québec par exemple. Il existe de nombreuses autres possibilités de se débarrasser du carbone à la grandeur de l'économie. Le CSC n'est en aucun cas une formule magique.
    Je pense que nous devons procéder comme suit. D'une part, il ne faut pas que nous sélectionnions des gagnants mais, d'autre part, il est absolument essentiel de s'attaquer au problème et d'encourager la mise en place de deux ou trois projets. Il est à mon avis essentiel de faire en sorte que l'industrie soit le principal agent en ce qui concerne ces projets, afin qu'une entreprise estime que c'est sa survie, ou du moins la rentabilité économique de ce projet, qui est en jeu.
    Les démonstrations faites par les pouvoirs publics posent un problème. Elles démontrent parfois que la technologie est plus complexe qu'elle ne l'est en réalité. Si une entreprise décide vraiment d'agir, elle le fait en cherchant la simplicité, si elle surveille ses coûts.
    Je pense qu'il est essentiel que nous examinions des mécanismes qui, contrairement à ICON, ne sont pas axés sur une seule formule gagnante — ce n'est pas que je veuille critiquer ce projet, car je le trouve formidable —, mais qui indiquent un prix pour les premiers grands projets, afin de passer à l'action et de stocker du CO2 dans le sol.
    J'ai par exemple eu des conversations avec certains hauts fonctionnaires de RNCan indiquant qu'il ne faut pas tenir une vente aux enchères inversée, mais qu'on accordera une subvention d'un montant déterminé à la tonne pour les x premiers millions de tonnes stockés dans le sol. Ensuite, le prix diminuera. Cette façon de procéder encourage automatiquement ceux qui agissent les premiers. Ceux-ci obtiennent le gros prix alors que ceux qui tardent à agir obtiennent des prix moins intéressants.
    Il faut également tenir compte des prix du pétrole. Quelqu'un a fait un commentaire au sujet des profits colossaux des pétrolières. Cela dépend d'un prix du pétrole fluctuant. Si vous voulez mettre en place une politique qui établit un prix pour le stockage du CO2, il serait peut-être indiqué que ce prix soit révisé à la baisse en cas de hausse des prix du pétrole.
    Il est possible que les prix du pétrole redescendent à 30 $ le baril et que les pétrolières aient une année beaucoup moins rentable que prévu. Par contre, il est possible que des armes nucléaires soient utilisées à un terminal saoudien et que le prix atteigne 200 $ le baril. Personne ne peut prévoir l'avenir.
    Il est essentiel qu'on mette en place une politique qui ne soit pas contraignante et que celle-ci prévoie des stimulants moins importants en cas de hausse des prix du pétrole.
    Êtes-vous assez convaincu de la maturité des technologies pour dire que nous pourrions spécifier dans un règlement dès demain — ou à un moment ou l'autre — que toutes les nouvelles usines produisant des émissions de carbone doivent être prêtes pour le captage sans toutefois comporter nécessairement une installation de captage intégrée? Autrement dit, il s'agirait de réserver suffisamment de terrain et de s'assurer que les tuyaux soient prêts. C'est beaucoup moins coûteux que d'installer tout le système ou, du moins, que de devoir faire le travail plus tard.
    C'est tentant. On a beaucoup discuté d'usines prêtes pour le captage au cours des cinq dernières années. Après quelques années d'enthousiasme, quand on discute avec d'éminents consultants dans ce domaine, on constate que c'est moins intéressant qu'il ne paraissait à première vue. Cette préparation pour le captage poserait pas mal de problèmes quand on réfléchit aux conséquences que cela aurait sur les prix.
    Je suis sceptique au sujet d'une réglementation contraignante, car c'est très hétérogène, surtout en ce qui concerne les sables bitumineux, domaine dans lequel chaque projet est très différent des autres. Je pense qu'un système contraignant serait plus plausible dans certains secteurs de la production électrique, mais il faudrait agir avec beaucoup de prudence.
    Mon instinct me dit qu'il est essentiel d'établir une réglementation efficace et de mettre en place quelques mesures incitatives pour faire adopter diverses technologies — pas seulement le CSC, mais aussi d'autres technologies —, mais probablement pas un règlement uniforme. Je pense que de nombreuses données indiquent que ce ne serait pas efficace non plus.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Jean, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Mes questions porteront en fait essentiellement sur le même sujet.
    Monsieur Kaufman, je comprends naturellement que la plupart des données concernant vos coûts soient exclusives, mais je me demande pourquoi vous êtes la seule personne qui n'ait pas répondu à la question sur le coût de la séquestration du carbone. La semaine dernière, le porte-parole du Pembina Institute a indiqué qu'il se situerait entre 0,70 $ et 1,20 $. On peut dire grosso modo que le coût de séquestration du carbone serait d'environ 1 $ le baril.
    Cependant, après avoir fait quelques recherches, j'ai appris que cela dépendrait apparemment dans une large mesure des quantités stockées, de l'efficacité du système, comme l'a signalé M. Keith, et de plusieurs autres facteurs.
    D'après certains témoignages, le coût de récupération des sables bitumineux est d'environ 25 $ à 30 $ le baril alors qu'en Arabie saoudite, le coût d'extraction du pétrole varie entre 1,50 $ et 3 $ le baril. J'ai recueilli au cours de mes recherches d'autres renseignements indiquant que la séquestration du carbone pourrait coûter en fait de 8 à 10 $ le baril.
    Je ne demande pas que vous communiquiez des informations exclusives, mais j'aimerais que vous indiquiez un ordre de coût. Je suis sûr que vous avez 5, 10, 50 ou 100 ingénieurs qui examinent la question et en établissent le coût. Pourriez-vous nous donner une idée approximative du coût?
(1025)
    Merci. C'est exact. Une foule de chiffres ont été avancés dernièrement en ce qui concerne le coût de la séquestration du carbone. J'étais ici la semaine dernière quand le porte-parole du Pembina Institute a mentionné des chiffres qui ne concernaient pas le coût de la séquestration, si je ne me trompe, mais plutôt le coût de la conformité par le recours aux compensations. Je ne voudrais pas confondre les chiffres concernant les coûts des compensations avec les chiffres relatifs au coût de séquestration du carbone.
    Étant donné qu'il représente plusieurs entreprises qui fabriquent des produits industriels différents, le réseau ICON a tendance à utiliser le dénominateur commun qu'est le coût en dollars par tonne de CO2. C'est parce que nous avons parmi nos membres des entreprises qui produisent de l'électricité, du bitume, du pétrole brut synthétique, différents minéraux et de l'hydrogène. Par conséquent, nous utilisons un dénominateur commun. C'est la responsabilité des diverses entreprises de faire une analyse du coût du captage et du stockage du carbone pour leurs divers projets. Comme l'a fait remarquer M. Keith, chacun des projets est très différent, surtout en ce qui concerne les sables bitumineux, qu'il s'agisse d'extraction ou de drainage par gravité au moyen de la vapeur, de gazéification ou, encore, d'un degré minime ou élevé de valorisation. Tous ces facteurs entrent dans le calcul des coûts de séquestration.
    En tant que groupe, ICON n'a pas essayé de faire les distinctions, car il voulait faire front commun. Je comprends l'intérêt de ce type de chiffre. Certaines des discussions sur cette question sont des discussions très informelles qui se sont déroulées à l'intérieur de l'association industrielle, tout à fait en dehors du groupe d'entreprises connu sous l'appellation ICON.
    La gazéification est une question d'actualité dans le secteur des sables bitumineux. J'ai vu dans le journal ce matin un article dans lequel il était question de la quantité de gaz naturel du delta du Mackenzie qui pouvait être acheminé vers les gisements de sables bitumineux. En outre, le gouvernement de l'Alberta attribue de la valeur au coke de pétrole et aux asphaltènes, qui sont des produits dérivés des activités de valorisation des sables bitumineux. On s'intéresse au procédé de gazéification.
    Nous avons examiné la possibilité d'opter pour la gazéification pour une nouvelle installation, et les coûts seraient de l'ordre de 4,50 $ à 7,50 $ le baril pour un système complet. Je ne sais pas si une entreprise en particulier a fait ces calculs, mais la mienne a commencé à examiner les coûts pour les étapes ultérieures. Nous estimons que le coût d'un nouveau projet de production avec cueillette du CO2 provenant de la gazéification serait de cet ordre. Je ne tiens pas à ce que vous ayez l'impression qu'il s'agirait d'un captage intégral, car d'autres sources d'énergie interviennent, notamment du gaz naturel.
    Est-il juste de dire que le coût de réhabilitation d'une usine existante serait plus élevé que cela?
    Oui, et en ce qui concerne la postcombustion, ce serait beaucoup plus coûteux.
    Pensez-vous que la réhabilitation pourrait coûter le double?
    Je n'ai pas examiné personnellement les chiffres en ce qui concerne la réhabilitation, mais pour les travaux que nous avons envisagés, à ICON et à l'extérieur, le coût pour le captage postcombustion serait plus du double des chiffres que je viens de citer.
    Pour examiner tous les aspects de l'équation, vous avez fait allusion à l'acheminement de gaz naturel en provenance des Territoires du Nord-Ouest. Ne serait-il pas plus raisonnable d'adopter une approche intégrée avec fourniture d'énergie, comme de l'énergie nucléaire ou tout autre type d'énergie, pour le drainage par gravité au moyen de la vapeur, et de conserver le gaz naturel pour l'utiliser comme combustible propre dans les résidences ou à d'autres fins? L'énergie nucléaire a été très critiquée, et je sais que c'est une question d'outils, mais je pense qu'il peut être tout aussi intéressant de faire des économies en début qu'en fin de parcours. J'aimerais savoir si cette méthode intéresse ICON.
(1030)
    Ce n'est pas dans ce but que des entreprises se sont regroupées pour former ICON. Nous nous sommes intéressés uniquement à la question du captage et du stockage du carbone, à l'infrastructure en place et à l'infrastructure qu'on prévoit établir au cours des 15 ou 20 prochaines années. Nous n'avons pas discuté du recours à d'autres formes d'énergie pour les sables bitumineux.
    Votre entreprise a-t-elle envisagé la possibilité d'avoir recours à l'énergie nucléaire?
    Pas à ma connaissance.
    Monsieur Lussier.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Kaufman, dans votre document, vous mentionnez que le projet de loi C-30 doit viser à encourager le CSC, le captage et le stockage du CO2.
    Pouvez-vous nous dire de quelle façon?

[Traduction]

    Je vous remercie pour la question. En ce qui concerne certaines des difficultés que pose l'élaboration de règlements à partir du projet de loi C-30, le gouvernement a demandé des réponses à ce sujet et nous avons envoyé une lettre au ministre de l'Environnement au mois de décembre au sujet de la nouvelle Loi sur la qualité de l'air. Dans cette lettre, nous énumérons quelques questions qui, à notre avis, devraient être examinées.
    Nous estimons notamment que les cibles ne devraient pas être prescriptives en ce qui concerne le choix d'une technologie plutôt qu'une autre. Il est essentiel que les entreprises aient une certaine marge de manoeuvre dans le choix d'une méthode appropriée à leurs besoins pour atteindre leurs objectifs en matière de réduction des émissions. Nous pensons en outre qu'un système de compensation est important, car ce serait un outil moins coûteux pour les entreprises qui veulent atteindre leurs objectifs.

[Français]

    Mais ma question est plus spécifique. Qui doit construire le réseau de pipeline en Alberta et qui doit payer pour ce réseau?

[Traduction]

    Nous estimons que tout le système de captage et de stockage du carbone, que nous appelons ICON, n'est pas commercial actuellement. Nous estimons que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux, ainsi que les entreprises qui auraient recours au système, doivent collaborer à son édification.
    En ce qui concerne qui devrait être le propriétaire et l'exploitant du pipeline, nous n'avons pas encore formulé de recommandations. Nous insistons sur le fait qu'un système complet comme celui-ci ne sera pas financé par des initiatives commerciales comme telles dans un avenir rapproché. Par conséquent, il est essentiel que le gouvernement joue un rôle en mettant en place des mesures de stimulation ou des subventions pour faciliter l'implantation d'un système comme celui-là.

[Français]

    Parlez-vous du gouvernement fédéral, ou du gouvernement provincial?

[Traduction]

    Il s'agit des deux paliers de gouvernement. Nous avons eu des discussions avec le gouvernement fédéral et avec le gouvernement provincial de l'Alberta à ce sujet.

[Français]

    Je vous remercie.
    Monsieur Lewin, vous vous donnez un objectif de 65 p. 100 d'ici l'an 2050. C'est un objectif à long terme.
    Tout d'abord, ce pourcentage s'appuie-t-il sur les données de 1990, ou de 2003?

[Traduction]

    Nous avons choisi 2003 comme année de base.

[Français]

    L'année 2003. Avez-vous également des objectifs à court et moyen terme?

[Traduction]

    Oui, notre industrie a examiné les cibles à court et à moyen terme. L'objectif à court terme, à partir d'environ 2010, serait de 5 p. 100. Il serait porté à 10 p. 100 pour 2020, puis diminuerait considérablement, car c'est à partir de ce moment-là que le roulement de notre stock de capital commencerait vraiment. Il y aura alors probablement une chute considérable à environ 20 ou 25 p. 100. Ensuite, la baisse se poursuivrait jusqu'en 2050, jusqu'à 50 ou 65 p. 100.

[Français]

    Monsieur Lazar, j'ai écouté attentivement quand vous parliez du rôle des forêts, mais il y a un rôle au sujet duquel je m'interroge.
    En plus de prévoir la modification, la plantation ou la revégétation des forêts qui sont exploitées, l'industrie forestière va-t-elle aussi se pencher sur la possibilité d'encourager la participation des particuliers ou des municipalités grâce à un programme de plantation d'arbres? Vous est-il déjà venu à l'idée de contribuer en fournissant des plants à la communauté pour augmenter le couvert végétal du Canada?

[Traduction]

    Le couvert forestier au Canada est maintenant de 91 p. 100, ou c'est plutôt ce qu'il était à l'époque de Champlain. Nous en avons perdu 9 p. 100 à cause des villes et de l'agriculture. D'après les chiffres les plus récents publiés par les Nations Unies, le taux de déboisement au Canada est nul, car nous reboisons pour remplacer chaque arbre abattu — généralement par deux ou trois jeunes plants. Le reboisement est parfois naturel. Nous sommes toutefois parvenus à maintenir les forêts du Canada.
    Le reboisement des zones urbaines n'a jamais été notre préoccupation. Nous fournissons parfois des arbres dans le contexte de nos interventions communautaires et de nos relations sociales, mais je présume que nous pourrions participer, si les villes voulaient que nous plantions des arbres et que nous récoltions le bois.
(1035)
    Le temps dont vous disposiez est écoulé.
    Je demande à M. Jean d'assurer la présidence pendant deux ou trois minutes.
    Nous donnons maintenant la parole à M. Paradis.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adressera au représentant d'ICON Group ou à M. Keith. Je constate, dans la présentation d'ICON, à la page 5 du diaporama, le rôle potentiel, en matière de CSC, des secteurs de l'électricité, de la production d'hydrocarbures et des secteurs minier et manufacturier.
    Tout d'abord, y a-t-il d'autres possibilités d'utilisation en vue du piégeage de carbone que la récupération assistée des hydrocarbures ou le piégeage dans les aquifères salins ou dans les fosses utilisées? Au fond, le sens de ma question est de savoir s'il y a d'autres débouchés industriels possibles. Je fais particulièrement référence à la région de l'Est, soit l'Ontario et le Québec. Par exemple, il y a toute la question du charbon propre, dont on discute, pour les centrales.
    On remarque que les infrastructures visées sont surtout situées en Alberta, mais des recherches ont-elles été effectuées ailleurs? Est-ce qu'on envisage d'autres solutions, ailleurs au pays, pour mettre ces technologies au point?

[Traduction]

    Il y a peut-être deux réponses à votre question. La première, c'est que les entreprises qui font partie de ICON n'envisagent pas toutes uniquement le captage et le stockage du carbone. Toutes nos entreprises s'intéressent à leurs coûts énergétiques et, par conséquent, font des efforts pour économiser l'énergie en mettant notamment au point de nouvelles technologies d'extraction du pétrole et du gaz moins énergivores et, dans certains cas, pour utiliser des sources d'énergie renouvelable. Mon entreprise s'intéresse par exemple à l'énergie éolienne, ainsi qu'à l'éthanol et au biodiésel. Ce sont des types d'énergie de remplacement qui sont des éléments importants de « volets » dans ce qu'on appelle un concept axé sur des volets pour faire face au changement climatique. Cela continuera.
    En ce qui concerne votre question sur la possibilité d'avoir recours à d'autres méthodes pour réduire les émissions de CO2 en Ontario, nous sommes convaincus qu'il y aurait une possibilité d'avoir recours au captage et au stockage du carbone dans les grosses centrales électriques ontariennes alimentées au charbon. Elles arrivent à la fin de leur cycle de vie et, par conséquent, le moment est venu de se demander si l'on veut investir des sommes considérables pour réhabiliter une centrale arrivée au terme de sa vie ou s'il serait préférable de construire des installations toutes neuves, qui pourraient être des unités de gazéification avec captage et stockage de carbone intégré. Ce choix réglerait le problème de la pollution atmosphérique causée par les vieilles centrales alimentées au charbon tout en permettant le captage du CO2 et son acheminement vers un site géologique sûr.
    On a recours à de nombreuses technologies différentes pour réduire les émissions de CO2 — des améliorations de l'efficience, l'énergie éolienne, et bien d'autres —, mais en ce qui concerne le stockage du CO2, j'aimerais faire encore deux commentaires. Le premier est qu'il est en principe possible de capter le CO2 à partir d'une installation qui utilise la biomasse, par exemple d'une usine qui brûle des résidus forestiers. Il y a, à travers le monde, quelques installations qui sont sur le point d'adopter cette méthode. Dans ce cas, la production d'émissions devient essentiellement négative, car on capte le carbone libéré dans l'atmosphère par le système forestier et on l'enfouit dans le sol à grande profondeur.
    Cela se fera bientôt à Berlin, mais j'ai oublié la date précise. Il existe actuellement aux Pays-Bas une centrale électrique à gazéification intégrée à cycle combiné dont un pourcentage important du combustible utilisé — plus de 30 p. 100 — est de la biomasse; en outre, elle fera probablement le captage du carbone. Ce sera une centrale à émissions négatives qui compensera essentiellement — pas dans un sens économique, mais sur le plan matériel — d'autres émissions, car les siennes seront négatives.
    C'est donc une autre possibilité générale. C'est une formule plus coûteuse, en partie parce que la plupart de nos ressources forestières sont moins abondantes, mais c'est une option à examiner pour l'avenir.
    J'aimerais également faire un tout petit commentaire. En termes de volume, la disponibilité de la biomasse comme combustible renouvelable est beaucoup plus grande qu'en ce qui concerne tous les autres types d'énergie comme l'énergie éolienne ou l'énergie solaire. Actuellement, cela représente six fois tous les autres types d'énergie ensemble; en outre, nous pourrions probablement doubler notre capacité. En ce qui concerne les possibilités liées aux énergies renouvelables, l'énergie qui peut être produite à partir de la biomasse est énorme au Canada, et elle est sous-exploitée.
(1040)

[Français]

    Merci beaucoup.
     Monsieur Keith, tout à l'heure, une question vous a été posée concernant la sécurité de la technologie de captage et de piégeage du carbone, notamment en ce qui a trait aux fuites. Vers la fin de votre intervention, vous avez parlé du fait que la technologie en tant que telle semblait sécuritaire, mais que c'était davantage au niveau local qu'il pourrait y avoir des problèmes. Certains experts diront qu'il pourrait y avoir des risques de fuites.
    Alors, s'il y a des fuites, y a-t-il des technologies pour y répondre? Quels sont les défis? Sur quoi doit-on se concentrer pour améliorer l'efficacité de cette technologie, au besoin?

[Traduction]

    En premier lieu, je pense que tous les experts qui sont responsables admettront qu'il y a des risques de fuite et des risques locaux — des risques pour la santé — pour les êtres humains. C'est indéniable. C'est le cas pour toute technologie énergétique à grande échelle.
    Le commentaire en ce qui concerne la réglementation est qu'un système bien réglementé peut présenter de très faibles risques locaux, mais qu'un système mal réglementé peut poser des risques énormes, comme pour toute autre technologie.
    Merci beaucoup.
    Nous donnons maintenant la parole à M. Holland, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais d'abord faire des commentaires au sujet de Kyoto.
    Monsieur Keith, vous avez signalé que Kyoto était un obstacle. Je suis d'accord sur le fait que nous devions passer à l'action, et c'est dans ce sens-là que le comité doit orienter ses efforts. Je pense qu'il est important par ailleurs de reconnaître, dans le cadre de ce processus, qu'en termes de débat international sur le changement climatique, nous avons actuellement atteint un stade important, en partie grâce à Kyoto, grâce au fait qu'il existe des normes internationales en vertu desquelles nous serons tous évalués, y compris nous-mêmes, et que nous sommes dans une situation telle que, si nous sommes en retard, nous avons du moins un point de comparaison et un but à accomplir.
    Je suis entièrement d'accord avec votre conclusion, à savoir qu'il est essentiel de passer à l'action. Je n'en disconviens pas. Je pense toutefois que, par ailleurs, il est nécessaire de reconnaître que Kyoto et les futurs accords — et, bien entendu, les accords internationaux —, visant à ralentir le changement climatique et à établir des repères, sont d'une importance capitale.
    Je suis certain que vous êtes d'accord avec ce que je viens de dire. Je voulais m'assurer que nous parlions le même langage dans ce contexte.
    Tout à fait. L'accord dominant est la Convention-cadre sur les changements climatiques et pas l'Accord de Kyoto. Cette convention est entrée en vigueur et a été ratifiée par pratiquement tous les pays. L'Accord de Kyoto est un protocole spécifique qui établit un objectif numérique précis en vertu de la Convention-cadre.
    Je pense que, en vertu de cette Convention, le Canada a l'obligation morale et juridique de faire de sérieux efforts pour réduire les émissions. Il n'est pas plausible que nous arrivions à atteindre notre objectif en vertu du Protocole de Kyoto sans acheter de nombreux crédits compensatoires et il est essentiel que nous en discutions sérieusement pour décider si c'est raisonnable.
    Très bien.
    Monsieur Lazar, voici une question difficile, mais vous êtes le seul témoin qui ait une responsabilité pour les forêts. Je comprendrai si vous ne pouvez pas y répondre. En premier lieu, je vous félicite, vous et vos membres, pour les initiatives que vous avez prises pour réduire les émissions de gaz à effet de serre.
    Je voudrais toutefois parler plus précisément de foresterie urbaine. Je ne sais pas si vous pourrez répondre, mais c'est un renseignement que le comité n'a pas encore entendu jusqu'à présent. Nous avons eu beaucoup de discussions sur ce qu'on pourrait faire avec des arbres dans les zones urbaines et sur les possibilités qu'ils offriraient de réduire le CO2, mais aussi les coûts de chauffage, ou encore d'enrayer l'érosion.
    Je ne sais pas si vous êtes au courant des activités dans ce domaine ou si vous connaissez des organismes comme la Fondation canadienne de l'arbre, qui font la promotion d'un programme de foresterie urbaine. Pourriez-vous donner de l'information à ce sujet, puisque vous êtes un des seuls témoins qui s'occupe des arbres?
    Bien sûr. La plantation d'arbres dans les zones urbaines est une mesure semblable à toute autre mesure de lutte contre le changement climatique. On en retire deux types d'avantages: on obtient la réduction des gaz à effet de serre — en l'occurrence, le stockage est très modeste, car le nombre d'arbres que l'on peut planter dans une ville est limité —, mais on en retire les avantages parallèles de la création d'espaces verts, du ralentissement de l'érosion, de coins de nature et un peu d'habitats. Si le fait de réaliser nos aspirations en ce qui concerne le changement climatique nous incite à utiliser tout l'espace disponible dans les villes pour planter des arbres et créer des coins de nature, c'est une excellente initiative.
    Je voudrais faire un commentaire sur la Fondation canadienne de l'arbre, car c'est un organisme formidable qui encourage la plantation d'arbres dans les zones urbaines. Elle appelle les arbres les poumons des villes, et je pense que tout ce que les parlementaires peuvent faire pour encourager son financement serait très constructif. C'est un organisme formidable qui milite pour une bonne cause.
    Serait-ce une solution pour les millions et les millions de mégatonnes de dioxyde de carbone que nous rejetons dans l'atmosphère? Non.
(1045)
    Non, et je ne le considère pas comme une solution à ce problème. J'estime seulement que c'est la seule occasion que j'aie eue de signaler que c'est une option qu'il faudrait examiner.
    La Fondation canadienne de l'arbre est un organisme formidable. Nous devrions tous la soutenir.
    Vous reconnaîtrez par ailleurs que ce serait bien également en raison de la capacité de réduire les coûts du chauffage grâce à l'ombrage des arbres.
    Cette question-ci s'adresse également à M. Keith. J'apprécie les commentaires concernant la stabilité de cette technologie au cours d'une centaine d'années. Je n'ai pas beaucoup entendu discuter d'un horizon temporel beaucoup plus éloigné, comme de 500 ans ou de 1 000 ans.
    De toute évidence, on craint beaucoup que d'ici un certain nombre d'années, ce carbone trouve le moyen de se libérer dans l'atmosphère. Quels sont les risques à plus long terme, au-delà du siècle dont il a été question, par exemple? Pendant combien de temps la technologie sera-t-elle capable de tenir le coup? Qui peut garantir que, pour les 500 ou 1 000 prochaines années, ce carbone restera stocké et ne se retrouvera pas dans l'atmosphère?
    Il y a deux réponses à cette question qui sont semblables à ce que j'ai déjà signalé. L'une est que, d'après les connaissances actuelles que nous avons acquises grâce aux systèmes naturels, nous savons que le CO2 est stocké dans le sol depuis une centaine de millions d'années et qu'il existe de nombreux dépôts semblables. Ce phénomène et la découverte de pétrole et de gaz indiquent l'existence de couches rocheuses supérieures — des formations qui empêchent la remontée du CO2 — qui sont très répandues dans les bassins sédimentaires à travers le monde et sont capables d'être des lieux d'entreposage assez sécuritaires pour une centaine de millions d'années.
    Cette information ne donne aucune indication des risques qui pourraient être associés aux puits aménagés par l'homme. La raison pour laquelle j'ai mentionné le stockage naturel du gaz est qu'il a un rapport avec les risques liés à un site artificiel.
    Il reste une information vraiment importante, à savoir que si l'on place du CO2 dans une formation saline située à grande profondeur, le CO2 se dissout dans cette « eau interstitielle ». Dans ce cas, au lieu d'essayer de remonter, le CO2 a tendance à descendre. La plupart des spécialistes estiment qu'alors, le risque est nul, en fait. Par conséquent, après le stockage du CO2 dans le sol, la sécurité augmente avec le temps, car la pression initiale à laquelle il est soumis se dissipe progressivement et le CO2 se dissout graduellement dans l'eau, et par conséquent, il a tendance à descendre au lieu de remonter.
    Un fait important à signaler au sujet de cette technologie est que, contrairement aux autres technologies de stockage souterrain, la nature est généralement votre alliée et qu'à mesure que le temps passe, le degré de sécurité augmente au lieu de diminuer. Ça ne veut pas dire que si on le faisait à l'échelle mondiale, il ne se produirait aucun accident; il s'en produirait certainement.
    Merci beaucoup.
    Nous accordons maintenant la parole à M. Watson, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins d'être venus aujourd'hui.
    Je pense que vous avez répondu à la plupart de mes questions dans le cadre des exposés et des discussions. Il y a toutefois deux ou trois commentaires que j'ai entendus dans les exposés sur lesquels j'aimerais pousser un peu plus loin mes investigations.
    Monsieur Lewin, je pense que c'est vous qui avez signalé qu'un pourcentage important de l'infrastructure de production électrique du pays serait mis hors service d'ici 2020. Quel pourcentage de nos installations estimez-vous que cela pourrait représenter? J'aimerais tout simplement avoir une idée du nombre ou de la proportion des centrales qui doivent être remplacées et du coût potentiel de remplacement. Qu'est-ce que cela pourrait représenter comme investissement en capital?
    En ce qui concerne la mise hors service d'une vieille centrale, il s'agit en fait de centrales thermiques également, et en particulier de centrales alimentées au charbon. Environ 20 p. 100 de ces centrales devraient être mises hors service vers 2020. La situation diffère d'une région à l'autre du Canada. Cela dépend de l'âge des centrales. C'est toutefois à peu près de cet ordre. Nous estimons que notre industrie devra réinvestir des milliards de dollars pour remplacer ce stock de capital.
    Il s'agira, bien entendu, de remplacer ce stock de capital par la meilleure technologie disponible. C'est une des raisons pour lesquelles notre industrie et notre société considèrent la gazéification intégrée à cycle combiné comme la prochaine technologie, y inclus le captage du carbone; il ne s'agit pas d'installations prêtes pour le captage, mais de systèmes de captage intégrés. J'aimerais revenir en 2009 pour vous mettre au courant des résultats des technologies sur lesquelles repose ce projet et des probabilités qu'il soit alors réalisé. C'est pourquoi nous sommes tout disposés à participer avec ICON à la question du captage et du stockage du carbone sinon, la gazéification intégrée à cycle combiné est moins efficace.
    Je voudrais parler de ce qu'on peut faire à court terme.
    Monsieur Keith, vous avez dit que le Protocole de Kyoto était en quelque sorte un obstacle, ou qu'il était une entrave à la réflexion sur un changement à long terme. Un dialogue politique est en cours sur la nécessité d'atteindre l'objectif de Kyoto en respectant l'échéance. C'est une discussion très sérieuse et elle pourrait aboutir à une disposition législative dans le contexte du projet de loi C-30, à l'étape de présentation des amendements. On ne peut pas ignorer complètement cette réalité.
    Par conséquent, je voudrais examiner la question à court terme. Monsieur Lazar, je pense que c'est vous qui avez signalé que ce qui était absolument essentiel, c'était de transformer profondément notre façon de procéder en affaires. Il faut toutefois des capitaux considérables pour réoutiller l'industrie alors que les capitaux se font rares actuellement dans le secteur manufacturier. J'aimerais qu'on fasse des commentaires sur ce qui pourrait se passer à court terme, c'est-à-dire au cours des trois, quatre ou cinq prochaines années. Si nous optons par exemple pour l'achat de crédits, ne craint-on pas un exode de capital alors qu'il faudrait l'investir au Canada pour un changement fondamental? Cela n'inclurait peut-être pas les précurseurs, car vous pourriez être en mesure de vendre des crédits, mais je parle du secteur manufacturier en général.
(1050)
    J'aimerais répondre le premier en ce qui concerne le secteur manufacturier.
    L'avantage de respecter le Protocole de Kyoto à titre d'accord international est que cette attitude fait savoir aux autres pays que nous sommes sincères et de bonne foi. Si les autres pays ne réduisent pas leurs émissions, il est inutile de réduire les nôtres. Quant à savoir si nous pouvons respecter les objectifs de Kyoto tels que nous les avons négociés, je pense qu'on est généralement d'accord là-dessus. La seule possibilité de les respecter consistera à acheter des crédits compensatoires à l'étranger. L'avantage de l'achat de crédits compensatoires à l'étranger est que l'on obtiendrait certaines réductions des émissions libérées dans l'environnement, et c'est, bien entendu, un enjeu planétaire. Cela accélérerait l'adoption de technologies préférables sur le plan environnemental dans les pays en développement.
    L'inconvénient est que le Canada n'en tirerait aucun avantage simultané. Quand on réduit les émissions au Canada, on réduit également la pollution atmosphérique et on accroît l'efficience. Dans notre industrie, nous réduisons les quantités déversées dans les dépotoirs. Par conséquent, il est raisonnable de maximiser nos efforts au Canada, non seulement en raison de l'impact sur le changement climatique, mais aussi parce que les Canadiens profiteraient de tous les avantages associés à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, à savoir un air plus salubre, des dépotoirs moins saturés, une efficience accrue, et une diminution de la pollution de l'eau. C'est tout un ensemble.
    Si l'on songe en termes de durabilité de la volonté politique de régler ce problème, il faut accepter le fait que le Canada produit moins de 2 p. 100 des émissions alors qu'il est très touché par les impacts du changement climatique. Par conséquent, il est raisonnable de vouloir offrir aux Canadiens les avantages secondaires immédiats tout en faisant notre contribution à l'échelle planétaire.
    Ce qui est absolument essentiel, c'est que nous agissions et qu'on voie que nous agissons, que nous faisons partie du processus de la Convention-cadre; cela incitera d'autres pays à nous écouter et probablement à agir.
    Je suis heureux de voir partir certains crédits internationaux, mais je pense que si nous voulions nous conformer au pied de la lettre au Protocole de Kyoto, cela représenterait probablement davantage de crédits qu'il ne serait souhaitable, car ils nous empêcheraient, pour les raisons que vous venez d'entendre, de profiter des avantages concrets de la réduction des gaz à effet de serre.
    C'est le dernier commentaire, monsieur Keith.
    Merci beaucoup. C'était un bon commentaire final.
    Je remercie les témoins d'avoir accepté notre invitation et de nous avoir fait profiter de leurs compétences et de leurs connaissances. C'était très instructif et très utile.
    Nous avons encore quelques petites questions relatives aux travaux du comité à régler. Nous y consacrerons donc quelques minutes. Merci encore une fois. Nous apprécions votre participation, et je suis sûr que nous vous reverrons.
    Nous nous occupons maintenant de ces petites questions. La première est une nouvelle que vous attendez certainement avec impatience: notre budget a été approuvé. C'est donc chose réglée.
    Nous avons maintenant une motion à examiner. J'aimerais que les membres regagnent leur place.
    Monsieur Cullen, pourriez-vous lire la motion?
    Pourriez-vous être attentifs, monsieur Jean et monsieur McGuinty?
    Il faut leur laisser le temps de bavarder, monsieur le président, étant donné qu'ils ne se sont plus serré la main depuis longtemps.
    Je sais, ce fut épouvantable.
    Oui, ce fut épouvantable. Je sais que M. Jean aime ça.
    Pour reprendre le dernier commentaire de M. Keith, que nous avons d'ailleurs entendu dans de nombreux témoignages, c'est le moment de passer à l'action.
    J'aimerais que les témoins aillent discuter à l'extérieur.
    Je connais de meilleurs endroits pour discuter.
    Je pensais que c'était à cela que servait le salon de réception, mais c'est très bien.
    Je lis la motion que vous avez sous les yeux, en donnant quelques brèves explications.
Que le Comité chargé de l'étude du projet de loi C-30 se réunisse au besoin durant la période de relâche parlementaire, entre le 3 et le 18 mars 2007, afin d'étudier le projet de loi article par article et de faire rapport à la Chambre d'ici le 19 mars 2007, au plus tard.
    La raison — si je peux faire quelques commentaires sur la motion, monsieur le président — est que c'est aujourd'hui la 16e séance. Il nous en reste deux, si je ne me trompe. Il faut préparer les amendements que les témoins nous ont réclamés au cours des dernières semaines, et il n'y a rien qui attire plus l'attention qu'une bonne pendaison, comme on disait autrefois.
(1055)
    À long terme.
    Pas du tout.
    En ce qui concerne l'environnement, je ne pense pas être celui qui soit envoyé à la potence.
    Pour ce qui est de l'urgence de présenter les amendements nécessaires pour apporter les modifications que les témoins nous suggèrent, il faut que ce soit fait immédiatement.
    Comme tous les membres le savent, nous trouvions inacceptable le délai qui avait été accepté par la majorité des membres et nous estimions que cela tombait trop tard et entrait en conflit avec le budget. Nous trouvions que c'était une conjonction défavorable des astres et que cela diluerait les efforts déployés par le comité pour faire son travail.
    J'ai donc présenté cette motion. Je sais que nous avons tous des calendriers chargés. Je suis disposé à adapter mon calendrier pour être ici. Je pense que je suis celui qui vit le plus loin d'ici, mais je suis disposé à m'arranger pour être là afin qu'on puisse avancer et faire un travail sérieux dans le but de présenter des amendements et d'améliorer ce projet de loi truffé de lacunes.
    Bien. Est-ce quelqu'un veut faire des commentaires sur la motion?
    Dans ce cas, nous passerons directement à la mise aux voix.
    Un vote par appel nominal, s'il vous plaît.
    Certainement.
    (La motion est rejetée par 10 voix contre 1.)
    À cet après-midi.
    La séance est levée.