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Merci, monsieur le président. Merci pour cette occasion de vous parler du projet de loi .
Je pense que cette mesure législative est une étape importante dans la protection des enfants de tout le pays contre les prédateurs sexuels. Comme parrain du projet de loi, je suis fier de l'appui que mon projet de loi a reçu de toutes parts. Je suis ici pour vous en expliquer la teneur, la nécessité et les raisons pour lesquelles j'estime que le comité devrait l'adopter, sous réserve d'un amendement proposé.
En deuxième lecture, j'ai félicité l'ancien gouvernement libéral qui avait adopté l'article 172.1 du Code criminel. Il est désormais criminel pour une personne de communiquer avec un enfant par ordinateur dans le but de faciliter la perpétration à son égard de certaines infractions. Il s'agit d'une mesure importante pour protéger les enfants. Elle criminalise toute tentative d'abuser sexuellement d'un enfant, sans pour autant que l'enfant ait eu à subir un préjudice. Un acte qui prouve l'intention de se servir d'Internet pour commettre une infraction sexuelle contre un enfant peut mener à une condamnation. Les autorités peuvent intervenir avant que l'enfant subisse un préjudice.
Mon projet de loi transcende la partisanerie et représente un effort supplémentaire pour protéger les plus vulnérables de notre société, soit les enfants qui sont innocents et naïfs. Je remercie tout spécialement les députés de l'opposition qui ont publiquement donné leur appui à mon projet de loi.
Le projet de loi C-277 augmente simplement la peine maximale pour l'infraction de leurre par Internet, en la faisant passer de cinq à dix ans d'emprisonnement. Pourquoi augmenter la peine maximale pour cet acte criminel? Comme la plupart d'entre vous, j'ai des enfants: quatre belles filles. Avec ma femme, ce sont les personnes les plus importantes dans ma vie. Annette et moi-même avons fait tout ce que nous pouvions pour les protéger contre ceux qui voudraient leur ravir leur innocence et leur causer des torts irréparables. Nous sommes contents qu'elles soient maintenant de jeunes adultes responsables et altruistes. Mais il fut un temps où elles étaient bien plus vulnérables que maintenant.
La technologie s'améliore et change, accroissant les défis auxquels sont confrontés tous les parents de jeunes enfants. Il semble que l'Internet soit l'occasion en or pour ceux qui veulent abuser sexuellement de nos enfants. Les prédateurs sexuels ne se cachent plus derrière les buissons des cours d'école pour trouver des victimes. Le leurre se fait à partir de chez eux, dans l'anonymat, grâce aux ordinateurs qui peuvent cacher et leur identité et leur âge.
En outre, les enfants canadiens, qui sont peut-être les meilleurs internautes de tous les enfants du monde, sont exposés à des prédateurs faute d'une bonne supervision parentale et parce qu'ils se servent des ordinateurs dans des lieux où il n'y a pas de surveillance. Comme vous le savez tous, l'Internet est un outil redoutable, tant pour le bien que pour le mal. Il peut beaucoup nous renseigner et améliorer nos vies, mais c'est aussi un outil puissant pour commettre des crimes et nuire à autrui. Nos lois sont en retard sur la réalité.
Actuellement, la peine maximale pour le leurre par Internet au Canada est de cinq ans d'emprisonnement. C'est bien moins que dans d'autres pays comme le Royaume-Uni, l'Australie et les États-Unis, qui ont tous imposé des peines criminelles contre le leurre par Internet. Dans ces pays, les peines sont bien plus lourdes. Au Royaume-Uni, par exemple, la loi prescrit une peine maximale de 14 ans d'emprisonnement. En Australie, c'est 15 ans. Aux États-Unis, le gouvernement fédéral a adopté une loi imposant une peine minimale obligatoire de cinq ans d'emprisonnement, avec une peine maximale de 30 années. Des États américains ont aussi adopté leurs propres lois contre le leurre par Internet, avec des peines allant d'un an à 30 ans. En général dans ces États, la peine maximale est de dix ans. Si la peine maximale témoigne de l'importance que nous accordons à la protection des enfants, il est clair qu'il nous faut faire davantage.
Quelle est la prévalence du leurre d'enfants par Internet? Il est difficile de trouver des statistiques au Canada car la loi est très récente. Je peux vous dire toutefois que d'après une étude Ipsos-Reid effectuée en novembre 2000 auprès de 10 000 internautes de 12 à 24 ans, 20 p. 100 des répondants ont déclaré avoir rencontré quelqu'un qu'ils avaient connu grâce à Internet.
Une étude américaine pour la même année nous apprend que 19 p. 100 des jeunes ont été sollicités sexuellement par Internet. Certains d'entre vous connaissez peut-être Cybertip, un programme de Child Find Manitoba. On y fait enquête sur des agressions sexuelles associées à Internet. Dans les deux premières années d'activité, dans la catégorie de l'exploitation sexuelle d'enfants, il y a eu une avalanche de 1 200 dossiers. Dans 10 p. 100 des cas, soit 120 dossiers, il y avait eu leurre par Internet.
L'émission To Catch A Predator de NBC montre bien l'immensité du problème aux États-Unis. On y présente des opérations où sont piégés des contrevenants aux États-Unis. Le matériel ne manquait pas. Je peux certainement fournir au comité l'adresse d'un site Web qui en montre les détails, parfois très sordides, pour 130 des dossiers qui ont donné lieu à des condamnations. Un sondage Léger Marketing rapporte que 14 p. 100 des enfants reconnaissent avoir clavardé avec des étrangers sur Internet. Citons aussi un rapport de juin 2001 de l'Association médicale américaine d'après laquelle 19 p. 100 des jeunes interrogés avaient fait l'objet d'au moins une incitation sexuelle par Internet; du nombre, 3 p. 100 affirmaient que la sollicitation avait été de nature agressive.
Si j'en avais le temps, je vous donnerais tous les détails sordides de condamnations et de peines pour leurre par Internet depuis l'adoption de l'article 172.1 du Code criminel. Faute de temps, je dirai simplement que pour un primodélinquant les peines au Canada vont de six mois à deux années de prison, qu'il y a dans certains cas des peines d'emprisonnement avec sursis généralement accordées parce qu'il y a des programmes de traitement pour agresseurs sexuels. Avant longtemps, les tribunaux devront infliger des peines à des récidivistes en vertu de cette loi. Ce qui doit nous inquiéter, c'est la probabilité que la peine maximale de cinq ans, relativement courte, limite la capacité, pour les tribunaux, d'imposer des peines lourdes aux récidivistes.
Prenons un exemple tragique mais d'actualité. Il s'agit de Peter Whitmore. Il ne s'agit pas d'un cas de leurre par Internet, mais cette affaire a retenu l'attention du pays pendant des mois, l'an dernier, alors que la police cherchait à appréhender ce prédateur qui avait enlevé deux jeunes garçons. Heureusement, M. Whitmore a été arrêté, mais seulement après qu'il ait censément commis de nombreuses infractions de nature sexuelle contre ces garçons. Parlons brièvement de son cas.
Revenons à 1993. M. Whitmore est condamné pour avoir enlevé et agressé sexuellement cinq fois quatre jeunes garçons de Toronto. On lui a infligé une année et quatre mois d'emprisonnement.
En 1995, il récidive. Cette fois, il s'en prend à une fillette de huit ans et un garçon de neuf ans de la banlieue de Toronto. Il est condamné à cinq années de prison pour ces agressions sexuelles.
Moins d'un mois après sa libération, Whitmore est pris dans un motel du centre-ville de Toronto avec un garçon de 13 ans. Il est condamné à une année d'emprisonnement pour avoir enfreint une ordonnance du tribunal.
En 2002, un juge de Toronto inflige à Whitmore trois autres années de prison pour violation de probation, parce qu'il avait quitté la Colombie-Britannique après y avoir été vu en compagnie d'un garçon de cinq ans.
En mars 2004, la Commission nationale des libérations conditionnelles produit un rapport d'après lequel les cliniciens estiment que Whitmore a 100 p. 100 de probabilité de récidive. Et le 22 juillet dernier, on trouve Whitmore à Winnipeg, où il aurait commis une infraction contre un jeune garçon de 14 ans. Le 30 juillet dernier, la GRC émet une alerte AMBRE pour un garçon de 10 ans de la Saskatchewan qu'on croyait avoir été enlevé par Whitmore.
Vous savez le reste. La police a pu retrouver M. Whitmore. Quinze chefs d'agression sexuelle contre des enfants ont été portés contre lui. Voilà le contexte dans lequel vous devez considérer cette infraction et ce projet de loi.
Voici ce que je crains, chers collègues membres du comité. On parle ici d'un homme qui a déjà été condamné à maintes reprises à des peines de prison de cinq années pour des infractions de nature sexuelle. Malgré cela, une peine d'emprisonnement de cinq ans n'a pu le dissuader de s'en prendre de nouveau à de jeunes enfants. Il a aussi passé du temps en prison pour des manquements aux conditions de sa libération conditionnelle.
Présumons que M. Whitmore sorte de nouveau de prison. S'il se sert du leurre par Internet pour satisfaire ses pulsions et qu'il est accusé en vertu de la Loi sur le leurre d'enfants, la peine maximale qu'on pourra lui imposer sera le maximum actuel, soit cinq ans, une peine qui n'a pas encore réussi à le dissuader d'agresser des enfants.
Pour nous tous, il ne s'agit pas simplement de récidives en vertu de l'article 172.1, mais aussi de la possibilité d'imposer une peine lourde à des gens comme Peter Whitmore, dont le passé d'agresseur sexuel d'enfants aboutirait au leurre par Internet. Par ailleurs, une peine maximale de dix ans pour le leurre par Internet correspondrait davantage à la gravité de cette infraction, si l'on songe aux peines associées à des infractions relativement moins graves inscrites au Code criminel. Si nous croyons que les infractions commises avec violence contre les membres les plus vulnérables de notre société, particulièrement les enfants, justifient une dénonciation plus forte, il faut qu'on le voie bien dans les peines que nous infligeons. Pourtant, une comparaison avec bon nombre d'autres infractions du Code criminel nous apprend qu'une peine maximale de cinq ans pour le leurre par Internet ne représente pas la force de dénonciation à laquelle s'attendent les Canadiens.
Faisons une rapide comparaison avec d'autres infractions assorties d'une peine maximale de dix années ou plus d'emprisonnement.
Parlons des articles 151 et 152 du Code criminel, soit contact sexuel et incitation à des contacts sexuels. La bestialité en présence d'enfants est aussi assortie d'une peine maximale de dix ans ou plus. Pour l'inceste, c'est la même chose, de même que pour l'agression sexuelle. Pensons maintenant à des infractions qui ne sont pas liées à des torts causés à un enfant, ni même, dans certains cas, à des personnes. L'enlèvement parental, en vertu de l'article 283, s'applique lorsqu'un enfant est enlevé par le parent qui n'en a pas la garde et est assorti d'une peine maximale de dix ans. Dans ce cas là, pourtant, on peut penser que cet enlèvement n'a peut-être pas du tout nui à l'enfant, du moins pas physiquement.
La simple distribution de pédopornographie, en vertu de l'article 163, est aussi assortie d'une peine maximale de dix ans. Encore une fois, ce n'est pas une infraction contre la personne.
Parlons maintenant de deux infractions qui permettront d'établir une comparaison frappante. La fraude de plus de 5 000 $ donne lieu à une peine maximale de dix années de prison. Saviez-vous que le vol de bétail, en vertu du paragraphe 338(2), qui est une autre infraction contre les biens et non contre la personne, peut être passible d'une peine maximale de dix années d'emprisonnement? Ces comparaisons permettent d'établir que le leurre de nos enfants à des fins sexuelles exige une peine semblable, sinon plus sévère. Mon coeur me dit que la protection de nos enfants vaut bien plus que le vol de bétail ou la fraude de 5 000 $ ou plus.
J'ai un autre argument justifiant l'augmentation de la peine maximale pour le leurre. En augmentant ainsi la peine, nous donnons aux tribunaux l'outil nécessaire pour empêcher de nuire pendant plus longtemps les prédateurs sexuels récidivistes comme Peter Whitmore. Le gros bon sens nous dit que ces repris de justice ne s'en prendront pas à nos enfants tant qu'ils sont incarcérés.
Je dirais aussi qu'une peine accrue pour le leurre se justifie par la nature particulière des infractions de nature sexuelle commises contre des enfants. Beaucoup des prédateurs d'enfants sont des chevaux de retour qui ne peuvent pas être traités ou qui s'y refusent. Autrement dit, certains de ces contrevenants seront toujours un risque pour la collectivité. Une peine maximale offre aux tribunaux la possibilité de les retirer de la société, et cela dans l'intérêt de nos enfants.
Membres du comité, j'ai trouvé très intéressants les commentaires formulés par bon nombre de députés de l'opposition pendant le débat en deuxième lecture sur ce projet de loi. L'une des observations les plus utiles à mon avis a été faite par le député libéral de Mississauga: la peine maximale pour l'infraction punissable par voie sommaire de leurre était trop légère et devrait être alourdie. Compte tenu de cette observation, je suis prêt à vous saisir d'un amendement au projet de loi qui allongerait la peine maximale en cas de condamnation par procédure sommaire, la faisant passer de six à 18 mois d'emprisonnement.
Je crois que cette proposition d'amendement a été distribuée, monsieur le président.
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Monsieur le président, je vous remercie.
Pour les besoins du compte rendu, voici ce que prévoit mon amendement à l'alinéa 172(2)b) :
soit d'une infraction punissable sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire est passible d'un emprisonnement maximal de 18 mois.
L'effet de cet amendement serait simplement de porter à 18 mois la peine maximale dans le cadre d'une procédure sommaire.
Je signale aux membres du comité que par suite de l'amendement apporté au projet de loi C-9 par votre comité, les juges pourront encore recourir aux peines d'emprisonnement avec sursis dans les cas de leurre où ce serait indiqué. Cela devrait simplifier votre examen de mon projet de loi.
Chers collègues, mon projet de loi d'initiative parlementaire ne prétend pas être une réforme globale de la justice pénale. Il s'agit simplement de corriger une erreur apparente dans les dispositions sur la détermination de la peine de l'article 172.1 du Code criminel. J'espère toutefois que cela représentera une amélioration significative et concrète des sanctions disponibles à imposer à ceux qui récidivent en voulant arracher leur innocence à nos précieux enfants.
Il incombe aux députés de faire tout ce qu'ils peuvent, légalement, pour donner au système judiciaire les outils qui permettent d'éloigner les prédateurs sexuels de nos enfants. C'est très simple: nous avons un travail à faire, faisons-le bien.
Les parents aussi ont un travail à faire. Le gouvernement ne peut pas tout faire. Il faut continuer d'encourager les parents à écouter et comprendre leurs enfants, à se renseigner sur les contrôles parentaux qu'ils peuvent installer sur l'ordinateur de leur enfant, à garder l'ordinateur de leur enfant aux yeux de tous, à être à l'écoute et vigilant et à comprendre que l'Internet n'est pas aussi sûr que certains ont pu le croire.
Résumons. Voici ce que fait le projet de loi C-277. D'abord, il condamne sans équivoque l'exploitation sexuelle de nos enfants. Deuxièmement, il met à niveau la peine maximale pour le leurre, en comparaison avec d'autres infractions de nature sexuelle figurant au Code criminel et qui sont assorties habituellement de peines maximales de dix ans ou plus. Troisièmement, il donne à l'infraction de leurre d'enfants l'importance qu'elle doit avoir, soit la même que d'autres infractions qui ne sont pas perpétrées contre la personne, comme la fraude de 5 000 $, le vol de bétail et dans certains cas, bien entendu, l'enlèvement parental. Quatrièmement, il enrichit la panoplie de sanctions dont disposent les juges pour retirer de la société les repris de justice qui représentent un danger latent, voire permanent pour nos enfants. Cinquièmement, il donne davantage de flexibilité pour infliger une peine aux contrevenants pour qui le leurre n'est que l'aboutissement d'une longue série d'actes criminels de nature sexuelle.
Le message du projet de loi C-277 est très clair. Les enfants sont précieux, vulnérables, et ils méritent la meilleure protection qui soit, rien de moins.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
Je veux d'abord féliciter notre collègue de son initiative. Je sais que lorsqu'on dépose un projet de loi à la Chambre des communes, peu importe l'analyse que l'on en fait, on le fait toujours avec conviction. Il est important qu'il y ait à la Chambre un moment pour les députés qui ne sont pas des ministres de la Couronne. Je plaide au sein mon parti pour qu'il y ait deux heures par jour consacrées aux affaires émanant des députés. Je pense qu'il y a un déséquilibre entre ce qui est accordé au gouvernement et ce qui est accordé aux députés. Je suis convaincu que vous avez agi au meilleur de vos convictions et je veux vous en féliciter.
Cependant, j'avoue que nous avons des réticences. Ce n'est, bien sûr, pas le cas en ce qui a trait à vos objectifs. En effet, si vous posez comme prémisse que le Parlement doit toujours être soucieux de prendre les mesures les plus efficaces et les plus dissuasives pour protéger les enfants, je pense que tous les partis, tant celui qui forme le gouvernement que ceux de l'opposition, vont se rallier à cet objectif.
Ma question est la suivante. Vous souhaitez augmenter la peine maximale et la faire passer à 10 ans. J'exclus ici tout le débat qui a eu lieu dans le cadre de l'étude du projet de loi , puisqu'il a été, comme vous le savez, considérablement modifié. Vous avez rédigé un projet de loi qui porte sur le leurre d'enfants. Quelle est, selon vous, la portée de cette infraction? Un juge devrait se pencher sur la question du leurre d'enfants. Comment considérez-vous cela? Quelle est la portée des mots « leurre d'enfants », selon vous?
Je reviendrai par la suite sur les autres infractions subséquentes, car c'est là-dessus que vous nous invitez à voter, essentiellement: le leurre d'enfants sur Internet. Après, vous avez parlé d'autres infractions à caractère sexuel, etc., mais cela n'est pas nécessairement lié à l'article 172.1 du Code criminel. Vous souhaitez faire augmenter la peine possible à 10 ans de pénitencier. Quelle est, selon vous, la portée des mots « leurre d'enfants »?
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Je vois qu'on la fait circuler. C'est très court et son étude ne devrait pas prendre beaucoup de temps.
Je suis toujours un peu nerveux au milieu de tous ces avocats...
Une voix: À juste titre.
M. Myron Thompson: À juste titre, en effet. Je sais quel est l'objectif de ce projet de loi et quand des avocats se mettent à parler du facteur communication ou d'autres choses de ce genre, ça m'énerve. Dans ce genre de conversation, est-ce qu'ils prennent toute la chose à la légère? Essentiellement, on veut arrêter quelqu'un à cause d'une conversation qu'il a eue, et je pense que nous comprenons tous quel est l'objectif du leurre. Nous comprenons tous que cela ne mène à rien de bon.
Monsieur Fast, vous savez peut-être que depuis 13 ans, j'essaie d'obtenir des mesures rapides et sévères contre la pédopornographie. Or, chaque fois qu'on entrevoit la possibilité d'avoir une mesure législative... J'ai eu des projets de loi d'initiative parlementaire, mais je n'ai pas de chance, mon nom n'est jamais tiré.
Et j'entends que des juges estiment qu'il peut y avoir un mérite artistique à certaines choses, et la loi est encore une fois diluée. Un peu plus tard, on nous sort les expressions « biens publics » ou « fins utiles » parce qu'ils tremblent à l'idée que leurs mesures législatives ne résistent pas à la Charte. Pourtant, l'élimination de la pornographie juvénile n'a rien à voir avec la Charte à mes yeux. Il s'agit plutôt de protéger les enfants contre le mal. Et le mal, c'est aussi le leurre d'enfants.
Je ne suis pas même convaincu que le leurre d'une personne de 18 ans doive être considéré comme légal. Quel est l'objectif du leurre par Internet, si ce n'est quelque chose de mauvais? Si vous leurrez une personne de 18, 19 ou 20 ans, l'objectif est probablement le même pour le criminel, qui n'a pas d'autres moyens de communiquer, si on peut appeler cela communiquer. Le gros bon sens me dit que c'est une chose mauvaise, qui ne mène à rien de bon. Mais je suis convaincu que si l'on adoptait une loi rendant illégale ce genre d'activité lorsqu'elle met en jeu des jeunes de 18 ou 19 ans, cela ne résisterait pas à la Charte en raison de certains droits qu'elle confère.
Voici ce que je pense de toute cette situation. On essaie d'agir pour le mieux, et cela suscite des observations inquiétantes, malgré le bien-fondé de l'argument de M. Lee. Je comprends ce qu'il veut dire, mais je m'en moque bien. Ça n'intéresse pas non plus le public, non plus que les parents. Ils veulent qu'on agisse pour protéger leurs enfants. Peu leur importe cette question de communication et d'obstacles à la communication.
J'aimerais qu'on ait le courage de sévir contre ces gens-là. Le leurre a une fin, et il s'agit de causer du tort à quelqu'un, que ce soit un adulte ou un enfant, mais bien trop souvent des enfants.
Je me demande ce que vous pensez de mon opinion de non-juriste que je suis.
: (avocate-conseil, section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice):
Bonjour à tous.
Comme vous le savez déjà, l'article 172.1 sur le leurre par Internet est entré en vigueur par proclamation le 23 juillet 2002. Il faisait partie de l'ancien projet de loi C-15A qui comprenait des réformes au Code criminel visant à mieux protéger les enfants contre l'exploitation sexuelle, surtout celle utilisant les nouvelles technologies comme Internet.
Cet article interdit l'usage d'un système informatique tel qu'Internet pour communiquer avec une jeune personne afin de faciliter la perpétration d'une des infractions sexuelles ou d'enlèvement à l'égard d'enfants qui y sont énumérées.
[Français]
Auparavant, le leurre d'enfants par Internet était devenu une nouvelle préoccupation qui n'était pas correctement traitée dans le Code criminel. Bien que la loi interdisait totalement les contacts physiques sexuels pouvant résulter de ces communications par Internet, elle était moins efficace pour traiter les gestes posés avant et facilitant ce contact — les communications par Internet — de façon à prévenir la perpétration d'une infraction sexuelle ou d'une infraction d'enlèvement.
[Traduction]
Ce genre de conduite aurait pu faire l'objet d'une accusation de tentative d'infraction sexuelle à l'égard d'un enfant, mais pour faire la preuve d'une tentative, il faut qu'il y ait eu plus que de simples préparatifs. Il était donc difficile d'obtenir suffisamment de preuves pour avoir un motif raisonnable de croire qu'une infraction avait été commise avant que le contact sexuel prohibé ne se soit produit.
Le ministère de la Justice, de concert avec ses homologues des provinces et territoires, continue de suivre la mise en oeuvre de l'article 172.1. Étant donné que cette disposition n'est entrée en vigueur qu'au milieu de l'année 2002, nous disposons de peu de statistiques objectives sur le recours qu'on en a fait. Je peux toutefois attirer l'attention du comité sur un résumé de certaines causes jurisprudentielles pertinentes.
Des cas ont été signalés et nous pouvons confirmer qu'on invoque l'article 172.1 avec succès pour lutter contre le leurre d'enfants par Internet. Des accusations ont été portées et des condamnations ont été obtenues, y compris par le biais de plaidoyers de culpabilité. Des peines d'emprisonnement ont été imposées. Nous estimons donc que l'article 172.1 a eu une incidence positive sur la protection des enfants et des adolescents contre la cyberexploitation sexuelle. De plus, sachant que le Canada est l'un des pays les plus branchés, l'importance de l'article 172.1 ne diminuera certainement pas.
Ainsi, il y a trois ans, Statistique Canada a indiqué que 71 p. 100, soit près de trois quarts, des adolescents de 15 ans utilisaient Internet au moins quelques fois chaque semaine; 60 p. 100 ont affirmé l'avoir employé pour des communications électroniques par le biais du courriel et du clavardage.
En outre, les parents qui ont participé au volet canadien du World Internet Project en 2004, qui a fait l'objet d'un rapport en octobre 2005, ont estimé que les adolescents de leur foyer consacraient en moyenne 8,9 heures par semaine à naviguer dans Internet. L'été dernier, en août 2006, le National Center for Missing & Exploited Children aux États-Unis a rendu public un rapport sur un sondage qui avait été mené en 2005 auprès de 1 500 adolescents de 10 à 17 ans, utilisateurs d'Internet, et constituant un échantillon représentatif. On a constaté que, parmi les adolescents ayant fait l'objet d'avances ou de sollicitations sexuelles dans Internet, 70 p. 100 étaient des filles et 30 p. 100 des garçons, et que 81 p. 100 avaient 14 ans ou plus. Dans l'ensemble, 90 p. 100 de la sollicitation sexuelle dans Internet ciblaient les adolescents. Aucun enfant de 10 ans n'avait fait l'objet d'une telle sollicitation, et 3 p. 100 des enfants de 11 ans en avaient fait l'objet.
Manifestement, tout ce qui sert à renforcer nos mesures contre ce genre d'exploitation sexuelle servira à mieux protéger les adolescents. Le projet de loi , qui propose d'augmenter la peine maximale pour les condamnations par mise en accusation, va dans ce sens. De plus, le projet de loi , qui a été renvoyé à votre comité et qui fait passer de 14 à 16 ans l'âge du consentement à une activité sexuelle, permettra aussi de mieux protéger les adolescents contre le leurre par Internet, plus particulièrement les adolescents de 14 et 15 ans qui, selon des études menées récemment, sont les plus menacés par ce genre d'exploitation.
Je termine ici mes remarques liminaires. Je serai heureuse de répondre à vos questions.