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Monsieur le Président, permettez-moi de dire clairement que j'appuie en principe le projet de loi. La révocation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne s'impose depuis longtemps. Au départ, cet article devait constituer une mesure temporaire. Il a cependant été maintenu durant de nombreuses années et le temps est venu de corriger la situation, de veiller à ce que toutes les Premières nations bénéficient de la protection que la plupart des Canadiens tiennent pour acquise.
Les membres des Premières nations ont été trop longtemps assujettis à des normes inférieures à celles qui s'appliquent aux autres Canadiens. Les conditions de vie déplorables, les services d'enseignement de piètre qualité et l'insuffisance des services de santé sont des exemples criants de l'écart très considérable qui existe entre les membres des Premières nations et les autres Canadiens.
Le gouvernement libéral précédent avait lancé un processus de consultation globale pour commencer à combler cet écart. Le processus a débouché sur la signature de l'accord de Kelowna, un accord qui a été signé par l'ensemble des organisations nationales des Premières nations, l'ensemble des gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que par le gouvernement du Canada. Or, les conservateurs ont abandonné l'accord de Kelowna, ce qui a eu pour effet d'ébranler la confiance des membres des Premières nations partout au Canada.
Dans ma circonscription, les gens de collectivités comme Sandy Lake, et leur chef Pardemus Anishinabie, Fort Hope, et leur chef Charlie O'Keese et Kasabonika, et leur chef Gordon Anderson, estimaient que cet accord représentait un premier pas pour réduire l'écart. Ces gens estimaient que l'accord de Kelowna méritaient leur appui et qu'il permettrait d'améliorer la situation dans leur collectivité.
Pour de nombreuses personnes, l'accord de Kelowna n'était qu'un point de départ. L'objectif consistait à réduire l'écart et à faire en sorte que les Autochtones puissent bénéficier de certains des avantages dont jouissaient les Canadiens dans leur ensemble. La réalité que vivent les Autochtones, souvent très dure, est tout autre.
Cet écart dont nous parlons est attribuable en partie à l'article 67. En ne permettant pas aux membres des Premières nations qui vivent dans des réserves de déposer des plaintes relatives aux droits de la personne, le gouvernement continue d'envoyer à ces gens le message qu'ils ne sont pas traités également. Cette situation est inacceptable et l'abrogation de l'article 67 constitue un pas dans la bonne direction pour combler l'écart. Cependant, je dois exprimer de graves inquiétudes concernant les modalités que propose le gouvernement pour la mise en oeuvre du projet de loi.
J'ai eu la chance de discuter du projet de loi avec Stan Beardy, le grand chef de la nation nishnawbe-aski. Il représente les communautés qui ont signé le Traité no 9 dans le Nord de l'Ontario. Le grand chef a travaillé d'arrache-pied pour améliorer les conditions de vie de son peuple. J'ai pu profiter de ses conseils sur des problèmes précis auxquels doivent faire face les électeurs de ma circonscription, celle de Kenora. Il représente 49 communautés autochtones dont bon nombre sont très éloignées, parsemées sur un territoire qui équivaut à près des deux tiers de la superficie de l'Ontario. Sa circonscription compte plus de 45 000 électeurs, mais le grand chef est très au fait des besoins et des priorités de son peuple. Au sujet du projet de loi, il a été très direct, en disant qu'il faudrait davantage de consultations.
Nous connaissons d'expérience l'inefficacité des mesures législatives qui ont été imposées aux Autochtones sans consultations préalables. Nous devons tirer des leçons de notre passé. Il s'agit d'un dossier trop important pour brûler des étapes.
J'ai également eu la chance de profiter des conseils d'Arnold Gardner, grand chef des nations du Traité no 3 dans ma circonscription. En ce qui concerne la consultation, il a exprimé les mêmes sentiments. Il croit que c'est la seule façon de mettre de l'avant les préoccupations des Autochtones. C'est aussi mon avis. Le gouvernement doit mettre de côté son attitude paternaliste pour traiter avec les Autochtones.
J'ai parlé de l'éloignement de certaines de ces collectivités. Je vais prendre un moment pour expliquer. Beaucoup de gens pensent que ces collectivités sont situées à la fin de la route. En fait, on peut se rendre dans certaines collectivités de ma circonscription par la route, celles de Red Lake et Pickle Lake, par exemple. Ces collectivités sont toutefois situées à plusieurs centaines de kilomètres au nord de la 17, la route transcanadienne. Cependant, à la fin de cette route, il faut encore parcourir 500 milles par la voie des airs, vers le nord, pour atteindre la limite de la circonscription.
Dans cette région, il y a 21 collectivités éloignées, notamment North Spirit, Poplar Hill et Webequie. Celles-ci ne s'attentent pas à ce que le gouvernement participe à des consultations dans leur région, mais elles veulent faire en sorte que leurs représentants puissent être entendus et que le gouvernement prête l'oreille à leurs préoccupations. Elles veulent que leurs chefs puissent participer et elles veulent savoir que Stan Beardy et Arnold Gardner seront entendus.
La consultation n'est pas le seul aspect que le gouvernement a négligé dans son empressement. La Commission canadienne des droits de la personne, une autorité en matière de droits de la personne, a recommandé un minimum de 18 mois de transition. Le gouvernement n'a pas tenu compte de cette recommandation et à réduit le temps de transition à six mois seulement.
Les collectivités des Premières nations en ont déjà plein les bras parce qu'elles doivent offrir des services de base à leurs membres. Maintenant, le gouvernement voudrait alourdir ce fardeau en confiant de nouvelles responsabilités aux Premières nations sans leur fournir le temps nécessaire à une transition.
La tenue de consultations permettrait d'avoir une meilleure idée des répercussions de ce projet de loi sur les Premières nations. Nous comprendrions mieux également les préoccupations des Premières nations par rapport au projet de loi.
L'une des préoccupations qui a déjà été soulevée concerne l'effet de l'abrogation de l'article 67 sur les droits issus des traités. C'est une question importante à laquelle il faut répondre avant que le gouvernement décide d'appliquer le projet de loi.
Le gouvernement a décidé d'examiner les conséquences constitutionnelles du projet de loi une fois qu'il sera entré en vigueur. Voilà un autre exemple du refus du gouvernement de traiter adéquatement les préoccupations des Premières nations. Pourquoi ne pas mener les consultations qui s'imposent auprès des organisations des Premières nations tout en examinant les conséquences juridiques du projet de loi en ce qui concerne les droits issus des traités?
Je ne suis pas surpris de constater que le projet de loi ne fait pas mention de la nécessité d'offrir aux Premières nations les ressources pour se préparer au changement. L'approche employée par les conservateurs avec les Premières nations est troublante. Les conservateurs pensent qu'il suffit d'annoncer un programme. Ils ne fournissent aucune ressource pour l'appuyer. Nous en avons eu la preuve avec leur annonce sur l'amélioration de la qualité de l'eau dans les réserves. Les conservateurs ont annoncé de nouvelles normes, mais ils n'ont pas pris la peine de fournir les ressources permettant aux Premières nations de s'y conformer.
De nombreuses collectivités de ma région ont des aqueducs et des égouts. Elles possèdent l'infrastructure, mais la nouvelle réglementation exige des améliorations ou une modernisation et cela coûte cher. J'ai déjà expliqué la gravité des difficultés dans les endroits éloignés. Dans toutes les collectivités, l'infrastructure doit être améliorée, mais, lorsqu'il s'agit de coins reculés où on ne peut aller qu'en avion, les coûts sont très élevés.
Voici l'attitude typique du gouvernement: établir de nouvelles règles sans consultation et sans fournir d'argent ni de ressources pour les appliquer. De nombreuses Premières nations de petite taille veulent être entendues. Les bandes de Fort Severn, de Bearskin Lake et de Muskrat Dam dans ma circonscription veulent toutes savoir, qu'il s'agisse de l'eau ou de l'article 67, si le gouvernement actuel tiendra compte de leurs inquiétudes.
Le gouvernement utilise la même approche avec le projet de loi. Il voudrait abroger l'article 67, mais il refuse de consentir les ressources nécessaires aux Premières nations afin qu'elles se préparent à traiter les plaintes. L'Assemblée des Premières Nations a donné comme exemple les difficultés d'accès des handicapés aux immeubles publics des réserves.
Avec l'abrogation de l'article 67, les Premières nations s'exposeraient, en pareil cas, à une obligation dont nombre d'entre elles ne pourraient pas s'acquitter, étant donné qu'elles n'auraient pas les ressources pour effectuer les améliorations permettant de respecter ces normes. À défaut de fournir les ressources nécessaires, le gouvernement ne fera qu'exacerber la situation actuelle, où les Premières nations peinent déjà à faire vivre les populations des réserves et celles qu'on retrouve dans les rues.
En outre, ce projet de loi a le défaut de ne pas contenir de disposition interprétative, contrairement à ce qu'avait recommandé la Commission canadienne des droits de la personne. Le gouvernement conservateur a préféré ignorer cette recommandation. Une telle disposition aiderait la Commission des droits de la personne et le Tribunal des droits de la personne à traiter les plaintes contre les autorités, les organismes et les institutions des Premières nations. L'Assemblée des Premières nations est d'avis qu'il est impératif d'inclure une telle disposition dans la loi pour garantir le maintien d'un juste équilibre entre les droits collectifs et les droits individuels. Cet équilibre est important et ne devrait pas être mis en péril par une nouvelle loi.
Lorsqu'il est question du juste équilibre entre les droits collectifs et les droits individuels, la question des champs de compétence fait inévitablement surface. Qui devrait avoir la responsabilité de traiter les plaintes relatives aux droits de la personne déposées par des membres des Premières nations? L'Assemblée des Premières nations préconise la création d'un tribunal des droits de la personne pour les Premières nations. Mais, le gouvernement a décidé encore une fois d'ignorer le point de vue de l'Assemblée des Premières nations. Le projet de loi actuel ne mentionne aucunement un tribunal de cette nature.
Je répète que j'approuve l'abrogation de l'article 67, mais que le projet de loi doit être fondamentalement modifié. Cette question est trop importante, et nous avons attendu trop longtemps pour que nous acceptions qu'on nous présente un projet de loi bâclé. Nous devons bien faire notre travail. Toute personne habitant au Canada devrait bénéficier du même droit de porter plainte en matière de droits de la personne. Une telle garantie permettra de bâtir une meilleure relation entre l'État et les Premières nations. De plus, c'est l'orientation que nous dicte notre conscience, alors assurons-nous que nous faisons bien notre travail dans ce dossier.
J'insiste sur ce que m'ont dit les grands chefs Stan Beardy et Arnold Gardner au sujet de la nécessité de consulter. Ils veulent être entendus. J'invite donc le gouvernement à entreprendre des consultations auprès des Premières nations pour mieux comprendre les répercussions de ce projet de loi.
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Monsieur le Président, ce projet de loi a été déposé et considéré comme lu une première fois le 13 décembre 2006, et ce — je tiens à le porter à l'attention ou à le rappeler à l'ensemble des députés siégeant en cette Chambre —, malgré l'engagement du gouvernement du Canada à renforcer des relations liant le gouvernement aux Premières nations.
Cet engagement consistait à renforcer la collaboration et à discuter avec les Premières nations, afin d'élaborer des politiques fédérales qui concernent les membres de l'Assemblée des Premières Nations ou qui ont des répercussions spécifiques importantes sur elles.
Cela se passait le 31 mai 2005 et s'inscrivait dans les suites à donner à un engagement du premier ministre survenu le 19 avril 2004 à la Table ronde Canada-Autochtones. Le premier ministre de l'époque lui-même avait déclaré:
Il est maintenant temps de renouveler et de renforcer l'engagement qui lie le gouvernement et les Premières nations.
Il y ajoutait ceci, que je considère comme un autre engagement:
À l'avenir, le gouvernement discutera avec eux avant d’élaborer des politiques. Ce principe de collaboration constituera la pierre angulaire de notre nouveau partenariat.
À ma connaissance, le n'a pas parlé d'un quelconque partenariat, mais bien d'un nouveau partenariat et, à ce que je sache, aucune autre nouvelle entente de partenariat n'a été suggérée ou portée à la connaissance du Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord, auquel je siège.
Cependant, le 13 décembre 2006, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien émettait un communiqué dans lequel il annonçait le dépôt d'un projet de loi visant à abroger l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
S'il y a eu consultation avec l'Assemblée des Premières Nations, l'Association des femmes autochtones du Canada ou peut-être avec d'autres associations autochtones qui nous sont inconnues, le ministre a un problème, à moins bien sûr qu'il ne soit lui-même un Autochtone. Il n'aurait pas à avoir honte, ce serait tout à fait honorable. Le problème serait qu'il se considère comme une autorité ayant le pouvoir de négocier pour les Autochtones.
En effet, il est aussi le ministre les Affaires autochtones et du Nord canadien et en ce sens, nous sommes assurés que nous n'avons pas besoin de lui rappeler qu'il serait en conflit d'intérêts, mais surtout que le gouvernement s'est engagé, en 2004, à renforcer les relations liant le gouvernement aux Premières nations. En ce sens, à l'avenir, il doit les consulter avant d'élaborer des politiques les concernant.
Or, selon un communiqué émis le jour même du dépôt de ce projet de loi conjointement par le chef des Premières nations, M. Phil Fontaine, et l'Association des femmes autochtones du Canada, il apparaît qu'après 30 ans de lobbying, ils sont d'accord avec le principe de l'abrogation de l'article 67, mais seulement après que les consultations en bonne et due forme auront eu lieu.
Le gouvernement n'a pas consulté les Premières nations, même si cette démarche était attendue depuis 30 ans, a indiqué le chef national des Premières nations. Il est aussi passé outre, comme représentant du gouvernement, à l'engagement du 31 mai 2005.
Déjà en 1977, le ministre de la Justice, Ron Basford, considérait l'article 67 comme provisoire parce que, même à cette époque, le gouvernement s'était engagé à ne pas faire subir de modifications au régime de la Loi sur les Indiens avant de les avoir consultés de façon exhaustive.
Or, de l'avis même du chef national des Premières nations, aucune rencontre de travail, de quelque nature que ce soit, n'a eu lieu avec l'Assemblée des Premières nations, avec l'Association des femmes autochtones du Canada ou encore avec ces deux organisations ensemble, afin d'élaborer sur le projet de le .
Nous devons considérer cette démarche comme un soufflet et pire encore. Personnellement, je considérerais cela comme une insulte, une démarche visant à retarder la mise en place d'une reconnaissance définitive et totale des peuples autochtones.
Que peut-on espérer d'un gouvernement qui a voté contre l'adoption du Projet de déclaration sur les droits des peuples autochtones des Nations Unies, un gouvernement qui a refusé de reconnaître l'entente de Kelowna et qui, aujourd'hui, tente une manoeuvre de diversion dans le seul but apparent de retarder la reconnaissance des droits des peuples autochtones au Québec, au Canada et dans les provinces?
Ce gouvernement n'a pas à se prétendre surpris de voir de plus en plus de chefs, d'associations et de chefs de file autochtones réclamer cette autonomie nécessaire à leur évolution en s'associant, au Québec en particulier, à la démarche nationale d'autonomie vers la souveraineté de leur territoire et de leur nation, démarche québécoise qui rencontre de très près, on le comprendra certainement, leur vision et leurs aspirations.
Qui plus est, y a-t-il de quoi se surprendre des coûts astronomiques consacrés aux négociations des différents ministères avec les Premières nations, quand les lois et règlements les concernant sont concoctés sans consultation?
Y a-t-il de quoi se surprendre du gaspillage d'énergie humaine, dans toutes les démarches de reconnaissance des peuples autochtones, quand les lois les concernant sont soit incompréhensibles ou non adaptées aux faits ou situations?
Qu'y a-t-il à gagner de toutes ces petites « guéguerres » stratégiques visant à étouffer financièrement ces peuples, si ce n'est qu'à étirer suffisamment les pourparlers pour qu'à la fin — dans 100 ans peut-être —, il ne reste personne à qui cela est applicable, ou finalement, s'il en reste, ils seront tellement endettés qu'ils devront céder leurs droits pour rembourser leur dette?
Je précise cette distinction, parce que la stratégie gouvernementale est d'emmener leurs associations ou leurs communautés à abandonner leurs revendications, sinon à envisager la faillite afin de finalement leur imposer la vision du gouvernement et les abandonner à leur sort.
Le Québec a longtemps dû subir cet étranglement et il est, encore aujourd'hui, tributaire de certains porteurs d'eau lui parsemant le chemin de toutes sortes d'embûches. Ne l'a-t-on pas expérimenté tout dernièrement quand deux ministres québécois ont trahi lâchement leurs électeurs pour permettre à un gouvernement centralisateur de placer la nation québécoise en position de faiblesse?
En effet, qui ne connaît pas la ferveur exercée par ce gouvernement avec l'argent des contribuables, dont 25 p. 100 des contributions proviennent de la nation québécoise — je le rappelle —, et cela, afin de protéger l'exclusivité ontarienne de l'industrie automobile? Cependant, lorsque vient le temps de protéger l'industrie principale du Québec, qu'est l'aéronautique, ce sont deux rampants de ce Québec qui se chargent de leur faire admettre qu'ils s'opposent à la vision de leurs collègues anglophones de ne pas la protéger, contrairement à ce qu'ils font pour l'industrie automobile et du pétrole. C'est désolant!
Qui ne connaît pas l'assertion d'un certain premier ministre encore couramment cité, selon laquelle l'industrie automobile, c'est en Ontario que ça se passe; au Québec, c'est l'aéronautique? L'entente qu'on vient de signer privilégie l'installation de l'aéronautique en Ontario et dans les autres provinces de l'Ouest, au détriment du Québec.
Quelle honte pour l'ensemble des Québécoises et des Québécois d'avoir, encore de nos jours, ces citoyens fiers de trahir et surtout fiers de le faire publiquement croyant acquérir un certain prestige, et venir nous dire que, lorsque c'est favorable à l'Ontario et l'Ouest du pays, il ne faut pas intervenir dans un libre marché.
Permettez-moi de vous mentionner que je croyais que l'automobile, c'était aussi et c'est toujours un libre marché. Les pétrolières ont toujours été un libre marché réservé et fortement subventionné au profit de l'Ontario et de certaines provinces parfaitement ciblées.
N'a-t-on pas vu aussi cette faiblesse de la députation conservatrice-québécoise, pas plus tard que la semaine dernière, de la part de la qui, tout en tentant de justifier cela très maladroitement, a accepté l'augmentation des privilèges pour les unilingues anglophones de l'armée, au détriment de la capacité des francophones unilingues d'accéder aux mêmes privilèges et nominations?
Que penser aussi de tous ces élus conservateurs du Québec qui se plient à toutes sortes de contorsions à l'encontre des intérêts des Québécoises et des Québécois, allant même jusqu'à leur présenter un bras d'honneur à l'occasion d'un vote concernant leurs revendications sur la gestion de l'offre?
Quelle honte pour l'ensemble du Québec de voir certains paresseux prétendre publiquement représenter leur électorat et collaborer à l'annihiler, afin de pouvoir récupérer quelques miettes! Tous ces libres penseurs élus au Parti conservateur sous de fausses représentations sont devenus une entrave majeure à l'économie et à l'évolution du Québec. Ils pourraient peut-être essayer de se trouver du travail dans ce pays après la prochaine élection.
Je comprends très bien la méfiance des peuples autochtones envers ce gouvernement. Les Québécoises et les Québécois l'ont aussi ressentie, et le peu d'électeurs qui ont cru qu'il valait peut-être la peine de l'essayer vont se raviser dès qu'ils réaliseront l'infamie de ceux à qui ils ont accordé leur confiance.
À mon avis, le jour où le pays du Québec aura reconnu l'ensemble de ses nations autochtones, plusieurs autres pays se sentiront poussés vers cette logique. Cependant, pour ce faire, ça prendra la décision d'une nation qui aura connu les mêmes problèmes que vivent actuellement l'ensemble des peuples autochtones partout au Canada.
Je suis fier d'avoir dans ma circonscription la nation crie.
Je suis fier de l'avancement qu'ils ont obtenu, de prime abord, grâce à la Convention de la Baie-James et, par la suite, grâce de la compréhension typiquement québécoise exercée par le Parti québécois avec la capacité visionnaire qu'avait Bernard Landry, et ce, dans le respect des aspirations des peuples des Premières nations dans le cadre de l'entente de la Paix des braves. Les Québécois, comme les Cris, n'attendent finalement que la reconnaissance de l'équivalent de la Paix des braves de la part du gouvernement fédéral pour propulser cette nation dynamique qu'est la nation québécoise vers d'autres défis.
Se peut-il qu'encore aujourd'hui, dans un pays qu'un tout récent premier ministre qualifiait du « plus meilleur pays au monde », on en soit encore à discuter d'un droit aussi fondamental que la reconnaissance des peuples des Premières nations à la protection de base la plus fondamentale que celle garantie par la Loi canadienne sur les droits de la personne dont ils sont exclus en vertu de l'article 67, qui tire son origine du paragraphe 63, page deux, qui est libellé comme suit: « La présente loi est sans effet sur la Loi sur les Indiens et sur les dispositions prises en vertu de cette loi. »
Selon Ron Basford, alors ministre de la Justice, cette disposition était nécessaire en 1977, compte tenu de l'engagement du gouvernement à ne pas réviser la Loi sur les Indiens en attendant — il a bien dit « en attendant » — l'issue des consultations en cours avec la Fraternité Nationale des Indiens et d'autres organisations.
Cette disposition a suscité la controverse dès son dépôt. On a estimé qu'elle était particulièrement préjudiciable aux femmes des Premières nations, déjà privées de statut aux termes des dispositions de la Loi sur les Indiens, alors en vigueur et considérée discriminatoire.
Lors de l'étude de ce projet de loi connu sous le nom de projet de loi C-25 et devant mener à la nouvelle loi, plusieurs témoins ont été appelés à se prononcer devant le Comité permanent de la justice et des questions juridiques. Ils avaient dénoncé cette exception comme étant injuste et répréhensible, un affront et la pire indifférence à l'égard des droits de la personne.
Le ministre considérait même l'article 67 comme une nécessité provisoire, laissant entendre que le Parlement ne serait pas très favorable à l'idée de maintenir cette exception indéfiniment ou très longtemps.
C'était mal connaître ou mal évaluer les parlementaires à venir après 1977 et même 1985. Nous serait-il permis de croire que les différents gouvernements, avant 1985, étaient plus démocratiques que ceux de l'ère moderne, surtout après avoir connu des gouvernements majoritaires libéraux, le gouvernement minoritaire libéral de 2004 et l'autre gouvernement minoritaire conservateur, au pouvoir depuis 2006 et qui défie les décisions majoritaires du Parlement?
En ce qui concerne les libéraux, il faut peut-être considérer qu'après 13 années consécutives au pouvoir, ils aient perdu contact avec la réalité du monde tout en ayant une impression d'invincibilité. C'est ce qui survient généralement lorsque que c'est par l'ignorance et l'indifférence qu'ils gouvernent. Ils l'ont probablement constaté lorsque l'électorat les a sanctionnés.
Quant au gouvernement minoritaire actuel, c'est inquiétant de voir ce gouvernement inexpérimenté, avec des compétences limitées, des députés québécois sans courage ni éthique dans la représentation des intérêts de leurs électeurs. Il est inquiétant pour la démocratie de voir ce gouvernement défier la volonté du Parlement, la volonté de la population autant québécoise que canadienne avec encore plus d'arrogance que le gouvernement précédent.
Je considère l'Assemblée des Premières nations et l'Association des femmes autochtones du Canada bien avisées de s'être déclarées favorables à l'abrogation de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, à condition de respecter l'engagement du 31 mai 2005 — qui faisait suite aux engagements du premier ministre du 19 avril 2004 — de discuter avec les Premières nations afin d'élaborer des politiques fédérales qui les concernent.
Est-il nécessaire de répéter les propos du premier ministre à la Table ronde Canada/Autochtones du 19 avril 2004 pour rappeler que ce projet de loi, non pas tant sur le fond que sur la forme, va à l'encontre des ententes déjà intervenues et serait un sujet additionnel de mésentente?
La réaction des principaux concernés ne s'est d'ailleurs pas faite attendre et c'est par voie de communiqué que l'Assemblée des Premières nations et l'Association des femmes autochtones du Canada, le jour même du dépôt de ce projet de loi, ont rappelé les conditions de reconnaissance de tout projet ou loi les concernant, faut-il le rappeler, et ce, malgré le désir très grand de voir cet article disparaître après 30 ans de revendications.
Connaissant, en grande partie, les coûts astronomiques entraînés par les négociations avec les autochtones et les mésententes interprétatives des lois en vigueur ainsi que les engagements du gouvernement en regard de la procédure lors de la promulgation de nouvelles lois ou ententes les concernant et ayant des répercussions spécifiques sur eux, il est évident qu'aucune prise en compte du contexte juridique spécifique de ceux-ci, pas plus d'ailleurs que du développement de leurs compétences connexes en ce qui a trait à la Loi canadienne des droits de la personne, n'a eu lieu lors du dépôt de ce projet ou à la suite de ce dépôt.
On comprendra certainement la difficulté de croire en la bonne foi de ce gouvernement qui a déjà aussi voté contre la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones et a rejeté l'entente de Kelowna.
Plusieurs de mes collègues, tout comme moi, représentent des concitoyens autochtones et inuits dans leur circonscription et, contrairement aux députés et ministres québécois de ce gouvernement, ils ne sentent pas le besoin de les trahir pour s'attirer la sympathie de leurs collègues non intéressés ou la sympathie de leur chef qui ne semble n'y avoir aucun intérêt.
Mes collègues et moi maintiendrons notre engagement indéfectible envers nos électeurs ainsi que notre solidarité envers les peuples qui, comme nous, aspirent à leur autonomie, à la loyauté de leurs élus et à leurs droits les plus élémentaires.
Il est entendu que nous prendrons en considération l'actuelle démarche afin de nous positionner. Si jamais nous décidions de l'appuyer, ce ne sera que dans le seul but de pouvoir en faire l'étude en comité, d'y apporter des modifications et d'y entendre les témoignages nécessaires des peuples des Premières nations.
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Monsieur le Président, je suis contente de participer avec mes collègues au débat concernant le projet de loi , un projet de loi qui vise à modifier la Loi canadienne des droits de la personne en abrogeant l'article 67 qui a trait à la Loi sur les Indiens. Voici le libellé de l'article 67:
La présente loi est sans effet sur la Loi sur les Indiens et sur les dispositions prises en vertu de cette loi.
Permettez-moi de dire d'entrée de jeu que je suis très favorable aux droits de la personne. Je me suis prononcée publiquement à ce sujet à de nombreuses reprises. Par conséquent, j'appuie le projet de loi en principe. Ce que je dénonce, par contre, c'est le manque de compréhension du contexte du projet de loi et de ses implications pour le mode de vie autochtone.
Je suis attristée également du fait que le gouvernement conservateur n'a pas su se mettre à l'écoute de nombreux intervenants qui se sont déjà exprimés par le passé au sujet des modalités d'abrogation de l'article 67, abrogation dont personne ne conteste la nécessité, et je pense ici surtout à l'Assemblée des Premières nations, à l'Association des femmes autochtones du Canada et à l'Association du Barreau canadien.
Je suis également déçue du fait que le gouvernement n'ait pas su travailler en collaboration avec les personnes sur lesquelles cette mesure législative se répercutera, de manière à élaborer un projet de loi ayant leur assentiment. Je pense évidemment aux Premières nations du Canada.
De nombreux députés ont parlé des aspects techniques du projet de loi. Pour ma part, je vais plutôt aborder les éléments humains et l'équilibre délicat qu'il faut rechercher entre les droits collectifs et les droits individuels. Je vais également parler de la nécessité d'une disposition interprétative, comme l'a recommandé la Commission des droits de la personne dans plus d'un rapport.
Dans son rapport intitulé Une question de droits, le Comité de révision de la Commission canadienne des droits de la personne a étoffé cet aspect comme suit:
Au moment de procéder à l'abrogation de l'article 67, il importe de s'assurer que le système de règlement des plaintes relatives aux droits de la personne tiendra dûment compte du caractère particulier de la situation et des droits des Premières nations.
La Commission a souligné qu'il fallait ajouter une disposition interprétative de manière à ce que la défense des droits individuels n'ait pas un effet discriminatoire sur des droits collectifs légitimes.
Permettez-moi de vous lire maintenant un extrait du rapport de l'APN à cet égard:
Dans des mémoires antérieurs concernant l'article 67, l'APN a nettement préconisé l'inclusion d'une disposition interprétative. Nous l'avons fait parce que nous nous inquiétons de voir la loi fédérale miner nos droits collectifs et de constater son intention ferme d'assurer l'équilibre entre les droits individuels et collectifs.
La Loi sur les Indiens est un instrument qui est utilisée pour miner les droits « collectifs » économiques, sociaux, culturels et politiques des membres des Premières nations au Canada depuis plus de 100 ans.
Ce rapport sur les droits de la personne insiste beaucoup sur la nécessité de dispositions permettant le développement et l'adoption en consultation avec les Premières nations. Il tient aussi compte du délai requis pour mettre en oeuvre les changements et propose une période de transition plus réaliste de 18 à 30 mois de manière à ce que les Premières nations et la commission soient prêtes à régler les plaintes efficacement et rapidement. Il faut prévoir du temps pour l'adaptation à un autre changement fondamental qui transforme les façons de faire.
Les Autochtones souffrent constamment en raison des décisions prises ailleurs auxquelles ils n'ont pu participer. Nous devons ensuite vivre avec les conséquences sans bénéficier, généralement, d'une période de transition. Les Canadiens se demandent ensuite pourquoi il y a des conséquences sociales.
Les gouvernements ont eu plus de 100 ans pour mettre en oeuvre la Loi sur les indiens, aussi imparfaite soit-elle. Ils demandent maintenant aux bandes de mettre en oeuvre le projet de loi en six mois. Est-ce vraiment équitable?
L'ancien gouvernement libéral s'employait à établir de solides relations avec les communautés autochtones et il a collaboré avec les intervenants sur la portée de la loi avant qu'elle ne soit déposée à la Chambre.
Il faudrait donner des ressources aux Premières nations, non seulement pour la mise en oeuvre de ce changement, mais aussi pour aider à l'élaboration de la disposition interprétative qui est si nécessaire. Il faudrait des fonds pour le renforcement des capacités, des fonds pour expliquer les changements à tous, des fonds pour mettre en place des procédures et des systèmes de mise en oeuvre, des fonds pour procéder par étapes et faire le travail dans la langue requise pour joindre ceux qui sont touchés.
Nous voyons déjà dans le monde des exemples de changement fondamental et du temps qu'il faut aux gens pour s'adapter. L'Occident s'est réjoui de la chute du mur de Berlin et de l'effondrement du communisme en Russie, mais nous savons que les gens ont pris du temps à exercer leurs nouvelles libertés. Il faut toujours une période de transition quand la vie change. Six mois ne suffisent pas.
Je suis certaine que dans ces pays les gens apprennent toujours à embrasser leurs nouvelles libertés et à exercer leurs droits démocratiques. Pourquoi le gouvernement conservateur pense-t-il qu'il n'en serait pas ainsi pour les Premières nations? Pense-t-il que les Autochtones sont différents des autres être humains, ce qui, bien sûr, irait à l'encontre du but visé par l'abrogation de cet article? Dans son traitement des dossiers autochtones, le gouvernement conservateur envoie un message contradictoire aux Premières nations en ne faisant preuve d'aucune sensibilité et en ne débattant pas réellement les enjeux.
J'aimerais aborder brièvement la question des droits individuels par rapport aux droits collectifs. Je sais qu'il s'agit d'une notion difficile à comprendre pour nos amis du Parti conservateur, mais cette question préoccupe réellement les autochtones, à qui la question de leurs droits collectifs tient à coeur.
Dans la circonscription de Nunavut, que je représente, nous avons choisi de posséder collectivement, non pas individuellement, le territoire, aux termes du traité moderne que nous avons conclu. Nous abordons la question de la propriété d'une façon fondamentalement différente, en comparaison avec la plupart des Canadiens. Un des aspects de cette mesure qui me préoccupe le plus, c'est qu'elle pourrait constituer un premier pas vers l'établissement de la propriété foncière en fief simple, ce qui aurait pour effet de miner les revendications des peuples autochtones.
Par ailleurs, lorsqu'une possibilité économique se présente, la création d'un parc ou l'ouverture d'une mine, par exemple, la plupart des Autochtones veut que la collectivité tout entière, plutôt qu'une poignée de favoris, en bénéficie. Nous pouvons atteindre un tel objectif en adoptant des pratiques d'embauche et d'attribution de marchés qui donnent préséance à nos membres ou en fournissant des programmes et des services visant exclusivement ou prioritairement nos membres lorsque cela est justifié. De telles pratiques s'adressent aux membres qui ne bénéficient pas habituellement de l'activité économique ou de la prospérité dans leur région.
Il est parfois nécessaire d'instaurer des programmes d'action positive à l'intention d'un groupe de personnes défavorisées de manière à uniformiser les règles du jeu. Nous devons assurer que les Premières nations aient la latitude voulue pour aborder le défi social auquel sont confrontées nombre de collectivités autochtones. Il est essentiel d'offrir cette option aux Premières nations.
Ce que je peux dire par rapport au traité moderne, c'est qu'on doit faire en sorte que les sociétés minières ou les autres gouvernements concluent des ententes sur les répercussions et les avantages avec les populations locales. De cette manière on pourrait assurer que les populations locales bénéficient des retombées des projets et que la plupart des fonds ne quittent pas le territoire.
Malheureusement, cette mesure ne va pas dans ce sens et je me demande pourquoi. Y aurait-il une raison qui m'échappe? La mesure ne renfermant aucune disposition dans ce sens, je me vois obligée de souligner le manque de sensibilité à l'égard des réalités des peuples autochtones.
Je presse le gouvernement de rendre ce projet de loi plus convivial et de ne pas agir unilatéralement, car les peuples autochtones doivent participer à la prise de décision. Je croyais que nous avions tourné cette page dans l'histoire du Canada. Ne nous la faites pas revivre.
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Monsieur le Président, aujourd'hui, je veux consacrer mes 20 minutes à expliquer que cela ne sera pas un processus aussi facile que les gens pourraient l'imaginer. Cette mesure supprime simplement une disposition pour faire en sorte que les droits de la personne s'appliquent également à tous. Cela semble aller de soi. C'est simple et direct, et beaucoup d'entre nous à la Chambre sont d'accord là-dessus.
Pour un certain nombre de raisons, cela ne sera pas si simple. Je ne crois pas que les médias — dont bon nombre se sont intéressés à la question — et certains députés se rendent vraiment compte de l'important débat que suscitera le retrait de cette simple disposition. Nous parlons de l'union et de la collaboration de deux cultures entièrement différentes. Ces deux cultures ont des langues, des rituels, des modes de gouvernement et des droits collectifs différents. Elles ne sont pas gouvernées de la même façon. Pourtant, nous allons appliquer à l'une de ces cultures une mesure relative aux droits reconnus dans l'autre culture.
Croyez-moi, l'étude de ce projet de loi, de cette très vaste question, suscitera un très sérieux débat au comité. Certains des problèmes, que d'autres députés ont déjà soulignés, sont attribuables au fait que cette mesure législative a été mal préparée. Le gouvernement aurait pu réduire grandement le nombre d'amendements qui seront nécessaires pour rendre la mesure plus raisonnable et adéquate.
Le projet de loi propose une modification de la Loi sur les droits de la personne. Adoptée en 1977, cette loi interdit la discrimination en cours d'emploi ou dans le cadre d'un contrat pour la fourniture de services. Ce projet de loi supprimerait une disposition qui, essentiellement, établit que la discrimination fondée sur la Loi sur les Indiens est acceptable et ne peut être contestée. Je vais simplement énumérer ici certains problèmes que j'entrevois et certaines des choses dont il faut tenir compte pour que cette cause très valable soit bien servie et que les mesures en ce sens fonctionnent comme il se doit.
Vient d'abord, bien sûr, le problème des ressources. Si nous devions essayer de faire respecter les lois, au Canada, sans avoir ni police ni procureurs, un peu comme nous essayons de le faire en Afghanistan, cela ne fonctionnerait évidemment pas. Quand une nouvelle loi est appliquée, nous avons besoin de leur contribution. On peut aussi faire comme si le problème n'existait pas. Malheureusement, le gouvernement semble avoir l'habitude d'agir ainsi. Je pense que nous avons posé la question trois fois à différents ministres de la Justice. Chaque fois, la réponse a été non. Il n'y avait pas de dispositions, et l'on n'avait pas calculé les ressources nécessaires, ou alors on les avait mal calculées. Je me souviens des deux fois où je l'ai demandé. La première fois, le ministre a dit que les améliorations que représentait ce projet de loi pour la société allaient en payer les coûts.
Tout d'abord, les témoins ont dit que ce projet de loi coûterait davantage à la société et qu'il représente un pas en arrière; il ne fonctionnerait donc pas, et même s'il fonctionnait, il va sans dire que la Loi sur la gestion des finances publiques fonctionne différemment. Les améliorations générales apportées à la société par un projet de loi ne peuvent en payer la mise en oeuvre. À propos de l'autre loi, le a dit que ça concernait le ministre de la Sécurité publique, qu'il devrait assumer le coût de sa mise en oeuvre. Si un gouvernement souhaite sérieusement adopter des lois utiles et les mettre en oeuvre, il doit effectuer des analyses pour déterminer les ressources nécessaires.
Pour en revenir au projet de loi dont nous sommes saisis, les gouvernements et institutions des Premières nations auront besoin de formation, surtout étant donné leur manque de ressources financières. Il leur faudra des fonds pour la mise en oeuvre de la nouvelle loi. La mise en oeuvre d'une loi entraîne de nombreux coûts, autant pour ces derniers que pour le gouvernement fédéral.
Bien sûr, ce dernier dispose de plus d'argent pour se défendre. Il a toute une floppée d'avocats à sa disposition. Tous les gouvernements passent leur temps à se défendre. Mais les Premières nations, de quoi disposent-elles? Les gens pensent qu'ont peut attribuer de nouvelles responsabilités aux gouvernements des Premières nations ou aux gouvernements autochtones et que ces derniers ont toutes les ressources nécessaires pour s'en acquitter, mais en vérité ils n'ont pas d'argent. Ils n'ont que les ressources que leur ont accordées les autres ordres de gouvernement à des fins très précises. Ils ont à peine de quoi s'acquitter de leurs responsabilités quotidiennes.
Si nous exigeons davantage d'eux, comme le ferait ce projet de loi, où vont-ils aller chercher les ressources nécesaires? Dans les domaines où il a déjà pénurie, comme le logement, l'éducation et l'approvisionnement en eau potable? Ils n'ont aucune autre ressource et le projet de loi n'en prévoit aucune. Pensez simplement au nombre d'établissements et d'installations dans les collectivités des Premières nations qui ne sont pas accessibles aux fauteuils roulants. Ce projet de loi propose toutes sortes de choses qui entraîneront des coûts pour les Premières nations sans qu'aucune analyse de ces derniers n'ait été faite, sans aucune disposition à cet égard et sans aucune indication de la part du gouvernement fédéral qu'il les couvrira.
Il y a un autre aspect très important, et certains de mes collègues en ont fait mention, c'est celui d'une disposition d'interprétation. J'y reviendrai plus longuement tout à l'heure, mais lorsque, dans une société fondée sur la coopération et la diversité, deux cultures totalement différentes se rejoignent, il nous faut, et les experts l'ont proposé, une disposition interprétative pour déterminer comment nous allons appliquer cette proposition aux gouvernements et institutions des Premières nations. Cette dimension a déjà été mise en avant dans de nombreuses recommandations.
Le troisième aspect qui nécessitera des discussions et des améliorations, c'est la consultation. Je souscris à la disposition insérée par le gouvernement dans le projet de loi, laquelle prévoit un examen après cinq ans, mais c'est trop tard. De nos jours, il serait insensé, des points de vue à la fois politique et juridique, qu'un gouvernement ne consulte pas les Premières nations sur une question de première importance comme celle-ci, ce qui correspond tout à fait à l'essence de la philosophie qui sous-tend la définition des droits collectifs et individuels. La consultation est tout simplement incontournable en ce moment, puisqu'il s'agit d'apporter des changements de grande importance. Cause après cause, les tribunaux ont jugé que, dans le cas des Premières nations, il nous faut consulter. Cela n'aurait aucun sens d'agir sans avoir consulté, ce que le gouvernement semble pourtant vouloir faire. Divers députés sont déjà intervenus sur ce point et je n'en dirai donc pas davantage.
Le prochain élément concerne le délai nécessaire de mise en oeuvre de cette proposition. Le gouvernement prévoit une période de six mois. Il est impossible qu'un changement de première importance comme celui-ci puisse être réalisé en six mois, compte tenu du fait que le gouvernement n'a pas encore planifié la formation et les ressources nécessaires, compte tenu du fait qu'il n'a pas encore présenté d'interprétation, et compte tenu de la préparation et de la formation qu'il faudra donner aux gouvernements des Premières nations pour traiter ces plaintes devant la Commission des droits de la personne. Personne, pas même le gouvernement, n'a exprimé l'avis qu'une période de six mois suffirait pour la formation de la police et la mise en place de systèmes en Afghanistan. Il s'ensuit que, s'agissant de cette proposition, il faudrait prévoit un délai beaucoup plus raisonnable. Je propose de 30 à 45 mois afin qu'on puisse réunir tous les éléments voulus, y compris dans les domaines où les travaux n'ont pas encore démarré.
Le prochain aspect dont il faut discuter, à mon avis, c'est celui des droits ancestraux et des droits issus de traités, ainsi que des effets du projet de loi sur ces droits. Ces droits existent depuis longtemps et sont très complexes. Certains sont inscrits dans la Constitution. Il est moralement impérieux d'en accorder certains autres. Il faut les examiner et les analyser, et on n'a pas l'impression que cela a été fait dans l'élaboration du projet de loi. Nous ne savons absolument rien des effets de ce projet de loi sur ces situations complexes, et on n'a pas analysé l'effet que ce projet de loi aura sur ces droits. Je ne dis pas qu'il ne faut pas l'adopter, mais, de toute évidence, nous devons analyser ces effets, nous assurer qu'il est légalement et moralement possible de l'adopter, et déterminer si des rajustements s'imposent.
Dans la plupart des traités modernes, cela ne pose pas un grand problème, car la Première nation ou le peuple autochtone doivent relever de la loi sur les droits de la personne. En ce qui concerne les Autochtones qui s'inquiètent de savoir si cela est possible, nous en trouvons de bons exemples, comme les Cris, les Tlichos, bon nombre des Premières nations du Yukon, les Nisga'as et la Première nation de Westbank, qui relèvent de la loi sur les droits de la personne. Nous pouvons constater que cette loi fonctionne, mais toutes les autres situations n'ont pas été analysés.
Cet aspect de l'élaboration d'un projet de loi par le gouvernement conservateur soulève beaucoup d'inquiétude. Habituellement, on élabore un projet de loi en passant par un processus très sérieux, à la suite d'une longue étude menée par les hauts fonctionnaires. Après avoir examiné tous les aspects dont je parle, ils présentent enfin des recommandations touchant tous ces aspects et ils expliquent les effets d'un projet de loi. De toute évidence, il semble que cela n'a pas eu lieu cette fois-ci, car, autrement, on aurait examiné tous ces aspects d'une façon ou d'une autre. Ce constat est très grave.
Lorsque le Comité de la justice a siégé à Toronto, un témoin nous a dit que, essentiellement, cette analyse ne se faisait pas également pendant la préparation de projets de loi en matière de justice. Auparavant, de vastes consultations publiques avaient lieu, et les hauts fonctionnaires examinaient tous les aspects d'un projet de loi avant de le présenter. Cela ne se faisait pas dans le cas des projets de loi en matière de justice qu'une vaste majorité des témoins critiquaient largement. C'est évidemment la raison pour laquelle on les critiquait largement: ils n'avaient pas été bien préparés.
Je parlerai de la sixième préoccupation. Elle concerne les institutions. Il conviendrait peut-être davantage qu'une institution autochtone s'occupe des accusations contre les gouvernements et les institutions autochtones. La plupart des députés qui siègent à la Chambre depuis quelques années savent que différents projets de loi ont été adoptés récemment en vue d'accroître le nombre d'institutions autochtones. Des institutions ont été créées pour gérer les nouveaux pouvoirs conférés aux Autochtones; les institutions existantes n'auraient peut-être pas été aussi sensibles ou compétentes. Voilà un domaine que l'on n'a pas examiné et dont on n'a pas parlé.
Il existe d'autres secteurs du développement de la justice qui nécessitent l'attention prioritaire du gouvernement. Dans ma région, le conseil de Teslin Tlingit négocie depuis des années pour établir son système de justice. Il s'est développé avec les revendications territoriales. De plus, la Première nation Carcross Tagish travaille à l'élaboration d'un nouveau droit de la famille pour lequel elle a besoin d'appui.
Je tiens à préciser pour ceux qui nous regardent que l'exemption qui serait éliminée ne vise que la discrimination découlant de la Loi sur les Indiens. Les autochtones sur les terres cédées en vertu d'un traité pourront donc continuer, comme à l'heure actuelle, de déposer une quarantaine de plaintes par année à la Commission des droits de la personne pour d'autres violations des droits de la personne dans leurs communautés. La portée est plutôt restreinte. La Loi sur les Indiens est vaste et omniprésente, mais seules les actions qui la concerne sont visées.
Comme l'a expliqué ma collègue, la députée de , la mesure législative ne s'appliquerait pas aux Premières nations qui jouissent de l'autonomie gouvernementale et qui ne sont plus assujettis à la Loi sur les Indiens, car elles ne peuvent faire l'objet de discrimination à cause de cette loi.
Je le répète, le débat est beaucoup plus important que ce que les médias et certains députés peuvent penser. En effet, il provoque une grande discussion sur les droits collectifs et les droits individuels et sur les différences entre les deux sociétés. Je fais référence aux cérémonies collectives comme les potlatchs et les danses du soleil, de même qu'au droit familial pratiqué par la Première nation de Carcross-Tagish, chez qui les relations familiales et la notion de responsabilité sont vastes et différentes.
Je pense aussi aux Premières nations qui ne possèdent pas de terre. Qui a dit que ce système ne pouvait pas fonctionner? Récemment, j'ai représenté le Canada en Mongolie à l'occasion du 800e anniversaire de ce pays. Là-bas, la terre n'appartient à personne. De vastes troupeaux circulent sur des terres sans propriétaire. Il y a des producteurs très prospères. Rien ne dit que les lois, les institutions ou les méthodes d'une société ne peuvent pas fonctionner ou qu'un système est meilleur qu'un autre. Toutefois, j'estime que le Canada peut trouver une solution qui lui est propre. Nous pouvons faire des compromis et collaborer pour trouver un système qui fonctionnera en pratique pour tous.
J'aimerais faire brièvement l'historique de cette exemption. Ce n'est pas le premier essai. Je veux aussi étayer certains changements que j'ai recommandés dans la première partie de mon discours.
On a présenté un projet de loi du genre à maintes reprises depuis l'entrée en vigueur de la Loi canadienne sur les droits de la personne en 1977. En 1992, on a présenté le projet de loi C-108, mais il n'est pas allé au-delà de la première lecture. La deuxième fois, c'était en 2000. Un rapport intitulé La promotion de l'égalité: Une nouvelle vision était paru. À l'époque, tous les groupes autochtones exigeaient l'abrogation, mais estimaient qu'une mesure généralisée ne convenait pas. Ils jugeaient qu'une disposition interprétative s'imposait pour les mêmes raisons que j'ai mentionnées plus tôt. Cela soutient l'un des points que j'ai fait valoir.
La troisième fois, ce fut par le truchement du projet de loi C-7. Les femmes, probablement les personnes les plus touchées par cette mesure, ont une fois de plus abordé la question des droits collectifs. Le projet de loi C-7 n'a pas été adopté, mais il s'agissait d'un très gros projet de loi. D'autres éléments ont empêché son adoption.
La quatrième fois que la question a été soulevée, c'est dans une étude spéciale intitulée Une question de droits, parue en 2005. Une fois de plus, les auteurs de l'étude ont fait valoir qu'il devrait y avoir une disposition interprétative afin que les droits individuels, qui offrent une protection contre la discrimination, soient considérés à la lumière de l'intérêt collectif légitime. Ils ont aussi parlé du besoin de consultations, lesquelles font si cruellement défaut, ainsi que nombre d'entre nous l'ont déjà expliqué. Ils ont proposé une période de mise en oeuvre de 18 à 30 mois, et non les 6 mois proposés dans le projet de loi ni les 30 ou 45 mois que j'ai recommandés. Ils ont en outre parlé d'adaptations institutionnelles dans les six secteurs proposés nécessitant des améliorations, une étude, des ajouts ou des modifications dont j'ai parlé plus tôt.
Le rapport traitait aussi des ressources, ce sur quoi portait mon premier point, afin que nous ne prenions pas l'argent consacré à des secteurs qui manquent déjà cruellement de fonds dans les collectivités des Premières nations: la santé, l'éducation et le logement.
La cinquième fois où la question a été soulevée, c'est dans un rapport intitulé Access to Justice and Indigenous Legal Traditions qui a été rendu public en 2006. Encore une fois, ce rapport proposait un plan pluriannuel visant à faire participer pleinement les collectivités autochtones et les collectivités des Premières nations et à les consulter véritablement au sujet de l’abrogation de l’article 67, mais une fois de plus, il n'y a pas eu de consultations. Le rapport traitait d'un plan pluriannuel global, de l'accès aux ressources, et d'autres éléments dont j'ai parlé et qui seraient nécessaires pour que le projet de loi donne les résultats escomptés.
Si le projet de loi entre en vigueur sans que les ressources voulues soient affectées à son application, il est évident qu'il ne donnera pas les résultats escomptés. D'aucuns diront que, pour que cela fonctionne, les femmes autochtones des régions éloignées pourraient peut-être accéder à l'aide juridique pour faire entendre leurs plaintes, au Programme de contestation judiciaire ou à la Commission du droit du Canada. Hors, le gouvernement a supprimé tous ces programmes en tout ou en partie. Par conséquent, à quelles ressources vont devoir recourir les femmes autochtones pauvres des régions éloignées pour se prévaloir de ces nouveaux pouvoirs et moyens pour se protéger?
Les Nations Unies ont également soulevé la question de l'abrogation de l'article 67 en 2004 par l'entremise du rapporteur spécial, en 2006 par l'entremise du Comité des droits de l'homme et toujours en 2006, par l'entremise du Comité des droits économiques, sociaux et culturels. Tous étaient en faveur de l'abrogation de l'article 67.
Je voudrais parler de la réaction de divers groupes. L'Association des femmes autochtones du Canada et l'APN ont fait valoir que l'abrogation de l'article 67 serait, pour les diverses raisons dont j'ai déjà parlé, un désastre si les intéressés n'étaient pas consultés.
L'Assemblée des Premières Nations a proposé de confier à une institution autochtone la mise en oeuvre de cette mesure dans les collectivités autochtones. Elle a soulevé la possibilité d'adopter une disposition interprétative, toujours afin de préserver l'équilibre entre les importants droits collectifs et les droits individuels. Elle a soulevé la question des ressources. Nous constatons donc une fois de plus que les six points dont j'ai parlé au début de mon discours préoccupent également divers experts d'autres domaines. S'il y a eu des consultations, celles-ci n'ont pas été prises en compte dans la proposition présentée au Parlement. L'assemblée s'inquiète de la manière dont on remédiera à la pénurie de logements si les ressources devaient être détournées vers l'application de la nouvelle loi, notamment pour former et employer des personnes chargées de traiter les plaintes fondées sur la loi. L'assemblée propose d'étaler la mise en oeuvre de la nouvelle loi sur une période d'au moins 30 à 45 mois, exactement comme je l'ai recommandé plus tôt dans mon discours.
Le Congrès des Peuples Autochtones et le grand chef de la nation nishnawbe-aski préconisent également l'abrogation de l'article 67. De façon générale, cette mesure recueille l'appui des éditorialistes de toutes les régions du pays.
J'aimerais revenir sur les six points dont j'ai parlé et qui ont également été soulevés par divers experts, dans des rapports antérieurs et au cours de consultations menées auprès des Premières nations. Il nous faut des ressources suffisantes. Il faut envisager d'adopter une disposition interprétative, étant donné la coexistence de différentes cultures. Il faut tenir les consultations qui auraient dû avoir lieu depuis longtemps. Il faut établir un calendrier de mise en oeuvre qui soit réaliste. Il faut examiner les répercussions possibles sur les traités et les droits des Autochtones. Il faut envisager la possibilité de confier la mise en oeuvre de cette mesure à des institutions autochtones.
Enfin, il s'agit d'une question très vaste. Nous pouvons appuyer cette mesure et proposer une solution adaptée au Canada, mais il devra néanmoins y avoir des discussions ouvertes et attentives. Il faudra que les Canadiens saisissent l'importance des droits collectifs, mais aussi qu'ils parviennent à s'entendre sur une solution concrète dans l'intérêt de chacun.
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Monsieur le Président, je suis très privilégié d'avoir la chance de prendre la parole au sujet du projet de loi . Il s'agit d'un projet de loi important puisqu'il concerne une facette importante de la réalité collective et de l'organisation des Premières nations, soit leur rapport aux droits et aux libertés de la personne.
Quand un Québécois pense aux Premières nations, il ne peut s'empêcher de penser à René Lévesque qui, comme chacun le sait, est non seulement le fondateur du Mouvement souveraineté-association, mais aussi un homme qui avait une vision très généreuse de nos rapports avec les Premières nations.
Alors qu'il était premier ministre, René Lévesque a déposé une motion à l'Assemblée nationale pour reconnaître les onze nations autochtones du Québec en tant que nation. Le mot « nation » implique qu'on reconnaît aux gens qu'ils ont une histoire, un langue vernaculaire, des institutions, un vouloir vivre, le contrôle de leur territoire et méritent d'être considérés non pas comme une société, une minorité ou un groupe, mais bel et bien comme une nation.
Le terme « nation » évoque aussi l'autodétermination. L'autodétermination se définit comme étant le droit de décider de son avenir, le droit de décider de son destin et le droit de décider comment entrevoir son évolution future.
Le projet de loi est certainement un projet de loi qu'il faut appuyer au plan du principe. D'ailleurs, je me rappelle très bien que l'ancien juge de la Cour suprême, le juge La Forest, avait reçu un mandat de la part d'Allan Rock ou d'Anne McLellan. Il avait été mandaté par l'un ou l'autre de ces anciens ministres de la Justice pour diriger un groupe de travail sur la modernisation de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Le juge La Forest était arrivé à deux grandes conclusions. Comme tous les gens du Nouveau-Brunswick, il est quelqu'un de profondément attachant.
Le juge La Forest avait conclu qu'il fallait ajouter, à la Loi canadienne sur les droits de la personne, la condition sociale comme motif interdit de discrimination. Aussi invraisemblable que cela puisse paraître, il n'y a pas, dans la Loi canadienne sur les droits de la personne, de dispositions sur la condition sociale comme motif interdit de discrimination. Huit provinces et territoires l'ont. Le Québec a été le premier à l'avoir. Jamais le gouvernement fédéral n'a actualiser la Loi canadienne sur les droits de la personne pour inclure la condition sociale.
Depuis 1997, je dépose moi-même à répétition des projets de loi pour m'assurer que ce soit le cas. D'autres députés l'avaient fait également. Je sais que dans l'autre Chambre, au Sénat, le sénateur Kinsella, qui est entre-temps devenu président du Sénat et qui est un professeur dont la spécialité sont les droits de la personne, avait également déposé un projet de loi à cet effet.
La deuxième recommandation du juge La Forest était de lever cette interdiction en vertu de l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne qui fait en sorte que cette loi s'appliquera. Tous les citoyens québécois et canadiens, quelle que soit leur origine et leur position au sein de la société, qu'ils soient ou non issus d'une Première nation, sont concernés par la Loi canadienne sur les droits de la personne.
Tout d'abord, il faut faire une distinction. La Loi canadienne sur les droits de la personne n'est pas la Charte canadienne des droits et libertés. La Charte est un document constitutionnel adopté en 1982. Rappelons-nous que cette période n'était pas très heureuse pour le Québec, car l'adoption de cette charte avait été faite sans l'assentiment de l'Assemblée nationale.
À l'époque, que ce soit René Lévesque ou Claude Ryan, tout le monde était bien conscient que ce n'était pas une façon de traiter un des peuples fondateurs du Canada, le Québec, qui avait lui-même une expérience tout à fait appréciable en matière de protection des droits de la personne, puisque depuis 1977, il y avait et il y a toujours la Charte québécoise des droits et libertés de la personne, qui offre des garanties judiciaires, des garanties sociales et des droits économiques. De l'avis de tous, c'est un des documents les plus complets en matière de droits de la personne. La Loi canadienne sur les droits de la personne protège les gens qui reçoivent des services du gouvernement fédéral ou dans des domaines qui relèvent de ses des compétences comme les banques, les transporteurs nationaux, les institutions financières, la GRC et le gouvernement fédéral lui-même.
Dès que des institutions, agences ou services du gouvernement fédéral sont concernés, lorsqu'on se croit victime de discrimination, il est possible d'invoquer la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cette dernière a des répercussions très importantes sur le plan des affaires intergouvernementales.
C'est un plaisir pour moi de rappeler combien mon caucus est bien servi en matière d'affaires intergouvernementales puisque c'est la députée de qui s'occupe de ce dossier chez nous, et elle le fait avec autant de délicatesse que d'érudition.
La Loi canadienne sur les droits de la personne prévoit 11 motifs pour lesquels il est interdit de discriminer. Je vous les rappelle de façon à ce que ce soit su: la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion — pour laquelle la Cour suprême a rendu des décisions célèbres —, l'âge, le sexe et l'orientation sexuelle. J'étais moi-même dans cette Chambre lorsque nous avons amendé la Loi canadienne sur les droits de la personne. Cela faisait suite à des jugements qui avaient été rendus et c'était demandé par tous les groupes qui étaient soucieux de protéger les grandes libertés civiles. C'était le ministre de la Justice de l'époque, Allan Rock, qui avait amendé la Loi canadienne sur les droits de la personne. Il a par la suite été nommé par les libéraux aux Nations Unies, mais malheureusement, les conservateurs ne l'ont pas reconduit dans cette fonction.
La Loi canadienne sur les droits de la personne protège nos concitoyens qui reçoivent des services du gouvernement fédéral ou d'une de ses agences contre la discrimination en matière de race, de l'origine ethnique, de la couleur, de la religion, de l'âge, du sexe, de l'orientation sexuelle, de l'état matrimonial — le fait d'être marié ou pas; on sait que des décisions très importantes ont été rendues par la Cour suprême, entre autres, sur la garde et le revenu —, de la situation de famille, de la déficience et, ce qui est plus original, de l'état de personne graciée.
Au moment où cette loi a été adoptée, elle prévoyait à l'article 67:
La présente loi est sans effet sur la Loi sur les Indiens et sur les dispositions prises en vertu de cette loi.
Pourquoi, lorsqu'on a adopté la Loi canadienne sur les droits de la personne, voulait-on soustraire les Premières nations de l'application de cette loi, particulièrement les gens qui vivent dans des réserves? On voulait que cette disposition soit transitoire et on voulait négocier avec les Premières nations une façon de les préparer à prévoir des mécanismes de conciliation, les préparer au fait qu'il pourrait y avoir des dépôts de plaintes à la Commission canadienne des droits de la personne et ultimement la convocation du Tribunal des droits de la personne.
L'article 67 devait avoir un caractère transitoire, temporaire, et non pas permanent. Les différents gouvernements qui se sont succédé ont failli à leur tâche de négocier avec les Premières nations.
Ce n'est pas la première fois, mon collègue de Chambly me le rappelle. Lui-même pourrait nous donner des exemples à satiété concernant l'assurance-emploi et le Programme d'aide aux travailleurs âgés (PATA). Les exemples sont nombreux de gouvernements qui prennent des engagements mais qui font preuve de défaillance lorsqu'il s'agit de les réaliser.
Le gouvernement n'a pas négocié pour qu'on prévoie des mécanismes adaptés à la condition des Premières nations. On comprend qu'il s'agit des domaines de la culture, du patrimoine, des traditions et du système de la justice. Comment ne pas se rappeler, par exemple, la façon dont les Autochtones envisagent la justice?
D'ailleurs, un excellent rapport été déposé par la Commission de réforme du droit à ce sujet. Les conservateurs ont aboli cette commission. Pouvait-on imaginer qu'on pouvait avoir l'âme assez basse et le palais assez noir pour abolir un organisme consultatif de cette importance? Cet organisme a d'ailleurs été présidé par la doyenne de la Faculté de droit de l'Université d'Ottawa, Mme Nathalie Des Rosiers.
Quelle n'a pas été notre stupéfaction de constater que ce gouvernement n'aime pas le travail intellectuel. Ce gouvernement ne veut pas créer d'espaces de réflexion susceptibles de le confronter à ses valeurs et à sa vision qui, reconnaissons-le, est une vision de droite. C'est la différence entre les conservateurs et les libéraux. Je ne dis pas que les libéraux sont exempts de reproches, mais les conservateurs font la preuve, depuis qu'ils sont au gouvernement, que non seulement la droite économique existe, mais qu'une droite sociale existe également. Il y avait longtemps qu'on n'avait pas vu un gouvernement nous faire cette démonstration.
Comment ne pas se scandaliser, par exemple, du fait que ce gouvernement prévoie couper 2 milliards de dollars, non pas dans les abris fiscaux ni dans les subventions aux pétrolières, mais dans les programmes d'alphabétisation, dans ceux de Condition féminine Canada et dans des programmes où nos concitoyens ont besoin d'aide.
Revenons au projet de loi . Ce qui est vraiment triste dans ce projet de loi, ce n'est pas le principe. On convient que les nations autochtones sont différentes — je le rappelais d'ailleurs — sur le plan de la justice. À ce sujet, la Commission canadienne du droit nous a rappelé que la réparation est possible, et pas seulement la réparation sous forme d'amendes et d'emprisonnement. Lorsque survient un délit dans une communauté autochtone, on s'assoit en cercle et on cherche comment il peut y avoir réparation. Cette dernière peut impliquer que l'auteur du crime se mette concrètement au service de la victime. Il y a toutes sortes de moyens innovateurs et pas mal plus intéressants d'envisager la justice que nos mécanismes conventionnels de détermination de la peine.
On en convient en 2007, cette spécificité des Autochtones ne peut pas les mettre à l'abri d'offrir des garanties étanches en matière de droits de la personne. On ne peut plus supporter qu'il y ait deux catégories de citoyens: ceux qui sont couverts par la Loi canadienne sur les droits de la personne et qui peuvent l'invoquer lorsqu'il survient de la discrimination, et ceux qui en sont soustraits.
Le Bloc québécois est d'accord pour que l'article 67 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, un peu comme l'avait rappelé le juge La Forest, puisse être exclu de la loi.
Toutefois, il y a quelque chose que nous ne comprenons pas. Nos porte-parole qui siègent au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord le savent. Nous ne comprenons pas qu'il n'y ait pas eu de consultations préalables avec les groupes autochtones et avec les Premières nations.
À partir du moment où l'on mettra fin à l'article 67, il est vrai que le projet de loi prévoit une période transitoire de six mois. Toutefois, c'est bien peu compte tenu des ajustements qui seront nécessaires.
D'ailleurs, la Cour suprême, dans l'arrêt Delgamuukw, dans l'arrêt Mitchell et dans combien d'autres, nous a rappelé d'abord que le gouvernement fédéral a une responsabilité particulière envers les Autochtones: il en est le fiduciaire. Lorsqu'on a adopté la Charte en 1982, on a reconnu, à l'article 35, des droits spécifiques pour les Premières nations, des droits ancestraux, des droits qui découlent du fait qu'ils ont été les premiers occupants de ce territoire. Il n'est pas acceptable que le gouvernement fédéral, dans ses obligations de fiduciaire, ne consulte pas les Premières nations.
Encore une fois, le principe ne pose aucun problème au Bloc québécois. Nous convenons que 30 ans après l'adoption de la Loi canadienne sur les droits de la personne, il est concevable, normal et souhaitable que les Premières nations puissent jouir de la même protection, des mêmes droits et des mêmes garanties constitutionnelles. Lorsque survient de la discrimination, elles doivent pouvoir déposer une plainte devant la Commission canadienne des droits de la personne, et ultimement convoquer un tribunal des droits de la personne, si cela s'impose.
C'est la responsabilité fiduciaire du gouvernement fédéral. D'ailleurs, si le député d'Abitibi était avec nous aujourd'hui, il nous le rappellerait. Notre collègue qui siège au Comité permanent des affaires autochtones et du développement du Grand Nord nous le rappellerait aussi. Si le gouvernement fédéral a une responsabilité comme fiduciaire, c'est bien celle de ne jamais poser des gestes qui ne seraient pas précédés d'une intense consultation.
Voilà la tristesse de la situation dans laquelle on se trouve. On apprend que parmi les Premières nations, que ce soit leur porte-parole autorisé, M. Phil Fontaine, chef de l'Assemblée des Premières nations, que ce soit les groupes de femmes ou les jeunes, personne n'a été consulté. Nous croyons que ce n'est pas une façon de faire les choses.
Parce que ces groupes n'ont pas été consultés, c'est une tache sérieuse dans le dossier des relations du gouvernement fédéral avec les Premières nations. Évidemment, ce n'est pas la seule. On sait combien ce gouvernement a un lourd bilan en ce qui concerne les Premières nations, particulièrement en matière de logement.
On sait que les Premières nations sont un peuple jeune. Sur le plan de la démographie et quand on regarde l'ensemble des indices, on constate que c'est un peuple dynamique. C'est un peuple où le taux de natalité est extrêmement élevé. Chez les Premières nations, les peuples autochtones sont constitués, selon la démographie, d'un segment important de jeunes. Une fois cette réalité mise en perspective, toute la question de l'accès à un logement équitable s'impose.
Le gouvernement a une responsabilité de fiduciaire à l'endroit des Premières nations. Nous sommes tristes de constater qu'il s'acquitte très mal de ses responsabilités et qu'il n'a pas mis sur la table les ressources nécessaires en matière de logement.
Puisque l'on m'indique que mon temps fuit et s'écoule, je vais donc conclure en disant que le Bloc québécois est favorable au projet de loi . Il l'était lorsque le juge La Forest a remis ses recommandations en 2002. Nous sommes favorables à ce que les droits et libertés de la personne jouissent d'une parfaite égalité, tant chez les Premières nations qui vivent dans les réserves que partout au Canada et au Québec. Néanmoins, nous sommes tristes du fait qu'aucune consultation adéquate à l'endroit des Premières nations n'ait eu lieu. Nous espérons que le gouvernement en tirera les leçons qui s'imposent et qu'il ne récidivera pas sans faire de consultations.