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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité permanent de la justice et des droits de la personne


NUMÉRO 043 
l
1re SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 1er février 2007

[Enregistrement électronique]

(0900)

[Traduction]

    La séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est ouverte.
    Comme cela est mentionné sur l'ordre du jour, nous poursuivons, ce 1er février 2007, notre étude sur les gangs de rue. Mesdames et messieurs les membres du comité, nous accueillons aujourd'hui plusieurs membres de la GRC, ainsi que M. Larry Butler, du Service de police de Vancouver. Jamie Graham, chef du Service de police de Vancouver, est également ici aujourd'hui.
    Messieurs, je vous souhaite la bienvenue au comité.
    Nous allons je crois passer directement à vos déclarations, en suivant l'ordre de notre ordre du jour.
    Sous-commissaire Bourduas, je vous invite à commencer.

[Français]

    Bonjour tout le monde. Je suis heureux d'être ici avec vous aujourd'hui. Mon nom est Pierre-Yves Bourduas, je suis sous-commissaire responsable des Services fédéraux et internationaux, ainsi que de la Région du Centre de la Gendarmerie royale du Canada.
    J'ai le plaisir d'être accompagné de l'inspecteur Michel Aubin. L'inspecteur Aubin est la personne responsable d'un dossier important, le dossier Colisée, qui visait et ciblait le crime organisé traditionnel. L'inspecteur Aubin deviendra incessamment notre directeur du crime organisé pour l'ensemble du pays.
    Je vous remercie de me donner l'occasion aujourd'hui de vous parler du crime organisé au Canada et de ce qui s'appelle aussi couramment la Loi sur le crime organisé.

[Traduction]

    Quand il est question de crime organisé, nous savons fort bien que beaucoup de Canadiens ne croient pas qu'il touche leur vie personnelle ni qu'il est présent dans leurs collectivités respectives. Et pourtant. On a tort de croire que le crime organisé ne fait pas de victimes. Il sème autour de lui l'appât du gain, la corruption et la violence; c'est de cette façon que le crime organisé atteint des individus et des collectivités et qu'il mine le tissu même de notre société. C'est pourquoi la détection, la déstabilisation et le démantèlement des organisations criminelles figurent toujours parmi les priorités stratégiques de la GRC. À notre avis, pour pouvoir lutter contre le crime organisé, il est essentiel de disposer de dispositions législatives efficaces et adéquates.
    Quand je parle de dispositions législatives, j'entends ici les modifications apportées au Code criminel et l'ajout des articles 467.11, 467.12, et 467.13. La législation sur le crime organisé est entrée en vigueur avec l'adoption du projet de loi C-95 en 1997 et a été modifiée par le projet de loi C-24 en 2001. Je pense que l'essentiel de notre discussion d'aujourd'hui va effectivement porter sur ces dispositions.
    Je vais prendre quelques minutes pour vous parler brièvement des efforts que nous déployons pour lutter contre le crime organisé, après quoi je vous parlerai de notre expérience avec les modifications apportées au Code criminel en rapport avec le crime organisé.
    La GRC prône une approche à volets multiples pour détecter, prévenir et démanteler le crime organisé: l'éducation, la sensibilisation, la prévention, la répression et finalement, les dispositions législatives efficaces en sont quelques-uns. On a ainsi invoqué les dispositions de l'article 467.1 dans L'opération repaire. Cette enquête menée à partir de Montréal portait sur les activités des Rock Machine, un groupe criminel organisé, et s'est achevée en 1997. En 2001, on a invoqué ces mêmes dispositions dans ce qu'on a appelé L'opération printemps 2001 qui ciblait les activités criminelles des Hells Angels et en particulier de son chef « Mom » Boucher, à Montréal.
    En 2001, l'adoption du projet de loi C-24 a introduit les dispositions actuelles. J'aimerais brièvement expliquer en quoi, du point de vue de la police, ces modifications ont été utiles. Pour lutter efficacement contre des groupes connus du crime organisé, il faut savoir planifier et prioriser, afin d'affecter des ressources limitées là où elles auront le maximum d'effet. C'est pourquoi la GRC aborde ces enquêtes sur les organisations criminelles, d'un bout à l'autre du pays, suivant le modèle de la répression criminelle axée sur les renseignements et elles ciblent les échelons supérieurs de ces organisations criminelles. Il faut savoir que la raison d'être principale de ces organisations est de faciliter et de commettre des actes criminels sur le dos des faibles et des innocents.
    Si l'on veut démanteler une organisation criminelle, il faut être en mesure d'enquêter sur tout ce qui gravite autour. Ainsi, il faut constituer une preuve de fond non seulement contre ceux qui commettent les actes criminels, mais aussi contre toute autre personne qui a sciemment participé ou contribué aux activités de l'organisation criminelle ou qui les a dirigées.
    Pour y arriver, nous devons compter sur une équipe d'enquêteurs. Cette équipe doit pouvoir recourir à différentes techniques d'enquête au moment approprié. Il faut plusieurs années aux organisations criminelles pour se constituer dans toute leur complexité, de même une enquête de cette nature ne peut se boucler du jour au lendemain. Il faut beaucoup de temps pour recueillir la preuve nécessaire et traduire les criminels devant les tribunaux. Dans la plupart des cas, il faut allier l'interception de communications privées (écoute électronique) à d'autres techniques d'enquête comme, par exemple, le recours à des agents d'infiltration. L'interception de communications privées est souvent la seule technique dont dispose la police pour mettre à jour les ordres des chefs d'une organisation criminelle qui font commettre par d'autres des crimes graves pour le bien de l'organisation.
    Afin de préserver l'efficacité de la détection et de la prévention du crime organisé et de favoriser la réussite de nos enquêtes sur des groupes du crime organisé, il est essentiel que nous maintenions toute la souplesse nécessaire à ces enquête, qu'elles puissent être menées sur une période plus longue et prendre de l'ampleur.
(0905)
    Étant donné les exigences en matière d'enquête, la GRC et ses partenaires du monde policier ont constitué plusieurs équipes intégrées partout au pays. Appelées Équipes d'intervention intégrées contre le crime organisé (EIICO) en Alberta, par exemple, et Unités mixtes d'enquête sur le crime organisé (UMECO), ces équipes intégrées ont pour mandat de mener les enquêtes stratégiques sur les activités d'organisations criminelles dans leurs secteurs de compétence respectifs. Elles ne sont pas toutefois les seules à recourir aux dispositions sur le crime organisé pour les besoins de leurs enquêtes.
    À ce stade-ci, si vous le permettez, monsieur le président, j'aimerais parler de façon plus détaillée des articles de loi sur le crime organisé que j'ai déjà mentionnés et qui apportent une aide essentielle à la police.
    Commençons par les dispositions concernant l'interception des communications privées, contenues dans la partie six du Code criminel.
    En raison de la nature très intrusive de cette méthode d'enquête, avant l'entrée en vigueur des modifications relatives au crime organisé, la police devait démontrer au juge que l'interception de communications privées était « nécessaire pour l'enquête » avant que celui-ci l'autorise. Autrement dit, il fallait convaincre le juge que, sur le plan pratique, il n'existait aucune autre méthode d'enquête raisonnable pour enquêter avec succès sur l'activité criminelle en question.
    En 1997, le Parlement a supprimé cette exigence pour les enquêtes sur le crime organisé. De plus, la durée limite d'une telle autorisation pour ce genre d'enquête est passée de 60 jours à un an.
    Le recours à ces dispositions par la police a augmenté de façon constante depuis leur adoption.
    Comme la Cour suprême n'a pas encore déterminé s'il était constitutionnel d'éliminer l'exigence relative à la « nécessité pour l'enquête », certaines provinces continuent de s'assurer que cette exigence est remplie, malgré les modifications apportées au Code criminel.
    De plus, sur une note plus pratique, la police préfère souvent demander une autorisation d'interception des communications privées pour une période de moins d'un an, en raison des circonstances changeantes de ces enquêtes et de la nécessité d'en ajuster les objectifs.
    Pour ce qui est de l'article 467.1, l'ajout des articles 467.11, 467.12, et 467.13 est important pour la police, puisqu'ils nous permettent d'enquêter non seulement sur les personnes qui occupent divers rôles dans une organisation criminelle, mais aussi sur ceux qui ne sont pas membres proprement dit de l'organisation, mais qui appuient les activités de l'organisation criminelle en question et celles des organisations criminelles visées par les enquêtes.
    Plus précisément, l'article 467.11 nous permet de cibler les personnes qui agissent dans le but de renforcer la capacité de l'organisation de commettre des actes criminels. Essentiellement, cet article vise la participation ou la contribution d'une personne qui, par acte ou par omission, appuie sciemment les activités d'une organisation criminelle. Il peut s'agir d'individus qui, en toute connaissance de cause, communiquent des renseignements utiles aux activités d'une organisation criminelle ou obtiennent ou transportent du matériel destiné à faciliter des activités criminelles, et d'individus qui blanchissent de l'argent pour une organisation criminelle.
    Dans la majorité des cas, les enquêteurs sur les produits de la criminalité se joignent à l'enquête lorsqu'on tente de déterminer les méthodes de blanchiment utilisées.
    En résumé, cet article nous permet entre autres d'enquêter sur ceux qui aident les organisations criminelles à dissimuler leurs profits mal acquis, et de porter des accusations contre ces individus.
    De même, l'article 467.12 vise les infractions commises au profit d'une organisation criminelle.
(0910)
    Aux termes de cet article, il n'est pas nécessaire que l'accusé soit un membre proprement dit de l'organisation. Les personnes visées sont celles qui commettent les divers actes criminels dont l'organisation tire profit comme, par exemple, l'importation ou l'exportation de drogues, l'extorsion, les incendies criminelles, les enlèvements, les actes de violence, les infractions liées au jeu et le recyclage d'argent.
    Enfin, l'article 467.13 cible les personnes qui font partie d'une organisation criminelle et qui chargent sciemment un autre intervenant de commettre une infraction au profit de l'organisation. Par exemple, l'affaire Mom Boucher et L'opération printemps 2001.
    Souvent, après avoir gravi les échelons jusqu'au sommet, les dirigeants d'une organisation criminelle ne participent plus de façon directe à la perpétration d'actes criminels. Avant la modification du code, cette réalité entravait la capacité de la police d'enquêter sur des individus qui faisaient commettre des actes criminels par d'autres et qui en tiraient un avantage direct dans bien des cas. Les nouvelles dispositions permettent aux enquêteurs de porter des accusations contre les têtes dirigeantes d'une organisation criminelle, et leur application donne déjà des résultats positifs.
    Au fil des ans, des accusations pénales ont été portées dans un certain nombre d'affaires, aux termes de l'article 467.1 du Code. Tout récemment, le « Projet Colisée », une enquête récente et complexe, a ciblé les dirigeants d'un groupe du crime organisé au Québec. À la suite d'une descente à grande échelle qui s'est soldée par plus de 90 arrestations, les chefs de l'organisation criminelle ont fait l'objet d'accusations aux termes de l'article 467.13 de la loi. C'est l'affaire qui ciblait l'organisation Rizzuto, une organisation bien connue. Et je dois admettre que, pendant les quelque 32 ans que j'ai passés dans cette organisation, nous avons pratiquement surveillé constamment l'organisation Rizzuto. C'est donc une opération tout à fait remarquable et je suis sûr que l'inspecteur Aubin sera très heureux de répondre à vos questions.
    Depuis 2002, plusieurs enquêtes tant provinciales que fédérales ont ciblé les activités d'organisations criminelles. Plus précisément, des accusations criminelles ont été portées aux termes des articles 467.11, 467.12 et 467.13 et des condamnations ont été obtenues. Fait intéressant, les services de police et les procureurs de la Couronne du Québec ont fait office de pionniers dans l'application de ces dispositions. De toute évidence, nous avons réalisé d'importants progrès, mais il reste encore du pain sur la planche.
(0915)

[Français]

    Les enquêtes de grande envergure sur le crime organisé ont démontré l'utilité et l'efficacité d'une stratégie alliant les dispositions législatives nécessaires et l'intégration des ressources nationales et internationales.
    Au fur et à mesure que les organisations criminelles évoluent, elles créent de nouvelles difficultés pour les organismes d'application de la loi et leurs partenaires. Je crois plus fermement que jamais qu'il est possible de démanteler ou de perturber efficacement ces groupes en misant à la fois sur les bonnes dispositions législatives et sur une stratégie intégrée et axée sur le renseignement.
    Ce genre de dialogue entre les décideurs et les organismes d'application de la loi doit continuer de faire partie intégrante de notre priorité commune, c'est-à-dire la lutte contre tous les aspects du crime organisé. Il me fera plaisir d'explorer avec vous d'autres recommandations et de répondre à vos questions.
    Je vous remercie de votre attention.

[Traduction]

    Merci, sous-commissaire Bourduas.
    Merci, monsieur Hanger. Je crois que nous nous sommes rencontrés, il y a bien longtemps — vous ne vous en souvenez pas — c'était il y a 30 ans, en Alberta.
    C'est un plaisir pour moi de vous présenter le sergent Larry Butler, et j'utiliserai ensuite le temps de parole qui restera quand Larry aura terminé.
    Larry est membre du service de police de Vancouver depuis 27 ans. Il est responsable de notre unité de lutte contre la bande de motards Outlaw et de notre unité de lutte contre la criminalité des gangs de rue. Il s'occupe de renseignements criminels depuis 12 ans et sa qualité d'expert a été reconnue par au moins deux niveaux de tribunaux lorsqu'il s'agit de témoigner au sujet des bandes de motards, les Hells Angels et les Outlaw. Vous avez donc là une occasion unique de le... Je n'aime pas le mot « cuisiner » mais de lui poser des questions qui vous paraissent appropriées et il vous donnera le point de vue d'un homme de terrain sur ce dont nous nous occupons.
    Pour vous donner le contexte, je vous dirais que nous représentons le Service de police de Vancouver. Nous nous occupons uniquement de la ville de Vancouver. Nous avons 1 200 agents et nous surveillons les 44 milles carrés de Vancouver. C'est une des communautés les plus petites et les plus densément peuplées du Canada. Un peu comme Montréal, nous sommes ce que nous appelons un « centre urbain », où les délinquants des villes voisines viennent travailler et profiter de nos quartiers de divertissement tard le soir, ce qui fait qu'à certains moments, notre population augmente considérablement.
    Je n'en dirai pas plus, sergent Butler.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vais vous parler aujourd'hui plus précisément des services de police de cette ville et des aspects concrets de la lutte contre le crime organisé, en insistant particulièrement sur les armes à feu.
    Pour ce qui est des gangs de rue qui se trouvent dans le secteur de Vancouver, on constate que c'est un secteur dans lequel il y a beaucoup de gangs, parmi lesquels il y a des organisations criminelles internationales très structurées comme les Hells Angels, et des gangs moins connus comme les triades asiatiques, les groupes indo-canadiens et perses, entre autres.
    Il y a un peu plus d'une centaine de Hells Angels dans la région du Grand Vancouver. Les autres gangs peuvent avoir un peu moins de 100 membres ou plusieurs centaines de membres. Les conflits au sujet des réseaux de distribution de la drogue se multiplient, ainsi que les luttes de territoire; il y a même des affrontements dans la rue entre des membres de gangs qui cherche uniquement à se faire respecter. La violence augmente de plus en plus. Je n'ai jamais vu dans toute ma carrière ce que nous constatons aujourd'hui dans la ville de Vancouver. Le commerce des drogues illicites par ces organisations criminelles a eu pour effet d'aggraver considérablement la violence. Il y a régulièrement des fusillades. Dans la vile de Vancouver, il est courant aujourd'hui de voir dans une discothèque, la fin de semaine, des gangsters qui portent des vestes pare-balles. Même les videurs et le personnel des discothèques ont commencé à porter des gilets pare-balle lorsqu'ils travaillent, à cause des coups de feu qui se tirent n'importe comment dans la rue et des fusillades qui ont eu lieu dans la ville de Vancouver. Nous nous intéressons particulièrement, du point de vue d'une ville et de la situation sur le terrain, aux nouvelles dispositions concernant les armes à feu.
    Je vais vous décrire quelques fusillades qui se sont produites récemment à Vancouver pour que vous compreniez bien ce qui se passe dans cette ville. Il y a une discothèque de Vancouver qui s'appelle le Loft Six, une discothèque très occupée du centre-ville, qui était remplie ce soir-là, vers deux ou trois heures du matin. Une dispute a commencé entre des Hells Angels et des membres d'un gang d'Indiens. Cette nuit-là, ces deux gangs se sont tirés dessus. Neuf personnes ont été atteintes, dont six étaient innocentes. Trois personnes ont été tuées et une a été paralysée pour le restant de ses jours. Une des personnes tuées et la personne paralysée étaient des personnes innocentes qui ont été prises entre deux feux. Trois armes de poing ont été utilisées. Nous avons récupéré deux armes de poing dont aucune n'avait été utilisée pendant la fusillade, ce qui veut dire qu'il y avait au moins cinq armes à feu dans cette discothèque ce soir-là. Il y a lieu de noter, que les trois personnes soupçonnées d'avoir utilisé des armes à feu ce soir-là, ont été tuées par la suite au cours d'autres fusillades. Ces incidents se multiplient.
    Purple Onion est une autre discothèque de Vancouver, qui est située à proximité du Loft Six. Là encore, c'est une discothèque très populaire qui affiche habituellement complet. Des membres d'un gang asiatique se sont disputés devant la discothèque. Un pistolet a été brandi et une jeune femme s'est interposée entre les combattants pour essayer de mettre fin à cette dispute. Elle a finalement été tuée. Cette nuit-là, une seule arme a été utilisée. Sept personnes ont été atteintes, dont trois personnes innocentes, et deux personnes ont été tuées.
    L'exemple le plus récent s'est produit dans la région du Grand Vancouver, dans ce que j'appellerais un parc urbain entouré de logements multifamiliaux, de condominiums, notamment. C'était un conflit mettant aux prises des gangs persiques et la fusillade avait manifestement été préparée. Cette nuit-là, de nombreuses armes à feu ont été utilisées, y compris des fusils d'assaut et des armes de poing. On a tiré près de 150 coups de feu ce soir-là. Trois personnes ont été atteintes et blessées. La plupart des coups de feu tirés ont touchés les maisons voisines, des balles ont traversé certains logements, à cause de la puissance de feu de ces armes d'assaut. Une balle a manqué de peu un bébé dans son berceau.
    Je ne saurais trop insister sur l'importance de la puissance de feu qui est utilisée à Vancouver. Je ne suis pas sûr que l'on sache vraiment ici, par les médias notamment, ce qui se passe là-bas. Nous avons saisi en Colombie-Britannique, l'année dernière plus de 2 300 armes à feu. Près de 80 p. 100 des fusillades ont eu lieu dans des endroits publics, elles ont entraîné des pertes de vie, celles d'innocents et de passants. Il n'y a pas que les gangsters. Il semble que les gangsters ne tirent pas très bien. Comme je l'ai dit, dans le Dover Park, ils ont tiré 150 coups de feu mais personne n'a été tué; trois personnes ont été blessées. Il existe donc une puissance de feu incroyable sur la côte ouest du Canada.
(0920)
    Pour ce qui est des dispositions législatives concernant le crime organisé, je pense que le sous-commissaire Bourduas a très clairement exposé la situation. Nous sommes d'accord avec lui sur tout ce qu'il a dit. Comme membre d'un service de police municipal, je peux vous dire que nous n'avons pas le personnel ni le budget pour effectuer ce genre d'enquêtes longues et complexes. En Colombie-Britannique, nous avons adopté le modèle intégré dont il a été parlé. Une de ces enquêtes visait le chapitre du quartier est des Hells Angels, le projet EPANDORA. Ce projet regroupait la Gendarmerie royale du Canada, le Service de police de Vancouver et l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé.
    L'enquête a duré près de deux ans. À la fin de l'enquête, nous avons saisi ce que je qualifierais de trésor de guerre du chapitre du secteur est des Hells Angels, qui comprenait de la dynamite, des détonateurs, des grenades, des armes automatiques, des silencieux et des armes de poing. Avec la collaboration du ministère de la Justice et des procureurs de la Couronne régionaux, nous avons utilisé toutes les dispositions relatives au crime organisé. Dans cette seule enquête, nous avons porté 39 accusations de gangstérisme, concernant le fait de faciliter les activités criminelles, d'y participer ou de les ordonner. Ce sont des dispositions très utiles. Vraiment utiles. Mais comme je le dis, du point de vue du policier qui travaille dans la rue, ce sont les armes à feu qui nous inquiètent beaucoup.
    Au sujet du projet de loi C-10, le projet de loi sur les armes à feu, nous sommes très optimistes pour ce qui est des peines minimales obligatoires proposées. Je sais qu'on a fait toutes sortes d'études en Amérique du Nord au sujet de l'augmentation de la durée des peines d'emprisonnement. Est-ce vraiment efficace? Je dirais que les études vont dans les deux sens. Je sais que du point de vue du patrouilleur et de la sécurité de la population, si vous mettez en prison les gars qui commettent ce genre de crime pendant trois ans pour une première infraction et pendant cinq ans pour une seconde infraction, eh bien ces gars-là ne pourront pas tirer sur les gens pendant un certain temps.
    Je crois que les dispositions auront également un effet dissuasif très important sur les jeunes qui examinent ce que font les gangs et se demandent s'ils vont choisir ce genre de vie. Si un de leurs frères est envoyé en prison pour trois ou cinq ans, je crois que cela influencera beaucoup leur façon de réfléchir à la situation.
    Là encore, du point de vue du patrouilleur, j'aimerais proposer ou parler d'un outil que les policiers utilisent fréquemment et c'est le droit de fouiller un individu lorsque le policier peut invoquer un motif précis justifiant la fouille, un motif fondé sur la nécessité d'assurer la sécurité de l'individu et du policier concerné.
    La notion de motif précis découle des pouvoirs de fouille qu'accorde la common law à un policier et est principalement fondée sur la jurisprudence. Le critère qui permet de fouiller un individu en se fondant sur un motif précis est celui du soupçon raisonnable, un critère sensiblement moins strict que celui des motifs probables et raisonnables, défini par le Code criminel du Canada. Cette notion respecte la Charte canadienne des droits et liberté. Elle est toutefois vulnérable, parce qu'elle repose sur la jurisprudence et non pas sur une disposition législative.
    Comme nous le savons, il arrive que la jurisprudence évolue très rapidement et qu'elle ait un effet général sur l'ensemble du système judiciaire canadien. Il serait intéressant et très utile que le législateur adopte une disposition qui énonce que la protection de la société doit l'emporter sur les droits des individus. Cela pourrait se faire en assouplissant le critère qui permet de fouiller légalement une personne dont les activités criminelles sont notoires ainsi que les objets qui l'entourent, comme une automobile, pour rechercher une arme à feu ou une arme dangereuse pour la paix publique, en substituant aux « motifs raisonnables et probables » le « soupçon raisonnable ».
    Le soupçon raisonnable pourrait être fondé sur de nombreux facteurs, notamment les antécédents de l'individu en matière d'actes de violence; sa participation aux activités d'un gang, le lieu de l'intervention, les preuves d'association avec d'autres criminels violents ou membres de gang, les actes posés par l'individu au moment de l'intervention, et d'autres renseignements pertinents. Pour illustrer cette notion, je vais vous parler d'un des modèles d'application de la loi qu'utilise la ville de Vancouver. Les vendredis et les samedis soir, nous formons ce que nous appelons une équipe de confiscation des armes à feu à cause du nombre de fusillades et des armes à feu qui se trouvent actuellement à Vancouver. En fait, ce sont des membres des équipes d'intervention et des escouades de lutte contre les gangs qui se mettent à la recherche de gangsters, et qui essaient de confisquer des armes à feu.
(0925)
    Un de nos meilleurs outils dans ce domaine est la notion de motif précis, qui nous permet, dans le cadre d'une enquête ou d'une détention légale, fondée sur une infraction au code de la route ou quelque chose du genre, de fouiller la personne en question et son véhicule. Comme je le dis, c'est un outil précieux mais il est principalement fondé sur la jurisprudence et pourrait donc être supprimé n'importe quand, ce qui nuirait au travail des policiers au Canada.
    Il serait très utile de codifier cette notion et de nous permettre de ne pas invoquer au départ un motif fondé sur une loi, comme le Code de la route, pour effectuer une fouille en respectant les lois du Canada. Il serait très utile, une fois que nous avons identifié une personne comme étant un gangster notoire, comme une personne qui probablement porte une arme ou en a une dans son véhicule, de pouvoir alors fouiller cette personne et son véhicule à la recherche d'armes à feu. C'est ce que nous essayons de faire: nous emparer de ces armes pour qu'elles ne tuent pas des innocents.
    Pour ce qui est des Hells Angels et des effets des dispositions relatives au gangstérisme sur ces organisations criminelles, je dirais qu'à Vancouver, dans la région du Grand Vancouver, les Hells Angels constituent le seul groupe qui s'intéresse aux dispositions relatives au gang, telles qu'elles se lisent actuellement. Nous savons tous, et je suis sûr que vous le savez tous, qu'ils ont créé un fonds national qu'ils appellent le fonds de défense contre le C-95. Ils versent de l'argent dans ce fonds pour lutter contre les dispositions législatives en vigueur. Chaque membre de cette organisation verse de l'argent dans ce fonds. Ce groupe a estimé que ce projet de loi représentait un danger pour lui et ses membres ont investi de l'argent pour lutter contre cette menace.
    En Colombie-Britannique, les Hells Angels savent comment utiliser les médias. Ils se préoccupent beaucoup de leur image. Ils ont en fait changé le nom du fonds de défense contre le C-95 et ont choisi la West Coast Freedom to Associate Society (la Société de défense de la liberté d'association de la Côte ouest). Cette dénomination est très habile, mais il s'agit en fait d'un fonds qui est utilisé pour lutter contre les dispositions relatives au crime organisé.
    Nous avons constaté dans les procès qu'ont subis nos Hells Angels... La police de Vancouver a fait une enquête qui a permis de déclarer coupables deux membres du chapitre des Nomades, des Hells Angels, de la Colombie-Britannique de complot en vue de faire le trafic de cocaïne, de trafic de cocaïne, de possession de produits de la criminalité. Bien souvent, les Hells Angels ne se préoccupent pas beaucoup de savoir s'ils seront déclarés coupables ou non. Ils sont visés par les dispositions relatives aux gangs. Mais nous avons également constaté que ce qui les préoccupe le plus est de savoir comment nous opérons, qui était l'informateur qui les a dénoncés et ce genre de choses.
    Ils sont également passés maîtres dans l'art de retarder le processus judiciaire. Pour vous donner un exemple, un exemple très bref, de ce qu'ils arrivent à faire dans ce domaine, je vais vous parler d'une affaire où l'enquête a eu lieu en 1996-1997, les arrestations ont été effectuées en 1998, les accusés ont été déclarés coupables devant la Cour suprême du Canada en 2001 et condamnés à quatre ans et demi d'emprisonnement. Ils ont fait appel devant la Cour d'appel de la C.-B. et par la suite, devant la Cour suprême du Canada; ces personnes ont finalement été envoyées en prison pour quatre ans et demi, en novembre 2005. Huit mois plus tard, une de ces personnes a déjà obtenu sa libération conditionnelle pour une peine d'emprisonnement de 55 mois. Le système de justice pénale consacre à ces personnes des quantités phénoménales de temps et d'argent. Et c'était une affaire relativement simple, qui n'avait rien à voir avec une affaire d'organisation criminelle. Je voulais simplement vous donner une idée du genre de bataille que nous livrons contre ces groupes criminels, qui sont passés maîtres dans l'art de retarder le processus judiciaire.
    Pour résumer, j'aimerais simplement vous remercier de nous avoir invités. C'est une excellente occasion pour nous de vous faire connaître notre point de vue. Comme je l'ai dit, j'ai parlé à mes collègues de travail, et je voulais présenter au comité le point de vue des patrouilleurs, par opposition à celui des équipes d'enquête sur le crime organisé, parce que je savais que nos collègues qui sont ici vous parleraient de cet aspect, et que j'estimais qu'il était important de vous donner le point de vue des patrouilleurs. Je sais que toutes les grandes villes du Canada font face à des problèmes semblables pour ce qui est des armes à feu.
    Je vous remercie.
(0930)
    Merci, sergent Butler et chef Graham. Voilà une intervention fort utile.
    Merci, monsieur le président.
    Vouliez-vous ajouter brièvement quelque chose?
    Oui, j'aimerais faire quelques remarques. Larry a parlé de la plupart des questions que je voulais aborder.
    Vous allez étudier les aspects particuliers du projet de loi C-10, et je dois vous mentionner que certains de mes collègues m'ont demandé de vous parler d'un aspect particulier. Nous sommes tout à fait en faveur des dispositions relatives aux peines minimales et maximales. Je pense que c'est trois... à mesure que cela progresse. Je ne pourrais trop insister sur le fait que nous sommes très en faveur de ces dispositions, tout comme le sont certainement tous les autres policiers à qui je parle au niveau national.
    Je ne suis pas avocat et je ne vais pas essayer de formuler une expression qui serait ajoutée à ce projet de loi, mais chaque fois que vous préparez une disposition législative concernant les armes à feu, nous vous demandons simplement d'ajouter les mots « imitation » et « réplique » dans ces dispositions. Cela veut dire que chaque fois que vous parlez d'ordonnance ou d'ordonnance d'interdiction ou de sanction relative à une arme à feu, il faut toujours ajouter les mots « imitation ou réplique » tout de suite après.
    C'est à cause des chiffres qui sont impressionnants. L'année dernière, à Vancouver, nous avons, je crois, confisqué 250 armes à feu. Pour ce qui est des armes à plomb ou des imitations ou répliques d'arme, nous en avons saisi dix fois plus. Il est impossible de les différencier. Vous avez vu tout cela à la télévision.
    Bien souvent, les ordonnances d'interdiction que prononcent les tribunaux ont pour effet d'interdire à l'accusé de se trouver en possession d'armes à feu, de munitions ou d'explosifs pendant dix ans, mais ces ordonnances ne mentionnent pas les répliques et les imitations d'armes. Il serait extrêmement utile aux policiers d'obtenir que ces types d'armes soient interdits. Nous essayons de le faire au niveau local, mais il serait très utile que cette interdiction soit associée à la sanction et non pas à une ordonnance de probation.
    Une disposition relative aux imitations d'arme... Je ne voudrais pas trop m'appesantir sur ce sujet. Au Canada, la possession d'une imitation d'arme dans un but dangereux pour la paix publique constitue une infraction. Le problème vient du fait qu'il s'agit là d'un critère très restrictif et qu'il est très difficile de l'établir. C'est pourquoi nous aimerions presque voir un renversement du fardeau de la preuve. La personne qui se trouve dans des circonstances suspectes en possession d'une réplique d'arme serait tenue, avec le renversement du fardeau de la preuve, d'expliquer pourquoi elle possède cette armée. Cela nous permettrait d'intervenir auprès des étudiants du secondaire qui ont un pistolet à plomb dans leur voiture et qui ne sont pas du tout dangereux et aussi auprès des vendeurs de drogue de Vancouver qui lèvent leur chemise pour menacer les acheteurs en leur montrant rapidement une imitation d'arme.
    À Vancouver, nous sommes les champions — et je n'en suis pas fier — pour ce qui est des cambriolages de banque. Je crois qu'il y en a trois fois plus à Vancouver qu'à Toronto et la plupart de ces cambriolages sont le fait de criminels qui agissent seuls et utilisent une imitation d'arme.
    Dans le projet de loi C-10, les articles 17 à 24 contiennent une liste d'infractions, une série d'infractions. Je vous demande simplement d'envisager d'ajouter aux infractions qui sont déjà énumérées, l'introduction par effraction dans le but de commettre... Cela ressemble à la bonne vieille introduction par effraction dans une maison d'habitation. Mais ce n'est pas le cas. Il s'agit de l'introduction par effraction dans le but de commettre un acte criminel qui nous permettrait de réprimer les intrusions dans les logements. Il faudrait également ajouter le complot. Toute personne accusée de complot serait visée par les mêmes...
    Ce sont là simplement des dispositions supplémentaires qui seraient, à notre avis, utiles. Je suis sûr que les avocats du comité pourraient vous aider à formuler ces dispositions.
    Il y a également une disposition qui parle du transfert des permis de port d'arme. Nous voudrions que le projet de loi contienne une disposition qui oblige le détenteur d'un permis de port d'arme à apposer l'empreinte de son pouce sur le permis. De cette façon, le patrouilleur pourrait rapidement examiner l'empreinte du pouce de la personne contrôlée et la comparer à celle qui figure sur son permis. À l'oeil nu, il est possible de savoir s'il s'agit de la même personne. Il y a également une solution TI qui permet de le faire avec les cartes plastifiées.
    J'ai lu avec beaucoup d'intérêt l'exposé de l'Association du barreau canadien... et il y a eu quelques groupes religieux qui ont comparu devant le comité. Excellents exposés. Je ne souscris pas à certaines choses qu'ils ont dites. Leurs données statistiques étaient fausses dans certains domaines. Les crimes violents ont augmenté de six pour cent à Vancouver et n'ont pas diminué. Vancouver est, comme je l'ai dit, la capitale des cambriolages de banque. Nous saisissons des centaines d'armes à feu chargées chaque année.
    Je suis très fier de pouvoir dire que l'année prochaine, j'aurai travaillé quarante ans dans la police. J'ai travaillé de nombreuses années avec la GRC, et mes collègues ainsi que Pierre-Yves et moi faisons partie d'un certain nombre de comités au palier national. D'après ce que j'ai entendu jusqu'ici, le comité nous accorde son appui, ce qui est très positif.
    Je vais terminer en parlant d'un aspect plus général. Nous admettons que dans le monde des contrevenants, le meilleur facteur dissuasif consiste à faire comprendre au contrevenant qu'il sera probablement arrêté. C'est l'élément dissuasif le plus puissant. C'est la stratégie de prévention à laquelle nous accordons la plus grande priorité. Si deux contrevenants projettent de commettre un crime et savent qu'ils risquent d'être pris, ils ne commettront pas le crime. Ils ne le feront pas. Ils iront ailleurs. La crainte d'être envoyé en prison n'est pas un élément dissuasif très fort, mais je peux vous dire, qu'elle a néanmoins un effet important.
    Nous n'aimons pas particulièrement envoyer davantage de condamnés purger des peines plus longues, mais comme Larry l'a fait remarquer, lorsque ces personnes sont en prison, elles ne font plus de mal à qui que ce soit, et on ne saurait trop insister sur l'importance de cet aspect.
(0935)
    Il y a 1 200 policiers à Vancouver et nous avons six équipes de surveillance à temps plein — à temps plein. Quatre d'entre elles sont des équipes d'intervention et deux des équipes de patrouilleurs. À l'heure actuelle, au lieu d'effectuer des enquêtes générales, nous utilisons ce que nous appelons des « programmes pour les multirécidivistes ». Nous utilisons différentes méthodes pour identifier les multirécidivistes.
    Nous définissions le multirécidiviste de la façon suivante: c'est un délinquant qui, en un an, a commis 12 crimes ou plus ayant donné lieu à une arrestation — c'est alors un multirécidiviste. Il y a environ 80 délinquants qui font partie de cette catégorie et nous les ciblons; nous les arrêtons l'un après l'autre. Lorsque nous sommes arrivés à la fin de la liste, nous recommençons au début et nous continuons à les arrêter. Nous avions commencé par définir le multirécidiviste comme celui qui avait commis cinq actes criminels en un an, mais il y en avait 800 dans cette catégorie à Vancouver. Ce groupe était trop nombreux et nous avons simplement modifié nos critères et augmenté les chiffres. Cela vous donne une idée du nombre des contrevenants dont nous nous occupons et de celui des actes de violence.
    Quoi qu'il en soit, je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de m'adresser à vous. J'aimerais beaucoup répondre à vos questions.
    Nous apprécions beaucoup l'appui que vous nous accordez.
    Merci, chef Graham. Voilà une information très intéressante.
    Nous avons un autre témoin, M. Robert Gordon, professeur et directeur de l'École de criminologie de l'Université Simon Fraser.
    Merci d'être venu, monsieur.
    Merci, et je vous demande d'excuser mon retard. J'ai eu un peu de mal à passer le contrôle de sécurité.
    Oui, ce n'est pas toujours facile.
    Si vous voulez présenter un exposé, vous avez la parole.
    Certainement, merci.
    J'ai fait de la recherche sur les gangs de rue et les organisations criminelles commerciales en C.-B. pendant la dernière grande vague d'activités des gangs de rue, d'environ 1985 à 1993. Cette recherche nous a permis de constater, entre autres choses, que les gangs de rue, du moins en C.-B., exercent toujours leurs activités par vagues depuis environ la fin de la Seconde Guerre mondiale. Bien souvent, les gangs de rue sont associés à ce que j'appelle des organisations criminelles commerciales — bien que certains préfèrent les désigner sous l'expression de groupe criminel organisé. Mais ces organisations criminelles commerciales existent en Colombie-Britannique, dans le secteur du Grand Vancouver, depuis le XIXe siècle. Elles ont été la plupart du temps présentes et elles fournissent les biens et les services illégaux pour lesquels il existe une demande très forte. Parmi ces biens et services illégaux, les plus importants sont, bien sûr, les drogues.
    Les gangs de rue et les organisations criminelles commerciales se recoupent effectivement à certains moments mais il convient de les considérer différemment si l'on veut élaborer des politiques et des dispositions législatives pour lutter contre elles.
    Je signale en passant que cette recherche a été effectuée pour le ministère du Procureur général de la C.-B., et les résultats de cette recherche et les recommandations figurent dans un rapport.
     En bref, nous disons que la lutte contre les gangs de rue doit être fondée sur une stratégie différente, sur une orientation différente des ressources que celles qui sont choisis pour les organisations criminelles commerciales.
    Plus récemment, j'ai également préparé un rapport sur la criminalité et la justice pénale pour le B.C. Progress Board. Le B.C. Progress Board, pour ceux qui ne le connaissent pas bien, est un organisme de réflexion, faute de mots plus précis, créé par le premier ministre Campbell en 1991 et chargé de conseiller le gouvernement de la C.-B. dans divers domaines, notamment économique et social. Le Progress Board a décidé cette année de commander des rapports sur, notamment la criminalité et le système de justice pénale de la C.-B.
    Il m'a été demandé de préciser quelle était l'évolution du taux de criminalité en C.-B. et dans divers centres de la province, quelles étaient les tendances sur dix ans, et surtout, un aspect qui intéresse particulièrement le comité, d'identifier les causes premières de la criminalité dans la province. Pour effectuer cette recherche, nous avons interrogé un grand nombre de personnes d'expérience appartenant au système de justice pénale, à la communauté d'affaires, aux universités, y compris le chef Graham. Un des aspects qui est ressorti — et on a retrouvé ce thème dans l'ensemble de l'échantillon de 40 à 50 personnes à qui nous avons parlé — était que la principale cause de la criminalité en C.-B. était les drogues, le commerce des drogues en particulier, tant du côté de l'offre que de celui de la consommation.
    Bien évidemment, le comité s'intéresse davantage au côté de l'offre. Comme le sergent Butler l'a déjà fait remarquer, du côté de l'offre, une bonne partie de la criminalité est reliée aux conflits que suscite le commerce des drogues, des conflits qui se règlent à coups de feu.
    Il me paraît très utile d'orienter la réflexion sur ces groupes à partir de l'idée qu'il s'agit d'entreprises qui font le commerce de produits, qui se trouvent, à l'heure actuelle, illégaux mais qui sont très profitables parce que ces produits sont très demandés et que l'offre est relativement insuffisante. Ce modèle de l'entreprise commerciale est très utile pour comprendre ce qui se passe et pour ne pas se laisser embarquer par tous les discours que l'on retrouve dans les médias.
(0940)
    Je dois ajouter que je crois pouvoir affirmer que la plupart des policiers qui travaillent dans ce domaine accepteraient cette analyse.
    Comme je l'ai dit, la plupart de ces conflits se règlent à coups de feu, alors que les conflits entre les entreprises conventionnelles et légitimes se règlent en ayant recours aux tribunaux et aux avocats. Il est inévitable que, lorsque des personnes n'arrivent pas à s'entendre, les règlements sont beaucoup plus rapides et beaucoup plus définitifs lorsqu'on utilise des armes à feu. Cela coûte aussi beaucoup moins cher.
    Tous les éléments indiquent que l'importation d'armes à feu est une composante importante du système de paiement dans le commerce de la marijuana dans la C.-B. La province joue un rôle de premier plan dans la production et la distribution de marijuana de très bonne qualité, qui se vend à un bon prix au sud de la frontière et ailleurs. Je devrais immédiatement ajouter que je n'ai pas apporté d'échantillons de ces produits avec moi ce matin.
    L'herbe de la C.-B. est envoyée dans le sud; les armes et les autres produits vont vers le nord. Cela semble donner lieu à un commerce prospère et pratiquement impossible à stopper. Il est paradoxal de constater qu'il s'agit de libre-échange.
    Dans le rapport préparé pour le B.C. Progress Board, nous avons envisagé parmi les solutions susceptibles de remédier à ce problème toute la question de l'offre et de la demande. Nous n'avons pas fait de recommandations précises sur ce point, ce n'était pas notre rôle. Nous avons plutôt renvoyé cette tâche aux politiciens. Une des solutions que nous avons proposée était de s'attaquer au problème urgent que pose l'industrie de la marijuana. Une solution qui permettrait de régler la question du crime organisé en Colombie-Britannique serait de légaliser les drogues, en particulier l'industrie de la marijuana et de faire de la dépendance un problème de santé. Je devrais ajouter que ce produit devrait être imposé.
    Bien sûr, un des gros problèmes que soulève cette solution est qu'elle suscite une forte opposition. Vous n'avez certainement pas besoin que je vous parle davantage de cette opposition. Les services policiers s'opposent également vivement à cette solution, parce qu'ils ont personnellement beaucoup travaillé pour lutter contre ce problème et je les comprends parfaitement.
    Comme le chef Graham le sait, j'ai travaillé dans les services policiers avant d'aller à l'université. Je comprends donc le problème que pose la lutte contre ces groupes, dont les membres sont souvent des individus très peu recommandables. Je ne voudrais pas en avoir comme voisin. Mais il arrive, lorsqu'on lutte contre ces personnes, que l'on s'implique émotivement lorsqu'on essaie de les arrêter et de les poursuive et qu'on perde de vue les dimensions plus larges de ce phénomène.
    Ce n'est pas du tout une critique. C'est une simple constatation parce qu'une des autres solutions que nous avons proposées dans le rapport de ce Progress Board était de lancer une attaque planifiée contre les organisations criminelles commerciales, en particulier en C.-B. Il ne s'agit pas tant de faire la guerre aux drogues. Là encore, cette expression suscite de nombreuses réactions, notamment des critiques qui reprochent à nos voisins du sud d'avoir lamentablement échoués dans ce domaine.
    Je dois avouer que notre façon de concevoir ce problème en C.-B. est un peu limité, parce que le rapport propose de s'attaquer à toutes les organisions criminelles commerciales de la C.-B. pour les chasser de la province. Laissons à d'autres le soin de régler ce problème, ce qui n'est pas se comporter en bon voisin. C'est néanmoins une stratégie qu'il conviendrait d'examiner.
    Lorsque j'ai parlé aux gens de la C.-B. qui s'occupaient d'enquêtes sur le crime organisé, j'ai appris qu'il y avait un grand nombre de groupes criminels organisés dans la province — plus de 100 — qui ne faisaient l'objet d'aucune enquête ou poursuite.
(0945)
    Cette information m'a grandement surpris. C'est un fait officiel, il n'y a rien de secret là. Si vous consultez les diverses sources d'information concernant le crime organisé en C.-B., vous verrez que ces chiffres sont là.
    Lorsque j'ai demandé au responsable des enquêtes en C.-B. comment il expliquait cette situation, il m'a dit que c'était tout simplement une question de ressources. Nous pouvons bien adopter toutes les lois possibles, mais si nous ne consacrons pas de ressources suffisantes pour les appliquer, elles resteront lettre morte. Je suis sûr que les membres du comité sont très sensibles à cet aspect.
    M. Gordon.
(0950)
    Je prends un peu trop de temps, M. Hanger? Excusez-moi.
    Vous êtes... légèrement.
    Je vous invite à présenter maintenant votre conclusion. Si vous avez d'autres éléments d'information à nous communiquer, vous pourrez certainement le faire au moment des questions. Je vous invite donc à conclure...
    Je serais heureux de le faire. Je vais simplement présenter quelques remarques pour terminer.
    Je suis convaincu que la dissuasion, tant générale que spéciale par le biais de la neutralisation, appliquée aux organisations criminelles commerciales donnerait probablement d'excellents résultats et aurait également un effet sur les membres importants des gangs de rue qui sont associés aux organisations criminelles commerciales.
    Les analyses coût-bénéfice ont une grande influence sur les décisions que prennent les organisations criminelles commerciales et ceux qui gravitent autour d'elles. À l'heure actuelle, la situation penche du côté des avantages, et je crois que c'est le cas depuis un certain temps. Il faudrait augmenter sensiblement les coûts associés à ce commerce tout en essayant, parallèlement, de réduire la demande du côté de la consommation.
    Comme le chef Graham l'a dit, et c'est un des aspects les plus important — il faut qu'il y ait une forte probabilité de détection et de capture, combinée à l'imposition de peines sévères, automatiques et rapides, suivie par une perte des biens qui ont été acquis en exerçant une activité commerciale particulière. Ce n'est pas ce qui se passe vraiment et c'est un des principaux points que nous soulevons dans le rapport du B.C. Progress Board.
    Merci.
    Merci, M. Gordon.
    Madame Jennings.

[Français]

    Merci beaucoup de vos présentations. Elles m'ont paru très intéressantes. À la suite des présentations que vous avez faites, ainsi que de celles d'autres témoins que nous avons entendus mardi dernier, j'ai quelques questions à poser.
    Certains de nos témoins ont souligné le manque d'organisation dans le cadre de la lutte contre le crime organisé, le manque de partage des informations, le manque de ressources, le manque de reconnaissance d'expertise entre les différents services, ce qui représente certains obstacles si on veut mener une lutte vraiment efficace. D'autres témoins nous ont suggéré quelques avenues de solution autres que davantage de ressources financières. Un exemple est celui d'un registre national pour la preuve. Ils ont mentionné, tout comme vous, le fait que les Hells Angels ont leur registre spécial où tous les jugements rendus partout au Canada sont immédiatement classés et disponibles, ce qui permet à leurs avocats de mener une défense efficace contre des accusations de gangstérisme.
    Certains témoins ont suggéré qu'on devrait avoir le même outil, qui serait disponible pour tous les corps de police et tous les bureaux des substituts du procureur général partout au Canada. On y rassemblerait le partage d'informations de preuves, les moyens utilisés et les jugements. J'aimerais connaître vos idées à ce sujet.
    Ensuite, il y a la question des ressources. Vous avez dit, monsieur Gordon , comme d'autres, que c'est bien beau d'adopter des lois ou même de rendre sévères les lois existantes, mais si les ressources ne sont pas là, est-ce que les lois existantes sont utilisées à 100 p. 100? C'est une bonne question. En effet, vous êtes en train de dire que vous n'avez pas les ressources financières nécessaires. Donc, les lois qui sont...

[Traduction]

    Allons-nous vraiment utilisé toutes les possibilités qu'offrent les lois actuelles?C'est une question que je voulais vous poser.

[Français]

    Quels sont vos besoins financiers? Si les ressources financières ne vous permettent pas de faire toutes les enquêtes qui devraient normalement être effectuées, c'est-à-dire de les mener à bon escient avec tous les outils nécessaires, devrait-on établir, si cela n'existe pas déjà, un fonds spécial pour la lutte contre le crime organisé? De cette façon, les corps policiers qui s'attaquent à cette question pourraient utiliser l'argent de ce fonds plutôt que dépendre du budget de leur corps policier, qui peut être consacré à d'autres causes.
    Troisièmement, quelles statistiques avez-vous jusqu'à maintenant sur les infractions reliées à la possession et à l'utilisation des armes à feu dans le but de commettre un crime, sur les arrestations, les mises en accusation, les procès, les résultats de ces procès, etc.? On a entendu dire qu'il y avait parfois des transactions pénales et que même si on avait une preuve, on laissait tomber. Par exemple, une personne peut faire une transaction pénale, plaider coupable à une infraction, et sa sentence sera moindre. C'est peut-être pour cette raison également qu'on n'a pas nécessairement toutes les condamnations pour ce genre d'infractions.
    Ma dernière question sera très courte. Vous avez mentionné le projet Colisée. J'ai reçu plusieurs courriels et des appels téléphoniques d'électeurs qui étaient un peu outrés parce qu'on avait associé le nom d'un trésor national et international avec des activités négatives du crime organisé. J'ai déjà envoyé ces commentaires à la commissaire, parce qu'il y a des gens qui étaient outrés de voir le nom « Colisée » rattaché au crime organisé. Que considérez-vous, lors du choix du nom d'une enquête?
(0955)

[Traduction]

    Tout d'abord, sur la question de savoir comment nous choisissons le nom de nos enquêtes, nous utilisons l'alphabet. C'est tout. Tout simplement, si l'enquête vise une certaine région géographique, nous utilisons le V, c'est le projet victoire, le projet Vesuvius, ou autre. Je ne connais pas la référence que vous avez faite...
    Le Colisée.
    Je ne sais pas ce que c'est.

[Français]

    Permettez-moi de répondre à cette question, madame.
    À la GRC, on associe le nom d'un projet avec la première lettre d'une division. Par exemple, dans ce cas-ci, il s'agit de la division C. Donc, à l'échelle nationale, si le nom d'un projet commence par la lettre « C », on sait qu'il tire son origine de la division C de la province de Québec. Si c'était le projet K, on saurait qu'il s'agit de la division K de l'Alberta.
    Au début, le nom du projet était Ciceron. Par la suite...
    Monsieur Bourduas, je dois vous arrêter, car notre temps est limité.
    Le nom qui est donné à l'enquête était ma dernière question. Donc, c'était moins important. Vous pouvez envoyer votre réponse par écrit à la greffière du comité.
    J'en discuterai avec vous par la suite, madame.
    D'accord.
    J'aimerais plutôt entendre vos commentaires sur les premières questions que j'ai posées et permettre aux autres membres du comité de vous entendre.
    C'est parfait, madame.

[Traduction]

    Je vais vous donner le point de vue de la GRC et je suis sûr que Jamie sera très heureux de compléter ma réponse.

[Français]

    En ce qui a trait au registre national des jurisprudences qui s'applique dans certains dossiers du crime organisé, il y a des gens à la GRC qui travaillent pour les services juridiques qui examinent chacune des décisions. Ils font part de leur implication dans les opérations policières, en tenant compte des politiques internes de la GRC. Dans ce contexte, le registre est appliqué à l'intérieur et est disponible aux 16 000 policiers de la GRC qui sont sur le terrain.

[Traduction]

    Jamie, je vous invite à parler de l'ACCP et de son approche, parce que l'ACCP a également préparé des documents qui traitent de l'impact du crime organisée et des décisions judiciaires.
    Jamie, je vous invite à présenter des commentaires à ce sujet, si vous voulez bien le faire.
    Et sur la question de la preuve.
    Je vais répondre à toutes vos questions.
    Le temps passe et il y a d'autres membres du comité qui voudraient poser des questions.
    Permettez-moi de répondre rapidement à votre question au sujet de la communication de l'information. Ne croyez pas ce qu'on vous dit. Nous communiquons l'information chaque fois que cela est approprié. Il n'est jamais arrivé qu'un dossier ne puisse avancer parce que la GRC se refusait à nous dire certaines choses ou parce que nous ne voulions pas leur en parler. Cela est tout à fait faux. Les gens vous disent que c'est le cas. Il y a des rares cas où cela ne se fait pas, mais d'une façon générale... En fait, en Colombie-Britannique, on nous a demandé d'utiliser tous le même système informatique et la GRC l'a fait.
    Deuxièmement, je n'ai jamais entendu parler de ce registre des preuves. Cela soulèverait quelques problèmes pour moi. Nous n'avons pas de problème à réunir les preuves et à les présenter aux tribunaux. Je n'ai pas eu l'occasion dans mes commentaires de dire, qu'un des plus graves problèmes que le comité pourrait régler est celui que posent, ce qu'on appelle, les mandats non exécutables. Si vous commettez un crime au Québec, à Montréal, et qu'un juge délivre un mandat d'arrestation, ce mandat n'est valide que dans un rayon de 100 kilomètres ou à l'intérieur de la province du Québec. Si vous venez à Vancouver et qu'on vous arrête parce que vous avez commis une autre infraction, vous êtes remis en liberté. Vous n'êtes jamais traduit devant les tribunaux des autres provinces. Nous savons que les procureurs généraux s'intéressent à cette question, tant au palier provincial que fédéral. Je sais qu'ils en parlent pour la première fois depuis 30 ans mais je dirais que c'est un des scandales les plus graves qui existent depuis des années — les contrevenants peuvent voyager à leur guise d'un bout à l'autre du pays.
    Pour ce qui est des statistiques relatives au marchandage de plaidoyer, je ne sais pas. Je suis très prudent avant de critiquer ce qui se passe dans la salle d'audience, parce que lorsqu'on ne connaît pas la nature des preuves, on ne sait pas exactement comment les décisions ont été prises. Il est inévitable que lorsque les preuves nous autorisent à accepter un plaidoyer de culpabilité pour une infraction moindre, parce que le dossier n'est pas aussi solide que nous le souhaiterions, et qu'il n'est pas certain d'obtenir une déclaration de culpabilité, alors nous acceptons ce plaidoyer. Il arrive qu'un tiens soit beaucoup mieux que rien. On prend donc parfois ce genre de décisions. S'il y a un marchandage de plaidoyer dans un des dossiers de Larry, et que le dossier est vraiment solide, j'appelle tout de suite le procureur en chef et je fais beaucoup de bruit. Mais cela n'arrive pas très souvent.
(1000)

[Français]

    Pour répondre à votre question, madame, concernant la disponibilité d'un fonds pour des dossiers importants, différents modèles sont adaptés par les bureaux du Service canadien de renseignements criminels, le SCRC. Par exemple, en Ontario, le bureau dispose d'un fonds, et les renseignements fournis permettent aux employés du bureau de prioriser les dossiers qu'ils doivent traiter. Ce même principe est adopté en Alberta, et d'autres provinces sont présentement en train de l'adopter.
    Je me dois de soulever un point. Jamie et moi faisons partie du comité pour la lutte contre le crime organisé de l'association des directeurs de police du Canada, qui est également composé de l'ensemble des corps policiers. Tous les corps policiers au pays ont adopté une stratégie canadienne de lutte contre le crime organisé qui consiste à utiliser l'infrastructure du Service canadien de renseignements criminels dans chaque province.
    Donc, le but ultime est d'examiner l'image de la province, d'identifier des cibles tactiques et d'élaborer des stratégies pour les cibles inaccessibles, de les élever à l'échelle nationale et de faire une présentation à l'exécutif national. Une fois que l'exécutif entérinera la stratégie, les provinces la mettront en application. Cela nous permettra d'identifier clairement le niveau de menace et l'écart qui existe entre ce qu'on peut traiter et le manque d'effectifs.

[Traduction]

    M. Ménard.

[Français]

    Je suis très heureux de vous accueillir ce matin.
    Au Bloc québécois, nous sommes moins convaincus de la nécessité d'avoir des peines minimales obligatoires que de donner les meilleurs moyens d'enquête possible. Nous pensons que les grands dénouements de causes n'ont pas été attribuables à la présence de peines minimales obligatoires, mais au fait qu'on a amélioré les techniques d'enquêtes.
    Je vais vous poser quatre questions courtes et j'apprécierais avoir des réponses précises. Je les adresse, bien sûr, plus particulièrement à M. Bourduas et M. Graham, mais si M. Butler ou M. Gordon veulent y répondre, ils sont aussi les bienvenus.
    Quelle est la différence des moyens d'enquête pour s'attaquer plus particulièrement aux gangs de rue? On revoit présentement la deuxième mesure législative. Le 4 mai prochain, cela fera 10 ans que le projet de loi C-95 a été adopté. Ces lois ont été conçues surtout en lien avec les Hells Angels et les bandes de motards criminels. À l'époque, il y avait 38 bandes de motards au Canada, ce qui constituait une menace pour la collectivité. On a écroué beaucoup de dirigeants des Hells Angels; il y a encore du travail à faire, mais beaucoup d'accusations ont été portées. Aujourd'hui, les gangs de rue sont une nouvelle réalité qui fait rage dans nos communautés.
    Pouvez-vous donner des indications aux membres de ce comité en ce qui a trait aux moyens d'enquête? Quels sont les outils que vous n'avez pas présentement et dont vous avez besoin?
    Deuxièmement, vous avez dit, M. Bourduas, que la filature, l'infiltration et l'écoute électronique sont des moyens très importants. On nous a fait valoir que les mandats d'écoute électronique, qui ont été prolongés d'une année grâce au projet de loi C-95, ne concordaient pas toujours avec les autres types de mandat.
    Avez-vous des recommandations très précises à formuler au comité?
    Troisièmement, au Canada, il n'y a pas plus d'une dizaine de procureurs spécialistes de la question des gangs de rue. La raison pour laquelle on gagne des procès lorsque des gens comparaissent devant les tribunaux, c'est que des procureurs spécialisés acceptent d'investir deux, trois ou quatre ans de leur vie pour devenir des spécialistes.
    Avez-vous des recommandations précises à faire au comité à ce sujet?
    Enfin, croyez-vous qu'il faille amender l'article 467.1 pour référer nommément aux gangs de rue? Personnellement, j'ai tendance à penser que oui, mais nos points de vue sont peut-être différents sur ce sujet.
    J'aimerais d'abord entendre M. Bourduas. Par la suite, je serais heureux d'entendre le chef de police de Vancouver.
(1005)
    La différence est assez notoire pour les gangs de rue. Je dois tout de même spécifier que si on examine la définition criminelle qui a été amendée, c'est-à-dire là où on parle de trois individus impliqués dans une activité criminelle, l'applicabilité de l'article 467.1 serait juste, non seulement en relation avec les activités des Hells Angels, mais aussi avec celle des gangs de rue, puisque la loi nous donne cette flexibilité.
    Pour témoigner de cela, on n'a qu'à lire la récente décision du juge Bonin qui a été prise à Montréal. Le juge s'est référé à cette loi pour reconnaître la culpabilité d'individus impliqués dans des activités de gangs de rue, comme le trafic d'armes à feu, le trafic de stupéfiants et ce genre d'activités. Présentement, on inculpe ces individus en vertu de cette loi.
    Sur 69 des 74 pages, le juge Bonin commente la preuve. Il n'a pas fait le lien; c'est ce qui m'inquiète. Il n'a pas expliqué pourquoi cela s'appliquait maintenant à un gang de rue. Sur 64 ou 65 des 72 pages, il commente la preuve, mais il ne définit pas.
    Vous ne réclamez pas un amendement à l'article 467.1?
    Présentement, nous ne le réclamons pas pour ce volet puisqu'on y parle de trois individus et plus qui sont impliqués dans des activités criminelles.
    Le deuxième volet est celui du mandat qui ne serait pas conforme. Vous avez aussi parlé des amendements législatifs qui pourraient être requis à cet égard. Je vous suis. Ainsi, le paragraphe 185(1) du Code criminel rend possible une autorisation d'un an, mais d'autres techniques d'enquête s'appliquent. Par exemple, il existe ce qu'on appelle les mandats de localisation, les mandats relatifs à un enregistreur de numéro de téléphone et les mandats généraux, et ces mandats ne sont émis que pour une période de 60 jours. Il y a donc un manque de cohérence entre la durée d'un an de certains des outils que nous utilisons — en relation avec l'évolution du dossier — et d'autres dont la durée est limitée à 60 jours. Il serait important, pour nous, que nous puissions utiliser aussi ces outils pendant une période d'un an plutôt que d'être limités à 60 jours.
    L'autre question importante est celle de l'avis d'interception. Le Code criminel oblige les policiers à aviser un individu qui a été soumis à une interception, après une période de trois ans, qu'il a été bel et bien été l'objet d'une interception. Nous demandons d'allonger cette période pour la faire passer de trois ans à cinq ans, parce que certaines de nos enquêtes durent beaucoup plus que trois ans.
    Prenons l'exemple de l'opération Colisée. L'enquête s'est échelonnée sur une période de quatre ans. Vous comprendrez que si un individu fait l'objet d'une enquête et qu'on l'avise de cela après trois ans, alors que l'enquête est encore en cours, cela peut créer certains problèmes.
    Finalement, j'aimerais mentionner un événement intéressant qui a eu lieu au Québec. Un juge a imposé des restrictions à l'accessibilité à une arme à feu, conformément à l'article 109 du Code criminel, à des individus qui ont été reconnus coupables de trafic de stupéfiants. Toutefois, le juge a indiqué que les articles 109 et 467.1 du Code criminel ne contenaient aucune disposition permettant à un juge de suspendre l'accessibilité à une arme à feu pour des infractions à la loi sur les offenses criminelles. Par conséquent, l'article 467.1 n'est pas inclus à l'intérieur du paragraphe 109(1) du Code criminel, et vice versa. Il y a, en d'autres termes, un écart législatif.
    Enfin, je crois que j'ai répondu, dans mes commentaires, à votre dernière question sur les amendements.
(1010)
    Vous l'avez fait brillamment.

[Traduction]

    Vous avez parlé des outils.
    Les dispositions fédérales actuelles en matière de produit de la criminalité ne nous servent pas à grand-chose. Je pense que la plus grosse critique que l'on puisse faire à ces dispositions est qu'elles autorisent les avocats de la défense à se faire payer en premier. Prenons le cas d'un accusé qui est inculpé d'une infraction. Dès que nous saisissons des fonds, les avocats de la défense y ont accès. Arrivé au procès, il n'y a plus d'argent.
    Nous ne faisons plus de saisie maintenant. La seule chose que nous saisissons à l'heure actuelle, c'est soit de l'argent ou des automobiles qui sont faciles à revendre. Si un groupe criminel organisé est propriétaire d'une entreprise ou d'un terrain de golf, il n'est pas dans notre intérêt de nous en occuper. Cela est déjà arrivé. L'organisation a fait des pertes et on nous a poursuivis parce que nous n'avions pas exploité le terrain de golf correctement.
    En C.-B., nous sommes revenus aux lois provinciales en matière de confiscation civile. Nous poursuivons le contrevenant, obtenons un jugement et saisissons son argent.
    L'argent que nous saisissons grâce aux dispositions fédérales en matière de produits de la criminalité ne revient pas aux municipalités. Peu importe que je consacre des fonds considérables à une enquête. Lorsque les spécialistes fédéraux des produits de la criminalité interviennent, le compteur démarre et ils se font payer. En fin de compte, je ne reçois absolument rien.
    J'aimerais obtenir des fonds supplémentaires. Il existe des dispositions...

[Français]

    Vous n'utilisez pas la loi C-53?

[Traduction]

    Vous n'utilisez pas le projet de loi C-53? Nous avons adopté ce projet de loi et tous les partis étaient d'accord. Vous ne l'utilisez pas?
    Je suis heureux de voir que le gouvernement fédéral l'utilise beaucoup. Nous l'utilisons très rarement à Vancouver.
    Si c'est possible, j'aimerais faire quelques commentaires plus tard à ce sujet.
    C'est la raison pour laquelle nous sommes ici; il faut améliorer les lois. Lorsque nous présentons des recommandations mineures qui demandent de changer quelques mots ici et là — au sujet des répliques d'arme — cela ne semble peut-être pas essentiel, mais cela est extrêmement important pour les patrouilleurs. Nous avons essayé de faire adopter un règlement local qui interdirait la possession d'une réplique d'arme ou d'un pistolet à eau s'il n'est pas de couleur orange ou jaune. Il est très facile de faire passer pour un vrai pistolet un pistolet à eau acheté chez Costco. Les armes de poing ont été conçues dans un seul but, êtres faciles à dissimuler. Les fusils à plomb posent le même problème. On ne devrait pas pouvoir les confondre. C'est donc pour ce genre de choses que nous venons ici, pour ajouter certains mots à des dispositions législatives qui nous serons ainsi plus utiles.
    Nous croyons savoir que le gouvernement fédéral va également dans cette direction. Nous avons eu des discussions avec le ministre de la sécurité publique et le procureur général au sujet de l'attribution aux municipalités de 2 500 policiers supplémentaires. Nous sommes très intéressés par cette proposition et on nous a assurés qu'elle était à l'étude. Excellent!
    Il n'existe aucun mécanisme juridique qui permette au gouvernement fédéral de donner des fonds à une municipalité pour son service de police. Il n'existe aucun mécanisme qui le permette. Il faut que les fonds soient versés à une entité provinciale, et je dois présenter mon budget à la province pour voir si je peux créer des postes. Mes agents de première ligne participent, tout comme les autres, à la guerre contre le crime organisé et nous aimerions que ces fonds soient versés directement aux municipalités, si je réussissais à convaincre le gouvernement fédéral qu'il est dans l'intérêt de tous de m'aider. Cela nous paraît important.
    Pour ce qui est des outils, je peux vous dire qu'un des meilleurs outils que nous ayons trouvé à Vancouver est d'accroître la participation des policiers aux programmes de liaison avec les écoles. Pour ce qui est des stratégies provinciales, et M. Gordon peut vous en parler, une des stratégies les plus efficaces, capable de dissuader les jeunes de faire des mauvais choix et de prendre le chemin du crime est l'alphabétisation. Qui aurait pensé, il y a 20 ans, que des policiers prendraient la parole devant des groupes pour parler d'alphabétisation et de programmes visant à empêcher le décrochage? Nous savons que les enfants qui savent lire et qui poursuivent leurs études font rarement de mauvais choix et nous n'avons pas à nous en occuper lorsqu'ils ont 15 ans. Les dollars que le gouvernement fédéral ou d'autres entités consacrent à l'alphabétisation, aux programmes scolaires ou à l'éducation ont des répercussions importantes sur le travail des policiers. Ce n'est pas un aspect qui est souvent mentionné mais il est important.
    Je pense que Larry a abordé rapidement les dispositions relatives aux fouilles. C'est une question complexe, parce que je suis sûr que tous les avocats vont réagir très vivement si nous commençons à modifier les dispositions relatives aux fouilles et perquisitions. À titre d'exemple, mon équipe FIT, équipe de recherche d'armes à feu, se trouve au centre-ville le vendredi soir. Les membres de l'équipe patrouillent le secteur des bars à la recherche des véhicules utilisés par ces gangsters, habituellement de grosses Cadillac Escalades. Ils voient ces véhicules, ils observent deux gangsters qui se dirigent vers leur véhicule, ils savent que ces deux individus ont été libérés sur cautionnement avec toutes sortes de conditions à respecter, alors ils décident de fouiller la voiture et trouvent une arme à feu. Il devrait y avoir des dispositions que les policiers puissent appliquer en utilisant leur jugement pour qu'ils ne soient pas obligés de trouver des motifs fondés sur le code de la route pour perquisitionner une voiture.
    Lorsque vous voyez un contrevenant qui a été déclaré coupable huit fois d'un acte criminel, qui est libéré sur cautionnement, qui se trouve là aux petites heures du matin et que le policier voit un passe-montagne sur le siège arrière du véhicule, alors il faut fouiller cette personne et fouiller son véhicule. Si vous faites cela à l'heure actuelle, le tribunal rejette les accusations.
(1015)
    Merci, M. Graham.

[Français]

    Pouvons-nous parler de la loi C-53?

[Traduction]

    Un bref commentaire sur...
    Il y a d'autres personnes qui aimeraient poser des questions.
    Allez-y, M. Moore.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins d'avoir présenté leur témoignage.
    Entre les témoignages que nous avons entendus aujourd'hui et ceux de mardi, nous avons entendu un excellent groupe de témoins sur les effets de la guerre, je dirais, contre le crime organisé, et aussi sur ce que nous pouvons faire comme législateurs pour contribuer à cette lutte.
    Vous avez mentionné notamment une chose que j'ai trouvé vraiment étonnante, c'était les multirécidivistes et les critères que vous avez établis pour définir ce qu'est un multirécidiviste. Je veux être sûr d'avoir bien compris. Vous avez parlé de 12 actes criminels pour lesquels ces gens ont effectivement été arrêtés.
    Oui, il n'y a pas de lien direct avec le crime organisé. Ce sont des criminels d'habitude, et nous sommes souvent en contact avec ce genre de suspects. Nous avons commencé avec un critère moins exigeant. Je crois qu'on avait parlé de cinq arrestations par an — mais il y en avait trop. Le critère est 12 nouvelles arrestations par an et la personne est inscrite sur la liste. Cette liste comprend environ 80 noms.
    Je soulève cette question parce que le comité étudie le projet de loi C-10 et que c'est là un des aspects positifs de ce projet de loi. Il vise les récidivistes, les multirécidivistes.
    Nous avons également entendu des témoignages au sujet des peines minimales obligatoires. Pour la première infraction, le projet de loi ne change pas grand-chose au régime actuel. Certaines infractions relatives aux armes à feu sont passibles, avec le code actuel, d'une peine minimale de quatre ans d'emprisonnement. Avec le projet de loi C-10, certaines de ces infractions seraient passibles d'une peine minimale obligatoire de cinq ans. La personne qui a été déclarée coupable de cette infraction et qui commet une autre infraction reliée aux armes à feu voit la peine minimale obligatoire aggravée. Ces dispositions visent précisément ce dont vous parlez. Les personnes qui, quoi que nous fassions, continuent à commettre des infractions.
    Une des choses qui a été mentionnée, et j'aimerais que tous les témoins abordent cet aspect si cela est possible, est que, lorsqu'on neutralise ces multirécidivistes — comme vous les avez qualifiés — en les emprisonnant, il est possible de mesurer l'effet de l'absence de ces personnes sur la sécurité publique.
    Je sais que ce comité s'est rendu à Toronto et que nous avons entendu le chef Blair. Il a parlé d'une opération qui visait un quartier de Toronto au cours de laquelle la police a arrêté quelques contrevenants — et dans chaque collectivité ils sont relativement peu nombreux par rapport à l'ensemble de la population — et les a mis en prison pour une brève période, mais la police a constaté une amélioration sensible et mesurable de la situation et une diminution de la criminalité dans ce secteur. Pouvez-vous commenter cela? Quelle est l'importance de la neutralisation de ces multirécidivistes, des délinquants qui, quoi que nous fassions...?
    Je trouve que l'affaire dont vous avez parlé est remarquable; vous avez dit, je crois, qu'elle avait démarré en 1995 ou à peu près et que, finalement, ces gens avaient été condamnés en 2002, quelque sept ou huit ans plus tard, et qu'ils avaient été libérés quelques mois après. Pouvez-vous me parler de cette affaire?
    Notre programme concernant les multirécidivistes est populaire à Vancouver parce que c'est un programme permanent. Je ne sais pas si vous allez me croire, mais lorsque nous voulons surveiller un individu, nous commençons habituellement à le surveiller au palais de justice, parce que nous savons que c'est là que nous allons le rencontrer parce qu'il doit comparaître pour une poursuite pénale. Bien souvent, il suffit de le suivre pendant cinq ou six pâtés de maison et déjà il a volé une bicyclette ou fait quelque chose d'illégal. Nous avons deux ou trois procureurs de la Couronne qui s'intéressent autant que nous à ce genre d'opération et ils portent des accusations devant les tribunaux.
    Quant à savoir si l'on remarque une différence lorsqu'on emprisonne des multirécidivistes, je peux vous dire que cela fait une différence énorme, parce que la petite collectivité où il vivait est alors en sécurité. Pour ce qui est de nos dévaliseurs de banque en série, lorsque nous arrêtons un voleur de banque, nous résolvons habituellement entre huit et 15 vols de banque d'un seul coup. Les banques sont en sécurité et les caissiers n'ont pas peur. Ce que vous voyez à la télévision, le contrevenant qui est condamné à 15, 20 ou 30 ans de prison pour avoir dévalisé une banque, cela n'arrive pas dans la réalité. Nous sommes vraiment très, très contents lorsqu'un tribunal inflige une peine d'emprisonnement de deux ans pour un vol de banque à main armée.
    Sous-commissaire, voulez-vous faire des commentaires à ce sujet?
    Oui, effectivement.
    Il est intéressant de travailler en collaboration avec le service de police de Vancouver. Nous sommes en train d'appliquer dans l'ensemble du pays un projet semblable que nous appelons une stratégie de réduction du crime à la GRC. Nous allons cibler ces types de contrevenants, nous allons également travailler avec le système judiciaire, avec les services sociaux, pour être sûr que nous traitons ces individus de façon appropriée. Comme Jamie l'a mentionné, il y a eu des cas où des gens qui venaient de faire l'objet d'une ordonnance de probation en violaient les conditions 15 minutes plus tard et étaient arrêtés immédiatement et ramenés devant le tribunal.
    J'aimerais relier cet aspect avec mon projet et celui de l'ACCP, étant donné que nous ciblons également les multirécidivistes pour ce qui est de l'aspect crime organisé. Je me rappelle encore très bien de l'époque où j'étais responsable de l'unité intégrée des produits de la criminalité de Montréal et où nous avions mené une opération clandestine pendant quatre ans. Nous avons réussi à arrêter 44 personnes — 520 accusations pénales, 162 millions de dollars blanchis en Amérique centrale, à partir de Montréal. Il y avait un membre clé de cette organisation qui a été condamné à huit ans de prison et qui a été libéré après avoir purgé un an et demi de sa peine. Fait intéressant, cet individu s'est retrouvé devant les tribunaux six ans plus tard pour des infractions semblables.
    C'est pourquoi nous proposons de gérer ces multirécidivistes pendant toute leur vie, en collaboration avec le système judiciaire, avec l'immigration, les douanes et l'accise et le reste, pour vraiment suivre ces multirécidivistes et adopter des stratégies variées. Nous ne pouvons nous occuper que d'un nombre restreint de personnes sur le plan tactique mais pour ce qui est de la stratégie consistant à suivre ces individus, nous devons consacrer toutes nos ressources disponibles à ces criminels d'habitude.
(1020)
    J'ai également remarqué que les Hells Angels avaient un fonds spécial pour la défense. Ils lui ont donné maintenant un nom plus acceptable, mais ça ne change rien. La situation est défavorable pour les services de police sur le plan des ressources, parce que ce sont eux qui possèdent les preuves. Nous avons entendu un professeur parler du commerce de la marijuana, des armes, et de sources d'argent apparemment inépuisables, pour financer leur défense.
    Permettez-moi de faire une remarque. Si l'on administre un service de police comme une entreprise, il faut reconnaître que les budgets jouent un rôle essentiel. De sorte que, lorsque des agents me disent qu'ils aimeraient lancer un projet important, nous écoutons ce qu'ils ont à dire. La première chose est qu'un de mes assistants sort un bilan de son bureau et demande si nous avons des fonds pour le financer? Est-ce que notre fonds d'enquêtes criminelles nous permet de mettre en oeuvre ce projet? Et si ce n'est pas le cas, le projet en reste là. Il n'y a rien à faire.
    Le financement est donc une préoccupation constante; alors nous voyons ce que peuvent faire nos partenaires. La GRC nous a beaucoup aidés. Nous collaborons avec eux et avec l'Agence de lutte contre le crime organisé ou les Unités mixtes d'enquête sur le crime organisé (UMECO), pour réaliser des projets. Mais le financement est une préoccupation constante. C'est pourquoi il est difficile d'augmenter le nombre de policiers, que ce soit au niveau provincial ou à un autre palier, parce que chaque dollar que je dépense à Vancouver vient des taxes perçues par la ville. C'est tout. Il n'y a aucune autre entité qui m'accorde des fonds.
    Pour ce qui est du financement, si vous le permettez, il est important de savoir que le gouvernement actuel a affecté des ressources au financement de certains de nos programmes de base, et prévoit d'embaucher 1 000 policiers de plus au cours des cinq prochaines années, mais cela concerne plus précisément les programmes de base. Nous devrons alors nous occuper de ces organisations criminelles en utilisant ces programmes de base et en réaffectant certaines ressources.
    J'aimerais faire une remarque à ce sujet et cela concerne davantage les organismes comme les Hells Angels. Si on parle de spécialisation, un aspect qui a été mentionné plus tôt, et de lutte contre ce phénomène, il y a un aspect essentiel — il concerne ce projet de loi — c'est que les Hells Angels, par exemple, sont des Hells Angels pendant toute leur carrière, comme c'est le cas pour les autres groupes criminels organisés. Les policiers montent en grade et changent de travail. Il est donc difficile de conserver des spécialistes parce que les gens ne demeurent pas dans le même poste au sein du service de police.
    Nous avons constaté, grâce aux documents des Hells Angels que nous avons saisis, que cet organisme réfléchit globalement. Les Hells Angels pensent attaquer en groupe, ils travaillent en groupe, ils forment une zone de protection autour de l'organisation, au point où ils ont proposé à tous leurs avocats, quel que soit le pays où ils résident, de se réunir pour réfléchir aux façons de mieux lutter contre la police. Il est rare que nous ayons ce luxe parce que les avocats changent de poste, si l'on parle des avocats spécialisés. Il nous arrive d'avoir un avocat spécialiste des gangs pendant un an ou deux, mais ensuite, il va ailleurs. Notre environnement est donc en évolution constante. Les gens bougent, il y en a qui arrivent, d'autres qui partent, et il est difficile de conserver un groupe de spécialistes qui travaillent dans un domaine donné.
    J'ai eu beaucoup de chance avec mon chef et mes administrateurs. Cela fait pas mal d'années que je suis dans le poste que j'occupe et je peux continuer à travailler dans ce domaine. Mais j'ai vu des gens autour de moi, d'autres spécialistes, qui arrivent à se spécialiser dans un domaine et tout à coup, on les envoie faire autre chose. De sorte que ces organismes ne changent pas alors que nous sommes obligés de changer; il est donc plus difficile pour nous de conserver cette expertise.
    M. Gordon, vouliez-vous faire un commentaire?
(1025)
    Oui, si vous le permettez, très brièvement, pour revenir à l'idée des stratégies de réduction de la criminalité. Ce qu'il faudrait probablement au Canada, c'est élaborer une stratégie de lutte contre le crime organisé qui aurait certaines caractéristiques semblables, et à laquelle collaboreraient étroitement les différentes composantes du système.
    À l'heure actuelle, le système de justice pénale fait face, en Colombie-Britannique du moins, à un certain nombre d'entités indépendantes et je pense que cela ne facilite pas l'application de la loi, ni la lutte contre le crime organisé.
    L'autre question concerne les ressources, et je dirais qu'il ne sert à rien d'affecter à l'aveuglette d'autres ressources dans ce domaine particulier. Je crois que si l'on veut consacrer de nouvelles ressources à la lutte contre le crime organisé au Canada, il faut que cette action soit ciblée, il faut que les destinataires soient tenus de rendre des comptes à ce sujet et d'obtenir des résultats mesurables, enfin, il faut que ce processus soit planifié soigneusement.
     Nous mentionnons dans le rapport du Progress Board qu'une période de dix ans n'est pas déraisonnable pour mettre en oeuvre des ressources et une stratégie nationale ou au moins une stratégie régionale de lutte contre le crime organisé. Si l'on se contente d'attribuer des fonds, cela ne donnera guère de résultats.
    Merci, M. Gordon, bonne remarque.
    M. Bagnell.
    Je vous remercie d'être venus aujourd'hui. Je tiens à ce que vous sachiez que vous avez l'appui de tous les membres du comité dans le travail dangereux que vous faites pour lutter contre des délinquants dangereux et intelligents et nous voulons vous donner tous les outils que nous pouvons vous fournir.
    Avant de commencer, j'aimerais vous dire que, si vous souhaitez nous dire certaines choses à la fin de la réunion, à un moment où il n'y aura que les membres du comité, des choses que vous ne voulez pas divulguer, faites-nous-le savoir au cours de votre témoignage et nous prendrons un moment à la fin de la séance pour vous écouter.
    Pour ce qui est des municipalités, il n'y a rien qui nous empêche légalement d'accorder des fonds aux municipalités. Nous le faisons régulièrement mais il y a peut-être d'autres raisons pour lesquelles nous ne le faisons pas. Ce n'est pas toutefois la question que je voulais poser.
    Nous devrions nous parler après la réunion.
    Oui, nous le ferons.
    Pour ce qui est des outils, je dirais que nous avons eu une discussion fantastique aujourd'hui et abattu beaucoup de travail. Dan notre parti, nous ne pensons pas que le projet de loi C-10 va vous aider, parce que les juges peuvent déjà imposer ce genre de peine maximale et que ce projet n'a pas pour effet de les augmenter; vous nous avez toutefois donné toutes sortes d'exemples très intéressants. Je pense que nous pourrions faire beaucoup de choses au sujet des fouilles arbitraires reliées aux mandats, de l'écoute électronique, des produits de la criminalité.
    Il serait peut-être utile si, tout comme le font les Hells Angels, vous demandiez à vos avocats de se réunir pour proposer... Plutôt que d'attendre que nous agissions, parce qu'il arrive souvent que le comité et le ministère de la Justice soient amenés à étudier d'autres questions, je vous invite à proposer des projets de loi et à travailler avec les groupes de défense des droits de la personne pour vous assurer que ces projets sont acceptables, et que ces groupes ne viennent pas les démolir devant le comité. Préparez un ensemble de mesures, présentez-les, faites du lobbying auprès du comité et du ministère de la Justice à ce sujet, notamment la formulation des lois et toutes ces choses. Cela irait peut-être plus rapidement que si vous attendez que nous agissions. Nous pourrions avoir toutes sortes de discussions sur ce sujet. J'aimerais beaucoup le faire, mais nous n'avons pas le temps aujourd'hui. J'espère que nous pourrons le faire plus tard.
    J'ai une question pour M. Gordon.
    Il est intéressant d'envisager le crime comme une entreprise et de réfléchir aux mesures dissuasives susceptibles de toucher ce genre d'entreprise. J'aimerais savoir si vous ou d'autres témoins connaissez des exemples de loi étrangère qui n'existent pas au Canada à l'heure actuelle et qui ont mis en place des mesures dissuasives efficaces qui ont incité les entreprises criminelles à aller dans d'autres pays. Bien évidemment, la plupart de ces choses ne donneraient pas de résultats aux États-Unis. Mais y a-t-il dans d'autres pays, des lois qui ont réussi à chasser le crime organisé et les gangs de rue, parce que du point de vue commercial, il n'était pas rentable de demeurer dans ces pays?
    Je ne peux pas vous donner d'exemples précis à l'heure actuelle.
    Si vous le permettez — je suis désolé de revenir tout le temps à la question des motards, parce que c'est ce que je fais — nous parlons fréquemment à des enquêteurs spécialisés dans la lutte contre les Outlaws (OMG) qui viennent du monde entier. Ils ont un outil en Australie qui n'est pas particulier aux motards et je ne pourrais pas vous donner beaucoup de détails à ce sujet, mais ils ont des pouvoirs qui varient selon la quantité de drogues trouvées. Lorsqu'un individu est en possession d'une certaine quantité de drogues, et cela varie selon le type de drogue, il est réputé être un vendeur de drogue. À ce moment-là, le gouvernement peut saisir tous les biens de cette personne. Les policiers australiens qui s'occupent de motards nous parlent constamment de ces pouvoirs. Ils essaient d'amener le criminel à dépasser la quantité permise et ils se rendent alors chez lui et lui prennent sa maison, ses voitures, et tout le reste. Cela change complètement la situation parce que les criminels sont obligés de travailler indirectement, de mettre leurs biens au nom d'autres personnes pour les dissimuler et c'est manifestement une mesure extrêmement dissuasive. Cela fait partie de leur loi sur les stupéfiants et non pas de leur loi sur les gangs. Mais c'est un outil très utile qui existe en Australie.
(1030)
    J'ai une dernière question.
    Une brève question.
    Pouvons-nous faire autre chose? Manifestement, ces criminels disposent de beaucoup d'argent. Y a-t-il quelque chose que nous pourrions faire pour les coincer s'ils ne paient pas l'impôt sur le revenu ou pour saisir leurs biens plus facilement et plus rapidement de sorte que leurs activités deviennent moins rentables? Y aurait-il des désavantages à les attraper de cette façon ou à confisquer leurs biens et tout ce qu'ils possèdent?
    La GRC et nous le faisons déjà. Lorsque nous mettons sur pied un projet pour tenter d'arrêter des contrevenants, nous ne le faisons pas de façon isolée. Le plus souvent, nous travaillons avec différents organismes selon le genre de saisie et de produits saisis. Nous avons un grave problème à l'heure actuelle à Vancouver avec les vendeurs de drogue au détail d'une certaine origine ethnique — les pays de l'Amérique centrale. Nous travaillons de concert avec un groupe d'intervention de l'immigration. Les dispositions de la Loi sur l'immigration prévoient que, si vous êtes déclaré coupable d'une infraction relative aux drogues, vous pouvez être expulsé très rapidement. Cette équipe ne fait pas toujours l'objet d'une couverture favorable dans les journaux mais elle fait des choses vraiment extraordinaires — d'excellentes choses. Nous attrapons les délinquants et ils disparaissent. Le problème vient du fait qu'ils doivent être pris trois fois pour que nous puissions alors utiliser ces dispositions.
    Ils ont attrapé Capone en utilisant la Loi de l'impôt sur le revenu, d'après ce qu'on me dit. Nous agissons de cette façon avec un certain nombre d'organismes lorsque les contrevenants que nous connaissons possèdent de l'argent mais ne paient aucun impôt sur le revenu, croyez-le ou non. Les policiers sont très contents d'entendre que les gens de l'impôt sur le revenu examinent la situation de quelqu'un, parce que c'est un outil très efficace. Nous travaillons très étroitement avec ces organismes.
    Si je peux ajouter quelque chose, quelque chose qui a commencé en Colombie-Britannique — et cela fait maintenant un an ou deux que nous le faisons — c'est que nous travaillons en collaboration avec Revenu Canada. Ils en ont fait une priorité et ils ont signifié à tous les Hells Angels de la Colombie-Britannique des avis de vérification. Nous avons collaboré avec Revenu Canada et signifié personnellement ces documents à ces personnes sur leurs lieux de travail ou chez elles. Nous avons même offert d'assister aux réunions religieuses auxquelles assistent les Hells Angels pour leur remettre les documents nécessaires.
    Il s'agit essentiellement d'une relation de cause à effet. Nous avons remarqué que certains de ces individus n'ont pas produit de déclaration d'impôt depuis six ou sept ans, mais qu'ils se promènent en Escalades. Leurs avocats et leurs comptables informent ces gens qu'ils feraient mieux de justifier leur situation financière. Ils ont commencé à acheter des bennes basculantes et des pelles rétrocaveuses pour montrer qu'ils ont une entreprise et quelques revenus.
    Revenu Canada a également remis à un certain nombre de Hells Angels — aux plus riches — des demandes de bilan personnel, qui les oblige à déclarer ce qu'ils possèdent et ce qu'ils doivent de façon à établir la valeur nette de chaque individu. Cette méthode a été contestée devant la Cour suprême. Je suis convoqué pour témoigner pour le compte du solliciteur général au sujet des Hells Angels et de cette poursuite. Ils disent que c'est inconstitutionnel et qu'ils sont ciblés parce qu'ils sont membres d'un club. Ils essaient d'éviter que l'on procède à un examen détaillé de leur situation financière.
    Merci, M. Butler.
    Madame Freeman.

[Français]

    Je vous remercie de la qualité de vos présentations.
    Plusieurs questions que j'aurais aimé poser ont déjà été formulées. Je vais quand même en poser deux à M. Bourduas.
    Mon collègue parlait plus tôt du renversement du fardeau de la preuve, dans le cadre de la loi C-53, dans le cas de biens acquis par les gangs associés au crime organisé. Pourriez-vous nous dire pourquoi vous n'avez pas davantage recours à cette disposition?
     Votre question est pertinente. En effet, la loi a été mise en vigueur en novembre 2005. À partir de ce moment, le ministère de la Justice a eu à gérer cette loi, dans le cadre de laquelle on recourt au renversement du fardeau de la preuve, mais pas suffisamment. Ça ne va pas assez loin. La Couronne doit quand même prouver l'activité criminelle, de même que le lien entre les acquisitions matérielles et l'activité criminelle, avant que le renversement du fardeau de la preuve s'applique.
    Nous demandions, à l'époque où les discussions liées à ce projet de loi avaient lieu, que l'implication d'un individu dans des activités criminelles soit prouvée. Une fois la preuve faite, on se fonde sur le principe que nul ne doit profiter du crime. Le renversement du fardeau de la preuve est appliqué, par exemple, lorsqu'un individu doit expliquer à la cour comment, avec un revenu annuel de 10 000 $, il a pu devenir propriétaire de trois résidences cossues. C'est en ce sens que la loi ne va pas assez loin et c'est pourquoi, jusqu'à maintenant, le ministère de la Justice n'a procédé à aucune dénonciation devant les tribunaux en vertu de cette loi.
    On a parlé — et le sergent Butler l'a mentionné également — du recours de plus en plus fréquent aux services de l'Agence du revenu du Canada. Dix enquêteurs de cette agence ont travaillé au dernier dossier, soit le projet Colisée, et je peux vous dire une chose: si vous voulez décourager les gens du crime organisé et leur faire savoir clairement que le Canada n'est pas un bon endroit où faire des affaires, saisissez leurs biens. Ces gens s'impliquent dans le crime organisé avant tout pour acquérir des biens. Si on applique des lois musclées et qu'on saisit ces biens, le message est clair.
    En ce qui concerne le renversement du fardeau de la preuve, le ministère de la Justice attend qu'un dossier blindé fasse en sorte qu'une bonne jurisprudence soit établie. Il sera alors possible de construire autour de cette loi. Nos enquêteurs essaient de fournir la preuve nécessaire aux procureurs du ministère de la Justice, précisément dans le but d'entamer une poursuite en vertu de la loi C-53. Malheureusement, ça ne s'est pas encore produit, madame.
(1035)
     Plus tôt cette semaine, nous avons entendu des témoins de la province de Québec. On nous a dit que l'échange d'information entre les corps policiers était passablement déficient. De votre côté, vous semblez dire que ces échanges se font très bien. J'aimerais savoir si cet échange d'information est aussi limpide que vous semblez le dire.
    Comme l'a dit le chef de police Graham, en Colombie-Britannique comme au Québec, l'ensemble de la communauté policière se rend compte que pour combattre le crime organisé, il faut que le partage de renseignements soit lui aussi organisé. C'est par l'entremise du Service canadien de renseignements criminels qu'on peut y arriver. On peut dire qu'au Québec, par exemple, la maturité du partenariat entre les corps policiers a évolué, ce qui a permis d'améliorer la pratique.
    Cette meilleure pratique porte le nom de projet MINERVE. Dans le cadre de ce projet, chacun des corps policiers majeurs, soit la GRC, la Sûreté du Québec et le Service de police de la ville de Montréal, est responsable de certains groupes criminalisés. Les informations et les effectifs sont partagés par les services. À titre d'exemple, dans le cadre du projet Colisée, plusieurs agences travaillaient ensemble. Je vais inviter l'inspecteur Aubin à en parler.
     Le Service de police de Montréal, la Sûreté du Québec, le service des douanes, le Service de police de Laval et la GRC ont été mis à contribution. On avait une équipe d'environ 100 enquêteurs à laquelle s'est ajoutée une dizaine d'enquêteurs de l'Agence du revenu du Canada. On parle ici de groupes très intégrés. Je peux même vous dire qu'à l'intérieur de l'équipe, il y avait un groupe de renseignement dont les divers corps policiers faisaient partie. De cette façon, on s'assurait d'avoir accès aux renseignements disponibles dans tous les organismes. C'est le rapport du projet MINERVE qui a donné lieu à cette pratique.
    Vous allez chercher l'information qui pourrait ...

[Traduction]

    Merci, madame Freeman.
    Rapidement, chef Graham.
    Monsieur le président, si j'apprenais que des membres de mon organisation ne communiquaient pas des renseignements appropriés aux autres agences concernées, des têtes qui tomberaient. Il y aurait des gens au chômage. Ce n'est donc pas vraiment un problème en ce moment.
    La GRC a repris un programme qui avait été démarré en C.-B., qui permettait à un patrouilleur dans sa voiture d'utiliser son ordinateur pour interroger à partir d'un nom, d'une date de naissance ou d'une adresse, ce qu'on appelle le LEIP (Law Enforcement Information Portal), et de vérifier s'il existe des renseignements sur cette personne dans des bases de données tirées des dossiers de divers services policiers de l'Ontario. C'est donc un mécanisme de gestion des dossiers. Le policier pourrait voir sur son écran si l'individu en question a fait l'objet d'enquêtes ou de poursuites en Ontario, au Québec ou ailleurs.
    La transmission de l'information n'est limitée que par la technologie de l'information, dans laquelle nous progressons, et comme vous le savez, qui peut être très coûteuse.
    Je tiens toutefois à insister sur le fait que les différents services ne sont aucunement réticents à transmettre l'information qu'ils possèdent et la GRC a été très ouverte dans ces domaines. Au niveau de la sécurité nationale, nous en sommes arrivés à une entente définitive qui va encore améliorer la communication des renseignements. Tout cela est donc très positif.
(1040)
    M. Breitkreuz.
    Je suis vraiment heureux que vous soyez venu devant le comité aujourd'hui. Je pense que tout cela est fort utile.
     J'aimerais revenir sur un certain nombre de choses. J'ai trois grandes questions à poser.
    M. Graham, vous avez parlé des mandats non exécutables. J'aimerais que vous en parliez davantage. Je n'étais pas au courant de cette situation. Il me semble ridicule que cela puisse se produire au Canada et apparemment, ce problème serait facile à régler. Voulez-vous en dire davantage?
    Bien sûr. Je sais qu'il y a des ministres provinciaux et fédéraux qui examinent ce problème. C'est une question de compétence, notamment territoriale.
    Un mandat est valide d'un bout à l'autre du Canada. Si vous êtes recherché dans une affaire pénale, en théorie, on peut vous arrêter.
    Supposons que vous ayez commis un crime à Vancouver et que vous vous cachez à Ottawa et que l'on vous y trouve. J'envoie des policiers à Ottawa et vous êtes en détention. Ils ont avec eux une copie du mandat original, il a été confirmé par un juge de paix, on vous met dans un avion et on vous ramène.
    Le problème vient du fait que de nombreux gouvernements ne veulent pas assumer les frais qu'entraîne ce genre de choses. C'est la seule raison. Si vous êtes recherché parce que vous avez troublé la paix — pas vous, mais si, à la suite d'une rixe dans un bar ou quelque chose du genre, il y avait des mandats d'arrestation contre vous, il faut reconnaître que cela coûterait très cher de vous ramener à Vancouver pour vous faire comparaître devant le tribunal, n'est-ce pas? Mais le seul fait d'énoncer cette évidence jette le discrédit sur toute l'administration de la justice, parce que l'accusé n'est pas traduit devant les tribunaux. C'est pourquoi nous avons proposé d'utiliser « con air », nous avons proposé d'utiliser le train. La GRC a même examiné la possibilité d'utiliser les vols aériens réguliers qui sillonnent le Canada. Nous nous sommes ensuite dit qu'avec les programmes de liaison vidéo, il devrait bien y avoir une manière pour que la personne arrêtée à Winnipeg n'ait pas le choix, pour qu'elle comparaisse en cour par vidéo et que les témoins témoignent contre elle. Mais il est très difficile de progresser sur cette question.
    J'ai des rapports que je pourrais vous communiquer. Nous avons fait des recherches sur les trois premiers mois de 2005. En mars 2006, nous avons effectué une recherche, tout comme quatre grands services de police urbains, pour mesurer l'ampleur du phénomène. C'est absolument renversant.
    Il faut régler ce problème. Que cela figure au compte rendu.
    Vous avez également déclaré, en fait plusieurs l'ont fait, que le principal élément dissuasif est la crainte d'être pris, mais vous avez dit que la personne qui reçoit une peine de cinq ans est libérée au bout de huit mois. Il n'y a vraiment pas de logique dans ce domaine. Le problème vient-il des tribunaux? Que pouvons-nous faire?
    Ce sont là des questions législatives qui concernent la libération conditionnelle et la libération d'office. Vous pouvez...
    Est-ce que ce sont des dispositions législatives? Il y a des peines minimales, mais...
    Il n'y a pas grand-chose que nous puissions faire et si vous interrogez des policiers à ce sujet, vous obtiendrez des réponses très diverses. Je connais de nombreux détenus et il y en a beaucoup qui se retrouvent en prison et qui essaient de s'amender. Mais si vous leur ôtez tout espoir de pouvoir sortir un jour de prison, cela fait problème. Mais je peux vous dire qu'il est renversant de voir quelqu'un condamné à une peine de cinq ans de prison être libéré après six ou huit mois. C'est un peu inhabituel, mais cela arrive.
    Puis-je ajouter quelque chose? C'est dans le nouveau projet de loi. Il ne faut toutefois pas oublier que la personne qui exerce des activités criminelles et qui est déclarée coupable aux termes des articles 467.11, 12 ou 13, doit alors purger la moitié de sa peine, ce qui a un effet dissuasif. Il arrive également que des accusés et des poursuivants utilisent cet aspect pour obtenir un plaidoyer de culpabilité sur une infraction moindre, et c'est un aspect qu'il est bon de rappeler.
    Il faut renforcer les dispositions relatives à la libération sous condition. Au Canada, il y a deux seuls motifs qui permettent de maintenir en détention un contrevenant; il faut qu'il soit un danger pour le public — et c'est un critère très strict puisqu'il faut démontrer que l'individu est dangereux — ou il doit avoir des antécédents de défaut de comparaître. De nombreuses provinces ne portent jamais d'accusation en cas de défaut de comparaître. L'individu qui ne comparaît pas devant le tribunal après qu'on lui a remis une citation à comparaître ou pour qu'on prenne ses empreintes digitales, ne fait l'objet d'aucune sanction. Le défaut ne fait pas l'objet d'une poursuite distincte. C'est une question de moyens.
    Je pense que le chef a couvert l'essentiel. Dans le cas de la personne qui a purgé huit mois d'une peine de 55 mois, nous avions fourni une tonne de documents et les autorités correctionnelles fédérales avaient appuyé notre recommandation qui était de ne pas libérer cette personne; le dossier a ensuite été transmis à la Commission nationale des libérations conditionnelles qui a fait exactement le contraire de ce que nous avions recommandé. Les commissaires n'ont pas cru ce que disaient les documents que nous leur avions fournis et tout le monde...
    Il faut absolument régler ce problème.
    Dernière question. Nous sommes des politiciens et nous nous préoccupons beaucoup des grandes questions. Vous avez commencé votre exposé en disant que le crime organisé touchait tous les Canadiens. Comment expliquer que nous devons régler un certain nombre de ces problèmes? Il nous faut convaincre les Canadiens. Comment est-ce que cela les touche? Comment pouvez-vous affirmer que cela touche effectivement tous les Canadiens?
(1045)
    C'est le cas, et nous parlons à la fois en nous basant sur notre expérience et en regardant les effets du crime organisé sur notre société. Nous voyons ces effets depuis plus de 20 ans. Si vous vous souvenez, nous parlons de crime organisé et d'exemples frappants; j'ai vécu cela dans la province du Québec; un innocent, un jeune de 11 ans est mort dans les rues de Montréal, victime d'une guerre entre motards. Cela a touché la société québécoise et ensuite, tous les Canadiens. Nous avons réagi en adoptant de nouvelles mesures législatives.
    Il faut examiner l'évolution de la société et faire un parallèle avec le crime organisé. Vous constaterez que les grandes sociétés font des fusions et des associations et s'étendent dans le monde entier, et bien, le crime organisé fait exactement la même chose.
    La raison pour laquelle nous sommes ici — et nous sommes heureux de voir que vous avez pris le temps d'entendre nos préoccupations — est que nous voulons simplement renforcer les outils législatifs. Il est bon de rappeler ce qu'a mentionné M. Gordon. Il y a le volet éducation, le volet sensibilisation; il faut sensibiliser la population mais la plupart des gens ne font que réagir et ils disent que cela ne concerne pas leur famille immédiate et que, par conséquent, ce n'est pas un problème. Il faut éduquer le public et il faut même éduquer nos propres policiers qui patrouillent dans les rues.
    Les Canadiens consomment des biens et des services fournis par le crime organisé. Il y a beaucoup de gens qui ne font pas de lien entre le joint qu'ils achètent ou les drogues qu'ils achètent ou les autres services illégaux qu'ils obtiennent et le fournisseur. Ils ne font tout simplement pas le lien. Jusqu'ici personne n'a vraiment réussi à amener la population à réfléchir à cet aspect.
     Pour ce qui est des mandats non exécutables et des conséquences, c'est peut-être une des raisons pour laquelle le taux de criminalité est plus élevé en Colombie-Britannique que dans les autres régions du Canada; elle explique ce mouvement vers l'ouest des délinquants et pourquoi les taux de criminalité sont plus élevés en C.-B. qu'en Ontario. C'est parce que les contrevenants ont tendance à aller vers l'ouest, parce qu'ils savent qu'on ne les ramènera pas en Ontario.
    Merci, M. Gordon.
    Je sais que certains désirent répondre à la question de M. Breitkreuz, mais j'ai deux autres intervenants et il ne nous reste pas beaucoup de temps.
    M. Lee, voulez-vous poser votre question?
    Je me suis toujours demandé où allaient ces gars-là une fois arrivés à Vancouver. Vont-ils à Hawaï ou à Hong Kong...?
    Quoi qu'il en soit, pour être juste envers tout le monde, je constate également qu'il y a une certaine imprécision ou une certaine confusion entre les différents termes utilisés en matière de libération. Il y a la libération sous caution, la peine avec sursis, la probation, la mise en liberté sous condition, la libération d'office, et il y a encore d'autres expressions. Dans une discussion, il n'est pas bon de mélanger ou de mal utiliser tous ces termes.
    Quoi qu'il en soit, je veux aborder une question générale.
    Nos amis américains ont découvert, il y a plus de 40 ans, que le crime organisé était vraiment organisé. Il ne se limitait pas aux frontières d'un État. Le gouvernement fédéral pouvait donc légitimement s'y intéresser et il avait le pouvoir de prendre des mesures pour réprimer le crime organisé et les activités qui y sont associées.
    Au Canada, je crois qu'il y a encore des barrières. Je sais que les services de police de différents niveaux se transmettent des renseignements, se communiquent les renseignements policiers et que tout cela se fait assez bien depuis 20 ou 30 ans. Il semble que Vancouver ait pris l'initiative dans ce domaine dans les années 60 ou 70 avec, je crois, ce qu'on appelait l'Unité de coordination des services policiers, CLEU. Je ne pense pas que cet organisme existe toujours, mais...
    En fait, il existe encore; c'est tout simplement qu'il a changé trois fois de nom.
    Très bien — mais que faisons-nous, compte tenu du fait que le crime organisé ne se limite pas aux frontières provinciales? J'adresse cette question à la GRC.
    Pour aider nos amis des services de police municipaux qui intentent des poursuites contre les membres du crime organisé, qui exercent des activités dans l'ensemble du pays, dans l'ensemble du continent et dans le monde entier, ne pourrait-on pas soutenir que le gouvernement fédéral devrait intervenir un peu plus vigoureusement, et accorder des fonds, notamment les fonds nécessaires à la lutte contre le crime organisé?
    Le gouvernement fédéral n'a pas fait sa marque dans ce domaine. Lorsqu'il y a une poursuite contre des membres du crime organisé, c'est parce qu'un service de police municipal ou provincial a lancé une enquête et intenté des poursuites.
    La GRC est-elle prête à recommander que le gouvernement lui accorde des fonds qui lui permettent d'intervenir, en s'associant à d'autres services de police, de lancer des enquêtes géantes, des poursuites géantes, même à l'aide de poursuivants fédéraux, concernant les activités du crime organisé qui s'exercent dans plusieurs provinces?
(1050)
    La GRC reconnaît l'importance des partenariats et je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites que le crime organisé est établi dans différentes régions de notre pays.
    Il est important de savoir que nous avons mis sur pied des infrastructures à laquelle participent nos partenaires, tant aux niveaux provincial que municipal, et que nous avons créé ces UMECO, ces unités mixtes d'enquête sur le crime organisé ainsi que les EIICO en Alberta. Nous recherchons les membres des échelons supérieurs des organisations criminelles et nous les ciblons mais cela coûte de l'argent.
    Il ne faut pas oublier des cas comme le projet Colisée. La famille Rizzuto exerce des activités au Canada depuis les années 50 et a des contacts dans tous les pays; lorsque vous vous mesurez à ce genre d'organisation, il faut avoir des fonds et si je vous disais ce qu'a couté l'opération Colisée, je mentionnerais des millions de dollars. C'est renversant, mais c'est le prix qu'il faut payer.
    Comme l'inspecteur Aubin l'a mentionné, nous avons des partenaires autour de nous et nous travaillons tous dans la même direction. L'important est d'établir des priorités au niveau approprié et de veiller à ce que nous continuions à lutter contre ces organisations criminelles.
    Le problème, bien sûr, est que nous avons besoin de fonds supplémentaires et le dernier rapport du SCRC mentionnait qu'il y avait 792 organisations criminelles dans notre pays. Il est impossible de nous attaquer à toutes ces organisations, mais nous avons lancé des initiatives au niveaux fédéral, provincial et municipal et c'est en combinant toutes nos ressources, en ayant un mécanisme structuré comme la Stratégie canadienne d'application de la loi pour lutter contre le crime organisé, en adaptant nos méthodes et en travaillant avec nos partenaires que nous réussirons dans cette lutte.
    Vous avez parlé des Américains, du modèle qu'ils avaient adopté et de leur loi RICO. Il ne faut toutefois pas oublier que notre charte n'est pas la même que la charte en vigueur au sud de la frontière et que cela influence la façon dont nous fonctionnons. Nous devons respecter la charte canadienne.
    Et l'argent? Vous avez des partenaires qui n'ont peut-être pas assez d'argent. Est-ce que cela vous empêche de mettre sur pied des enquêtes de portée interprovinciale? Apportons-nous autre chose que du personnel dans ces enquêtes? Apportons-nous aussi des fonds?
    Comme je l'ai mentionné, nous avons reçu des fonds supplémentaires destinés à un programme de base de la GRC mais nous aurions besoin de ressources supplémentaires, cela est sûr. En travaillant étroitement avec nos partenaires au niveau municipal, nous avons tous dû établir des priorités, sachant parfaitement que nous ne pouvons pas toujours demander des fonds supplémentaires. C'est la raison pour laquelle nous devons également mettre sur pied des mécanismes de reddition de comptes.
    Comme M. Gordon l'a mentionné, il ne suffit pas de dépenser de l'argent; nous devons rendre des comptes au sujet de l'argent que nous avons reçu et de notre action. Si vous pose la question — et je suis sûr que le chef Graham aurait quelque chose à dire au sujet des fonds — je vous répondrai que oui, nous avons besoin de davantage d'argent, mais pour le moment, nous avons les fonds dont nous disposons et nous essayons d'établir des priorités et de cibler le niveau approprié.
    Je vous remercie.
    Je suis désolé, monsieur le président, mais je suis attendu dans un autre comité à 11 h; j'espère que vous voudrez bien m'excuser.
    Je vous en prie.
    Et M. Aubin?
    M. Aubin va rester pour répondre aux autres questions.
    Très bien. Merci.
    M. Petit, allez-y, mais rapidement.

[Français]

    Il ne me reste pas beaucoup de temps.
    Ma question s'adresse principalement à M. Larry Butler. Je voudrais vous entendre sur la question suivante.
    La province de la Colombie-Britannique et la province de Québec ont adopté ce qu'on appelle, au niveau politique, des mesures d'aide socialistes. Au Québec, toutes sortes de mesures de prévention existent afin d'essayer d'éliminer le crime organisé ou la participation au crime organisé. Nous avons des travailleurs de rue gratuits, des psychologues gratuits, des psychiatres gratuits, des intervenants sociaux gratuits, des piqueries dans lesquelles on donne des seringues gratuites, des arénas et des gymnases gratuits, des bénévoles pour aider les gens, des écoles primaires et secondaires gratuites. Il existe toutes sortes de choses que votre province, tout comme notre province, donne pour aider la population.
    Cependant, il y a à peine trois semaines, à Montréal, une personne se promenait avec un foulard rouge. Un groupe, les Bleus, lui a tiré dessus. Au cours de la même période, il y a à peine trois semaines, plusieurs jeunes qui s'étaient échangés des chansons par le biais de YouTube se sont affrontés à coups de fusil parce que l'un n'aimait pas la chanson de l'autre. Vous connaissez le même genre de problème en Colombie-Britannique.
    Dans ma province, il y a aussi un problème d'armes à feu. Comme vous le savez, nous avons connu les trois plus grandes tueries, celle de l’École Polytechnique de Montréal, l'attaque de Valery Fabrikant et ce qui s'est produit au Collège Dawson. On a vraiment notre quota.
    Toutefois, récemment, une députée du Bloc québécois a produit un très bon livre sur les gangs de rue. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de le lire. Ce document démontre qu'actuellement, malgré toutes les ressources gratuites pour aider les jeunes à ne pas s'embarquer dans les gangs de rue — on nous a dit que des jeunes de 12 ou 13 ans font partie des gangs de rue, comme chez vous —, on peut acheter des armes à Montréal en moins d'une demi-heure. On peut même y louer des armes et les remettre ensuite. C'est pour vous dire combien c'est un problème.
    Nous étudions présentement le projet de loi C-10. Le problème que tente de régler ce projet de loi est qu'il y a actuellement 34 gangs de rue actifs à Montréal. On n'a pas été capables de s'en débarrasser, et, en plus, ils grossissent.
    Aujourd'hui, deux philosophies existent. Ou on excuse les criminels et on trouve toutes sortes d'explications, ou on essaie de défendre les victimes ou les futures victimes. Le projet de loi C-10 est peut-être le moyen le moins coûteux qui puisse vous aider.
    J'aimerais entendre vos commentaires sur le projet de loi C-10. En effet, vous savez certainement que c'est la raison pour laquelle vous êtes ici. D'après vous, le projet de loi C-10 pourrait-il faire en sorte qu'on ne tire plus sur les gens dans la rue?
    Nous devons savoir quelle position adopter. Je ne veux pas apprendre, demain matin, que quelqu'un a été abattu dans la rue parce que j'ai pris une mauvaise décision. C'est mon problème, c'est un cas de conscience.
    Je voudrais savoir si vous pensez que le projet de loi C-10 pourrait vous aider.
(1055)

[Traduction]

    Merci, M. Petit.
    Pourrions-nous avoir une réponse brève et directe?
    Je ne suis pas convaincu qu'une mesure législative puisse arrêter quoi que ce soit. D'après mon expérience, les gangs de rue reposer sur un certain nombre de choses et je crois qu'un de ces facteurs ce sont les ego. Il n'est pas possible d'adopter des mesures législatives concernant les ego.
    Je pense que le projet de loi C-10 est une amélioration par rapport aux dispositions relatives aux armes à feu en vigueur actuellement, mais pour ce qui est des gangs de rue, et je suis sûr que M. Gordon sera du même avis — je dirais que le phénomène des gangs de rue repose sur des bases sociales et économiques. Vous avez parlé des foulards rouge et bleu. C'est un phénomène qui vient des gangs de rue de Los Angeles, les Crips et les Bloods.
    Pour ce qui est de ce projet de loi, je crois que le Parlement peut faire des choses utiles. Je ne pense pas qu'il soit possible de faire disparaître ces gangs.
    Quant au sentiment de culpabilité que nous éprouvons chaque fois qu'un coup de feu atteint quelqu'un, en ne parlant que pour Vancouver, la possibilité que cela se produise un soir donné dans le quartier des discothèques est telle que si vous adoptiez une disposition législative qui nous permettrait d'arrêter, d'enfermer à perpétuité tous ceux qui possèdent, d'après nous, une arme à feu, nous n'y arriverions pas encore. Le nombre des armes à feu qui arrivent au Canada — et là, je parle uniquement pour la Colombie-Britannique — est considérable. Nous saisissons des chargements de 200 à 300 armes à feu, et toutes ces armes sont destinées aux gangs de rue. Elles coûtent cher, mais le commerce de la drogue donne à ceux qui le pratiquent, les moyens de les acheter.
    Je ne voudrais pas entamer d'autres discussions philosophiques, mais je ne pense pas que nous pouvons supprimer les gangs de rue. Nous avons simplement besoin de quelques outils pour circonscrire ce phénomène, mais nous ne pourrons pas y mettre un terme. Il y a l'aspect socio-économique et aussi surtout l'ego des individus, malheureusement.
    Je vous remercie, sergent Butler.
    J'aimerais remercier tous les témoins qui sont venus ici. Je pense que nous avons eu une discussion très franche et très ouverte et les membres du comité en sont très heureux. Vous nous avez donné de l'information utile et j'espère que nous pourrons utiliser certains éléments que nous pourrons intégrer à ces nouvelles mesures législatives. Messieurs, je vous remercie.
    Nous allons suspendre la séance pendant 30 secondes et nous allons passer ensuite aux travaux du comité.
    [La séance se poursuit à huis clos.]